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Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

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par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

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Péchés de bouche : bavarde et menteuse.

La femme est appelée à garder le silence car sa parole est considérée comme nécessairement vaine. Elle ne semble en effet capable que d'un bavardage futile qui la mène souvent à la calomnie voire au mensonge. Nous allons voir comment sont étudiés ces péchés par Benedicti et sur quels modèles s'appuie ce dernier pour démontrer le danger qu'il y a à ne pas tenir sa langue.

Le franciscain relate l'histoire qu'un « sainct Pere » a écrit à propos « d'vne femme chaste toutesfois, mais par trop addonnee au cacquet, laquelle apres sa mort fut apperceuë du Secretain836 [sic] de l'Eglise, couppee d'vne scie par le milieu du corps. Il refere encore le mesme d'vne ieune fille nommee Muse, qui fut punie aussi pour ce mesme vice, auquel le sexe feminin est communeme[n]t plus subiet que le masculin. Ces pauures femmes ne faisoient conscience des petits pechez au commenceme[n]t, lesquels finalement vinrent à grande consequence »837. Les préjugés sur la nature bavarde des femmes sont ici présents. Verena Aebischer affirme que le bavardage était considéré comme une oeuvre du diable838. Puisque les femmes sont plus susceptibles d'être tentées par le diable dans les mentalités du XVIe siècle, nous pouvons y voir une explication à ce préjugé. L'image de la femme coupée en deux peut renvoyer aux deux tranchants du langage. En effet, Benedicti reprend à son compte les affirmations du « sage Hierosolymitain839 Sidrach » qui aurait dit : « La langue double a dechassé plusieurs femmes de vertu, & les a priuees de leurs labeurs »840. La langue double est celle qui « porte l'amer avec le doux, & le venin auec le miel »841. L'homme qui entre dans le jeu du bavardage avec une femme « se destourne de la co[n]te[m]plation des choses celestes, & finalement tombe en enfer »842. Cela peut se comprendre en étudiant la croyance selon laquelle « le bavardage provoque la dissipation de l'intériorité : celui qui parle beaucoup se disperse dans une multiplicité de communications avec le monde et n'est plus capable de revenir à la vraie connaissance, qui est purement intérieure »843. La femme, bavarde par essence, peut donc difficilement se voir accorder un caractère raisonnable puisqu'elle peine à se recentrer sur elle-même dans le silence.

836Il s'agit peut-être ici d'une erreur de l'imprimeur ou d'une faute de Benedicti qui parle sûrement du « sacristain », personne

chargée de l'entretien de l'église et des objets liturgiques.

837Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.552.

838Verena AEBISCHER, Les femmes et le langage : représentations sociales d'une différence, Paris, PUF, 1985 (coll. Sociologie

d'aujourd'hui), p.19.

839Hierosolymitain signifie, « qui vient de Jérusalem ».

840Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.529.

841Ibid., p.528.

842Ibid., p.347.

843Carla CASAGRANDE, Silvana VECCHIO, Les péchés de la langue, Paris, Éditions du Cerf, 1991, p.292.

