Introduction
générale
1. Problématique
L'épistémologie contemporaine
étudie la science dans une perspective où elle est
considérée comme un ensemble unitaire des connaissances,
malgré la diversité méthodologique qu'elle peut
compter. La science est l'une des plus extraordinaires productions de
l'homme car, celui-ci est considéré comme le producteur des
oeuvres de la culture. Aussi, la science est la plus haute réalisation
de l'homme dans le développement de la pensée. Pour arriver
à prôner l'idée de l'unité, la science est
passée par plusieurs moments de difficultés et de contrastes.
Déjà, l'histoire des sciences nous renseigne que la science
physique ou de la nature a été la première instance de
réflexion philosophique à partir de laquelle tous les
philosophes d'abord antiques et ensuite modernes, ont orienté leur
pensée. De ce fait, les sciences de la nature prirent une
hégémonie absolutisante par rapport aux autres domaines de la
connaissance tels que les sciences de l'homme.
En plus, cette absolutisation des sciences de la
nature est possible à expliquer dans la mesure où, la
majorité d'hommes des sciences qui étaient aussi philosophes,
réfléchissaient sur les problèmes du monde ou de la
cosmologie. Comme l'exprime bien Cassirer :
« La première hypothèse qui vient
à l'esprit incline à penser que c'est le monde astronomique
ou cosmologique qui commença le premier à surgir du
chaos. ».1(*)
C'est ainsi que l'étude de la nature
préoccupa tous les penseurs tout au long de l'histoire de la
philosophie. Il s'ensuit que, la connaissance du monde dans lequel l'homme
habitait, restait un impératif aux recherches scientifiques de
l'époque. D'où, le développement des sciences telles que
l'astronomie, la physique, la cosmologie. D'ailleurs, dans la Logique de la
découverte scientifique, Popper affirme que le problème qui
intéresse tout homme des sciences est le problème de la
cosmologie, c'est-à-dire « le problème de
comprendre le monde, nous-mêmes et notre connaissance en tant qu'elle
fait partie du monde ».2(*)
En sus, l'hégémonie des sciences de la
nature n'a pas permis vraiment l'émergence des sciences de la culture. A
cela, il faut ajouter l'avènement de la mathesis universalis
inauguré par Descartes dans la mathématique comme science
universelle. La physique était appelée la mathématique
naturelle comme science physique en miniature. Toutes les autres sciences
devraient se calquer sous le modèle de ces sciences exactes. Pour
illustrer cette thèse, nous pouvons rappeler que certains philosophes
fondaient leurs recherches sous l'égide physico-mathématique. Par
exemple, Spinoza articulait son éthique sur les axiomes de la
géométrie et bien d'autres que lui, orientaient, leur
pensée dans le critère des sciences de la nature. Comme on peut
vraiment le constater, les sciences de la nature ont dominé toutes les
autres orientations de la connaissance, parce qu'elles étaient des
modèles par excellence de référence ; on ne pouvait
pas ne pas réfléchir en dehors de la physique naturelle.
Cependant, un autre fait qui a marqué
l'histoire des sciences est la fameuse crise interne entre la philosophie et
les sciences. Nous ne pouvons pas perdre de vue que la philosophie et les
sciences sont issues d'un tronc commun historique. Mais, cette histoire a
été caractérisée par une crise entre ces deux
domaines. Car, chacun de sa part, prétendait incarner le niveau le plus
parfait du savoir. La dite crise, a donné des conséquences
jusqu'aujourd'hui. On cite l'émergence des épistémologies
monistes et dichotomiques, « l'appauvrissement de tous les
domaines du savoir et la régionalisation
épistémologique. ».3(*)C'est pourquoi, cette lutte a entrainé une
vision dualiste dans le milieu scientifique allemand où il y a eu
distinction, d'une part, des sciences de la culture et, d'autre part des
sciences de la nature.
Par ailleurs, ni l'absolutisation des sciences de la
nature, ni la lutte entre la philosophie et la science, n'ont permis
l'émergence de l'unité de la science. Au contraire, elles ont
contribué à sa dissection. C'est ainsi que le problème du
fondement des sciences de la culture sera abordé jusqu'au XIX e
siècle. A leur naissance, les sciences de la culture ont eu le
problème de fondement dans la mesure où, le seul modèle de
scientificité était celui des sciences de la nature. Alors,
fallait-il l'adopter ou le rejeter ? Certains penseurs de la culture,
à l'instar de Vico et de Herder, ont carrément rejeté le
modèle monisme des sciences de la nature.
En effet, ces deux auteurs ont opéré
une véritable révolution méthodologique dans la mesure
où ils pensent que l'homme maitrise bien ce qu'il a lui-même
créé et les sciences de la culture en constituent le prototype.
Encore, les lois qui régissent les sciences de la nature sont
conçues par l'esprit humain. D'où, il faut s'intéresser
plus aux productions de l'homme que de chercher à maitriser la
nature qui se place dans l'ordre du divin.
Eu égard à ce qui précède,
partant du principe kantien de la constitution et de la régulation des
sciences, nous pouvons dire que les sciences de la nature constituent leur
propre objet d'étude qui est la nature déjà
trouvée, tandis que les sciences de la culture n'ont pas un objet
construit comme dans les sciences de la nature. Elles étudient
l'homme : son histoire, ses vécues, ses traditions. A cet effet, si
la culture s'occupe de l'homme alors que ce dernier est un être
symbolique, c'est-à-dire celui qui crée sa propre culture et ses
oeuvres, nous pouvons partir de la thèse selon laquelle, les sciences
de la culture ne se comprennent que dans la perspective symbolique chez
Cassirer. Aussi, ne perdrons pas de vue que la finalité de Cassirer est
de donner une réponse suffisante face au monisme méthodologique
des sciences de la nature avec le langage physicaliste, et le dualisme
méthodologique des sciences de la culture de l'école de bade et
de Dilthey. Une telle crise n'a pas permis l'émergence des sciences.
Face à cette crise interne, Cassirer avait pris
conscience de cette gravité et a voulu réhabiliter la
connaissance. Pour atteindre son objectif, il se fixe un contour
épistémologique à travers une philosophie des formes
symboliques qui se veut unificatrice du savoir et où le symbole joue le
rôle de médium, la fenêtre d'entrée de toute
connaissance. Mais, dans le contexte des sciences de la culture, le souci de
Cassirer est de constituer une logique de ces sciences selon le modèle
structuraliste et comparé avec les sciences de la nature, en vue de
dégager la scientificité des sciences de la culture. Alors,
quelques questions méritent d'être posées :
« Sur quoi se fondent les sciences de la
culture ? Est-ce que ces sciences, du point de vue
épistémologique, valent leur pesant d'or ? Pourquoi leur
scientificité suscite de grands débats ? Voilà mille
et une questions regroupées en une seule : les sciences de la
culture ont-elles une logique et un fondement propre sans se calquer sur le
modèle des sciences de la nature en dégageant ainsi leur
spécificité »?
Ce questionnement constitue le noeud de la
problématique de notre travail où nous chercherons à
fonder les sciences de la culture du point de vue
épistémologique, tout en dégageant leur logique de
subsumption propre à partir d'une herméneutique propre.
2. Objet et thèse du
travail
L'objet de notre investigation demeure la
problématique de la fondation épistémologique des sciences
de la culture. Pour ce faire, nous allons interroger l'histoire des sciences en
vue de dégager les éléments structurels qui concourent
à l'épistémologie des sciences de la culture. Il s'ensuit
que la principale thèse de notre étude est la défense des
sciences de la culture comme étant une des sciences classées au
même rang que les autres sciences. Car, elles ont une méthodologie
et une logique conceptuelles propres. Cependant, cette thèse peut
être éclatée en des aspects ci-après :
Ø Les sciences de la culture sont
considérées du point de vue épistémologique comme
des sciences autonomes et s'occupent des productions de la culture de l'homme
à travers l'histoire, l'art, la religion, le langage et la science.
Ø Leur autonomie présuppose leur logique
conceptuelle et leur fondement propre à travers leur
herméneutique.
Ø Les sciences de la culture sont globalisantes parce
qu'elles étudient tous les faits liés à l'homme. A cela,
il faut ajouter que les sciences de la nature sont aussi
considérées comme des faits socioculturels et font partie de
l'histoire de l'agir humain.
Ø En plus, ne nous pouvons comprendre
l'épistémologie des sciences de la culture chez Cassirer que si
nous la conjuguons avec celles de la nature et dans une perspective
comparative. Cette perspective, nous amène à relever les
éléments structurels qui entrent en jeu dans la formation de
l'épistémologie des sciences de la culture et de la nature, en
débouchant sur ce que nous appelons l'épistémologie de la
coopération, qui est une théorie critique et unitaire des
sciences.
3. Choix et
intérêt du travail
Notre choix à propos de ce sujet se veut une
manière de valoriser les sciences de la culture tout en
démontrant leur fondement propre qui implique leur concept et leur
logique qui le différencient des sciences de la nature. Nous avons
constaté que les sciences de la culture sont restées au niveau
des débats aux conférences, des discussions dans les colloques,
au lieu d'être enseignées, étudiées, voire
orientées à pouvoir mener les recherches.
Aussi, au moment ou l'épistémologie des
sciences de la nature et conçue comme un processus de
développement des sciences de la nature dans l'histoire, qui a
déjà trouvé une place au sein de la communauté
scientifique à travers les différentes publications. Alors,
l'épistémologie des sciences de la culture se présente
comme un vague de commentaires, et de discussions qui n'ont pas encore une
assise rigoureuse au sein de la compétition des sciences. Dans ce sens,
l'intérêt de notre travail réside dans la monstration de
l'articulation logique conceptuelle, fondement et scientificité des
sciences de la culture.
4. Méthodes de la
recherche
Nous rappelons que l'objectif de
notre travail est de trouver un fondement épistémologique aux
sciences de la culture à travers les idées d'Ernst Cassirer.
Pour y arriver, les méthodes comparative et herméneutique, nous
aiderons afin d'atteindre notre finalité. Par méthode
comparative, il s'agit de comprendre la logique des sciences de la
culture en la comparant avec celle des sciences de la nature. Ainsi, cette
méthode est un procédé qui nous nous fournira des plus
amples informations. Par méthode herméneutique à travers
la trilogie texte, contexte, et appropriation, nous allons nous permettre de
voir comment le problème est posé chez Cassirer à travers
la manière dont il conçoit le fondement de ces sciences sans
oublier d'interroger l'histoire des sciences, tout en nous appropriant le
sujet au niveau de la contextualisation de sa pensée au problème
de l'épistémologie contemporaine qui se veut unificatrice du
savoir. A cet effet, nous dégagerons l'idée de l'unité
des sciences ou encore, nous plaiderons pour la fondation d'une
épistémologie de la coopération.
5. Plan du travail
Pour mener à bon port notre investigation, nous
optons pour une texture tripartite. Hormis l'introduction et la conclusion
générale, le premier chapitre offre une approche historique et
méthodologique des sciences de la culture. Il s'agit en outre de
constituer l'objet des sciences de la culture dans l'histoire des sciences et
montrer comment, à la suite de l'hégémonie des sciences de
la nature et de la crise entre la philosophie et les sciences, il y a eu la
vision dualiste des sciences. Le deuxième chapitre quant à lui,
s'attèle à donner une analyse épistémologique des
sciences de la culture et de la nature selon une approche comparative. Il
s'agit encore d'analyser la spécificité des sciences de la
culture et de la nature, qui ne pose aucun problème de la
légitimité. Le troisième chapitre, se donnera pour
tâche de relever les éléments qui permettent l'unité
des sciences malgré leur diversité. Ainsi, nous plaiderons pour
une épistémologie de la coopération afin d'ouvrir les
sciences à d'autre domaine du savoir.
CHAP.I
APPROCHE HISTORIQUE ET
METHODOLOGIQUE DES SCIENCES DE LA CULTURE
I.0. Introduction
L'objectif principal de notre étude est de
montrer la spécificité scientifique des sciences de la culture
par rapport aux sciences de la nature. La réalisation d'un tel projet,
nécessite un préalable que nous impose l'histoire des sciences.
En effet, il nous semble impérieux de révéler l'ordre
suivant lequel les domaines scientifiques se sont émancipés avec
le bénéfice de montrer comment a émergé la
difficulté qui nous a amené à cette étude à
savoir, le statut épistémologique des sciences de la culture au
regard offert par les sciences physico- mathématiques.
Brièvement, il faut déjà noter
qu'au départ ce sont les sciences de la nature ou empirico formelles qui
se sont émancipées mais avec le temps, la communauté
scientifique a compris que les faits humains pouvaient aussi être objet
d'étude de la science, puisque les sciences physico-mathématiques
amassaient du succès, on a naturellement voulu calquer les sciences
humaines sur ce modèle. Mais, petit à petit, on s'est rendu
à l'évidence la vanité d'une telle entreprise.
D'où, a vu le jour une recherche encore chancelante sur la
scientificité particulière des sciences de la culture.
Nous décrirons ce parcours historique en trois
phases. Il s'agira de montrer comment s'est constitué et s'est
particularisé l'objet des sciences de la culture dans l'histoire des
sciences, ensuite nous verrons l'émergence des sciences de la culture au
XIXe siècle, finalement nous parcourons les approches
méthodologiques des sciences de la culture.
I.1. Constitution de l'objet
des sciences de la culture dans l'histoire des sciences.
Cette partie annonce déjà
l'entrée dans l'histoire des sciences au cours de laquelle, le
développement accéléré des sciences de la nature a
fait qu'elles soient naturellement le modèle de scientificité
d'abord à travers une généralisation des paradigmes, et
tellement que ce développement a donné du succès à
ces sciences, elles se sont considérées par la suite comme
modèle de l'harmonie, de l'ordre dans l'univers. Enfin, le couronnement
de cette hégémonie des sciences exactes a été
atteint par l'affirmation de la mathématique universelle comme la
science de référence au temps moderne.
I.1.1. Hégémonie
des sciences de la nature et généralisation des paradigmes.
Depuis l'antiquité, au cours du
développement des sciences, les recherches scientifiques ont
été orientées vers la quête de la première
matière qui constitue chaque réel. C'est ce qui s'appelait
« archè phusis ». Les premiers penseurs qui
étaient aussi des hommes des sciences, ont réfléchi
notamment sur les problèmes physiques et astronomiques. Cette influence
s'est remarquée également dans les religions primitives et le
monde mythique à travers l'adoration des astres.
En plus, l'on se rappellera que les philosophes qui
ont élaboré leurs pensées avant Socrate étaient
appelés aussi naturalistes ou physiologues, parce qu'ils se sont
intéressés au fonctionnement de la nature. C'est dans ce cadre
qu'il faudrait inscrire la philosophie platonicienne qui affirme que, la
pensée a commencé avec l'étonnement. Mais, s'agissait-il
de quel étonnement ? Ce qui est sûr, l'objet principal de
cette interrogation philosophique a été le monde physique,
astronomique4(*).
Ainsi, les premières connaissances
scientifiques s'évertuaient à expliquer les
phénomènes naturels par des causes naturelles. Comme nous venons
de le dire, ces philosophes tiennent un discours rationnel sur la nature. L'on
voit les penseurs comme Thalès et Pythagore qui ont contribué
à la naissance des mathématiques, de l'astronomie et de la
théorie de la musique. En outre, ils ont cherché tous à
imputer la constitution du monde à un principe naturel unique.
Eu égard à ce qui précède,
depuis l'antiquité jusqu'à XIXème
siècle, il y a eu l'explosion des théories des sciences de
la nature avec le prototype de la physique, dont l'essence était dans
les mathématiques. Déjà dans l'antiquité, l'on
observait l'élan de la mathématique-géométrique
chez certains philosophes. Au fronton de l'académie platonicienne il
est écrit : que nul n'entre ici s'il n'est
géomètre5(*). En effet, Platon analyse les formes
géométriques et les appliquent aux atomes proposées par
les présocratiques. Dans ce cadre, on dira qu'il inaugure une nouvelle
voie qui sera essentiellement approfondie par Descartes et les autres modernes
par le principe de la mathématique universelle.
Comme on peut le constater, Aristote était plus
attaché à l'observation directe de la nature que Platon. En plus,
celui-ci suivait l'orientation de Pythagore, qui à l'origine de la cause
formelle et pour laquelle, la connaissance de l'harmonie mathématique
était la clé de la structure de l'univers. Ainsi, Platon cherche
le système des régularités et réduit le mouvement
à son squelette algébrique : pour expliquer les
transformations chimiques fondamentales, il a recouru aux types de triangles et
aux formes géométriques6(*).Cette théorie de la mathématisation
et de la géométrisation platonicienne est encore utilisée
dans la pensée contemporaine, le cas de la mécanique quantique.
Avec Aristote, la théorie systématique
des sciences de la nature devient effective. Ainsi, la nature ou la
phusis, demeure la référence incontournable dans la
classification des sciences aristotélicienne7(*). Dans cette
classification, c'est le troisième groupe, celui des sciences
théoriques comme les mathématiques, la physique et la
métaphysique, qui occupe la plus haute considération. D'ailleurs,
chez Aristote, deux axiomes épistémologiques confirment ce que
nous avons dit : le principe d'uniformité de la nature et le
principe d'économie. En effet, le fait que la nature est uniforme,
c'est-à-dire elle se présente comme une unité, doit tout
de même être intérieur à notre intelligibilité
et susciter en elle le modèle de la concordance observée dans la
nature.
Cependant, le développement
accéléré des sciences de la nature a commencé
à partir de temps moderne où l'on observait également la
généralisation des paradigmes scientifiques. Dans ce sens, un
paradigme se présente comme étant une matrice qui conduit la
recherche à l'intérieur du domaine scientifique qu'il
régit8(*). A
l'époque moderne, on cite Galilée, Kepler, Copernic et Newton,
qui ont révolutionné l'astronomie, la cosmologie et la physique.
Ainsi, la cosmologie classique moderne trouve ses racines et ses fondements
dans l'astronomie antique, qui avait le caractère
géométrique. En effet, parmi les révolutions cosmologiques
du temps moderne, on cite celle de Nicolas Copernic qui transférait le
centre de l'univers, de la terre au soleil (héliocentrique). En plus, le
système copernicien devrait être complété par celui
de Galilée et par Kepler également. Galilée vers 1590,
était convaincu que la vérité de l'astronomie
copernicienne est son hypothèse héliocentrique. Aussi, il
était le créateur de la nouvelle science de la dynamique et le
précurseur en faveur du combat de la vision copernicienne du mode.
Kepler est le premier dans sa théorie du mouvement des planètes,
à formuler les lois exactes de la nature.
Eu égard à ce qui précède,
le système Newtonien était admis comme le prototype de toute
connaissance parvenue à son état d'achèvement
définitif. Aussi, il faut dire que les diverses disciplines qui sont
nées vers la fin du XIIIème siècle ne
procèdent pas du seul développement de la méthode.
Mais, elles résultent plutôt d'une inspiration centrale,
unifiante, à partir de la mécanique céleste. Avec Newton,
on obtient le premier paradigme : « la loi de l'attraction
universelle et la théorie corpusculaire de la lumière qu'il
reliait à sa grande synthèse de la
mécanique. »9(*).
Il s'ensuit que, la généralisation du
paradigme newtonien engendre un monisme épistémologique dont les
effets à long terme pèseront sur le développement des
sciences de la culture, condamnées à se former sur le
modèle des sciences physico-mathématiques. C'est ainsi que
Cassirer s'exprime : « il nous faut apprendre de ce
développement que, pour déterminer le sens scientifique de la
matière, nous ne pouvons plus nous contenter de l'usage d'un unique
défini de concepts physiques. »10(*).
On le voit, l'hégémonie des
sciences de la nature dans l'histoire des sciences, n'est pas un fait du
hasard, il relève du contexte dans lequel les sciences sont nées
et ont évolué. Bien plus elle se fonde aussi sur l'image
harmonieuse qu'offre la nature et qui inspire uniformité, ordre et
unité.
I.1.2. Nature comme
modèle de l'harmonie, de l'ordre et d'uniformité.
Dans la pensée primitive à travers
l'orientation mythique et religieuse, la nature se présente comme le
modèle de l'harmonie. D'ailleurs, cela se justifie par le fait que
plusieurs religions primitives ont orienté leurs
« adorations aux astres. »11(*). Ainsi, l'harmonie
constatée dans la nature se révèle à travers le
processus uniforme des faits et des objets. Par exemple : la trajectoire
des astres, la rotation des planètes, la succession des jours et des
nuits, le retour régulier des saisons etc. sont là les exemples
d'une harmonie bien établie.
En dehors de l'uniformité constatée
dans la nature, il y a de l'idée de l'ordre12(*). Cet ordre s'attache aux
différentes coutumes qui lient l'homme à sa société
culturelle. En cela, le monde se divise par la vision physique et
éthique. Ces deux visions du monde sont très liées dans
leur relation dès l'origine déjà. En plus, beaucoup de
religions ont considéré ces deux visions en les confirmant dans
leur enseignement et leur cosmologie qui accordent au créateur un double
rôle : « celui d'être le fondateur de l'ordre
astronomique et de l'ordre éthique. »13(*).
Au demeurant, l'homme trouve dans la nature un
modèle de l'uniformité, de l'ordre et de l'unité qu'il
veut appliquer dans toutes les formes de sa création. C'est ainsi que
petit à petit l'homme commença à concevoir un monde qui
lui serait propre en imitant l'harmonie qu'il a constatée dans la
nature. Ainsi, plusieurs mythes ont expliqué ces
phénomènes. Il y a : « l'épopée
de Gilgamesh dans les védas, la vision égyptienne de la
création, le mythe babylonien de la
création... ».14(*)
Tout compte fait, Cassirer accorde une importance
à la pensée mythique où il en donne les pages
spéciales dans le deuxième tome de sa philosophie des formes
symboliques. Ainsi, dans cette perspective mythico religieuse, nous remarquons
que la culture humaine n'est pas quelque chose de donné, ni d'implicite
mais c'est une sorte de miracle qui nécessite une
explication15(*).
Cette explication sera rendue rationnelle par la philosophie grecque à
travers sa notion de logos et l'idéal de la mathesis universalis
cartésien qui va effondre l'harmonie culturelle au temps moderne.
I.1.4. La mathesis universalis
du temps moderne
Le regard historique que nous avons
jeté sur les sciences des siècles passés, atteste que la
mathématique et la physique étaient intimement liées.
C'est ainsi que Cassirer affirme : « aucun domaine n'est
lié plus étroitement au problème général de
la connaissance, aucun n'a exercé une influence plus forte et plus
durable sur son évolution historique que la science mathématique
de la nature »16(*). C'est ainsi que entre les mathématiques
et la physique, il y a eu une réciprocité et une
coopération permanente et constante. En réalité, elles ont
eu la même communauté de destin intellectuel. En outre, les hommes
des sciences ont travaillé tout au long de l'histoire des sciences pour
maintenir cette communauté de destin. C'est pourquoi Newton17(*) complète son
oeuvre fondamentale où il cherche à soumettre la formation des
concepts physiques à des règles et principes mathématiques
de la doctrine de la nature.
A cet effet, la physique était
considérée comme le prototype des sciences de la nature et
trouvait également l'essence dans les mathématiques. C'est dans
ce cadre que Descartes va promouvoir sa méthode de la
mathématique universelle comme modèle sur lequel toutes les
sciences devraient se calquer pour prétendre à la
scientificité. En plus, Descartes est d'esprit mathématique.
L'intuition et la déduction mathématique sont ses deux seules
sources de connaissance. C'est ainsi que la plus haute visée de
Descartes est « de transmuer toute science, quelle qu'elle soit,
tant physique que métaphysique, en
mathématique »18(*). Comme l'époque moderne était
marquée par la dimension mathématique, toute science devrait
obligatoirement se conformer aux normes mathématiques.
Nous devons encore retenir que cette
mathématique universelle voulait redorer le blason de l'antiquité
platonicienne de la géométrie. Kepler, Newton et Galilée
vont décider d'articuler sur les idées de Platon, de Pythagore et
de Démocrite. Retenons que Descartes affirme
que se sont les mathématiques qui permettent d'embrasser les
« idées claires et distinctes de la totalité de
l'être »19(*). C'est pourquoi la mathématique doit
être une science autonome, fondée sur elle-même. Dans ce
sens, il faut comprendre que les recherches fondamentales sur la nature de la
mathématique ne se limitaient pas à une étude ponctuelle
d'un domaine spécialisé de la connaissance, elles devraient
s'élargir presque dans les autres branches de la connaissance. Ainsi,
« le rêve cartésien d'une mathématique
universalis consiste bien dans l'extension de la méthode du calcul
analytique à l'ensemble des domaines de la
connaissance. »20(*).
En plus, le rationalisme philosophique classique
à travers la mathématique, a fécondé et
élargi la science moderne et lui a assigné un nouveau but. On
peut le constater auprès des disciples de Descartes comme Leibniz,
Malebranche, Spinoza, qui sont le prototype de la manifestation du pan
mathématique. En effet, Spinoza articule son
éthique sur le modèle des axiomes géométriques dans
son ouvrage l'Ethique (More géometrico). En outre, il se veut
cartésien plus que Descartes ; c'est-à-dire il suit la
méthode d'une manière rigoureuse et approfondie. D'ailleurs, dans
sa classification, il distingue trois modes et trois formes de cognition qui
sont : l'imagination, la raison et l'intuition. L'imagination,
étudie les choses empiriques et l'ordre des événements
empiriques (histoire), la raison à son tour s'évertue à
expliquer le monde mathématique surtout la géométrique et
enfin l'intuition est de la source de la métaphysique. A la
lumière de ce qui précède, Spinoza accorde beaucoup
d'importance aux mathématiques, car elles appartiennent à la
sphère de la rationalité.
De son coté, Leibniz ouvrira
une nouvelle voie. Il n'est pas contre le principe du rationalisme mais il en
demeure le plus grand représentant. Il tend les principes du
rationalisme jusqu'au domaine où Descartes n'a pas pu le faire. En
effet, Descartes sépare d'un coté la vérité
philosophique et mathématique et, d'un autre, la vérité
théologique. Comme cette dernière se fonde sur la
révélation, elle ne peut pas être comprise dans la
sphère mathématique. C'est ainsi que Leibniz fonde un principe
général et rien n'échappe aux champs d'investigation de
sa logique. Son rayon comprend mêmes les vérités
révélées. Donc, Leibniz est « pluraliste et
non un moniste. »21(*). C'est dans ce sens que Leibniz sauva la
mathesis universalis par son principe de la « caracteristica
generalis ou de la sciencia generalis. »22(*).
Au fait, tellement que la mathématique
a influencé la pensée moderne, même le domaine juridique
n'a pas échappé à ce principe. C'est pourquoi, nous citons
Hugo Grotius qui articule le droit naturel moderne en analysant entre la
connaissance juridique et la connaissance mathématique. Il s'ensuit que
la pensée mathématique pouvait embrasser tous les domaines de la
vie : « la pensée mathématique pouvait
embrasser dans une même démarche le monde corporel et le monde
spirituel, l'être de la nature et l'être de
l'histoire. ».23(*)C'est ainsi que la pensée
cartésienne féconda avec force l'ensemble de la connaissance
scientifique. La géométrie analytique reste le modèle
parfait de la structuration mathématique établissant le lien
commun qui relie toutes les parties de sa philosophie, leur conférant
une unité indéfectible.
Par ailleurs, le monisme méthodologique avec le
modèle physico-mathématique ne permettait pas de faire recours
aux sciences de l'homme. C'est pourquoi, il y a eu révolution au niveau
de la pensée et le privilège est accordé aux sciences de
l'esprit. Car, dit-on, les idéaux physico mathématiques sont
conçus par l'esprit humain. Alors, pourquoi ne pas étudier
d'abord les sciences de l'esprit que les autres sciences qui existent
déjà ? C'est ainsi que le regard était tourné
vers la révolution de la méthodologie des sciences de la
culture.
