Conclusions
Les participants américains acceptent davantage la
pratique, les allemands étant plus critiques à cet égard.
Les différences d'opinions et de convictions amènent à
croire que la culture est un élément déterminant dans
l'acceptation de la pratique, et donc dans son efficacité. Il faudrait
donc être attentifs à ne pas utiliser cette méthode
à outrance, notamment pour des films destinés à
l'export.
Limites
Il aurait pu être intéressant d'approfondir
l'étude de certains aspects, notamment analyser les
différences entre les types de spectateurs (par âge, sexe, CSP,
fréquence, etc.).
Si les participants sont assez représentatifs de la
population du fait de leur forte fréquentation, l'échantillon
n'est évidemment pas exhaustif et pourrait être élargi. En
outre, les participants étant tous étudiants en gestion et en
communication, leurs opinions sur la publicité et sur la pratique du
placement de produit peuvent être plus tranchées.
Il faudrait donc élargir l'étude à des
échantillons plus hétérogènes, sur davantage de
pays.
Il peut également être significatif de comparer
les attitudes observées face à la publicité en
général de celles observées face au placement de
produit.
Product Placement in Movies: A Cross-Cultural
Analysis of Austrian, French and American Consumer's Attitudes Toward This
Emerging, International Promotional Medium
Stephen J. Gould, Pola B. Gupta & Sonja Grabner-Krauter
(2000), «Product Placement in Movies: A Cross-Cultural Analysis of
Austrian, French and American Consumer's Attitudes Toward This Emerging,
International Promotional Medium», Journal of Advertising, Winter
2000, 29, 4 ; p. 41-58.
L'objectif principal de cet article est de tester la
validité de l'approche développée par Gupta et Gould
(1997) à travers une étude inter-culturelle des attitudes des
consommateurs américains, autrichiens et français.
Considérant l'intérêt croissant des industriels face aux
pratiques de marketing et de communication intégrées, et
étant donné qu'un film a souvent pour vocation d'être
diffusé à l'international, il est intéressant de se
pencher sur les potentielles différences d'acceptation et de
comportement face au placement de produits dans les films, non seulement en
fonction de critères intra-nationaux (sexe, csp), mais surtout
internationaux (le spectateur français réagit-il de la même
manière que le spectateur américain devant un placement ?).
En effet, DeLorme et ses collègues (DeLorme , Reid et Zimmer 1994,
DeLorme et Reid 1999) ont montré que le consommateur associait l'univers
du film, donc du placement, avec leur propre univers social.
Ne possédant pas d'études
précédentes sur le sujet, les auteurs partent du postulat selon
lequel l'attitude face au placement de produit sera similaire à
l'attitude face à la publicité en général, les deux
pratiques ayant de nombreuses caractéristiques communes. On remarquera
ainsi que les français sont davantage sensibles aux messages de nature
émotionnelle qu'aux publicités informationnelles, beaucoup plus
courantes aux Etats-Unis, et que les méthodes publicitaires varient
sensiblement d'un pays à l'autre.
Hypothèses
Les français préférant les
publicités de nature émotionnelle, on peut supposer qu'ils
accepteront moins bien le placement de marques que les américains,
pratique relativement intrusive et de nature davantage informationnelle
qu'émotionnelle. De même, les autrichiens, peu enclins aux
pratiques de communication américaines (Rawwas 1996) et méfiants
face aux messages publicitaires (Beatson 1984), sont susceptibles d'être
plus sceptiques face au placement de produits que les américains.
Hypothèse 1a : l'acceptation des placements de
produits éthiquement sensibles différera en fonction du pays
Hypothèse 1b : Les consommateurs américains
accepteront davantage le placement de produits que les autrichiens et les
français.
Il a été démontré à
plusieurs reprises qu'il existe également des différences
individuelles dans l'acceptation de la pratique au sein d'un même pays.
