CHAPITRE III : ANALYSE DES
CONSEQUENSES DU PHENOMENE
FILLE-MERE AU SEIN DES FAMILLES DU SECTEUR
NYAMIRAMBO
La troisième chapitre a pour objectif de
vérifier la deuxième hypothèse selon la quelle le
phénomène des filles- mères a des conséquences
qui affectent les filles-mères elles même, les enfants issus de ce
phénomène et la famille et la société rwandaise en
générale
Tout au long de ce chapitre, il a été question
d'analyser et d'interpréter des résultats de notre enquête
et en faisant ressortir des conséquences du phénomène
fille-mère sur les familles du secteur de Nyamirambo.
En effet, ces conséquences portent sur la perte de
l'estime de ces filles-mères , sur l'éducation des enfants
nés dans ces circonstances , sur la famille restreinte ainsi que sur la
société en générale en créant des conflits
d'irresponsabilité des parents de ces enfants qui naissent parfois sans
savoir leurs vrai pères et la difficulté de l'intégration
de leurs mères dans la société.
3.1. CONSEQUENCES DU PHENOMENE FILLE-MERE SUR
ELLE-MEME
Dans la société rwandaise, la jeune fille est
considérée comme future épouse et mère des enfants,
et doit se garder de faire les rapports sexuels avant le mariage et ainsi
rester vierge. On remarque qu'un nombre important des jeunes filles n'arrivent
pas à observer actuellement cette règle.
Au cours de notre enquête, nous avons remarqué
que les filles enquêtées font des rapports sexuels non
protégés. Ce qui fait qu'elles tombent enceinte. Pire, ces
relations non protégées exposent à certaines maladies dont
le VIH/Sida. Mais il y a tous les alibis pour désorienter l'innocente
jeune fille que rien n'arrivera. C'est ce qui est arrivé à Alice,
âgée de 17 ans, élève en classe de 3e au
Lycée de kigali. Elle raconte que sous l'effet de l'alcool (on lui avait
fait boire beaucoup de bière ce jour-là), son copain a
abusé d'elle. Ce n'est qu'après l'acte sexuel qu'elle s'est rendu
compte qu'elle venait d'avoir des rapports non protégés. Du coup,
elle a été plongée dans des interrogations interminables
parce qu'elle n'avait pas trop confiance en son copain.
Les méthodes contraceptives ne sont pas connues. En
dehors du préservatif masculin et des pilules, les autres sont
très mal connues malgré toutes ces campagnes de sensibilisation.
Des jeunes filles ne maîtrisent pas leur cycle menstruel. Habineza
Innocent, un jeune garçon de Nyamirambo, nous a affirmé
que : « Ce ne sont pas seulement les filles qui sont victimes
des grossesses non désirées. Elles nous piègent aussi,
espérant juste nous obliger à les épouser ou en tout cas
à nous occuper d'elles ». En effet, la grossesse pour
certaines filles est un passeport pour le mariage. Ainsi, il se trouve des
filles qui utilisent toutes les stratégies possibles pour
dérouter leurs partenaires afin d'avoir un enfant. Là, bien que
ce soit la femme qui porte la grossesse, cette dernière est non
désirée par le copain. S'il décide d'assumer, il est
contraint de l'amener chez lui, c'est-à-dire chez ses parents.
Le phénomène des grossesses non
désirées est beaucoup plus fréquent en milieu scolaire.
Ingabire Angélique, une fille résidente à Nyamirambo,
élève en classe de 4e au groupe Scolaire Saint joseph de kabgayi
est devenue très tôt fille-mère, avec des jumelles sous les
bras. Sa mère est décédée au génocide, Son
père est un démobilisé de l'armée Rwandaise. Elle
est la deuxième fille d'une famille de 4 enfants. C'est elle seule qui
fréquente. Elle est donc seule à s'occuper de ses jumelles qui
n'ont pas eu la chance de connaître leur père puisque ce dernier a
décliné toute responsabilité face à cette situation
car. « Je n'étais pas le seul à sortir avec
elle » argumente le jeune garçon qui lui a rendu grosse.
Si l'on demande donc à Angélique qui est
réellement le père de l'enfant, ce sont des larmes qui
constituent sa réponse, le menton soutenu par ses frêles mains. Ce
n'est pas la soeur aînée qui pourra situer le papa
« irresponsable » sur le nom du père des jumelles
puisqu'elle ne l'a jamais vu. C'est la misère et la désolation
qui freinent ainsi les études de la seule enfant scolarisée de la
famille. Lorsque des encadreurs se mêlent à la danse pour
brouiller l'avenir de leurs élèves, c'est le comble. La situation
d'Umutesi Dative, élève Collège INYEMERAMIHIGO, est
stupéfaite : « Un de mes professeurs m'a rendu grosse
tout en sachant qu'il ne va pas m'épouser. Je l'ai dénoncé
devant l'administration, mais il a toujours été couvert. Je
souffre aujourd'hui avec mon bébé et lui continue sa
route ». Le hic, c'est que le harcèlement ne vient pas
seulement des enseignants. Des filles harcèlent aussi leurs professeurs
dont les plus faibles finissent par chanceler.