I.2. Le xix e siècle
et l'émergence des sciences de la culture
Ce point se veut une analyse de la naissance des
sciences de la culture qui sont sur le tard dans l'histoire des sciences par
rapport aux sciences de la nature. Il s'agit en fait d'une révolution
méthodologique opérée par les philosophes et historiens de
la philosophie qui ne veulent pas que les sciences humaines se calquent sur le
modèle physico-mathématique. Ainsi, l'objet des sciences de la
culture commençait à se constituer petit à petit d'abord
dans les sciences biologiques et ensuite dans les différentes
méthodologies suivies.
I.2.1. Giambattista Vico et la
révolution méthodologique.
Après une longue
période de l'absolutisation des sciences dures c'est-à-dire les
sciences mathématiques de la nature, le XIXéme
siècle était resté ouvert et s'orienter à d'autres
domaines de la connaissance. Raison pour laquelle, les sciences de l'esprit se
sont émergé et prétendaient comme science autonome en
cette même période. L'on ne peut pas affirmer ici qu'avant le
XIXémé siècle les sciences de l'esprit
n'existaient pas, mais ce que nous explicitons dans cette partie est le fait de
montrer que ce siècle est celui qui a donné une nouvelle
orientation aux sciences de la culture et surtout à la pensée
historique, bien que le XVIIIème siècle et autres
périodes ont étudié également l'histoire. Alors, la
spécificité du XIXéme siècle est
« le nouveau tournant qu'il propose ou la révolution au
niveau de la méthodologie. ».24(*)
En plus, ce qui donne au XIXéme
siècle sa marque spécifique et sa distinction toute
particulière, ce n'est pas la découverte de l'histoire, mais une
certaine nouvelle orientation ou encore le changement de direction qu'il
imprime à cette pensée. En outre, c'est une remarquable
conversion qui s'est opérée ou un tournant
copernicien25(*) qui
veut conférer à la science historique une nouvelle forme
d'orientation. Parmi les penseurs qui ont eu l'audace de révolutionner
le paradigme mathématique cartésien en paradigme des sciences de
la culture, on cite Vico suivi de Herder et les autres.
En effet, Vico a eu le mérite d'être le
premier à penser sur l'hégémonie de l'histoire en tant que
science humaine et à l'ériger aussi dans tous les domaines du
savoir au détriment de la mathesis universalis de Descartes. Si pour
Descartes l'histoire n'a pas de place dans sa philosophie, encore, si les
sciences historiques sont faites pour le « divertissement et la
fantaisie »26(*), elles constituent chez Vico le pôle vers
lequel, il va constituer toute sa pensée. En outre, ce qui est important
dans l'oeuvre de Vico n'est pas le contenu matériel mais et surtout la
construction qu'il fait de l'histoire des civilisations. Il introduit là
le « nouvel idéal méthodologique qu'il
défend bien. »27(*). En plus, pour une première fois, la
logique sortira de sa sphère des sciences objectives pour
s'intéresser aux sciences de l'esprit. C'est ainsi que, nous
commençons par montrer la difficulté de la logique de
s'insérer à ces sciences pour présenter, à la
fin, la méthodologie historique de Vico.
Nous sommes sans ignorés que depuis que les
sciences existent, elles se sont toujours composé ensemble avec la
logique afin d'y puiser les concepts et les jugements28(*). Ainsi, la grande
difficulté présente est de lier l'état présent de
la logique avec son développement historique. Tout au long de son
histoire, depuis Platon, la logique s'est intéressée plus aux
sciences mathématico-physique, biologiques, etc.
Ainsi, avec Platon, nous avions une logique de la
mathématique, avec Aristote, il y a eu une sorte de logique
appliquée à la biologie (cfr étude d'espèce et de
genre). Ainsi, dans ces logiques citées, « le concept
mathématique de relation, les concepts biologiques de genre et
d'espèce sont établis d'une manière
solide. »29(*). En plus, l'on voit Descartes, Leibniz et Kant,
qui bâtissent la logique de la science mathématique de la nature
également sans une vision des logiques des sciences humaines. Egalement
l'ambition du cercle de Vienne30(*) qui cherche un fondement logique des sciences.
Cependant, il fallait attendre le XIXéme siècle pour
que surgisse la logique de l'histoire avec l'émergence des sciences de
la culture ou sciences historiques. Et, c'est Vico qui osa déplacer la
logique de sa sphère propre pour « l'appliquer au langage,
à la poésie, à la religion et l'art. »31(*).
Par ailleurs, une grande difficulté
conceptuelle voit le jour dans la mesure où l'on est surpris de
constater que les concepts fondamentaux des sciences de la culture, n'ont pas
une assise logique parce qu'ils n'ont « pas trouvé leur
place naturelle dans le système de la logique. »32(*). Raison pour laquelle,
Cassirer se propose de ramener le problème à la perception,
c'est-à-dire à la source primitive de la connaissance, ce qui
sera l'objet de notre deuxième chapitre. Qu'à cela ne tienne, de
nos jours, on peut parler aisément d'une logique des sciences de la
culture sans se gêner car ces sciences suivent une logique
différente de celle de la connaissance objective des sciences de la
nature. D'où, chez Vico à travers sa méthodologie, nous
pouvons déjà entrer dans les linéaments de cette
logique.
Il est à noter que, dans sa méthodologie
des sciences historiques, Vico ne s'est pas donné la tâche
d'étudier les étapes de toute l'histoire du monde, bien qu'il se
borne à classifier l'évolution en trois étapes, dont
« l'âge des dieux, l'âge des héros et
l'âge des hommes. »33(*). Mais, il s'est insurgé contre Descartes
et contre sa méthode de la mathesis universalis. En outre, Vico a
placé sa nouvelle méthode en dehors de la mathématique
universelle et au dessus d'elle. De là, il aboutit à la
sapientia humana34(*)ou la sagesse humaine des sciences que Descartes,
dans ses règles pour la direction de l'esprit, considérant comme
un idéal35(*).
En effet, pour Vico, le but de notre connaissance
réside dans le savoir humain et non dans la connaissance de la
nature. Selon lui, la philosophie serait dans l'erreur lorsqu'elle
dépasse les limites du savoir, c'est-à-dire au lieu
d'étudier l'homme, elle va au-delà jusqu'à étudier
la nature. Il renchérit en affirmant que chaque être doit saisir
et pénétrer vraiment ce que lui même a
produit36(*). Ainsi,
l'étendue de notre savoir ne peut pas dépasser celle de notre
création. Pour arriver à une telle création, nous devons
nous atteler au monde de la culture et non celui de la nature. En sus, comme
la nature est l'oeuvre divine, elle ne peut être
appréhendée qu'au divin. Par ailleurs, l'homme peut bien
saisir l'originalité et la structure de ses propres oeuvres.
D'ailleurs, critiquant les idéalités
mathématiques, Vico affirme qu'elles n'ont pas d'évidence
même de certitude. Les objets dont elles traitent n'appartiennent pas
à l'ordre physique ou naturel, mais ils sont conçus à
partir de l'esprit humain en toute liberté. Cependant, si la structure
intrinsèque de ces objets est accessible et perméable à
l'esprit humain, c'est parce qu'il en est lui-même le créateur. Le
mythe, le langage, la religion, la poésie...sont les objets de la
connaissance humaine. Donc, Vico se tourne vers ces formes culturelles pour
construire sa logique des sciences humaines.
Au demeurant, Vico opère une révolution
méthodologique des sciences historiques. Il publia un ouvrage sur
les principes de la nouvelle science concernant la nature commune des
nations, où il procède à l'étude de la culture
au sens d'une philosophie de l'humanité et d'une histoire universelle
des nations. Il plaide en outre pour une philosophie de la civilisation, une
philosophie qui détecte et explique les lois fondamentales qui
gouvernent le cours général de l'histoire et le
développement de la culture humaine. Ainsi, le rationalisme moderne a
souvent soutenu le principe selon lequel, l'esprit humain ne peut avoir la
conception adéquate que de ces choses qui sont produites par l'esprit
lui-même. La nature reste en nous un sens toujours extérieur,
parce qu'elle est au-delà des pouvoirs de la connaissance humaine.
Tout compte fait, Vico opère une
révolution car, pour la première fois, il fait sortir la logique
de sa sphère habituelle (mathématique, science de la nature et
connaissance objective) pour la placer dans les sciences de la culture et
surtout en histoire. Par ailleurs, il n'était pas le seul à avoir
pris conscience de cette révolution, il y a bien d'autres comme
Herder.
1.2.2. Johann Gottfried Von
Herder et la percée de l'histoire
Herder a été influencé par la
métaphysique de Leibniz. A en croire Ernst Cassirer, Herder n'est pas un
penseur au sens propre du mot, car ses écrits présentent
certaines incohérences dues à la non maîtrise de certains
de ses principes : « Il parle bien plus comme un
poète de l'histoire que comme un philosophe de
l'histoire.»37(*). En plus, Emmanuel Kant dans les opuscules
sur l'histoire38(*)
lança aussi des critiques sévères à l'égard
de l'oeuvre herderienne.
Malgré toutes les limites, Herder reste un
penseur dont les écrits sur l'histoire ont aussi
révolutionné le monde39(*). Il s'inspira du concept d'individualité de
Leibniz pour fonder sa philosophie de l'histoire. La pensée leibnizienne
influença beaucoup Herder à travers son pluralisme
métaphysique qui décrit l'univers comme une infinité de
substances individuelles. Et chaque infinité regarde l'univers d'une
façon purement particulière et d'un point de vue
différent. Ainsi, « chaque monade a sa perspective
propre. »40(*). En outre, cette particularité des
monades n'exclut pas leur universalité.
C'est ainsi que Herder veut transmuer ces
connaissances métaphysiques au monde historique. D'où, chaque
homme est considéré comme monade. C'est pourquoi, il part d'une
démarche selon laquelle les formes de la culture sont dispersées,
séparées et qu'il faut les rassembler en vue d'établir
leur uniformité. On dit qu'il a éclairci Vico de part sa
méthodologie. Cassirer affirme que « si Kant voulait
être le Copernic de la philosophie, on peut qualifier Herder de Copernic
de l'histoire. »41(*).
L'important dans son investigation n'est pas
seulement dans le contenu ou dans ce qu'il a de nouveau sur son regard à
l'art, à l'histoire, au langage, qui sont les formes d'expressions de la
culture humaine, mais plutôt dans le surgissement et la percée
définitive d'une nouvelle forme de connaissance qu'on ne peut pas
séparer de sa matière. D'ailleurs, Herder se réfère
à son maitre le professeur Hamann qui lui avait inculqué cette
idée : « ce que l'homme doit accomplir, doit jaillir
du concours sans faille de toutes ses forces ; tout ce qui est
isolé est à rejeter. »42(*).
En plus, Herder cherche une unité des faits
historiques dans sa philosophie de l'histoire. Pour lui, cette unité
perdue est appelée paradis perdu à cause des progrès. Et,
parmi les formes culturelles qui ont gardé leur unité, il
évoque la poésie qu'il considère comme la langue
maternelle du genre humain. A partir de la poésie, il veut reconstituer
les autres formes de la culture : langage, histoire, mythe qui, au
début de l'humanité, était indissociables. Selon lui, la
véritable unité des formes culturelles consiste en la division,
en la séparation et qui se recompose à partir d'elle. Il aboutit
à une conclusion selon laquelle, il n'y a pas de rapport de
subordination à l'autre, mais plutôt une participation mutuelle
à son édification avec les mêmes, prérogatives.
Ainsi, l'histoire, en tant que la forme spirituelle,
n'est en aucun cas une simple succession d'événements où
l'un remplace et chasse l'autre dans le temps, mais elle est un éternel
présent en pleine transformation. Il s'ensuit que, l'histoire joue un
rôle important dans l'origine du langage. D'où, il faut associer
« le problème historique à un problème
systématique. »43(*). Dans ce sens, l'histoire ne sera plus celle du
développement, mais davantage d'une phénoménologie de
l'esprit. Cette phénoménologie ne consiste pas dans le contexte
Hégélien, mais, selon Herder, la nature de l'esprit ne
prédétermine pas, ne trace pas à l'avance une
démarche qui conduirait successivement et par nécessité
immanente, d'une forme de phénomène à une autre
jusqu'à ce que, au terme de ce cycle régulier, rythmé par
les trois temps de la dialectique, la fin ne rejoigne le début44(*).
Tout compte fait, si l'on regarde de
près, nous ne pouvons pas donner une valeur à l'oeuvre de
Herder. Cependant, si nous cherchons l'angle sous lequel qu'il a
cherché à atteindre, de ce qu'il a voulu et exigé,
c'est dans la nouveauté et l'immense énergie de cette exigence
que réside son mérite essentiel. Parmi les penseurs qui ont
beaucoup apprécié l'oeuvre de Herder, figure Goethe. Pour ce
dernier, Cassirer affirme : « lui qui était
beaucoup plus loin du monde de l'histoire que de celui de la nature et qui n'y
avait pas directement accès, voyait s'offrir à lui, grâce
à Herder, une nouvelle forme de pensée et de perception
historique à laquelle il pouvait s'adonner et qui le remplissait
d'enthousiasme »45(*). Enfin, le fait que Herder cherche à
approfondir et pénètre de fond la nature propre du langage, de la
poésie, du mythe et de l'histoire, suscite un autre problème.
C'est celui de l'objet des sciences de la culture qui s'institua avec le
naturalisme des sciences du XIXéme siècle dans le
paradigme biologique.
I.2.3. Le naturalisme de la
science du XIXéme et le paradigme de la théorie
biologique de
l'évolution.
Depuis le commencement de notre
investigation, nous cherchons à constituer l'objet des sciences de la
culture. Cet objet n'était pas accessible aux sciences dures à
cause de leur absolutisation tout au long de l'histoire des sciences. En plus,
dans le XIXe siècle et l'époque romantique, l'on a
assisté à la création des nouvelles sciences autonomes
telles que l'histoire, l'art, la religion. Ainsi, l'obstacle à la
théorie de la connaissance est brisé et est confronté
à de nouvelles tâches et orientations. On cite la science
biologique et auprès d'elle, le problème de l'objectivité
des sciences empiriques de la culture cherchera à épuiser le
contenu. Raison pour laquelle, Ernst Cassirer examine le naturalisme de la
science du XIXe siècle, « qui prétendait
résoudre définitivement le problème anthropologique en
constituant une critique empirique de la métaphysique qui fût plus
radicale que la critique spéculative du XVIIIe
siècle »46(*).
En effet, le naturalisme de la science du XIXe
siècle renvoi le problème de l'objectivité des
sciences de la culture au contenu anthropologique où l'on pose cette
question : qu'est-ce que l'homme ? L'on remarque encore que tout au
long de l'histoire de l'anthropologie, cette question a été mal
orientée et plusieurs de ses réponses n'ont pas suscité
l'émergence des sciences de l'homme. C'est ainsi qu'à partir de
la moitié du XIXe siècle, l'homme cesse d'être
un citoyen de deux mondes47(*). Car, toute pensée sur l'homme avait une
vision dualiste et étudiait l'homme en deux faces : d'une part, le
sensible et, d'autre part l'intelligible. Ainsi, le concept d'évolution
était la clé permettant de résoudre toutes les
difficultés liées à l'énigme de la nature et celles
de l'univers tout entier. Il s'ensuit que,« contre le
rationalisme métaphysique, contre l'idéalisme dualiste de la
tradition philosophique, le matérialisme du XIXe
siècle réinscrit l'homme dans la nature sous le paradigme de la
théorie biologique de l'évolution »48(*).
Au fait, l'approche métaphysique dualiste de
l'étude de l'homme devrait céder la place à la
théorie biologique pour traiter ces problèmes avec un strict
point de vue. Il faut aussi comprendre que le concept d'évolution n'est
pas une nouvelle théorie scientifique au temps moderne, mais elle
remonte depuis l'antiquité avec Aristote. Elle est liée à
la philosophie dès son début. De ce fait, la théorie
darwinienne de l'évolution avait la prétention non seulement de
répondre à la question concernant l'origine de l'homme, mais
aussi celle de la culture humaine. D'ailleurs, dès son apparition, on a
crut qu'elle devrait renforcer le hiatus entre « vie et esprit,
science de la nature et science de la culture »49(*).
En effet, les écrits sur « La
théorie darwinienne et la linguistique », publié
en 1873, Schleicher constate que la science biologique pourrait résoudre
le dualisme entre les sciences. Il applique cette théorie aux sciences
de la culture, surtout le langage. L'harmonie constatée dans les
sciences naturelles biologiques, il veut la transmuer au langage. C'est
pourquoi, il dit : « le dualisme qu'on le conçoive
comme l'opposition de l'esprit et de la nature, du contenu et de la forme, de
l'essence et du phénomène, serait pour les sciences de la nature
un point de vue parfaitement dépassé »50(*).
Ce que Schleicher voudrait, c'est de
concevoir, à partir du système darwinien, un nouveau programme
des sciences de la culture. Pour solidifier sa théorie, il s'appuie sur
système Hégélien et croyait que le salut proviendrait de
là. Il voulait surtout une révision de la méthode de la
science du langage, pour la placer au même niveau que les sciences de la
nature. D'ailleurs, il renchérit en disant qu'il trouve une base commune
ou une fondation commune pour la physique, la biologie, la linguistique et
d'autres sciences de la culture. Par ailleurs, vers la dernière
décennie du XIXe siècle, la théorie de Darwin
connut un obstacle suite à ses limites empiriques. Le problème
qui se posait est celui de la validité de ses fondements philosophiques.
C'est de là que le concept de forme prend de l'ampleur et est née
la théorie du vitalisme.
Le vitalisme se réa-approprie du concept de
forme et cherche à développer sa thèse sur
« l'autonomie de l'organique et sur l'autonomie de la
vie »51(*).
Donc, ce courant est d'une importance capitale dans la mesure où il a
influencé le problème de la fondation des sciences de la culture
et celui de leur logique spécifique. Par ailleurs, les tenants du
vitalisme ne prouvent jamais cette idée et réfutent à coup
sûr une telle thèse. Dans cette étude, nous évoquons
Driesch, un véritable partisan du vitalisme. Il est métaphysicien
et spécialiste des sciences de la nature, il ne tolère pas la
fondation des sciences de l'esprit. Il réfute cela et conteste avec
véhémence la scientificité de l'histoire.
En outre, Uxeküll dans sa biologie
théorique52(*), trace une frontière claire et
précise entre vie et esprit, entre le monde des formes organiques et
celui des formes culturelles. Pour lui, le progrès de la connaissance
empirique a ébranlé toutes les murailles que l'on voulait
élever entre l'homme et la nature organique. Il s'ensuit que le monisme
s'est imposé jusqu'à devenir vainqueur. Pour résoudre
cette crise, Goethe53(*) affirme qu'il faut que l'on recherche une
unité plus fonctionnelle et non physique. Ce qui compte dans le monde de
la culture, c'est le changement fonctionnel des faits54(*).
Il appert que, de ce qui précède, toute
tentative de la constitution de l'objet des sciences de la culture nous conduit
de prime abord auprès des penseurs qui ont même commencé la
dite entreprise où il était question de la révolution
méthodologique et ensuite cette méthode a jeté un regard
en biologie toujours dans le but de rechercher l'objet des sciences de la
culture. Une telle démarche sera plus explicitée dans les lignes
qui suivent.
I.3. Approche
méthodologique des sciences de la culture
En cette dernière analyse, il sera question de
montrer l'origine dichotomique entre sciences de la culture et sciences de la
nature. D'abord, elle est née dans une crise interne entre la
philosophie et les sciences et ensuite la dite crise a entrainé dans le
milieu allemand la séparation entre les sciences. Les disciples de Kant
regroupés au sein des écoles ont orientés leurs
idées du coté méthodologique, c'est-à-dire que la
différence entre sciences de la nature et sciences de la culture et
d'ordre méthodologique.
I.3.1. Crise interne entre
philosophie et science
Nous ne pouvons pas ignorer que la
philosophie et les sciences sont issues d'un tronc commun historique. Mais,
cette histoire était émaillée des conflits, des
séparations mutuelles. C'est ainsi que le professeur Akenda affirme
qu'il a eu « l'auto-affirmation de l'une à l'égard
de l'autre ; une histoire d'émancipation d'un domaine du savoir de
la tutelle d'un autre partenaire »55(*). En plus, chacun de ce domaine a pris sa propre
direction pour son émancipation scientifique. Nous devons
également remarquer que, l'autonomie de chaque domaine du savoir est
née à partir de la dite crise, n'était que le
résultat tardif de l'époque moderne.
En outre, au début de l'histoire des sciences,
la philosophie et les sciences collaboraient au point d'affirmer que les
premiers penseurs étaient aussi les hommes des sciences. Par ailleurs,
le divorce entre ces deux domaines est intervenu au moment où la
crise interne s'est installée entre la philosophie et les
sciences56(*). En
effet, Cassirer nous renseigne que la crise qui a caractérisé la
philosophie et les sciences ne datent qu'après la mort de Goethe et de
Hegel. A l'issue de celle-ci, une émergence remarquable s'est fait
sentir dans les sciences de la culture et celles de la nature. Il s'agissait du
réajustement du contenu et de la méthode dans les sciences.
Ainsi, les sciences ont approfondi leur domaine
d'études et ont crée les nouvelles orientations de la
connaissance. Par exemple, la biologie a dépassé
l'étape de la description et de la classification pures et simples des
formes de la nature, pour parvenir à une véritable théorie
des formes organiques(...), pour les sciences de la culture, la tâche
à accomplir était encore plus importante. Car, il fallait
chercher la voie sûre de la science57(*). C'est pourquoi, les sciences comme l'histoire,
la philologie, la linguistique, vont renforcer la théorie des sciences
de la culture.
Nonobstant cette victoire apparente qui se
déployait dans les sciences, elle laissait également couler
beaucoup d'encre dans la mesure où, l'unité des sciences a connu
un déficit, à tel enseigne qu'elle était remise en
question. A cet effet, la philosophie n'était pas à même de
garantir une telle unité recherchée. Au contraire, elle a
contribué à la division des sciences à partir des
conséquences qui ont découlé de la crise. Aux sciences,
on demande qu'elles apportent plus les connaissances positives ou
objectives dans le sens d'une opérationnalité au
bénéfice de tous. Aussi, on leur exige également de
prévoir, et le cas échéant de prévenir les risques
auxquels nous exposent nos efforts pour maitriser la nature aussi bien en
nous-mêmes qu'en dehors de nous58(*).
A la philosophie, l'exigence est d'éclairer la
communauté scientifique sur les questions épineuses et ultimes de
l'existence tant individuelle que collective. Il s'ensuit qu'on accorde
à la philosophie les domaines propres à sa réflexion
comme : « la religion, le droit, la politique, l'art et la
morale »59(*).
Par ailleurs, tellement que la crise a
perduré, tout espoir de réconciliation était tourné
vers le système Hégélien, croyant qu'il pouvait apporter
des solutions au problème de l'unité des sciences. Mais, le
système hégélien n'était pas à mesure
d'aboutir à une forme cohérente et unifiée parce
que : l'aspiration de Hegel, son ambition philosophique, visait
à réconcilier la nature avec l'idée. Or, cela aboutit chez
lui, non pas à une réconciliation, mais à la soumission de
la nature à l'idée absolue60(*).
Nonobstant la ferme volonté de Hegel de
constituer l'unité des sciences, sa distinction de la nature et de
l'idée, le conduit à considérer la nature comme la
soumission de l'idée absolue. C'est pourquoi, Cassirer dit que la
nature chez Hegel n'a pas droit de conservation propre, elle n'a qu'une
autonomie apparente(...) finalement, la nature, c'est l'idée
elle-même parce qu'elle n'est pas considérée dans son
propre être absolu ni dans sa vérité absolue mais dans sa
propre aliénation, dans son être-autre61(*).
Eu égard à ce qui
précède, le système hégélien n'était
pas capable de résoudre la crise interne qui s'est éclatée
entre la philosophie et les sciences. Cependant, les sciences de la nature et
de la culture ne se sont pas directement tombées dans le fossé
du système hégélien. Au contraire, elles ont suivi leur
propre voie sans s'intéresser à la philosophie. Et, les
différentes voies qu'elles ont suivies, ont renforcé la
séparation entre elles. D'ailleurs, la philosophie du XIXe
siècle n'était pas à mesure de combler le
fossé entre ces deux sciences, elle l'a par contre élargit.
Il faut encore signaler que plusieurs tentatives
palliatives n'ont pas abouties à la médiation ou la
réconciliation des sciences. C'est ainsi que le dualisme qui s'est
manifesté entre la « matière et esprit, entre
nature et pensée, découle des méthodes dichotomiques qui
marquent aussi bien les sciences que la philosophie »62(*). Il s'ensuit que, la
crise a entrainé les discussions dans le milieu allemand à
propos de la séparation entre sciences de la
nature(Naturwissenschaften) et sciences de la culture
(Kulturwissenschaften). C'est la raison pour laquelle, les disciples
qui ont voulu défendre la pensée kantienne se sont
regroupés au sein des écoles (d'une part, le néokantisme
de l'école de Marbourg dont les tenants étaient : Cohen,
Natorp et Cassirer qui reste la figure de proue. Et d'autre part, le
néokantisme de l'école de Bade dont Windelband est le principal
inspirateur et que Rickert est la figure dominante).
Il appert de ce qui précède que, ces
penseurs, face à l'échec de l'idéalisme absolu de Hegel
dans sa tentative d'unifier le champ de la connaissance scientifique qui
échapperait à la philosophie, ont apporté une solution
méthodologique et non ontologique. Car, beaucoup d'adversaires se sont
refugiés dans la métaphysique parce qu'en cette dernière,
il était impossible de les chasser car, chacun bien entendu, pouvait
régner en maitre que dans son propre camp, sans pouvoir persuader ou
réfuter l'autre63(*). Pendant cette querelle, la philosophie critique
est restée fidèle à l'idéal kantien,
c'est-à-dire elle a cherché à ramener le problème
sur son vrai terrain tout en le dépouillant de la sphère
métaphysique et considérer simplement sub specie de la
critique de la connaissance64(*). C'est ainsi que les néokantiens comme
Windelband, Rickert et les autres abordent le problème vers la direction
méthodologique et conceptuelle.
I.2.2. Wilhelm
Windelband : les méthodes nomothétiques et
idiographiques.
Dans le souci de conceptualiser les sciences de la
culture, tous les néokantiens optent pour la méthodologie des
sciences. Il s'agissait de montrer en outre comment les sciences de la culture
face à leur pluralité des faits à étudier,
choisissent également plusieurs méthodes qui les
différencient aux sciences de la nature. Cette perspective, n'a pas
épargné Windelband dans son effort de faire évoluer la
méthodologie des sciences.
En effet, dans son célèbre discours de
la leçon inaugurale en tant que recteur de l'université de
Strasbourg en 1894 intitulé Histoire et science
naturelle65(*),
Windelband affirme que l'opposition qui existe entre science de la nature et
l'histoire, n'est pas une opposition de deux visions du monde contradictoires,
mais il s'agit d'une opposition entre deux méthodes66(*). Ainsi, pour trancher le
conflit, Windelband ne se confie pas seulement à une vision
unilatérale, mais il crée des concepts distinctifs afin de fonder
épistémologiquement ces deux sciences. Il y a d'une part, les
concepts nomothétiques et, d'autre part, les concepts idiographiques.
