Eléments d'une philosophie de l'espace chez Ernest Cassirer( Télécharger le fichier original )par Marcellin Tibérius KALOMBO MBUYAMBA Université catholique du Congo - Diplôme d'études approfondies 2012 |
CHAP. IIINNOVATION CASSIRERIENNE DE LA THEORIE DE L'ESPACEII. 0. IntroductionLe chapitre précédent a essayé de tracer un aperçu historique sur la question de l'espace d'une approche cosmologique. Cette étude s'est orientée vers plusieurs tendances : absolu, idéale, relationniste, rationnelle, empiriste. Ces différentes avaient provoqué des débats et des controverses sur la nature même de la question de l'espace. Ce chapitre, se veut une orientation Cassirerienne sur la problématique de l'espace. Notre auteur a innové à partir de son point de vue que nous trouvons pluraliste et unitaire. En effet, pour éviter le malentendu, Cassirer a proposé de classifier chaque orientation spatiale à un domaine particulier. Face à cette perspective, il sort la notion de l'espace dans sa structure des sciences de la nature, pour l'appliquer aux domaines de la culture. Raison pour laquelle, chez lui, il y a un espace mythique qui correspond aux représentations spontanées, un espace esthétique qui prévaut dans les figures artistiques et un espace théorique qui correspond aux nécessités scientifiques. Cette distinction nous parait acceptable et nous pensons qu'il a résolu quasiment la préoccupation sur la question spatiale, en commençant par les grecs anciens jusqu' à nos jours. Ce chapitre retrace les différents types d'espaces jusqu'à établir le rapport entre l'espace théorique et la perception, ainsi que l'espace théorique et l'espace de la physique. II.1. NotionsDans cette première partie du second chapitre, nous retraçons succinctement la conception de Cassirer sur l'espace ainsi que le rapport qu'il établit entre l'espace et le temps qui constituent le pilier sur lequel se tient le monde de la connaissance. II.1.1. Espace dans l'architectonique des fonctions symboliques d'Ernst CassirerCassirer inscrit la notion de l'espace dans son vaste champ philosophique, c'est-à-dire, dans le cadre général d'une philosophie des formes symboliques. Dans les formes symboliques, il y a la notion des fonctions symboliques. L'espace est inscrit dans l'architectonique générale des fonctions symboliques Cassirerienne. Il y a trois fonctions symboliques : la fonction symbolique de l'expression, la fonction symbolique de la représentation et la fonction symbolique de la signification. La fonction expressive est celle des représentations primitives ou spontanées de l'esprit. C'est encore la fonction du phénomène originaire (Urphänomen) et la forme prototype est le mythe. C'est ainsi qu'il y aussi l'espace mythique, celui des représentations spontanées. La fonction représentative est intermédiaire entre la fonction expressive et la fonction significative. Il y a le langage comme forme prototype. Raison pour laquelle Cassirer évoque l'espace langagier. En fin, la fonction significative est celle des sciences. C'est ici qu'il y a la conceptualisation et la symbolisation des sciences. C'est ainsi qu'il y a l'espace théorique des sciences que Cassirer a proposé d'appeler génériquement « espace théorique », parce que, c'est l'espace sous les multiples figures que les sciences ont pu théoriser durant leur longue histoire. Sous cette rubrique peuvent ainsi regroupés « l'espace physique et cosmologique de Newton, l'espace-temps de Minkowski l'espace-temps-matière des relativités d'Einstein, les espaces mathématiques d'Euclide, de Lobatchevsky, de Riemann, Hilbert »47(*). Alors, pourquoi Cassirer emploi-t-il l'expression « théorique » ? Parce que, l'espace théorique laisse de coté la question métaphysique de savoir si l'espace est idéale, formel ou réel en s'orientant dans la substance. Dans l'espace théorique, il s'agit d'une étude sur le rapport fonctionnel et relationnel des concepts. C'est ainsi, Cassirer procède de ce point vue, de façon exemplaire. « Il décèle dans la naissance des géométries non-euclidiennes un événement de grande portée, qui conduit la géométrie à abandonner l'unique langue dans laquelle elle s'était jusque-là exprimée pour devenir, au contraire une discipline polyglotte »48(*). Dans ce sens, l'approche fonctionnelle est une loi qui essaie d'associer tous les types d'espaces en écartant la conception métaphysique ou substantialiste. Cassirer pense que, ce que nous appelons l'espace n'est pas un objet particulier qui se représenterait médiatement à nous et se ferait reconnaitre par des signes quelconques. C'est bien plutôt un mode propre, un schématisme particulier de la « représentation elle-même »49(*). Pour Cassirer, c'est grâce à ce schématisme que la conscience va acquérir la possibilité d'une nouvelle orientation et qu'elle accède à une nouvelle direction du regard spirituel par laquelle, toutes les formes de la réalité objective, se trouvent elles aussi comme transfigurées à ses yeux. Eu égard à cette conception, nous disons que, Cassirer définit et aborde la question de l'espace dans la perspective kantienne (le schématisme). Disons que, ce changement qui s'opère à travers le schématisme, ne signifie pas « un passage réel de la simple qualité à la quantité, de l'intensif pur à l'extensif, de la sensation en soi non spatiale à la perception en quelque manière spacieuse »50(*). Cette approche présente un simple changement de signification, qui est intérieur à cette conscience, et grâce auquel seul est mise à jour la totalité du sens développé et implique en elle-même. Selon Cassirer, « l'espace est comme le milieu universel où la productivité de l'esprit peut enfin se fixer, parvenir à ses premiers produits et ses premières formes ».51(*) C'est le mythe et le langage qui se baignent dans un tel milieu et élaborent leur propre image. Mais, voyons comment la question de l'espace et du temps a occupé une place importante dans la construction du monde scientifique. * 47 B. BACHELET, O.c., p.43. * 48 E. CASSIRER, Le problème de la connaissance, t4, préface, p.v. * 49 E. CASSIRER, Philosophie des formes symboliques, t3, p.173. * 50 E.CASSIRER, O.c., p.172. * 51 E. CASSIRER, Philosophie des formes symboliques t3, p.174. |
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