Eléments d'une philosophie de l'espace chez Ernest Cassirer( Télécharger le fichier original )par Marcellin Tibérius KALOMBO MBUYAMBA Université catholique du Congo - Diplôme d'études approfondies 2012 |
I.1.4. L'espace absolu de NewtonDans sa conception de l'espace, Newton met en garde contre la confusion de l'espace abstrait qui est d'ordre physico-mathématique réel et l'espace de l'expérience sensible, qui est d'ordre métaphysique. C'est sur cette dernière conception que la théorie newtonienne était devenue selon Cassirer, « la pierre d'achoppement de tous les systèmes sensualistes ».12(*) L'espace de Newton est pensé comme intemporel universel et absolu. L'espace est une sorte de substance, qui est indépendant de toute matière et possède une structure d'espace euclidien à trois dimensions. Cet espace persiste à travers le temps sans aucun changement. Une telle affirmation signifie que l'espace newtonien, ne saurait avoir des particularités locales. Dans Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, Newton affirme : « I. le temps absolu, vrai et mathématique(...). II.L'espace absolu, par nature sans relation à rien d'extérieur, demeure toujours le même et immobile. L'espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l'espace absolu, laquelle tombe sous nos sens par sa relation aux corps, et que le vulgaire confond avec l'espace immobile. C'est ainsi, par exemple, qu'un espace, pris au-dedans de la terre ou dans le ciel, est déterminé par la situation qu'il a à l'égard de la terre. L'espace absolu et l'espace relatif sont les mêmes d'espèces et de grandeur, mais ils ne le sont pas toujours de nombre ; car par exemple, lors que la terre change de place dans l'espace, l'espace qui contient notre air demeure le même par rapport à la terre, quoique l'air occupe nécessairement les différentes parties de l'espace dans lesquelles il passe, et qu'il change réellement sans cesse. III. Le lieu est la partie de l'espace occupée par un corps et par rapport à l'espace, il est relatif ou absolu. Je dis que le lieu est une partie de l'espace, et non pas simplement la situation du corps, ou la superficie qui l'entoure. IV. Le mouvement absolu est la translation des corps d'un lieu absolu dans un autre absolu, et le mouvement relatif est la translation d'un lieu relatif dans un autre lieu relatif. »13(*) Il appert de ce qui précède, chez Newton, on trouve la notion d'espace dans sa mécanique, dans sa physique dans sa métaphysique ainsi que dans sa cosmologie. A cet effet, dans la mécanique, l'idée de l'espace absolu suggère l'idée de la relation dans la localisation. Ainsi, chaque fois que nous localisons un objet, nous effectuons une opération de mise en relation : « le livre repose sur la chaise qui est à gauche de la fenêtre ».14(*) Aussi, nous pouvons localiser sans référer A à B et la localisation à cet effet est relative par essence. Mais, Newton se penche du coté de l'espace absolu, en appuyant sur l'expérience du seau tournant contenue dans le scholie15(*) de Principia : « Si un vase tourne, l'eau qu'il contient dont la surface reste d'abord plate, tend à se creuser un milieu et à monter le long des parois du vaste. Un observateur placé au bord du vase, qui ne verrait pas tourner l'eau, puisqu'il tournerait lui-même comme elle en même temps qu'elle, pourrait néanmoins déduire qu'elle tourne en s'appuyant sur le fait qu'elle se creuse. Ce fait est pour Newton un mouvement absolu ».16(*) A la fin de l'expérience, le seau et l'eau tournent ensemble par rapport au mouvement de la terre. L'eau étant au repos par rapport au seau et la surface libre qui est parabolique. Alors qu'avant l'expérience, le seau et l'eau étaient au repos sur la terre. L'eau étant au repos par rapport au seau, avec cette fois, une surface libre plane. Newton conclut que le mouvement n'est pas seulement dû à la position relative de l'eau et du seau, mais nécessite autre chose, qui pour lui, est l'espace absolu. Ainsi, dans la perspective newtonienne, l'immensité de l'espace absolu, est une expression de l'immensité divine. De ce point de vue, « l'espace est immense, immuable, éternel (...) il est toujours et sans variation, l'immensité d'un être qui ne cesse jamais d'être le même, une propriété ou une suite de l'existence d'un être infini et éternel ».17(*)Que retenir de la doctrine du célèbre physicien astronome ? Sa théorie de l'espace se résume comme suit : v L'espace est vide et infini ; il est le contenant du monde des corps, lequel est fini, et ce monde le fait plein dans une certaine partie de lui-même. v L'espace est différencié par sa nature propre en toutes ses parties, c'est-à-dire qu'il y a en lui du haut et du bas, de la droite et de la gauche, de l'avant et de l'arrière, des directions, des distances, plus ou moins grandes de partie à part. v L'espace est le sensorium Dei, c'est-à-dire que, l'espace est considéré comme l'organe de sens à travers lequel, Dieu est présent au monde. Au reste, l'espace absolu par nature sans relation à d'autres choses d'extérieur demeure toujours le même. C'est ce qui a fait l'objet d'un débat entre Newton et Leibniz, que nous présentons l'essentiel en quelques lignes. * 12 E. CASSIRER, Essai sur l'homme, Paris, Minuit, 1975, p.70. * 13 I. NEWTON, Principia, cité par B. BACHELET, O.c., p.46. * 14 Ib., p.47. * 15 M. GHINS, L'inertie et l'espace-temps absolu de Newton à Einstein. Une analyse philosophique, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1987, p.45. * 16 Ib. * 17 D. NYS, O.c., p.22. |
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