Ainsi, les concepts nomothétiques sont
liés aux sciences de la nature, parce que ces dernières se
conceptualisent dans l'élaboration des normes ou des lois qui plu tard
deviennent des théories scientifiques. Tandis que les concepts
idiographiques se réfèrent aux sciences de la culture qui sont
constituées par la tradition de l'homme, à travers la production
des oeuvres culturelles. Ainsi, les oeuvres sont aussi
considérées comme des monuments, les icônes et les idiomes
de la tradition culturelle. Donc, on peut dire que ces deux concepts visent le
rapport existant entre les sciences de la nature et les sciences de la
culture.
Cependant, vu l'immensité du débat,
la distinction conceptuelle windelbandienne ne saura résoudre une telle
situation qui semble être vraiment complexe. D'ailleurs, on cite le
précurseur de ces deux concepts qui est Otto Liebmann qui, dans son
discours inaugural à Iéna, le 9 décembre 1882, Il affirme
que la tradition philosophique se distingue à l'égard de
l'histoire de la philosophie, « d'une manière monocratique
et une manière idiotypique »67(*) dans toute pensée. Ainsi, Platon est
l'exemple de la première forme et Aristote celui de la
seconde68(*).
Ainsi, l'idée de Windelband n'était pas à mesure de
résoudre une telle approche. Il fallait jeter le regard ailleurs comme
chez Rickert.
I.3.3. Heinrich Rickert :
les méthodes scientifico-générales et historico-
Individuelles.
Heinrich Rickert est la figure dominante de
l'école néokantienne, dite de bade, dont Windelband est le
principal inspirateur. Sa pensée est d'abord une réflexion
philosophique sur « la logique-jugement, définition et
concept »69(*) qui se développe en une
épistémologie des différentes disciplines scientifiques,
moins pour en donner une classification descriptive que pour réagir
à la fois à l'apparente autonomisation des sciences de la nature,
à la volonté hégémonique.
En ce qui concerne les sciences de la culture et de la
nature, il suit la même ligne que Windelband. Pour lui, l'histoire fait
partie de la culture et doit se comprendre comme telle. C'est ainsi que les
thèses décisives de Rickert affirment que l'histoire doit tout
d'abord se comprendre comme culture et qu'en outre, la différence entre
science historique ou de la culture d'une part et les sciences naturelles
d'autre part, n'est pas en premier lieu une différence d'objet mais
qu'elle repose au départ sur l'exercice des méthodes
différentes.
A cet effet, il crée les méthodes
scientifico-générales et les méthodes
historico-individuelles, pour rendre compte de la démarcation
entre sciences de la culture et sciences de la nature. Ainsi, les
méthodes scientifico-générales s'appliquent aux sciences
de la nature car, selon lui, comprendre un fait scientifique, le classer
scientifiquement, c'est le rapporter aux lois générales qui
s'appliquent en science70(*). Les méthodes historico-individuelles
s'appliquent à leur tour aux sciences de la culture, parce qu'il
s'agisse d'une expérience historique individuelle qui deviendra la
tradition historique ou individuelle.
En effet, ce que nous pouvons comprendre est le fait
que les sciences de la nature suivent les lois générales qui ont
une allure universelle dont tout homme de tout temps et de tout lieu peut
appliquer sans heurter l'esprit général de l'universalisme
épistémologique. Tandis que, les sciences de la culture, se
constituent par l'histoire qui est faite à partir de l'expérience
individuelle de tout homme, qui forme la tradition culturelle. C'est pourquoi,
Rickert insistait sur la forme de la conceptualisation des sciences. Car, la
connaissance des objets, la connaissance en général du monde doit
à présent être comprise comme analyse des significations
des concepts. Les concepts livrent mesures et critères permettant la
détermination d'une réalité possible71(*).
L'on doit encore comprendre que dans le système
de la philosophie de Rickert, ce que nous pouvons relever en premier lieu est
le point de vue de la théorie des sciences qui se subdivise d'abord dans
les sciences particulières et ensuite dans la philosophie. Selon lui, la
philosophie doit développer le concept du monde un peu plus large et
constituant le principe qui régit l'articulation théorique du
monde. Raison pour laquelle, dans sa démarche philosophique, il
distingue le rapport entre forme et contenu72(*) qui est un exemple type des problèmes
structurels. En partant de la forme et du contenu, Rickert va introduire le
principe méthodologique qui déterminera toute sa pensée.
En outre, en analysant de près, l'on se
rend compte que Rickert ne pose aucun dualisme entre les sciences. Car, il
affirme que j'ai toujours fait remarquer avec insistance qu'il ne s'agit
pas là d'une opposition absolue mais d'une distinction relative73(*). Il propose la
continuité des sciences avec les termes de continum
hétérogène et continum homogène. Ainsi, le continun
hétérogène est la première voie qu'on emprunte aux
sciences de la nature et le continun homogène, celle des sciences
historiques de la culture.
Par ailleurs, Rickert se rend compte que la science
dans sa démarche vers la quête de la vérité, ne suit
pas parfois les préceptes logiques mais les viole constamment. Et, les
différentes frontières que la théorie se voit contrainte
de tracer sont dans cette étude bouchées à chaque instant.
Il y a une sorte des formes mixtes et intermédiaires qui s'interposent,
c'est pourquoi, Rickert recourt au système qu'il appelle des
concepts de valeur ou axiologiques74(*) et grâce à une telle promptitude
scientifique, la connaissance historique atteint sa plénitude et
s'organise à l'intérieur d'elle-même. Mais, cette
contribution apporte des nouveaux vices dans la démarche
scientifique.
Au fait, Rickert et Windelband sont
considérés comme des disciples de Kant et ont voulu trancher le
problème en suivant le modèle kantien. Ils ont fait des sciences
de la culture ce que Kant a fait pour la science mathématique. En outre,
ils ont arraché les sciences de la culture de la métaphysique et
les traiter selon l'esprit de l'analyse transcendantale kantienne comme un fait
et que les conditions de possibilité devraient être
examinées également.
Cependant, si l'une de ces conditions de
possibilité exige que l'on dispose d'un système
général des valeurs, alors que l'histoire doit accéder
à un tel système et fonder sa validité
objective ? S'il tente de le faire en
histoire elle-même, il s'enfonce dans la logique du cercle vicieux ou
soit s'il veut comme Rickert dans sa philosophie des valeurs, construire un
système a priori, il apparait qu'une telle construction ne peut
être menée à bien sans une présomption
métaphysique, d'où le problème se retourne dans son point
d'où il était parti75(*). Il s'ensuit qu'on ne progresse pas dans la
démarche scientifique. L'on verra chez Paul Hermann, où la
métaphysique de Herbart aura à influencer toute sa pensée.
D'où, le retour à la métaphysique.
I.3.4. Paul Hermann et la
méthode psycholinguistique
Nous reconnaissons la pensée
de Paul Hermann à partir de ce que nous appelons le paradigme
psycholinguistique. Dans le but de résoudre le problème
conceptuel des sciences de la culture, il a suivi un chemin tout à fait
autre que de Windelband et Rickert. L'avantage qu'il a, est le fait qu'il ne
s'hasarde pas de s'adhérer à la logique des distinctions
conceptuelles comme l'ont fait ses prédécesseurs, mais il va tout
droit à la source du problème. Sa considération
psychologique le pousse à considérer les concepts des sciences de
la culture comme une science qui a une caractéristique trop vaste. Dans
ce sens, Paul Hermann opte pour la terminologie selon laquelle, les sciences de
la culture sont comme des sciences de l'esprit76(*). Dans ce cadre, il veut
insinuer la mise en oeuvre des facteurs psychiques comme la marque distinctive
de la culture. Car, la seule opposition qu'on peut monter avec les sciences
naturelles, reste l'élément psychique. Ainsi,
l'élément psychique est le facteur essentiel de tout
changement culturel, ce autour de quoi tout s'organise77(*).
Il s'ensuit que, la psychologie selon les perspectives
d'Hermann, devient le fondement le plus important de toute science de la
culture prise en son sens le plus élevé. En effet Paul Hermann
différencie les sciences de l'esprit et les sciences de la culture. Il
renchérit en disant que lorsque nous pénétrons dans le
domaine de l'évolution de l'histoire, nous avons affaire non pas
seulement à des pulsions psychiques, mais aussi physiques. Ainsi, il
aboutit en ceci : le psychique est là où il apparait
seul, considéré comme l'objet de la pure science de l'esprit,
alors que toute réalité composée aussi bien de physique
que de psychique appartient aux sciences de la culture78(*).
Par ailleurs, après des longues
années de recherche, Hermann pousse loin ses réflexions et ne
veut plus limiter les sciences de la culture à l'investigation des
processus psychiques surtout à l'étude de la vie de l'âme,
mais il veut progresser dans le débat. Ensuite, dans sa
démarche, il tombe dans le piège de la distinction entre le
spirituel et le psychique79(*).
Eu égard à ce qui précède,
c'est le problème de la linguistique ou encore de l'histoire qui est
le paradigme à partir duquel il développe son intuition
fondamentale80(*).
Selon lui, aucune science historique ne doit se limiter seulement à son
autonomie propre, elle doit se flanquer à la science fondamentale qui
est la psychologie. Il faut comprendre que l'époque d'Hermann a
été marquée par la prétention de la psychologie
comme étant la science mère qui avait le monopole du savoir.
Ainsi, l'histoire sera associée à la psychologie et la
linguistique. D'où, les sciences de la culture en général
semblaient être directement menacées par le travers du
psychologisme.
Nous pouvons encore ajouter que, les travaux de Paul
Hermann, outre l'influence de la psychologie, étaient également
trempés dans la métaphysique de Herbart et c'est à partir
d'elle qu'ils ont puisé les intuitions fondamentales. C'est ainsi que
les éléments de la métaphysique herbartdienne
envahissaient la théorie de Hermann et l'ont mis en péril.
Cependant, une question mérite d'être posée : le
problème de l'essence du langage ou d'un autre objet des sciences de la
culture peut être posé en terme purement historique ?
Psychologique ? Ou encore métaphysique ? Pour répondre
à cette question, nous recourons à Hegel pour trouver un
système qui offre un cadre très vaste pour y organiser toutes les
trois sphères de la connaissance. Parmi ces sphères, il y a la
sphère de l'esprit subjectif qui étudie la psychologie, puis la
sphère de l'esprit objectif dont traite l'histoire et enfin la
sphère de l'esprit absolu qui étudie la métaphysique.
A la lumière de ce qui vient d'être
dit, l'on notera que cette triade semble ainsi embrasser la totalité de
la substance de la culture, chacune de ses formes et chacun de ses objets
particuliers. Le concept en tant que logique et métaphasique, ne semble
pas devoir nous conduire au-delà de ces répartitions et
tripartition, d'ou, il faut recourir à d'autres théories.
Somme toute, la différence qui se
présente encore ici ne saura être résolue par l'analyse des
concepts. D'où, il faut remonter et faire un retour en arrière en
repérant la couche fondamentale ou la couche primitive où
émergent tous les phénomènes. Pour y arriver, l'approche
phénoménologique, nous guidera au deuxième chapitre dans
la quête de la solution pour concilier les sciences de la nature et
sciences de la culture. Mais, avant cela, abordons Wilhelm Dilthey pour voir
comment il pose sa méthodologie des sciences.
I.3.5. Wilhelm Dilthey :
Herméneutique de la compréhension et de l'explication
L'on sera peut-être
étonné de constater qu'Ernst Cassirer dans son chef d'oeuvre sur
les sciences de la culture n'aborde pas cette grande figure de proue qui est
Wilhelm Dilthey dans ses tentatives de fonder les sciences de
l'esprit81(*).
Dilthey fut le fils d'un pasteur et poursuivi ses études à
Heidelberg et à Berlin. Il s'est intéressé à la
philosophie, à l'histoire et à l'herméneutique. C'est
grâce à cette dernière qu'il montre son grand attachement
à Schleiermacher, fondateur de l'herméneutique
universelle82(*). En
plus, son oeuvre constitue une véritable épistémologie des
sciences de la culture. Il se situe dans la ligne de la recherche de la
possibilité d'une objectivité, c'est-à-dire d'une
communicabilité réelle du savoir de ces sciences ainsi que de
leur vérité.
Nous devons comprendre qu'un fait historique a surgi
à l'époque de Dilthey. Il s'agit depuis 1810, de la
création et de l'inauguration de l'université de Humboldt
à Berlin, qui a propulsé l'autonomisation des sciences de
l'esprit. Celles-ci occupèrent une faculté qui la distinguait de
celle des sciences de la nature. De son coté, Dilthey veut
éclairer l'opinion à propos de ce sur quoi se base la distinction
entre les sciences de l'esprit et les sciences de la nature, qui les
empêche de fonctionner de la même façon c'est-à-dire
de recourir à une même méthodologie.
En réalité, il veut élaborer une
critique des possibilités des sciences objectives de l'esprit. En sus,
la question selon laquelle une individualité peut-elle transformer
en connaissance objective ayant une valeur générale la
donnée sensible qu'est pour elle une manifestation vitale d'une autre
subjectivité ?83(*) Donc, Dilthey se propose d'élaborer une
critique de la raison historique, d'investir ce qu'est la raison dans son
historicité.
C'est pourquoi, le Monde Historique reste
l'ouvrage clé dans lequel, il tente de représenter d'une
manière ultime la systématisation de sa pensée. Il lance
la délimitation, selon laquelle les sciences de la culture et celles de
la nature se distinguent en premier lieu par leur méthode ou leur
tendance que par leur objet. Il introduit les concepts
d'explication(Erklären) et de
compréhension(Verstehen)84(*) pour différencier les sciences.
De ce fait, les sciences de la nature soumettent le monde extérieur
à des règles hypothétiques qui, si avérées,
peuvent rendre compte d'enchainements causales. Aussi, « les
sciences de la nature examinent les explications causales des
phénomènes qui existent dans la nature »85(*).
De leur coté, les sciences de la
culture ont une procédure toute autre, elles ne relèvent pas de
la méthodologie explicative mais de la compréhension. Il s'agit
en outre de la reproduction de la connaissance à partit du
témoignage laissé par un sujet historique. Dans les sciences de
la culture, il s'agit au fait de reconstruire à partir d'objets le
zusammenhang86(*)
qui rend leur création possible, voire nécessaire.
En plus, les sciences de la culture reposent sur le
rapport entre « l'expérience vécue=
Erleben »87(*) de la compréhension, qui se construit
à partir de la tradition historique. C'est pourquoi, Dilthey crée
le concept du cours de la vie lebensverlauf dont l'individu est le
porteur, devenant par cette fonction l'élément de l'histoire.
Encore, par son vécu, l'individu a aussi une place
privilégiée dans l'accès à l'histoire et une
connaissance de l'histoire.
Pour faire bref, selon Dilthey, les
frontières méthodologiques des sciences de la culture ne
s'arrêtent qu'à la compréhension, elles étudient les
ressemblances et les liens d'affinité qui se dessinent parmi les
individus historico-sociaux plus ou moins grands. Pour les sciences de la
nature, la méthode hypothétique est utile et tout à fait
justifiée parce que nous pouvons concevoir des expériences au
sein d'un système homogène et ces expériences, permettent
de rejeter les hypothèses formulées en avance, pour ne retenir
que les hypothèses probables. C'est de cette manière qu'on peut
affirmer que la garantie du constant dans les sciences de la nature.
En sus, l'abstraction des sciences de la nature ne
peut permettre une véritable science de l'histoire. Dilthey montre que
l'on ne peut construire une compréhension de l'histoire qu'en partant de
l'homme. C'est l'homme qu'on ne peut comprendre qu'en le considérant
comme un être vivant et complexe, en considérant sa vie qui se
déploie et se construit dans le temps de son cours de la vie
(Lebensverlauf). Par l'acte de l'expérience vécue (Erleben), nous
nous incluons nous -même, dans la compréhension de cette histoire.
De toute façon, les éléments qui nous permettent de
constituer la scientificité des sciences de la culture, seront bien
explicités dans le chapitre suivant.
I.4. Conclusion
Ce chapitre a voulu dresser un tableau panoramique des
sciences de la culture selon les perspectives historiques et
méthodologiques. Dans l'histoire, l'on se rend compte que, les sciences
de la culture sont venues sur le tard dans le monde scientifique. Leur
méthodologie ne date que du XIXe siècle.
L'absolutisation des paradigmes des sciences de la nature n'a pas permis une
émergence totale des sciences de la culture. Car, toute science devrait
se calquer sous le modèle physico-mathématique. Raison pour
laquelle, il a fallu beaucoup d'années pour que les sciences de la
culture prétendent leur savoir à l'universalité
scientifique. Il fallait les penseurs comme Vico et Herder, qui ont eu l'audace
de sortir la logique de sa sphère habituelle des sciences objectives,
pour l'appliquer aux sciences de la culture, surtout à l'histoire.
Quant à la perspective méthodologique,
elle a surgi au moment où la philosophie et la science se trouvait en
une crise de direction. Chacune dans son coin, s'est constituée un
univers autonome et voulait prétendre également à
l'université du savoir. C'est ainsi qu'elles se sont
séparées de par leurs objets à étudier. Alors que,
la philosophie, en tant qu'instance régulatrice, devrait jouer son
rôle de canalyser les diverses voies qu'empruntent les sciences. C'est
ainsi que, dans les milieux allemands, les discussions ont abouti à la
division méthodologique : d'une part les sciences de la culture et
d'autre part les sciences de la nature. Ces deux sciences se différent
par leurs méthodes empruntées ou leurs tendances et non par leurs
objets d'étude. Plusieurs points de vue ont été
explicités dans cette partie où chaque auteur comme Windelband,
Rickert ? Hermann etc. donne sa vision méthodologique à
propos des sciences de la nature et celles de la culture.
Par ailleurs, de tous ces points de vue divergents,
l'unité recherchée dans les sciences ne se laisse pas apercevoir.
Il faut recourir à l'analyse épistémologique de ces deux
sciences où, par comparaison, nous pouvons arriver à une
coopération scientifique à travers la médiation
conceptuelle des sciences. Tout compte fait, la perspective dualiste des
sciences ne permettent pas une unité fonctionnelle des sciences, mais
elle conduit toujours de conflit en conflit. C'est pourquoi, Cassirer constate
avec regret cette dichotomie, et veut reconstruire les sciences en proposant
une philosophie des formes symboliques. En plus, il se situe au milieu entre le
monisme méthodologique (avec le langage physicaliste) et le dualiste
épistémologique du néokantisme de l'école de Bade.
Contre le monisme physicaliste, il établit la légitimité
épistémologique des procédés logiques
spécifiques des sciences de la culture, et contre le dualisme
épistémologique, il fonde l'indéfectible unité de
la science sur le travail du concept dont l'essence et la fonction sont
toujours et partout les mêmes. Aussi, affirmer que les sciences de la
culture sont venues en retard dans l'univers de l'histoire des sciences, c'est
confirmer toujours l'impérialisme des sciences de la nature. A cet
effet, absolutiser l'une des méthodes en sciences, conduit à la
pauvreté et à la régionalisation
épistémologique. Mieux vaut prendre les deux ensembles dans une
visée comparative de dégager leurs traits communs et leurs
différences. Ce sera la finalité du chapitre suivant.
CHAP.II
Analyse
épistémologique des sciences de la culture et de la nature selon
une perspective comparative
II.0. Introduction
Le chapitre premier nous a permis de
nous rendre compte de chercher comme nous le faisons dans ce travail à
dégager les éléments qui font la scientificité
spécifique des sciences de la culture, qui n'est pas une démarche
montée de toute pièce. Car, l'histoire des sciences atteste
elle-même l'avènement d'un groupe des sciences autre que les
sciences de la nature qui se sont intéressé aux productions
humaines que les français ont appelé sciences humaines
ou encore sciences de l'homme et les allemands, sciences de la
culture ou sciences de l'esprit. Mais, cette histoire ne
dégage pas suffisamment ou clairement ces fondements de la
scientificité des sciences de la culture. C'est dans une telle
entreprise que nous nous engageons en ce deuxième chapitre.
Son objet est d'analyser les conditions de
possibilité de l'existence des sciences de la culture. Mais, cette
analyse ne serait pertinente que si nous comparons les
spécificités épistémologiques des sciences de la
culture avec celles des sciences de la nature. Au terme de cette comparaison,
notre but est de répondre à cette interrogation : Comment
arriver à fonder objectivement et scientifiquement
l'épistémologie d'une science qui a pour objet les faits
humains ? Brièvement, nous répondons que les sciences de la
culture sont effectivement des sciences au même titre que les sciences
de la nature, parce qu'elles ont une spécificité propre. Les
éléments suivants font leur scientificité : la
théorie de la conceptualisation à travers leur langage et leur
logique conceptuelle (style te forme), le principe de subsumption où le
particulier se coordonne au général et où il est question
d'une unité d'esprit.
Pour arriver à la fondation de cette
épistémologie, nous partirons de prime abord de la
spécificité épistémologique de chaque science en
montrant comment le réel dans chaque science s'articule en
spécifiant l'une à l'égard de l'autre ; ensuite une
théorie de la conceptualisation nous permettra d'éclairer nos
positions dans le sens où toute science qui se veut science digne de ce
nom, doit se conceptualiser à travers son langage, ses concepts propres,
qui lui permettent d'accéder à la validité
scientificité. Enfin, nonobstant quelques caractéristiques et
éléments scientifiques qui attestent la scientificité de
l'une ou de l'autre science, une grande différence se présente
également dans ces deux sciences. Et cette différence ne se
trouve pas seulement dans la logique conceptuelle, mais plutôt dans la
couche originaire et primitive : dans la phénoménologie de
la perception.
II.1.
Spécificité épistémologique des sciences
Il s`agit ici de d'élucider la
spécificité de chaque type des sciences. En effet, les sciences
de la nature étudient la nature car, elle est considérée
comme son objet d'étude, tandis que les sciences de la culture
s'occupent des productions de l'homme.
II.1.1. Les sciences de la
nature
Avant de pouvoir spécifier
l'épistémologie de chaque science qui fait l'objet de cette
partie, nous voulons d'abord montrer la manière dont Ernst Cassirer
considère la science. En effet, dans la structure des formes symboliques
Cassirerienne, « la science constitue la dernière
étape du développement intellectuel de l'homme et peut être
considérée comme la réalisation la plus haute et la plus
caractéristique de la culture humaine »88(*). En plus, la science
reste l'une des productions la plus extraordinaire de l'homme. De ce fait, il
existe une pluralité des domaines auxquels la science
s'intéresse ; et cette diversité des faits à
étudier, engendre également plusieurs méthodologies. C'est
ainsi que pour notre cas, le débat autour de la scientificité des
sciences de la culture reste d'actualité et ne peut se comprendre qu'en
le comparant avec les sciences empiriques de la nature.
Encore, l'objectif à atteindre dans la
démarche scientifique est d'arriver au résultat concret pour la
vie de manière générale : il s'agit de
l'opérationnalité89(*), terme cher à Jean Ladrière. C'est
pour cette raison que André Lalande définit la science comme
étant « l'ensemble de connaissances et de recherches ayant
un degré suffisant d'unité, de généralité,
et susceptibles d'amener les hommes qui s'y consacrent à des conclusions
concordantes qui ne résultent ni des conventions arbitraires, ni des
goûts ou des intérêts individuels qui leur sont communs,
mais des relations objectives qu'on découvre graduellement et que l'on
confirme par des méthodes de vérification
définies »90(*).
Nous pouvons rappeler que les sciences de
la nature sont issues du dualisme né dans le milieu allemand pour les
différencier avec les sciences de la culture. En sus, les sciences de la
nature « nous enseignent à épeler les
phénomènes, pour pouvoir les lire comme des
expériences »91(*). Ainsi, les sciences de la nature sont celles
qui étudient la nature, la phusis. Car, la nature est directement
l'objet sous nos propres yeux. En plus, cette nature est notre vision physique
du monde dans lequel nous habitons.
En partant du principe kantien de la régulation
et de la constitution des sciences, il est à dire que les sciences de la
nature constituent leur propre objet de la connaissance. Les sciences de la
nature étudient la nature à un niveau élevé
jusqu'à élaborer les lois générales, en partant des
observations qui résultent de notre propre environnement physique. Par
exemple : Newton observe la chute des feuilles d'un arbre ;
élargit ces découvertes pour parvenir à des lois
universelles de la « gravitation qui englobent la totalité
de l'espace »92(*).
Il s'ensuit que, la spécificité
épistémologique des sciences de la nature est l'étude de
la nature dans une méthodologie et des procédés
très claires. Plus fidèlement à l'auteur,
« les sciences de la nature ont en principe une
méthodologie claire. Les techniques raffinées des laboratoires
offrent le modèle de définition pour l'expérience
scientifique »93(*). Les procédés ou les techniques
utilisées dans ces sciences, ne posent aucun problème du point de
vue de la légitimité épistémologique. D'ailleurs,
l'on s'accorde pour affirmer que beaucoup de domaines dans les sciences de la
nature opèrent scientifiquement par des méthodes
d'expérimentations des faits au laboratoire. En plus, les
résultats obtenus lors des ces expériences sont
indiscutables ; car en suivant par exemple la méthodologie
inductive de Claude Bernard dans l'introduction à l'étude de
la médecine expérimentale94(*), les sciences de la nature commencent d'abord
par l'observation des faits, ensuite on passe à l'hypothèse
expérimentale et à la vérification expérimentale,
enfin à la construction des théories et des lois.
Outre les méthodes expérimentales, les
sciences de la nature, à travers l'essence mathématique,
procèdent par les méthodes axiomatiques et le logicisme
c'est-à-dire toute tendance de la formalisation de la pensée
sous le concept mathématique. Ainsi, compte tenu de la pluralité
des sciences et de leur spécificité, il résulte
également que les sciences sont des activités qui
déroulent aussi dans une pluralité des méthodes. C'est
pour quoi elles doivent déjà bien avant choisir les aspects
qu'elles veulent développer pour que les objets à étudier
entrainent la découverte des « phénomènes
propres à cette méthode »95(*). Concernant la
spécificité de la physique qui est le prototype des sciences de
la nature, elle cherche un certain nombre de constantes universelles, qui sont
sous-jacentes au changement des choses sensibles, à leur mouvement,
à « leurs transformations
énergétiques »96(*). De ce fait les lois que la physique
conçoit s'expriment sous forme des équations de forme y=f(x). Par
ailleurs, par la méthodologie expérimentale, la science nous
propose des énoncés vérifiables mais qui ne sont pas des
vérités immuables, parce qu'il y a une histoire des sciences, au
cours de laquelle une bonne partie des énoncés ont
été « transformés ou
remplacés »97(*).
Les sciences de la nature commencent aussi à
partir de nos expériences ordinaires de la vie pour arriver à
élaborer des lois universalisables et des hypothèses
scientifiques. En plus, les résultats pratiques que nous obtenons
à partir de nos activités empiriques dans ces sciences, sont
souvent indiscutables. Ainsi, la méthodologie scientifique dans les
sciences de la nature est claire et leur conceptualisation ne porte aucun
risque dans le changement des paradigmes qui s'opère au sein de leur
développement historique. C'est pourquoi le professeur Akenda parle des
« fondements conceptuels et méthodologiques
indiscutables »98(*).
En sus, ce qui fait la force conceptuelle des
sciences de la nature est le fait qu'elles se développent sur des
« structures immanentes et déterminent leurs concepts en
fonction des buts internes assignés à leur praxis
scientifique »99(*). Un tel modèle a été
admiré presque par toute science qui devrait se prétendre
comme science et appliquer ses principes au niveau universel. C'est ainsi que,
suivre le modèle de la science de la nature était
inévitable à cause de leur méthode et de leur concept qui
permettaient un bon déroulement des théories au sein de leur
histoire. Donc, de manière succincte, les sciences de la nature ont pour
objet l'étude de la nature, c'est-à-dire « elles
déterminent les concepts sensés avec lesquels les rapports entre
les phénomènes de la nature peuvent être
représentés. Ces rapports seront considérés
après examen systématique, comme enchainements
généraux et légitimes, comme détermination des
fonctions scientifiquement représentables que les sciences de la nature
produisent et constituent leur nature »100(*).