Ainsi, plusieurs auteurs tels que Gupta et Gould (1997), Milner, Fodness et
Morisson (1991) ou encore Van Roosmalen et MacDaniel (1992) ont montré
que les hommes acceptent davantage les placements de produits chargés
éthiquement (tabac, alcool, armes) que les femmes, de même que les
cinéphiles acceptent davantage la pratique que les personnes allant
moins souvent au cinéma. Russell (1998) confirme cette dernière
remarque en expliquant qu'il existe un schéma liant l'affect et
l'attitude, et donc l'acceptation du placement de marques : un
cinéphile appréciera davantage un film en général,
et donc les placements qui y sont intégrés.
Hypothèse 2a : quel que soit le pays, il y aura
une interaction entre le produit placé et le sexe du spectateur
vis-à-vis de l'acceptation des produits placés.
Hypothèse 2b : les hommes accepteront davantage le
placement de produits éthiquement sensibles que les femmes, mais il n'y
aura pas de différence pour les produits
« classiques ».
Hypothèse 3 : Quel que soit le pays, les
cinéphiles accepteront davantage le placement de produits que les
consommateurs modérés.
Hypothèse 4 : Quel que soit le pays, une attitude
positive face au placement en général entraînera une
meilleure acceptation des produits placés.
Les hypothèses suivantes s'intéresseront aux
effets de la pratique sur le comportement d'achat.
Hypothèse 5a : Il y aura une différence en
fonction du pays sur les intentions d'achats d'une marque placée dans un
film.
Hypothèse 5b : Les Américains
présenteront davantage d'intentions d'achat que les français ou
les autrichiens.
Hypothèse 6 : Quel que soit le pays, les hommes
présenteront des intentions d'achat plus fortes que les femmes.
Hypothèse 7 : Quel que soit le pays, les
participants regardant souvent des films auront des intentions d'achat plus
marquées que ceux qui ne regardent que peu de films.
Hypothèse 8 : Quel que soit le pays, une attitude
positive face au placement en général entraînera des
intentions d'achat plus marquées.
Méthode
Echantillons
L'échantillon de Gupta et Gould de 1997 a
été réutilisé en ce qui concerne les participants
américains, soit 1012 étudiants d'une université du
Midwest, dont 512 femmes et 491 hommes. L'échantillon français
est composé de 204 étudiants dont 99 femmes et 99 hommes, et
l'échantillon autrichien comporte 240 participants dont 115 femmes et
125 hommes.
Tous les participants sont des étudiants principalement
âgés de moins de 25 ans, et les trois échantillons sont
comparables en terme d'occupation.
Questionnaires
Les questionnaires distribués aux participants
comportent les points suivants :
- Définition du placement de produits ;
- Questions d'attitude générale face au
placement de produit, en utilisant une échelle à 5
points ;
- Fréquence de films visionnés, au cinéma
et chez soi ;
- Acceptabilité du placement de 13 produits
différents, en utilisant une échelle à 3 points. Les
produits seront ensuite classés en deux parties, les produits
éthiquement sensibles (alcool etc) et les produits
considérés comme « classiques » ;
- Démographie : âge, sexe, statut marital,
niveau d'études. Seul la variable sexe sera prise en compte.
Résultats
ANOVA - Analyse de la variance pour l'acceptation
des produits sensibles / « classiques »
Pour évaluer l'acceptation, une analyse croisée
d'un certain nombre de variables est faite (pays, sexe, nombre de films vus,
qualification des produits placés).
On remarque en premier lieu que l'hypothèse 1a est
validée : le pays de résidence a un impact sur l'acceptation
des produits placés.
De la même manière, l'hypothèse 1b est
validée : les américains sont plus favorables que les
autrichiens et les français au placement de produits.
Confirmant les hypothèses 2a et 2b, l'analyse montre
que le sexe du spectateur a un effet sur l'acceptation de la pratique, et les
hommes acceptent plus facilement que des produits
« sensibles » soient placés.
Enfin, l'hypothèse 3 est en partie validée,
présentant un schéma similaire à l'impact du sexe :
les personnes visionnant souvent des films acceptent davantage le placement de
produits « sensibles » que celles qui regardent peu de
films, mais il n'y a pas de différence pour les produits dits
« classiques ».
