3.4. Symptômes et formes cliniques
Puisque l'hyperthyroïdie de la maladie de Basedow est due
à des auto-Ac dirigés contre les auto-Ag de la thyroïde, la
maladie associe, donc, des signes de thyrotoxicose à des signes
liés à la dysimmunité ou à des signes
spécifiques de la maladie de Basedow. Cette dernière est alors
associée à des manifestations cliniques variées qui
peuvent atteindre n'importe quel système (page 42). Les
mécanismes expliquant ces manifestations ne sont pas complètement
connues mais doivent impliquer une augmentation de la sensibilité aux
catécholamines (Mallard, 2010 ; Stanley et Beare, 2005).
· Le syndrome de thyrotoxicose (ou
l'hyperthyroïdie) se manifeste par différents signes ou
troubles
- Signes
généraux :
. asthénie,
. amaigrissement (fonte de la masse musculaire et fonte
graisseuse) contrastant avec une augmentation de l'appétit,
. thermophobie accompagnée d'une main chaude et
moite lors de la pognée de main, et d'une hypersudation ;
- Troubles cardiovasculaires :
. tachycardie permanente,
. palpitations,
. troubles du rythme cardiaque,
. insuffisance cardiaque ;
- Troubles digestifs :
. diarrhée motrice par poussées ;
- Troubles neuromusculaire :
. tremblements diffus (principalement aux
extrémités, majorés par l'émotion),
. asthénie majorée à l'effort,
. troubles psychiques : nervosité,
irritabilité, agitation, anxiété, troubles de l'attention
et de l'humeur, état dépressif ou, au contraire, état
maniaque voire délirant (hallucination etc.) chez les sujets
âgés ;
- Troubles endocriniens :
. baisse de la libido,
. troubles de la menstruation,
. gynécomastie chez l'homme.
· Les signes liés à la
dysimmunité (Mallard, 2010)
- Un goitre :
. diffus,
. homogène,
. mobile,
. indolore,
. thrill vasculaire à la palpitation (sensation de
vibration),
. souffle systolique à l'auscultation,
. non compressif,
. sans adénopathie ;
- Une
ophtalmopathie :
. une exophtalmie bilatérale (yeux
exorbités) et symétrique permet de porter le diagnostic. Elle
s'accompagne de signes qui accentuent l'aspect tragique du regard :
. rétraction de la paupière
supérieure,
. fixité du regard,
. oedème palpébral,
. pigmentation palpébrale,
. oedème conjonctival ;
- Une dermopathie :
. un myxoedème prétibial (aspect peau
d'orange, peau dure et éventuellement brune) localisé à la
face antérieure des jambes ;
- Une acropathie
. épaississement des doigts et des orteils avec
hippocratisme digital et ostéoarthropathie.
Généralement, l'hyperthyroïdie se
caractérise par une tachycardie, un amaigrissement, une moiteur des
mains, une accélération du transit intestinal, une
nervosité et un tremblement des extrémités auxquels
s'ajoutent les signes spécifiques de la maladie comme un goitre, une
ophtalmopathie, une dermopathie (un myxoedème prétibial) et une
acropathie (Mallard, 2010).
Lors de l'excès d'HT, la peau, les poiles et les
phanères peuvent être affectés. En réalité,
le métabolisme augmente la production de chaleur et une vasodilatation
périphérique survient pour dissiper la chaleur excessive ce qui
donne une peau chaude, moite et une augmentation de la transpiration. Les mains
sont généralement moites et rouges. Le teint est habituellement
rose et le patient rougit facilement. Les HT en excès entrainent une
augmentation de la synthèse et de la dégradation des
protéines et des lipides. La dégradation dépasse,
cependant, la synthèse, c'est pourquoi les patients
hyperthyroïdiens peuvent avoir une peau et des cheveux fins et signaler
que leurs cheveux ne restent pas bouclés (Stanley et Beare
,2005).
Avec l'excès d'HT, la synthèse et la
dégradation des protéines augmentent. La dégradation est
plus importante que la synthèse, ce qui entraine une faiblesse et une
fatigabilité au niveau des muscles. La faiblesse est habituellement plus
importante dans les muscles proximaux des membres, et le patient éprouve
des difficultés pour monter les escaliers ou pour maintenir les jambes
étendues. Dans certains cas, la fonte musculaire, en particulier dans
les endroits proximaux, est hors de proportion avec la perte globale de poids.