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Il faut souligner aussi qu'en « s'abandonnant au flux des mots, on en arrive à dire des paroles oiseuses et que de là on passe inévitablement aux propos nuisibles. Lorsqu'on parle beaucoup, on parle des faits concernant autrui, on tombe dans la calomnie, on en arrive même aux injures »844. C'est ce que reproche Benedicti aux femmes quand il raconte l'histoire d'une femme « qui esta[n]t extremement ialouse de son mary, dit que sa voisine est mauuaise femme, en la diffama[n]t sans aucun suffisant fondement »845. La calomnie est ici le fruit de la jalousie, mais elle est permise par les bavardages féminins qui entraînent cette diffamation. Les femmes sont tellement bavardes qu'elles révèlent le contenu de leur confession et cherchent à se faire révéler celle des autres. Elles usent de ruses pour cela rappelle Benedicti qui fait le tableau de ces « femmes assez malignes, qui vous diront, I'ay esté à confesse à vn tel, lequel dit cecy & cela, ou m'a interrogee des choses que iamais ie n'auoye ouyes, &c »846. La calomnie est personnifiée sous la figure d'une femme « laquelle demo[n]trant vn courroux furieux, traine de sa main dextre vn pauure ieune garçon, qui te[n]d les bras au ciel, implorant l'ayde des dieux, & en sa main senestre elle tient vne torche ardente »847. La scène se poursuit présentant « deux chambrieres qui viennent apres, qui sont fallace848 & astuce »849. Ce sont donc les femmes qui représentent le mieux ces défauts selon les hommes de l'époque. Benedicti explique que le diable se mêle de porter le désordre par le biais des femmes. Il raconte « qu'vne fois le diable voyant qu'il n'auoit peu [sic] mettre debat entre vn mary & sa femme, qui auoie[n]t demeuré l'espace de trente ans ensemble en bonne paix, s'addressa à vne vieille maquerelle, laquelle paracheua ce qu'il n'auoit peu [sic] faire. Et ente[n]dez comment. Cest instrument de Lucifer rapporta au mary que sa femme ne luy estoit pas fidele, & puis va rapporter tout le mesme à la femme, luy disant que son mary en aymoit vne autre qu'elle. Or le soir estant venu, le mary comme[n]ce à regarder sa femme d'vn mauuais oeil, & la femme aussi le mary : de sorte qu'ils demeurere[n]t quelque temps sans auoir vne belle parole l'vn de l'autre. Finalement la vieille voyant ceste pauure femme triste, luy conseilla de mettre vn cousteau auec de l'eau beniste sous le coussin de son mary, luy faisant a croire qu'apres qu'il auroit dormy dessus qu'il l'aymeroit pl[us] que iamais. Ce qu'aya[n]t esté fait par la femme simple & trop credule, ceste vieille (ô mescha[n]t organe du diable !) s'en va dire au mary que sa femme machinoit sa mort : & qu'ainsi fust, qu'elle auoit à

844Ibid., p.293.

845Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.664.

846Ibid., p.679.

847Ibid., p.532.

848Fallace signifie « tromperie, fausseté ».

849Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.532.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

ceste fin caché vn cousteau sous son oreiller pour le tuer auec de l'eau beniste pour l'enterrer. Qu'arriua-il ? Le mary y va voir, lequel trouuant le fait verifié, prend le cousteau & en couppa la gorge à sa propre femme. De ce crime si detestable le mesme diable en eut horreur : car il dist par apres à ceste vieille, retire toy maqurelle, car tu es plus mescha[n]te que moy »850. Ainsi, la calomnie, fille de bavardage, pousse elle-même à de grands péchés. Elle est instillée en l'esprit des femmes par le diable lui-même mais ce dernier semble ici sous-estimer la méchanceté de la femme prise dans l'engrenage d'une parole futile.

La femme qui ne garde pas le silence est aussi amenée à mentir. Le mensonge est « une parole dont le sens est faux [...], prononcée dans l'intention de tromper »851. Introduit par le diable sous la forme du serpent, le mensonge est lié à la chute des Hommes du Paradis et à une nature diabolique. De même que pour le bavardage, ce lien avec le diable semble avoir permis d'attribuer le mensonge plus facilement aux femmes qu'aux hommes ce qu'exprime Benedicti lorsqu'il dit de certaines femmes qu'elles « mentirent voirement852, aussi le naturel du sexe le porte ». La femme qui bavarde au lieu de garder le silence se met en danger de mentir lorsque quelqu'un vante sa virginité, qu'elle a perdue. Aussi pèche la « femme impudique, qui se vante d'estre chaste & s'appelle femme de bien : & la fille de sa virginité qu'elle a perdu »853. Benedicti ne leur demande pas de s'accuser mais « si on les loüe de chasteté & continence, elles ne doiue[n]t ne approuuer ne reprouuer ce qu'o[n] dit, ains dissimuler baissans la teste sans faire sembla[n]t de rien, & penser en leur coeurs, qu'elles ne merite[n]t pas telles loüanges »854. S'abstenir de bavarder les empêcherait de se trouver dans ces situations. Rien ne justifie un mensonge, pas même sauver une vie comme le montre l'exemple du « pasteur de brebis qui mentit à Dioscorus payen, qui cherchoit sa propre fille saincte Barbe855 pour la tuer »856 et qui offense par là véniellement. En effet, selon Benedicti, « il est plus licite de laisser tuer mil hommes, voire soy-mesme que de mentir vne seule fois »857. Si mentir est si grave, c'est que, depuis Augustin, « [l]'identification Dieu-Verbe-Vérité et le mystère de l'incarnation du Verbe divin [...] définissent [...] le