Méthode de régression pour
l'acceptation du placement de produits
Dans la lignée de l'étude de Gupta et Gould de
1997, 3 variables sont construites :
- Total de tous les produits jugés acceptables pour le
placement ;
- Total des produits éthiquement sensibles jugés
acceptables par les participants ;
- Total des produits « classiques »
jugés acceptables par les participants.
On reprend également les 4 mesures exploratoires
d'attitude utilisées dans la même étude :
- Attitude face au placement de produit en
général ;
- Réalisme perçu (considèrent que le
placement participe au réalisme du film) ;
- Restriction (prônent la restriction de certains
placements de produits « sensibles ») ;
- Attitudes face à la publicité
télévisuelle en général, comme un indicateur de
l'attitude face au placement de produits.
Si ces quatre facteurs diffèrent sensiblement pour les
participants français et autrichiens, les auteurs
préfèrent les garder pour permettre une régression avec
des variables comparables.
On constate qu'une attitude positive face au placement en
général entraîne une bonne acceptation des placements, et
qu'une volonté de restriction de certaines catégories de produits
placés mène à une moins bonne acceptation de la pratique.
En outre, les participants qui pensaient que le placement de produits participe
au réalisme du film acceptent également davantage la pratique.
Ces résultats indiquent donc que l'hypothèse 4 est
validée : une attitude positive face au placement en
général entraîne une meilleure acceptation des produits
placés.
Analyse de la variance et méthode de
régression pour l'intention d'achat
Pour évaluer l'intention d'achat, une analyse
croisée d'un certain nombre de variables est faite (pays, sexe et nombre
de films vus).
On constate que le pays et le sexe ont un impact significatif
sur les intentions d'achat. A travers des comparaisons, on peut noter que les
américains présentent des intentions plus marquées que les
autrichiens ou les français. Les hypothèses 5a et 5b sont donc
validées.
La poursuite de l'analyse des données montre que
l'hypothèse 6 est validée, les hommes présentent des
intentions d'achat plus marquées que les femmes, en revanche
l'hypothèse 7 n'est pas validée, la fréquence de
visualisation de films n'influe pas sur l'intention d'achat.
Pour tester l'hypothèse 8, une analyse par la
méthode de régression est menée, intégrant
l'ensemble des variables. Les résultats confirment
l'hypothèse : une attitude positive face à la pratique du
placement de produits influe sur les intentions d'achat des consommateurs.
Discussion
Limites
L'utilisation d'une échelle différente de
l'échelle d'acceptabilité à trois points de Gupta et Gould
aurait pu donner des résultats différents. En outre, les
résultats ne sont pas exhaustifs, puisqu'ils ne sont basés que
sur trois pays, or les films à la distribution internationale sont bien
souvent visionnés dans le monde entier. L'Asie, par exemple, serait un
continent très intéressant à évaluer, si l'on
considère l'explosion de la consommation dans certains de ses pays.
Implications
En termes managériaux, les résultats mettent en
lumière les différences qui persistent à travers les pays.
Les annonceurs devraient mettre en place leurs stratégies en fonction du
type de campagne qu'ils recherchent. Pour un produit ou une campagne de
communication standardisée, le placement de produit parait idéal,
notamment s'il est associé à des actions supplémentaires
de communication locale utilisant d'autres médias (Grein et Gould 1996).
En revanche, si les caractéristiques du produit ou de la marque sont
particulières (les produits « sensibles » qui ne
sont pas très appréciés lorsque placés, par
exemple), des campagnes de publicités différentes et
adaptées à chaque marché local peuvent être plus
efficaces en termes d'intentions d'achat, et permettraient d'éviter de
mauvaises interprétations liées aux différences
culturelles.
Les différences d'attitudes remarquées en
fonction du sexe de l'audience sont également un élément
capital à prendre en compte, d'autant plus que bien souvent les films
ciblent un sexe plus que l'autre (pour caricaturer : comédies
romantiques pour les femmes et films de guerre pour les hommes).