Cette dégradation des protéines, affectes également les
muscles respiratoires, entraine une dégradation musculaire et par la
suite une faiblesse de ceux-ci amenant une diminution de la capacité
vitale. De plus, comme la demande métabolique est augmentée, les
besoins en oxygène augmentent aussi que la nécessité de
dissiper l'excès de gaz carbonique. Ceci entraine une augmentation de la
fréquence respiratoire et une sensation de dyspnée (Stanley
et Beare ,2005).
La modification la plus caractéristique de
l'hyperthyroïdie est remarquée au niveau du système
cardiovasculaire, en particulier chez les personnes âgées. Etant
donné l'hypermétabolisme, la demande circulatoire pour dissiper
l'excès de chaleur produite augmente. Le volume d'éjection et la
fréquence cardiaque sont tous deux augmentés, ce qui entraine une
augmentation du débit cardiaque. L'augmentation de la demande
métabolique et les effets directes des HT sont responsables d'une
tachycardie même au repos. Les effets adrénergiques des
HT sur le coeur entrainent une augmentation de la force de contraction, ce qui
amène une augmentation de la pression sanguine et des plaintes
cardiaques, et parfois un frottement systolique (Stanley et Beare
,200
Etant donné les modifications du métabolisme des
protéines, les muscles papillaires peuvent subir des altérations
qui entrainent un prolapsus de la valve mitrale. De toutes ces modifications,
les troubles du rythme cardiaque sont les plus fréquents. La tachycardie
paroxystique supraventriculaire et la fibrillaion auriculaire sont des
manifestations habituelles. Suite à l'augmentation du métabolisme
et la sensibilité cardiaque aux catécholamines, le patient
âgé peut ne pas avoir assez de réserve pour supporter ces
troubles du rythme : Une décompensation cardiaque congestive peut
survenir. La réponse aux digitaliques, des classes thérapeutiques
de médicaments utilisés en cardiologie, est diminuée
étant donné que l'excès d'HT accélère la
métabolisation de ce médicament. Et, comme la dégradation
des protéines excède la synthèse, la
protéinémie peut diminuer entrainant une augmentation de la
fragilité capillaire qui serait responsable de pétéchies
et d'ecchymoses (Stanley et Beare ,2005).
Le système gastro-intestinal peut à son tour
être affecté ; l'accélération du
métabolisme ainsi que la dégradation des protéines et des
lipides entrainent une augmentation de l'appétit et de la consommation
des aliments chez la plupart des personnes âgées
présentants une hyperthyroïdie. Cette prise calorique plus
importante peut, malgré tout, être inadéquate et le patient
peut perdre du poids. En effet, un autre facteur contributif intervient sous
forme d'une augmentation de la motilité gastro-intestinale, ce qui
diminue l'absorption des nutriments. Bien qu'une augmentation de
l'appétit chez les personnes âgées hyperthyroïdiennes
soit très fréquente, l'anorexie survient chez environ 1/3 de ces
personnes. Par un mécanisme inconnu, la vidange gastrique rapide et
l'hypermotilité sont fréquentes, ce qui entraine des selles
abondantes et peu formées. Dans certains cas, l'hypermotilité
entraine une légère malabsorption des lipides (Stanley et
Beare ,2005).
Le système nerveux peut également être
touché, les patients ressentent fréquemment, en effet, de la
nervosité, une labilité émotionnelle (qui est
habituellement évidente), de l'hyperkinésie et de la fatigue.
Les mécanismes responsables des modifications dans le système
nerveux n'ont pas encore été élucidés mais peuvent
se manifester par une augmentation de l'activité adrénergique.
La personne âgée peut présenter de l'agitation qui se
traduit par de faibles capacités d'attention et un besoin constant de
bouger (Stanley et Beare ,2005).
Lors de l'hyperthyroïdie, des quantités plus
importantes de calcium et de phosphore sont excrétées dans les
urines et dans les selles. L'organisme répond en libérant plus
d'hormones parathyroïdiennes qui extraient le calcium des os pour
normaliser la calcémie. Cela peut entrainer une
déminéralisation des os et des fractures pathologiques, en
particulier chez les femmes âgées (Stanley et Beare
,2005).
