LA GENESE D'UN PROJET DE RENOUVELLEMENT
URBAIN
Le cas du Bas Chantenay à Nantes
Philippe LASSALE - sous la direction de Mr
André SAUVAGE
Master 2 Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et
Immobilière
Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes
~ 28 septembre 2012 ~
Moskau I, 1916 (c) Adagp, Paris
« Je crois qu'on ne peut trouver notre harmonie
aujourd'hui par des voies géométriques, mais au contraire par
l'anti-géométrique, l'anti-logique le plus absolu ».
- Wassily Kandinsky
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui ont
contribué à la rédaction de ce mémoire. Je remercie
tout particulièrement :
- Monsieur André Sauvage, sociologue et enseignant
tuteur, pour sa disponibilité, ses conseils avisés, et les
longues discussions échangées,
- Monsieur Gilbert Gaultier, Directeur du Master
Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et Immobilière ainsi que de l'Institut
d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes, d'avoir accepté ma
candidature atypique,
- Monsieur Florent Turck, responsable professionnel, pour la
confiance qu'il m'a accordée et renouvelée, en m'accueillant
à Nantes Métropole Aménagement,
Je suis également très reconnaissant envers
Monsieur Franck Savage, Directeur de Nantes Métropole
Aménagement, et envers l'ensemble des collaborateurs de la
société pour leur soutien amical et nos nombreux
échanges.
Je remercie enfin chaleureusement celles et ceux qui ont
accepté, encouragé et soutenu ma démarche de reprise
d'études, en m'offrant la motivation dont j'avais besoin pour aller au
bout de ces deux années, dont l'enrichissement, l'épanouissement
personnel et professionnel, ont bien largement dépassé mes
attentes.
- PRÉAMBULE
Il est délicat de traiter d'un sujet aussi vaste que le
renouvellement urbain d'un quartier. La question de la problématique
s'impose rapidement, et comme pour tout projet urbain, dès lors que l'on
réfléchit à sa mise en place effective, il est difficile
d'en faire une synthèse en abordant la totalité des thèmes
qui peuvent être abordés.
Le sujet de ce travail porte sur le quartier du Bas Chantenay
à Nantes, territoire façonné par son histoire
industrialo-portuaire, autour duquel Nantes Métropole
Aménagement, mandaté par Nantes Métropole, lance un projet
de renouvellement urbain. L'objectif est de transformer ce morceau de ville
enclavé en un lieu proposant davantage de mixité. Le maître
d'ouvrage cherchera à développer projet urbain durable, pour
dessiner un quartier accessible et dynamique.
Un tel sujet, sur un projet d'envergure, soulève des
questions méthodologiques. Par quel bout l'aborder - le réseau
viaire, le foncier, l'espace public, les stratégies juridiques, les
modèles à réinterpréter, l'approche
budgétaire, autant de portes d'entrées qui seraient toutes
pertinentes si elles n'étaient incomplètes. On cherche ici
à produire un mémoire qui présente un intérêt
opérationnel, aussi ténu soit-il, afin d'apporter notre pierre
à l'édifice du projet qui s'annonce. A l'heure où nous
rédigeons ce travail, le maître d'oeuvre et son équipe ne
sont pas encore recrutés, pour des raisons de difficultés dans le
montage juridique du projet. C'est un contretemps fâcheux pour le contenu
de ce mémoire, car nous ne pouvons pas profiter de la présence de
l'urbaniste pour échanger sur les premières remarques et
intentions sur le lieu. Mais c'est un contretemps qui peut aussi
s'avérer bénéfique, puisqu'il nous permet de prendre le
recul qui nous semble nécessaire dans le métier
d'aménageur, et de retranscrire ce que disent et pensent quelques
auteurs sur des notions de renouvellement urbain, de projet durable et d'espace
public. Cela nous permettra par ailleurs de se pencher sur chacune des
candidatures avec attention, et d'en relever les passages pertinents pour
alimenter notre réflexion.
Aussi nous chercherons, non pas à être exhaustifs
puisque nous n'en avons pas la prétention, mais à aborder de la
manière la plus claire possible chacune des problématiques qui
s'imposent, en essayant pour chacune d'apporter un début de
réponse ou des pistes de réflexions. Ce travail sera
appuyé par la reprise du fil du projet et la manière dont il a
été relancé, par des remarques théoriques sur la
place de l'espace public dans la ville, sur l'importance des approches
participatives, sur des éléments de travail internes à
Nantes Métropole Aménagement mais aussi sur les réponses
proposées par les urbanistes candidats dans leur note d'intention.
Cette approche, mêlant apports théoriques,
descriptifs et opérationnels nous permettra, nous l'espérons, de
proposer, pour le projet du Bas Chantenay, une grille de lecture des points
à traiter par et avec le maître d'oeuvre urbain qui sera
recruté. Et ce travail ne sera pas exhaustif, mais il aura le
mérite « pratico-pratique » de coucher en un seul et
même endroit tout ce qui fait le projet du Bas Chantenay à ce
jour, de jouer peut-être un rôle d'archive, qui servira, qui sait,
dans quelques années lorsque l'on cherchera à saisir la
genèse du projet.
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
5
PRÉAMBULE
7
INTRODUCTION
11
PARTIE 1. LA GOUVERNANCE D'UN PROJET DE
RENOUVELLEMENT URBAIN
13
HISTORIQUE DE LA GOUVERNANCE DU BAS CHANTENAY
16
LA RELANCE DU PROJET DE RENOUVELLEMENT
18
UNE DYNAMIQUE GLOBALE SUR LE CoeUR DE
L'AGGLOMÉRATION
19
UN NOUVEAU MANDAT AU BUDGET LIMITÉ
20
QUELLE GOUVERNANCE OPTIMALE ?
22
UNE PROCÉDURE NÉGOCIÉE POUR
CRÉER UN MOTEUR POLITIQUE
23
S'INSPIRER DE PROJETS EXISTANTS
24
SUSCITER L'INTÉRÊT DES CANDIDATS PAR
ACCORD-CADRE DE MAÎTRISE D'oeUVRE
25
INTÉGRER LES MISSIONS DE MAÎTRISE D'oeUVRE
DANS L'ACCORD-CADRE
25
LA FAISABILITÉ JURIDIQUE D'UN ACCORD-CADRE DE
MAÎTRISE D'oeUVRE SANS CONCESSION D'AMÉNAGEMENT
29
UN TERRITOIRE EN COURS DE TRANSFORMATION
30
PARTIE 2. LES ÉLÉMENTS CLÉS DE
L'ANALYSE URBAINE
34
LA PLACE DE L'ESPACE PUBLIC
37
DÉFINITION DE L'ESPACE PUBLIC
37
L'ESPACE PUBLIC, PRODUIT D'UNE VIE ÉCONOMIQUE ET
D'UNE MIXITÉ
38
LA DESTRUCTION DE L'ESPACE PUBLIC PAR LE ZONAGE
MONOFONCTIONNEL
40
LES ENJEUX DE LA CONSULTATION
42
LES ENJEUX DE LA FORME URBAINE
42
LES ENJEUX DE DÉPLACEMENTS ET DE POLARITÉS
44
LES ENJEUX DE LA PROGRAMMATION D'UNE MIXITÉ DE
FONCTIONS
46
LES ENJEUX RÈGLEMENTAIRES : INTÉGRER
DES CONTRAINTES FORTES
46
LES ENJEUX DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS UN
CONTEXTE MÉTROPOLITAIN
49
QUELQUES APPROCHES DE LA TRANSFORMATION DE LA VILLE
53
PARTIE 3. QUELQUES APPROCHES DE STRATÉGIES
D'AMÉNAGEMENT
61
AMÉNAGER SANS MAÎTRISE FONCIÈRE, LA
DÉLICATE QUESTION DU BUDGET
64
UN RENOUVELLEMENT ORIENTÉ PAR LES
OPPORTUNITÉS DU MARCHÉ
64
LE PROCESSUS DE VALORISATION DU FONCIER EN RENOUVELLEMENT
URBAIN
65
ETABLIR UNE STRATÉGIE FONCIÈRE DANS LE
TEMPS
67
DE L'IMPÉRATIF DU PARTENARIAT AVEC LES GRANDS
ACTEURS FONCIERS
69
REGROUPER DES ACTEURS AUX AMBITIONS DIVERGENTES
69
CRÉER DES STRUCTURES DE PARTENARIAT POUR IMPLIQUER
LE SECTEUR PRIVÉ
70
LE CAS DES OCCUPATIONS TEMPORAIRES
72
L'ARTISTIQUE COMME RÉPONSE PARTIELLE AU
DÉVELOPPEMENT D'UNE MIXITÉ FONCTIONNELLE
72
L'EXEMPLE NANTAIS
73
LA MISE EN CULTURE DES FRICHES URBAINES
74
CONCLUSION
76
ANNEXES
79
ANNEXE 1. BILAN DU MANDAT D'ÉTUDES
OPÉRATIONNELLES POUR LE PROJET DU BAS CHANTENAY (NMA, NOVEMBRE 2011)
81
ANNEXE 2. ANALYSE COMPARATIVE DES TYPES DE MARCHÉS
ENVISAGÉS (NMA, 13 MARS 2012)
83
ANNEXE 3. QUELQUES EXEMPLES DE PROJETS DE RENOUVELLEMENT
URBAIN ISSUS DE NOS LECTURES
85
GLOSSAIRE INACHEVÉ
91
BIBLIOGRAPHIE
95
INTRODUCTION
La ville s'est toujours construite à travers
l'intervention d'une forme d'autorité, depuis les principes
érigés par les rois d'Egypte antique jusqu'aux grands plans
d'urbanisme de l'après-guerre en Europe. Aujourd'hui en France tout
projet urbain d'envergure est planifié et piloté par un
maître d'ouvrage opérationnel dépendant directement de la
puissance publique (commune, communauté de commune, département,
région ou Etat). Cette manière de fabriquer la ville demande une
réflexion préalable sur les intentions à développer
dans le projet, aussi il existe de nombreux textes faisant état des
idées et principes développés autour de la notion
d'urbanisme.
En effet, si la paternité du terme
« urbanisme » est attribuée à Idelfonso
Cerdà dans son ouvrage Théorie générale de
l'urbanisation publié en 1867, la ville a toujours
été un sujet de réflexion récurrent chez les
penseurs. Et depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux auteurs se sont
penchés sur la question, proposant chacun leur propre approche :
sociologique bien sûr, mais aussi anthropologique, architecturale,
artistique, voire même philosophique.
Un projet urbain est fait de cette multitude de sujets
d'approche et d'acteurs ayant des visions et des objectifs, non pas
opposés, mais différenciés : le politique pense
à son électorat, les riverains à leur confort
immédiat, les services techniques au bon respect des normes... Ceci est
particulièrement vrai au moment du démarrage d'un projet,
là où tout reste à faire, là où le
maître d'ouvrage a des velléités d'innover, de voir grand,
d'avancer vite. Il sait qu'avant d'enclencher l'aménagement en tant que
tel, il lui faut s'attirer l'adhésion, ou l'approbation, de l'ensemble
de ces acteurs du projet urbain. Dans une première partie, c'est cet
aspect du projet que nous désirons approfondir à travers
l'exemple de la gouvernance du projet de renouvellement urbain du Bas
Chantenay, son histoire, ses acteurs et la manière dont on a
cherché à impliquer les acteurs principaux, élus et
maître d'oeuvre, avant même que le projet ne débute.
Il faut à l'aménageur une volonté
politique forte bien sûr, mais aussi une analyse fine du territoire
concerné pour en faire ressortir les enjeux et les contraintes
techniques, règlementaires ou sociales, d'espace, de rapport à la
nature, afin de se doter d'un schéma d'aménagement qui soit
cohérent avec toutes ces contraintes et qui réussisse à
faire la somme de tous les points de vue. On s'attachera dans une seconde
partie à explorer cet aspect tout aussi primordial, à travers la
mise en lumière des thèmes et éléments urbains
identifiés par la maîtrise d'ouvrage, mais aussi par les
maîtres d'oeuvre candidats lors de l'énonciation de leurs
premières intentions.
Enfin, pour approfondir l'approche et aborder l'aspect
opérationnel du projet, nous identifierons dans une dernière
partie les quelques stratégies qui se profilent d'ores et
déjà, soit parce qu'elles découlent d'approches
identifiées à ce stade (la question du foncier notamment), soit
parce que ce sont des stratégies qui ont été mises en
places dans des projets similaires et que l'on estime indispensables pour la
bonne gouvernance et le bon amorçage du projet (la
nécessité d'engager un processus de partenariat qui implique les
acteurs locaux présents sur le site et qui autorise
l'éphémère, le temporaire).
PARTIE 1. LA GOUVERNANCE
D'UN PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN
Jean Frébault (2012) énonce que c'est la
maîtrise d'ouvrage qui pilote un projet urbain, et que pour ce dernier,
le levier d'intervention pour aménager n'est plus uniquement la
transformation physique de l'espace, comme ce fut le cas pendant longtemps.
Aujourd'hui, dès lors qu'ils s'inscrivent dans la stratégie
d'ensemble du projet, les leviers utilisés sont multiples :
développement économique, mixité urbaine et
diversité sociale, actions de rénovation urbaine articulés
avec la politique de la ville, projets culturels, prise en compte des
dimensions de gestion et de sécurité, etc. Tout
particulièrement en tissus urbains constitués, on s'oriente de
plus en plus envers une combinaison d'actions de natures très
variées, polarisées ou diffuses sur un même
territoire : transformation foncière à travers la
procédure de ZAC (Zone d'Aménagement Concerté), projets
d'initiatives privées cadrés par le PLU (Plan Local d'Urbanisme),
requalifications préalables de l'image du site, aménagement
d'espaces publics, insertion urbaine d'infrastructures, combinaison de
programmes neufs et d'actions de réhabilitation.
Ces projets, par leur ampleur, engagent l'ensemble du devenir
de la ville et de ses habitants. Ils font partie intégrante de la
stratégie urbaine, laquelle relève directement de la
sphère politique et non des seuls acteurs de l'aménagement. La
complexité accrue des opérations et des partenaires
mobilisés, les exigences de la concertation avec les habitants,
l'évolution inéluctable des projets, le besoin d'une vision
prospective et à large échelle nécessitent un engagement
fort des autorités élues durant tout le processus de
transformation. Celles-ci sont aujourd'hui au premier plan, non seulement dans
l'initiative du projet, la définition de ses lignes directrices, mais
aussi pour mobiliser et défendre le projet auprès des acteurs
économiques ou de la population. Ce qui est en jeu est la vision
stratégique du devenir, et c'est bien in fine aux politiques de porter
cette responsabilité, d'indiquer les priorités et de
réaliser les arbitrages qui conditionneront les modalités de mise
en oeuvre opérationnelle.
Cette implication forte des collectivités est d'autant
plus justifiée que ce sont elles qui supportent largement le coût
de l'aménagement, tout comme ses risques financiers et politiques. Ceci
est d'autant plus vrai pour les opérations de renouvellement urbain, qui
exigent des investissements lourds et à très long terme, et qui
ne peuvent plus, comme dans les opérations classiques, être
couverts par une simple vente de charges foncières.
La notion opérationnelle de renouvellement urbain,
développée en France dans la lignée de la
« régénération » britannique, est
définie par Sylvaine Le Garrec (2006) comme une «
méthodologie d'intervention sur les zones urbaines
dévalorisées (friches industrielles, quartiers d'habitat ancien
et d'habitat social) qui privilégie la création de nouvelles
valeurs foncières et immobilières et le retour des
mécanismes de marché ». Cette notion, fréquemment
associée à l'idée de « refaire la ville sur la ville
», est aujourd'hui devenue un antonyme de l'étalement urbain et de
la conquête de terrains vierges, renforcé par sa rencontre avec
les principes du développement durable alimentant un positionnement en
faveur de la ville compacte.
Cette posture, favoriser le renouvellement plutôt que
l'extension, est admise et intégrée dans les stratégies
d'urbanisation des agglomérations. Cela peut être une
évidence, au regard des objectifs de faire une ville durable. Pourtant,
produire la ville en travaillant sur le tissu existant plutôt qu'en
investissant de nouveaux terrains, et en faisant évoluer ce tissu par
voie de mutations foncières, soulève plusieurs enjeux et
problématiques. C'est de cette tendance contemporaine de
l'aménagement de la ville par le renouvellement dont nous discuterons,
à travers l'exemple du projet de renouvellement urbain du Bas Chantenay
à Nantes.
Avant toute chose, un projet urbain se mûrit, il passe
par différentes phases. C'est tout d'abord une impulsion politique,
appuyée ou non par des études issues de l'agence d'urbanisme de
l'agglomération, par des objectifs retranscrits dans les documents de
planification tels que le SCOT (Schéma de Cohérence et
d'Orientation Territoriale) pour la stratégie à grande
échelle, ou le PLU pour les orientations et règles à
respecter à l'échelle locale. Cette impulsion se traduit par la
délégation à une société
d'aménagement d'études de définition ayant pour objectifs
de bien cerner le territoire ciblé, ses qualités et ses
défauts, mais aussi de dessiner des premières orientations
d'aménagement. Lorsque cette étape a été franchie,
et c'est sans aucun doute une des phases les plus importantes du lancement d'un
projet, l'aménageur doit déterminer le mode de recrutement de son
maître d'oeuvre, le type de marché le mieux adapté à
la mission qui lui sera confiée, et la mise en oeuvre de ce
recrutement.
C'est une étape capitale en effet, car du choix de
l'équipe de maîtrise d'oeuvre va découler la qualité
du dessin d'aménagement d'une part, mais surtout de sa mise en oeuvre
dans le temps. On le sait, un projet urbain s'étale sur un temps long,
et s'il faut que les intentions initiales répondent aux ambitions
politiques, c'est son application et la manière dont va fonctionner
l'alchimie entre l'équipe recrutée, l'aménageur et la
collectivité, qui déterminera la réussite du projet
urbain. Sur ce point, Alain Bornarel, ingénieur et dirigeant du bureau
d'études Tribu Conseil (2012), énonce ainsi que « le
projet urbain est la complexité même (...). Pas seulement parce
qu'il nécessite une multitude de nouveaux points de vues, introduit de
nouvelles ambitions et de nouvelles richesses. Mais surtout parce (qu'il)
repose sur la conviction que la qualité du tout est supérieure
à la somme de chacune de ses parties, que l'organisation attentive de
leur indépendance conditionne la richesse du projet et ne procède
que d'arbitrages. Ainsi, un jeu des acteurs professionnels élargi est
déterminant (...). Il s'agit de construire un savoir partagé issu
de la prise en compte simultanée des aspects culturels, sociaux,
environnementaux et économiques de chaque projet ».
Nous avons ici la chance de rendre compte des
réflexions qui ont été menées afin d'initier le
projet de renouvellement urbain du Bas Chantenay, à Nantes. C'est une
chance, car il est rare, en tant que jeune aménageur, d'être
intégré à ce stade d'un projet, et de participer aux
débats juridiques, politiques et stratégiques qu'il entraine.
Historique de la gouvernance
du Bas Chantenay
Le territoire nantais du Bas Chantenay forme la partie ouest
de la rive Nord de la Loire, dans sa traversée du coeur de
l'agglomération nantaise. Au même titre que l'île de Nantes,
et que les territoires du Pré Gauchet sur la rive Nord et de Pirmil-Les
Isles sur la rive Sud, il constitue un site majeur de renouvellement urbain
pour conforter et développer le coeur d'agglomération dans toutes
ses composantes.
La genèse du projet de renouvellement du Bas Chantenay
remonte à 2006. A cette date, Nantes Métropole confie à
Nantes Métropole Aménagement la responsabilité d'engager
des premières études de définition sur le secteur Est du
territoire, portion du Bas Chantenay la plus à même de muter
à court terme, puisqu'elle comprend déjà plusieurs
terrains conséquents en friche (emprise Armor, carrière
Miséry, parc des Oblates, etc.).
Périmètre 1 : études de
définition et pré-opérationnelles.
Le projet urbain intègre désormais
également le périmètre 2, pour davantage de
cohérence.
Ces études de définition, confiées
à l'urbaniste hollandais Pierre Gautier, ont abouti, en 2008, à
une étude pré-opérationnelle, avec déjà
à l'époque des premiers objectifs de programmation. Elles ont
établi un potentiel d'aménagement global sur un
périmètre élargi de 30 ha environ, dont le programme
propose deux équipements publics ainsi qu'une capacité
constructive de l'ordre de 300.000 m² de SHON (Surface Hors OEuvre Nette,
aujourd'hui Surface de Plancher), constitué de logements, de commerces
et d'activités tertiaires (bureaux). L'étude a
procédé en définissant des secteurs opérationnels
sur les sites les plus capables en termes de densité et de
maîtrise foncière. Ainsi s'agissant de l'approche
opérationnelle, il était proposé, pour la partie Est, un
développement du quartier par sous-secteurs, présentant chacun
une forte mixité d'usages entre habitat, commerces, tertiaire, culture,
sport et restauration.
En termes d'outil d'aménagement, il a été
préconisé, à cette date, la procédure de ZAC.
Schéma des affectations par
« chapitres », Pierre Gautier (2008)
Rapidement s'est posée la question de la poursuite de
la mission de l'urbaniste. Pour des raisons de manque d'adhésion au
programme proposé, et parce qu'il existait déjà un certain
nombre de projets de grande envergure sur l'agglomération, la
collectivité n'a pas donné suite à cette étude en
lançant un marché de maîtrise d'oeuvre. Il a
été décidé d'attendre que cette dernière
dispose d'un budget pour relancer le projet. Et ce n'est donc qu'en 2011 que le
projet de renouvellement du Bas Chantenay est « ressorti des
cartons », avec à la clé un nouveau mandat
d'études confié à nouveau à Nantes Métropole
Aménagement.
La relance du projet de
renouvellement
Le premier atelier élus-techniciens, mis en place
après la signature du mandat d'études opérationnelles fin
2011, s'est tenu le 15 mai 2012. Il initiait la collaboration entre les
élus et les techniciens de Nantes Métropole, ainsi que Florent
Turck, le chargé d'opération de Nantes Métropole
Aménagement.
Il y était repris les grandes lignes de l'étude
de Pierre Gautier afin de valider les orientations de ce nouveau mandat. Il y a
été précisé que l'étude avait
préconisé une programmation plurifonctionnelle envisageant une
mixité de bureaux et de logements, pour ce territoire dont la position
avait été considérée comme attractive
économiquement. Elle avait par ailleurs mis en évidence un noeud
de mobilité à traiter à partir de l'espace public, prenant
place entre la gare de Chantenay, bénéficiant d'une position
centrale, et sur la place Jean Macé, à l'Est du territoire.