Annexe 3.
Résumés de publications annexes ayant servi à
l'élaboration du corps du mémoire
Investigating the Effectiveness of Product
Placements in Television Shows: The Role of Modality and Plot Connexion
Congruence on Brand Memory and Attitude
Cristel Antonia Russell (2002), «Investigating the
Effectiveness of Product Placements in Television Shows: The Role of Modality
and Plot Connexion Congruence on Brand Memory and Attitude», Journal
of Consumer Research, Dec 2002, 29, 3 ; p. 306-319.
Cet article développe et teste un cadre conceptuel
destiné à la pratique du placement de produits, par une approche
expérimentale contrôlée appelée la
méthodologie de mise en scène (« theatre
methodology »). L'étude cherche à évaluer le
rôle de la modalité et de la concordance vis-à-vis de
l'intrigue que détient un placement sur la mémoire et sur
l'attitude du spectateur face à la marque. Après avoir
présenté les études précédentes
menées sur le sujet, l'auteur explique que si ces dernières ont
montré que les consommateurs peuvent se souvenir des marques
placées, on ne connaît pas les facteurs qui déclenchent
cette mémorisation. L'étude va donc chercher à
déterminer si certains placements sont plus efficaces que d'autres, et
si les consommateurs ont nécessairement besoin de se souvenir des
marques pour que leur attitude soit modifiée d'une manière
positive. Pour répondre à ces problématiques, on va
chercher à identifier les effets psychologiques du placement de marques
sur le spectateur.
L'absence de corrélation entre les mesures de la
mémoire et de l'attitude met en doute le postulat selon lequel un taux
de rappel élevé entraîne une attitude favorable, et
suggère que cette relation n'est pas nécessairement
linéaire.
L'auteur catégorise la pratique selon 3 critères
distincts : le placement visuel, le placement auditif et le placement
lié à l'intrigue (Russell 1998).
Modalité
Le canal visuel est utilisé pour créer le
contexte dans lequel l'histoire est racontée (de réels produits
sont utilisés sur les plateaux pour les rendre crédibles). Le
canal auditif, en revanche, présente un impact plus important car c'est
lui qui transmet l'information. Ce dernier est considéré comme
possédant des propriétés plus intrusives pour l'audience.
Ces modalités de diffusions sont importantes à
prendre en compte car ce sont elles qui vont déterminer l'impact du
stimulus et donc l'intégration cognitive de l'information chez le
spectateur. Elles vont donc déterminer l'importance du taux de
rappel.
Concordance avec l'intrigue - congruence
Robben, Cowen et MacDonald ont montré en 1996 que des
informations implicites liées à l'intrigue ou la narration
principale présentent un meilleur taux de rappel que des informations
explicites liées à l'intrigue secondaire, car elles sont
liées à la compréhension même de l'histoire. Le
degré de rapport avec l'intrigue, ou de congruence, a donc un rôle
essentiel dans l'efficacité du placement.
Modalité et congruence
Mandler en 1982 explique qu'une information congruente ne
demande que peu de réflexion et d'élaboration pour le spectateur,
mais qu'au contraire une information incongrue déclenche une
réflexion et par conséquent améliore la mémoire du
placement.
En revanche, comme Lee et Mason en 1999, Meyers-Levy et Tybout
en 1989 ainsi que Friedstad et Wright en 1995 l'ont montré, lorsque
l'information est trop incongrue, l'attention devient très
élevée et des mécanismes de correction, de
contre-argumentation ou de rejet apparaissent et le placement de produit est
perçu comme inapproprié. Ainsi, si les modalités (visuel
et/ou auditif) et la corrélation avec l'intrigue concordent, on
réussit à obtenir des attitudes favorables, mais la tendance
risque de s'inverser si les deux critères ne s'accordent pas.
Hypothèses
1. Un placement visuel très congruent (central dans
l'intrigue) sera mieux mémorisé qu'un placement visuel peu
congruent (accessoire à l'intrigue), mais le niveau de congruence
n'affectera pas l'efficacité d'un placement audio.