Les personnes âgées présentant une
hyperthyroïdie semblent souvent avoir un regard brillant. Il y a une
rétraction de la paupière supérieure comme le prouve la
présence d'un bord de sclérotique entre la paupière et le
limbe. Il y a aussi une asynergie de la paupière, le déplacement
de la paupière supérieure est en regard sur celui du globe
oculaire quand le patient regarde vers le bas, ainsi qu'une asynergie du globe
oculaire dans laquelle le déplacement du globe est en retard sur celui
de la paupière supérieure quand le patient regarde lentement vers
le haut. Les mouvements des paupières sont vifs, et il peut y avoir un
léger tremblement quand les paupières sont closes. Ces signes et
symptômes sont probablement reliés à une augmentation de
l'activité adrénergique (Stanley et Beare ,2005).
Une manifestation majeure de la maladie de Basedow est
l'ophtalmopathie infiltrative entrainant une exophtalmie qui
résulte d'un épaississement des muscles oculomoteurs (dû
à une infiltration des muscles extraoculaires par des cellules
mononuclées) et d'une hypertrophie du tissu adipeux orbitaire, avec
dépôts de glycosaminoglycanes (GAG), entrainant une protrusion de
l'oeil. L'accumulation des GAG (dérivant de fibroblastes orbitaires)
accentue la rétention liquidienne réduisant de ce fait l'espace
libre à l'intérieur de la cavité orbitaire (Stanley
et Beare ,2005).
Le patient peut ressentir des symptômes précoces
qui sont : l'irritation des yeux et le larmoiement excessif avec une
injection conjonctivale. Le patient peut dormir avec les yeux partiellement
ouverts, ce qui dessèche la cornée et entraine des
ulcérations ou des infections cornéennes. L'exophtalmie survient
bilatéralement mais est habituellement asymétrique. Etant
donné l'infiltration des muscles extraoculaires, le patient
éprouve des difficultés à atteindre et maintenir la
convergence, ce qui entraine des problèmes de mise au point et de
diplopie (Stanley et Beare ,2005).
Les signes oculaires de la maladie de Basedow peuvent
aller de la simple rétraction palpébral, qui peut
s'intégrer aussi bien dans les signes d'hyperadrénergie
(présents dans n'importe quelle forme d'hyperthyroïdie) que dans
l'ophtalmopathie vraie, à l'exophtalmie maligne. Dans l'ophtalmopathie
vraie, la rétraction palpébrale est souvent associée
à l'asynergie oculopalpébrale (Gurnell, 2009 ; Gorochov
et Papo, 2000). Les muscles oculomoteurs, en fait, sont le siège
d'un chémosis.
Enfin, il arrive que le nerf optique lui-même souffre
par compression au pole postérieur de l'orbite par les muscles
hypertrophiés. L'atteinte de la cornée et/ou du nerf optique
s'intègrent dans l'ophtalmopathie maligne avec un risque majeur de
cécité par atteinte ischémique du nerf optique, ou
perforation cornéenne, voire fonte purulente de l'oeil. Les formes les
plus graves résultent souvent de la conjonction des
phénomènes inflammatoires vrais et de phénomènes de
compression et de congestion vasculaire dans l'orbite (Gorochov et Papo,
2000).
Une autre forme typique de la maladie de Basedow est le
myxoedème prétibial lequel est beaucoup plus rare et
toujours associé à une ophtalmopathie basedowienne. Il s'agit
d'une infiltration de la face antérieure de la jambe, dans sa forme la
plus limitée, et d'un épaississement de la peau et du tissu
sous-cutané, avec dilatation des pores desquels saillent des poils
épais (aspect de peau de cochon). On peut noter un aspect
légèrement inflammatoire, chaud et rosé. Dans sa forme la
plus sévère, très rare, l'infiltration devient majeure
réalisant un aspect d'oedème sur éléphantiasique
très invalidant. Cette infiltration correspond à un
dépôt de GAG, comme dans l'ophtalmopathie basedowienne. Une
infiltration lymphoïde a été décrite, beaucoup plus
modeste et semble-t-il uniquement dans les stades initiaux de la maladie
(Gorochov et Papo, 2000).
Une acropathie, même si elle est
exceptionnelle, peut également apparaître. Elle est toujours
associée à une ophtalmopathie et un myxoedème
prétibial. Les doigts sont déformés en baguette de tambour
et les ongles s'arrondissent. C'est une périostite de
l'extrémité inférieure du radius (Gorochov et Papo,
2000).
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