En ce qui concerne les espaces verts, le projet avait
esquissé une continuité du cheminement haut entre le square
Maurice Schwob et le Parc des Oblates, en hauteur au bord de la falaise. Enfin,
rendre la Loire accessible était l'une des intentions essentielles du
projet, en prenant en compte la qualité des courtes séquences
naturelles et longues séquences ouvragées (estacades) de la rive
Nord, en opposition avec une rive sud très naturelle. Il s'agissait de
jouer avec les continuités et discontinuités.
En termes de budget, le chiffrage présenté en
2008 prévoyait une participation de la collectivité à
hauteur de 40 à 50 millions d'euros sur un bilan total de 80 millions
d'euros, auxquels s'ajoutaient 60 millions d'euros pour le traitement des
berges. Ces éléments ont conforté l'intérêt
d'une opération d'aménagement d'ensemble.
Alain Robert, Vice-président de Nantes Métropole
et adjoint à l'urbanisme, retenait, à l'issue de la
réunion, trois éléments forts : la liaison entre le
haut et le bas du territoire, l'intervention dans un contexte d'entrée
de ville, et le rapport à la Loire. Il ajoutait, sur le plan
stratégique, que « nous sommes dans un contexte plus apaisé
aujourd'hui, car il n'y a plus d'enjeux ferroviaires ». En effet pendant
plusieurs années se posait la question d'utiliser l'emprise ferroviaire
du Bas Chantenay, aujourd'hui gare de triage, pour y développer une
seconde gare afin de désengorger le tunnel menant au centre-ville.
Une dynamique globale sur le
coeur de l'agglomération
Le projet d'aménagement du Bas Chantenay
s'intègre dans un processus global d'aménagement du centre de
l'agglomération.
En termes de projets d'aménagement à
proximité du site, on remarquera de nombreuses opérations
à différents stades de maturité, notamment :
· La poursuite de l'aménagement de l'Ile de Nantes
dans sa seconde phase, pilotée par la SAMOA et Marcel Smets, qui a
succédé à Alexandre Chemetoff depuis 2010 ;
· Le lancement fin septembre 2011 de l'étude
urbaine du secteur des Isles de Rezé et de Pirmil, pilotée par
Nantes Métropole Aménagement et l'agence OBRAS ;
· L'élaboration du projet Centre-ville (travaux
sur le Cour des cinquante otages, l'îlot Neptune et la place Bouffay,
entre autres) ;
· Le Projet Global de Bellevue au nord de Chantenay,
piloté en régie par Nantes Métropole avec l'agence
Bécard et Palay.
Les Isles de Rezé & Pirmil
Bas Chantenay
Ile de Nantes
GoogleMaps, 2011
Parallèlement à ces
projets en cours dans la proximité du territoire du Bas Chantenay, le
projet urbain s'inscrit dans une véritable stratégie de
développement cohérente à l'échelle du coeur
d'agglomération. Ainsi, dans le cadre d'une réflexion globale sur
l'aménagement du coeur de la ville, Nantes Métropole a
lancé en septembre 2011 une mission « Cohérence des deux
rives », pilotée par Marcel Smets, parallèlement à sa
mission de maîtrise d'oeuvre urbain de l'Ile de Nantes. Elle a pour
objectif de définir une stratégie cohérente du
développement concomitant des berges du Bas Chantenay, de l'Ile de
Nantes et des Isles de Rezé. Cette mission prend fin à l'automne
2012. Les observations, analyses et scénarios de développement
envisagés dans ce cadre serviront de matière à
réflexion pour l'orientation du projet du Bas Chantenay.
Par ailleurs, les qualités économiques du site
et leur potentiel de mutation seront étudiés en profondeur par
une étude de vocation économique de la zone d'activités du
Bas Chantenay, pilotée par Nantes Métropole. Elle s'attachera
à définir les enjeux de conservation d'activités
industrielles, la faisabilité du transfert éventuel de certaines
d'entre elles, et le potentiel de mixité de fonctions sur le
quartier. Le bureau d'étude, Synopter, a été
désigné en juin 2012, et sa mission prendra fin en février
2013, période à laquelle l'équipe de maîtrise
d'oeuvre devrait avoir été recrutée.
Jusque fin 2012 la région Pays de la Loire effectue
également l'inventaire du patrimoine matériel et
immatériel du quartier de Chantenay. Cette étude vise à
identifier les bâtiments ainsi que les lieux qui présentent un
intérêt patrimonial fort et seront donc à conserver ou
mettre en valeur. Elle sera d'un intérêt certain pour alimenter la
réflexion sur les orientations d'aménagement du Bas Chantenay.
Enfin, le projet du Bas Chantenay s'inscrit dans une
réflexion en cours autour d'un franchissement de la Loire, dont
l'emplacement est envisagé entre le pont de Cheviré et l'Ile de
Nantes, et concerne donc directement le Bas Chantenay. L'étude
franchissement, actuellement en cours, complétera la réflexion du
futur bénéficiaire de l'accord-cadre et sera à prendre en
compte pour la définition du parti d'aménagement du
territoire.
C'est donc un projet urbain qui est entièrement inscrit
dans une dynamique forte de renouvellement, non pas simplement du territoire
ciblé, mais de tout le coeur de la ville, avec des approches
variées mais très complémentaires. Ces études
diverses serviront à nourrir la réflexion d'un point de vue
urbain, et constitueront également le moteur politique du projet,
puisqu'il est très distinctement inscrit dans un mouvement de mutation
global.
Un nouveau mandat au budget
limité
Fin 2011 a donc été signé un nouveau
mandat d'études avec NMA, qui présente une vocation
opérationnelle très marquée. Le mandat stipule en effet
dans sa rédaction les résultats attendus de la manière
suivante :
· Un état des lieux fonctionnel et urbain
complet ;
· L'identification et le dimensionnement
économique des contraintes et des conditions de réalisation des
opérations d'aménagement : contraintes
réglementaires, desserte en réseaux VRD, aléas
d'occupation du sol et du sous-sol, risques juridiques et
fonciers ;
· Un scénario de développement
associant :
o des intentions urbaines articulant la mise en oeuvre des
politiques publiques de Nantes Métropole et de la ville de Nantes et les
conditions réglementaires, techniques, économiques et
foncières des sites,
o un phasage général de mise en
opération.
· L'identification des mesures conservatoires
indispensables pour préserver les évolutions urbaines à
long terme : desserte ferroviaire de l'agglomération,
franchissements de Loire, continuité des boulevards du
19ème siècle vers le sud de la Loire,
continuité douce le long de la Loire en ouvrant la ville au fleuve,
développement de l'offre de mobilité alternative, lien entre le
haut et le bas Chantenay, développement conjoint de l'activité
économique et industrielle et de l'habitat ;
· Un programme général
d'aménagement ;
· Une approche bilancielle d'opération
globale ;
· Des schémas d'aménagement de secteurs
cohérents d'un point de vue urbain et opérationnel,
précisant pour chaque site :
o les contraintes et conditions de mise en
opération,
o un préprogramme,
o des modes opératoires et des
périmètres opérationnels,
o un pré-bilan économique,
o les modalités de participation des
opérations à l'aménagement.
Il est donc clair que le mandat est ambitieux et exige de
l'aménageur un travail de fond complet, et vise ouvertement à
lancer la maîtrise d'oeuvre dans la foulée (contrairement à
ce qu'il s'est passé avec les études de Pierre Gautier). Ainsi,
la production exigée du candidat retenu est complète, et la
question du budget dédié à ce dernier doit se poser. Un
budget faible réduirait les chances de recevoir des candidatures de
qualité, or ce budget ne peut plus, aujourd'hui, être
étoffé de subventions nationales. Il ne dépend que des
capacités financières de la commune et de la communauté de
communes.
En effet, depuis les années 1990, les mécanismes
de financement mis en place par l'Etat se focalisent sur les grands ensembles :
zones sensibles des quartiers classées en GPV ou ZUS, en ne s'attachant
qu'à l'échelle du quartier et non de l'agglomération, et
à la question du logement en soi, et non de la diversification des
usages. Philippe Méjean (2003) affirme ainsi que « nous sommes
revenus à une conception restrictive du renouvellement urbain, qui
privilégie essentiellement les quartiers sensibles et les
procédures de démolition / reconstruction des logements sociaux,
plutôt que de chercher à faire de l'urbanisme de projet sur la
ville ou l'agglomération dans son ensemble, comme c'est la tendance
aujourd'hui ». La réalité du renouvellement urbain
semble ainsi proposer un double régime de renouvellement urbain :
· Celui des opérations
« labellisées » qui concernent les secteurs
d'habitat social ou dégradé, ainsi que les friches urbaines qui
sont considérées comme étant hors marché. Ces
dernières bénéficient des soutiens financiers de
l'État, et souvent, la stratégie de renouvellement
appliquée est antinomique, puisqu'elle passe par des opérations
de « table rase » pour acter les pertes, devant
l'impossibilité d'une réversibilité par la seule
intervention du marché.
· Celui des opérations qui mettent en oeuvre le
renouvellement urbain dans une logique de retour sur le marché
immobilier, dans laquelle entre le projet urbain du Bas Chantenay. Le plus
souvent non labellisées, elles sont renvoyées aux modes
d'intervention classiques, vers les financements des collectivités
locales et les mécanismes du marché immobilier. Mais ces
opérations ont une capacité supérieure à attirer
des projets nouveaux et des investisseurs pour les financer, car c'est
là que l'on peut trouver les processus de recyclage-revalorisation,
grâce à l'instauration de mixités fonctionnelles et
sociales, lorsque les politiques locales font preuve de courage politique.
Ainsi, dans l'agglomération lyonnaise par exemple, le
renouvellement urbain ne concerne que les quartiers de logements sociaux ou des
copropriétés en difficulté des années 60-90
puisqu'il n'y a pratiquement pas de quartiers plus anciens classés en
GPV, ZUS ou ORU. En revanche, les interventions développées sur
de vastes sites en tissu urbain ancien (comme par exemple celles de Vaise et de
Lyon-Confluence), qui ont pour objet de reconvertir des zones
péricentrales jugées obsolètes ou occupées par des
friches industrielles, ne relèvent pas du label, ni des financements du
renouvellement urbain.
A l'image de la ZAC Lyon Confluence, le projet urbain et Bas
Chantenay et la ou les ZAC qui y seront mises en place ne
bénéficient donc pas, sauf modification de la loi, de l'aide de
l'Etat. C'est à l'aménageur que relève la
responsabilité d'équilibrer son budget, soit par un apport
financier conséquent de la collectivité, soit par un travail sur
les niveaux de charges foncières, soit bien souvent par la conjonction
des deux.
Aujourd'hui le mandat précise un budget dans lequel il
est prévu, pour la maîtrise d'oeuvre urbaine, une enveloppe totale
de 150.000 euros HT. Au vu de l'ambition affichée d'aller rapidement
vers l'opérationnel, ce montant est faible. Pour palier à ce
manque, comme on le verra plus bas, il a été décidé
d'inclure cette mission d'étude dans un accord-cadre au
périmètre plus large, qui intègre dès à
présent des missions de maîtrise d'oeuvre d'espace public et
d'accompagnement architectural des projets spontanés.
A l'été 2012, la procédure de recrutement
d'une équipe d'urbanistes est en cours. C'est une procédure
négociée dont les vingt-six candidatures et leurs notes
d'intentions viennent d'être reçues. Après un premier jury,
entre trois et cinq équipes seront retenues pour concourir sur des
premières orientations de projet urbain, et le choix final se fera sur
leurs esquisses et ébauches de schémas directeurs.
Si le projet semble donc avancer dans la bonne direction, il
est légitime de se poser la question de son positionnement au milieu des
nombreux projets d'envergure existants sur l'agglomération : le grand
projet de renouvellement de l'île de Nantes, les aménagements du
centre-ville, le (re)démarrage de la ZAC des Isles à Rezé,
le lancement des études de définition des Gohards plus à
l'Est, mettent la ville dans une dynamique de mutation positive, mais posent
clairement la question épineuse du financement. Il est donc
démarré un projet urbain ambitieux, sans savoir quel sera son
avenir d'ici la fin du mandat, ce qui nous amène à poser la
question de la voie à suivre pour assurer sa bonne gouvernance.
Quelle gouvernance
optimale ?
La structure juridique de la société
d'aménagement est un indice de la volonté politique qu'y met
l'agglomération. Ainsi pour lancer l'opération de l'Ile de
Nantes, il a été décidé de créer une SEM ex
nihilo, la SAMOA (Société d'Aménagement Ouest Atlantique).
Un geste fort, que l'on peut retrouver dans plusieurs autres opérations
d'envergures en France : la SEM Ville Renouvelée pour les friches
de Roubaix, la SEM Lyon Confluence pour la pointe Ouest du centre-ville, la SEM
Paris Rive Gauche pour les friches industrielles du nord-est du 13e
arrondissement, etc. Cela permet, en premier lieu, la composition d'une
équipe complète impliquée sur le site, avec ses services
de communication, de négociation foncière sur les territoires
où il n'existe pas d'établissement public foncier (EPF) comme
c'est le cas à Nantes, de gestion budgétaire, et de pilotage du
projet par thématiques (espaces publics d'un côté,
aménagement du foncier cessible de l'autre, etc.). Mais une telle
structure dédiée a aussi un effet de levier indéniable sur
le plan politique : c'est bien souvent un élu qui siège
à la tête de ces SEM, il devient donc de facto le pilote du projet
de renouvellement urbain, et porte le projet dans les arcanes de la direction
de la ville ou de la communauté de communes.
Ici point de SEM dédiée, ce qui clarifie
plusieurs points : le projet n'est pas, à l'heure actuelle, la
priorité de l'agglomération, et il ne disposera pas,
contrairement au lancement de l'île de Nantes, d'un budget extensible.
Une procédure
négociée pour créer un moteur politique
Comment faire alors pour montrer son ambition ? Il a
été décidé, à Nantes Métropole
Aménagement, de faire fi du peu d'ambition actuelle, et
d'anticiper sur l'avenir en imposant en quelque sorte, par la procédure
de marché utilisée, une présence et une implication des
élus tout du long du processus de sélection de l'équipe
lauréate.
Cette décision a été prise après
la commande de plusieurs notes juridiques à la SCET afin d'identifier
clairement, d'une part ce qu'il était possible de mettre en place
étant donné notre statut (mandat d'étude et non
concession, donc sujet au code des marchés publics, plus contraignant
que la loi MOP) et les objectifs identifiés (souplesse, implication des
élus et des candidats). Le résultat de ces échanges a
été synthétisé dans un tableau comparatif ayant
pour objectif de présenter à la collectivité les options
qui s'offraient à nous (voir annexe 1). Un des arguments principaux pour
l'aménageur était la possibilité qu'offrait la
procédure négociée de diviser la sélection de
l'équipe lauréate en plusieurs étapes, ponctuées
par des jurys officiels composés d'un minimum d'un tiers d'élus.
Pour le projet, il a été décidé
d'avancer en deux phases, une première dite de candidature, lors de
laquelle les candidats présentent, en sus des documents administratifs
indispensables dans toute réponse à un appel d'offre, la
composition et l'organisation de leur équipe, trois
références significatives pour chacun des membres (urbaniste,
architecte, paysagiste, bureau d'étude VRD (voirie et réseaux
divers), agence de concertation et de communication, spécialiste
développement durable ou environnement, etc.), ainsi qu'une note de
méthodologie et d'intention vis-à-vis des premiers enjeux
identifiés. Pour le présent marché, vingt-six candidats
ont répondu, parmi lesquels une douzaine travaille sur des projets
d'envergure internationale et sont du niveau du Grand Prix d'Urbanisme. De ces
vingt-six candidats, NMA en retiendra de trois à cinq pour participer
à la seconde phase, dite d'offre. Ce choix sera effectué à
l'issue d'un premier jury, les élus devront donc avoir pris une
première décision quant aux équipes qu'ils aimeraient voir
travailler davantage sur le sujet, en accord avec les analyses et
préconisations des maître d'ouvrage (Nantes Métropole) et
maître d'ouvrage délégué (Nantes Métropole
Aménagement).
Lors de la seconde étape, les équipes retenues
devront approfondir leurs intentions et leur proposition de
méthodologie, en proposant des éléments d'analyse et des
scénarios d'aménagement qui soient déjà de l'ordre
du pré-opérationnel. Même si bien sûr, un gros
travail d'analyse restera à effectuer pour le lauréat avant qu'un
plan soit adopté. Ils proposeront des éléments de rendus
papier, mais ils seront également auditionnés, avec un
échange, en face des élus composant le jury.
Ce processus, plus long et plus demandeur qu'un simple appel
d'offre, permet d'avancer petit à petit dans la sélection, et
demande aux élus de s'approprier non pas simplement la résultante
du projet urbain, mais le choix en lui-même de l'équipe qui
travaillera sur le projet. Présents dès l'origine, ils sont ainsi
sensibilisés aux problématiques mises en avant par les
urbanistes, peuvent prendre le temps de réfléchir aux intentions
et méthodologies développées par chacun, et choisissent
donc, non pas une équipe, mais un projet urbain. Cela permet
également de se départir des idées
préconçues que certains peuvent avoir sur tel ou tel urbaniste,
voir de lisser les pressions qui peuvent être présentes pour
choisir une équipe plutôt qu'une autre. Ce point peut
paraître anodin, mais il est important, à nos yeux, que, d'une
part, le politique adhère au choix du maître d'oeuvre dès
l'origine, et que d'autre part, l'aménageur garde la main sur cette
décision.
S'inspirer de projets
existants
C'est une étape importante dans un projet urbain que le
choix du maître d'oeuvre, puisque celui-ci va être amené
à être le partenaire privilégié et presque exclusif
de l'aménageur. Il faut donc que la méthode de travail soit en
accord avec celle de l'aménageur, et que les intentions urbaines
satisfassent les ambitions politiques.
De longs mois de discussions ont eu lieu sur ce sujet au sein
de Nantes Métropole Aménagement ainsi qu'avec les techniciens de
Nantes Métropole, et Florent Turck, chargé d'opération et
responsable de ce projet en tant qu'aménageur, s'est inspiré de
la méthode adoptée pour le projet urbain d'EuraLens.
Développée par Une Fabrique de la Ville et initiée par le
projet du Louvre Lens, cette stratégie préconisait la mise en
place d'une procédure de dialogue compétitif, pour les
mêmes raisons d'implication de l'ensemble des acteurs dans le choix de
l'équipe retenue.
Calendrier de la procédure négociée pour
l'attribution de l'accord-cadre Euralens. SCET 2012
Pour le Bas Chantenay, le mandat signé ne courant que
jusque fin 2013, nous ne disposions pas d'assez de temps pour reprendre cette
approche, qui implique une phase de négociation relativement lourde
à organiser, mais, comme nous l'avons vu plus haut, nous avons
insisté pour qu'une procédure négociée soit
préférée à un simple appel d'offre restreint.
Susciter
l'intérêt des candidats par accord-cadre de maîtrise
d'oeuvre
La procédure négociée entraîne
l'implication des élus en charge du projet, ce qui est la garantie d'un
projet bien gouverné, piloté par une association de maîtres
d'ouvrages (collectivité et aménageur) qui s'entendent sur les
partenaires du projet et la méthode envisagée. Mais il fallait
également s'assurer du recrutement d'un maître d'oeuvre de
qualité, car le projet est complexe et devrait s'inscrire dans un temps
long.
L'objectif était donc de réussir à
véhiculer l'idée que nous n'étions pas sur une nouvelle
phase d'étude de définition, mais bien sur des études
opérationnelles suivies directement de la maîtrise d'oeuvre des
espaces publics. Pour la gouvernance du projet, nous insistions ainsi, de fait,
sur la nécessité de sortir de l'étude du site et d'aller
vers l'opérationnel, car la transformation du quartier ne peut
aujourd'hui se passer d'un outil d'aménagement et de prescriptions
architecturales et urbaines en accord avec la vision du futur Bas Chantenay.
Le quartier est d'ores et déjà en mouvement,
comme le montre, entre autres, l'aménagement de l'îlot Armor,
d'initiative privée. Il faut donc que, dans un délai court, nous
disposions d'un outil permettant d'encadrer les mutations spontanées du
quartier. Et, comme précisé dans une note interne de NMA le 4
avril 2012, « cet outil doit permettre de faire face à des
situations variées et multiples dans un contexte où les projets
n'avanceront pas linéairement. En effet, le projet du Bas Chantenay est
déjà, de fait, en cours (Armor, Parc des Oblates...), et
l'accord-cadre permettra de répondre aux diverses sollicitations dans un
délai restreint, notamment pour la réalisation d'espaces publics
et l'accompagnement d'opérations ».
Intégrer les
missions de maîtrise d'oeuvre dans l'accord-cadre
Par ailleurs, dès lors qu'il était
anticipé dans sa rédaction, cet accord-cadre nous offrait la
souplesse de pouvoir passer un marché subséquent de
maîtrise d'oeuvre dès que la décision politique serait
prise, sans le délai traditionnel de mise en concurrence.
Ainsi, lors de sa rédaction, le cahier des charges
précisait déjà les principales missions que devrait
assumer le maître d'oeuvre ; ces dernières étant
listées sous forme de marchés subséquents. Sous cette
forme, il permettait de mettre en avant l'étendue du projet tel qu'il
est imaginé par l'aménageur ; ce ne sont pas de simples
compétences en études que l'on attend du candidat, mais bien des
compétences globales pour le pilotage d'un projet de renouvellement
urbain complet.
A travers sa rédaction, il identifie d'ores et
déjà cinq volets, un volet par type de mission,
concrétisés par des marchés subséquents. Si les
trois premiers volets, A, B et C, rentrent dans le cadre du mandat actuel, les
deux derniers, D et E (ainsi qu'une prolongation du volet C), anticipent la
signature d'une concession d'aménagement à Nantes
Métropole Aménagement par la collectivité.
Au 30 août 2012, ces missions sont donc
rédigées de la manière suivante :
VOLET A. Mission de conception
urbaine
Cette mission est une mission de prestations
intellectuelles qui se développe en deux phases :
a) Traduction spatiale d'une stratégie
d'aménagement du quartier
Il s'agit pour le maître d'oeuvre d'élaborer
les intentions urbaines et le parti d'aménagement permettant la
mise en oeuvre de la stratégie de développement du projet sur le
territoire ciblé.