2. Un placement visuel peu congruent sera plus persuasif (donc
entraînera un changement positif d'attitude) qu'un placement visuel
très congruent, et un placement audio très congruent sera plus
persuasif qu'un placement audio peu congruent.
Méthodologie de la mise en scène
(« Theater Methodology »)
La méthodologie de la mise en scène consiste
à recréer un plateau de télévision. Cela permet
d'augmenter le degré de contrôle expérimental tout en
offrant des conditions similaires aux plateaux existants. En outre, le fait
d'utiliser une mise en scène « naturelle » permet
d'éviter que les sujets soient plus réactifs et présentent
des réponses plus tranchées aux stimuli qu'ils ne le devraient.
Les participants qui semblaient soupçonner le but de
l'expérience ont été rejetés, afin d'être
sûr de n'avoir que des sujets aux réactions
« naturelles ». Les produits placés étaient
de la catégorie nourriture et boissons, et ont été
testées préalablement pour être certains qu'ils
présentaient des degrés de familiarité
équivalents.
L'auteur s'est attaché à ce que la mise en
scène soit la plus réaliste possible.
Expérience
5 groupes de 30 étudiants en marketing ont
participé à l'expérience en assistant à une des 3
versions présentées dont les placements étaient visuels
et/ou audio, et très congruents et/ou peu congruents. 3 questionnaires
sont distribués après la présentation, le 1er
n'étant pas en rapport avec l'étude, demandant d'évaluer
le show et de noter l'appréciation. Le but ici est d'identifier les
personnes soupçonneuses et de récolter des informations
démographiques. Le second est supposé être une
expérience totalement différente, un nouvel animateur distribue
un questionnaire demandant de noter (j'aime, je n'aime pas) 29 marques de
produits. L'animateur du début revient pour distribuer un
3ème questionnaire, prétextant qu'il l'avait
oublié, dans lequel il faut remplir une échelle d'attitude face
au placement de produits à 15 points, adaptée de Gupta et Gould
(1997).
Résultats
Par une analyse de la variance (ANOVA)
« rappel », et des tests de contrastes, l'hypothèse
1 est validée. Les placements peu congruents ont été mieux
mémorisés lorsqu'ils étaient visuels, mais pas lorsqu'ils
étaient auditifs.
Pour vérifier l'hypothèse 2, plusieurs analyses
sont menées. Premièrement, une analyse de la variance
« attitude » (différence entre le score de la marque
avant et après l'expérience) montre qu'il y a effectivement une
interaction entre la modalité et le degré de congruence. Des
analyses des contrastes confirment alors que l'hypothèse 2 est
vérifiée. Les placements congruents ont été plus
persuasifs que les placements peu congruents.
Discussion
La modalité et le degré de congruence ont donc
étés identifiés comme étant deux facteurs
importants dans le placement d'un produit à travers le fait qu'ils
interagissent pour influencer la mémoire et l'attitude.
L'expérience montre en outre que les conditions maximisant le taux de
rappel ne jouent pas nécessairement en faveur du changement
d'attitude.
Contributions théoriques
Les conclusions de l'étude montrent que la relation
entre la mémoire et l'attitude n'est pas linéaire : ce n'est
pas parce qu'une personne se souvient d'avoir vu ou entendu une marque que son
attitude face à cette marque va pour autant changer.
Les résultats supportent les théories
précédemment existantes. En effet, Friedstad et Wright avaient
démontré en 1995 que lorsque la modalité de
présentation d'une marque n'est pas en accord avec le degré de
congruence, le spectateur tend à réfléchir aux raisons de
cette présence et se protège. De leur côté, Campbell
et Kirmani ont montré en 2000 qu'en revanche, lorsque la modalité
et le degré de congruence concordent, le placement apparaît comme
naturel le spectateur fait moins d'effort pour analyser la raison de la
présence de la marque, et change donc plus facilement d'attitude.