850Ibid., p.554.

851Carla CASAGRANDE, Silvana VECCHIO, op. cit. [note n°843], p.193.

852Voirement signifie « assurément, véritablement ».

853Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.245.

854Ibid., p.245.

855Barbe, fille de Dioscore, est persécutée par ce dernier pour ses convictions chrétiennes. Nous n'avons pas trouvé de récit

faisant mention du mensonge du berger. Certains textes ne le mentionnent pas, d'autres font plutôt état de sa délation auprès de

Dioscore, après qu'il ait découvert la cachette de Barbe, tentant d'échapper à son père.

856Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.542.

857Ibid., p.542.

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caractère théologiquement central de la vérité comme valeur »858. Tout mensonge est un affront à la Vérité que Dieu a voulu offrir à nouveau aux humains en envoyant sur Terre l'incarnation de son Verbe.

Néanmoins, le mensonge a une place ambivalente dans la Bible. Benedicti rappelle ces cas où le mensonge n'a pas été châtié par Dieu, voire a été récompensé : « On allegue Abraham qui dist sa femme estre sa soeur, Isaac qui dist le mesme de la sienne, de Iacob859 qui trompa son pere et son frere, se disant estre Esau, des Sages femmes d'AEgypte qui mentirent au Roy Pharaon, pour sauuer les petits enfans d'Israël, de Ioseph qui vsa de dissimulation à l'endroit de ses freres, de Raab, de Rachel, de Iudith, de Michol qui mentirent bel & bien [...] »860. Benedicti continue la liste des mensonges racontés dans la Bible. Il défend que certains ont plutôt « celé la vérité » que menti. Par exemple, « Abraham disant que Sara estoit sa soeur, il ne mentit pas : car elle estoit sa niepce, laquelle selon le langage du pays s'appelloit soeur »861. Cela est un péché aussi, mais moins important. Néanmoins, il affirme : « Et quant est de Rachel862, des Sages femmes d'AEgypte863, de Raab864, de Thamar865 & de Michol866, elles mentirent voirement [...]. Et de Iudith867 il n'y a point de doutte qu'elle ne pechast venielement (d'autres osent bien dire d'auantage) lors qu'elle mentit aux Assyriens, & trompa Holofernes. Et pourquoy donc est-ce, me direz-vous, que l'Escriture la loüe, elle & les autres qui ont menty pour vn bien ? Ie respons qu'elle les loue du bon desir, & affection qu'elles ont eu à leur patrie, à l'honneur de Dieu & au profit de leur prochain : mais non pas de la menterie qu'elles ont commise, laquelle comme dit est, ne se peut aucunement dispenser ne tourner en bien »868.

858Carla CASAGRANDE, Silvana VECCHIO, op. cit. [note n°843], p.190.

859Jacob, malgré son mensonge, soutenu par la complicité de sa mère, eut une longue descendance et acquit de nombreuses richesses. Il ne fut nullement puni d'avoir usurpé l'identité de son frère Esaü afin d'obtenir le droit d'aînesse. Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Genèse, 27.

860Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.543.

861Ibid., p.543.

862Rachel, qui s'enfuit avec son époux Jacob, dérobe les idoles de son père Laban. Ce dernier vient les chercher. Rachel les cache alors « dans le palanquin du chameau » et s'assoit dessus. Elle trompe son père en lui disant : « Que Monseigneur ne voie pas avec colère que je ne puisse me lever en ta présence, car j'ai ce qui est coutumier aux femmes ». Laban repart sans avoir trouvé ses idoles. Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Genèse, 31, 34-35.