Sur la base de scénarios contrastés, cette
réflexion de projet urbain se traduira sur l'ensemble des deux
périmètres et devra donc intégrer dans une démarche
globale et cohérente sa partie ouest. Ainsi un scénario de
développement par secteurs devra être proposé, pour lequel
le maître d'oeuvre devra :
· Dans l'est du périmètre, offrir une
réinterprétation des enjeux et orientations
précédemment identifiés par l'étude de Pierre
Gautier en 2008 ;
· Dans la partie ouest, qui n'a à ce jour pas
fait l'objet de réflexions pré-opérationnelles, proposer
un parti d'aménagement, répondant notamment à l'enjeu
majeur qui est la gestion dans le temps des activités présentes
sur site. La proposition sur ce secteur devra ainsi afficher une vision
à terme, mais aussi offrir une réponse à la gestion
transitoire du site, dans l'objectif d'une continuité de
développement et de préfiguration des usages finaux.
Le maître d'oeuvre proposera une
méthodologie d'accompagnement du projet urbain permettant
l'inscription de chaque opération se développant sur le
territoire, quelle qu'en soit sa nature, dans une cohérence d'ensemble
et dans le respect des objectifs initiaux (...).
b) Dimensionnement économique des
scénarios de développements
Les outils et supports cartographiques devront appuyer
des propositions précises de niveau pré-opérationnel dans
chacune des composantes d'un projet d'aménagement :
· L'identification des prestations techniques
complémentaires nécessaires à la réalisation du
projet, prenant en compte ses différentes contraintes : contraintes
réglementaires, desserte en réseaux VRD, aléas
d'occupation du sol et du sous-sol, risques juridiques et fonciers,
etc. ;
· Un phasage général de chaque
scénario de développement envisagé ;
· Une évaluation des coûts de
réalisation des aménagements proposés, pour chaque secteur
identifié.
Suite à ce programme d'études, un ou
plusieurs périmètres opérationnels seront
identifiés et mis en place, selon des procédures à
définir avec le maître d'ouvrage et la collectivité. Cette
mission A pourra faire l'objet de plusieurs marchés subséquents.
Il s'agira de marchés forfaitaires.
VOLET B. Mission d'assistance à
maîtrise d'ouvrage
Cette mission comprend globalement toute intervention de
la maîtrise d'oeuvre en assistance à la maîtrise d'ouvrage
pour la mise en place des actions, outils et procédures
nécessaires à la mise en oeuvre du projet et de ses
opérations. Il s'agit notamment :
· d'une assistance à l'élaboration des
dossiers réglementaires règlementaires : outil(s)
d'aménagement retenu(s), PLU, dossier loi sur l'eau, études
d'impact, etc. ;
· d'une assistance à l'élaboration des
supports de communication ;
· d'une assistance lors de l'organisation
d'événements exceptionnels sur le site (de type Biennale
Estuaire) ;
· d'une présence à l'ensemble des
réunions auxquelles la présence du maître d'oeuvre urbain
sera jugée utile.
Cette mission B pourra faire l'objet de plusieurs
marchés subséquents. Il s'agira de marchés à bons
de commande, rémunérés par type d'intervention et par
opération.
VOLET C. Mission de coordination urbaine et
architecturale
Cette mission consiste en l'accompagnement de
l'élaboration des programmes immobiliers, afin de garantir leur
inscription dans la cohérence du projet d'ensemble. Elle se
développe dès l'expression d'une volonté de projet, que
son porteur soit connu ou non, jusqu'à sa réalisation par des
actions successives :
· Pour l'assistance dans le choix du maître
d'oeuvre de l'opération,
· La mise en cohérence du programme et des
objectifs urbains à travers l'élaboration d'un cahier des charges
d'insertion urbaine,
· La formulation d'un avis motivé sur le
permis de construire et/ou l'autorisation d'urbanisme
nécessaire,
· Le suivi de l'évolution du projet
jusqu'à sa livraison.
Cette mission C pourra faire l'objet de plusieurs
marchés subséquents. Il s'agira de marchés à bons
de commande, rémunérés par type d'intervention et par
opération.
Comme nous l'avons introduit
précédemment, à ces trois missions correspondent un
budget, puisqu'elles rentrent dans le cadre du mandat actuel. Afin de bien
clarifier cette particularité de l'accord-cadre, il a été
décidé de le repréciser dans l'AAPC (Avis d'Appel Public
à la Concurrence), car ce dernier ne proposait pas le cahier des charges
complet mais une simple note présentant les enjeux de manière
synthétique (le cahier des charges complet ne sera en effet
diffusé qu'aux trois à cinq candidats retenus pour la seconde
phase, dite d'offre). A des fins de transparence et pour s'assurer des offres
cohérentes avec nos moyens, nous avions également
décidé de préciser les montants affectés à
ces trois premières missions. Il a donc été écrit
dans l'AAPC que « ces trois premiers marchés
subséquents d'une durée de 18 mois seront de l'ordre de
150.000€ HT ». De la même manière, pour rassurer
les concurrents sur l'ambition du projet et afficher cette dernière, il
est précisé que « ce montant est indicatif et
correspond à une première étape du projet ».
Afin de se laisser la liberté de continuer ou non de
collaborer avec le maître d'oeuvre une fois l'outil d'aménagement
créé, il a été décidé de
préciser que les missions hors mandat d'études ne seraient pas
systématiquement attribuées au même maître d'oeuvre.
La description des missions du cahier des charges se poursuit donc
ainsi :
Les missions suivantes (volets D et E) porteront sur un ou
plusieurs périmètres opérationnels définis à
l'issue du mandat d'étude. Nantes Métropole Aménagement
précise que le bénéficiaire du présent accord-cadre
ne se verra pas nécessairement confier l'ensemble des missions sur le
périmètre opérationnel.
VOLET D. Missions de maîtrise d'oeuvre
d'espaces publics
On entend par « espace public »
l'ensemble des équipements de surface, y compris mobilier urbain,
éclairage public, traitement des sols, plantations ainsi que les
ouvrages à modifier ou à créer liés à la
mise en oeuvre des espaces publics. Y sont inclus les travaux de génie
civil des réseaux de télécommunication et de
régulation de trafic.
Les principaux objectifs d'aménagement des espaces
publics du Bas Chantenay sont les suivants :
· enrichir la trame viaire en recomposant un maillage
et des îlots ;
· accompagner et initier les différents
programmes en cours ou à venir ;
· redéfinir les usages et le partage des
fonctions de l'espace public ;
· aménager des espaces pérennes et de
qualité intégrant les incidences liées à leur
gestion dans le temps ;
· conforter par le paysage, l'éclairage, le
mobilier, etc., l'image identitaire du quartier dans la diversité des
situations rencontrées.
Du fait de l'impossibilité de décrire
précisément à ce jour les programmes de ces missions
(programme, cahier des charges et enveloppes prévisionnelles), l'offre
sera proposée pour trois catégories d'intervention pour une
mission de base (VISA sans EXE) :
· Une intervention sur un secteur dont le montant de
travaux est supérieur à 500 k€ H.T. ;
· Une intervention plus restreinte dont le montant de
travaux est compris entre 50k€ H.T. et 500k€ H.T. ;
· Une intervention ponctuelle (notamment dans le
cadre de l'accompagnement des opérations immobilières) dont le
montant de travaux est inférieur à 50 k€ H.T.
Cette mission D pourra faire l'objet de plusieurs
marchés subséquents. Il s'agira de marchés de
maîtrise d'oeuvre (mission de base VISA sans EXE)
rémunérés par opération. Il est
précisé que le titulaire ne se verra pas nécessairement
confier la maîtrise d'oeuvre de la totalité des espaces publics
à réaliser dans le cadre du secteur opérationnel.
VOLET E. Mission de suivi de la mise en oeuvre du
projet urbain
Cette mission a pour objet :
· d'assurer le suivi et la mise à jour du
parti d'aménagement et de ses outils de formalisation ;
· d'élaborer une méthodologie
d'évaluation et d'actualisation des documents de référence
sur une occurrence à définir et sur la durée du
contrat.
Cette mission E pourra faire l'objet de plusieurs
marchés subséquents. Il s'agira de marchés
forfaitaires.
Enfin, afin de bien clarifier la position dans le temps de
chacune des missions, il a été ajouté un
récapitulatif des missions de l'accord-cadre :
On peut déjà envisager le tableau de
répartition suivant :
|
Dans le cadre du mandat d'études en date du
20/12/2011
|
Hors mandat d'études
|
Conception urbaine
|
A
|
-
|
Assistance à maîtrise d'ouvrage
|
B
|
B2
|
Coordination urbaine et architecturale des constructions
|
C
|
|
Maîtrise d'oeuvre d'espaces publics
|
-
|
D
|
Suivi du projet urbain
|
-
|
E
|
La faisabilité
juridique d'un accord-cadre de maîtrise d'oeuvre sans concession
d'aménagement
Il est donc bien évident que cet accord-cadre est
original et bouscule un peu l'ordre établi, puisqu'il mentionne des
missions auxquelles ne sont pas associés, pour l'instant, ni de
maître d'ouvrage, ni de budget. Afin de s'assurer de la solidité
juridique d'un tel contrat, nous avons passé un certain temps à
échanger avec la SCET (Services Conseil Expertises Territoires) sur les
possibilités juridiques qui s'offraient à nous, puis à
vérifier que la voie retenue, accord-cadre et procédure
négociée, ne posait pas de problème.
Les conclusions de ces échanges sont
présentées le 4 avril 2012 dans une note interne destinée
au service marchés de NMA et à sa direction. Elle reprend les
précisions apportées par la SCET et s'exprime en ces
termes :
3 procédures sont envisagées dans le code
des marchés publics pour la passation des contrats de maîtrise
d'oeuvre :
· Le dialogue compétitif, dans
l'hypothèse où le contrat est considéré comme
étant complexe. Solution non retenue par la collectivité pour des
raisons de délai et de moyens.
· La procédure négociée,
à condition de démontrer que « la prestation à
réaliser est de nature telle que les spécifications du
marché ne peuvent être établies préalablement avec
une précision suffisante pour permettre le recours à l'appel
d'offre ».
· L'appel d'offre restreint, l'appel d'offre ouvert
n'étant pas envisageable dans ce cas.
La procédure négociée nous semble
répondre aux différents enjeux de l'opération, et surtout
correspondre à la situation à laquelle nous sommes
confrontés. Sa mise en oeuvre paraît possible au regard de
l'article 35 du code des marchés publics car l'accord-cadre
prévoit :
· Une mission sur un périmètre large au
départ. Les études doivent déterminer le ou les
périmètres opérationnels, sur lesquels seront mises en
oeuvre des opérations d'aménagement. Selon les conclusions
intermédiaires des études, des compléments variés
en fonction des secteurs et des objectifs pourront être mis en
oeuvre.
· Des missions pouvant évoluer suivant les
orientations des secteurs. La maîtrise foncière étant
incomplète, les opérations privées peuvent amener à
définir des missions d'étude et d'accompagnement adaptées
aux enjeux du site.
· Des missions d'études à qualifier
selon les réponses et méthodologies des équipes.
Par ailleurs, il nous semble que le principe même du
choix de la passation d'un accord-cadre est justifié par l'absence de
certitude sur la définition exacte des missions à
réaliser. Ceci est donc en cohérence avec la mise en oeuvre d'une
procédure négociée.
Un territoire en cours de
transformation
Le territoire du Bas Chantenay est depuis plusieurs
années en cours de transformation, de fait, par des mutations issues du
secteur privé ou des projets publics d'aménagement qui vont
transformer petit à petit le visage du quartier, avant même que le
projet urbain ne soit entrée dans sa phase opérationnelle.
Quelques-unes d'entre elles méritent d'être identifiées.
Projet immobilier du site d'ARMOR
Le site Armor, ancien site de de bureaux et de production
d'encre d'imprimerie est, de fait, le premier vrai projet de renouvellement
urbain sur le Bas Chantenay. Suite à l'organisation, par la
société Armor, propriétaire du site, d'un concours
promoteur-concepteur, un jury composé de représentants de la
société, de la Ville de Nantes et son AMO (Pierre Gautier), s'est
réuni le 20 juin 2008, sous la présidence de Monsieur Alain
Robert, adjoint au maire à l'urbanisme. Après présentation
des quatre projets en lice, le jury a unanimement choisi le projet du promoteur
Brémond et les architectes V. Cornu, F. Grether, Bouillaud &
Donnadieu accompagné du paysagiste PHYTOLAB, des bureaux
d'études exNdo, et Burgeap pour la dépollution.
En l'absence d'outil d'aménagement, il a
été confié à Pierre Gautier, à la suite de
son étude programmatique, l'assistance à maîtrise d'ouvrage
(AMO) pour le projet immobilier envisagé par la société
Armor. Le projet validé propose un programme de 9.000 m² de bureaux
sur la partie sud, dont 2.145 m² réhabilités, ainsi que
14.000 m² de logements, soit 169 logements dont 25% de logements
sociaux.
Perspective du projet ARMOR. Groupe Brémond (2008)
Un certain nombre d'éléments marquant l'esprit
du site ont été conservés dans le projet : la pointe du
bâtiment historique, l'esprit linéaire du bâtiment
industriel le long du boulevard Chevreul, certaines particularités
telles que des murs/murets, arbres remarquables, etc. François Grether a
su inscrire cette étape de ré-urbanisation dans la
continuité du tissu urbain, en proposant en outre la création
d'une rue perpendiculaire à l'axe principal suivant le fleuve.
Le chantier, débuté fin 2009, courra sur 5 ans
pour s'achever fin 2014.
Projet d'aménagement du Bois Hardy
Nantes Métropole a également entamé une
réflexion autour de l'aménagement du quartier du Bois Hardy,
entre le boulevard du Maréchal Juin et la rue des Alouettes. A ce jour,
les premières intentions d'aménagement sont les
suivantes :
o Définir des lots constructibles à partir des
voiries existantes, avec des prescriptions de cheminements piétons, et
du stationnement mutualisé en entrée de lots ;
o Définir le secteur de jardins sur les parcelles
enclavées du nord du site, en adossement au mur ancien de clôture
de la cité Arthur Benoît, et un espace commun de coeur
d'îlot, à flanc de coteau (perspectives visuelles lointaines),
autour du chêne centenaire marquant le site, à l'interface des
constructions existantes et nouvelles ;
o Améliorer la viabilité des voies ouest :
mise en liaison des rues de Mallève avec l'avenue des Alouettes.
Il est envisagé une typologie d'habitat
intermédiaire et individuel dense, inscrits dans la pente du coteau. En
terme de programme, il est envisagé un tiers de logement social, un
tiers de primo-accession abordable, et un tiers de logement libre, dans le
cadre d'une servitude de mixité sociale. L'hypothèse de
l'insertion d'un programme d'autopromotion est également
envisagée.
Un quartier ancré dans un cadre naturel. NMA (2010)
Sur le plan stratégique, la création d'une ZAC
dédiée est envisagée depuis plusieurs années
déjà. Mais des discussions récentes avec Nantes
Métropole laissent apparaître la possibilité d'une
intégration de cette opération au projet global du Bas Chantenay,
afin d'accorder plus de cohérence aux deux interventions. La
présence d'une société de recyclage de métaux, qui
pose problème en secteur d'habitat, motive également cette
option. Réintégrer le projet du Bois Hardy dans le Bas Chantenay
offrirait en effet davantage de latitude à l'aménageur pour
proposer des solutions de relocalisation à la société en
question.
Extension des bâtiments SECODI
L'entreprise SECODI, PME de construction de moteurs, est
implantée sur le site depuis plusieurs dizaines d'années. Fort de
300 employés, son fondateur et dirigeant, M. Jacques Setis, est un
élément essentiel du tissu économique du quartier et de
l'agglomération. Il dispose d'un réseau relationnel important et
suit avec attention l'évolution du quartier, surtout depuis ces dix
dernières années, qui ont vu se concrétiser la mise en
place du renouvellement du quartier avec l'étude de définition de
Pierre Gautier. Ainsi, comme plusieurs autres acteurs industriels locaux, il
s'est attaché à élargir progressivement son patrimoine
foncier. Aujourd'hui propriétaire important, il est devenu acteur du
projet puisqu'il a récemment réhabilité un bâtiment
désaffecté appartenant aux brasseries de la Meuse pour y
installer un centre de formation interne ainsi qu'une surface de bureaux en
location.
Centre de Formation SECODI et bureaux en location. Personnel
(2011)
C'est une initiative entièrement privée et le
projet est modeste de part ses dimensions, mais cela confirme, s'il en
était besoin, le fait que le quartier est d'ores et déjà
en cours de mutation.
PARTIE 2. LES
ÉLÉMENTS CLÉS DE L'ANALYSE URBAINE
Il a été vu les enjeux de la construction d'un
projet urbain en amont, à travers une explication les processus de
décision politique et de prise en main par l'aménageur.
L'étape suivante, dans la définition du projet, est
l'identification des éléments urbains sur lesquels va pouvoir
s'appuyer le projet. Le travail mené en interne pour la rédaction
du cahier des charges, ainsi que nos lectures, nous ont permis d'identifier les
éléments de composition urbaine sur lesquels l'attention doit
être portée pour l'élaboration du projet urbain. Ce travail
est aujourd'hui complété par les notes d'intention des vingt-six
candidats à l'appel d'offre, qui explicitent, avec plus ou moins de
précision, la vision qu'ont les équipes du territoire et leur
première approche.
Avant d'entrer dans des considérations d'ordre
méthodologique ou de détailler certaines approches que nous avons
identifiées comme étant pertinentes pour le projet du Bas
Chantenay, il nous semble important de s'attarder à brosser un portrait
rapide de ce qui a fait et ce qui fait la ville : depuis son histoire
à ses usages actuels, la ville est un ensemble de lieux, d'objets, de
pratiques qui lui façonnent une personnalité propre.
Et si l'organisation de la ville a bien changé depuis
l'avènement de l'ère moderne et l'urbanisme fonctionnaliste qui
s'en suivi, elle présente toujours les mêmes idéaux qui
sont ceux que l'aménageur et son urbaniste essaient aujourd'hui de
réinventer : un lieu d'échanges, de vivre ensemble, de
découvertes, d'activités, de conflits mais aussi de partages.
Bref, un lieu vivant.
Dans un premier temps, nous allons essayer de faire ressortir
une sélection de quelques pensées et remarques autour de la ville
et de ses espaces publics. Il nous semble important, pour tout projet urbain,
de se constituer une certaine culture de l'urbain, afin de garder en
tête, tout au long de la conception puis de la construction du projet,
les éléments qui « font ville » et qu'il faut
savoir mettre ou remettre en valeur. Puisque nous nous plaçons du
côté du maître d'ouvrage, et donc de la puissance publique,
nous nous focaliserons sur ce qui fait notre coeur de métier, les
espaces publics et l'influence que ces derniers ont sur la qualité
urbaine d'un quartier.
La mission d'un maître d'ouvrage est en effet
double : d'un côté il faut savoir s'accompagner d'un
maître d'oeuvre qui a bien saisi les enjeux du projet et qui sait les
retranscrire par un plan directeur mais aussi par des prescriptions, qui
retranscrivent les idées phares du plan et qui s'appliquent à
tout intervenant sur le territoire (promoteurs immobiliers, constructeurs,
sociétés de transport, de réseau) ; de l'autre il
faut mettre en branle le projet par des actions fortes, ou par des ajustements
bien ciblés, sur l'espace public. Ce peut être un travail sur le
redimensionnement des voiries, la requalification des places, des rues, des
parcs, mais également la construction, par la puissance publique,
d'équipements qui marquent le renouveau du quartier. On pense souvent,
sur ce point, aux grands équipements culturels tels le musée
Guggenheim à Bilbao ou l'opéra de Sydney, qui sont des symboles
forts pour les acteurs privés et attirent une nouvelle population, mais
ce peut être aussi tout simplement des établissements scolaires,
sportifs, associatifs, qui viennent s'inscrire dans une logique plus douce afin
de retisser des liens entre les résidents et travailleurs du territoire,
de relier le quartier à la ville, à son centre.
La place de l'espace public
Lors de la rédaction du cahier des charges d'appel
d'offre pour l'accord cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine, il a
été porté une attention certaine à la
présentation du territoire, du contexte de l'accord-cadre et surtout des
enjeux urbains d'ores et déjà identifiés : la forme
urbaine, le parcellaire, les déplacements, la gestion des rives,
l'inscription dans une démarche globale de développement
durable... Il n'a pas été abordé, en revanche, la question
plus générale mais primordiale dans un projet urbain de la place
des espaces publics. Comme introduit précédemment, nous allons
essayer, à travers quelques réflexions issues de nos lectures, de
palier à cet oubli en explicitant la place de l'espace public dans la
ville, ses éléments physiques mais aussi immatériels, la
façon dont ils constituent le terreau de l'expression visible des liens
sociaux.
Définition de
l'espace public
Un espace physique, juridique et
localisé
Lorsque l'on pense espace public, on pense d'abord à un
espace physique, matériel. C'est ainsi que Merlin et Choay, dans leur
Dictionnaire de l'Urbanisme et de l'Aménagement (1988),
introduisent leur chapitre sur l'espace public par une définition qui
lui dessine des limites physiques et juridiques : « On peut
considérer l'espace public comme la partie du domaine public non
bâti, affectée à des usages publics. L'espace public est
donc formé par une propriété et par une affectation
d'usage (...). En tant que composé d'espaces ouverts ou
extérieurs, l'espace public s'oppose, au sein du domaine public, aux
édifices publics. Mais il comporte aussi bien des espaces
minéraux (rues, boulevards, places, passages couverts) que des espaces
verts (parcs, squares, cimetières) ou des espaces plantés (mails,
cours). » Isabelle Billiard, dans ce qui est considéré
comme la première véritable étude sur les espaces publics
en France (1988), ajoutera une dimension géographique à cette
définition, en considérant que « l'espace public se
polarise autour de lieux publics, mais clos, destinés à des
citoyens-usagers, dont les architectures spécifiques (écoles,
mairies, postes) constituent une emblématique nationale ».