Le fait que les placements visuels peu congruents sont moins
mémorisés mais amènent à des changements d'attitude
plus conséquents sont en accord avec le modèle de
probabilité d'élaboration (« Elaboratoion Likelihood
Model ») de Petty et Cacioppo (1986) ainsi qu'avec l'effet de la
faible exposition (« mere exposure effect ») de Zajonc
(1968).
Implications
Des résultats de cette étude on pourrait
recommander deux stratégies de placement de produits tout autant
efficaces en termes de persuasion mais radicalement différentes :
un placement audio en relation directe avec l'intrigue, ou un placement visuel
qui n'a pas de lien avec l'intrigue, dans le décors ou en tant
qu'accessoire. La première stratégie est évidemment la
plus onéreuse et demande le plus de travail dans les relations entre
l'annonceur et l'équipe du film. En outre il est possible qu'elle soit
moins bien acceptée, et le risque de rejet est important si le placement
est « déplacé », ou mal intégré
dans l'intrigue. Un placement visuel discret semble donc être l'option la
plus réaliste, représentant un investissement et un rique
moindres.
Limites de l'étude
La création d'un plateau n'est évidemment pas
parfaitement ressemblant à la réalité, et peut donc
affaiblir la validité externe des données
récoltées. L'interactivité entre les spectateurs et le
show ou les personnages, par exemple, et donc la possibilité que
l'audience se focalise ou s'éloigne d'un aspect de l'histoire ou d'un
personnage, n'a pas pu être prise en compte.
Il serait intéressant de se pencher sur un réel
show télévisé, ou d'étudier les effets d'une
exposition répétée, voire même d'étudier les
différentes connexions possibles à l'intrigue, comme Russel et
Puto l'ont fait remarquer (2001).
Exploring Children's Choice: The Reminder Effect of
Product Placement
Susan Auty & Charlie Lewis (2004), «Exploring
Children's Choice: The Reminder Effect of Product Placement»,
Psychology & Marketing, Septembre 2004, 21, 9; p. 697-713.
Faisant suite aux travaux menés
précédemment sur l'effet du placement de marques sur les enfants,
notamment ceux de Vollmers en 1995 qui cherchaient à recueillir et
analyser le taux de rappel sur des marques spécifiques, le but de
l'étude menée ici par Auty et Lewis est de déterminer si
les enfants sont conscients de la pratique et donc de l'apparition à
l'écran de produits placés. Les auteurs chercheront
également à examiner expérimentalement l'effet du
placement de marques sur le choix.
Les auteurs reprennent la distinction de Roedder de 1981, qui
classifie l'audience jeune par tranches d'âge, en fonction des
capacités de compréhension et de traitement de l'information. On
a donc trois catégories principales : les processeurs
limités (« limited processors ») jusqu'à 8
ans, les processeurs positionnés (« cued
processors ») qui ont entre 8 et 12 ans, et les processeurs
stratégiques (« strategic processors »),
âgés de 13 ans et plus.
Mere Exposure Theory :
Le placement de produit peut être assimilé
à un message subliminal, car il peut ne pas être traité
consciencieusement, et ce même pour un spectateur en ayant les
capacités. Les effets du placement de produits peuvent donc être
développés à travers l'effet de répétition
(« mere exposure »), sans dépendre de l'âge ou
des capacités d'intégration du message.
Le traitement limité qu'induit l'exposition à un
placement de produit discret est suffisant pour créer un sentiment de
familiarité, sentiment qui plus tard sera assimilé à une
préférence lors du stimulus d'achat (Janiszewski 1993, Zajonc
1980).
La théorie est renforcée par les travaux de
Nordhielm en 2002 qui confirment l'importance de la mémoire implicite
sur l'affect et le choix. Selon ses conclusions, un message qui n'est que
fortuitement traité (c'est-à-dire vu mais pas
mémorisé, donc pas rappelé) et que l'on
répète plus de 25 fois obtient de meilleurs résultats en
terme de choix dans l'achat qu'un message traité sémantiquement
(vu, mémorisé et rappelé).
