CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre parcours d'étude qui a
porté sur la philosophie de l'espace chez Ernst Cassirer, le moment
vient pour nous de jeter un regard panoramique et rétrospectif voire
synthétique, sur l'ensemble de notre travail. Pour l'essentiel, notre
préoccupation principale était de montrer comment la question de
l'espace constitue le problème de la croissance de la connaissance
aujourd'hui à partir de la théorie d'Ernst Cassirer.
Nous sommes partis d'un constat selon lequel, parmi les
questions qui préoccupent l'épistémologie de
manière générale, celle de l'espace demeure
problématique et énigmatique. Du point de vue
cosmologico-physique, l'espace est le lieu qui nous abrite et où est
fixé la sphère terrestre et d'autres planètes. Du point de
vue psychologique ou phénoménologique, l'espace est crée
par l'esprit du sujet connaissant à partir des modèles et des
matériaux qu'il observe dans la nature. C'est de cette opinion que
Poincaré soutenait l'idée d'un espace géométrique,
qui est crée à partir des idées d'imperfections des
objets constatés dans la nature : d'où l'espace
géométrique est conventionnel. Ainsi, la question de l'espace est
très vaste et multisectorielle. Raison pour laquelle, nous avions
abordé l'aspect cosmologique et l'aspect mathématique. Pour y
arriver, nous avions adopté une structure bipartite.
Le premier chapitre offre l'aperçu historique
sur la question de l'espace cosmologique et physique. Il s'agissait d'aborder
la problématique de l'espace absolu, qui a commencé depuis les
grecs anciens jusqu'au temps modernes. Chez les atomistes, l'univers est
constitué de particules très petites qu'ils appelaient atomes.
Du point de vue de la problématique de l'espace, ils ont eu du mal
à définir le caractère logique de l'espace abstrait. C'est
pourquoi par exemple Démocrite pensait que l'espace est un
non-être et ce non-être est une réalité vraie, qu'il
soit illimité ou insaisissable.
C'est de cette idée, qu'est née la
conception de l'espace absolu. Cette conception était
récupérée par Newton au temps moderne qui affirmait aussi
l'existence de l'espace absolu. Avant lui, Platon s'était beaucoup des
atomistes pour concevoir sa théorie des formes
géométriques, en les identifiants aux atomes qui constituent
l'univers : l'eau, l'air, le feu et la terre. Chacune de ces atomes une
forme géométrique qu'il identifie. Aristote quant à lui,
associe l'espace à sa théorie du mouvement et du lieu. Selon le
stagirite, les choses sont immobiles et son en mouvement continu dans un espace
donné. Ce mouvement n'est que le passage de la puissance à
l'acte.
Newton de son coté, à travers son
expérience du seau, atteste l'existence non seulement de l'espace absolu
mais aussi du mouvement absolu. C'est cette conception qui lui mettra en
débat avec Leibniz qui ne croyait pas à l'existence d'un espace
absolu.
Descartes pense que, le problème de l'espace
doit être résolu dans la tradition rationaliste. N'oublions pas
qu'il est le père de cette tradition. Contre les empiristes, il
affirmait que les organes de sens ne peuvent rien nous offrir des
représentations sensibles. Toutes les représentations spatiales
que nous avons, nous sont venues des idées claires et distinctes que
nous possédons de ces représentations.
Il appert que, la problématique de l'espace
comme traité dans l'histoire de la philosophie a suscité le
débat. D'une part, il y a eu le débat sur l'étendue de
l'espace entre Descartes et Spinoza, et d'autre part le débat sur
l'espace absolu entre Newton et Leibniz. C'est Kant qui était l'arbitre
de ce dernier débat. Il donna ses objections contre la doctrine de
Leibniz et de newton et proposa enfin sa propre théorie, celle de
considérer l'espace comme forme apriori de la sensibilité.
Au delà de la conception absolue, il y avait un
autre courant, celui des empiristes, soutenu par Georges Berkeley et
d'autres. Berkeley a critiqué avec véhémence les
conceptions absolues et rationalistes de l'espace. Pour cet empiriste, l'espace
absolu n'était qu'un espace imaginaire, une fiction de l'esprit. Par
ailleurs, la conception nativiste conduite par Hering affirmait que les
présuppositions spatiales ne sont pas acquises à partir des
expériences sensibles comme l'ont prédit les empiristes, mais
l'homme naît avec. Pour éviter ce malentendu
épistémologique, Cassirer distingua les niveaux de chaque
représentation de l'espace. C'est ce qui fait son innovation.
C'était l'objet du deuxième chapitre.
En effet, depuis toujours, dans l'histoire de la
philosophie, l'on a cru que la question de l'espace n'était que
l'apanage de la cosmologie ou des sciences physico-mathématiques.
Cassirer amène le débat ailleurs, c'est-à-dire dans un
terrain nouveau, celui de la culture. C'est pourquoi, il classifie les
différents types d'espaces : l'espace mythique, l'espace
esthétique, l'espace anthropologique etc. En plus, la philosophie de
l'espace de Cassirer est inscrite dans la structure générale de
sa philosophie des formes symboliques. De là suit que, le
problème de l'espace dans le contexte cassirerien est pluriel et
unitaire.
Ainsi, l'espace mythique correspond aux
représentations spontanées ou primitives, l'espace
esthétique prévaut bien dans le domaine des figures artistiques
et l'espace théorique correspond aux nécessités
scientifiques, c'est-à-dire dans le domaine physico-mathématique.
C'est l'espace théorique qui nous intéresse plus, et où il
y a eu révolution dans le cadre du passage de la
géométrie euclidienne aux géométries
non-euclidiennes. Lors de nos recherches futures, nous allons montrer la
continuité entre ces deux types de géométrie à
partir de la théorie de groupe de transformation, en établissant
la théorie relationnelle et fonctionnelle des théories spatiales,
dans la perspective d'une pensée complexe.
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