Un espace immatériel, vecteur de
communication
De cette définition qui procède d'une
démarche descriptive et qui encadre l'espace public dans des
repères physiques, juridiques et géographiques, on peut envisager
d'expliciter cet espace en partant des usages qu'il induit et non de ses
caractéristiques. Ainsi Thierry Paquot, dans son ouvrage
« L'espace Public » (2009), présentera une approche
non plus descriptive, mais fonctionnelle, énonçant que l'espace
public consiste en un ensemble d'espaces « mettant en relation, du
moins ponctuellement, des gens, qui s'y croisent, s'évitent, se
frottent, se saluent, conversent, font connaissance, se quittent, s'ignorent,
se heurtent, etc. Ces gens remplissent une fonction essentielle de la vie
collective : la communication. Ils facilitent l'urbanité
élémentaire et reçoivent, comme un don anonyme et sans
réciprocité attendue, l'altérité. C'est dans ces
espaces publics que le soi éprouve l'autre. C'est dans ces
espaces dits publics que chacun perçoit dans
l'étrangeté de l'autre la garantie de sa propre
différence ». De la même manière, Richard Sennett
(1972) précisera que la ville est le lieu privilégié de
cet en-commun créé par l'espace public, car elle se
présente comme « un milieu humain dans lequel des inconnus se
rencontrent ».
La ville et son espace public sont donc avant tout des lieux
de communication entre habitants, travailleurs, promeneurs, enfants, parents.
C'est une définition que nous apprécions, car elle insiste, non
sur les espaces qui font public, mais sur l'aspect relationnel qui fait de
certains espaces des espaces publics. Et cela nous paraît pertinent,
puisque de nombreux lieux nous semblent devenir publics par leur usage, et non
par leur destination initialement imaginée. C'est une conception qui
semble convenir à une réflexion de renouvellement urbain :
l'aménageur et son urbaniste ne devraient pas chercher à
créer des lieux qui doivent être amenés à être
publics, mais plutôt à trouver les lieux qui font du lien et
seront amenés, par leur usage, à devenir espaces publics de fait.
Une telle approche pousse l'urbaniste à réfléchir à
la valeur d'usage des espaces qu'il crée, et donc à adopter une
posture sensible dans sa vision de la transformation du territoire.
C'est une approche que l'on retrouve dans certaines notes
d'intentions issues des candidatures pour l'accord-cadre de maîtrise
d'oeuvre urbaine. Ainsi Reichen et Robert diront que « le sens de
l'espace public est celui de la rencontre, du vivre ensemble et de
l'appropriation, base de la désirabilité. » Ils
imaginent déjà que « des lieux communs, hors
normes et aménagés avec les gens du coin, pourront
créer des lieux actifs et vivants, pixels inattendus dans la ville,
associant le loisir à la pédagogie. »
L'espace public, produit
d'une vie économique et d'une mixité
Journaux, salons, cafés
On vient de le voir, nous préférons
appréhender l'espace public comme sortant des espaces minéraux ou
plantés pour être présent, de manière plus large,
omnisciente presque, dans les lieux et vecteurs de communication publique.
Ainsi les remarques de Jürgen Habermas (1962), philosophe
et sociologue allemand, présentent un intérêt certain. Il
cherche à caractériser l'espace public en identifiant sa
rémanence dans trois « formes » qui selon lui font
communication ; le journal, le salon et le café.
Le journal car il est issu de l'écriture, premier
médium de communication entre les hommes mais surtout premier lieu
d'expression après l'agora de la Grèce antique. Les journaux
véhiculent la pensée unique du pouvoir, lissée encore
davantage par la publicité, mais également les courants
alternatifs de pensée dite « libre », depuis les
républicains avant la révolution aux fanzines, journaux
spécialisés ou dits indépendants.
Le salon quant à lui, est le lieu
privilégié de l'échange d'information, depuis les cours
des rois aux salons littéraires tenus chez certaines grandes familles,
et de nos jours ce que l'on a coutume de nommer les « think
tanks », associations de professionnels, penseurs, chercheurs, qui se
réunissent afin de réfléchir et échanger sur un
sujet de société. On remarquera d'ailleurs que ces groupes de
réflexions existent depuis bien longtemps, si l'on considère par
exemple la franc maçonnerie dans sa pratique actuelle en Europe.
Enfin le café, qui est en quelque sorte le prolongement
naturel du salon accessible au plus grand nombre. Il est en effet ouvert
à toutes les catégories sociales, promeut la circulation des
idées, accepte la tenue de réunions à caractère
public, assure la promotion d'un artiste... Ainsi pendant longtemps la paie des
marins était distribuée dans les bars des ports, avec les
atmosphères enivrées de jour de paie qui s'en suivaient. Ce sont
dans ces lieux que les ouvriers inventeront le syndicalisme, que les artistes
dénonceront l'académisme et lanceront de nouveaux courants
artistiques. Paquot dira qu'avec les cafés, « c'est l'esprit
de la ville qui se répand sur territoire, et avec lui, les conceptions
politiques et la reconnaissance de l'opinion publique. C'est une balise dans
l'océan agité de la grande ville ». Il citera
Champfleury, qui dans ses Souvenirs et portraits de jeunesse, dira que
« le café est plus qu'un café, il correspond à
un prolongement de l'habitation et à un entre-deux, à la
frontière entre la sphère publique et la sphère
privée ». On retrouve encore maintenant certains cafés
qui sont le lieu de la discussion, de l'échange de points de vue, de la
démocratie finalement, en dehors des lieux privés. Cafés
d' « after work » entre collègues, cafés
de Flore ou Deux Magots pour les intellectuels parisiens, cafés dits
« alternatifs » que l'on retrouve souvent dans les villes
ou quartiers engagés politiquement. Cafés proposant une connexion
internet ou cyber-cafés également, qui installent une part de
bureau (personnel ou professionnel) dans la vie publique. L'inverse n'est pas
systématiquement valable, mais on constate souvent que l'absence de tels
lieux de rencontres peut, en partie, être tributaire des désordres
sociaux que l'on retrouve régulièrement dans les quartiers de
grands ensembles par exemple, ou de la distension des liens sociaux qui
s'opère dans les quartiers pavillonnaires des périphéries
urbaines.
Ce qu'il est intéressant de remarquer dans cette
approche c'est qu'on est ici en présence de trois formes d'espaces
publics qui ne sont pas du ressort de la puissance publique, mais apparaissent
spontannément, et sont bien souvent la conséquence d'un quartier
vivant. Vivant dans le sens où le lien social existe entre les
habitants, qui se réunissent pour discuter, jouer, se rencontrer, etc.
Ces espaces pourraient donc, d'une certaine manière,
constituer un des marqueurs d'un quartier ou d'une ville qui favorise
l'échange. On remarquera ainsi que bien souvent les quartiers
monofonctionnels présentent peu de médium de communication :
le grand ensemble en est souvent peu ou pas pourvu ; une zone
d'activité est un agrégat de parkings et d'entrepôts qui
prête peu à la rencontre ; une zone de bureau présente
souvent les mêmes carences ; et les zones industrielles, du fait des
distances importantes entre chaque bâti et de la dimension des parcelles,
en sont encore davantage dépourvues. Cette carence est également
une conséquence de l'absence de diversité de fonctions dans un
territoire. Zones d'activités, industrielles ou de bureaux souffrent
bien souvent du syndrome du « 9h-18h », car leurs
« résidents »... n'y résident pas, et se
contentent de faire la navette chaque matin et chaque soir.
Il s'agira donc pour le Bas Chantenay, territoire
« asocial » de par l'absence d'espaces publics vivants, de
retrouver un dynamisme, qui, l'agence Urban Act le remarque dans sa note
d'intention, existait il y a quelques dizaines d'années, lorsque
l'activité économique était florissante :
« le Haut Chantenay accueillait auparavant les ouvriers travaillant
en bas, dans les usines, les chantiers, les ateliers. Cette vie
économique suscitait également une vie festive et sociale : des
cafés et des bars, des guinguettes (300 au maximum contre 3
aujourd'hui). Il y avait un lien, aujourd'hui très distendu, entre le
Haut et le Bas Chantenay. Le quartier emploie en effet moins de main d'oeuvre,
l'activité s'y est réduite et les friches sont plus nombreuses,
un processus de gentrification relative s'est développé sur le
Haut Chantenay (...). Il y a aujourd'hui une déconnexion sociale et
économique entre le Haut et le Bas, déconnexion qui a
accentué le processus de dévalorisation des quartiers du Bas
Chantenay ».
Cette remarque est intéressante car elle fait le lien
avec plusieurs des objectifs majeurs de ce projet de renouvellement : la
conservation et le redressement de l'activité économique dans le
quartier, et le développement d'une mixité de fonction, notamment
par l'apport de logements. Cet apport existait de fait, à
l'époque où l'industrie était florissante, car les
ouvriers habitaient un peu plus haut dans Chantenay, et descendaient à
pied tous les matins. Aujourd'hui ils ne sont plus, et leurs maisons
ouvrières, au coeur de Nantes, sont devenues des biens immobiliers
prisés par les classes supérieures.
On peut donc envisager que ces trois enjeux, espaces publics,
activité économique et habitat, sont intimement liés, et
que la réussite d'une vie sociale dans le quartier passera
nécessairement par un renouveau de sa vie économique ainsi qu'un
retour des habitants sur le territoire. On retrouve ce type de réflexion
dans les divers fascicules de recommandations sur l'aménagement de
l'espace public en France. Ainsi, le livret « Revisiter les espaces
publics pour changer la ville », publié par la Direction
régionale et interrégionale de l'équipement et de
l'aménagement d'Ile-de-France (2011) est introduit par les propos
suivants : « Les espaces publics de la ville situent les
terrains et les constructions privées dans la ville, en font la
vocation, la valeur, l'intérêt, l'usage, l'ambiance. Ils
permettent que s'établisse un lien social entre ceux qui y vivent, qui y
travaillent ou les visitent ». Plus loin on lira même qu'
« un espace public qui est défait par la pauvreté de
ses usages, l'insécurité ou l'ambiance qui y règne n'est
que la moitié du système composé des pleins et des vides
de la ville, des fonctions urbaines qui s'y logent, des flux qui le traversent
».
La destruction de l'espace
public par le zonage monofonctionnel
Longtemps, composer la ville consistait à dessiner des
rues, des places censées à la fois être des lieux du vivre
ensemble, du bouger ensemble, de la rencontre, à pied ou à
cheval. Les moyens de déplacements étaient limités, aussi
le dessin de la ville s'est fait avec une forme de modestie dans
l'échelle des compositions. Il fallait lier les espaces de la
manière la plus simple bien sûr, mais la moins
désagréable aussi, puisqu'à pied on ressent davantage les
barrières et autres éléments incongrument
placés.
Avec le XXe siècle sont arrivés d'un seul coup
dans les villes toutes les mobilités mécaniques, tramways,
métros, trains et automobiles. Mais Jean-Marie Duthilleul (2012) estime
que les espaces de la ville n'ont pas été reconçus autour
de cette nouvelle donne de la vie urbaine. Il explique ainsi que
« ces espaces sont devenus de plus en plus encombrés,
difficiles à vivre et à gérer, jusqu'à ce que,
autour des années 1940, prennent forme des théories qui allaient
se révéler dramatiques pour la vie urbaine : les
théories de la séparation des réseaux par modes, puis des
territoires par fonction. Il s'agissait, pour gérer la
complexité, de « séparer les variables ». Ce
faisant, on a coupé la ville en morceaux et détruit la fine
alchimie d'activités humaines génératrice de la richesse
urbaine. Il en a résulté des découpages de la ville en
zones, optimisées par fonctions, reliées entre elles par ce que
l'on a appelé des transports (...), sans souci de la qualité du
trajet si ce n'est son efficacité ».
Regardons le Bas Chantenay : c'est une zone
monofonctionnelle (activités industrielles, de stockage et de
manutention) dont l'unique accès se fait par la voiture, excepté
une ligne de bus au demeurant bien trop esseulée pour un si vaste
territoire. Et s'il y a eu desserte par train, elle est aujourd'hui anecdotique
puisque la gare de Chantenay, mise à part sa fonction logistique, n'est
desservie que par quatre arrêts de TER chaque jour.
Nous avons envie de croire, après ces quelques
remarques, que le Bas Chantenay est un laboratoire presque exhaustif pour
analyser les carences de qualité urbaine qu'ont engendrées sur un
territoire un phénomène bien connu de nos agglomérations
françaises. Ce phénomène, ce sont des années
d'industrialisation rapide, caractérisées par une apparente
absence de stratégie urbaine que l'on pourrait attribuer à la
période d'euphorie économique, suivies d'autres années de
désindustrialisation qui là aussi ont fait montre d'une absence
d'organisation urbaine, liée cette fois-ci peut-être à une
déprime, ou une paralysie collective.
On peut s'interroger sur cette érosion de ce qui a
été identifié, il y a peu longtemps, comme faisant partie
intégrante de l'espace public. Est-ce, comme on vient de l'aborder,
lié à une mutation des formes de communication, à un
changement radical dans l'organisation de nos sociétés modernes,
ou bien à un échec de la fabrique de la ville depuis l'ère
industrielle ? Il est possible que tous soient liés, mais il n'en
reste pas moins que nous nous devons aujourd'hui, en tant que
« dessinateurs de ville » de se pencher avec le maximum
d'attention sur ce qui fait l'espace public aujourd'hui.
Les enjeux de la
consultation
Après avoir cerné, il nous semble, ce qui fait
espace public, reprenons les enjeux identifiés actuellement dans le
cahier des charges tel qu'il est à ce stade, puisqu'il n'est pas encore
finalisé. Ce document, issu d'un travail sur les acquis des
études précédentes et fruit de nombreux échanges
entre NMA et les services de Nantes Métropole, est volontairement
très pragmatique. Sans entrer dans des considérations
théoriques sur l'avenir d'un ancien quartier industriel, il recense des
éléments matériels et factuels sur lesquels pourront
s'appuyer les candidats admis en phase offre. Il rassemble ainsi les enjeux
identifiés à ce jour, auxquels il nous semble indispensable que
l'urbaniste lauréat répondre dans ses intentions programmatiques.
Ce sont des enjeux spécifiques au territoire, mis en exergue tout
d'abord par les travaux de Pierre Gautier (en 2006 puis 2008), puis plus
récemment par la mission de cohérence des deux rives de Marcel
Smets (en 2011). Ils relèvent certains éléments
distinctifs de l'urbanisation du site, de ses atouts et de ses contraintes
actuelles, et laissent volontairement apparaître des premières
orientations pour le dessin du projet. A ces éléments nous avons
essayé d'associer certaines des pistes de réflexion
proposées par les candidats, afin d'amorcer le dessin de ce qui pourrait
être l'approche urbaine demain.
Les enjeux de la forme urbaine
Faire cohabiter deux fonctions urbaines
distinctes
Marcel Smets 2011
L'urbanisation originelle du Bas Chantenay s'est faite sur les
hauteurs, en tissant un maillage serré et de petites parcelles
d'habitations. Dans un second temps, l'industrie s'est développée
en bas du quartier, sur les parties planes de bord de Loire. Le maillage de ce
territoire est donc majoritairement lâche, composé de grandes
parcelles d'activité industrielle ou logistique. Il s'agit de
réfléchir à la cohérence entre ces deux grandes
fonctions urbaines et de travailler à rétablir une forme
d'articulation entre ces deux espaces aujourd'hui très distincts.
De la même manière, le lien qui unissait
naguère, à travers les activités navales, les habitations
en surplomb au fleuve en contrebas n'existe plus.
Marcel Smets 2011
Le site est ainsi marqué par un réseau viaire
peu irrigué qui contrarie les jonctions entre l'habitat au nord et le
bord de fleuve. Cette absence de liaison vers le fleuve demande une
réflexion poussée sur le rôle des deux axes
parallèles à la Loire, boulevards au nord et rue des usines au
sud.
Cet enjeu est bien saisi par les candidats. L'équipe
formée autour de Devillers propose ainsi d'assurer la traversée
des infrastructures et autres barrières pour accéder au bord de
Loire. Elle propose de privilégier « la requalification des
escaliers et ruelles existantes, la réalisation de certains ouvrages
permettant de franchir les fractures urbaines mais aussi d'augmenter les flux
et l'accessibilité avec des parcours spécifiques (ascenseurs
urbains, funiculaires, rampes...) ». Bernardo Secchi et Paola Vigano
envisagent eux le lien entre haut et bas Chantenay à travers le prisme
des usages : « Le projet (...) devra donc s'intéresser
à la mixité des usages comme moteur de nouvelles relations qui
s'établissent, de sociabilité et d'échanges. Cela pose la
question de la politique à adopter en termes de mixité des
usages, quels types d'activités, quel type d'habitat, pour qui, quelle
place aux lieux de la culture, de la sociabilité ? »
Ajuster le parcellaire en fonction des orientations
programmatiques
Marcel Smets 2011
D'un point de vue morphologique, le parcellaire,
hérité des activités industrielles et portuaires,
présente de vastes unités foncières, qui ont parfois subi
des redécoupages ou remaillages. Ces vastes parcelles, dont les
dimensions peuvent atteindre une dizaine d'hectares, ne sont plus
adaptées aujourd'hui à une forme contemporaine de mixité.
Si la partie Ouest a pour vocation de rester industrielle, une réflexion
doit être menée sur son accessibilité (peu de voies
intérieures nord-sud) ainsi que sur le redimensionnement de ses
îlots. De la même manière, la partie Est, qui semble plus
adaptée à l'insertion progressive d'une mixité, doit
être le fruit d'un remembrement afin de travailler sur des parcelles de
taille plus modestes. En parallèle de l'étude économique
en cours visant à conforter et à préciser les vocations de
chaque site, une réflexion sur les évolutions parcellaires
envisageables (découpage, remembrement) sera à conduire.
Les enjeux de déplacements et de polarités
Redéfinir le rôle d'entrée de ville
du territoire
Marcel Smets 2011
Actuellement deux axes forts morcèlent le territoire,
accentuant la rupture entre le bas et le haut, la rue des Usines au sud des
voies ferrées et le boulevard de Koenig à la jonction entre le
haut et le bas Chantenay. Cette dualité dans les entrées
nécessite d'être questionnée. Les rôles de ces deux
axes doivent faire l'objet d'une analyse afin d'identifier des solutions de
réaménagement, en tenant compte de leurs impacts et des mesures
d'accompagnement induites. Cette réflexion est souvent abordée en
parallèle avec une approche plus globale autour des déplacements
et de l'accompagnement de polarités.
Affirmer et développer les
polarités
L'ensemble des projets de développement de transports
collectifs amène à redéfinir le Bas Chantenay comme un
pôle d'échange majeur pour le quartier et la ville.
Ainsi :
· Plusieurs lignes de chronobus sont en cours de
déploiement ou à l'étude, dont la ligne C1 qui devrait
prendre son terminus à la Gare de Chantenay dès la rentrée
2012 ;
· La réflexion en cours sur le déploiement
d'un nouveau pont devrait redéfinir la trame viaire du
quartier ;
· La gare devrait gagner en importance avec la mise en
place du tram-train ;
· Enfin, certaines pistes de réflexion
évoquent un réseau de navibus associé à des
parkings relais.
La gare et les boulevards ouest-est et nord-sud devraient donc
devenir des pôles importants dans le dispositif de transports en commun
du quartier. Leurs destinations, ainsi que leurs dimensions, doivent prendre en
compte ces remaniements à venir.
Par ailleurs, il est demandé aux équipes de
réfléchir au développement de pôles de
proximités, de commerces, de tertiaire ou de loisir. A ce titre, il
existe aujourd'hui un pôle regroupant des commerces de proximité
autour de la place Jean Macé, à l'angle des boulevards de la
Liberté et de Cardiff. Le projet devra prendre en compte cette
polarité existante, en cherchant à mettre en oeuvre les moyens de
la développer.
Sur ce sujet des polarités, les premières
réponses des candidats apportent des propositions intéressantes.
Le groupement Pranlas-Descours expliquera sa vision du concept de
transformation des polarités de la ville, en affirmant que les mutations
« sont de deux ordres, soit par intensification -
désintensification des polarités, soit par déplacement et
recomposition de ces polarités dans des ensembles plus vastes. Ainsi, la
notion de polarité est liée à l'histoire et à
l'accumulation de micro-centres (pouvoirs religieux, militaires, civils) par
agrégats progressifs ». De manière plus pragmatique,
l'équipe Urban Act identifie déjà quatre points d'appuis
à des centralités renforcées, qu'elle cerne comme
étant complémentaires les unes des autres, graines de
mixité et d'une vie urbaine riche et intense :
Equipe Urban Act, note d'intention (2012)
· Le village Roche Maurice, et son ambiance unique de
petite enclave sous un pont monument, dont les berges de Loire sont accessibles
et le paysage grandiose (grues, pont...) mêle une échelle
très locale à une localisation globale. C'est un noyau de vie
urbaine dont la densification et l'extension sont à envisager, tout en
conservant son identité conviviale et villageoise, sa richesse
culturelle et artistique ;
· Les Coteaux Hardy : le coeur de l'ilot revêt
un potentiel fort de densification dans la pente, qui pourrait s'amplifier et
se poursuivre vers le Bas Chantenay, en lien avec un franchissement de la Loire
et le faisceau ferré. Des franchissements événements,
source d'intensification des échanges et des flux, créateurs
d'urbanité, lieux de vie, d'habitat, de travail ;
· La Gare de Chantenay : pôle multimodal
à intensifier comme lieu d'échanges, de densité, de
commerces, de vie, en lien avec un nouveau réseau de mobilité
durable, avec des équipements d'échelle
métropolitaine ;
· Crucy Plage : en lien avec le boulevard de la
liberté, axe structurant du haut Chantenay, le quartier Crucy est l'un
des rares sites résidentiels du Bas Chantenay, mais aussi de commerces,
d'ateliers d'artistes, et de lien avec la Loire à travers la cale Crucy
et le chantier de l'Esclain, ainsi que le port sec plus loin.
Les enjeux de la
programmation d'une mixité de fonctions
Le territoire du Bas Chantenay est majoritairement
économique, notamment sur sa partie ouest. Sur la partie est,
l'accès au fleuve n'étant plus indispensable comme il
l'était à l'époque des chantiers navals, il faut se poser
la question de l'introduction d'une certaine mixité par l'habitat, le
tertiaire, les commerces, équipements et lieux culturels, comme
l'étude de définition de Pierre Gautier l'avait abordé en
2008, et en prenant en compte les préconisations de l'étude
économique menée par Nantes Métropole.