Cette théorie, appliquée à des enfants
n'ayant pas les capacités cognitives pour être conscients ou
comprendre le placement de produits (les processeurs limités de moins de
8 ans par exemple), peut s'avérer très intéressante.
Hypothèses
L'exposition au placement peut donc être
influencée par les capacités cognitives (l'âge) et une
mémorisation explicite, pour amener le spectateur au choix. Un chemin
indépendant existe également, influencé par une
mémorisation implicite et par une exposition antérieure au
placement.
Exposition actuelle au placement de produit
Capacités cognitives (âge)
Mémorisation explicite
Choix de la marque
Précédente exposition au placement de produit
Mémorisation implicite
Modèle effectif de l'effet du placement de marques
sur le choix chez les enfants
Comme montré ci-dessus, on considère le choix de
la marque comme la variable dépendante, et on a deux variables
indépendantes : l'effet de l'exposition au placement,
influencé par l'âge et qui entraîne le rappel puis le choix,
et l'effet de l'exposition antérieure qui entraîne la
mémorisation implicite puis le choix.
Hypothèse 1 : Les enfants exposés au
placement de produit choisiront une marque différente le jour de
l'exposition que les enfants qui n'auront pas vu la projection.
Hypothèse 2 :
a) Il y aura une différence dans le taux de rappel de
la marque entre les processeurs positionnés (11 à 12 ans) et les
processeurs limités (6-7 ans).
b) Il y aura une différence dans le choix de marque
entre les enfants qui ont correctement mémorisé la marque et ceux
qui ne l'ont pas mémorisée.
Hypothèse 3 : Les enfants ayant déjà
vu le film auparavant vont choisir une marque différente que ceux qui ne
l'ont pas déjà vu.
Hypothèse 4 : Parmi les enfants ayant
déjà vu le film, ceux qui ont vu le placement choisiront une
marque différente de ceux qui n'ont pas vu le placement.
Hypothèse 5 : Parmi ceux qui n'ont pas
déjà vu le film, ceux qui verront le placement choisiront une
marque différente de ceux qui ne le verront pas.
On va donc chercher à regarder si le choix d'une marque
de boisson est lié à la marque placée dans l'extrait de
film, et dans l'affirmative, si les enfants se souviennent explicitement de la
marque, indiquant une réflexion cognitive, ou si c'était
uniquement la conséquence d'une simple exposition. L'effet de
l'exposition antérieure sera également mesurée afin
d'analyser la force de l'effet de la simple exposition, et donc de l'importance
de la mémoire implicite sur le choix.
Méthode
105 enfants ont participé à l'étude, 48
ayant entre 11 et 12 ans et provenant d'un collège public du
Royaume-Uni, et le reste ayant entre 6 à 7 ans, élèves
d'une école primaire.
L'expérience consiste en la projection de deux passages
du film « Maman j'ai raté l'avion », de courte
durée (1min 50), et dans lesquelles on peut voir la famille assise
autour de la table pour le dîner. Dans le premier extrait, on peut voie
une bouteille de Pepsi au milieu de la table. La marque est en outre
citée oralement et la bouteille se renverse, en faisant un
élément central de la scène. Le second extrait fait office
d'expérience témoin, montrant une scène similaire, mais
sans marques visuellement ou oralement apparentes. L'attention est
également attirée sur la nourriture, mais sans citer de marque
cette fois.
« Maman j'ai raté l'avion » a
été choisi car il peut être vu par les deux groupes
d'âge et est très apprécié des deux sexes. Il est
sorti en salles il y a plus de 10 ans, les enfants l'ont donc sûrement
déjà vu.
Pepsi est considéré comme étant une
marque adéquate pour tester les préférences car c'est une
marque connue, sans pour autant être leader en Angleterre.