863Deux sages-femmes ont ordre de tuer tous les nouveaux-nés mâles. Elles ne s'exécutent pas et disent au Pharaon : « Les femmes des Hébreux ne ressemblent pas aux Égyptiennes. Elles sont vigoureuses. Avant que l'accoucheuse n'arrive auprès d'elle, elles se sont délivrées ». Le texte biblique dit qu'elles furent favorisées. Ibid., Exode, 1, 19-20.

864Rahab cache des espions israélites dans sa maison et ment aux soldats venus les chercher affirmant qu'ils sont déjà partis de chez elle. Elle est la seule, avec sa famille, à échapper à la destruction de la ville de Jéricho, grâce à la protection accordée par les espions. Ibid., Josué, 2.

865Thamar couche par ruse (elle se déguise en prostituée) avec son beau-père, Juda, qui avait refusé de lui donner un nouveau mari, ce qu'il aurait dû faire selon la loi hébraïque. Néanmoins, elle est pardonnée et donne naissance à des jumeaux. Ibid., Genèse, 38.

866Mikal tombe amoureuse de David et devient son épouse. Mais son père, Saül, veut sa mort. Elle prévient alors son mari qui prend la fuite et ment aux soldats qui viennent le chercher pour le tuer en prétextant qu'il est malade. Ibid., I Samuel, 19, 10-17. 867Judith, afin de défendre sa cité, se fait passée pour une traîtresse auprès d'Holopherne, général des troupes ennemies, le séduit et le tue pendant son sommeil. Elle est louée par la Bible. Ibid., Judith.

868Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.544.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

Il ne faut donc pas suivre ces modèles et penser plutôt aux femmes qui furent durement punies pour avoir commis un péché de bouche. Les femmes qui mentent doivent avoir à l'esprit l'exemple de Salomon qui « cognut à laquelle des deux meres appartenoit l'enfant »869. Dans cette histoire, deux femmes disent au roi être la mère d'un enfant. Ce dernier, afin de les tester, demande une épée et affirme clore le débat en tranchant l'enfant en deux afin que chacune puisse en avoir une moitié. La vraie mère préfère alors donner son enfant à l'autre femme qui, elle, encourage le roi dans son jugement. Le mensonge est alors rendu public par Salomon qui rend le bébé à sa véritable mère870. Les femmes qui murmurent et calomnient dans le dos des autres sont invitées à contempler l'exemple de Marie qui « murmura contre son frere Moyse, & en fut bien punie : car elle deuint lepreuse »871. Marie ou Myriam, soeur de Moïse, avait en effet parler contre « la femme kushite qu'il avait prise »872. Elle devint lépreuse pendant sept jours, durant lesquels elle est « séquestrée hors du camp »873 puis elle est à nouveau admise dans la communauté. Les femmes peuvent néanmoins compter sur l'indulgence de Dieu qui « pardonna [...] à Marie soeur de Moyse le peché de detraction »874 mais elles devraient plutôt prendre d'autres modèles, plus élevés. Lorsque Benedicti prend l'exemple des femmes maudites après leur mort pour avoir été bavardes durant leur vivant, il conclue ainsi : « Elles eussent mieux fait de n'auoir point tant babillé, ains d'auoir gardé le silence de la vierge Marie, de laquelle les Euangelistes ne racontent que cinq paroles qu'elle a proferees : d'auoir gardé silence d'vne Marie Magdaleine, qu'elle a obserué trente ans au desert, & d'vne Marie Egyptiaque, qui le garda quarante sept ans : le silence d'vne saincte Clere »875. Marie est en effet très peu citée dans la Bible, ce qui explique son relatif silence. Nous ne savons en réalité que peu de choses à propos de la mère de Jésus. Marie-Madeleine, « désireuse de contempler les choses célestes, se retira dans une grotte de la montagne, que lui avait préparée la main des anges, et pendant trente ans elle y resta à l'insu de tous »876 selon Jacques de Voragine. Marie l'Égyptienne, prostituée repentie tout comme Marie-Madeleine, « mena pendant quarante-sept ans, au désert, une vie de repentir et de privations »877 qui fut interrompue par un prêtre nommé Zosime à qui elle conta son histoire et qui pu la confesser de ses péchés. Plusieurs saintes portent le nom de Claire mais nous n'avons pas trouvé trace, ni

869Ibid., p.508.

870Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], I Rois, 16-18.

871Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.547.

872Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Nombres, 12, 1.

873Ibid., Nombres, 12, 14.

874Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.654.

875Ibid., p.552.

876Jacques de VORAGINE, op. cit. [note n°295], p.343.

877Ibid., p.212.

dans la Légende dorée, ni dans d'autres supports, d'une sainte Claire ayant respecté un silence plus ou moins long. Il s'agit peut-être ici encore d'un effet d'accumulation utilisé par Benedicti pour appuyer son propos.

Enfin, le franciscain incite les hommes à se méfier des paroles féminines. Il affirme que « maudire Dieu, c'est le peché de blaspheme, & le peché le plus grief de tous, comme est ainsi la haine de Dieu, auquel peché Satan vouloit precipiter Iob par le moyen de sa femme. Le plus gra[n]d que sceut imposer ceste impie Iezabel au bon Naboth, ce fut de dire qu'il auoit maudit Dieu »878. Les femmes semblent ainsi vouloir entraîner les hommes à leur suite dans l'engrenage des péchés de langue. En effet, Job, testé par le diable, est ainsi interpellé par sa femme : « Vas-tu encore persévérer dans ton intégrité ? Maudis donc Dieu et meurs ! »879. Néanmoins, Job n'écoute pas sa femme, la traite de folle et persévère dans sa foi, pour laquelle il sera grandement récompensé. Quand à Jézabel, elle accuse Nabot d'avoir maudit Dieu afin que son mari, Achab, puisse s'emparer des vignes de ce dernier, qu'il n'avait pu obtenir par négociations. Nabot est lapidé par le peuple, suite à l'accusation de blasphème880. De plus, s'il faut se méfier des femmes et de leur langage, il ne faut jamais leur confier un secret car elles ne peuvent tenir leur langue. Benedicti prend à ce propos l'exemple d'un certain Papyrus : « le ieune enfant Papyrius n'est il pas immortalizé par les Historiographes pour n'auoir voulu descouurir le secret du Senat Romain à sa mere ? Iaçoit que tantost elle le flattast luy promettant monts et vaux, ores elle le menaçast, iamais ne luy voulut fier, (elle estoit femme) ce qu'il auoit ente[n]du au Capitole : exemple assurement memorable à toute la ieune posterité »881. Il est assez amusant de remarquer qu'après avoir dit que Papyrus ne voulut pas révéler le secret à sa mère, il prend le soin de préciser qu'elle « estoit femme », ce qui semble expliquer selon lui la réserve de son fils.

En conclusion, les femmes sont considérées comme bavardes et menteuses par le franciscain Benedicti. Elles sont invitées à réguler leur langage et à prendre exemple sur la Vierge ou encore Marie-Madeleine qui ont su surmonter leur nature féminine en se murant dans le silence. Les hommes devraient se méfier d'elles et ne rien leur confier d'important s'ils ne veulent voir leurs secrets ébruités. Nous pouvons conclure avec Verena Aebischer, qu'« [i]ci et là, hier et aujourd'hui, le bavardage comme trait

878Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.544-545. 879Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Job, 2, 9.

880Ibid., I Rois, 21.

881Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.675-676.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

caractéristique des femmes prend dans la tête des gens une réalité palpable et inéluctable. Pour l'homme, il est une option parmi d'autres, alors que la femme ne semble pouvoir faire que cela. [...] La représentation du parler-bavardage féminin s'oppose à celle du parler masculin, auquel est reconnu le privilège de constituer la norme, la bonne façon de parler. En conflit avec cette norme, le parler féminin s'inscrit en défaut, en négatif, en trop et en moins »882.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand