b) Le «privacy paradox» et le «privacy
calculus»
Malgré tous les dangers évoqués
précédemment, certains internautes aiment ce média pour la
collecte de données puisqu'ils estiment avoir plus de libertés de
choix grâce à l'absence directe de l'interlocuteur qui n'est donc
pas là pour les influencer. De plus pour eux, les questionnaires sont
plus faciles et plus rapides à remplir. Mais ces personnes sont de plus
en plus rares, pour laisser place à des personnes soucieuses.
Heureusement pour les entreprises que les personnes sensibles et
préoccupées par leurs données acceptent parfois de donner
sans motif leurs informations personnelles, c'est le «privacy
paradox».
Avec l'arrivée du web 2.0, ce terme a pris une toute autre
dimension puisque les réseaux sociaux sont un exemple pur de
«privacy paradox» où le principe de base est de se
dévoiler afin d'avoir de la visibilité. De plus, les individus
devenus consomm'acteurs ont la volonté de se faire entendre.
Par ailleurs, l'incertitude contribue aussi à ce
phénomène puisqu'elle amène des comportements paradoxaux.
Soit parce que les individus n'ont pas toutes les informations et sont
obligés d'arbitrer au cas par cas ou soit car une fois connectés,
ils n'hésitent pas à se dévoiler.
Mais, nous nous devons de prendre chaque étude avec des
pincettes puisque selon les observateurs, les internautes
révèlent beaucoup plus d'informations qu'ils ne veulent le dire.
«Ces contradictions et ce décalage entre ce que les individus
pensent (leurs opinions), ce qu'ils disent faire (leurs déclarations) et
ce qu'ils font dans la
réalité» (Lancelot Miltgen, 2009). Tout cela
nous montre à quel point les individus soucieux de leur vie
privée arbitrent au cas par cas et tout peut influencer leur
décision de façon positive ou négative. Néanmoins,
ils sont soucieux, sensibles et ils savent qu'ils peuvent prendre des mesures
vis à vis de leurs informations personnelles mais pourtant ils
s'abstiennent de le faire («control paradox»). Le manque de temps et
le scepticisme sont les deux principales raisons qui font qu'ils n'utilisent
pas ces moyens. Pourtant la plupart d'entre-eux sont prêts à
reconnaitre que si la relation entre le demandeur d'information et le donneur
est aussi déséquilibrée, c'est de la faute des deux. Car
ils estiment que la responsabilité de l'usage des données est
partagée entre l'individu et l'entreprise.
Nous avons aussi étudié, les informations (mail,
nom, adresse, code postal, téléphone, Date de naissance) que les
internautes veulent bien donner lors de la création d'un compte. On voit
très clairement que le mail, est l'information la moins privée ou
du moins
18
la plus publique pour eux. Dans tous les cas, plus de 90% des
répondants donnent leur mail, sauf quand il faut laisser un commentaire
où ils ne sont que 80% ou pour participer à un forum où
ils sont à 89% d'accords. Cependant dans cette étude, à
part le mail, les répondants ne souhaitent pas donner plus
d'informations sur eux. En effet, c'est seulement quand il faut postuler
à une offre de stage ou d'emploi qu'ils souhaitent donner toutes ces
informations, à savoir leur mail (98%), leur nom (86%), leur adresse
(65%), leur code postal (64%), leur téléphone (73%), et leur date
de naissance (65%). Sinon, il n'y a que l'achat de produit qui permet de donner
en plus du mail (92%), le nom (68%) et le code postal (54%). Néanmoins,
le téléphone et l'adresse, sont les informations les plus
difficiles à donner pour les utilisateurs 18/25 ans car ils obtiennent
les plus mauvais pourcentages à chaque fois. Ainsi lorsqu'il faut donner
ces données pour laisser un commentaire, obtenir une application
gratuite, participer à un forum, obtenir une newsletter, et
découvrir les produits/services, ils ne sont même pas 10% à
donner leur numéro de téléphone ou leur adresse
postale.
Cependant les personnes soucieuses de leurs données sont
prêtes à se dévoiler à condition d'en tirer des
bénéfices. Les internautes sont pour la plupart informés
des pratiques des entreprises et surtout de l'importance de ces données
pour elles. En outre les internautes n'hésitent plus à calculer
les avantages qu'ils peuvent en tirer (Çprivacy calculus»). En
effet certaines personnes ne se dévoilent que si les avantages sont plus
importants que les risques. Donc pour certains la valeur perçue de
l'échange est primordiale (différence entre ce qui est
perçu et ce qui est donné). Donc il est important pour les
entreprises de bien comprendre les perceptions des individus car ce qui peut
être bénéfique pour l'entreprise ne l'est peut être
pas pour l'individu. Plus la valeur perçue de l'échange est
importante et plus les individus se dévoilent. Même les plus
soucieux acceptent parfois, s'il y a un réel intérêt
à le faire. C'est la raison pour laquelle nous avons
décidé de demander aux 18/25 ans les bénéfices
qu'ils souhaitent avoir. On voit dans cette étude qu'il n'y a pas de
bénéfice vraiment plus important que d'autre à part le
service personnalisé avec 33% d'avis favorable. Pour le reste, on voit
que c'est un jugement plutôt subjectif, ainsi après le service
personnalisé se positionnent les facilités de paiement (20%),
puis le bon de réduction (16%), et le bon cadeau (15%). Il faut noter
que 17% sont prêts à fournir pour une autre raison que les quatre
évoquées. Sur ces 17%, 89% ont précisé la raison,
ainsi 37% (17 répondants) disent qu'ils ne donnent sous aucune condition
leurs données personnelles, 35% le feront pour une offre de stage ou
d'emploi. De nombreux travaux en plus de cette étude nous montrent que
les individus sont plus facilement enclins à donner leurs informations
personnelles en échange d'avantages. Il est très important de
noter que pour certains internautes le dévoilement est un divertissement
alors que pour d'autres c'est l'occasion de profiter d'avantages diverses.
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