Concernant leur méthode, la méthode
expérimentale, est plus souhaitée à cause de l'exigence de
la vérification et de la testabilité au niveau des laboratoires
et des centres de recherches. Le but ou l'objectif de ces sciences est
d'arriver à élaborer les lois universelles pour une
réalité qui découle également de la nature. C'est
pourquoi, on dit que ces sciences sont nomologiques, car elles fixent les lois
au bénéfice général de la communauté
scientifique.
Il appert de ce qui précède que, la
perspective et la méthodologie des sciences au sein des sciences de la
nature ont attesté l'unité avec laquelle ces sciences
évoluent. La conclusion nous conduit à la thèse selon la
quelle : le fondement scientifique des sciences de la nature, ne
pose aucun problème de la légitimité scientifique dans la
mesure où, leur méthodologie, leur conceptualité ne laisse
entrevoir aucune difficulté d'ordre épistémologique.
Cependant, la même clarté serait-elle observée
également dans les sciences de la culture ?
II. 1.2. Les sciences de la
culture :
Avant de pouvoir définir ce que sont les
sciences de la culture, nous devons d'abord comprendre ce que Cassirer
considère comme culture. Il appelle culture, « le
procès de libération progressive de soi de l'homme. Le langage,
l'art, la religion, l'histoire et la science, sont les divers moments de ce
procès »101(*). Il s'ensuit que la culture étudie
l'homme, son vécu et son histoire dans le cours du temps. Cependant, il
existe plusieurs terminologies à propos des sciences ayant trait
à l'homme. Dans le milieu français, on parle plus des
« sciences humaines ou sciences de l'homme »102(*) et dans le milieu
Allemand, il est question des sciences de la culture. De notre coté,
nous optons la terminologie de notre auteur qui préfère les
sciences de la culture au lieu des sciences de l'homme ou de l'esprit. Car, ces
dernières, ont pour l'objet d'étude l'esprit humain dans sa
manifestation psychologique.
En effet, les sciences de la culture ne peuvent pas
éviter l'anthropocentrisme103(*). C'est ainsi que l'objet des sciences de la
culture est les productions humaines, c'est-à-dire l'homme, son
histoire, ses vécus et ses traditions. Il s'agit en outre dans ces
sciences, d'étudier la culture humaine : « cette
réalité créée, préservée,
transformée ou détruite par les hommes tout au long de leur
histoire ».104(*) Il s'ensuit que la culture se diffère de
la nature, parce qu'elle traite les productions de l'homme. En plus, partant
toujours du principe d'Emmanuel Kant sur la constitution et de la
régulation de la connaissance qui est notre point de
référence, au moment où les sciences de la nature
constituent leur propre objet d'étude, les sciences de la culture ont
déjà un objet constitué : il s'agit de l'homme et
toutes ses productions. Ce sont « les institutions, l'histoire et
la tradition humaine »105(*). C'est pourquoi, si les sciences de la nature
ont un caractère général des faits à
étudier afin de formuler les lois universelles, l'objet des sciences de
la culture n'est pas le monde comme tel, mais seulement une sphère
très particulière qui, du point de vue spatial, est très
réduit : c'est l'homme.
En tant que science de l'homme et de ses
vécus, certains épistémologues comme le professeur Akenda
à la suite de Husserl106(*), assignent le monde-de-la-vie
(Lebenswelt)107(*)
comme objet des sciences de la culture. Car, dans ce monde-de-la-vie il y a
l'existence de l'agir de l'homme qui se comprend et « se laisse
interpréter comme ce monde de la totalité d'action à
exercer sans aucune profession spécifique d'un savant. Cet agir non
professionnel réside dans les activités qu'on exerce dans la
compréhension spontanée de chaque jour parce qu'elles sont des
expressions de notre vie »108(*). Donc, il s'agit dans ce contexte, d'une
culture ordinaire qui est une culture construite conceptuellement.
En sus, le but de ces sciences n'est pas
l'universalité des lois109(*) comme dans les sciences de la nature, mais
elles s'orientent à connaitre « la totalité des
formes dans lesquelles la vie lui-même se
déroule »110(*). Les différentes formes de cette
totalité, sont diversifiées et n'ont pas une structure identique.
Raison pour laquelle, les sciences de la culture ont plusieurs
méthodologies pour approcher les faits. Encore qu'au cours de
l'évolution de cette culture, il s'agit de l'homme que nous rencontrons
dans ses multiples facettes et manifestations, c'est ce qui crée la
pluralité méthodologique des sciences de la culture. Chaque
science de la culture a ses méthodes propres d'approches de la
connaissance de l'homme. A cet effet, la culture ne nous permet pas de bien la
comprendre. C'est ainsi que Cassirer affirme que, « la culture
nous sera accessible dans la mesure où nous saisissons et nous entrons
avec l'action et cette entrée ne se fait pas toujours dans le
présent immédiat, mais un processus »111(*).
Nous devons aussi signaler que les sciences de la
culture, dites aussi sciences humaines, sciences sociales et historiques, sont
celles qui du point de vue, épistémologique pose problème.
Elles connaissent plusieurs fois une crise des fondements due d'une part
à l'hégémonie des sciences empiriques de la nature et
d'autre part, à leur objet qui est l'homme. Ce dernier est toujours
changeant et ce qu'il produit relève toujours de la
réalité de la vie ordinaire. Alors, comment pouvons-nous
défendre la scientificité d'une telle science ? Nous devons
signaler que, la crise des fondements des sciences de la culture entraine en
même temps une certaine léthargie dans les recherches et les
études philosophiques de ces disciplines.
En effet, du point de vue méthodologique, ces
sciences ont connu des problèmes sérieux quant à la voie
à suivre. Tout part de l'hégémonie des sciences de la
nature qui ont imposé à toutes les sciences leur
modèle d'objectivité. C'est ainsi qu'à leur naissance,
les sciences de la culture avaient opté pour la méthode
expérimentale des sciences physiques. Par après, les
épistémologues de la culture se sont rendu compte que cette
méthodologie ne permettait pas l'émergence des sciences de la
culture. On ne pouvait pas « expérimenter un fait
psychique s'il s'agissait de la psychologie à la
physique »112(*). Raison pour la quelle, vue la pluralité
des faits culturels à étudier, on associa une méthode
propre à chaque branche des sciences de la culture.
Par ailleurs, au moment où les sciences de la
culture ont pour mission d'élaborer les lois et théories
scientifiquement universalisables pour tout homme, de tout temps et de tout
lieu, les sciences de la culture s'évertuent à
interpréter les différentes productions de l'homme afin de
comprendre la signification du comportement et de « l'action
individuelle ou collective de l'homme »113(*). De là, la
méthode appropriée pour les sciences de la culture est
l'herméneutique114(*).Car, les oeuvres de la culture sont d'ordre de
l'interprétation parce qu'il s'agit de l'action de l'homme.
Tout compte fait, la culture qui nous concerne dans
les sciences de la culture est une « culture pour ainsi dire
construite selon les schémas méthodologico-conceptuels des
chercheurs scientifiques dans les sciences de la culture »115(*). Les sciences ne valent
leur pesant d'or que dans la mesure où elles ont un objet, une
méthode et un but. A travers l'analyse épistémologique de
cette première partie, nous constatons que, et les sciences de la nature
et les sciences de la culture du point de vue épistémologique
sont considérées comme des sciences car elles ont un objet et une
méthode à suivre. Cependant, la théorie de la
conceptualisation va éclairer davantage notre approche, car la science
ne se comprend que dans la mesure où elle est conceptualisable dans le
langage.
II.2. Théorie de la
conceptualisation des sciences
Cette théorie est une première
entrée en la matière dans le cadre de la scientificité des
sciences de la culture. Il s'agit en outre de dévoiler le langage des
sciences de la culture et leur logique conceptuelle. En plus ces
éléments constituent le dénominateur commun entre sciences
de la culture et sciences de la nature concernant leur fondement
épistémologique.
II.2.1. Le langage de la
science
Il est à noter que, toute science est un
discours116(*)et qui veut passer cette condition,
risque d'entrainer une science sans théorie. En plus, la
négligence de cet aspect langagier de la science, conduit aussi au
caractère stationnaire de l'évolution des idées et ne
propose rien à l'esprit, sinon une imitation servile, qui ne porte
aucune expansion de progrès117(*).De ce fait, toute science se produit et se
conceptualise grâce à un langage ou dans un système
symbolique118(*).
Ensuite, nous pouvons avoir une science au sens strict et rigoureux, dans la
mesure où nous sommes capables de l'exprimer dans un langage ou dans un
concept. Ainsi, le logos comme discours ou langage, ne peut pas être
séparé de l'épistémè comme connaissance.
C'est ainsi qu'on peut parler du mariage indissociable entre la science et le
discours.
En effet, selon l'approche Grangérienne, la
science s'exprime à travers le système symbolique, qui est
« un ensemble des signes, renvoyant soit à des
vécus concrets, soit à d'autres signes. Ainsi, le langage de la
science appartient à la classe spéciale des systèmes
symboliques formels »119(*). C'est par la conceptualisation que la science
peut s'exprimer et peut nous être utile que grâce au langage.
Il appert de ce qui précède que,
l'approche cassirérienne affirme que le langage constitue le monde
commun 120(*)à partir du quel, l'objectivité
scientifique puise ses fondements. En plus, ce monde commun, n'est pas
construit à partir de la vision physique du monde, mais à partir
de la perception sensible121(*). Le langage est une approche conceptuelle des
théories scientifiques, quels que soient la nature, la méthode et
l'objet, chaque science s'exprime à travers son langage propre. Il
s'ensuit que, la science nous donne une idée claire d'une
réalité que nous voulons connaitre. Ainsi, atteindre
l'objectivité d'une science c'est chercher comment celle-ci s'exprime et
se réfère à la vie ordinaire. Ce qui nous permet
d'atteindre notre but est le langage.
Cependant, en tant forme symbolique, la science doit
s'exprimer à travers sa logique conceptuelle, à travers son
propre langage. Cette idée nous conduit à la thèse selon
laquelle : « la pluralité des sciences, entraine la
pluralité des langages. D'où, chaque science a son
propre langage, dans lequel il s'articule et se conceptualise ».
C'est ainsi que cette thèse appui l'affirmation de Cassirer qui
stipule que le langage est fonction et non affect(...) le langage n'est pas
un produit mais un processus avancé, plus clairs et plus précis
qui se dessinent pour l'homme, les contours de son monde122(*). A cet égard, le
langage joue plusieurs fonctions et, en tant que fonction symbolique, il
exprime la science.
A la lumière de ce qui précède,
on voit que la science a besoin d'un langage pour se conceptualiser, elle a
besoin d'un langage. C'est ainsi que nous affirmons que le langage est un
instrument de conceptualisation des sciences. En définitive, chaque
science s'exprime par un langage spécifié. Notre cas concerne, le
langage dans les sciences de la culture et de la nature. A travers cette
démarche, nous allons tenter de spécifier le langage
approprié pour chaque type de science.
II.2.2. Le langage dans les
sciences de la nature
Les sciences de la nature étudient la nature en
tant que production de la culture. En tant que connaissance, elle doit
s'exprimer et cela grâce au langage. Encore, les sciences de la nature
ont pour but d'élaborer les lois, les théories universalisables
afin de les communiquer à la communauté scientifique. Ainsi,
« les concepts des langages scientifiques dans les sciences de la
nature ont pour tâche de rendre compréhensibles les travaux des
chercheurs pour un groupe ouvert d'autres chercheurs potentiels,
c'est-à-dire pour la fameuse communauté
scientifique »123(*).
De ce fait, le langage rend les travaux scientifiques
des chercheurs plus clairs, et permet à plusieurs savants d'entrer en
dialogue grâce au système langagier de leur science. Pour ce qui
concerne les sciences de la nature, dont le prototype est la physique,
plusieurs formules et langages permettent aux savants de tout lieu, de tout
temps d'utiliser par exemple le même lexique de vocabulaire. En effet,
tellement que toute science s'exprime dans le langage,
l'épistémologie critique doit se permettre d'analyser le langage
de la science pour qu'il n'introduise pas dans la connaissance, les
éléments étrangers124(*). Au sein des sciences de la nature, il existe
« une pluralité des schèmes qui se
différencient selon plusieurs points de vue. Il y a des schèmes
pour la production des sons dont les possibilités de réalisation
sont limitées. Il y a d'autres schèmes, par exemple ceux
d'intonation, qui ouvrent à une plus grande diversité de
réalisation »125(*).
Il appert de ce qui précède que, les
schèmes qui peuvent nous intéressé dans notre
étude, sont ceux qui orientent vers la production et la formation des
concepts. En plus, à l'intérieur même des sciences de la
nature, chaque domaine se spécifie par rapport à son langage
propre. Par exemple : dans la physique, la chimie,...cette
pluralité des langages au sein des sciences de la nature se recoupent
dans l'espace et dans le temps. Il y a en outre une interconnexion des
concepts. Nous pouvons retrouver certains concepts en physique qui sont
utilisés aussi en chimie, en mathématique ou en biologie... les
langages « constituent les cadres et les ordres fondamentaux dans
lesquels s'insère le réel. ».126(*)
Ainsi, le langage des sciences de la nature se
construisent à partir des schèmes symboliques qui comportent les
règles permettant de distinguer ce qui les spécifie des autres
formes de la connaissance. Aussi, ce langage fait usage des signes. Au fait,
posons-nous la question de la nature de la réalité que vise le
langage des sciences de la nature. Il s'agit des réalités
objectives que ces sciences analysent, décrivent et expliquent par le
langage. Encore, le langage doit rendre clair, doit réduire les
différentes théories et connexions des savants en un langage qui
permet une bonne accessibilité à la communauté
scientifique. En sus, le langage dans les sciences de la nature s'exprime aussi
par les paradigmes des progrès scientifiques : il ya par exemple
« les récents développements en philosophie des
sciences »127(*) : la falsification, le changement de
paradigme, le programme de recherche...de ce fait, le langage joue aussi un
rôle important dans le progrès de la connaissance des
sciences.
En réalité, si les savants veulent
nous informer sur une réalité qui concerne le progrès des
sciences, c'est grâce à leur langage que nous pouvons comprendre
les différentes théories découvertes. En plus, la science
ne se développe et ne se renouvelle que grâce à son
langage. Ainsi, la thèse que nous formulons est la suivante :
le langage des sciences de la nature sont élaborées à
partir des nos vécus ordinaires et qui sont transformés par les
différentes procédures méthodologiques jusqu'arriver
à un concept scientifique et universel.
Somme toute, les sciences de la nature, en
tant que science, des réalités objectives, ont besoins d'exprimer
les différentes théories qu'elles élaborent au sein de
leur système. Mais, cette expression ne se traduit qu'à travers
le langage. Et, pas n'importe quel langage, mais le langage scientifique,
symbolique qui se diffère de nos langages ordinaires. Après cette
analyse langagière dans les sciences de la nature, nous allons
également tenter la même étude des sciences de la culture
en vue d'atteindre notre objectif, celui de trouver une fondation
épistémologique des sciences de la culture.
II.2.3. Le langage dans les
sciences de la culture
Au moment où le langage dans les sciences de la
nature est d'ordre objectif dans la mesure où une réalité
étudiée dans les sciences de la nature passe par plusieurs
systèmes, le langage dans les sciences de la culture ne nous provient
que de nos réalités ordinaires et de l'agir quotidien de
l'homme. En cela, nous ne pouvons pas perdre de vue que les sciences de la
culture ne peuvent pas se passer de l'homme. C'est ce dernier qui est en fait
l'objet d'étude. Si le langage des sciences de la nature est
élaboré à partir « des réflexions sur
les concepts scientifiques à la lumière de la méthode
expérimentale, le langage des sciences de la culture est
conçu à partir de l'expérience ordinaire de l'homme, il
s'agit en effet des textes des institutions sociales, les
événements historiques, modèles de pensée,
sensations et perception ».128(*)
Eu égard à ce qui
précède, le langage des sciences de la culture nous place devant
un dilemme on ne peut très aigu : les recherches dans les sciences
de la culture doivent se baser sur les réalités ordinaires et
quotidiennes de l'action de l'homme. Or, ces productions humaines ont un allant
de soi vers ce qui est simple et ordinaire ; alors dans ce sens, toute
élaboration conceptuelle et langagière sur ces sciences, devrait
ou doit normalement se baser sur le modèle ordinaire en suivant la
perspective de ces sciences. Or, le langage ordinaire ne nous autorise pas
à conceptualiser une réalité scientifiquement prouvable et
universellement acceptable. En plus, si nous utilisons directement le langage
scientifique aux faits humains qui sont d'ordre ordinaire, nous mettons
hors-circuit les sciences de la culture129(*).
A la lumière de ce qui précède,
les sciences de la culture à travers son langage nous place devant un
problème crucial dans lequel beaucoup de recherches à ce point de
vue restent vagues, des commentaires imprécis. Face à cette
problématique, Ernst Cassirer propose la logique conceptuelle des
sciences de la culture. Selon lui, chaque science a sa façon
particulière de se conceptualiser. Ainsi, comme « la
culture nous crée sans cesse, en un flux ininterrompu, de nouveaux
symboles du langage130(*) les langages dans les sciences de la culture doivent
posséder un caractère logique malgré leur pluralité
d'objets auxquels, ils sont liés l'un à l'autre par un chainon
mental »131(*).
D'ailleurs, nous ne pouvons pas oublier que
Cassirer s'est insurgé contre le monisme des sciences de la nature avec
le seul langage physicaliste et où il propose la pluralité des
actions de l'homme à travers les sciences de la culture dans lesquelles,
il établit la légitimité épistémologique
des procédés logiques spécifiques des sciences de la
culture132(*). Au
demeurant, face à cette situation ambigüe du langage dans les
sciences de la culture, le professeur Akenda résout le problème
d'une part par l'examen de notre agir et par l'interprétation
historique de cet agir humain133(*). Dans le premier cas, il s'agit d'une
multiplicité d'événements de notre action humaine qui se
traduit par une description unitaire134(*) et dans le second, l'acceptation des
éléments historiques, nous fait comprendre qu'il s'agit des
descriptions appropriées à la structure de notre action.
Pour tout dire, la réponse la plus
éclairée à cette problématique du langage de la
science, sera plus approfondie dans le point qui va suivre, celui où,
nous allons analyser la logique des concepts de chaque science en vue de
comprendre la différence spécifique qui caractérise les
sciences de la nature et les sciences de la culture. Avant qu'on y arrive,
disons que toute science s'exprime à travers son langage propre.
Ainsi, les sciences de la nature ont leur langage spécifique qui les
différencie du langage des sciences de la culture. Le langage dans les
sciences de la nature étudie également le critère de
rationalité de la science à travers les procédés
méthodologiques comme l'expérimentation. Le langage des sciences
de la culture, nous est familier parce qu'il s'agit des productions de l'homme
à travers son action et normalement, ce langage devrait être aussi
ordinaire.
Cependant, la conceptualisation scientifique n'autorise
pas un langage ordinaire qu'il faut attribuer à une science, d'où
le recours au langage scientifique dans les sciences de la culture. A coups
sur, ce langage rend les sciences de la culture hors circuits dans la
sphère scientifique dans la mesure où les faits humains ne
peuvent pas comme les faits dans les sciences de la nature subir les
mêmes les procédés de techniques et scientifiques. C'est
ainsi qu'Ernst Cassirer propose l'analyse des procédés logiques
des concepts des sciences de la culture, ce qui est l'objet de la partie
suivante. Mais, pour en finir, nous concluons avec la thèse selon
laquelle : le langage dans les sciences de la culture est issu des
actions ordinaires de l'homme. Ce langage fait l'objet même de
l'existence des sciences de la culture. Ce langage doit passer au crible de
l'analyse ses procédés logiques des concepts qui les
différencierait du langage des sciences de la nature qui s'occupent des
particularités techniques et scientifiques inaccessibles à la vie
ordinaire de l'homme.
II.2.4. Logique conceptuelle
des sciences de la nature
L'analyse épistémologique de la
présente étude trouve son point le plus élevé dans
le contexte où nous dégageons pour chaque type de science, ses
concepts spécifiques et la manière dont ce concept subsume le
particulier sous le général135(*). C'est aussi à travers cette logique
conceptuelle qu'Ernst Cassirer tente de résoudre le fameux
problème de l'unité du savoir et de la diversité des
sciences.
En effet, comme la science étudie le
réel construit136(*), terme cher de granger, cette construction
selon Cassirer se fait au niveau de la théorie de la conceptualisation.
De ce fait, dans son ouvrage : Philosophie des sciences de la
nature, Jeanne Parain-Vial à travers les banalités
épistémologiques qu'elle élabore, place la
conceptualité scientifique au premier plan en vue de résoudre le
problème de la scientificité des sciences. Elle affirme :
les sciences sont des systèmes conceptuels137(*). Cette affirmation vaut
son pesant d'or dans la mesure où, toute réalité qui se
veut scientifique, s'exprime toujours dans une perspective ou elle crée
des concepts qu'elle « tente d'articuler en système et de
figurer, quand c'est possible, par des symboles mathématiques. Chacune
d'elles essaie de connaitre et de représenter un domaine abstrait du
réel, c'est-à-dire un aspect du devenir cosmique toujours
changeant »138(*).
Selon Ernst Cassirer, la science de la nature
nous enseigne à épeler les phénomènes, pour pouvoir
les lire comme des expériences.139(*) En sus, les expériences faites et les
résultats obtenus sont établis sous forme des lois. C'est ainsi
que pour Cassirer la conceptualisation dans les sciences de la nature se fait
sous forme des normes, des lois ou des causes140(*). En effet, Cassirer
suit le fil d'Ariane de tous les néokantiens qui ont classé
méthodologiquement les sciences de la nature du coté des normes
ou des lois. Car, ces sciences commencent par l'observation des faits de la
nature, ensuite elles utilisent les expériences qui aboutissent à
des lois et des théories. Pour notre auteur, c'est dans l'analyse
conceptuelle qu'on peut résoudre le dualisme crée par le
néo kantisme de Bade qui divise les sciences de la culture et les
sciences de la nature. Cette entreprise cassirerienne de la recherche
conceptuelle datait déjà de longtemps à travers ses
premiers écrits épistémologiques : substance et
fonction.141(*)
En sus, c'est à travers l'analyse de cet
ouvrage qu'Ernst Cassirer a rompu avec le concept substantiel de la tradition
philosophique, pour embrasser le concept fonctionnaliste afin de fonder sa
théorie originale du concept. « C'est par l'examen de
la structure logique de la science mathématique de la nature que
Cassirer a longuement établi cette théorie originale du concept
et fondé sa logique fonctionnaliste en rupture avec la logique
substantialiste de la pensée traditionnelle, qu'elle soit empirique ou
spéculative »142(*).
Rappelons que selon Cassirer, le concept doit
posséder un fundamentum in re143(*) c'est-à-dire, il doit être capable
de remonter jusqu'à leur racine dernière ou originelle de la
connaissance. De ce fait, dans les sciences de la nature, il existe plusieurs
concepts selon la perspective cassirerienne, il ya le concept de chose, de
fonction, générique, d'espace et de temps, concept
d'énergie144(*). En plus, l'ensemble de tous ces concepts
s'appliquent à chaque science de la nature fût-elle physique,
mathématique ou chimique...
Cependant, Cassirer distingue ce qu'il appelle les
concepts fournis par la nature et les concepts produits par la
construction145(*).
De ce fait, les concepts fournis par la nature sont d'ordre nomologique ou
ontologique, c'est-à-dire il s'agit des concepts des lois et des causes
qu'on applique aux sciences de la nature ; tandis que les concepts
produits par la construction sont ceux des sciences de la culture. Ainsi, aux
yeux de Cassirer, c'est dans le système de mathématique que
les concepts de fonction de la nature logique que s'accomplisse.146(*)
Par ailleurs, selon le professeur Akenda, les
concepts scientifiques ont pour tâche de rendre compréhensibles
les travaux des chercheurs pour un groupe ouvert d'autres chercheurs
potentiels, c'es-à-dire pour la fameuse communauté
scientifique.147(*)
Il s'agit en outre d'éclairer les différentes théories
scientifiques. Le professeur Akenda retient deux éléments de
conceptualisation : techniquement reproductible et
théoriquement universalisable.148(*) Comme les rapports entre les faits à
étudier sont élaborés de manière universelle
à la formulation des lois, sans la condition de la reproduction
technique, nous ne pouvons pas arriver à élaborer des
significations logiques et théories de nos théories. C'est
à l'union de ces deux éléments que nous pouvons être
capables de la construction conceptuelle du langage de la science.
Tout compte fait, la conceptualisation des sciences
de la nature se fait par l'établissement des lois pour des principes
universellement acceptable. Ces concepts se différencient de ceux des
sciences de la culture qui ont une logique tout à fait
différente. Notre thèse peut se conclure en disant que :
les concepts des sciences de la nature sont fournis par la nature qui sont
l'objet propre de ces sciences. Ils ont comme fondation d'établir des
lois et de rechercher des causes pour toute science naturelle universellement
admise.
II.2.5. Logique conceptuelle
des sciences de la culture
Au moment où la logique conceptuelle des
sciences de la nature s'élabore par les lois et les concepts, les
sciences de la culture suivent une voie tout à fait différente.
Pourquoi Ernst Cassirer parle de la Logique des sciences de la
culture. Il s'agit d'une logique en dehors de l'histoire de la logique.
Malgré la pluralité des sciences, les concepts dans les sciences
de la culture se réfèrent à l'objet de ces sciences qui
sont les productions humaines. Malgré ce caractère qui
découle de l'action de l'homme, rien n'empêche que les concepts
puissent posséder un caractère logique. En plus, ces concepts
sont liés les uns aux autres par ce que Cassirer appelle le chainon
mental149(*).
En effet, les sciences de la culture ont deux concepts
empruntés d'abord à la linguistique et à l'histoire de
l'art. Nous devons rappeler que les sciences de la culture se rapprochent
à l'art, à l'histoire, au langage, à la religion, au
mythe, et à la science. Parmi ces formes de la culture Cassirer
empruntent le concept de forme au langage et le concept de
style à l'histoire de l'art, pour conceptualiser les sciences de la
culture. Bien plus, les sciences de la culture ne suivent pas la même
logique que les autres sciences, d'où ces concepts de forme et de style
ne sont ni nomothétiques ni idiographiques150(*). Cependant, ils ne sont
pas nomothétiques, parce qu'il ne s'agit pas de faire des lois
générales à partir desquelles
« découleraient de manière déductive les
phénomènes particuliers. En plus, ils ne se laissent pas
réduire à des considérations
historiques ».151(*)
Cependant, pour ce qui concerne le concept de
forme, Cassirer puise le fondement dans l'étude de la constitution du
langage chez Humboldt. Il est vrai que pour recueillir certaines informations
les plus riches et les plus fructueuses sur le langage, nous devons normalement
parcourir son évolution historique. Par ailleurs, pour ce qui nous
concerne cette étude, nous devons étudier et expliquer la
totalité des phénomènes du langage, nous devons à
cet effet suivre une autre orientation qui ne soit pas nécessairement
historique. C'est ce que Humboldt appelle la forme linguistique
interne.152(*) En
plus, rechercher cette forme linguistique interne, c'est évoquer
à cet effet les problèmes de structure du langage et non ceux
de l'histoire du langage. Ainsi, c'est Humboldt qui est le premier dans
cette perspective à élaborer le concept de langues
polysynthétiques153(*). En sus, dans son analyse des langues
polysynthétiques, Humboldt nous offre avec description l'analyse
linguistique et formelle de ces langues. En plus, en dehors de Humboldt, il y a
Carl Meinhof. Qui, dans son ouvrage Grammaire comparée de langues
bantoues, a étudié la particularité de ces langues,
qui ne possèdent pas des genres naturels : masculin, féminin
et neutre. Mais, qui utilisent les principes distinctifs totalement
différents.154(*)
A la lumière de ce qui précède,
dans l'élaboration conceptuelle de sciences de la culture à
travers la linguistique, Cassirer exclut toute tentative historique dans ses
travaux, car l'histoire n'a joué aucun rôle de solidarité
de notre connaissance de la structure linguistique. A présent, analysons
le concept de style dans l'histoire de l'art.
Par le concept de style, Cassirer s'inspire des
travaux d'un historien de l'art Heinrich Wölfflin dans les principes
fondamentaux de l'histoire de l'art. D'entrée de jeu, nous pouvons
penser que l'art et le langage peuvent avoir des liens étroits entre les
deux, parce qu'ils utilisent des concepts de forme et de style appartenant
à la même famille logique. Par ailleurs, du point de vue de leur
méthode, de leur objet, nous nous rendons compte que ces deux concepts
de la culture se différencient énormément, dans la mesure
où le langage n'a pas besoin de l'évolution historique pour
élaborer ses structures, tandis que l'art ne peut pas avancer d'un seul
pas s'il ne s'est pas confié toujours aux considérations
historiques.
De ce qui précède, la formule de
Platon selon laquelle aucune connaissance scientifique ne peut rendre
compte du devenir en tant que pur devenir peut dans ce sens garder encore sa
valeur interne155(*).
Cependant, revenons aux travaux de Wölfflin pour confirmer notre
thèse affirmée ci-haut. Dans son ouvrage, il dit que les
faits comme tels peuvent rester muets si on ne les a pas conceptualisé.
Donc, c'est la conceptualisation qui nous aidera à ordonner et à
interpréter les faits.156(*)
Concernant le style dans l'art, il y a le
style linéaire et pictural157(*) que Wölfflin conçoit pour
créer des concepts purement structuraux en élaborant une histoire
de l'art qui serait sans noms158(*). Somme toute, les concepts de forme et de
style s'attachent aux sciences de la culture. Ainsi, ces concepts se
différencient avec ceux des sciences de la nature et ceux de l'histoire.
Ces concepts de forme et de style sont uniques à leur genre. Mais
à coté des concepts de forme et de style, il existe des
concepts axiologiques (de valeur159(*)) relatif à la valeur,
élaborés par Heinrich Rickert dans la formation des logiques
structurelles en histoire. L'on serait peut être étonné de
constater que l'histoire se dissocie des sciences de la culture dans la mesure
où, selon Rickert, les sciences de la culture ne faisait pas allusion
aux sciences de l'esprit comme la phénoménologie ou la
psychologie, mais aux sciences de l'homme et l'histoire dans sa conception ne
pouvait pas être classé dans la même sphère que les
sciences de la culture.
De ce fait, le matériau historique ne peut
être compris et être accessible à notre connaissance, si
l'on renvoie le particulier à des valeurs générales
supra-individuelles.160(*) C'est ainsi qu'une telle thèse ne peut pas
être analysée à coté des sciences de la culture
où le concept de style et le concept de valeur n'ont pas un
dénominateur commun. D'où, le concept de style décrit
l'être pur et le concept de valeur décrit le
devoir-être161(*). Aussi, l'être dont il s'agit ici est
l'existence des formes et non pas les choses physiques. Il s'ensuit que, la
forme d'une langue ou d'un art, n'a rien à voir avec la
référence à une valeur. Celle-ci peut s'ajouter à
ces formes comme jugement de valeur et ne constitue pas la compréhension
de ces formes, de leur raison d'être et de leur signification
conceptuelle.
Par ailleurs, cette étude de la
conceptualisation a connu des moments tragiques parce que la psychologie au
cours de l'histoire a voulu dominé également tous les domaines de
la science. La question qui se posait était la suivante : les
concepts de forme et de style s'appliquent-ils avec la même autonomie
dans la psychologie ? Aussi, la totalité des formes de la culture
ne se réduit-elle pas au processus qui relève de l'esprit, du
psychisme ou carrément de la psychologie ? Pour répondre
à ces questions, nous prenons l'approche de Paul Hermann, avec sa
méthodologie psycholinguistique qui a défendu la thèse
selon laquelle, la psychologie est une science supérieure en
théorie du langage. En plus, l'histoire du langage ou autres formes de
la culture, doit être accompagnée de la psychologie162(*).
La publication de Paul Hermann de ses Principes
de linguistiques historiques, a entrainé également le combat
entre la méthode transcendantale kantienne et la psychologie. En
effet, pour les néokantiens, la tache la plus urgente en science ou en
critique de la connaissance était de distinguer les problèmes
des faits=quid facti et les problèmes des causes/des lois= quid
juris163(*). De ce
fait, la psychologie en tant que science empirique était liée aux
problèmes de faits et elle ne pouvait pas résoudre les purs
problèmes de validité.
Donc, le problème de la conceptualisation dans
les sciences de la culture a souffert des différentes menaces des
hégémonies des sciences, d'abord les sciences de la nature et
ensuite la psychologie et enfin d'autres sciences de la culture ou de l'esprit
et la phénoménologie. D'où, Cassirer pense qu'il est
difficile de trouver la voie sûre de la science tant qu'on n'a pas
fait droit à la réflexion logique164(*) et cette
réflexion ne se fait qu'à la subsumption de l'analyse logique des
concepts des sciences.
II.3. Principe de
subsumption dans les sciences
Ce principe constitue un deuxième moment de la
scientificité des sciences de la culture. Il est question d'une certaine
logique particulière des sciences de la culture où le
particulier est ordonné par le
général.
II.3.1. Subsumption dans les
sciences de la nature. Cas de la physique
théorique
moderne
L'analyse conceptuelle des sciences de la nature et
de la culture trouve son summum dans le principe de subsumption. En effet, la
différente entre sciences de la culture et de la nature n'est pas une
séparation, elle est juste une distinction du point de vue conceptuel et
logique. Ainsi, nous ne pouvons comprendre une science dans sa structure
logique que lorsque nous avons clairement saisi de quelle façon elle
achève de subsumer le particulier sous le
général165(*).
Par ailleurs, les concepts de forme et de style,
sont les plus importants dans les sciences de la culture. Mais, il faut
d'autres concepts pour les appliquer à des concepts isolés. Face
à cette problématique, nous devons garder le formalisme
étroit parce qu'il « n'existe pas de schéma
général auquel nous puissions ici nous référer ou
duquel nous puissions nous prévaloir. Donc, la tâche est identique
pour toutes les sciences mais la solution suit des voies très diverses.
C'est cette diversité qui est la marque spécifique des
différents types de connaissance ».166(*)
Il s'ensuit que l'opposition des concepts
généraux de la science de la nature aux concepts individuels de
la science de la culture ne vaut plus leur poids, Car cette séparation
du concept dans chaque science, ôte la vie du système conceptuel
de manière générale. De ce fait, chaque concept se
présente comme une fonction logique dans laquelle, il y a une
« unification du multiple, une relation entre l'individuel et le
général »167(*).
Eu égard à ce qui
précède, l'analyse de la subsumption contribue d'une certaine
manière à la problématique de l'unité de la
science. Car, si l'on veut isoler l'un de ces facteurs, on va détruire
la synthesis que chaque concept vise à réaliser.
D'où, le particulier doit toujours céder le pas au
général et le général toujours s'accommoder du
particulier168(*).
Cependant, pour arriver à une telle unité
et une telle relation au sein des sciences, il y a une pluralité des
voies à suivre (les méthodologies des sciences) pour chaque type
de science. L'opération qui nous amène à cette
synthèse de l'esprit se présente sous forme de subsumption, qui
signifie penser un individu ou une espèce comme comprise dans un
genre ; considérer un fait comme l'application d'une
loi.169(*) Il
s'ensuit qu'aucune caractéristique particulière ne se
référera à un type de concept. Chaque concept,
fût-il mathématique ou physique, possède désormais
une caractéristique de base qui est inhérente par rapport aux
autres caractéristiques. A partir de cette caractéristique,
découleront les autres parce qu'elles sont déductibles.
A cet effet, dans les sciences de la nature,
cette subsumption s'effectue d'une manière telle qu'elle ne laisse
aucune distance ou différence ente le particulier et le
général. En outre, dans les sciences de la nature, le
particulier est subordonné au général170(*) cela s'explique
clairement dans la physique théorique moderne. Cette dernière
est parvenue à ramener à une source commune toutes les
propriétés particulières d'une chose donnée,
c'est-à-dire toutes les caractéristiques qui s'expriment dans
une constante physique ou chimique. Par exemple, un matériau
donné d'une manière empirique ou d'un métal quelconque,
n'est subsumable sous le concept or171(*) dans la mesure où, il doit
posséder la caractéristique de base qui doit correspondre et les
autres propriétés qui peuvent en découler. Ainsi, pour un
scientifique et un physicien de surcroit, l'or est ce qui possède un
poids spécifique précis, une détermination quantitative,
un conducteur de l'électricité, un coefficient de dilatation
précis, etc.172(*)
Donc, ces caractéristiques nous font penser
au concept « or » et sans aucune hésitation,
c'est-à-dire, les différentes caractéristiques
particulières sont subordonnées au concept général
« or ». Au sein de cette subsumption dans les sciences de
la nature, il y a une idée de l'unité. Et cette unité est
d'ordre ontologique ou de l'être (Einheit des seins)173(*) qui va se
différencier des sciences de la culture.
II.3.2. Subsumption dans les
sciences de la culture. Cas de la Renaissance
historique
Au moment où la subsumption dans les
sciences de la nature s'effectue dans le cadre où le particulier est
subordonné au général, les concepts de forme et de style
dans les sciences de la culture, sont caractérisés par une
curieuse imprécision qu'on ne peut pas tolérer. Dans ces
sciences, la subsumption des particuliers sous le général, ne
peuvent jamais épuiser le particulier ; le particulier ne
correspond jamais complètement au général,
c'est-à-dire qu'il n'est jamais une pure valeur de
position.174(*)
Ainsi, le particulier est ordonné/coordonné par le
général175(*). Mais, il ne peut pas être de la
même manière comme dans les sciences de la nature de subordonner
à lui.
Pour illustrer cette thèse, Ernst Cassirer
évoque Jacob Burckhardt, dans son ouvrage Culture de la
renaissance où il a tracé le portrait classique d'un
homme de renaissance. Pour lui, l'homme de la renaissance présente les
caractéristiques qui le distinguerait de l'homme du
moyen-âge : il est marqué par sa sensualité, son
penchant pour la nature, son enracinement dans l'ici-bas, son ouverture
d'esprit à l'égard du monde plastique (l'art), son
individualisme, son paganisme, son amoralisme176(*)...
Par ailleurs, les recherches faites à propos
de cet homme nous laissent entrevoir que cet homme n'existe pas : il est
idéal. Au cours de l'histoire, aucun homme n'a été
trouvé remplissant les caractéristiques burckhardtiennes de
l'homme de renaissance. Ainsi, une question mérite d'être
posée : le concept de Burckhardt est faux et non existant ? La
réponse à cette question nous renvoi à deux
approches : l'une est logique et l'autre est empirique. Du point de vue
logique, nous devons le considérer comme une rubrique vide sous laquelle
aucun objet ne vient se ranger. Du point de vue empirique, ce concept ne
saurait résister à l'épreuve s'il s'agissait par exemple
de la vérifiabilité et de la testabilité.
Alors, que retenir de la subsumption dans la
renaissance historique ? Burckhardt s'est appuyé sur un
matériau considérable, différent de celui des sciences de
la nature, l'espace de synopsis qu'il fait, la synthèse historique
est différente de l'établissement empirique des concepts dans les
sciences de la nature. En plus, il s'agit d'abstraction, l'on se
référera à l'abstraction idéifiante de
Husserl.177(*) Il
s'ensuit que, à partir de l'abstraction idéifiante dans la
phénoménologie husserlienne, les résultats obtenus ne
doivent pas être d'un seul cas concret. Donc, la subsumption ici ne doit
pas se faire à la manière des sciences de la nature qui ont
utilisé le concept de l'or. Ce qui importe ici, c'est que tous les
hommes sont les uns avec les autres dans un certain rapport
idéel : chacun d'entre eux participe à sa manière
à édifier ce que nous appelons l'esprit ou la culture de la
renaissance.178(*)
Ainsi, ces individus forment un ensemble, non parce qu'ils sont identiques les
uns aux autres, mais parce qu'ils participent à une tâche commune.
C'est d'édifier l'esprit de la renaissance. C'est pourquoi,
l'unité dont il s'agit ici est d'ordre de direction ou d'esprit
(einordnen)179(*)
et non d'être comme dans les sciences de la nature.
Ce que nous pouvons retenir dans le principe de la
subsumption dans les sciences de la nature et les sciences de la culture est
que, dans les sciences de la nature, le particulier se subordonne au
général et il y a une unité de l'être, tandis que
dans les sciences de la culture, le particulier s'ordonne au
général et il y a une unité d'esprit ou de direction. Par
ailleurs, l'analyse de la logique de subsumption ne permet pas vraiment une
distinction entre les sciences de la nature et les sciences de la culture, la
grande distinction se situe dans la couche primitive la plus originaire, dans
les phénomènes de la perception.
II.4. Différence
entre sciences de la nature et sciences de la culture
Si la théorie de la conceptualisation à
travers le langage et la logique conceptuelle étaient le
dénominateur commun entre sciences de la nature et sciences de la
culture, elle constitue également le point de séparation car,
cette logique est considérée sous un a angle différent
selon que l'on est dans les sciences de la culture ou dans les sciences de la
nature. Mais, la différence entre ces sciences s'est beaucoup
remarquée déjà dans la tradition philosophique à
travers le concept de forme et de cause mais aussi dans la couche primitive de
la conscience.
II.4.1. Du point de vue
historique : concept de cause et concept de forme
La différence entre sciences de la nature et
sciences de la culture ne relève pas seulement de la logique
conceptuelle, ni encore de l'analyse du principe de la subsumption que nous
avons évoqué ci-haut ; cette différence remonte
également dans les perspectives historiques, dans la tradition
philosophique. L'on doit se souvenir que depuis l'antiquité voire avant
cette époque, les philosophes ont utilisé les expressions de
forme et de cause pour expliquer certaines réalités qu'ils
voulaient étudier.
De ce fait, notre monde tourne autour
« de concept de forme et le concept de
cause »180(*), qui sont les pôles autour desquels
pivote notre mode de la connaissance. Il s'ensuit que, le monde de la culture
tourne au tour du concept forme, car il s'agit des formes de la production
culturelle comme : l'art, la religion, le langage, l'histoire... ces
formes, sont en plus crées par l'homme en tant que créateur des
oeuvres de la culture. Et, le concept de cause est celui autour duquel se meut
le monde de la nature où il est question d'interpréter des lois.
De ce fait, ces deux mondes nous sont indispensables selon Cassirer pour
construire une image cohérente du monde181(*).
Dans le contexte d'analyse de ce monde bipolaire,
il faudrait également prendre deux directions d'études. Si le
monde des lois étudie ce qu'est l'être, alors le monde de la forme
doit également étudier la question du devenir de l'être.
D'où, la forme s'occupe de la diversité de l'être qui
s'offre à nous dans la perception et à la structurer selon
certaines formes, classes, espèces182(*). Par ailleurs, la lutte entre ces deux concepts
a traversé toute l'histoire de la philosophie grecque. On retrouve la
marque de son empreinte dans « l'idée de forme et
l'idée de cause »183(*). Ainsi, ces concepts ne sont pas seulement
opposants mais aussi des véritables antagonistes.
En effet, déjà avec les philosophes
ioniens de la nature qui se sont posés la question sur de quoi est
faite la nature ; C'est cette question qui a suscité le premier
étonnement de l'acte philosophique qui a consisté à
rechercher les causes sur l'origine de notre univers. C'est ce qu'on appelle
« archè phusis », c'est-à-dire le premier
élément qui était à l'origine du principe fondateur
de l'univers. Dans l'école de Milet avec le représentant influent
comme Thalès, il pose la question suivante : qu'est- ce qui
persiste dans tout ce qui change ? Qu'est-ce qui rend raison de tout ce
qui existe et vit ? La réponse à cette question est
que : « toutes choses et toute vie procèdent de
l'eau ; toutes les choses sont composées à partir de l'eau,
ce principe de toutes choses, ce substrat permettent de comprendre
l'univers. ».184(*)
De son coté, Anaximandre, plus jeune que
Thales, pense que, c'est l'indéfini (apeiron) qui est une sorte de chaos
primitif, d'où toutes choses seraient sorties. Tout vient de cet
indéfini ou infini et tout doit y retourner185(*). Encore,
Anaximène voit dans l'air le substrat qui a engendré tous les
êtres. De son coté, Anaxagore fait allusion aux eaux, aux feux,
à l'air et autres causes mécaniques. Pour les atomistes comme
Leucippe et Démocrite son élève, le monde est
constitué d'une multitude, une infinité de petits unités
inengendrées, indécomposables, insécables, ce que nous
appelons les atomes ; terme qui signifie « corpusculaires
indivisibles ». Comme on peut le constater, ces premiers philosophes
ont recherché les principes sur la cause du devenir et avait comme
devise : rerum cognoscere causas186(*). C'est là l'objet de leurs travaux, ils
recherchent ce qui était à l'origine de chaque chose ou la cause
première de chaque chose.
Par ailleurs, tous ces philosophes avaient comme
idée principale dans leur recherche que celle de la cause de la nature.
La question de la forme n'était pas encore instaurée. Elle a
commencé avec Platon pour être achevée par Aristote. Avec
Aristote et son système, l'on pouvait penser obtenir un bon compromis,
surtout sur la question de la forme qui n'était pas encore
développée. Cependant, Aristote voit les mêmes choses que
Platon, c'est-à-dire la connaissance de la forme est le véritable
but de toute explication scientifique du monde.
Ainsi, selon Aristote, forme et matière,
être et devenir187(*) doivent s'interpénétrer pour
qu'une telle explication soit possible. La notion aristotélicienne de la
cause formelle est née de cette interpénétration. En
outre, dans son étude sur les nouveaux outils de conceptualisation,
Aristote distingue quatre causes : la cause matérielle, la
cause formelle, la cause efficiente et la cause finale. En plus, les
atomistes, se sont contentés d'expliquer l'univers à travers la
cause matérielle, c'est-à-dire ce en quoi une chose est faite.
C'est ainsi qu'ils étaient incapables de rendre clair le problème
du pourquoi du devenir.
Il s'ensuit que, la théorie
aristotélicienne de la cause formelle a essayé de réunir
le concept de forme et de cause, en recouvrant leur fondement dans le principe
de finalité. Par exemple ces trois termes qui ont une différente
dénomination mais ayant un seul contenu fondamental :
alétheia (áßôßá), forme
(åßòï½) et finalité.
(Ôåëïò). 188(*)Ainsi, la philosophie d'Aristote semble
être parvenue non seulement à réconcilier le concept de
forme et le concept de cause, mais aussi à les fondre189(*). Donc, la forme, la
cause et la finalité, peuvent se déduire d'un principe
supérieur. On peut dire que c'est l'effort ou la grande réussite
du système aristotélicien ; car on pouvait donner une
explication du monde d'une unité et d'une cohérence
admirable.190(*)
Somme toute, la différence entre science de la
nature et de la culture s'est avérée plus forte dans la tradition
philosophique ou le concept de forme attaché à la question du
devenir et au monde de la diversité des êtres qui est la culture,
et le concept de cause , attaché à la question de l'être et
appartient au monde de la nature. Mais, cette différence réside
encore dans la couche la plus originaire de la conscience, dans la
phénoménologie de la perception.
II.4.2. Dans la
phénoménologie de la perception : l'orientation vers le
ça et
vers le toi
Dans le souci de rechercher la cause
principale ou fondamentale, le pivot central autour duquel tourne la
différence entre science de la nature et science de la culture, Ernst
Cassirer ramène le débat dans les phénomènes de la
perception. Car, c'est dans la perception que l'on peut découvrir les
facteurs qui entrent en jeu dans le développement de cette
différence. D'ou, « il faut descendre jusqu'à la
couche fondamentale, la couche primitive de tous les phénomènes
de la conscience, pour y découvrir le point d'Archimède que nous
cherchons »191(*).
En outre, nous devons sortir de la simple
logique et que l'analyse des formes conceptuelles ne peut pas nous
éclairer de la différence entre science de la nature et science
de la culture. Pour résoudre un tel problème, la
phénoménologie de la perception nous apportera la solution. La
perception dans son existence phénoménologique, nous
présente deux visages fondus, au point qu'aucun ne se laisse
réduire à l'autre. De par leur signification, ces deux facettes
restent distinctes l'une à l'autre même si dans les faits, on
ne parvient pas à les disjoindre192(*). Donc, au niveau de la couche primitive, il y a
déjà l'existence de deux perceptions, l'une orientée vers
les formes d'expressions objets, que nous appelons science de la culture et
l'autre orientée vers les choses que nous appelons science de la nature.
Nous illustrons par le schéma
suivant :
Phénoménologie de la
perception
La perception de l'expression
La perception des choses
L'orientation vers le toi
L'orientation vers le ça
Pôle de l'objet
Pôle du moi
Monde des personnes
Monde physique
Sciences de la culture
Sciences de la nature
Ici, on considère comme un
Ici, il y a quelque chose de notre espèce. tout
d'objets spatiaux et
comme la somme des
changement temporaires
qui affectent ces objets.
Il
s'ensuit que, l'opposition entre sciences de la nature et sciences de la
culture, trouve sa source non pas dans les concepts mais dans la perception. De
ce fait, « le concept opère d'une manière
discursive et la perception d'une manière
intuitive. ».193(*)Ainsi, la réalité
appréhendée dans la perception se présente à nous
comme un tout sans coupures brutales.
A cet effet, la perception est à la fois une
et double, parce que d'une part, nous la comprenons comme une
réalité concrète et, d'autre part, comme une
réalité personnelle.194(*)Et, c'est sur cette dernière
réalité qu'Ernest Cassirer forge sa notion de prégnance
symbolique qui se définit comme : par prégnance
symbolique, la façon dont un vécu de perception en tant que
vécu sensible, renferme en même temps un certain sens non intuitif
qu'il amène à une représentation immédiate et
concrète. Il ne s'agit pas alors de simples données perceptives
sur lesquelles se grefferaient ensuite des actes aperceptifs qui serviraient
à les interpréter, à les juger et à les
transformer. C'est au contraire la perception elle-même qui doit à
sa propre organisation immanente, une sorte d'articulation spirituelle et qui,
prise dans sa texture intérieure, appartient à une texture
déterminée de sens.195(*)
D'ailleurs, il écrit aussi :
nous appelons prégnance symbolique, cette relation en vertu de laquelle
un sensible inclut un sens et le représente immédiatement
à la conscience, or ne peut ramener cet état de prégnance
ni des processus de simple reproduction ni des processus de médiation
intellectuelle : il faut en définitive y reconnaitre une
détermination indépendante et autonome sans laquelle il n'y
aurait pour nous ni objet, ni sujet ni unité de l'objet, ni unité
de soi- même.196(*)
Il semble bien, selon ces deux définitions,
que le symbolique de Cassirer ait trait à la qualité de la
relation entre le sensible et le spirituel. Cette relation n'est pas comparable
à une relation de copie à son modèle. Le symbolique, n'est
pas une simple reproduction mais une création autonome, il est
producteur de sens. Par ailleurs, la perception et la science, constituent un
monde qui se diffère l'un à l'égard de l'autre :
« L'un se contente d'une estimation là et l'autre exige
une détermination rigoureuse »197(*) ce qui entraine qu'on
doit développer des nouvelles approches et méthodes
spécifiques198(*). Il s'ensuit que la science donne l'essence de
la chose en des concepts numériques, des constantes physiques et
chimiques qui sont pour chaque classe d'objets des caractéristiques.
En plus, la science établit un rapport en
unissant ces constances par des relations fonctionnelles fixes, et les
équations qui attestent comment ces valeurs dépendent les
unes des autres199(*) c'est à partir des faits donc que nous
avons constitué la réalité de l'objectivité. Par
ailleurs, outre la différence spécifique des concepts des
sciences de la nature et des sciences de la culture qui se retrouve finalement
dans la perception, celle-ci nous montre un aspect aussi important qui est
celui de l'altérité.
C'est dans la perception que nous découvrons
la relation intersubjective entre sciences de la nature et sciences de la
culture. Dans la perception des choses, on trouve une autre chose
« aliud » et dans la perception de l'expression, on trouve
un « alter ego »200(*) ainsi, le monde de la culture est celui
d'intersubjectivité, tandis que le monde de la nature est celui
d'objectivité. Il s'ensuit que le monde culturel ne doit pas se
réduire au moi, mais doit être un monde accessible à tous
les sujets et auquel tous doivent avoir part. Dans la nature, il y a
référence au même cosmos spatio
temporel,201(*)
tandis que dans la culture, les sujets se réunissent dans l'agir
commun, ils effectuent ensemble cet agir, ils apprennent à se connaitre
mutuellement et au sein de cette diversité de mondes des formes
grâce auxquels s'édifie la culture, ils acquièrent un
savoir sur autrui.202(*)
Eu égard à ce qui
précède, le rôle de la perception doit être ici le
passage décisif du monde des personnes au monde des objets. Mais,
l'expression vécue passivement est tout ici insuffisante que la seule
sensation, l'impression, peut être pour la connaissance objective. Ainsi,
la synthèse ne s'opère que dans la communication
verbale.203(*)
C'est dans le chapitre qui va suivre que nous aurons à dégager la
coopération entre les sciences qui prennent également naissance
au niveau de la perception.
Somme toute, l'analyse que nous avons
réalisée dans la présente étude a consisté
à comparer les sciences de la culture et de la nature selon les points
les plus saillants en théorie de la connaissance. Nous avons vu que ces
sciences se diffèrent dans leur méthodologie et dans leur logique
conceptuelle. Cette différence ne nous provient pas seulement à
partir de leur logique conceptuelle, mais aussi à partir de la
phénoménologie de la perception, qui est la couche originaire, la
plus primitive dans laquelle réside déjà la
différence entre la perception des choses et la perception de
l'expression. Au terme de ces analyses, force nous est de synthétiser
notre interrogation sur la fameuse problématique de la
scientificité des sciences de la culture.
II.5. Problématique
de la scientificité des sciences de la culture chez Ernst Cassirer
La problématique de la scientificité des
sciences de la culture ou son statut comme science est à classifier
parmi les problèmes épineux de l'épistémologie
contemporaine. Cette situation, nous l'avons vu dans le premier chapitre,
trouve déjà son fondement dans l'histoire des sciences où
les sciences de la nature ont eu une avancée suffisante par rapport aux
recherches. De ce fait, leur hégémonie n'a pas permis
l'émergence des sciences de la culture. Au moment où
l'épistémologie des sciences de la nature s'est
élaborée sans problème, l'épistémologie des
sciences de la culture demeure comme « un ensemble vague des
commentaires et des critiques, des projets et des remarques, des impulsions et
des défenses(...) qui se consacrent à des aspects et
thèmes particuliers, et n'a souvent sa place que dans des colloques et
séminaires, dans les entretiens en dehors des salles de
cours ».204(*)
Cependant, certains penseurs se sont
présentés pour défendre la scientificité des
sciences de la culture en le fondant sur le critère
méthodologique. Plusieurs critères ont été
proposés dans l'histoire des sciences de par le contenu des
théories scientifiques. Mais, ces critères ont suivi la voie des
sciences de la nature, car les critères pour leur scientificité
n'ont posé aucun problème de validité
épistémologique sinon les aventures de leur progrès. En
plus, l'histoire des sciences a été en réalité
marquée par l'histoire de la physique.