Les jeunes filles, de nos jours, n'ont plus peur de faire des
rapports non protégés. Pour certaines, le seul objectif, est
l'argent. Si la maladie survient, c'est l'oeuvre de Dieu. Conséquences,
elles sont nombreuses à véhiculer stress et angoisses dans le
sillage de tous ceux qu'elles captent dans leur élan. Puis, ce sont des
avortements à n'en pas finir, des abandons des enfants devant les
églises et mosquées, dans des fosses et poubelles. Et nos
orphelinats sont vite remplis. Elles sont très tôt mères
sans aucune ressource. Heureusement que des structures volent souvent à
leur secours. Le sexe ne doit plus être un tabou dans nos familles. La
jeune fille et le jeune garçon doivent être éduqués
dans ce sens par les parents. Ces derniers démissionnent parfois,
puisque eux-mêmes ne sont pas un exemple. Au lieu d'être prompts
à bannir et chasser leurs filles de leurs cours en cas de grossesses,
les parents gagneraient à mettre l'accent sur l'éducation. C'est
ce genre de comportements qui amènent certaines filles (qui ne savent
où aller) à se suicider ou à avorter. Or, les avortements
installent des séquelles irréparables. Les conséquences
physiques et psychologiques sont importantes.
Il ne faut jamais résoudre un problème, quoi
qu'il en soit, au prix de la vie d'un enfant. L'avortement blesse. On peut ne
pas se soucier de la détresse de sa compagne après ses forfaits,
mais ne jamais prendre le raccourci de l'avortement. Le véritable
bonheur pour un père est de consacre sa vie à ses enfants. Des
femmes avortent par manque de soutien du père, mais la chose à
retenir est qu'il faut s'épauler et réfléchir ensemble
quand une grossesse (désirée ou non) intervient. La femme est la
première concernée par une grossesse. Le choix de la garder ou
non lui revient. Mais elle doit toujours se rappeler cette
réalité : Si Dieu donne la vie, il va s'en occuper. Quand Il
crée, Il nous aide à assumer ces conséquences. Peu importe
les circonstances difficiles entourant cette grossesse non
désirée. Cette vie Lui appartient et nous devons L'honorer en
donnant à l'enfant toutes les chances de vivre.
Les grossesses non désirées des filles ont des
effets grandioses sur la vie de ces jeunes filles. On peut se demander quels
sont les grands problèmes rencontrés par une fille enceinte et
comment celle-ci est traitée par sa famille.
3.1.1. Problèmes des filles enceintes avant et
après l'accouchement
Une fois qu'une fille devient enceinte, ses besoins
matériels et financiers augmentent alors que ses forces et moyens
ordinaires diminuent. A partir de ce moment là, sa vie devient
misérable. Nous allons voir les différents problèmes
auxquels les filles font face lors de leurs grossesses.
Tableau 21 : Problèmes que rencontre des
filles pendant et après l'accouchement
Problèmes rencontrés par des filles
avant et après l'accouchement
|
Effectif
|
%
|
Pas d'assistance matérielle
|
28
|
36
|
Perte d'espoir de la vie
|
29
|
37
|
Provoquer l'avortement
|
12
|
15
|
Autres problèmes
|
8
|
12
|
Total
|
77
|
100
|
Source :
Résultats de notre enquête, Janvier 2011
Le tableau ci haut nous présente des grands
problèmes que rencontrent des filles enceintes. On remarque que 36% des
filles enquêtées ont été abandonnées par
leurs parents ou responsables avant ou après leur accouchement, et elles
ont été abandonnées. En d'autres termes, leurs familles
ont diminué ou même coupé totalement l'assistance
matérielle alors que c'était à ce moment là
qu'elles avaient plus de besoin d'assistance.
Pour 37% des cas des filles enquêtées affirment
une perte totale d'espoir de la vie. Elles se demandent pourquoi elles ont
été créées car elles deviennent des unités
sociales isolées sans aucune place dans l'ambiance sociale. Ce
désespoir a poussé 15% des filles à provoquer l'avortement
qui ont malheureusement échoué.
Il y a enfin, d'autres problèmes rencontrés par
des filles comme l'abandon des cours pour les étudiantes, quitter les
familles et errer ici et là sans espoir du lendemain, le retour en
village des filles qui travaillaient comme domestique. Il y en a aussi celles
qui tentent de se suicider, les autres préfèrent se marier
forcement aux garçons qui leurs ont rendu grosses ou cherchent quelque
fois les autres maris pour avoir une adresse qui leur donnera une
stabilité, etc. Des cas pareils sont des sources de multiples
problèmes sociaux entre autre l'exclusion sociale.
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