Marcel Smets 2011
Il faudra aussi garder en tête la volonté
politique de conserver une activité économique dominante sur le
quartier, et de faire avec ces acteurs du monde de l'entreprise, en les
impliquant dans la conception du projet. Car en effet, comme l'explique
simplement Laurent Théry (2009), ancien directeur de la SAMOA
aujourd'hui directeur d'Euralille et Grand Prix d'urbanisme, « quand
un territoire a un projet, il gagne en attractivité pour les
entreprises. Et quand on rencontre des chefs d'entreprises, la plupart du
temps, ils s'intéressent en réalité beaucoup moins aux
aides financières qu'à l'évolution du tissu dans lequel
ils vivent. (...) Quand on est capable de leur montrer que ce tissu est en
mouvement, qu'il a un projet, qu'il va quelque part (...), c'est quelque chose
qui compte beaucoup dans le développement d'une
entreprise. »
Les enjeux
règlementaires : intégrer des contraintes fortes
Le Bas Chantenay est un territoire contraint. Par la taille de
ses emprises, par l'enchevêtrement de réseaux de transports peu
coordonnées, mais aussi par des contraintes latentes que sont la
pollution liée à l'histoire industrielle du site et le risque
d'innondabilité, ce malgré la présence de berges
urbanisées.
Ainsi, si l'eau est un élément très
important sur ce territoire et en fait toute la qualité, cet
élément représente aussi de fortes contraintes
(enclavement, risque d'inondation). Le nouveau PPRI (Plan de Prévention
du Risque d'Inondation) est en cours de finalisation et fait ressortir une
cartographie plus fine des zones sensibles. Le secteur du Bas Chantenay devrait
être ainsi soumis à un aléa inondation moyen à fort
sur les berges, et faible à moyen sur certaines zones du territoire plus
au nord, notamment des espaces identifiés comme porteurs de projets, tel
le boulevard de Chantenay (ancien canal). Cette contrainte forte devra donc
influencer les mesures proposées par l'urbaniste, duquel il sera attendu
une approche sensible.
En termes de pollution, à priori, le territoire du Bas
Chantenay a subi l'influence de deux types de pollution :
- La pollution liée aux produits chimiques et
matériaux utilisés pour les activités industrielles
elles-mêmes ;
- La pollution des matériaux utilisés pour
remblayer, notamment en bord de Loire, et dont l'origine est bien souvent
inconnue.
Ces contraintes ne sont pas identifiées
précisément aujourd'hui. Elles vont avoir comme
conséquences :
- Une intégration de cette préoccupation
dès la phase de conception générale avec des orientations
adaptées aux niveaux de pollution suspectés ou
constatés ;
- Une prise en compte plus fine des faisabilités
d'aménagement ou de changement de destination, proposant des
morphologies adaptées au confinement ou autres mesures de gestion de la
pollution ;
- Une rationalisation des mouvements de terres et mises en
décharge.
L'ensemble de ces contraintes est, de manière
étonnante, cartographiée par un des candidats, l'équipe
formée par Christian Devillers. Nous nous permettons donc de reprendre
sa production afin de synthétiser ces enjeux.
Devillers, note d'intention (2012)
Sur la pollution du sol, nous apprécions l'approche de
l'atelier Reichen & Robert, qui considère cet élément
comme une ressource pour le projet. Comme d'autres équipes, il
préconise d'intégrer cette question dès les phases
initiales de conception du programme et du projet, afin de s'y adapter au
mieux, tout en gardant « une plasticité suffisante au projet
pour permettre des adaptations au cours de sa mise en oeuvre ». Mais
il aborde aussi une approche pragmatique qui nous semble juste : pour ce
candidat, le sol, « matière et ressource, est largement
oublié dans la conception des villes aujourd'hui ». Ainsi il
affirme vouloir « régénérer, réutiliser,
recouvrir ; (car) le sol est une matière vivante, jamais un
déchet ». L'équipe réunie autour de GOA propose
une approche identique, en affirmant que « l'ensemble doit rester sur
le site quelle que soit sa transformation, dépollution, recomposition,
remodelage, réutilisation... Les matériaux de
déconstruction (...) peuvent être réutilisés pour un
nouvel usage : les déblais pour former les reliefs d'un projet, les
gravats pour les fonds de chaussées, le bois de charpente pour le
mobilier urbain (...). Ces principes participent à l'évolution du
site dans le temps, ils lui donnent un visage, une vocation et une organisation
spatiale selon les procédés employés ».
De ces contraintes, et particulièrement sur le sujet de
l'innondabilité, nous sommes également sensibles à
l'approche de l'équipe réunie autour de l'atelier Roland Castro.
Ce dernier a produit, dans le cadre du Grand Paris, un travail intitulé
« Vivre le fleuve », issu des publications « Les
Chemins de l'Urbanité » menées par l'Atelier Castro
Denissof et Nexity Ville & Projets, dans lequel il explicite sa vision des
possibilités d'urbanisation des berges de cours d'eau.
« Vivre le fleuve », Atelier Castro
Denissof et Nexity Villes & Projets (2012)
L'équipe exprime ainsi dans sa note d'intention un
argumentaire appuyé pour une culture de projet davantage que le strict
respect d'un cadre règlementaire. Il énonce que « la
culture juridique du principe de précaution ne prend pas toujours en
compte la réalité des territoires, ni le formidable potentiel
d'innovations techniques en la matière. Tout en prenant en
considération les contraintes imposées par le PPRI, nous
promouvons une culture de projet et souhaitons mettre en valeur la
géographie, la poésie, la beauté de ce quartier au bord de
l'eau ». L'atelier exprimera sa position en ces termes :
« L'eau et la végétation pourraient s'installer au sein
même du quartier en aménageant par exemple des bassins qui
évoqueraient le rivage proche (...) ».
Les enjeux de développement durable dans un contexte
métropolitain
La volonté de conduire le renouvellement urbain du
territoire du Bas Chantenay s'inscrit, de fait, dans une démarche de
développement durable. Les objectifs de développement urbain
devront ainsi s'appuyer sur les fondements du développement
durable : un projet équitable socialement, soutenable
économiquement et respectueux de l'environnement, dans l'esprit des
écoquartiers métropolitains. Les préoccupations de respect
de la biodiversité, de mobilité durable, d'efficacité
énergétique, de gestion économe des ressources et de
nature en ville devront infuser les intentions de développement.
Afin de prendre conscience de l'étendue des
problématiques à traiter dans le cadre d'un projet urbain de
l'ampleur du bas Chantenay, l'équipe de maîtrise d'oeuvre urbaine
aura a sa disposition un mémento des mesures applicables en terme de
développement durable (réalisé par Nantes
Métropole), et devra accompagner le maître d'ouvrage dans la mise
en oeuvre des actions identifiées. Parmi cette liste plusieurs points
sont d'ores et déjà identifiés, que le maître
d'oeuvre devra prendre en compte.
Mettre en valeur les
espaces verts et leurs connexions
Le Bas Chantenay dispose de sites naturels de qualité,
avec des rives de Loire exposées plein sud, des anciennes
carrières en partie investies par la nature, des parcs paysagés
(Parc des Oblates et Square Maurice Schwob). Aussi Nantes Métropole
Aménagement demandera qu'une réflexion soit menée autour
de la pertinence d'un lien entre les berges et les parcs, ainsi que sur les
nouveaux aménagements paysagés à concevoir.
L'omniprésence de la Loire dans l'agglomération
(vue depuis Trentemoult - 2012)
Sur ce point, Jane Jacobs, dans son ouvrage The Death and
Life of Great American Cities (1961), considère que la rue n'est
pas qu'un élément de voirie, mais la possibilité d'une
plurifonctionnalité. Elle observe que « plus une ville
réussit à mêler une diversité d'usages et d'usagers
quotidiens dans ses rues, plus ses habitants fréquentent et animent tout
naturellement les jardins publics bien placés ; ceux-ci sont alors
source de plaisir et d'agrément dans leur environnement, et non des
espaces vides ». Aux espaces vides et aux espaces verts, qui sont des
espaces morts, on a opposé des espaces qui fonctionnent et qu'elle
propose de nommer espaces actifs. Elle estime que le vide gratuit est
une source d'angoisse et la verdure demande à être mise en forme
et localisée en des points «stratégiques». Jane Jacobs
fait ainsi une série de suggestions concernant à la fois leur
localisation (comme ponts entre deux quartiers animés par exemple) et
leur qualification fonctionnelle (nécessité d'y aménager
des installations sportives et des éléments d'attrait
particuliers).
Reconquérir les bords de Loire
Le coeur de l'agglomération de Nantes constitue un
point d'ancrage essentiel de la reconquête urbaine du fleuve. Le projet
du secteur du Bas Chantenay, dont un des objectifs est de se
réapproprier une partie de la rive nord de la Loire, en fait partie, et
devra prendre en compte le fait qu'il se situe sur le parcours de la Loire
à Vélo.
Par ailleurs, sur le plan topographique, la rupture entre le
haut et le bas Chantenay offre des belvédères
dégagés sur les coteaux. Par conséquent, il s'agira aussi
de mettre en valeur ces panoramas en bord de Loire, ouverts sur le fleuve et la
berge naturelle de Rezé.
Marcel Smets 2011
Sur ce point un certain nombre d'approches concordent en
visant à réintroduire de la végétation dans le
quartier et sur les berges, par touches progressives. L'équipe de Bruno
Fortier ouvre ainsi le débat par l'interrogation suivante :
« Est-ce en faisant de ses points hauts des forêts verticales
(micro tours, toitures végétales, cours industrielles
transformées en jardins), ou est-ce en fabriquant à cet endroit
une forêt de saules, sorte de long parc habité annonçant la
présence de l'estuaire aux portes du quai de la Fosse ? Il faudra
en tout cas qu'à un terme plus ou moins long, ces cent cinquante
hectares apparaissent comme un jardin et que celui-ci vienne lécher
l'artifice compliqué des quais ».
Par ailleurs, la présentation du projet en
comité de pilotage avec les élus, le 13 mai 2012, a donné
lieu à des remarques, notamment sur la faisabilité d'entamer,
dans le cadre de l'accord-cadre, des travaux de réhabilitation des quais
depuis le quai de la fosse. Il a été décidé
d'insister, dans l'approche à développer sur le traitement des
rives de Loire, sur la connexion du site au centre-ville. Il est ainsi
exigé que le projet fasse preuve d'exemplarité dans sa
capacité à recréer un véritable quartier de ville
sur le fleuve, à travers notamment une réflexion sur
l'aménagement des quais dans le quartier et vers le centre-ville.
Il est préconisé que cette réflexion
s'appuie sur un travail autour du réseau de déplacements doux et
sa lisibilité. A l'échelle du piéton, les distances
vis-à-vis du centre-ville ainsi qu'au sein même du quartier
doivent être réduites. Il s'agit de repenser le réseau
viaire pour favoriser les connexions douces : parcours piétons mais
aussi cycles doivent intégrer l'accès au haut du quartier, au
fleuve et au centre-ville. Les quais doivent ainsi devenir un support de
déplacement majeur pour rapprocher le Bas Chantenay du centre-ville.
Près de 3km de quais
longent le quartier de Chantenay (c) Joncheray 2012
Quelques approches de la
transformation de la ville
Après avoir identifié les principaux enjeux
à traiter dans l'approche de la maîtrise d'oeuvre, ainsi que les
quelques éléments de réponses apportés par les
candidats à ce jour, nous aimerions traiter de certaines approches de la
transformation de la ville, rencontrées dans nos lectures, qui trouvent
leur sens dans la phase de réflexion qui précède le
démarrage d'un projet de renouvellement. Il nous semble en effet qu'il
est aisé de s'arrêter au traitement (dans le sens de trouver une
réponse à) de problématiques physiques, structurelles ou
environnementales d'un territoire, sans s'attarder à la manière
de penser la transformation. Renouveler un morceau de ville, c'est comprendre
ce lieu dans ce qu'il a d'unique en embrassant, non pas chacune de ses
composantes une à une, mais leur ensemble.
Réinterpréter l'histoire du
lieu
Même si cela n'est pas explicitement exprimé dans
notre cahier des charges, Chantenay est un site chargé d'histoire, et il
est indispensable de prendre en compte cette caractéristique dans la
réflexion qu'il va falloir mener sur son évolution. C'est un
point qui d'ailleurs revient souvent dans nos lectures, à savoir
l'impact du passé dans la transformation d'une ville. Ainsi sur ce
sujet, nous pouvons reprendre les écrits de Patrick Geddes, qui
énonce déjà au début du XXe siècle,
qu' « un projet de création urbaine ne peut
échapper à l'abstraction que s'il est
précédé d'une vaste enquête portant sur l'ensemble
complexe des facteurs qu'il met en jeu ». Le projet urbain, selon
Geddes, « doit être la résultante et la fleur de toute
la civilisation d'une communauté et d'une époque, en
intégrant le passé sous forme d'histoire des idées, des
institutions et des arts ». Par ailleurs, si Geddes valorise le
passé, il n'en reconnait pas moins l'importance de la situation
contemporaine, sa spécificité : il considère
qu'aujourd'hui est une transformation du passé, et non sa
répétition.
Studio 012, Bernardo Secchi & Paola Vigano, note
d'intention (2012)
Il s'agit donc, pour le projet du Bas Chantenay, de bien
prendre en compte l'histoire du site. La façon dont il a
été urbanisé et la culture locale qui s'y est
développée autour du milieu ouvrier, le rapport aux maisons
ouvrières intégrées sur les hauteurs, les
éléments de patrimoine remarquables, sont autant de
critères à intégrer dans le dessin du nouveau Bas
Chantenay. A ce titre, il serait judicieux d'affirmer clairement dans notre
cahier des charges notre volonté de voir s'affirmer un positionnement
quant à l'histoire et au patrimoine culturel du quartier.
Villes & Paysages, note d'intention (2012)
Pour reprendre l'exemple nantais, l'urbaniste
Pranlas-Descours, chargé de la ZAC Bottière-Chénaie
à Nantes, parle volontiers d'un projet d' « association
urbaine plutôt que de composition urbaine ». Il estime que le
maître d'oeuvre doit s'employer à un « travail de
révélation pour retrouver des organisations territoriales plus
anciennes ». Nicolas Michelin se rapprochera de la position de Geddes
dans sa note d'intention en affirmant que le devenir du quartier
« doit s'inscrire, non pas dans une continuité stricte, mais
dans la compréhension de ce passé, et dans une transformation
progressive et évolutive, à l'écoute de l'émergence
de nouveaux usages et programmes ». Et de manière assez
judicieuse, Michel Desvigne conclura sa note d'intention par une mise en
bémol de cette tendance qui voudrait une prise en compte à tout
prix de l'histoire et du patrimoine, et de la possible nécessité,
au contraire, d'aller de l'avant. Il explique en effet que « la
modernité de cette nouvelle façade du centre de Nantes ne doit
pas être écrasée par le patrimoine ». Selon lui,
« on est sans doute arrivé au bout d'une logique. A eux seuls,
les vestiges et leurs traces ne suffisent pas à restaurer l'aspect des
villes. La situation actuelle offre au contraire une forme de liberté,
celles de certaines périodes où les villes ont su affirmer leur
renouvellement ».
Intégrer la notion de temporalité du
projet
Reprenons les écrits de Thierry Paquot dans son ouvrage
« L'espace public » (2009), dans lequel il développe
une approche sociale, ou sociétale, de cet espace qui fait la ville. Il
considère que le traitement des lieux urbains connaît depuis une
vingtaine d'année une indéniable avancée, tant sur la
qualité des matériaux employés que par la recherche
esthétique et l'attention portée aux habitants. Ainsi il reprend
l'exemple de Barcelone, qui depuis 1992 a entamé un travail de
réorganisation de sa voirie afin de faciliter systématiquement
les déplacements pédestres et la cohabitation entre
véhicules et piétons, avec un mobilier urbain novateur, des
revêtements harmonieux, une signalétique redessinée, un
éclairage public efficient, etc. Il considère que depuis cette
date, les lieux urbains naissent d'un travail minutieux, et font l'objet,
progressivement, non plus d'aménagements, mais de ménagements.
Cette notion de ménagement est à nos yeux essentielle dans le
travail d'un urbaniste aujourd'hui, qui ne peut plus se contenter de donner des
réponses franches à chacune des problématiques qui lui
sont posées. C'est ce qui rend le travail de choix d'une équipe
passionnant : chercher, parmi les multiples réponses
proposées, les équipes qui ne proposent pas des solutions
à tout, mais qui admettent, avec une certaine forme de modestie, qu'un
projet est par essence incomplet, en mouvement, fait de petites touches, de
retouches, d'ajustements.
Ainsi on retrouve des intentions qui se traduisent par des
« plan-guide », « scénarios
multiples », qui affirment haut et fort leur incomplétude et
leur souplesse, et qui sonnent juste vis-à-vis de ce que nous
ambitionnons. Il a été dit, dans la note de synthèse
fournie avec l'AAPC, qu'il s'agissait de « mettre en mouvement une
véritable transformation du quartier, en s'appropriant ses contraintes
urbaines de maillage, d'emprise de bâti, de noeuds de transport et
d'accès au fleuve pour en faire ressortir les atouts », et
qu' « à l'image du travail mené sur l'île de
Nantes ces dernières années, le Bas Chantenay doit entrer dans
une phase de renouveau, afin de prolonger la démarche de faire une ville
qui se renouvelle en innovant. » Nous l'abordions donc dans notre
présentation des enjeux, et en effet, le plan-guide
élaboré par Alexandre Chemetoff en 2000 pour piloter la
transformation de l'Ile de Nantes pourrait être un exemple à
suivre. Laurent Devisme (2009) dira de cet outil qu'il est
considéré par les élus nantais comme un exemple
achevé d'une démarche d'urbanisme durable. Il explicitera son
propos en affirmant qu'à travers ce plan-guide, et à
l'opposé de l'urbanisme fonctionnel des années 1960, c'est ici
l'existant qui anime le projet, en affirmant des principes forts selon lesquels
il faut chercher à conserver la diversité sans faire table rase
du passé et à assumer et accepter l'héritage du site.
Bruno Fortier parlera de la méthode employée sur
l'Ile de Nantes dans sa note d'intention. Il expliquera « qu'elle est
à nos yeux la bonne mais mérite quelques inflexions : (...)
plus qu'en retenant un unique grand dessin, c'est en imaginant des
scénarios et une construction progressive qu'il faut très
probablement avancer. Il ajoutera vouloir développer une
« succession de projets (...) basée sur des
situations très diverses (...) que le travail à venir
sera peut-être d'ordonner, mais avec pas mal de prudence et en imaginant
une grammaire de projets ».
Pranlas-Descours, lui, abordera cette anticipation du temps
long dans le projet, en proposant un plan-guide dans lequel il considère
la notion de temps comme un « élément de constitution
des espaces ». Il propose de créer en permanence des
« lieux stables », de ne pas investir la totalité du
site, mais de créer des liens de continuité avec les quartiers
existants. C'est, selon lui, une préoccupation qui est liée
à l'observation des temps cycliques de l'urbanisation, parfois lente, et
de la nécessité de construire progressivement dans le projet
même des liens sociaux, tout en intégrant les conditions
foncières du site.
Nicolas Michelin dira lui qu'il défend
« l'idée du plan d'urbanisme ouvert, du plan guide fait sur
mesure, élaboré en fonction du contexte (...). Ce plan n'est pas
figé, mais propose des invariants - les choix déterminants - dans
les domaines de l'infrastructure, du bâti, de la nature et du
sociétal, et sa mise en oeuvre doit pouvoir s'adapter dans le
temps ».
Quant à Michel Desvigne, du fait de son profil
paysagiste, il propose là aussi un programme évolutif, mais en
s'appuyant sur le végétal. Il imagine ainsi « un
système d'accompagnement lié à libération du
foncier, et envisageant un paysage à deux vitesses, l'un pérenne,
construit dès que (...) des parcelles se libèrent, l'autre
explicitement provisoire, prairies, pépinières, passages,
surfaces minérales accessibles, terrains de jeux ». Il affirme
ainsi proposer, « au lieu d'un plan d'aménagement rigide, une
stratégie d'infiltration, un processus d'occupation évolutive, en
utilisant la fragmentation du territoire pour y glisser jardins et
promenades ».
De la même manière, l'équipe de Devillers
et associés, citera Michel Corajoud pour expliciter son approche de la
gestion du temps. Ce dernier, parlant de « l'art de la
lenteur », dira d'un projet urbain que « les conditions du
contexte métropolitain n'autorisent pas une approche globalisante,
figée dans sa forme et dans le temps. Au contraire, cette configuration
doit donner lieu à l'élaboration d'une stratégie
d'urbanisation souple, basée sur des temporalités
longues ». Et il abordera la prise en compte de l'ensemble des
acteurs qui font la ville : « Le temps long implique
l'incertitude, l'ouverture, le dialogue. Les temps du politique, de
l'urbaniste, de l'habitant, des acteurs de l'aménagement et de
l'histoire des villes sont très différents. Mais c'est le temps
qui donne un sens profond à la transformation urbaine, laquelle soit
s'inscrire dans une permanence ».
Ménager une ville sensible
En tant que philosophe de l'urbain, Thierry Paquot
développe également sa vision de la transformation de la ville
sous un oeil sensible de sociologue. Il considère la phase de conception
d'un projet comme étant cruciale pour bien faire la ville, et recommande
aux (a)ménageurs d' « observer le site, tenir compte des
usages temporels du lieu, questionner les riverains et les passants,
enquêter sur ce qui fait défaut, élaborer plusieurs
propositions qui seront soumises à la critique publique, éviter
le standard, choisir les matériaux, les couleurs, les plantations,
l'éclairage, le mobilier selon ce qui existe et ce qui est à
proximité, pour marquer la rupture ou au contraire se fondre dans
l'existant, offrir des possibilités de détournement, de
surprises, d'étonnement, et assurer le bien-être ». Il
conclue en annonçant que c'est parce qu'un lieu est hospitalier qu'il
devient urbain.
Ces propos vont dans le sens de la tendance à recruter
des équipes de maîtrise d'oeuvre qui présentent des
compétences multiples, et intègrent une analyse ou tout du moins
une approche sensible d'un point de vue sociologique. Or s'il a
été exigé des équipes concourant à l'appel
d'offre de maîtrise d'oeuvre urbaine du Bas Chantenay des
compétences diverses, en urbanisme, paysagisme, VRD, communication et
concertation, il n'a pas été demandé de compétences
en analyse sociologique. Et dans les candidatures reçues, il semblerait
que très peu d'équipes ont développé cette
approche. C'est un sujet qui nous paraît important, au vu de la
complexité du site et de la diversité de ses riverains
(habitants, ouvriers, employés, chefs d'entreprises,
commerçants), qui mériterait d'être intégré
dans les phases de négociations qui se dérouleront d'ici fin
2012.
Favoriser une maîtrise d'usage
S'il faut prendre en compte les personnes vivant dans le
quartier et y travaillant, il faut donc aussi appréhender ses usages. La
ville peut en effet être considérée comme un organisme
vivant, et ses usages sont polyfonctionnels. Ainsi par leurs observations de la
vie citadine dans trois villes, Tokyo, Manille et New York, les sociologues
regroupés par Hidetoshi Kato (1978) remarquent que l'animation
dépend des heures du jour, des jours de la semaine, mais qu'elle
s'avère toujours polyfonctionnelle : on y discute, on y mange, on y
traite des affaires, on s'y donne rendez-vous, on y dort, on y lit, bref elle
est un territoire à la fois personnel et collectif, privé et
public, un morceau de chez soi et un monde à part entière. Edward
Hall (1971) publiera également en ce sens, et constatera que les
individus originaires de cultures différentes « habitent des
mondes sensoriels différents » sans que les urbanistes et
architectes ne s'en rendent compte.
Pour le professionnel, à la manière de Thierry
Paquot, Kato recommande déjà de ménager, et non
pas d'aménager, ces lieux urbains en tenant compte de la
variété de leurs usages selon le temps. Il estime que pour bien
faire, il faudrait réaliser des cartographies temporelles qui
renseigneraient sur le comment-faire, et éviteraient des
aménagements disgracieux, anodins, ou sans qualité et
standardisés.
En guise de réponse à cette approche de la
maîtrise d'usage, prenons l'exemple bien connu de la politique de
(réa)ménagement des îlots barcelonais. Un des objectifs est
de reconstituer une vie urbaine à travers la constitution d'espaces
publics au coeur des ilots. On cherche ainsi à créer des parcs
régulièrement, qui soient accessibles à pied, mais on
reconstitue également des îlots entièrement
multifonctionnels, qui vivent à toute heure du jour. A ce titre, le
travail réalisé sur l'îlot Fort Pienc est exemplaire :
dessiné par l'architecte catalan Josep Llinas et livré en 2003,
il regroupe en un même lieu, autour d'une place aménagée,
hébergement pour personnes âgées à un angle,
supermarché en sous-sol, marché partiellement couvert,
école maternelle, jeux pour enfants, bibliothèque et café
aux étages supérieurs. S'y croisent donc la totalité du
spectre des âges, depuis les personnes âgées qui
s'installent sur les bancs, les parents qui emmènent leurs enfants, font
leurs courses, les étudiants qui se rendent à la
bibliothèque, et les riverains qui se rendent au marché le
week-end ou au café. Bel exemple de polyfonctionnalité, en un
seul et même endroit.
Ilot Fort Pienc, vue depuis la bibliothèque à
l'étage. Google images (2012).
Penser aux appropriations contemporaines des espaces
publics
La définition, que l'on a vue plus haut, de l'espace
public comme lieu de communication publique, se vérifie dans la
manière dont ces lieux peuvent être investis spontanément
par différentes formes de manifestations publiques aujourd'hui. En effet
on retrouve de plus en plus d'espaces qui deviennent public de fait, ou bien
ponctuellement. On retrouvera par exemple des golfeurs urbains, des
comédiens de rue qui investissent temporairement une rue, un parking,
des places... Ainsi, aux équipements urbains qui dépendent de la
puissance publique s'ajoutent les créations des riverains, graffitis,
collages, pochoirs, installations éphémères, qui peuvent,
d'une certaine manière, compenser le manque d'attention que porte la
municipalité sur ces espaces publics. Il suffit de regarder d'où
est née la pratique pour comprendre que le citoyen est un maillon
à part entière de cette vie artistique de la ville. Dès
lors que la monotonie s'installe, il reprend ses droits et s'approprie l'espace
en le peignant, le redessinant, le modifiant. Un exemple nous vient en
tête, celui d'un groupe d'artistes, Julien Berthier et Simon Boudvin, qui
ont « inventé » une adresse. Profitant d'un
pignon aveugle laissé à l'abandon rue Chapon, ils installent, de
manière pérenne, un faux pas de porte, avec son numéro, sa
boite au lettre, et sa porte, fixée au mur.
Le 1bis rue de Chapon à Paris. Julien Berthier et Simon
Boudvin (2009)
Quatre ans plus tard, l'adresse fictive est toujours
là, lorsqu'elle est taguée elle est ensuite nettoyée par
les services de la ville de Paris.
Les tunnels de métros sont sales et monotones ?
Ils sont aujourd'hui à Paris couverts de graffitis. La publicité
est abrutissante ? Des collectifs s'escriment à tourner des
affiches en dérision. Les potelets sont rébarbatifs ?
Certains iront les repeindre de multitudes de couleurs.
Paris, rue de la Planche, personnel (8 avril 2012)
Autant d'interventions spontanées qui confèrent
à la rue et aux espaces publics en général une dimension
esthétique qu'ils ne possèdent pas spontanément.
Ces remarques sont tout à fait appropriées au
contexte du bas Chantenay, puisque les deux axes qui le traversent d'Ouest en
Est sont linéaires sur plus de deux kilomètres, et ne sont
jalonnés que d'entrepôts de vastes dimensions. Certains espaces
délaissés, telle la carrière de la Meuse, sont d'ores et
déjà investis par des artistes (promenades, animations, jeux,
fresques sur les restes de l'ancienne brasserie). Il y a là clairement
un travail à mener pour intégrer de la variété dans
le parcours.
Pour autant, ce sujet de l'appropriation spontanée des
espaces libres, des délaissés, des lieux sans projets et un sujet
qui nous semble indispensable d'aborder, on ne le retrouve que très peu
dans les premières intentions des équipes d'urbanistes
candidates. C'est regrettable car ce sont des thèmes qui permettent de
gérer le temps long d'un tel projet, tout en impliquant les acteurs
locaux. Ils participent donc, d'une certaine manière, à
l'acceptation du changement induit par les transformations du territoire.
PARTIE 3. QUELQUES
APPROCHES DE STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT
Un projet urbain s'organise par étapes. La
première, essentielle au bon déroulement des suivantes, consiste
en la mise en place d'un processus de gouvernance efficace, afin de s'assurer
la bonne maîtrise du projet pour l'aménageur, et une implication
de l'appareil politique afin que les directions prises soient collectives.
Dans la seconde, on vient de le voir, il s'agit de bien
identifier les enjeux urbains à traiter, et donc de les communiquer de
la manière la plus simple et évidente possible, afin que la
maîtrise d'oeuvre recrutée, avec laquelle nous serons en
collaboration, en coproduction sur un temps long, soit en phase avec les
ambitions du projet, et réponde de manière satisfaisante aux
exigences que la maîtrise d'ouvrage s'est fixées.
La dernière étape est celle de
l'opérationnel. Car dès lors que maîtrise d'ouvrage
politique (les élus et techniciens de la collectivité),
maîtrise d'ouvrage opérationnelle (la société
d'aménagement mandatée ou déléguée) et
maîtrise d'oeuvre (l'urbaniste et son équipe) sont en phase et
travaillent de concert sur des objectifs communs, c'est à
l'aménageur qu'il revient de bien gérer son projet. Il dispose
d'un budget, de compétences en interne et en externe, et se doit de
mener à bien la mission de service public qui est la sienne, avec donc
pour invariant de faire son maximum dans un budget contraint.
Nous aborderons ici deux aspects de la gestion du projet,
volontairement différents mais qui nous semblent importants, parce que
dans les deux cas, les négliger peut freiner l'avancement du projet,
voir le mettre en péril. Il s'agit d'un côté de la question
du foncier et de l'approche budgétaire qu'elle implique, et dans l'autre
la question de la gestion du temps, à travers l'organisation,
l'orchestration, du provisoire et de l'éphémère.
Vont donc se poser des questions très pragmatiques,
économiques mêmes, d'équilibrage du bilan, de gestion du
foncier et des grands propriétaires, étatiques ou privés,
dont les intérêts bien souvent divergent des nôtres. Des
questions financières donc, mais qui induisent une réflexion sur
la manière de travailler avec ces acteurs importants (et non contre ou
en parallèle de), d'aller vers une forme de partenariat plutôt que
d'affrontement. Nous aborderons ce thème à travers quelques
exemples croisés dans nos lectures ou nos discussions
professionnelles.
De la même manière, le développement du
projet s'inscrit sur un temps long, et engendre des attentes, des frustrations,
des envies qui nécessitent de sortir d'une approche purement technique,
et de réfléchir à instaurer des transformations
alternatives, temporaires, afin de faire participer l'ensemble des acteurs de
la ville.
Aménager sans
maîtrise foncière, la délicate question du budget
Le plus gros enjeu d'un projet de renouvellement en zone
industrielle, puisque l'on a vu que ces projets n'entrent pas dans les
critères de financement de l'ANRU et que, pour le cas du Bas Chantenay,
il ne semble pas, à ce jour, que la puissance publique dispose de biais
de financement importants. La question est d'ores et déjà
très présente chez l'aménageur et à Nantes
Métropole aménagement, puisque à chaque fois qu'une DIA
(Déclaration d'Intention d'Aliéner) est reçue pour des
parcelles qui ont été identifiées comme étant
intéressante pour la transformation du quartier, des micro-budgets sont
réalisés à la hâte, pour estimer le coût de
transformation du terrain et sa valeur foncière dans le cadre d'une
acquisition. Il faut donc que l'on s'attarde à saisir les tenants et
aboutissants de la gestion foncière d'une opération de
renouvellement urbain.
Un renouvellement
orienté par les opportunités du marché
Sur ce point, O. Piron et J. Comby (2002) affirment que la
logique des opérations de renouvellement doit être de
dégager de la valeur, en offrant des perspectives de profit aux
investisseurs que l'on veut attirer et aux propriétaires que l'on
souhaite associer. Ils estiment que le choix de la rupture est
considéré comme pouvant seul permettre le retour au niveau de
qualité du reste de l'agglomération et attirer des investisseurs.
Pour réussir, cette démarche doit être appuyée par
l'octroi d'avantages comparatifs suffisamment attractifs. Ces orientations
coûteuses pour les budgets publics ne sont justifiées que par
l'espoir de revenir à une situation normalisée qui pourra
dégager des plus-values. Pour les « théoriciens » du
renouvellement urbain, c'est précisément l'aspect radical de
cette solution qui peut assurer le succès du renouvellement urbain. Ces
derniers privilégient clairement une approche économique du
renouvellement urbain, en se réfèrant à
l'expérience du renouvellement urbain britannique qui favorise le
rôle des acteurs privés, les logiques de marché et les
changements d'usage des zones à renouveler. Ils estiment en outre que
cette approche semble pouvoir s'appliquer davantage aux tissus urbains anciens
et aux friches urbaines qui sont dévalorisés et de statut
privé, plutôt qu'aux quartiers d'habitat social où
l'appropriation publique est importante. Eric Crouzet (2009) dira ainsi
que : « Après les appareils de productions
eux-mêmes (entreprises en général, usines, exploitations
agricoles, activités de service...), l'urbain, par le biais de la rente
foncière et immobilière, est entré dans des logiques
spéculatives et de rentabilité. C'est la question de la
« ville mondiale spéculative » qui se pose à
travers la question des bureaux et du logement. »
Marc Bonneville (2004) précisera que le dynamisme d'un
quartier est un facteur important à prendre en compte dans la
stratégie foncière à adopter. Il explique ainsi que
« les secteurs situés en zone péricentrale
présentent des cas qui correspondent bien aux logiques du renouvellement
urbain. Il s'agit de friches industrielles, militaires ou urbaines, ou bien de
zones résidentielles dévalorisées parce
qu'obsolètes et désinvesties. Souvent bien insérées
à proximité des quartiers centraux et bien desservies par les
transports en commun, elles offrent des possibilités bien plus
aisées de recyclage. Ces possibilités existent dès lors
que les marchés immobiliers sont suffisamment actifs et que des
investisseurs sont demandeurs de sites de développement. Ces
opérations sont clairement conçues dans une logique
d'aménagement et de produits pour le marché immobilier, et les
acteurs privés, en particulier les investisseurs, y jouent un rôle
essentiel ».
Il s'agirait donc, pour le Bas Chantenay, d'anticiper une
ligne budgétaire conséquente pour le foncier, afin de lancer une
dynamique qui puisse être reprise ensuite par les acteurs privés
sur le territoire. C'est une stratégie qui nous semble correspondre au
projet, car nous avons ici un site qui présente déjà de la
valeur aux yeux des investisseurs, puisqu'il est en mutation, de manière
spontanée, depuis quelques années déjà (projet
Armor, développements de l'entreprise Secodi...).
La question qui doit se poser alors est celle de la
rentabilité du foncier que l'aménageur va faire muter, et de
l'approche qu'il faut développer en termes budgétaires. Ainsi
Bonneville expliquera que le Grand Lyon par exemple, « est contraint
d'utiliser la pratique du «gap funding» pour assurer le financement
du différentiel entre le prix de revient des opérations
d'aménagement et le prix acceptable par le marché pour
l'acquisition des terrains aménagés ». Sur le plan
comptable, il ajoute que « ces subventions sont consenties soit
directement sur le budget des opérations, soit indirectement par la
réalisation d'infrastructures et d'équipements pour ou à
proximité des opérations ».
Le processus de
valorisation du foncier en renouvellement urbain
Attachons nous maintenant à estimer le poids du foncier
dans une opération de renouvellement urbain, et le chemin qu'il suit
pour être valorisé. Un des objectifs étant d'apporter de la
mixité dans le quartier par l'apport de logements (un minimum de 400
logements est aujourd'hui inscrit dans le PLU), regardons la chaîne de
valeur d'une transformation d'un foncier d'activités en foncier de
logements.
Dans le domaine du logement, le foncier est une matière
première transformée à plusieurs reprises pour obtenir, au
bout de la chaîne de valeur, une opération de construction. Sa
valeur est progressivement augmentée par le travail de mobilisation et
d'aménagement réalisé par de multiples acteurs, qui
apportent chacun une véritable valeur ajoutée. Cette
création de valeur est rendue possible par le faible rendement du
foncier occupé par d'autres activités que le logement neuf (baux
industriels, fermage...). Il s'agira ici de comprendre comment les principales
étapes de transformation du foncier se traduisent par une valeur
ajoutée. Nous nous baserons pour ce faire sur la fiche du conseil
général de Haute Savoie, la création des valeurs
foncières (2007).
Mobiliser le foncier
Il s'agit dans un premier temps d'identifier des gisements
fonciers. Dans notre cas, et puisque l'établissement public foncier de
Loire Atlantique n'est pas encore opérationnel, c'est à
l'aménageur que revient cette responsabilité. Lorsque ces
gisements fonciers ne constituent pas d'emblée une unité
foncière opérationnelle pour le projet, un remembrement peut
s'avérer nécessaire. À cette identification des gisements
fonciers s'ajoute, tout au long du processus, l'acquisition foncière,
qu'elle se fasse à l'amiable ou sous contrainte. En plus du temps
passé par les intervenants, des frais s'ajoutent lors de chaque
accession. À l'issue de cette étape, on dispose d'une
matière première : le foncier maîtrisé.
Rendre opérationnel le droit des sols
En fonction des avants projets, une adaptation du droit des
sols est souvent nécessaire : foncier non urbanisable ou sur des
densités très faibles, contraintes ne permettant pas de
réaliser le projet... Il s'agit alors pour l'aménageur
d'élaborer un pré-projet à destination de la
collectivité pour examiner une modification du droit des sols. La
procédure de ZAC permet de réaliser cette étape
conjointement avec la définition de l'aménagement. Le fait de
rendre un terrain urbanisable ou d'augmenter les droits à construire a
un impact majeur sur sa valeur. Cette étape est extrêmement
consommatrice de temps, non seulement pour l'opérateur et ses
prestataires, mais aussi pour la collectivité.
Aménager le foncier
L'aménagement dote le foncier d'un certain niveau
d'équipement et d'une qualité urbaine qui apportent de la valeur
: l'aménagement créée de la valeur par les investissements
réalisés.
Le coût est plus ou moins élevé en
fonction de la nature du foncier : en renouvellement urbain, les coûts de
démolition et de dépollution viennent fortement renchérir
le foncier par rapport à un foncier nu (extension urbaine). Ces
coûts peuvent s'avérer très élevés et sont
difficilement évaluables au début du projet. En projet
d'aménagement (ZAC ou lotissement principalement), le foncier est une
seconde fois commercialisé auprès d'opérateurs immobiliers
: cette étape vient également augmenter le prix des charges
foncières finales, notamment lorsque les opérateurs passent par
une mise en concurrence.
Schéma des processus de valorisation du foncier dans
une opération de renouvellement urbain, Conseil Général de
Haute Savoie (2007)
Etablir un bilan d'aménagement
En termes de bilan d'aménagement, il est
nécessaire de distinguer projet d'aménagement de renouvellement
urbain (hors projets types ANRU qui reposent beaucoup sur les subventions
publiques) et projet en extension urbaine. Cette distinction repose
principalement sur le poids relatif des acquisitions foncières, beaucoup
plus importants en renouvellement urbain : environ 49 % du bilan, contre
17 % en extension urbaine.
Ventilation des postes dans un bilan d'aménagement,
Conseil Général de Haute Savoie (2007)
Cette différence s'explique par :
· Une valeur des marchés fonciers bien plus
élevée dans les secteurs urbains, principaux territoires porteurs
de renouvellement ;
· La nécessité d'offrir une valeur
suffisante aux grands propriétaires industriels devant financer un
projet de réimplantation souvent très coûteux et assurer la
dépollution et le démolition de leur site ;
· Un processus d'acquisitions foncières
complémentaires souvent complexe et étalé dans le temps,
dans des conditions de survalorisation progressive des coûts plus
l'échéance opérationnelle du projet se rapproche.
Il faut compter aussi avec la prise de valeur progressive de
tous les fonciers, à mesure que le projet prend forme. Car les acteurs
immobiliers présents comprennent rapidement l'intérêt de la
présence d'un projet urbain à proximité, et
l'intègrent par anticipation dans la valorisation de leur terrain,
entraînant un phénomène spéculatif. Ce
phénomène, que l'on peut déjà voir à
l'oeuvre sur le Bas Chantenay (on l'a vu plus haut avec l'exemple de Mr Sertis,
propriétaire de l'entreprise SECODI), est à nuancer cependant,
car l'aménageur dispose également de la possibilité de
faire évaluer les parcelles par une estimation des domaines, qui bien
souvent ont tendance à lisser volontairement les effets
spéculatif pour favoriser l'acquisition publique.
Etablir une
stratégie foncière dans le temps
Afin de bien évaluer les potentialités du
foncier sur le territoire, il a été décidé de mener
un travail exploratoire en constituant un atlas foncier, recensant, de
manière exhaustive, l'ensemble des parcelles identifiées comme
présentant un intérêt pour le projet. Cet atlas a pour
ambition de servir de fil rouge pour la stratégie d'acquisition
foncière, et regroupe, par parcelle, toutes les informations disponibles
à ce jour : dimensions, zonage au PLU, propriétaire,
locataire, nature et durée du bail, principales caractéristiques
urbaines (situation, voisinage, présence pressentie de pollution...),
type d'affectation, historique de la relation avec le propriétaire
(rencontres, propositions amiables, DIA...).
L'objectif est annoncé comme suit :
La présente note a pour objectif de recenser
l'avancement de la maîtrise foncière pour le projet urbain du Bas
Chantenay :
· Les terrains privés disponibles,
· Le foncier maîtrisé,
· Les différents dispositifs d'acquisition
(préemption, négociation amiable).
La politique foncière doit servir un projet de
territoire afin de :
· Optimiser la gestion de la ressource
foncière et la diversité des usages,
· Limiter l'enchérissement du prix,
· Mener à bien et privilégier les
projets d'intérêts collectifs,
· Planifier durablement par une action continue dans
le temps.
Ce travail n'est pas encore abouti, mais a déjà
permis d'identifier plusieurs parcelles présentant un
intérêt opérationnel avéré. Ces parcelles
sont aujourd'hui, soit déjà maîtrisées par la
puissance publique (NMA, NM ou Ville de Nantes), soit sans affectation et donc
sans besoin de dédommagement, de gestion de bail ou de démolition
/ déconstruction / dépollution. Ainsi la surface totale
identifiée représente près de 14 hectares de foncier sur
lesquels le projet pourrait s'appuyer à une échéance
brève.
Tableau synthétique des possibilités de
réaffectations foncières, Nantes Métropole (juillet
2012)
De l'impératif du
partenariat avec les grands acteurs fonciers
Nous avons vu que le foncier nécessitait une approche
rationnelle et une méthodologie organisée pour bien envisager les
possibilités de mutations qui s'offrent à nous, mais surtout bien
quantifier les efforts budgétaires qu'elles impliquent et leurs impacts
dans l'équilibre financier de notre opération. Afin de limiter
les coûts induits par les temps de négociations en amont et de
portage financier en aval, il faut également envisager la manière
d'approcher des propriétaires fonciers pour engager des discussions
positives et efficaces. Il existe une littérature conséquente sur
ce point, et les auteurs semblent s'accorder sur la nécessité
d'envisager des mécaniques de partenariats afin de faciliter les
discussions, particulièrement avec les grands propriétaires
fonciers (port autonome, grandes emprises industrielles...).
Regrouper des acteurs aux
ambitions divergentes
Ainsi Frebault (2012) dira que, plutôt qu'un espace de
transformations techniques, l'aménagement est devenu un lieu de
débat, de confrontation et de négociation. La mise en oeuvre des
projets exige de mobiliser un système d'acteurs publics et privés
de plus en plus large : maîtres d'ouvrages opérationnels,
opérateurs, partenaires fonciers et économiques, habitants...
« En particulier, de nouveaux modes de partenariats avec les grands
propriétaires fonciers sont à inventer, soit sous forme de
contractualisation, soit sous forme de solutions de portage
intermédiaires. En effet, sur des territoires vastes et composites, les
stratégies d'aménagement mises en oeuvre ne s'appuient plus
systématiquement sur l'acquisition foncière publique
préalable. Ainsi à Boulogne-Billancourt, l'entreprise Renault est
un acteur incontournable directement associé au projet urbain, et le
projet de l'Ile de Nantes affiche comme stratégie le partenariat avec le
partenaire plutôt que l'acquisition directe des terrains. La coordination
de l'ensemble de ces interventions et des maîtres d'ouvrage
opérationnels devient alors stratégique. Il s'agit de l'organiser
et de la situer au bon niveau de la conduite du projet ».
Rodrigues-Malta ajoutera sur ce sujet que les
opérations de reconversion sont des actions de grande envergure qui
exigent d'importants investissements financiers et impliquent de nombreux
acteurs aux logiques le plus souvent divergentes. C'est pourquoi elle estime
que « la négociation et la recherche du consensus constituent
une étape préalable importante du processus de mise en
oeuvre ». Le Bas Chantenay est un territoire fluvial, et l'ensemble
de ses berges appartient au port autonome. Et puisque, on l'a vu
précédemment, les quais sont un enjeu majeur du projet, il faut
donc se rapprocher de cet acteur afin de cerner sa position quant à
d'éventuels transferts fonciers.
Cartographie des principaux propriétaires sur le
périmètre d'études. Nantes Métropole (2012).
Or Rodriguez-Malta explique que bien souvent, le port autonome
présente un comportement attentiste. En effet, dans l'incapacité
de prévoir quelle sera l'évolution du trafic dans une
décennie, les autorités portuaires se montrent toujours
réticentes à l'idée de se défaire
définitivement d'une partie de leur patrimoine foncier
sous-utilisé. À Marseille et à Bilbao, les premiers
projets formulés par les acteurs locaux pour le
réaménagement des emprises portuaires obsolètes se sont
ainsi heurtés au refus catégorique des autorités
portuaires. Ces espaces deviennent alors les lieux symboliques de
l'affrontement de deux logiques distinctes et antagonistes : d'un
côté, une ville qui avance des arguments « citoyens » en
termes de cadre de vie, d'exigences sociales et qui plaide en faveur «
d'un port urbain ; de l'autre, un agent économique puissant,
tourné vers le marché et la compétition économique,
et bien conscient de la valeur de son patrimoine foncier.
Créer des structures
de partenariat pour impliquer le secteur privé
Rodrigues-Malta préconise ainsi la création
d'une structure de nature consortiale regroupant, selon des modalités
variables, l'État, les pouvoirs locaux et les propriétaires
fonciers majoritaires. Il s'agit avant tout d'institutionnaliser un partenariat
public-public capable d'apporter quelques garanties sur les investissements
réalisés par le secteur privé.
À Bilbao, la société Ria 2000,
société de droit privé créée à
l'initiative du ministère des Travaux publics, est à ce titre
exemplaire. Sa fonction essentielle est celle de coordonner le processus de
revitalisation à l'échelle de la métropole, de planifier
et d'aménager les terrains qui sont ensuite revendus. Mais son
rôle est également celui d'assurer la médiation entre les
nombreux acteurs politiques et administratifs impliqués dans
l'entreprise et de parvenir ainsi à dépasser les éventuels
blocages politiques, juridiques et techniques. À cette fin, le conseil
d'administration de Ria 2000 est composé égalitairement par
l'État et par les collectivités territoriales basques. Le
président est le maire de Bilbao et le vice-président est un
représentant du ministère des Travaux publics. D'autre part,
toutes les décisions sont votées à l'unanimité. On
notera que l'État intervient surtout comme un médiateur,
exerçant une pression sur les grands agents économiques publics
tels que le port ou les compagnies de chemin de fer pour qu'ils cèdent
aux institutions locales les terrains inutilisés.
En France ce rôle de pression relèverait
plutôt de l'EPF, aussi il peut être intéressant de
rencontrer cet acteur, une fois la structure de Loire Atlantique
opérationnelle, afin de discuter des possibilités d'association,
formelle ou non, entre la maîtrise d'ouvrage, l'EPF et les grands
propriétaires fonciers. Ce peut être, de manière plus
légère, une simple présence systématique de l'EPF
aux rencontres organisées entre NMA, NM et les propriétaires.
Dans tous les cas, on ne peut pas, comme c'est le cas aujourd'hui,
développer une défiance des acteurs privés par la
répétition de rencontres avec chacun des services de Nantes
Métropole concernés (service de développement
économique, de gestion du patrimoine, de l'urbanisme), ainsi qu'avec NMA
qui a pour mission de gérer la question foncière.
Barcelone 22@ : Des incitations économiques
pour promouvoir la mixité
Dans le quartier de Poble Nou, composé d'anciennes
industries textiles à l'Est de Barcelone, la stratégie
employée pour redynamiser l'immobilier, sans maîtrise
foncière, est intéressante à plus d'un titre. Car avec un
simple contrat gagnant-gagnant, la ville a réussi la gageure de
développer un centre économique conséquent, sans
même être propriétaire du foncier.
Le principe est celui du donnant-donnant. La
société d'aménagement 22@ aménage un accès
facilité à des infrastructures performantes de mobilités
collectives et douces (29 km de pistes cyclables et un objectif de 70% des
déplacements en transport collectif), de communication
(déploiement de la fibre optique) et d'énergie (climatisation
publique centralisée), et le Plan Général
Métropolitain est modifié pour permettre une augmentation
significative des droits à bâtir, en passant d'un COS (Coefficient
d'Occupation du Sol) de 2 à 2,2, voire 3 sous condition. En contrepartie
les propriétaires s'engagent à céder 30 % de leurs
terrains à la municipalité à des fins publiques,
l'objectif étant de consacrer, grâce à cet échange,
10 % des espaces à de nouveaux logements, 10 % à de nouveaux
équipements publics, et 10 % à des espaces verts. Ils doivent
également participer au financement des infrastructures
(équivalent des conventions de participation exigées en ZAC).
Principe de création de valeur, La Fabrique de la
Cité (2011)
Avec cette stratégie, en douze ans, la ville a
réussi à dynamiser le quartier de manière
spontanée, ce dernier a ainsi accueilli plus de 1.500 entreprises et
généré près de 45.000 emplois.
S'il est peut-être difficile de mettre en place une
telle approche (Barcelone est une ville qui pratique la concertation et le
partenariat depuis plusieurs dizaines d'années déjà et
dispose d'une certaine expérience en la matière), il n'en reste
pas moins évident à nos yeux, qu'il est indispensable de dessiner
une stratégie claire et efficace pour tous les acteurs du projet.
Le cas des occupations
temporaires
Si la gestion budgétaire du foncier est un volet
crucial d'une opération de renouvellement en milieu urbain, il faut
aussi se pencher sur l'approche opérationnelle que l'on désire
mettre en place. Est-il besoin de la rappeler, le renouvellement urbain est
différent d'une opération de construction, car il s'étale
sur un temps long, ponctué de périodes de constructions et
d'aménagement d'espaces publics, mais aussi de périodes en creux,
pendant lesquels les traces de la transformation du quartier sont moins
visibles. Entre l'acquisition d'une parcelle et sa réaffectation, il
subsiste souvent un temps pendant lequel le terrain ou le bâtiment n'est
plus affecté à un usage. Aussi, que l'ambition du maître
d'ouvrage soit de détruire ce qui a été estimé
comme n'étant plus réutilisable pour développer un
programme immobilier nouveau (logements, bureaux, équipement public), ou
de transformer le bâti afin d'en modifier l'usage (un entrepôt
transformé en halle accueillant des cellules artisanales par exemple),
les délais techniques et administratifs ouvrent une fenêtre de
temps pendant laquelle il ne se passe rien. Cette fenêtre, nous pouvons
l'approcher de deux manières différentes : nous pouvons la
murer et rendre inaccessible le site, créant par la même occasion
une dent creuse, un non-lieu, un espace considéré comme une
vitrine de la désaffectation du quartier pour qui passerait par
là ; mais nous pouvons aussi l'ouvrir et y faire entrer des
activités temporaires. C'est de cette seconde approche dont nous
aimerions discuter ici.
L'artistique comme
réponse partielle au développement d'une mixité
fonctionnelle
Elise ROY (2004) dira que l'on observe, dans des quartiers
urbains en mutation, l'investissement de lieux laissés en suspens par
l'entreprise de « refabrication urbaine ». Dans les
réserves foncières et autres lieux en attente, s'installent
ateliers d'artistes, logements et services pour des personnes en situation de
précarité économique et sociale, activités
associatives, etc. Des territoires urbains transitoires se constituent ainsi au
sein de la ville en transformation, qui apparaît comme une configuration
urbaine particulière, lieu de pratiques spécifiques.
Ainsi nous pouvons trouver, dans l'investissement artistique,
une forme d'activité un peu alternative certes, mais qui permet de
maintenir voire d'attirer une forme d'activité artisanale et commerciale
dans le quartier. Plus encore, nous voyons dans la figure urbaine du quartier
d'artistes un rouage urbain intéressant en termes de programmation
urbaine : les activités artistiques peuvent en effet être
susceptibles d'entraîner dans leur sillage d'autres activités
relevant du secteur économique de la création, plus urbaines
peut-être, mais surtout plus durables. Par ailleurs, la mise en place
d'un tel usage temporaire des lieux en creux permettrait, d'une certaine
manière, d'influencer l'avenir du quartier en guidant sa
réanimation urbaine vers les objectifs de mixité fonctionnelle
qui ont d'ores et déjà été fixés pour le
quartier du Bas Chantenay. En autorisant et en accompagnant l'investissement
des sites en attente de projets, nous pourrions ainsi commencer à
apporter une forme de mixité transitoire, qui se superposerait à
la programmation plus formelle définie par l'urbaniste.
Dans ce contexte, une politique d'ouverture des
réserves foncières à des activités artistiques,
cadrée par des baux précaires de courtes durées
révocables « pour tout motif lié à l'opération
d'aménagement », peut être envisagée par NMA. Du fait
de sa double mission, l'aménagement mais aussi la gestion
immobilière, la SPL dispose en effet de moyens et d'expérience
pour mener à bien ce type d'initiatives. Il existe déjà,
d'une certaine manière, un fonctionnement similaire dans les
pépinières d'entreprises, qui proposent des baux à faibles
loyers et de courte durée à de jeunes entreprises, afin qu'elles
puissent disposer de bonnes conditions matérielles pour leur
développement.
Par ailleurs, les intérêts trouvés dans
cette forme d'ouverture sont multiples. L'aménageur y voit une
façon originale de contrer le phénomène de squat,
évitant de murer les ouvertures des constructions en attente et
d'imposer ainsi une image d'abandon potentiellement nuisible à la valeur
de ce territoire en redéfinition. Gestionnaire d'un parc immobilier
éclectique au fur et à mesure des acquisitions, ce dernier pourra
également ouvrir aux artistes ces lieux divers, sans devoir engager trop
de frais de viabilisation provisoire. Car en la matière, Roy estime que
la population d'artistes investissant les lieux montre d'importantes
compétences en aménagement de l'espace et en bricolage, et sont
donc à même de composer avec un cadre bâti
éclectique, souvent inconfortable et vétuste.
On retrouve cette philosophie dans certaines villes subissant
un phénomène important de vacance dans des immeubles
dégradés, ou de friches industrielles. Ainsi, pour redynamiser
les quartiers Est de Berlin par exemple, les autorités de la ville ont
engagé un programme de location à bas coût des
rez-de-chaussée d'immeubles, pour des activités artistiques
(ateliers et galeries), artisanales, de restauration ou de commerce de
proximité (boulangeries, épiceries, traiteurs...).
Bar en plein air installé dans une friche industrielle
à Berlin Est, personnel (2011).
Dans les immeubles d'habitation de rapport construits durant
le régime soviétique, cette stratégie visait à
contrer le phénomène important de squat qui posait des
problèmes de sécurité. Aujourd'hui nombre de ces quartiers
sont en voie de gentrification, et les loyers, dérisoires il y a une
dizaine d'années, reprennent le chemin d'un marché immobilier
plus sain.
L'exemple nantais
Il est possible que le moment soit bien choisit pour proposer
une telle approche dans la ville de Nantes. En effet, la pratique des baux
précaires est existante dans la ville depuis la fin des années
1980 et le réaménagement du quartier Madeleine - Champs de Mars
par Nantes Métropole Aménagement. Quartier faubourien au
passé industriel, artisanal et commerçant, il présentait
alors les caractéristiques des espaces visés par le
renouvellement urbain, en associant friches industrielles et habitat
dévalorisé, à proximité directe du centre-ville. Le
renouvellement des zones bordant ses quais, vidées par la
désindustrialisation, s'est fait au gré des opportunités,
avant que la Ville ne choisisse, en 1986, d'y implanter la Cité des
Congrès et de développer un site d'immeubles tertiaires dans sa
frange Est. Mais le quartier a suscité des ambitions d'initiatives
individuelles qui ont contribué à inscrire cet espace urbain, de
forme urbaine pittoresque et de valeur foncière attractive, dans un
processus de mutation durable. Aujourd'hui en effet le quartier s'est
embourgeoisé et les ateliers installés au détour d'une
venelle ou au fond d'une cour se font plus rares, remplacés
progressivement par des activités plus pérennes, agences
d'architectures, sociétés de communication ou de graphisme.
Ces pratiques culturelles ont ainsi certainement joué
un rôle dans l'implantation spontanée d'activités
professionnelles dans le quartier, apportant ainsi une mixité qui
n'était peut-être pas anticipée dans les objectifs de
programmation affichés par l'aménageur et la ville. En outre,
elles ont montré à la collectivité la capacité des
artistes à composer avec des espaces bâtis en tout genre, et ont
mis en avant leur effet moteur pour le développement d'un réseau
artistique reconnu aujourd'hui en dehors des frontières nantaises. En
effet, une telle approche a permis à la ville de prendre soin et de
favoriser le développement de réseaux culturels, qui
s'enrichissent en étant regroupés et en échangeant. Nantes
est aujourd'hui une ville reconnue pour la créativité de son
vivier d'artistes.
Et les artistes installés sur Madeleine-Champ de Mars
ont du se retirer progressivement du quartier avec le phénomène
de gentrification de ce dernier. De la même manière, la pratique a
été reprise sur l'Ile de Nantes, laquelle connaît
aujourd'hui un début d'embourgeoisement similaire. Il est donc à
parier qu'il réside une demande de locaux dans la ville, à
laquelle le Bas Chantenay serait en mesure de répondre d'ici quelques
années, lorsque le projet aura pris sont rythme de croisière.
La mise en culture des
friches urbaines
Si cette stratégie de valorisation d'un quartier en
renouvellement par l'installation temporaires d'activités artistiques ou
artisanales passe par l'implication de différents acteurs et le passage
de contrats entre les deux, il en existe d'autres qui présentent un
intérêt tout aussi évident et sont moins
contraignantes : ce sont les pratiques aménageuses de
pré-verdissement, qui sont en partie abordées par les
équipes d'urbanistes dans leurs candidatures.
L'aménageur peut en effet se saisir du temps même
de la transformation de la ville, en installant par exemple des espaces verts
sur les terrains en attente, qui constituent ainsi de véritables
pépinières dans lesquelles les sujets végétaux,
avant d'être transplantés à leur place définitive,
vont grandir et prendre de la valeur, tout en valorisant les espaces alentours.
On retrouvera ainsi l'exemple contemporain de la cité internationale
place Charles de Gaule à Rennes, qui, le temps de la validation du
permis de construire, est aménagé en un champ urbain percé
d'un cheminement.
Toujours à Rennes, les berges nord menant aux
étangs d'Apigné sont investies par des entrepôts et
industries, mais certains espaces ont été ponctuellement
aménagés, au gré des acquisitions foncières. Un
aménagement minime destiné aux loisirs, proposant un terrain
nivelé et quelque mobilier urbain. Ces espaces sont confidentiels,
puisqu'il n'existe pas de promenade continue sur cette rive et qu'il faut donc
y accéder en traversant la zone industrielle, mais aussi discrets qu'ils
soient, ils permettent tout de même de développer une
réappropriation progressive des rives par les habitants, avec les
pratiques de loisirs qu'ils entraînent (pêche, barbecues...). Les
berges côté sud ont connu tel développement, et forment
aujourd'hui, grâce aux aménagements de la ZAC Mabillais dans les
années 1990 par Chemetoff, un itinéraire complet depuis la place
de Bretagne en plein centre-ville jusqu'aux étangs d'Apigné, six
kilomètres plus à l'Ouest. L'itinéraire part ainsi du
centre-ville dense, longe l'opération de Chemetoff sur un quai
aménagé et planté, traverse sous la voie ferrée,
longe une centrale électrique, une station d'épuration puis un
supermarché, passe sous la rocade et finit par retrouver des espaces
naturels plus au-delà.
Le quai d'Auchel à Rennes. Berge Sud, le long de la
centrale électrique. Personnel (2011).
Ainsi, sur des secteurs moins propices à l'installation
temporaires d'une activité professionnelle, ils offrent un aperçu
de projet, une ébauche qui montre aux riverains que le quartier commence
à se transformer. Et cette approche permet, pour l'aménageur, de
tracer des esquisses de projets de petites envergures immédiatement,
plutôt que de laisser le foncier en sommeil en attendant de pouvoir
dessiner le grand projet.
CONCLUSION
La genèse d'un projet de renouvellement urbain est une
étape délicate à appréhender pour un
aménageur. Délicate, car comme on vient de le voir, une multitude
de thèmes et de stratégies sont à mettre en mouvement sur
un temps court. Il s'agit ainsi de prendre le temps de la réflexion
nécessaire à la bonne appréhension des enjeux qui feront
de ce projet une réussite à terme, tout en s'assurant de l'accord
et de l'adhésion de chacun des acteurs. Il faut ensuite anticiper sur
les stratégies à développer pour le bon déroulement
de l'aménagement.
Ce type de projet retrace bien, à nos yeux, l'ensemble
des aspects de pilotage qu'un maître d'ouvrage se doit de
maîtriser. Aménager, c'est d'abord impulser des dynamiques,
coordonner des acteurs aux intérêts qui peuvent diverger,
être moteur tout en faisant preuve de diplomatie. Mais c'est aussi
être bon gestionnaire et développer une vision des approches
à mener dans le temps.
Retracer l'ensemble de ces aspects n'a pas été
chose aisée, et ce travail n'est bien sûr pas exhaustif. Nous
avons la certitude cependant qu'il saura trouver un intérêt chez
les personnes travaillant actuellement autour du sujet. C'est du moins notre
modeste ambition. Produire un document regroupant les sujets qui sont
présents dans notre esprit à l'heure actuelle, qui peut servir de
rappel des enjeux actuels, de ligne de conduite pour leur approche à
l'avenir, et peut-être, qui sait, de repère dans quelques
années, lorsqu'il s'agira de prendre du recul sur le chemin parcouru.
Dans cette optique, nous proposons ci-dessous un tableau
succinct des actions à mener dans le proche avenir, qui n'a pas la
prétention d'être complet, bien au contraire, mais pourra
être utile à la maîtrise d'ouvrage afin de bien garder en
tête certains des enjeux opérationnels à traiter.
Thème
|
Action
|
Prérequis
|
Appel d'Offre
|
Compléter le cahier des charges en développant
certaines thématiques urbaines (histoire, place du temporaire...)
|
-
|
Communication
|
Rendre le projet intelligible à tous
Utiliser les médias
|
Prévoir des moyens financiers et humains
|
Concertation
|
Faire participer tous les acteurs dès l'origine du
projet
|
Disposer d'une volonté politique forte
|
Patrimoine
|
Valoriser le patrimoine pour mettre en avant l'histoire et la
culture du territoire
|
Identifier le patrimoine de valeur (étude en cours)
Identifier les probabilités de pollution
|
Provisoire
|
Accepter et accompagner les usages temporaires du lieu (baux
précaires, lieux d'expression artistique, champs urbains...)
|
Etre propriétaire du foncier
|
Foncier
|
Négocier avec les grands propriétaires en amont
du projet. Attention aux autorités portuaires, souvent attentistes
|
Disposer d'un budget pour l'acquisition en propre, ou disposer
d'un EPF
|
Gouvernance
|
Mettre en place des comités de pilotages regroupant
tous les acteurs, leur donner voix au projet
|
Disposer d'une volonté politique forte
|
Bilan
|
S'assurer de la présence d'un marché pour les
acteurs privés
Mettre en oeuvre les moyens de revitaliser le marché
|
Connaitre la valeur foncière des îlots
identifiés
|
Point sur les enjeux opérationnels à traiter
à l'origine d'un projet de renouvellement urbain (2012).
De nombreux autres thèmes avaient été
initialement envisagés : présenter des cas concrets de
renouvellement urbain qui puissent servir de références, aborder
la question de la place du développement durable dans des
opérations touchant à de si vastes sujets de
société, développer un glossaire des enjeux autour de
l'espace public... Il n'a pas été possible de les aborder en
profondeur, mais cela ne nous parait pas pénalisant, car certains de ces
thèmes sont malaisés à aborder alors que nous sommes si en
amont du projet. Ils pourraient par ailleurs, si tant est qu'un nouvel
étudiant travaille sur cette même opération à
l'avenir, être repris afin de mettre à jour et compléter le
travail actuel.
En effet, de la même manière qu'il est parfois
utile de changer de maîtrise d'oeuvre urbaine pour donner un nouveau
souffle au projet urbain, nous sommes convaincus que revenir sur les
réflexions initiales qui ont dessiné les grandes lignes de
l'opération présenterait un intérêt certain afin de
mettre en lumière les bonnes décisions, celles qu'il aurait fallu
éviter, et réajuster éventuellement la direction du
projet, ou au contraire être confortés dans la voie à
suivre.
Car de sa genèse à sa complétude, un
projet urbain est un éternel recommencement, une suite de remises en
question des orientations en fonction des opportunités foncières,
des priorités politiques et des tendances économiques et
sociales.
ANNEXES
Annexe 1.
Bilan du mandat d'études opérationnelles
pour le projet du Bas Chantenay (NMA, novembre 2011)
Annexe 2.
Analyse comparative des types de marchés
envisagés (NMA, 13 mars 2012)
Annexe 3.
Quelques exemples de projets de renouvellement urbain
issus de nos lectures
Annexe 1. Bilan du mandat
d'études opérationnelles pour le projet du
Bas Chantenay (NMA, novembre 2011)
Annexe 2. Analyse comparative des types de marchés
envisagés (NMA, 13 mars 2012)
Annexe 3. Quelques exemples de projets de renouvellement
urbain issus de nos lectures
Lyon
Deux exemples d'aménagements lyonnais nous semblent
importants à mettre en avant, car les sites présentent des
caractéristiques similaires au Bas Chantenay, et chacun présente
sa propre logique d'investissement :
· Les ZAC du quartier de l'Industrie à Vaise (Lyon
9e ).