Les tentatives de la scientificité des
sciences de la culture ont commencé avec John Stuart
Mill,205(*) qui
veut fonder la scientificité des sciences morales en leur appliquant les
méthodes empiriques et inductives des sciences de la nature. En effet,
c'est dans le sixième livre de son ouvrage qu'il tente d'élaborer
une logique inductive propre aux sciences morales. Ce premier pas audacieux, a
également suscité les pulsions de recherche au point d'amener la
problématique dans la sphère méthodologique. Par exemple,
Jean Ladrière dans sa classification des sciences, opte pour la
méthode herméneutique pour l'appliquer aux sciences humaines.
Cependant, notre auteur Ernst Cassirer, dans sa
Philosophie des formes symboliques, tente d'élaborer une
épistémologie qui est conçue comme une
herméneutique de la connaissance. En plus, il conçoit la science
comme la forme symbolique par excellence. En vue de résoudre le
problème crucial de la scientificité des sciences de la culture,
Cassirer se base sur une théorie logique du concept en recourant
à la problématique de l'unité et de la diversité du
savoir. Ainsi, ce qui fait l'unité du savoir ce sont la nature et
la fonction logique du concept, ce qui fait la diversité des sciences,
c'est la façon à chaque fois différente dont le concept
subsume le particulier sous le général(...) la tâche est
identique pour toutes les sciences mais la solution suit des voies très
diverses206(*).
Ainsi, nous ne pouvons pas oublier le
combat qu'a mené Ernst Cassirer : d'un coté le monisme
méthodologique et l'autre coté, le dualisme
épistémologique des sciences de la culture du néokantisme
de l'école de Bade. A cet, effet, contre le monisme
méthodologique des sciences de la nature avec le seul langage
physicaliste, Cassirer établit la légitimité
épistémologique des procédés logiques
spécifiques des sciences de la culture, et contre le dualisme
épistémologique du néo kantisme de l'école de Bade
et celui de Dilthey, Cassirer fonde l'indéfectible unité de la
science sur le travail du concept dont l'essence et la fonction sont toujours
et partout les mêmes.207(*)
En sus, le critère de la scientificité
cassirerienne réside dans l'analyse des procédés logiques
en vue d'établir l'unité des sciences. Nous devons savoir
qu'Ernst Cassirer plaide beaucoup pour l'unité des sciences face
à la diversité du savoir. Nous ne pouvons pas oublier que
l'épistémologie de notre époque est marquée par
l'impérialisme du positivisme,208(*) la pensée
cassirérienne n'aurait-elle pas un intérêt important en vue
de proposer une théorie unitaire de la science ?
Par ailleurs, la diversité du savoir entraine
aussi la pluralité méthodologique. Cette dernière à
son tour conduit aux méthodologies dichotomiques. Car, l'une ou l'autre
méthode veut s'absolutiser dans l'univers des sciences. Un tel
procédé ne permet pas de penser l'unité des
sciences : d'où le dualisme des sciences qui amène le
conflit des identités culturelles. C'est « bien le
mérite d'Ernst Cassirer d'avoir relevé cet appauvrissement en
proposant une philosophie des formes symboliques ayant pour objet
d'élucider la totalité de l'expérience humaine en
examinant les diverses manifestations de cette
expérience ».209(*)
Au demeurant, la question qui est
posée dans notre étude est celle de la fondation
épistémologique des sciences de la culture. Nous nous sommes
interrogés sur les conditions de possibilité de
l'objectivité dans les sciences de la culture. Cependant, si le fait
culturel est susceptible d'être étudié dans la perspective
de l'explication, son caractère spécifique de
phénomène humain exigerait aussi une interprétation.
Raison pour laquelle, Cassirer élabore dans ce contexte une science
herméneutique. Le globus intellectualiste210(*) de Cassirer lui a
permis d'élaborer une épistémologie systématique en
optant pour la voie de la réunification des sciences.
II.6. Conclusion
Pour un chapitre important comme celui-ci, la
conclusion nous parait comme une introduction tant à l'ouverture
à d'autres recherches sur la problématique de la
scientificité des sciences de la culture, qui demeure encore
jusqu'aujourd'hui, l'un des problèmes fondamental de
l'épistémologie contemporaine.
En effet, comment aboutir au caractère
scientifique d'une science qui ne traite que les productions de l'homme, ses
vécus et ses traditions ? Les réponses à cette
question ont constitué l'objet principal de ce chapitre, où nous
avons analysé avec les procédures épistémologiques,
les sciences de la nature et celles de la culture selon une perspective
comparative. Dans ce sens, le premier volet a consisté à
spécifier l'épistémologie ou encore de rechercher les
conditions de possibilité de l'existence de chaque science. Nous avons
vu que les deux sciences ont une spécificité propre
différentes l'une de l'autre, un objet propre et un but propre. La
meilleure façon de les spécifier était puisée dans
l'analyse kantienne de la constitution et de la régulation des sciences.
Si les sciences de la nature constituent leur propre objet d'étude, cela
n'est pas le cas pour les sciences de la culture qui ont un objet
constitué : l'homme et son histoire.
En outre, à travers la
spécificité épistémologique de chaque science, la
différence s'est vue au clair de part leur objet, leur but et leur
méthode. En plus, la théorie de la conceptualisation
présente encore un grand hiatus entre ces deux sciences. De ce fait, les
concepts dans les sciences de la nature sont tout à fait
différents de ceux des sciences de la culture. Par ailleurs, la grande
séparation entre ces sciences, ne remonte pas seulement à
l'analyse conceptuelle, mais plutôt à la couche la plus primitive
de notre conscience, à la phénoménologie de la perception,
où il ya déjà la séparation d'une part de la
perception des choses et d'autre part de la perception de l'expression.
Cependant, le grand problème réside
dans la fondation scientifique des sciences de la culture. En effet, Cassirer
fonde la scientificité des sciences de la culture dans l'analyse des
procédés logiques du concept et où il résout le
fameux problème de l'unité de la science et de la
diversité du savoir. Au reste, de nos jours, la science doit viser un
seul objectif, celui d'avoir une vision unie dans les différentes
façons d'appréhender le monde. Raison pour la quelle, le prochain
chapitre se donnera pour tâche de rechercher les éléments
pour une épistémologie de la coopération à
l'ère de l'interdisciplinarité.
CHAP.III
Plaidoyer pour une
épistémologie de la coopération
III.O. Introduction
Le deuxième chapitre nous a permis de jeter
regard fondamental sur la principale thèse de notre étude qui est
le fondement épistémologique des sciences de la culture. Les
éléments tels que : la conceptualisation à travers le
langage et la logique conceptuelle, le principe de subsumption, ont
constitué le pivot autour duquel a tourné la problématique
de la scientificité des sciences de la culture, en la comparant avec les
sciences de la nature. Au regard des études menées dans les deux
premiers chapitres, nous pensons que, les sciences sont appelées
aujourd'hui à l'ère de l'interdisciplinarité, à se
mettre ensemble dans une perspective unitaire.
C'est ainsi que la présente étude se
propose de tenter une approche unitaire de sciences. Cette idée nous
vient déjà de Cassirer qui veut promouvoir l'unitaire des
sciences en proposant son épistémologie qui se veut unificatrice
du savoir. C'est pourquoi, nous commencerons d'abord par donner une
appréciation critique de la vision cassirérienne de la science
qui nous donne les éléments afin de constituer notre
théorie sur l'épistémologie de la coopération.
Mais, quelques auteurs comme Taine, Rickert à travers leurs
théories d'abord la fusion des sciences et ensuite les concepts
axiologiques, nous donnent une perspective tant unitaire que
diversifiée. Il y a aussi Granger et Akenda, qui nous proposent la
vision unitaire des sciences d'abord dans l'analyse des concepts et ensuite par
le réexamen des procédures méthodologiques, telles que
l'explication, la vérification, la confirmation.
Eu égard à ce qui précède,
les éléments qui constituent l'épistémologie de la
coopération sont puisé à travers les points saillants des
auteurs que nous avons évoqué. Il s'agit en outre du
monde-de-la-vie(Lebenswelt) ou de l'expérience vécue (Erleben),
de la conceptualisation et de l'opérationnalité. Une conclusion
partielle bouclera la boucle.
III. 1. Le regard
cassirerien de la science : critique et dépassement
La pensée d'Ernst Cassirer que nous avons
analysé tout au long de notre étude, est d'une richesse, voire
d'une actualité on ne peut indéniable. Sa contribution dans le
débat de l'épistémologie contemporaine est
également conçue dans une originalité indiscutable. C'est
pourquoi, nous commencerons par donner ses points positifs. En effet, Cassirer
conçoit la science comme étant une forme symbolique, et tente en
même temps d'établir une épistémologie conçue
comme une herméneutique de la connaissance.
En outre, son épistémologie est
« radicalement novatrice qui établit un cadre
d'interprétation capable d'embrasser toutes les formes de production
culturelle(...) ».211(*)Tel est le programme de cette connaissance qui
veut passer de la critique de la raison à la critique de la culture.
Dans la stratification des formes symboliques, la science constitue chez
Cassirer comme la dernière étape du développement
intellectuel de l'homme, elle est « considérée
comme la réalisation la plus haute et la plus haute
caractéristique de la culture humaine. ».212(*)A cet effet, il
renchérit qu'aucune force dans ce monde ne saura être
comparée à la force de la science. Ainsi, la science est la
représentation du sommet et de l'aboutissement de toutes les productions
de la culture humaine.
De ce qui précède, la pensée
scientifique constitue le socle de la stabilisation et de la consolidation de
notre monde perceptif et des pensées. En un mot, la science
cassirérienne est un processus d'interprétation. Dans ce
processus, il s'agit de traduire nos observations du monde en des
systèmes de « symboliques bien
ordonnés »213(*) afin de les rendre interprétables en
termes de concepts scientifiques. Il s'ensuit que, la connaissance
scientifique se distingue des autres modes de connaissance explicites et
systématiques de la loi. Nous devons encore rappeler que tout au long de
l'histoire, l'absolutisation des sciences de la nature n'a pas permis
l'émergence des sciences de la culture. D'ailleurs, cette distinction
des sciences nous provient de la dichotomie méthodologique
constatée dans l'histoire des sciences. Ainsi, ces différentes
méthodologiques dichotomiques ont entrainé les conflits des
identités éthiques et celles-ci ont à leur tour
favorisé « l'appauvrissement et un raccourcissement de la
mission réelle de la philosophie appelé à porter un regard
unificateur sur le réel au lieu de se perdre dans les
régionalismes épistémologiques et
moraux »214(*). Face à un tel danger, c'est Cassirer
qui a eu le mérite d'avoir relevé cet appauvrissement en
proposant une philosophie des formes symboliques qui a pour objet
d'élucider la totalité de l'expérience humaine en
examinant les diverses manifestations de cette
expérience.215(*) Ainsi, Cassirer est très
préoccupé d'élaborer une philosophie dont
l'unité (Einheit)216(*) serait une des propriétés
principales. Aussi, ce thème de l'unité va de pair avec celui de
l'universalité. De là, dans le symbolique, les manifestations ne
doivent pas être éparpillées. C'est ici qu'il faut
comprendre son souci d'unifier les sciences de la culture et celle de la nature
qui constituent l'objet principal de notre étude.
En plus, nous ne pouvons pas oublier que Cassirer a
eu à lutter contre deux doctrines : d'une part, le monisme
méthodologique des sciences de la nature, d'autre part, le dualisme
épistémologique du néokantisme de l'école de
Bade, dont Rickert est la principale figure de proue et que Windelband est le
principal inspirateur. Ainsi, la conception cassirerienne de l'unité de
la science se base sur une théorie du concept afin de résoudre le
problème crucial de la scientificité des sciences de la culture
en recourant en même temps à la fameuse problématique de
l'unité et de la diversité du savoir ou encore de la
continuité et de la discontinuité des sciences. Il s'ensuit que,
Cassirer croit fonder l'unité et la diversité de l'avoir sur la
nature et la fonction logique des concepts217(*), tout en
dépassant à la fois les théories monistes et dualistes du
savoir.
A cet effet, contre le monisme méthodologique
des sciences de la nature avec le seul modèle physicaliste qui
prétend à l'universalité en matière
d'intelligibilité scientifique, Cassirer va
« établir la légitimité
épistémologique des procédés logiques
spécifiques des sciences de la culture »218(*) et contre le dualisme
épistémologique du néokantisme de l'école de Bade
et celui de Dilthey, Cassirer « fonde l'indéfectible
unité de la science sur le travail du concept dont l'essence et la
fonction sont toujours et partout les mêmes. ».219(*)C'est ainsi que
l'épistémologie actuelle qui est marquée par le trait du
positivisme et l'indifférence mutuelle des sciences, doit se tourner
vers une telle pensée afin de constituer notre projet, celui de fonder
le dialogue entre les différentes sciences à travers le
processus de l'interdisciplinarité.
Par ailleurs, l'analyse cassirérienne de
l'unité de la science, laisse couler beaucoup d'encre. C'est ainsi nous
décortiquons quelques limites de sa conception, dans la mesure où
il ne spécifie pas toujours ces notions surtout celle de la fonction
logique du concept comme fondement de l'unité du savoir. Mais, cette
analyse conceptuelle chez Cassirer permet de fonder l'unité de la
science et non leur diversité. De l'avis d'Akenda, dans quelle
mesure peut-on fonder l'unité et la diversité des sciences sur la
structure logique du concept sans arriver à un cercle
vicieux ? Dans ce sens, le recours à la nature logique du
concept ne suffit pas pour fonder la scientificité des sciences de la
culture au moyen de l'unité et de la diversité à
établir le savoir. Ce critère fonde l'unité et non la
diversité. D'où, il faut un réexamen des
procédures méthodologiques pour relever à la fois la
continuité et la discontinuité entre les sciences et fonder
dans cette même perspective, la scientificité des sciences de la
culture.
En plus, nous comprenons que le souci majeur de
Cassirer est de fonder une science de la culture autonome sans se calquer sur
le modèle des sciences de la nature. Une très bonne
démarche mais difficile à atteindre les objectifs, car les enjeux
sont de taille. La prédominance des sciences de la nature sur celles de
la culture, est l'oeuvre du destin. D'ailleurs, à la création
selon les perspectives bibliques, la nature a existé avant l'homme ce
qui fait que nous ne pouvons pas comprendre l'homme avant de comprendre les
enjeux de son environnement physique. Raison pour laquelle, les sciences de la
nature ont évolué beaucoup par rapport aux sciences de
l'homme.
En sus, la structure interne des sciences de la
nature évolue avec les nouvelles approches, les méthodes et les
paradigmes. Alors, peut-on évoquer le terme paradigme en science de
l'homme ? Encore, cette science évolue-t-elle par essais ou par
erreurs ? Voilà mille et une questions qui nous préoccupent
à notre tour. Il faut encore savoir que les recherches dans les sciences
de la culture posent problème du point de vue validité dans la
mesure où le critère de scientificité pour ces sciences
n'est pas encore clair jusqu'à nos jours. Chaque auteur propose un
critère qui ne tient pas toujours car il s'agit des faits humais dont on
veut appliquer les mêmes procédures que les sciences de la nature.
En plus, une théorie en sciences de la culture peut se muer en une
idéologie et qui peut freiner l'élan de la recherche. Aussi,
beaucoup de réalités rencontrées dans ces sciences se
présentent en court-circuit et ne permettent pas aux chercheurs
d'avancer parce qu'il s'agit des réalités qui relèvent de
notre propre expérience ordinaire de la vie. Alors, comment transmuer
ces expériences ordinaires à un degré élevé
de scientificité ? Nous reprochons également aux chercheurs
qui s'adonnent à l'épistémologie des sciences humaines, de
passer sous un silence coupable leurs échecs et de penser expliquer
après coup ce qu'ils auraient pu être leurs
prévisions220(*).
Il appert de ce qui précède, qu'un
obstacle épistémologique se présente devant nous et nous
demande de changer de direction. Comment changer la direction dans la mesure
où toute science doit avoir son objet, sa méthode et son but
propre ? Ainsi, le changement de direction que nous évoquons
ici n'à rien à voir avec le changement des enjeux
méthodologiques ou spécifiques des sciences. Il s'agit en outre
de considérer chaque science comme telle qu'elle soit de la nature de la
culture, et chercher les mécanismes qui aboutissent au dialogue,
à l'ouverture vers les autres domaines de la connaissance. C'est
l'oeuvre de l'épistémologie de la coopération qui consiste
à étudier ce rapport entre sciences que nous développerons
lors de nos études ultérieures.
Certes, notre auteur Ernst Cassirer avait
déjà cette vision unificatrice susceptible d'amener les sciences
au dialogue interdisciplinaire. Déjà dans les formes de
productions culturelles, le langage, l'art, la religion, le mythe, la science,
... Cassirer pense que ces formes spirituelles présentent une certaine
unité au niveau de l'esprit. Cette unité est fonctionnelle. A
partir de ces formes de vie spirituelle, nous pouvons ressortir l'idée
de l'ouverture à d'autres formes d'esprit. Ainsi, Cassirer reste le fils
de son époque, et philosophe de son temps. Il ne pouvait que philosopher
par rapport aux réalités de son époque. C'est à
nous des continuateurs d'élargir et de dépasser sa
pensée, de l'adapter par rapport aux réalités de notre
temps. Quoi qu'il en soit, Cassirer demeure une figure de proue, sa philosophie
est d'une pertinence extraordinaire. Il est globus intellectualis221(*), il est
épistémologue de la troisième voie,222(*)sa pensée est
encore d'actualité dans l'épistémologie contemporaine.
Cependant, en vue de constituer notre théorie sur
l'épistémologie de la coopération, nous ne servons nous
pas seulement de Cassirer, mais quelques auteurs ont comme lui pensé
à l'idée l'unité des sciences bien que leurs
pensées ne soient pas parfois bien explicitées.
III.2. Le rapport unitaire
des sciences chez les historiens
Deux auteurs nous servent de point d'ancrage en vue de
fonder le rapport unitaire de sciences vu sous l'angle de l'histoire. Taine
plaide pour la fusion des sciences en proposant de ramener les sciences de la
culture aux sciences de la nature, et Rickert à travers les concepts de
valeur ou axiologiques ramènent les sciences de la culture et les
sciences de la nature au même niveau.
III.2.1. Hippolyte Taine et la
fusion des sciences
Taine est réputé à cause de son
déterminisme rigoureux. Il plaide pour l'unité des sciences.
Ainsi, au moment où une la théorie de l'absolutisation se
construisit, elle a rencontré une opposition farouche et la personne qui
s'est chargée de cette contre partie était Hippolyte
Taine223(*). En
effet, dans son étude, Taine pense que pour être
maniées de façon réellement scientifique, les sciences de
la culture (de la littérature et de l'art) devraient renoncer à
tout statut particulier. Au lieu de vouloir se distinguer d'une manière
ou d'une autre des sciences de la nature, elles doivent s'identifier
totalement à elle224(*). A cet effet, Taine plaide pour
l'identité des sciences, ou encore, les sciences de la culture doivent
s'identifier aux sciences de la nature. Il part de l'affirmation selon
laquelle, « toute connaissance scientifique est une
connaissance de causes et qu'il existe deux causes : spirituelles et
naturelles, de même aussi n'y a-t-il pas des sciences de l'esprit
à coté d'une science de la nature. ».225(*)
L'on sait que la tâche de Taine est vaste,
elle consiste à ramener les sciences de la culture aux sciences de la
nature. Par là, ne tombe-t-il pas dans l'absolutisation de ces
sciences ? À ce propos, Taine s'explique par le fait qu'il faut
d'abord rechercher à maitriser la pluralité ou la
multiplicité des faits culturels. Ainsi, « dans le
langage, l'art, la religion, la vie politique et sociale, notre regard ne
discerne tout d'abord rien d'autre qu'une multiplicité pittoresque et
une succession constante de configuration
singulière. ».226(*)
Cependant, Taine trouve dans les sciences de
la nature un modèle parfait de la subsumption où le particulier
s'ordonne au général. De ce fait, nous ne pouvons pas nous
laisser faire par la diversité des faits dans les sciences de la
culture. D'où, le savoir dont il est question ici, doit suivre la voie
des sciences de la nature, c'est-à-dire « ramener les
faits humains à des lois et ces lois à des
principes »227(*). En ce moment, la pluralité va
disparaitre pour laisser la place à l`uniformité et une
unicité228(*) qui se rivaliserait avec celle des sciences de
la nature.
A cet effet, Taine emprunte le chemin de
l'épistémologie déterministe rigoureuse229(*). Mais, pour qu'il soit
fidèle à son principe, il fait appel à la logique
conceptuelle et méthodologique en vue d'expliquer les
phénomènes culturels, tout en les calquant sur les modèles
des concepts des sciences de la nature. Aussi, il a montré comment ils
émanent l'un de l'autre. En ce sens, Taine croyait atteindre son but
quant il établit sa célèbre triade des causes
générales dans les sciences de la culture. Ainsi, ces causes
générales, les concepts de race, milieu, moment230(*) ne sont pas sorties du
cadre des sciences de la nature.
Par ailleurs, nous remarquons que la méthode
de Taine se contredit car, dans la description qu'il fait de la peinture
hollandaise du XVIIe siècle, il commence toujours par des
causes générales qui sont son principe fondamental. Comme il est
dit que de l'esthétique idéaliste et spéculative ou d'en
haut, s'oppose l'esthétique d'en bas ou matérialiste, la
procédure de taie n'a pas respecté ce principe. En outre, Taine
commence par le langage scientifique, ensuite des véritables
problèmes concrets, et il se voit contraint de penser et de raisonner
dans un autre langage conceptuel. Par là, on dit qu'il fait changer des
concepts des sciences de la culture aux concepts des sciences de la nature.
Cependant, la méthode de Taine place
l'anthropologie au centre en vue de résoudre le problème de
l'unité entre les concepts scientifiques. Car, sa
« thèse exige qu'il fasse correspondre à chaque
grande époque de la culture un type d'homme précis dont il la
fasse dériver. »231(*). Ainsi, du point de vue logique, l'on croira
que sa méthode est une contradiction et du point de vue tâche
spécifique, il ya un avantage inconstatable. Donc, grâce à
cette tâche spécifique que la logique tri conceptuelle race,
milieu et moment de Taine acquiert leur fondement
épistémologique. Donc, l'unité des concepts chez Taine
consiste dans la fusion des concepts des sciences de la nature et de la nature
à un seul concept. Dans ce même sens, Rickert propose le concept
de valeur (axiologique) en vue d'aboutir à l'unité entre sciences
de la nature et sciences de la culture.
III.2.2. Heinrich Rickert et
les concepts axiologiques
Nous ne pouvons pas perdre de vue que Rickert demeure
et reste la figure dominante de l'école néokantienne de Bade,
dont le principal inspirateur était Windelband. La pensée de
Rickert est d'abord considérée comme une réflexion
philosophique et développe une épistémologie des
différentes disciplines scientifiques non pas pour en donner une
classification descriptive, mais pour réagir à la fois à
l'apparente absolutisation des sciences de la nature. Ainsi, l'opinion qui
veut mesurer la valeur des disciplines du savoir à l'aune exclusive de
la physique mathématique entend dénier le statut de science aux
disciplines que nous appelons sciences humaines ou sciences de la
culture ; elle oublie que les disciplines se distinguent moins par leur
objet ou le caractère formel de leur méthode que par la
finalité de ces méthodes.
A cet effet, Rickert montre qu'on ne peut pas comparer
les disciplines dont la finalité est l'explication ou la description
des phénomènes de la nature en fonction d'une
génération abstraite232(*) avec les disciplines comme par exemple
l'histoire et la sociologie, dont le but principal est la compréhension
des événements humains, en fonction d'une individualisation
évaluatrice.233(*) Il s'ensuit que, Rickert jette les bases
fondamentales d'une philosophie de la valeur (axiologique) qui est à
l'arrière plan de tous les débats en sociologie et en philosophie
politique depuis plus de deux siècles passés.
En réalité, Rickert ne se limite pas
seulement à l'élaboration conceptuelle sur le
général et l'individuel, mais il veut les élargir. De ce
fait, la science de l'histoire par exemple n'a pas seulement affaire à
l'établissement de faits, mais aussi elle doit relier ces faits entre
eux et opérer ensuite une synthèse historique qui n'est possible
qu'en faisant référence à une
généralité234(*). Ainsi, les concepts axiologiques dans les
sciences de la culture et de l'histoire chez Rickert, s'opposent aux concepts
ontologiques/causes dans les sciences de la nature. En outre, le
matériau historique ne peut être compris et accessible à
notre connaissance, si l'on renvoie le particulier à des valeurs
générales, supra--individuelles235(*).
Au fait, nous avions dit plus haut que dans le cadre de
la coopération conceptuelle, tout concept scientifique est en
réalité et en même temps général et
particulier, et la tâche du concept est d'établir la synthesis
entre les deux. Rickert récupère cela autrement dans sa
théorie conceptuelle des valeurs. Pour lui, dans la connaissance
historique, au lieu de parler des concepts généraux et des lois
propres des sciences de la nature, il trouve un autre système de
référence que nous avions appelé concepts de valeur ou
axiologiques. Ainsi, pour Rickert, comprendre un fait historiquement, le
classer historiquement c'est le rapporter non pas aux lois
générales, mais à des valeurs
générales236(*). Une telle théorie a permis
l'échange au sein des sciences. En cela, la connaissance historique a
atteint sa plénitude et son organisation à l'intérieur
d'elle -même.
En sus, les concepts de valeur décrivent le
devoir-être237(*) qui n'est pas une chose physique, mais
l'existence d'une forme. De là, on peut dire que la forme d'une langue
ou d'une oeuvre artistique n'ont rien à voir avec la
référence à une valeur. La valeur peut s'ajouter à
ces formes comme jugement de valeur, mais elle ne constitue pas la
compréhension de ces formes, ni leur raison d'être et leur
signification. L'exemple pris de la forme du langage chez Humboldt où il
arrive à forger le langage flexionnel238(*) qu'il place au sommet
de son hiérarchisation des langues. Comme il ne pouvait pas
décréter cette hiérarchie avant d'établir leur
différence de structure tout en suivant certains principes
indispensables et cette déduction devrait se faire de manière
indépendante de tout jugement de valeur. Cette démarche vaut
également pour le concept de style en science de l'art. Si Wölfflin
parle de style classique et de baroque239(*) c'est pour affirmer une valeur descriptive et
non pas une qualité esthétique ou d'une norme.
Alors, que retenir des valeurs axiologiques ? Pour
comprendre les enjeux dans lesquels Rickert consolide sa théorie, nous
devons partir de la distinction qu'il établit entre les concepts des
sciences de la nature, qui sont scientifiques généraux, les
concepts des sciences de la culture, qui sont individuels et historiques et les
concepts de l'histoire qu'ils les réfèrent à des valeurs.
Comme on peut le constater, Rickert détache l'histoire de la
sphère des sciences de la culture pour le rendre autonome par rapport
aux sciences de la culture.
Ainsi, l'unité conceptuelle à travers
les concepts axiologiques n'est possible qu'à travers la connaissance
historique. Appliquée cette unité aux concepts de forme et de
style, nous dégageons d'autres problèmes qui surgissent et
demandent d'autres explications. C'est ainsi Taine dans sa méthodologie
plaide pour l'unité et la fusion des sciences. C'est le cas avec Granger
dans sa théorie sur le réel scientifique et
l'épistémologie structuraliste du professeur Akenda.
