Section 2 Gestion actif-passif
La gestion actif-passif existe ailleurs que dans l'assurance.
Les institutions financières sont confrontées, à divers
degrés, aux risques de fluctuation des marchés.
Particulièrement les banques ont créé depuis longue date
des départements de gestion actif-passif.
La similarité entre l'activité bancaire et
l'activité d'assureur a la particularité de l'inversion du cycle
de production. En raison de cette similarité, les outils de
contrôle des risques utilisés par les banques peuvent souvent
être adaptés aux assurances.
La profession bancaire disposant d'une certaine
préexistence dans l'analyse des risques de bilan, les assureurs se sont
souvent inspirés de ses méthodes.
La problématique des investisseurs institutionnels que
sont les sociétés d'assurance, diffère pourtant de celle
des banquiers sur plusieurs points importants :
> Le passif des assureurs vie est principalement
composé d'engagements contractuels. Ces engagements conduisent à
ce que le passif moyen ou long terme d'un assureur évolue plus lentement
que celui d'un banquier qui peut modifier, quasiment de manière
instantanée, la structure de son passif en recourant à des
instruments financiers à terme.
> Le passif des assureurs vie est particulièrement
homogène et long. L'homogénéité du passif est un
handicap, car elle conduit à une concentration de certains risques.
Par ailleurs, les règles comptables et fiscales de
l'assurance freinent la gestion active des valeurs mobilières,
particulièrement des obligations détenues en direct, qui
représentent la majorité des placements des assureurs vie. Les
outils de la gestion actif-passif en assurance vie sont donc spécifiques
de cette activité et diffèrent des outils bancaires, même
s'ils en sont souvent inspirés. Il est possible de les classer,
approximativement, en trois générations de sophistication
croissante, tout en gardant à l'esprit les points suivants :
> une génération n'en remplace pas une autre,
mais vient compléter la palette opérationnelle des analystes
actif-passif
> certains modèles opérationnels ont des
caractéristiques mixtes entre deux ou trois générations
31
Chapitre II : Réassurance & Gestion
actif-passif
> certains modèles sont intégrés dans
des outils actuariels classiques, dont ils constituent des modules
complémentaires
> au sein d'une même génération
d'outils, le stade de développement, l'intégration des
différents types d'actifs et de passifs et le caractère
opérationnel peuvent être très inégaux d'un
modèle à un autre.
Les outils de 1re génération, sont
directement inspirés des premiers outils bancaires de contrôle des
risques de taux et de liquidité. Ils ont pour base la projection et la
comparaison des flux financiers à l'actif et au passif. Ces projections
sont généralement effectuées sur une base statique,
c'est-à-dire à partir des stocks d'actifs et de passifs
arrêtés à une date donnée, sans tenir compte de la
production et des investissements ultérieurs.
Les outils de 2e génération, sont des
modèles de simulation de bilan. Ces modèles permettent la
projection des résultats financiers et comptables, et de
l'évolution du bilan, en fonction d'un jeu d'hypothèses
détaillées fixées par l'utilisateur. Ces jeux
d'hypothèses, dénommés scénarii, portent tant sur
l'environnement économique et financier que sur la production et le
comportement des clients.
Les modèles actifs passifs déterministes peuvent
être plus ou moins complets et détaillés. Dans leur plus
grande généralité, ils permettent, de projeter l'ensemble
du bilan dans une approche dynamique, c'est-à-dire en tenant compte de
la production future, de simuler l'interaction active passive et les provisions
mathématiques, et de tester différentes politiques
financières.
L'usage principal des modèles déterministes est
la projection des résultats dans une optique budgétaire, mais
aussi le stress testing, ou test de résistance du bilan
à des conditions financières adverses. A signaler que le stress
testing est un sujet d'actualité dans la zone euro, eu égard aux
crises d'endettement de certains pays (la Grèce, l'Espagne...).
Par rapport aux outils de première
génération, la recherche ne porte plus sur l'indicateur unique du
risque de taux, mais sur un éventail beaucoup plus vaste de risques
d'actif-passif.
Les outils de 3e génération, sont les
modèles stochastiques. Ils utilisent des techniques de simulation
semblables à celles des modèles déterministes, mais ou les
scénarios économiques et financiers ne sont plus directement
déterminés par l'utilisateur. Le modèle
génère lui-même un grand nombre de scénarios
aléatoires, et calcule les résultats sur l'ensemble des
scénarios. Le principe de base de ces tirages, dite méthode
de Monte-Carlo, est de considérer les scénarios tirés
aléatoirement comme équiprobables.
On peut calculer ensuite, pas à pas, des
résultats moyens espérés, des intervalles de confiance et
mesurer la dispersion des résultats. Différents indicateurs de
risque, tels que la probabilité que le résultat d'exploitation
soit inférieur à un certain seuil, peuvent être obtenus. Il
existe également pour ces modèles, de nombreux degrés de
développement,
32
Chapitre II : Réassurance & Gestion
actif-passif
notamment en matière de description des
scénarios financiers. Les méthodes de tirage aléatoire
peuvent être très variées, des plus simples aux plus
sophistiquées.
Les méthodes d'optimisation ne peuvent être
utilisées avec profit que si les scénarios financiers
stochastiques utilisés sont raisonnablement représentatifs des
risques moyen et long terme.
1 Outil de 1re génération (l'analyse des flux
de trésorerie)
Les outils de 1re génération se
fondent exclusivement sur la projection et la comparaison des flux de
trésorerie (cash-flows) générés par les actifs
financiers d'une part, et par les engagements d'assurance d'autre part. La
comparaison directe de ces flux sous forme de séries annuelles ou
mensuelles, fait apparaître des excédents ou des insuffisances de
trésorerie dites impasses de trésorerie. Dans l'activité
bancaire traditionnelle c'est-à-dire le crédit, ces
excédents doivent être placés et ces insuffisances doivent
être comblées en recourant au marché interbancaire ou
à d'autres marchés. Dans les deux cas, le résultat
d'exploitation se révèle étroitement dépendant de
l'évolution des taux.
Dans le secteur de l'assurance, la situation est un peu plus
complexe, mais on peut assimiler le coût des engagements (les taux servis
à la clientèle) au coût des ressources bancaires, et
symétriquement, assimiler les revenus du portefeuille financier au taux
de rendement des emplois bancaires.
Au-delà de la comparaison des cash-flows issus de
l'actif et du passif, il est possible de calculer séparément la
valeur actuelle de chacune des séries et de comparer ces valeurs par la
méthode de la valeur actuelle nette.
En particulier l'examen de la sensibilité de ces deux
valeurs par rapport à l'évolution des taux permet de tirer des
conclusions sur les risques de taux encourus par l'assureur. Les outils de
1re génération présentent cependant des limites
du fait qu'ils ne traitent que du risque lié aux variations des taux
d'intérêt.
1.1 Projection des flux de trésorerie
On distingue deux approches pour le calcul des flux de
trésorerie : a) L'approche statique
Elle consiste à effectuer les projections de cash-flows
à partir des stocks d'actifs et de passifs arrêtés à
une certaine date, sans prendre en compte aucune opération créant
ultérieurement de nouveaux passifs.
b) L'approche dynamique
Elle consiste à projeter la totalité des
cash-flows issus des actifs et passifs présents à la date de
l'étude, ou constitués ultérieurement en fonction
d'hypothèses sur l'activité future de la
société.
33
Chapitre II : Réassurance & Gestion
actif-passif
Les outils de 1re génération se
limitent généralement à l'analyse statique, en effet
celle-ci est beaucoup plus simple, précisément parce qu'elle
dispense d'effectuer des hypothèses sur l'activité future. Il est
d'ailleurs possible de limiter la recherche de l'adéquation actif-passif
aux seuls stocks existants, à condition toutefois de veiller à
maintenir cette adéquation pour les futurs contrats.
c) Projection des flux de
l'actif
Concrètement, la projection des cash-flows de l'actif
consiste à additionner par période, pour l'ensemble du
portefeuille financier, les éléments de revenus futurs
(intérêts, loyers, dividendes, coupons) et les
éléments d'amortissement des obligations (remboursements au
terme). Seuls comptent les cash-flows, c'est-à-dire les revenus ou
remboursements échus et encaissés.
d) Projection des flux du
passif
Pour garantir leurs engagements envers les assurés, les
compagnies d'assurances doivent gérer leurs passifs à
l'intérieur d'un cadre prudentiel strict. La réglementation
impose en effet toute une série de provisions dont les mécanismes
de constitution s'avèrent particulièrement complexes, d'où
la nécessité d'établir des projections. Ces
dernières reposent sur deux piliers, essentielle à savoir :
> le taux minimum garanti
> la durée du contrat
> le coefficient de participation aux bénéfices
financiers > le comportement du client (rachat anticipé,
prorogation)
Les caractéristiques du contrat, sont en principe
connues de l'assureur, par contre le comportement du client l'est moins.
L'élaboration de ces statistiques demeure néanmoins indispensable
à toutes les phases ultérieures à l'analyse du passive,
ainsi qu'au calcul des différentes provisions. Les données
statistiques sont essentiellement constituées par :
> la table mortalité qui reflète la
mortalité observée de la population des assurés > la
cadence des règlements.
|