Il s'agit d'un secteur en bordure de la Saône qui
était occupé en majorité par des entrepôts et des
friches industrielles. En vue de la reconversion de l'ensemble du quartier, de
très importants équipements publics y ont été
apportés : ligne et stations de métro, interconnexion avec la
gare SNCF, aménagements routiers et contournement autoroutier pour
désengorger le site. L'objectif était de proposer les terrains
aménagés à des entreprises de haute technologie que la
ville de Lyon voulait conserver. Les terrains équipés ont
été cédés à des investisseurs ou à
des entreprises à des prix notoirement inférieurs au prix du
marché. Si l'on examine les budgets des deux ZAC, ils ne sont
équilibrés que grâce aux subventions des
collectivités qui couvrent respectivement 80% et 64% des dépenses
(Marc Bonneville 2004).
Cet exemple illustre que même les opérations de
renouvellement urbain qui sont bien situées et destinées à
des usages de bureaux, de commerce et de loisirs, ou de logement privé,
c'est-à-dire au marché immobilier, ne sont pas réalisables
sans d'importantes contributions publiques. Dans le cas de Vaise Industrie,
elles sont justifiées par des considérations de politique
économique et d'emploi, et par l'espoir de récupérer les
investissements publics par les recettes fiscales à venir.
· La ZAC Berthet dans le même secteur de Vaise.
Cette ZAC nuance le constant fait précédemment
puisqu'elle a été réalisée par un aménageur
privé. L'objectif était de recycler une friche industrielle de
14,5 hectares libérés par l'entreprise Rhodiacéta.
Celle-ci a souhaité valoriser ce patrimoine par un programme de bureaux
et de logements privés de 145 000 m2 . L'opération a
bénéficié de la réalisation d'importantes
infrastructures par le Grand Lyon et la ville de Lyon (ouverture d'une station
de métro, voiries d'accès au tunnel routier, voiries primaires,
équipements scolaires, sociaux et sanitaires, espaces verts) et
d'aménagements réalisés dans le centre du quartier de
Vaise, qui n'ont pas été imputés sur son budget. Mais
elles ont créé les conditions nécessaires pour placer ce
quartier dans une situation immobilière attractive qu'il n'avait pas
jusque-là. La forte densification du projet et une
conjoncture immobilière redevenue favorable lui ont
permis de dégager des excédents, tout en assurant la production
des équipements publics nécessaires à son fonctionnement
(Marc Bonneville 2004).
Cette opération montre que dans un contexte immobilier
favorable et porteur, mais aussi grâce à un très important
investissement public sur l'environnement du quartier,
Grenoble
Laurent Gaillard, Directeur de l'urbanisme à la ville
de Grenoble, explique que la ville s'est dotée très tôt de
directives strictes en matière d'exigences énergétiques et
de développement durables. Ces directives sont issues du quartier de
Bonne, sorte de laboratoire, habité depuis 2010, et sont aujourd'hui
appliquées à toutes les ZAC de la ville. Ainsi la ZAC
Bouchayer-Viallet, opération de reconversion d'une friche industrielle.
Pour gérer les nuisances créées par l'autoroute qui jouxte
le quartier et traverse la ville, une barrière phonique formée
par des bureaux a été édifiée le long du Drac. A
l'intérieur de la ZAC, un parc, des équipements culturels, et un
maillage qui reprend autant que possible les tracés
préétablis.
En termes de zones d'activités, le projet de la
Presqu'île, grand pôle de recherche situé en limite du
centre-ville, de la gare et du quartier Europole, prévoit 250 ha
à diversifier, avec pour objectif ambitieux d'aboutir à un
quartier neutre en carbone. Parmi les moyens proposés, un travail en
profondeur sera mené sur les transports : développement des
conditions favorables aux modes alternatifs à la voiture, retrait des
voitures en coeur d'îlot et construction de parkings silos. Mais plus que
les moyens développés, c'est ici l'ambition du projet qu'il faut
saluer. Il est utile de rappeler que le premier bâtiment HQE en France
est sorti de terre il y a moins de 10 ans et consommait 280 KWh/m2/an. Il faut
donc, dès l'origine d'un projet urbain, chercher de nouvelles exigences
pour aller plus loin encore que ce qui est la norme actuelle.
Et pour ce qui est de la concertation, Grenoble dispose de
près de 23 unions de quartiers et des comités consultatifs pour
chacun des six secteurs de l'agglomération, qui sont
régulièrement consultés afin d'expliquer et de
réexpliquer les projets. En outre, depuis 2008, tout projet privé
sortant en dehors des ZAC doit être présenté en
réunion publique avant le dépôt du permis de construire.
Ceci afin d'entamer les discussions tôt, et de limiter le recours
éventuel au contentieux.
Montpellier écocité : densifier
et rendre durable une entrée de ville
CONSTANS Laurence, HEBERT Florent & FAUCHEUX Franck,
« Les leçons de la démarche
écocité », in Projets urbains durables,
Stratégies, Editions du Moniteur, 2012.
L'écocité de Montpellier, labellisée par
l'Etat, s'articule sur 8km de la RD 21, de Castelnau-le-Lez à
Pérols, vers la mer. Le territoire de la route de la mer, sur les
communes de Lattes et Pérols, nous intéresse puisqu'il
intègre le plus grand secteur commercial de la ville (220.000m2
d'enseignes) ainsi que la salle de spectacles Arena et le parc des expositions,
dans ce qui est une des principales entrées de la ville. Le projet a
été confié à Bernard Reichen et son équipe,
et s'assoit sur la nouvelle ligne 3 du tramway, tout juste mise en service au
printemps 2012. Des dispositifs associent les enseignes au montage des projets
pour leur permettre de recomposer leur patrimoine, et les stations
génèrent de la valeur en apportant une fonction urbaine majeure
dans cet axe routier. Au même titre que sur le Bas Chantenay on peut
présumer que certaines implantations ne sont plus optimales pour les
activités qui y sont installées, ici c'est l'obsolescence d'un
urbanisme commercial de boites à chaussures, et l`évolution des
formes de consommation qui permettent d'envisager la destruction de près
de 100.000m2 de surfaces commerciales pour entremêler commerces, habitats
et bureaux.
Les auteurs considèrent ainsi que c'est, en France,
l'un des rares projets à grande échelle tentant de
résoudre une équation jamais résolue à ce
jour : transformer une zone d'entrée de ville en quartier mixte. Et
pour ce faire, la Société d'équipement de la région
montpelliéraine (SERM) devra faire preuve d'une inventivité sur
tous les registres (juridiques, financiers et opérationnels) pour
transformer l'essai et montrer la voie à d'autres opérations en
gestation en France.
Strasbourg écocité : à la
reconquête des industries portuaires du Rhin
CONSTANS Laurence, HEBERT Florent & FAUCHEUX Franck,
« Les leçons de la démarche
écocité », in Projets urbains durables,
Stratégies, Editions du Moniteur, 2012.
A travers l'écocité Heyritz-Kehl, Strasbourg a
désigné son fleuve, le Rhin, comme axe de développement
urbain privilégié. Le premier geste fort pour rapprocher la
capitale européenne de sa voisine allemande Kehl a été la
construction d'une passerelle dessinée par Marc Mirmam qui relie les
deux cités.
Le projet se structure sur une réflexion autour de la
mobilité et des déplacements, en utilisant le tramway comme axe
de développement et outil de désenclavement, ainsi que les 540km
d'itinéraires cyclables que propose la ville. L'objectif est de
maîtriser le rapport entre la vocation économique portuaire et le
développement urbain vers l'Est ; chaque secteur à urbaniser
est une entité propre avec une coloration thématique
spécifique en fonction de sa géographie, son histoire et son
patrimoine, et en s'articulant autour des transports.
Des nombreux secteurs opérationnels identifiés,
le plus avancé est l'axe Strasbourg-Kehl, retenu pour illustrer cette
stratégie. Faisant partie de l'ancienne ceinture des glacis militaires,
le périmètre de 250ha vise à reconquérir les
friches portuaires et industrielles et à désenclaver certains
quartiers populaires situés à proximité du port. La route
du Rhin en est la ligne directrice, reliant, côté Ouest, le
quartier du Heyritz, à, côté allemand à l'Est,
l'ancien hôpital civil de Kehl.
Desservi par plusieurs lignes de tramway, doté
d'équipements majeurs, cet axe vise à limiter l'usage de la
voiture, et à désenclaver les quartiers sensibles des Deux-Rives
à l'Est par le prolongement de la ligne D du tramway.
Aujourd'hui le fer de lance de cette reconquête est le
quartier Danube, primé lors de chaque appel à projets
écoquartiers ; c'est un véritable laboratoire des
savoir-faire en matière de développement urbain durable (MOE
Devillers et associés). Sur les 650 logements programmés, 50%
seront aidés et 10% seront issus de l'autopromotion. Un îlot
à énergie positive est envisagé, il est prévu une
place de stationnement pour deux logements ainsi que de nouveaux services de
déplacements (un « pass mobilité » offrira un
bouquet de services alternatifs à la voiture individuelle, de
l'auto-partage, etc.). Un second îlot a été imaginé
entièrement en bois pour la constitution d'une filière bois
locale.
Sur le plan opérationnel, un schéma directeur de
programmation et d'aménagement a été défini par le
groupement piloté par Reichen et Robert & Associés afin
d'articuler ces ZAC ou ces projets. En termes de maîtrise d'Ouvrage, la
Société d'aménagement et d'équipement de la
région de Strasbourg (SERS) est en appui sur de nombreux projets, et la
compagnie des transports strasbourgeois est également présente.
Il faut noter sur ce point la grande capacité des acteurs et
investisseurs locaux à se mobiliser autour de la Communauté
urbaine de Strasbourg (CUS).
Les waterfronts
RODRIGUES-MALTA Rachel, « Une vitrine
métropolitaine sur les quais, villes portuaires au sud de
l'Europe », in Renouvellements Urbains, Annales de la
Recherche Urbaine, n°97, 2004.
Dans le panorama sud-européen, après
l'élection de Barcelone au titre de «Poisson pilote », c'est
au tour de Bilbao d'être élevée au rang de «Mecque de
l'urbanisme » et d'être donc désignée comme «
l'exemple » à suivre.
Plusieurs générations de waterfronts peuvent
être distinguées (Chaline, 1994 ; Marshall, 2001).
Première génération : Inner Harbor
à Baltimore, Union Wharf à Boston (1970)
La première génération, illustrée
par les opérations d'Inner Harbor à
Baltimore ou d'Union Wharf à
Boston au cours des années 1970, regroupe des
interventions dont la finalité vise essentiellement à
reconquérir une centralité perdue. À partir de la
reconversion physique et fonctionnelle des emprises des ports anciens, il
s'agit de lutter contre la désertification et la dégradation du
coeur des villes en les dotant de fonctions urbaines exceptionnelles :
équipements culturels et récréatifs
complétés par une infrastructure d'accueil haut de gamme pour le
tourisme d'affaires. Ces réalisations prennent aussi valeur de manifeste
contre l'étirement infini de l'espace urbain de la ville
nord-américaine et contre la rénovation urbaine selon les dogmes
de l'urbanisme moderne alors vigoureusement dénoncés.
Seconde génération : les Docklands de
Londres (1980)
L'opération des Docklands de Londres,
initiée à la fin des années 1980, est
représentative d'une seconde génération de waterfronts
où les objectifs poursuivis concernent tout autant la requalification
physique de vastes territoires que la reconversion de la base économique
locale. À Londres, les quelque 2000 ha de friches portuaires au coeur de
la ville sont considérés comme une véritable
opportunité foncière pour le développement de grandes
opérations d'immeubles de bureaux, la création de zones
d'entreprises dotées de nombreux avantages fiscaux et la création
d'un nouveau parc de logements haut de gamme. Cette expérience qui
repose largement sur le dynamisme du marché immobilier, devient ainsi,
pour un temps, une référence majeure pour les autres villes
portuaires européennes.
En Italie, par exemple, les premières interventions sur
les espaces industrialo-portuaires concernent la construction de quartiers
d'affaires comme l'illustrent le centre directionnel de San Begnino
à Gênes et le centre directionnel de
Naples.
Les premiers projets pour la transformation du secteur
de la Joliette à Marseille sont eux aussi fortement
conditionnés par cette aspiration au « tout tertiaire ».
Barcelone, Bilbao, Gênes et Marseille,
en dépit du degré d'avancement variable des opérations sur
les quais participent à l'émergence d'une nouvelle
génération. Le terme de friche convient mal pour qualifier les
liens unissant ces villes à leurs ports. Certes, les espaces
urbano-portuaires y sont communément ponctués par des fractures
singulières. Toutefois, l'inventaire des emprises et des
équipements promis à la reconversion n'offre rien de comparable
avec les situations britanniques et étasuniennes. Dans le contexte de
l'Europe du Sud et plus particulièrement en Méditerranée,
la topographie de l'espace littoral a le plus souvent
généré une forte compression de la ville sur le rivage et
n'a généralement pas permis au port de se développer
autrement que par le recyclage permanent des emprises portuaires existantes.
Aussi, le découplage prend-il davantage la forme d'une densification de
l'interface, de la construction d'une épaisseur que
les logiques divergentes de la ville et du port ont
contribué à rendre opaque et stérile (Guillermin,
Hagège et al ., 1994). Les opérations de reconversion s'y
caractérisent donc par leur taille contenue et des objectifs visant
moins la production d'une nouvelle pièce urbaine unitaire que la
recherche d'une nouvelle articulation entre l'espace portuaire et la ville.
Selon ce scénario, le waterfront est alors promis
à fonctionner comme une vitrine où seront mises en scène
les « potentialités », « les singularités »,
les « modernités » de ces villes portuaires aspirant au titre
de « vraies » métropoles européennes.
Barcelone
En 1988, dans le cadre des avancées de la jurisprudence
espagnole en matière d'aménagement portuaire, l'autorité
portuaire prend l'initiative de la rédaction du plan
d'aménagement des 55 hectares du Port Vell qui sera approuvé en
juin 1989. La mise en oeuvre de l'opération et sa promotion commerciale
sont confiées à la Gerencia urbanistica Port 2000, structure
créée par le port et dotée d'une personnalité
juridique propre. Le projet élaboré par l'autorité
portuaire, résolument tourné vers la mise en valeur commerciale
et jugé peu respectueux de la singularité du lieu, a d'ailleurs
fait l'objet de vives critiques de la part des acteurs locaux. Cependant,
l'accord donné par les institutions municipale et régionale pour
la mise en oeuvre d'une opération sacrifiant quelque peu
l'intérêt général à celui de la
rentabilité économique témoigne ici du pragmatisme des
décideurs locaux et de l'art du compromis.
Gênes
En Italie, dans le cadre de la réforme de la
législation portuaire (loi n° 84/1994), les nouvelles
autorités portuaires ont été invitées à
réviser leur position hégémonique avec une obligation de
se doter d'un piano regolatore portuale (PRP). Désormais, il ne s'agit
plus d'établir une simple liste de travaux et de dépenses
à effectuer mais d'élaborer un véritable schéma
d'aménagement en concertation avec la ville, document qui sera ensuite
évalué par les ministères de l'Environnement et des Beni
culturali avant d'être définitivement approuvé par la
Région.
En 1996, pour l'élaboration de son nouveau document,
l'autorité portuaire crée « l'Agence du plan »,
structure qui associe les techniciens du port, de la ville et de la
Région, les facultés d'architecture, d'économie et de
droit. Quatre consultants internationaux (M. Smets, R. Koolhaas, M.
Sola-Morales, B. Secchi) sont invités à animer les
réflexions et à développer des scenarii de
développement sur des zones urbano-portuaires spécifiques (Port
de Gênes, 1999). Après évaluation par les ministères
compétents, le PRP a été définitivement
approuvé par la Région en juillet 2001. C'est dans le cadre de ce
nouveau document qu'est aujourd'hui activement poursuivie la reconversion du
vieux port avec, notamment, la programmation d'un nouveau pôle culturel
et récréatif dans le secteur Darsena- Ponte Parodi, haut lieu de
la célébration de
« Gênes, capitale européenne de la culture
2004 ».
GLOSSAIRE
INACHEVÉ
La place
David Mangin et Philippe Panerai l'abordent dans leur ouvrage
Projet Urbain (2009) à travers la problématique du
parcellaire : si les places anciennes ont du charme et fonctionnent
aujourd'hui sans que l'on ne sache trop pourquoi, c'est qu'elles sont le fruit
de bâtisseurs qui dessinaient depuis le sol, petit à petit, avec
en face d'eux les conséquences directes de ce que leur travail
produisaient sur l'espace public. On constate que beaucoup de places
contemporaines fonctionnent moins bien aujourd'hui. Pour prendre un exemple
local à Rennes, il est, de notre point de vue, difficile de
« lire » l'usage des places de Bretagne, carrefour routier
avant tout, ou Charles de Gaule, esplanade aux proportions gigantesques
d'où souffle le vent et sur laquelle la vie sociale est somme toute
très limitée. Est-ce lié à la planification par le
haut, le plan dessiné puis appliqué d'un seul tenant sans laisser
le temps à la ville d'intégrer ces changements ? Il faudrait
reprendre les méthodes anciennes, revenir sur le site, le parcourir, le
sentir, et éprouver les dessins du projet directement sur place, pour
bien évaluer la pertinence des modifications envisagées.
La rue
Françoise Choay, dans son ouvrage Espacements
(2003), explique qu'une ville, c'est d'abord ses rues. La rue peut être
aimable, revêche, prétentieuse, accueillante, colorée,
animée, déserte, monotone, triste, angoissante. Avec la
multiplication des déplacements quotidiens et le développement
des transports (individuels et collectifs), la ville s'affiche aujourd'hui
comme fonctionnelle et régulée. Une telle conception de la ville,
qui associe sa morphologie à son réseau viaire, est contemporaine
de la généralisation du chemin de fer, du tramway, des
réseaux souterrains et de la voiture individuelle. La ville de la
modernité, née de la révolution industrielle, se veut en
perpétuel mouvement, traversée par d'innombrables flux. D'un
refuge pour ses habitants (dans une anfractuosité, au fond d'une
vallée, derrière une muraille, autour d'un carrefour marchand)
dans lequel la circulation est exclusivement piétonne, rarement
véhiculée (les chevaux et calèches sont restés en
dehors des enceintes pendant bien longtemps), elle est devenue un lieu de
passage pour des machines de transport souvent surdimensionnées.
Le trottoir
Le trottoir est un signe d'aménité pour une rue,
et d'efficacité pour la voirie (c'est sous les trottoirs que sont
installés les réseaux). C'est également un
élément révélateur de la qualité de vie d'un
quartier : un trottoir défoncé révèle la
faillite ou l'abandon d'une municipalité. A l'inverse, sa
propreté et son animation expriment la « bonne
santé » de la ville et de sa population. Elément
symbolique s'il en est, sa fin signifie souvent le passage en dehors des
limites de la ville, l'entrée dans les faubourgs ou la campagne. Sa
qualité peut également mettre en lumière l'usage du
quartier. Aussi sur le Bas Chantenay les trottoirs sont, soit absents, soit de
piètre qualité, puisqu'il n'existe que très peu d'usage de
ces équipements par les piétons.
L'art
D'après L'Esthétique de la rue (1900)
de Gustave Kahn, poète symboliste, la rue est une école d'art
pour tous, qui élève l'âme des citoyens et les initie au
sentiment du beau.
Ainsi, les différences de coloris et de
matériaux des façades attirent l'oeil, ponctuées par des
monuments, des affiches, des luminaires... La rue en elle-même est
également un élément fort de diversité : une
rue qui serpente donne à la ville un aspect de grandeur, mais surtout un
aspect familier et intime, en raccourcissant les chemins. En effet, si la
distance réelle est allongée par des angles, la distance morale
est elle raccourcie, par un effet de découverte : des images
nouvelles et imprévues se déroulent devant vos yeux et charment
la route, tandis qu'une ligne droite amplifie la linéarité du
chemin. C'est la variété des cheminements qui permet de casser
l'ennui d'un parcours linéaire.
Camillo Sitte, dans son ouvrage de référence
L'Art de Bâtir les Villes insistera sur l'émouvante
courbure des rues, la diversité des devantures de boutiques, les statues
qui « entrent essentiellement dans le décors de la
rue », les encorbellements et autres saillies d'immeubles au dessus
de la chaussée qui rythment les façades. Mais ces attributs ne
peuvent révéler la beauté d'une ville ou d'un quartier
s'il ne réside pas de vie dans la rue. Sur ce point, il introduit son
chapitre « Le mouvement de la rue » ainsi :
« Une rue, si belle soit-elle, ne manifeste pas d'existence par la
seule vertu de son architecture. Organisme inerte, elle a besoin d'être
parcourue et habitée pour acquérir une âme. Dès
lors, reflet d'humanité, elle adopte, dans la collectivité
urbaine, l'attitude que lui communiquent ses habitants et ses
passants ». Robert de Souza appuie le propos en expliquant que les
rues, les places, les espaces libres, les éclairages, les affiches, les
vitrines, l'animation de la rue, tout ce qui caractérise une cité
doit mériter le plus grand soin, ce qui ne veut pas dire les
dépenses les plus somptuaires, au contraire même, parfois une
intervention minimale suffit à embellir un coin de rue, un bout de
trottoir, un accès à un bâtiment.
On peut penser que ces propos relèvent de situations
passées, et que pour un aménageur il est difficile de rajouter de
la complexité volontairement. Instinctivement, il sera attentif au
coût des aménagements et cherchera l'efficience avant tout. Ce
n'est pas nécessairement vrai : si l'on regarde par exemple les
aménagements mis en place sur la ZAC du quai d'Auchel à Rennes,
on remarquera que par quelques artifices de composition, la promenade au bord
de la Vilaine est animée et offre des effets de
découvertes : conçue sur deux niveaux, l'un en hauteur en
bordure de fleuve, l'autre plus bas en stabilisé, et
séparée par des plantations variées, elle offre tout
à fait ce dont Kahn fait référence. S'agissant du Bas
Chantenay, le fleuve est plus vaste et surtout plus rectiligne, mais le
redécoupage du parcellaire et l'aménagement de sections de berges
pourraient aussi créer un effet similaire. Ce sont des points sur
lesquels il faudrait insister lors du recrutement du maître d'oeuvre
urbain.
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