III.3. Unité des
sciences a partir du réel scientifique
Granger s`arrange aussi du coté de
l'unité des sciences tout en proposant sa théorie de la
conceptualisation symbolique. Malgré la diversité
méthodologique, la science demeure unie. Le même constat est
observé dans l'épistémologie structuraliste et
comparée, où l'auteur tente de décrire l'histoire de la
conceptualité scientifique à partir des structures du monde-de-
la-vie, objet des sciences de la culture, sur lesquelles se fondent les
constructions logico- mathématiques qui constituent la
spécificité des sciences de la nature.
III.3.1. Gilles Gaston Granger
et le réel dans les sciences
Dans son ouvrage sciences et
réalités, Granger introduit la notion du réel avant
de pouvoir donner sa considération épistémologique sur les
sciences de la culture en vue de rechercher l'unité malgré la
diversité méthodologique. Pour expliciter sa propre conception du
réel, il a parcouru quelques auteurs comme Platon, Aristote et Leibniz
pour voir comment ils ont orientés leur réflexion pour qu'il
construise à son tour sa propre notion du réel.
D'entrée de jeu, Granger distingue deus types
de réel : « le réel visé par la science
et les configurations de ce réel. »240(*). Ainsi, le réel
visé par la science selon l'entendement de Granger, est tout ce qui
existe vraiment, tout ce dont nous avons l'expérience et que nous
cherchons à découvrir ou à connaître au moyen de la
science ou de toute autre forme de savoir. Donc, c'est le réel qui
« transcende l'acte de connaitre ou objet et
réels » ; En d'autres mots, il s'agit du réel
réellement réel ceci rappelle le noumène Kantien. Mais, ce
réel demeure impossible à l'homme de l'appréhender dans sa
structure profonde car, ce réel ne révèle pas sa
réalité fondamentale dans sa totalité. D'où, il
faut le construire avec des discours systématiques pour qu'il soit
à même d'expliquer effectivement ce qui n'est appréhensible
par l'homme. Ce type de réel est un réel construit. Aussi, dans
la recherche de mécanisme de comprendre et de tout qui s'y trouve,
l'homme s'est mis à constituer les différentes configurations
structurales qui rendent appréhensible, rigoureux, le réel
phénoménal qui a plein d'imperfections.
Par ailleurs, ces configurations sont à mettre
à jour par les formules, les pensées afin de les élever
à un second niveau, celui du réel reconstruit ou le réel
construit qui est un « ensemble ordonné où chaque
élément est nécessaire à la cohésion de
l'ensemble et en dépend.»241(*). Cependant, examinons le réel des
sciences de la culture qui est l'objet de la présente étude. A
cet effet, Granger place le réel des sciences de la culture dans la
catégorie des réels empiriques. Il s'agit en outre du réel
qui s'approche des sciences ayant pour constitution, l'expérience de
l'homme. En sus, il est seulement question d'un fait observé et
vécu. C'est ainsi que le langage reste le mode commun à partir
duquel nous pouvons construire la configuration structurale et conceptuelle des
sciences. Il dit que, toute science se produit dans un langage
c'est-à-dire plus généralement dans un système
symbolique242(*).
Rappelons alors cette configuration scientifique de
Granger : il y a les sciences de la nature animées, les sciences de
la nature inanimées et les sciences des faits humains. En
réalité, il y a les sciences de l'empirie qui ont pour but la
copie du réel et les sciences de l'esprit (math et logique), qui ont
pour but la perfection du réel. Dans son ouvrage la science et les
sciences, il établit une différence entre les sciences de la
nature et les sciences de l'homme qui, partant de leur système
symbolique de conceptualisation, chacune a sa particularité propre qui
la distingue des autres formes du savoir. Raison pour la quelle, Granger pense
qu'il y a plusieurs méthodes pour atteindre le réel dans une
même science unifiée. Il parle de l'unité de la science
et de la diversité des méthodes243(*), il cherche l'unité de la science dans
toutes ses démarches philosophiques et épistémologiques.
La multiplicité des méthodes est considérée chez
lui comme l'un des prétextes souvent invoqués pour brouiller
les traits essentiels de la science244(*).
En effet, selon Granger, le premier fait qui frappe un
observateur qui n'est pas vraiment informé sur les structures des
sciences, c'est la grande pluralité des branches du savoir qui sont
reconnues aussi aujourd'hui comme étant les sciences au sens réel
du terme. Il s'ensuit que, de la pluralité des domaines du savoir, on
inscrit toujours la science au singulier. Alors, faut-il parler dans ce sens de
l'unité de la science ? Pour répondre à cette
question, Granger donne les traits caractéristiques d'une visée
scientifique afin de distinguer ce qui est science et ce qui ne l'est pas. En
outre, la science est visée d'une réalité245(*), c'est-à-dire le
mot réalité est un méta-concept qui ne s'applique pas
directement à des expériences, mais à des
représentations de l'expérience. Ensuite, « la
science vise des objets en vue de décrire et d'expliquer et enfin, la
science vise le critère de validation. ».247(*)Il s'ensuit que, la
diversité méthodologique ne nous permet pas de penser à
l'unité, sinon ces traits caractéristiques que nous avons
énumérés.
Tout compte fait, la pensée de Granger que nous
avons analysé est d'une riche et actuelle. Sa contribution dans le
débat épistémologique actuelle est aussi d'une
originalité on ne peut plus irrécusable. En
réalité, Granger met en exergue la catégorie de la
construction comme catégorie primordiale dans l'analyse du réel
scientifique et réfléchit sur l'objet comme entité
épistémologique à partir duquel les réflexions
peuvent partir pour une analyse plus approfondie de la science. De ce fait, ce
n'est pas la méthode qui intéresse Granger mais c'est l'objet de
la science. Par là, il opère un tournant
épistémologique de notre temps. De plus, cette attention
épistémologique centrée sur le réel de la science
lui a permis de résoudre la fameuse problématique de
l'unité et de la diversité des sciences amorcées par
Cassirer. Pour Granger, toutes les sciences construisent leur réel
à partir des concepts et des opérations rationnelles, c'est ce
qui fait l'unité des sciences. Cependant, Akenda plaide pour
l'unité de la science malgré la diversité du savoir.
III.3.2. Unité de la
science et diversité du savoir selon l'épistémologie
structuraliste et
comparée d'AKENDA
L'épistémologie structuraliste et
comparée est la théorie fondamentale à partir de laquelle,
le professeur Akenda tente de construire une structure et une visée
commue entre les sciences de la nature et les sciences de la culture. En plus,
il considère la science comme étant « l'une des
plus extraordinaires créations de l'homme, à la fois par les
pouvoirs qu'elle lui confère et par la satisfaction intellectuelle et
même esthétique que ses explications lui
procurent. »248(*). C'est ainsi que la science dans cette
perspective s'intéresse non seulement aux faits naturels mais aussi aux
faits culturels et humains. Il s'ensuit que l'épistémologie
structuraliste a pour tâche de « décrire
l'histoire de la conceptualité scientifique à partir des
structures du monde-de-la-vie, objet des sciences de la culture, sur lesquelles
se fondent les constructions logico-mathématiques qui constituent la
spécificité des sciences de la nature. »249(*).
En sus, pour ce qui concerne la
problématique de la scientificité des sciences empiriques, il en
donne deux critères à partir desquels il fonde les sciences. Il
s'agit l'apriorité formelle et l'empiricité. Le premier
critère est important dans la mesure où sans le quel, il n'y a
pas de généralisation logique des résultats des sciences
et le second est l'application technique des résultats des recherches
théoriques. En outre, la théorie Akendienne se veut avant tout
une histoire de notre savoir qui est comprise comme étant la
généralisation dialectique dont il faut rendre l'unité
et la diversité.250(*)Pour fonder l'unité et la diversité du
savoir, Akenda fait recours à la nature et la fonction logique des
concepts251(*)
comme son maître à penser Cassirer. Par ailleurs, cette analyse
logique du concept fonde bien l'unité de toutes les sciences et non leur
diversité. Ainsi, de l'idée de l'unité entre les sciences,
on peut agencer l'idée de la continuité entre les sciences de la
culture et les sciences de la nature.
Pour ce faire, il procède par le
réexamen des procédures méthodologiques (explication,
expérience, vérification et confirmation) pour relever la
continuité et la discontinuité entre les sciences et fonder enfin
la voie de la scientificité des sciences de la culture. Un des
éléments qui peut concourir à l'édification de
l'unité est la spécificité conceptuelle. En effet, le
point commun entre les sciences de la culture et les sciences de la nature est
le fait qu'elles ont des « concepts scientifiques par lesquels
les chercheurs scientifiques se comprennent et font accepter
généralement et universellement les résultats de leurs
recherches. ».252(*)Dans cette perspective, les concepts dans ces
deux sciences se forment à partir des faits, qui ne sont pas par
eux-mêmes immédiat mais qu'il faut toujours construire dans les
sciences. Par ailleurs, leur différence réside dans
« le degré d'idéalité de cette
réalité qui détermine aussi celui des concepts qui en
rendent compte.»253(*). Ainsi, les concepts dans les sciences de la
nature sont ceux qui sont considérés comme techniquement
reproductibles et conceptuellement opératoires, tandis que ceux des
sciences de la culture, sont formés à partir de nos propres
expériences ordinaires et aux habitudes du langage ordinaire.
Eu égard à ce qui précède,
la continuité dans ces deux sciences, consiste ici en
l'incorporation des hypothèses supplémentaires dans les
esquisses d'explication des sciences de la culture. Il s'agit là
à la fois d'une structure téléologique de la science et
d'un trait essentiel de l'esprit en général qui trouve ses
racines dans les structures du sens immanent à la Lebenswelt
(monde-de-la vie)254(*), aussi à la suite de cette
continuité entre les sciences, il se dégage là une
approche interdisciplinaire ou inter méthodologique à partir de
la quelle, les éléments fondamentaux de
l'épistémologie de la coopération de consolident.
Pour tout dire, les sciences empiriques de la
culture, ont aussi d'une façon analogique, des devoirs empiriques
qui ne sont pas radicalement différents des procédures
expérimentales des sciences de la nature255(*), la validation des
énoncés des sciences de la culture est soumise encore aux
mêmes procédures que les énoncés des sciences de la
nature. Voilà d'une manière succincte l'approche de
l'épistémologie structuraliste et comparée où il
était question de rechercher l'unité des sciences à
travers l'analyse des procédures méthodologiques en vue de
déceler la continuité ou la discontinuité de sciences. A
la lumière de tout ce qui vient d'être dit, nous avons eu les
éléments suffisants afin de fonder notre théorie sur la
coopération des sciences.
III.4. Les
éléments constitutifs d'une épistémologie de la
coopération
L'épistémologie en tant qu'étude
des conditions de possibilité d'une théorie scientifique, est le
point central de toute notre texture. Nous sommes animés du souci
selon lequel, les sciences de la culture peuvent être
considérées du point de vue épistémologique comme
toute autre science ayant une spécificité propre, un objet, une
méthode et une finalité. L'histoire des sciences a montré
que les sciences de la culture sont nées sur le tard par rapport aux
sciences de la nature, cette exigence nous a obligé, par une
étude historico-comparative, de dégager les enjeux de la
structure de chaque science et montrer en suite comment chacune se
diffère de l'autre ou comment elle se subsume au
général.
Eu égard à ce qui
précède, l'épistémologie contemporaine a pour objet
l'étude de la science dans son ensemble unitaire et la manière
dont elle s'ouvre à d'autres connaissances, d'où la
complexité dans l'expression d'Edgar Morin. De notre part, vu l'analyse
faite entre les sciences de la nature et de la culture, nous pensons que ces
deux sciences sont le socle à partir duquel se fondent toutes les
connaissances du monde. Il y a d'une part, les connaissances qui ont leur objet
dans les faits, et d'autre part, dans les faits de la nature.
De ce fait, j'appelle
« épistémologie de la
coopération », une théorie qui se propose comme
une analyse des éléments épistémologiques des
sciences en vue d'aboutir à une unité qui permettra de s'ouvrir
à la l'interdisciplinarité. En outre, il s'agit d'une
étude critique qui permet à la science d'embrasser une ligne
unitaire malgré la pluralité des méthodes qu'elle prend
dans son cheminement vers la quête de la vérité. Aussi,
l'épistémologie de la coopération consiste dans les
rapports des sciences qu'elles soient de nature ou de la culture avec notre
monde et avec autrui. Ce rapport avec le monde ou la
société nous renvoi aux sciences telles que la sociologie, la
politique, l'économie, anthropologie, droit... avec la nature physique,
nous avons les sciences telles que la physique, la chimique,
mathématique, biologie... donc, dans cette perspective de la
coopération, les sciences doivent répondre aux questions
posées par le problème de l'homme qui est le centre de toute
connaissance. Voici de manière succincte et à l'état
actuel de nos recherches, les trois raisons fondamentales d'une
épistémologie de la coopération et qui seront
développées et approfondies lors de nos études
ultérieures.
1. Le monde de la vie
(Lebenswelt) ou l'expérience vécue (Erleben)
Toute science qu'elle soit de la culture ou de la
nature, se fonde toujours à partir de notre propre expérience du
vécu. Pour que le savant arrive à formuler les théories ou
les lois au laboratoire, il part d'abord par observation et parfois ses
observations sont nos propres réalités, de notre monde ordinaire.
En plus, nous pouvons partir de la présupposition selon la quelle,
toutes les sciences sont conçues à partir de nos propres
expériences vécues (Erleben) ou encore à partir
du monde-de.-la-vie256(*) qui est le monde à partir duquel, nous
construisons notre propre monde d'expérience à partir de cours de
la vie (lebensverlauf). Aussi, ce monde doit être exprimé
par u langage propre à la science. C'est ainsi que l'on parle de la
conceptualisation comme deuxième éléments qui constituent
l'épistémologie de la coopération.
2. La conceptualisation, les
structures et les schémas
La théorie conceptuelle a montré
qu'aucune science digne de ce nom ne peut prétendre être une
connaissance, si elle n'est pas conceptualisée. Dans ce sens, le concept
est considéré comme l'élément commun de toutes les
sciences, qu'elles soient celles de la nature ou de la culture. Il ya aussi le
langage spécifique propre à chaque science, qui est le monde
commun à partir duquel toute science se fonde et se communique à
l'universel. Nous pouvons également ajouter les différentes
structures fonctionnelles, les schémas, les paradigmes, qui sont des
éléments à classer dans cette rubrique. En
dernière analyse, toute science doit être applicable au concret,
ce qui fait appel au concept d'opérationnalité.
3.
L'opérationnalité
C'est une exigence concrète de la science et
à la suite de Jean LADRIERE, nous pouvons dire que
l'opérationnalité est le caractère qui confère
à la science son statut distinctif. Ainsi, serait scientifique tout
savoir déductif, expérimental, évaluatif voire
fondationnel dans le cadre d'un jeu réglé d'opération
c'est-à-dire de transformation régies par de schéma
formels257(*).En
réalité, évoquer une relation interdisciplinaire n'est pas
une mince affaire, dans la mesure où au niveau des structures internes
des sciences, il est très difficile de faire dialoguer les sciences.
Mais, l'épistémologie de la coopération consiste
également les résultats que les sciences apportent dans la
communauté scientifique. La science en outre, doit être
opérationnelle258(*).
En outre, l'épistémologie de la
coopération c'est une théorie au sein de laquelle, il y a
échange des concepts et des méthodes, c'est-à-dire la
réciprocité car les sciences de l'homme utilisent de temps en
temps les méthodes de statistiques, de probabilités et les
méthodes abstraites qui sont développé dans les sciences
de la nature. En réalité, toutes ces démarches doivent
viser finalement l'ouverture à la complexité. Au fait, nous
pouvons comprendre l'épistémologie de la coopération,
comme étant ce que Morin conçoit de l'organisation complexe
c'est-à-dire un agencement de relations entre composants ou
individus qui produisent une unité complexe ou système,
dotée de qualités inconnues au niveau des composants ou
individus. L'organisation lie de façon interrelation des
éléments ou événements ou individus divers qui
deviennent les composants d'un tout259(*).
Tout compte fait, une science dans sa seule dimension
épistémologique, ne saura pas résoudre tous les
problèmes qui se présentent devant elle. Elle aura besoin
d'autres sources pour expliquer tel ou tel fait. D'où,
l'interdisciplinarité devient le présupposé de la
transdisciplinarité260(*) où les sciences sont liées au
delà de leur spécificité pour s'attacher à ce qui
est commun, c'est-à-dire l'idée de l'unité. Nous devons
encore noter que l'ouverture à l'interdisciplinarité n'exclut pas
la spécialisation. Chaque science se spécialise et ne se limite
pas seulement à ce niveau, mais elle doit arriver à une
communication, qui est rendue possible qu'à travers la médiation
conceptuelle. Donc, la science contemporaine est celle qui se veut complexe
c'est-à-dire, elle prône l'unité. Voilà grosso
modo, ce que nous pouvons dire à propos de la fondation d'une
épistémologie de la coopération. La science étant
évolutive, nous ne pouvons pas nous limiter aux aspects que nous avons
évoqués, il peut y avoir aussi une véritable
métamorphose261(*) de la science.
III.3. Conclusion
La présente
étude avait pour objet de constituer les éléments en vue
de l'élaboration d'une épistémologie de la
coopération. Nous avons constaté que la perspective dualiste de
ces sciences que nous avons étudiées d'abord dans la
méthodologie, ensuite dans la conceptualisation et enfin dans le
critère de scientificité, ne nous permet pas d'avoir
l'idée d'un monde unifié par la science. C'est ainsi que nous
avons commencé d'abord par donner le regard de Cassirer pour la science,
nous avons montré ses mérites d'avoir eu le souci d'unifier les
sciences et de relever la pauvreté épistémologique
causée par les épistémologies dualistes et le monisme des
sciences de la nature. Outre ces mérites, sa pensée ne permet pas
toujours d'arriver à concilier et l'unité de la science et sa
diversité. C'est ainsi pour arriver à constituer l'unité
et la diversité, nous avons fait appel à d'autres auteurs afin de
constituer notre point de vue sur l'épistémologie de la
coopération.
Sommes partis chez les historiens comme Taine qui
propose la fusion des sciences de la culture et de la nature à un seul
domaine du savoir. Rickert par les concepts axiologiques, lance une
continuité entre les concepts des sciences de la nature et ceux de
l'histoire. De son coté, Granger pense que la diversité
méthodologique ne peut pas empêche de penser à
l'unité du savoir. Selon lui, c'est dans le concept que l'on trouve
l'idée de l'unité des sciences. Ainsi, la science en tant
réelle, doit être construite pour prétendre être une
science digne de ce nom. Dans le souci de rechercher la continuité entre
les sciences de la culture et de la nature, l'épistémologie
structuraliste et comparée du professeur Akenda se donne comme
tâche d'analyser les différentes procédures
méthodologiques comme l'explication, vérification... pour
établir l'unité et fonder la scientificité des
sciences.
Eu égard à ce qui vient d'être
dit, nous avons élaboré une étude critique que nous avons
appelé épistémologie de la coopération,
qui a pour objet la recherche des éléments unitaires afin
d'ouvrir la science à d'autres domaines que ou à
l'interdisciplinarité. Cette théorie jusque là se fonde
sur l'expérience du monde-de-la-vie ou l'expérience vécue,
la conceptualisation et l'opérationnalité des sciences. Une
entreprise sera développée lors de nos recherches
ultérieures.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre parcours qui a porté sur la
problématique de la fondation épistémologique des
sciences de la culture, le moment vient pour nous de jeter un regard
panoramique, rétrospectifs voire synthétique de l'ensemble de
notre travail. Nous devons savoir que la science se présente de nos
jours comme la plus haute réalisation dans le processus du
développement de la connaissance. Cette science ne s'occupe pas
seulement de la nature ou de la physique, c'est-à-dire l'ensemble de
propriétés générales de corps, elle
s'intéresse aussi aux différentes productions liées
à la nature humaine. C'est dans ce contexte qu'il faut situer les
sciences de la culture comme science qui s'occupent de productions de
l'homme : l'art, religion, histoire, langage et la science etc. C'est
ainsi que l'objet de notre étude a consisté à rechercher
les spécificités de chaque sciences, en vue de fonder
épistémologiquement les sciences de la culture dites aussi les
sciences de l'homme.
En effet, nous sommes partis d'un constat selon
lequel, les sciences de la culture sont restées au banc des
accusés, c'est-à-dire que les études et les recherches
dans ce domaine ne sont pas approfondies, voire qu'il n y a pas les pulsions de
recherches poussées dans ce domaines. Les études sur les sciences
de la culture demeurent encore au niveau des discussions dans les colloques, au
niveau des débats aux conférences etc. En plus, les
désavantages dans les recherches en sciences de la culture est visible
dans le processus du développement des sciences. Au moment ou
l'épistémologie des sciences de la nature et conçue comme
une théorie ayant déjà trouvée sa place au sein de
la communauté scientifique à travers les différentes
publications, l'épistémologie des sciences de la culture se
présente comme un vague des commentaires, des discussions qui n'ont pas
encore une assise rigoureuse dans la compétition de sciences.
Raison pour laquelle, la présente étude
a consisté a montré que du point de vue scientifique,
l'épistémologie de sciences de la culture est conçue comme
étant une théorie qui analyse les éléments qui
entrent enjeu dans la scientificité de ces sciences. Donc pour nous, les
sciences de la culture sont aussi considérées comme les sciences
de la nature, sauf que les voies pour atteindre l'objectivité et la
scientificité ne sont pas les mêmes. Pour atteindre notre
objectif, certaines stratégies ont été mises en exergue.
D'abord le premier chapitre qui aborde l'approche historique et
méthodologique des sciences de la culture dans l'histoire des sciences.
Dans cette histoire, nous avons constaté que les sciences de la nature
à travers la généralisation des paradigmes, ont
dominé presque tous les domaines du savoir. Dans ces périodes,
l'on ne pouvait que jurer au nom de la science physique. Ainsi, la physique
était considérée comme le seul modèle de
référence pour calquer une science. Cette absolutisation des
sciences de la nature s'explique par le fait que, l'ouverture de la
réflexion philosophique a été orientée plus du
coté de la nature ou de la phusis. Car, tous les physiologues qui
étaient aussi philosophes ne juraient qu'au nom de la nature. C'est
ainsi, cette réflexion a perduré au cours du processus du
développement de la pensée et l'étude de la nature
dénoua le seul paradigme.
En effet, la pensée primitive et mythique
considérée aussi la nature comme étant le seul
modèle de référence. C'est ainsi qu'elle trouva au sein
d'elle l'idée de l'ordre, de l'harmonie et de l'ordre. De ce fait,
comme la physique demeurait le prototype de la connaissance, elle trouvait
également son essence dans les sciences mathématiques. C'est
pourquoi, l'idéal de la mathesis universalis de Descartes trouvait son
compte dans ce contexte. D'ailleurs, la physique s'appelait la
mathématique naturelle pour cette raison. Pour illustrer cette
idée, beaucoup d'exemple ont été triés dans
l'histoire des sciences, il s'agit par exemple de Spinoza qui articule son
éthique sur les axiomes de la géométrie, Platon qui
inscrivait au fronton de son académie que nul n'entre ici s'il n'est
géomètre, Newton qui a complété sa
théorie de la nature avec les principes mathématiques etc. comme
on peut le constater, une telle hégémonie n'a pas permis
l'émergence des sciences de l'homme.
A cet effet, il fallait attendre le XIX e
siècle pour que surgisse l'émergence des sciences de la culture
avec la révolution méthodologique opérée par
Giambattista Vico et Johann Herder. Ces auteurs ont voulu déplacer la
logique dans sa sphère habituelle, celle des sciences de la nature,
pour la placer dans le sillage des sciences de l'homme. C'est pourquoi nous
disons qu'ils ont opéré la révolution copernicienne de
l'épistémologie des sciences de la culture. Cependant, au moment
où les sciences de la culture cherchaient une place pour se maintenir
dans la course des sciences, il y a eu une crise interne entre les sciences et
la philosophie. Chacun de ces domaines voulait mesurer sa
légitimité dans le sillage du monde scientifique. C'est ainsi que
les sciences se proposent d'analyser les problèmes posés par les
sciences en général et que la philosophie s'occuperait des
problèmes existentiels. Une telle crise a entrainé la dissection
des sciences. Il s'ensuit que, nous avons assisté à la
séparation d'une part des sciences de la culture et d'autre part les
sciences de la nature.
En plus, plusieurs philosophes ont soulevé les
problèmes d'orientations dans l'étude de ces sciences. Mais,
l'approche adoptée a été celle de la méthodologie.
Beaucoup affirment que les sciences de la culture comme celles de la nature
ont des méthodes différentes. C'est ainsi que Windelband appelle
les sciences de la nature comme de sciences nomothétiques et celles de
la culture comme des sciences idiographiques. Rickert quant à lui,
classifie les sciences de la nature dans la rubrique de
scientifico-général et celle de la culture dans
l'historico-individuelle. Dilthey trace une herméneutique de la
compréhension et celle de l'explication. Une telle vision
méthodologique, nous poussé à analyser les
spécificités de chaque science en vue de fonder leur
scientificité.
En outre, le deuxième chapitre s'est
donné pour objectif de spécifier chaque type de science. En cela,
nous nous sommes référés du principe kantien de la
régulation et de la constitution des sciences. Dans ce sens, les
sciences de la nature constituent leur propre objet d'étude, il s'agit
de la nature. Les sciences de la culture par contre ne constituent pas leur
objet d'étude, il s'agit plutôt de l'homme qui est mis au centre
de ces sciences : son histoire, sa tradition, ses oeuvres, ses
vécues qui se fondent sur le Lebenswelt ou le- monde- de- la -vie.
Aussi, à partir de la théorie de la conceptualisation, nous avons
constaté que le langage et la logique conceptuelle des sciences de la
nature ne posent aucun problème, parce qu'il s'agit du langage de la
science qui se conceptualise sous forme des lois et des causes. Cependant, dans
les sciences de la culture, le langage pose problème dans la mesure
où il ne s'adapte pas aux réalités de la science, il reste
dans le monde du vécu ordinaire. La logique conceptuelle est
différente dans les sciences de la culture, elle se réfère
aux différentes formes de production de la culture où nous avons
tiré le concept de forme dans le langage et le concept de style dans
l'histoire de l'art. C'est le cas aussi pour le principe se subsumption. Dans
les sciences de nature, le particulier se subordonne au général,
tandis que dans les sciences de la culture, le particulier se coordonne au
général.
Par ailleurs, il fallait rechercher l'origine du
dualisme entre science de la nature et science de la culture.
Déjà dans la tradition historique, nous avons puisé
l'idée de concept de cause (science de la nature) et le concept de forme
(science de la culture) qui étaient les deux pôles au tour duquel
tourne le monde. Mais, la grande différence réside dans la
phénoménologie de la perception qui est la couche primitive de la
conscience où il existe déjà l'orientation vers les choses
(sciences de la nature) et vers les personnes (sciences de la culture). Aussi,
ne perdrons pas le fil d'Ariane que suit Cassirer dans sa constitution de
l'épistémologie des sciences de la culture. Cassirer lutte contre
le monisme méthodologique de science de la nature et le dualisme des
sciences de la culture de l'école néokantienne de bade et celui
de Dilthey. C'est dans l'élaboration du concept que Cassirer fonde la
scientificité des sciences de la culture.
Cependant, une telle démarche nous ouvre
des perspectives afin de plaider pour l'unité des sciences. C'est ce qui
fait l'objet du troisième chapitre. Pour ce faire, nous avons fait appel
à ce que nous appelons « épistémologie de
la coopération » qui est une théorie critique de
l'union des sciences. Nous avions apprécié positivement et
négativement le regard cassirérien de la science. Il plaide pour
l'unité des sciences et veut relever la pauvreté des
épistémologies dualistes et moniste dans l'histoire des sciences.