Procédure
La variable indépendante est le type d'exposition (avec
ou sans placement), qui influe sur la variable dépendante, le choix de
la boisson après exposition. L'exposition antérieure est une
variable mesurable. Les participants, divisés en deux groupes, sont
emmenés à part pour voir leur extrait respectif, puis les enfants
sont appelés au hasard afin d'être questionnés. Avant
l'interview, ils doivent choisir un verre parmi plusieurs, les uns contenant du
Coca-cola, les autres du Pepsi. Les questions posées par les animateurs
doivent permettre à l'enfant de citer la marque placée, en allant
du plus général (« Que penses-tu de cet
extrait ? ») au plus spécifique (« Quel
était le nom de la boisson ? »). On mesure le nombre de
questions nécessaires à la citation de la marque. L'entretien se
termine par une question demandant si le participant a déjà vu le
film, et si oui, combien de fois.
Résultats
L'analyse des résultats confirme l'hypothèse
1 : le groupe de contrôle choisit le Pepsi à 42%, alors que
le groupe expérimental (celui ayant vu l'extrait avec placement) choisit
le Pepsi à 62%. Sachant que la moyenne nationale est de 25% pour Pepsi,
on peut dire que les enfants exposés au placement ne choisissent pas la
même marque que ceux qui ne sont pas exposés.
67% des 11-12 ans réussissent à se rappeler de
la marque, contre 50% pour les 6-7 ans, écart qui n'est pas assez
significatif statistiquement. L'hypothèse 2 a) n'est donc pas
validée, l'âge n'influe pas sur la mémorisation. La
différence dans le choix n'est pas non plus significative,
l'hypothèse 2 b) n'est également pas validée.
Si la mémorisation de la marque est effectivement
influencée par une exposition répétée, comme on l'a
dit plus haut, l'analyse du choix ici infirme l'hypothèse 3 : ceux
qui ont vu le film auparavant ne choisissent pas différemment de ceux
qui ne l'ont pas vu, la répétition n'influence pas le choix de
marque.
L'hypothèse 4 est validée : parmi les
participants ayant déjà vu le film, ceux à qui l'on a
projeté l'extrait avec placement choissent davantage le Pepsi que ceux
qui ont vu l'extrait témoin.
L'invalidation de l'hypothèse 5 est importante. En
effet, parmi ceux qui n'avaient jamais vu le film auparavant, être
exposé aux extraits avec ou sans placement ne semble pas changer leur
choix. En conséquence, il semblerait que la combinaison d'expositions
antérieures et de rappel serait le moyen le plus efficace pour
influencer le choix, en ravivant la mémoire de l'enfant.
Discussion
Trois facteurs supplémentaires devraient être
étudiés dans de futures recherches : l'influence de la
marque favorite du participant, les effets d'une exposition antérieure
(notamment l'effet de la possession du film en vidéo), et le sexe, car
Bijmolt et al. ont remarqué que chez les enfants de bas âge (5-6
ans), les garçons semblaient plus conscients de l'aspect commercial des
publicités télévisées que les filles.
Il aurait également fallu essayer de déterminer
si certains participants avaient deviné l'objet de l'interview afin
d'éliminer les risques d'impartialité dans les
réponses.
Les bons résultats de rappel et le peu de
différence dans le choix entre les deux groupes d'âge peuvent
être expliqués par les travaux de Macklin en 1984, qui montra que
la citation orale du nom de la marque était très efficace chez
les enfants de 6-8 ans, augmentant la reconnaissance du produit en magasin et
le choix.
Dans le nouveau modèle que l'on peu faire de l'effet du
placement de produits sur le choix chez les enfants, l'âge n'est plus
tenu en compte, car les capacités cognitives du spectateur, et donc sa
mémoire explicite, ne semblent pas influencer le choix. Ces
résultats confirment ceux de Nordhielm (2002), selon lesquels la
répétition entraîne une augmentation de l'affect
vis-à-vis d'une marque, mais uniquement lorsque cette
répétition n'est pas traitée en profondeur.
Précédente exposition au film
Mémorisation implicite de la marque
Exposition à la marque du film (rappel)
Choix de la marque
Suggestion de modèle de l'effet du placement de
produit sur le choix chez les enfants
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