INTRODUCTION
La saturation actuelle de l'environnement publicitaire
provoque une prolifération de techniques publicitaires innovantes, qui
tendent à brouiller les frontières existant traditionnellement
entre les messages commerciaux à proprement parler, et le contenu
éditorial des supports dans lesquels ils apparaissent. Il peut s'agir de
publicités conçues de manière à ressembler aux
environnement éditoriaux dans lesquels elles sont placées, comme
les publi-reportages, ou « infomercials » (Fontaine 2002),
ou de programmes intégrant étroitement les marques à leur
contenu, que ce soit dans les jeux vidéo, les programmes
télévisés, films, chansons ou même oeuvres d'arts.
Cette association entre produits griffés et création
audiovisuelle ou musicale a été baptisée placement de
produits, de l'anglais « product placement ».
De part ses caractéristiques originales, une telle
technique, qu'un oeil avisé peut aisément détecter dans la
plupart des oeuvres cinématographiques, constitue un pas vers un nouveau
paysage de la communication publicitaire. En effet, longtemps
considéré comme une technique de communication alternative
plutôt marginale, le placement de produits est en train, petit à
petit, de se banaliser, tirant pleinement profit de la saturation des canaux de
communication traditionnels.
Aujourd'hui, chaque individu sur la planète
ingurgiterait en moyenne plus de 3000 messages commerciaux chaque jour (Lehu
2005), tous médias confondus. Un déferlement qui frise bien
souvent l'overdose aux yeux du consommateur, et le rend de moins en moins
perméable à ce flot de stimuli publicitaires. Pour éviter
de voir leurs campagnes, au demeurant fort coûteuses, se noyer dans le
flot des écrans publicitaires, les annonceurs privilégient donc
désormais les chemins de traverse, ou bien l'association de ces derniers
à des chemins plus classiques, afin de s'assurer une multiplication des
audiences tout en étant présent sur tous les fronts.
Si le placement de produits commence à se
développer un peu partout en Europe, et notamment en France, ce sont les
Etats-Unis qui ont montré la voie depuis de nombreuses années et
en ont fait aujourd'hui un véritable marché parallèle,
voire superposé, à celui du cinéma. Le
phénomène est si prononcé qu'on peut se demander parfois
si ce ne sont pas les marques qui dictent le scénario, comme dans un des
derniers épisodes de James Bond, Die Another Day (2002),
où ce sont pas moins d'une trentaine de produits griffés qui
défilent ostensiblement à l'écran. Rares sont les films
américains aujourd'hui qui n'inscrivent dans leur
générique la liste des partenaires faisant leur apparition dans
une scène du film.
L'engouement des fabricants pour le placement de produits dans
des oeuvres cinématographiques n'est évidemment pas dû au
hasard. La technique a tout pour plaire aux annonceurs. En premier lieu, elle
leur permet de sortir des artères embouteillées de la
publicité classique. Ensuite, cela leur offre l'opportunité de
communiquer dans un environnement nettement plus propice, le grand écran
mettant la marque en valeur sous les yeux d'un consommateur captif. C'est ce
que l'on appellera un message hybride, soit une publicité qui n'a pas
l'air d'en être et qui bénéficie du capital sympathie des
acteurs.
Comment les marques en sont venues à utiliser ce
procédé, et pour quelles raisons ? Sait-on si la technique est
véritablement efficace en termes de mémorisation de la marque
placée et de changement d'attitude ? Quels peuvent être les
facteurs influençant les effets du placement de produits ?
Dans une première partie, que l'on pourrait qualifier
de panorama du placement de produits, nous chercherons à proposer une
définition la plus exhaustive possible, en présentant
l'historique et les raisons de l'apparition de la technique, les
différents types de placements possibles, et comment ces derniers
s'inscrivent dans les campagnes de marketing actuelles. Ce tour d'horizon nous
amènera, dans une seconde partie, à chercher à comprendre,
à travers les travaux existant, comment le placement d'un produit dans
un film peut amener le consommateur à se souvenir de la marque, mais
surtout à changer d'attitude face à cette dernière,
puisque c'est évidemment l'objectif premier de l'annonceur. Pour ce
faire, nous essaierons d'aborder avec le plus de clarté possible les
notions relativement complexes de messages évident et discret, en
s'attachant à montrer comment les différentes expositions
à ces stimuli affectent le rappel et l'attitude du spectateur. La
dernière partie, moins exploratoire, sera axée sur la variable
individu qui peut influencer l'efficacité d'un placement,
c'est-à-dire sur l'opinion du public français sur la pratique.
Après avoir repris les différentes conclusions des principaux
auteurs travaillant sur ce sujet, et en prenant en compte leurs remarques, nous
présenterons la mise en place de notre étude qualitative dont le
but sera de corroborer -ou d'infirmer- les propos de ces derniers. Cette
étude, constituée d'un questionnaire, ciblera principalement les
jeunes de niveau d'études élevé, et abordera les points
centraux vus précédemment, à savoir leur opinion et leurs
croyances sur la pratique, en essayant d'analyser les freins à
l'acceptation de cette dernière, ainsi que l'effet de la
répétition ou des conditions de visualisation des supports de
communication.
Enfin, de ces résultats, on s'attachera à
remettre en lumière les différents facteurs de réussite
d'un placement en France, en les liant aux tendances ressorties de notre
étude, si modeste fut-elle.
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