Ainsi, les sciences de la culture sont considérées de nos jours
comme un domaine à part, ayant une logique propre, une
spécificité propre et un fondement propre.
C'est pourquoi, à l'ère de
l'interdisciplinarité où toutes les connaissances doivent
s'ouvrir à d'autres domaines du savoir, il s'avère qu'une
science doit plus rester sur une même voie d'appréhension des
connaissances. Aussi, nous n'avons pensé que le monde tourne au tour des
deux axes ou pivot que nous appelons : nature et culture. De ce fait, nous
ne pouvons pas étudier la science dans une seule vision dualiste ni
moniste. Il faut étudier les sciences ensemble, c'est pourquoi nous
proposons une théorie que nous nommons :
épistémologie de la coopération, qui se fonde encore
jusque là sur le monde de nos expériences ordinaires (Le
monde-de-la-vie), la conceptualisation, les structures et les schémas
ainsi que son aspect concret ou l'opérationnalité, que nous
appronfondiserons au cours de nos études ultérieures. Cependant,
tout travail scientifique est sujette à des critiques et des
controverses, c'est pourquoi nous n'avons pas l'impression, ni la
prétention que nous avons dit le dernier mot à propos de ce
sujet, nous ouvrons juste les portes des discussions et nous nous soumettons
à juste titre des vos appréciations.
BIBLIOGRAPHIE
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antécédents, ses critiques, Paris, Minuit, 1980, p.
30. JACOB, P., De vienne à Cambridge.
L'héritage du positivisme logique de 1950 à nos jours,
Paris, Gallimard, 1980, p.
31. KANT E., -critique de la raison pure, Paris,
P.U.F, 1950, p.
- Opuscules sur l'histoire, Paris,
Denoël, 1947p.
32. KOYRE, A., Etudes d'histoire de la pensée
scientifique, Paris, P.U.F, 1966, p.
33. KREMER. MARIETTI, A., Philosophie des sciences de la
nature, Paris, L'Harmattan, 1999,279p.
34. LECOURT, D., Bachelard. Epistémologie,
Paris, P.U.F, 1971,216p.
35. LEIBNIZ, W., OEuvres, L. Prenat (éd.), Paris,
Aubier Mntaigetome1, 1972, p.
36. MALHERBE, J.-F. Epistémologies Anglo -saxonnes,
Paris, P.U.F 1981,206p.
37. MERLEAU- PONTY, M., Phénomélogie de
l'esprit, Paris, Gallimard, 1945,531p.
38. MESURE, S., Dilthey et la fondation des sciences
historiques, Paris, Cerf, 1990,270p.
39. MEYERSON, E., De l'explication dans les
sciences, Paris, Fayard, 1955, 978p.
40. MILL, J S., Système logique vol 2,
Liège Pierre Mardaga, 1988, p.
41. MORIN E., La méthode I. La nature, Paris
Seuil1997, p.
42. MOULOUD, N., - Les structures, la recherche et
le savoir. Réflexion sur la méthode et la philosophie des
sciences exactes, Paris, Payot, 1968,307p.
- Les assises logiques et épistémologiques
du progrès scientifique, Lille, P.U.L, 1989, 350p.
- L'analyse et le sens. Essai sur les préalables
sémantiques de la logique et de l'épistémologie,
Paris, Payot, 1976, 250p.
43. NEWTON, I., Principia mathematica, Livre III,
Paris, éd. J. Gabay, 1990,352p.
44. PLATON., OEuvres complètes,
Bibliothèque de la pléiade tome2, Paris Gallimard, 1977,p.
45. PIAGET, J., Epistémologie des sciences de
l'homme, Paris, Gallimard, 1972,380p.
46. POPELARD M-D, VERNANT, D., Les grands courants de la
philosophie de sciences, (Mémo 58) Paris, Seuil, 1997, p.
47. POPPER, K.R., Logique de la découverte
scientifique, Paris, Payot, 1973,584p.
48. PRIGOGINE IL YA et STENGERS, I. -La nouvelle
alliance. Métamorphose de la science, Paris, Gallimard,
1979,302p.
- Entre le temps et l'éternité, Paris,
Fayard, 1988,222p.
49. RATLER, F. et BOUQUET., Introduction aux sciences de
la culture, Paris, P.U.F, 2002, 102p.
50. REY, A., L'esprit de la science et les méthodes
scientifiques des origines au XIXe siècle, Paris, Alcan,
1931,258p.
51. RICKERT, H., science de la culture et science de la
nature, traduit de l'allemand par Anne -Hélène Nicolas,
Paris, Gallimard, 1997,292p.
52. RICOEUR, P., Du texte à l'action. Essai
d'herméneutique II, Paris, Seuil, 1986, p.
53. ROTHACKER, E., Logique et systématique des
sciences de l'esprit, p.
54. RUYTINX, J., La problématique philosophique de
l'unité de la science, Paris, Les belles lettres, 1962,330p.
55. SOULEZ, A., Manifeste du cercle de vienne,
Paris, P.U.F, 1985,364p.
56. SPINOZA, B., Ethique. Démontrée suivant
l'ordre géométrique et divisée t.1-2.....p.
57. STRASSER, S., Phénoménologie et science
de l'homme. Vers un nouvel esprit scientifique, Louvain,
Nauwelaerts, 1967,347p.
58. TATON, R., Histoire générale des
sciences en 4tomes, p.
59. THOM, R., Paraboles et catastrophes. Entretiens sur
les mathématiques, la science et la philosophie, Paris, Flammarion,
1983, p.
60. VIAL, J-P., -Philosophie de science de la nature.
Tendances nouvelles (épistémologie), Paris, Klincksieck,
1983,269p.
-La nature du fait dans les
sciences humaine, Paris, P.U.F, 1966,227p.
61. VICO, G., Les principes d'une science nouvelle
concernant la nature commune des nations, Paris, Gallimard, 1993,3320p.
62. WINDELBAND, W., Histoire et science naturelle,
Tübingen, 1894,30p.
63. WÖLFFLIN, H., Principes fondamentaux de
l'histoire de l'art, Brionne, G. Montfort, 1997,152p.
IV. LES ARTICLES
DES REVUES
A. Les articles de Cassirer
1. CASSIRER, E., Le concept de groupe et la théorie
de la perception, dans journal de psychologie normale et pathologique,
n°35, 1938, p.368 -414.
2. CASSIRER, E., L'influence du langage sur le
développement de la pensée dans les sciences de la nature,
dans journal de psychologie normale et pathologique, XXXIX, 1946, p.129
-152.
3. CASSIRER, E., Le langage et la construction du monde
des objets, dans Essais sur le langage, ouvrage collectif sous la
direction de J.L. Pariente, Paris, Minuit, 1969.
4. CASSIRER, E., Le judaïsme et les mythes politiques
modernes, dans la Revue de métaphysique et de morale 3(1991) p.211-
303.
B. C. Les articles sur Cassirer
1. AKENDA, J C., Symbole et
identité. Pour une éthique de l'identité dans la
philosophie des formes symboliques d'Ernst Cassirer, dans Revue
philosophique de Kinshasa, n° 17 18 (1996), p.39- 78.
2. CAPEILLERES, F., Sur le néo kantisme de Ernst
Cassirer, dans Revue de métaphysique et de morale, 96 e
année, n° 4, octobre/décembre 1992, p.479- 491.
3. Christiane, S., Science et symbole : un regard
cassirérien, dans CASSIRER 1945- 1995. Science et culture. S.dir de
Nathalie Janz, étude de lettre, Dans Revue de la faculté des
lettres de L'université de Lausanne, 1997p.63- 70.
4. FERRARI. M., -La philosophie de l'espace chez
Cassirer, dans revue de métaphysique et de morale, 96e année
n° 4, octobre/décembre1992, p.479- 491.
5. FRONTY, C., La philosophie du langage chez Ernst
Cassirer et problème du langage comme institution, dans psychologie
et éducation, 1977, p.57 -64.
6. JANZ, N., A propos d'un inédit d'Ernst
Cassirer : une esquisse du quatrième volume de la philosophie des
formes symboliques ?, dans Revue de théologie et de
philosophie, Vol.128, 1996/II, p.149-160.
7. LACHIEZE, R., Utilisation possible du
schématisme kantien pour une théorie de la perception, dans
journal de psychologie normale et pathologique, Paris, Librairie - Félix
Alcan, 35, 1938, p. 11-20.
8. LOFTS. S., Husserl, Heidegger, Cassirer. Trois
philosophes de crise, dans Revue philosophique de Louvain, n°4,
novembre, 1994, p.570- 584.
D. AUTRES ARTICLES
1. AKENDA, J -C., -La complexité comme
grand défi de la raison dans, Epistémologie de la
complexité et ses enjeux pour l'Afrique, colloque international du 9 -10
déc.2010 (inédit).
-La
spécificité de concepts dans les sciences de la nature et de la
culture, dans Concordia, 37(2000), p.35-54
-L'explication dans les sciences de la nature et de la culture, dans
Revue philosophique de Kinshasa, N° 21- 22 (1998) p.147 -169
2. LADRIERE, J. Sciences et discours rationnel, dans
encyclopedia universalis n° 16(1985) p.551-555
3. SCHATZMAN, E. Le statut de la science, dans
encyclopedia universalis n° 16(1985) p.549-551
V.OUVRAGES DE REFERENCE
1. COMTE SPONVILLE, A., Dictionnaire philosophique,
Paris, P.U.F, 1975
2. DICTIONNAIRE PETIT ROBERT, Paris, Ed. Robert,
1984.
3. ENCYCLOPEDIA UNIVERSALIS, corpus 16, Paris,
1985.
4. FOULQUIE, P. Dictionnaire de la langue
philosophique, 2éd, Paris, P.U.F, 1969.
5. HUISMAN, D. (dir), Dictionnaire des philosophes,
Paris, P.U.F, 1984.
6. LALANDE A. vocabulaire technique et critique de la
philosophie, Paris, P.U.F, 1976
TABLE DES MATIERES
Introduction générale
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défini.
1. Problématique
1
2. Objet et thèse du travail
5
3. Choix et intérêt du travail
6
4. Méthodes de la recherche
6
5. Plan du travail
7
CHAP.I
8
APPROCHE HISTORIQUE ET METHODOLOGIQUE DES
SCIENCES DE LA CULTURE
8
I.0. Introduction
8
I.1. Constitution de l'objet des sciences de la
culture dans l'histoire des sciences.
9
I.1.1. Hégémonie des sciences de la
nature et généralisation des paradigmes.
9
I.1.2. Nature comme modèle de l'harmonie, de
l'ordre et d'uniformité.
13
I.1.4. La mathesis universalis du temps
moderne
14
I.2. Le xix e siècle et
l'émergence des sciences de la culture
17
I.2.1. Giambattista Vico et la révolution
méthodologique.
17
1.2.2. Johann Gottfried Von Herder et la
percée de l'histoire
22
I.2.3. Le naturalisme de la science du
XIXéme et le paradigme de la théorie
24
biologique de l'évolution.
24
I.3. Approche méthodologique des sciences
de la culture
28
I.3.1. Crise interne entre philosophie et
science
28
I.2.2. Wilhelm Windelband : les
méthodes nomothétiques et idiographiques.
31
I.3.3. Heinrich Rickert : les méthodes
scientifico-générales et historico-
33
Individuelles.
33
I.3.4. Paul Hermann et la méthode
psycholinguistique
36
I.3.5. Wilhelm Dilthey : Herméneutique
de la compréhension et de l'explication
38
I.4. Conclusion
42
CHAP.II
44
Analyse épistémologique des sciences
de la culture et de la nature selon une perspective comparative
44
II.0. Introduction
44
II.1. Spécificité
épistémologique des sciences
45
II.1.1. Les sciences de la nature
45
II. 1.2. Les sciences de la culture :
49
II.2. Théorie de la conceptualisation des
sciences
53
II.2.1. Le langage de la science
53
II.2.2. Le langage dans les sciences de la
nature
55
II.2.3. Le langage dans les sciences de la
culture
57
II.2.4. Logique conceptuelle des sciences de la
nature
60
II.2.5. Logique conceptuelle des sciences de la
culture
63
II.3. Principe de subsumption dans les
sciences
68
II.3.1. Subsumption dans les sciences de la nature.
Cas de la physique
68
théorique moderne
68
II.3.2. Subsumption dans les sciences de la
culture. Cas de la Renaissance
71
historique
71
II.4. Différence entre sciences de la nature
et sciences de la culture
73
II.4.1. Du point de vue historique : concept
de cause et concept de forme
73
II.4.2. Dans la phénoménologie de la
perception : l'orientation vers le ça et
76
vers le toi
76
II.5. Problématique de la
scientificité des sciences de la culture chez Ernst Cassirer
82
II.6. Conclusion
85
CHAP.III
88
Plaidoyer pour une épistémologie de
la coopération
88
III.O. Introduction
88
III. 1. Le regard cassirerien de la
science : critique et dépassement
89
III.2. Le rapport unitaire des sciences chez les
historiens
94
III.2.1. Hippolyte Taine et la fusion des
sciences
94
III.2.2. Heinrich Rickert et les concepts
axiologiques
97
III.3. Unité des sciences a partir du
réel scientifique
99
III.3.1. Gilles Gaston Granger et le réel
dans les sciences
100
III.3.2. Unité de la science et
diversité du savoir selon l'épistémologie
103
structuraliste et comparée d'AKENDA
103
III.4. Les éléments constitutifs
d'une épistémologie de la coopération
105
1. Le monde de la vie (Lebenswelt) ou
l'expérience vécue (Erleben)
107
2. La conceptualisation, les structures et les
schémas
107
3. L'opérationnalité
108
III.3. Conclusion
110
La présente étude avait pour objet de
constituer les éléments en vue de l'élaboration d'une
épistémologie de la coopération. Nous avons
constaté que la perspective dualiste de ces sciences que nous avons
étudiées d'abord dans la méthodologie, ensuite dans la
conceptualisation et enfin dans le critère de scientificité, ne
nous permet pas d'avoir l'idée d'un monde unifié par la science.
C'est ainsi que nous avons commencé d'abord par donner le regard de
Cassirer pour la science, nous avons montré ses mérites d'avoir
eu le souci d'unifier les sciences et de relever la pauvreté
épistémologique causée par les
épistémologies dualistes et le monisme des sciences de la nature.
Outre ces mérites, sa pensée ne permet pas toujours d'arriver
à concilier et l'unité de la science et sa diversité.
C'est ainsi pour arriver à constituer l'unité et la
diversité, nous avons fait appel à d'autres auteurs afin de
constituer notre point de vue sur l'épistémologie de la
coopération.
110
CONCLUSION GENERALE
111
BIBLIOGRAPHIE
116
TABLE DES MATIERES
127
* 1 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture. Paris, 1991, p.79.
* 2 K. POPPER., Logique
de la découverte scientifique, Paris, 1979, p.12.
* 3 J-C AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée, t1 les sciences de la
culture,
Kinshasa, Facultés
catholiques de Kinshasa, 2004, p.25
* 4. Ernst CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.75.
* 5
PLATON. , Timée dans oeuvres complètes,
bibliothèque de la pléiade, tome2. Paris, 1977,
p.480
* 6 A.
KREMER-MARIETTI., Philosophie des sciences de la nature, Paris, 1999,
p.50
* 7 ARISTOTE., Topiques VI,
6,145 a 15 ; VIII, 1,157a10, in organon V, cité par
A. KREMER-
MARIETTI., O.C, p.51
* 8 ALAN F. CHALMERS.,
Qu'est-ce que la science ? Récents développement en
philosophie
des sciences : Popper, Kuhn,
Feyerabend, Paris, 1987, p.152
* 9 A. KREMER-MARIETTI.,
O.C, p.91
* 10 E. CASSIRER.,
L'idée de l'histoire. Les inédits de Yale et autres écrits
d'exil, Paris, 1988,
p.10
* 11 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.75
* 12 E. CASSIRER., O.C,
p.76
* 13 E. CASSIRER., O.C,
p.76
* 14 Ib. O.C., p.76
* 15 E. CASSIRER., O.C,
p.79
* 16 E. CASSIRER., Le
problème de la connaissance, p.105
* 17 I. NEWTON., Principia
mathematica, livre III, Paris, éd. J. Gabay, 1990.
* 18 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.82
* 19 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.82
* 20 O. FERON., Finitude et
sensibilité dans la philosophie d'Ernst Cassirer, Paris, 1997,
p.31
* 21 E. CASSIRER.,
Descartes, Leibniz et Vico dans l'idée de l'histoire, p.120
* 22 O. FERON., O.C.,
p.32
* 23 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.84
* 24 E. CASSIRER., Le
problème de la connaissance, p.277.
* 25 E. CASSIRER.,
O.C., p.278
* 26 E. CASSIRER.,
O.C., p.116
* 27 E. CASSIRER.,
O.C., p.121
* 28 A. PONS.,
L'épistémologie et la philosophie de l'histoire de
Cassirer, dans Ernst Cassirer
de Marbourg à New York, p.192
* 29 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.143
* 30 P.JACOB., De vienne
à Cambridge. L'héritage du positivisme logique de 1950 à
nos jours,
Paris, Gallimard, 1980.
* 31 A. PONS.,
L'épistémologie et la philosophie de l'histoire de Cassirer
dans Ernst Cassirer
de Marbourg à New York,
p.193
* 32 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.143
* 33 E. Cassirer.,
L'idée de l'histoire, p.122
* 34 E. Cassirer.,
Logique des sciences de la culture, p.84
* 35 A. PONS.,
L'épistémologie et la philosophie de l'histoire de
Cassirer, p.85
* 36 VICO., Les
principes d'une science nouvelle concernant la nature commune des nations,
Paris, 1993, p.85
* 37 E. CASSIRER.,
L'idée de l'histoire, p.127
* 38 E. KANT., Opuscules
sur l'histoire, Paris, Denoël, 1947.
* 39 HERDER.,
Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité,
Paris, Gallimard, 1993.
* 40 LEIBNIZ.,
Monadologie, cité par Ernst Cassirer dans l'idée de
l'histoire, p.127
* 41 E. CASSIRER.,
Herder et la percée de l'historicisme, dans le problème de la
connaissance,
tome 4, p.278.
* 42 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, pp.86-87
* 43 E. CASSIRER.,
O.C., p.88
* 44 E. CASSIRER.,
O.C., p.88
* 45 E. CASSIRER., Le
problème de la connaissance. t.4, p.282
* 46 J. GAUBERT., Fondation
critique ou fondation herméneutique des sciences de la culture ?
dans logique des sciences de la
culture, p.18
* 47 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.97
* 48 J. GAUBERT.,
O.C., p.18
* 49 E. CASSIRER.,
O.C., p.99
* 50 E. CASSIRER., La
philosophie des formes symboliques. Tome I, Paris, 1978, p.115
* 51 E. CASSIRE.,
O.C., p.100
* 52 UXEKÜLL.,
Biologie théorique, 1919,2 éd, Berlin, 1928, cité
par Cassirer dans la Logique
des sciences de la culture,
p.101
* 53 Cité par Ernst
Cassirer., O.C., p.101
* 54 E. CASSIRER.,
L'idée de l'histoire, p.187
* 55 J-C. AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée, p.16
* 56 E. CASSIRER.,
Perception des choses et perception de l'expression, dans Logique des
sciences de la culture,
p.113
* 57 E. CASSIRER.,
O.C., P.113
* 58 C. DIMANDJA., Cours
de philosophie des sciences. Etude critique de Dominique Lecourt,
UCC, 2008, p.3
* 59 C. DIMANDJA., p.3.
* 60 E. CASSIRER.,
O.C., p.114
* 61 Ib.O.C., p.114
* 62 J-C. AKENDA.,
O.C., p.24
* 63 E. CASSIRE.,
Logique des sciences de la culture, p.115
* 64 E. CASSIRE., O.C.,
p.115
* 65 W. WINDELBAND.,
Geschichte und Naturwissenschaften, 1894, Tubingen. Nous
traduisons par
Histoire et science naturelle.
* 66 E. CASSIRER.,
Perception des choses et perception de l'expression, p.115
* 67 H. RICKERT.,
Science de la culture et science de la nature, p.14
* 68 OTTO LIEBMANN., De
la tradition philosophique, p.14 cité par H. Rickert, O.C,
p. XIX
* 69 H. RICKERT.,
Science de la culture et science de la nature. Suivi de la théorie
de la
définition. Paris,
Gallimard, 1997.
* 70 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.116
* 71 H. RICKERT.,
O.C., préface, p.4
* 72 Ib.O.C., p.12
* 73 Ib.O.C.,
p.4
* 74 E. CASSIER., Logique
des sciences de la culture, p.117
* 75 Ib.O.C., p.117
* 76 H. RICKERT.,
O.C., p.49
* 77 Ib. O.C., p.49
* 78 H.RICKERT., O.C.,
p.49
* 79 On a de plus en plus
tendance ces derniers temps à séparer strictement le spirituel du
psychigisme. Mais, tant que l'on n'a pas compris ce qui distingue une
réalité liée à des valeurs et une
réalité dépourvue de rapport à la valeur, on ne
peut parvenir en une méthodologie de clarté véritable
quant aux principes. Cité par H. Rickert, O.C., p.50
* 80 E. CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.117
* 81 W.
DILTHEY.,-OEuvres, T.1. Critique de la raison historique. Introduction aux
sciences de
l'esprit et autres
textes, Paris, Cerf.
* 82 H-G. GADAMER.,
Vérité et méthode. Les grandes de
l'herméneutique philosophique, p.182-188
* 83 S. MESURE.,
Dilthey et la fondation des sciences historiques, Paris, 1990, p.24
* 84 W. DILTHEY.,
L'édification du monde historique dans les sciences de
l'esprit, p.20
* 85 J-C. AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée, p.161
* 86 H.-G. GADAMER.,
O.C., p.191
* 87 C'est la forme
fondamentale de l'ensemble(...) qui prend naissance chez l'individu qui
rassemble dans le cours de la vie le présent, le passé et les
possibilités de l'avenir.
* 88 E.CASSIRER., Essai
sur l'homme. Paris, 1975, p.286
* 89 J.LADRIERE.,
sciences et discours rationnel, p.555
* 90 A.LALANDE.,
vocabulaire technique et critique de la philosophie. Paris, 1976,
p.1319
* 91 E.CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.175
* 92 E.CASSIRER., Logique
des sciences de la culture, p.164
* 93 J-C AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée, p.71
* 94 C. BERNARD.,
Introduction à l'étude de la médecine
expérimentale, Paris, 1966, p.48
* 95 J-P-VIAL., Philosophie
des sciences de la nature. Tendances nouvelles, p.85
* 96 J-P-VIAL., O.C.,
p.86
* 97 G.G.GRANGER.,
L'évolution des vérités scientifiques, dans La science
et les sciences,
p.103.
* 98 J-C AKENDA.,
O.C., p.72
* 99 J-C AKENDA.,
O.C., p.77
* 100 J-C AKENDA.,
O.C., p.77
* 101 E.
CASSIRER., Essai sur l'homme, p.317
* 102 J. PIAGET.,
Epistémologie des sciences de l'homme. Paris, Gallimard,
1972,380p.
* 103 E.
CASSIRER., Logique des sciences de la culture, p.164
* 104 J-C
AKENDA., O.C., p.76
* 105 Ib. O.C.,
p.78
* 106 E. HUSSERL., La crise
des sciences des sciences européennes et phénoménologie
transcendance, Paris,
Gallimard, 1976.
* 107 Ib.O.C.,
p.77
* 108 Ib.O.C.,
p.84
* 109 E.
CASSIRER., Logique des sciences de la culture, p.165
* 110 E.
CASSIRER., O.C., p.165
* 111 E.
CASSIRER., O.C., p.165
* 112 G.G.GRANGER., La
raison, p.89
* 113 J. LADRIERE.,
Sciences et discours rationnel, p.554
* 114 E.CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.189
* 115 J-C AKENDA.,
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* 160 E. CASSIRER.,
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Ernst Cassirer. La vie de l'esprit : essai sur l'unité
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* 184 JACQUELINE RUSS.,
Panorama des idées philosophiques. De Platon aux
contemporains. Paris, p.23
* 185 JACQUELINE RUSS.,
O.C., p.23
* 186 Nous
traduisons par la connaissance des choses par leur cause
* 187 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture. p.178
* 188 E. CASSIRER.,
O.C., P.179
* 189 E. CASSIRER.,
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concept de groupe et la théorie de la perception, dans le journal de
psychologie, 1938,
p.368
* 199 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.163
* 200 E. CASSIRER.,
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* 201 E. CASSIRER.,
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* 204 J-C AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée. Les sciences de la
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* 205 J-S MILL.,
Système logique, vol2, cité par Akenda dans
l'épistémologie structuraliste et
comparée, p160
* 206 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p36
* 207 E. CASSIRER.,
O.C., p.38
* 208 Ib. O.C.,
p.38
* 209 J-C
AKENDA., O.C., p.25
* 210 Ernst
Cassirer comme historien des sciences, comme épistémologue, comme
philosophe de la culture et comme fondateur de la philosophie des formes
symboliques.
* 211
C. SCHMITZ., Science et symbole : un regard
cassirérien, dans Cassirer 1945-1995,
Sciences et cultures
S.dir. De Nathalie Janz, Etudes de lettres, Revue de la
faculté des lettres de
l'université de Lausanne, 1997, p.63
* 212 E. CASSIRER., Essai
sur l'homme, p.289
* 213 S-G-LOFTS., La vie
de l'esprit, p.103
* 214 J-C AKENDA.,
Epistémologie structuraliste et comparée, p.25
* 215 J-C AKENDA., O.C.,
p.25
* 216 NATHALIE JANZ.,
Globus symbolicus. Ernst Cassirer un épistémologue de la
troisième
voie ?
p.345
* 217 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.37
* 218 E. CASSIRER., O.C.,
p.37
* 219 E. CASSIRER.,
O.C., p.38
* 220 J-C AKENDA.,
O.C., p.303
* 221 Ernst
Cassirer comme épistémologue, historien des sciences,
philosophe de la culture et
fondateur de la philosophie des fromes symboliques.
* 222
NATHALIE JANZ., Globus intellectualis. O.C., p.372 : la
pensée de Cassirer me semble
donc correspondre
davantage à une épistémologie de la troisième
voie, car il ouvre une
piste médiane entre une analyse de la
perception de type
empiriste ou sensualiste et une analyse rationaliste
ou intellectualiste.
* 223 Dans ses
écrits : Philosophie de l'art et l'histoire de la
littérature anglaise.
* 224 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.166
* 225 Ib. O.C.,
p.167
* 226 Ib. O.C.,
p.167
* 227 Ib. O.C.,
p.167
* 228 Ib. O.C.,
p.167
* 229 Ib. O.C.,
p.168
* 230 Ib. O.C.,
p.168
* 231 Ib. O.C.,
p.169
* 232 H. RICKERT., Science
de la culture et science de la nature, réf. Endos du livre.
* 233 H. RICKERT., O.C.,
endos du livre.
* 234 E. CASSIRER.,
Logique des sciences de la culture, p.149
* 235 E. CASSIRER.,
O.C., p.149
* 236 Ib. O.C.,
p.116
* 237 Ib. O.C.,
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* 238Ib. O.C.,
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* 240 G-G-GRANGER.,
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* 242 G-G-GRANGER., la
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* 243 G-G-GRANGER., Pour
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* 244 G-G-GRANGER.,
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* 245 246
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* 247 Ib. O.C.,
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* 248 J-C AKENDA.,
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* 249 J-C AKENDA., O.C.,
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* 252 J-C AKENDA., O.C.,
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* 253 Ib.O.C., p.9
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* 258 J. LADRIERE.,
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