II- La croissance démographique des villes de la
province de l'Estuaire.
De 1919 à 1960, date à laquelle le mouvement
d'urbanisation a vraiment commencé, l'ensemble des villes ne
dépassait guère 70.000 à 100.000 habitants. Seule
Libreville, située dans la province de l'Estuaire comptait environ
25.000 habitants20 à cette époque.
Lors du recensement de 1980, la province de l'Estuaire
comptait 252500 habitants21. En 1993, cette population a
été évaluée à 463.487 habitants, dont
427.950 urbains contre 35237 ruraux. Ainsi, en 1993, la population urbaine de
cette province représentait 92%22de la population totale de
la province. Lors du recensement de 2003, on estime le poids
démographique de cette province à près de 736.812
habitants23, où toujours la proportion des urbains est la
plus dominante et se situe à plus de 90%.
La croissance démographique des villes de cette
province a donc 0augmenté et à un rythme soutenu surtout dans la
capitale. Les autres villes de cette province présentent la même
situation mais à un rythme modéré. Ainsi, de 1993 à
2003, la population de Ntoum est passée de 6.213 habitants à
12.025 habitants et se situerait selon le recensement communal (2009) à
près de 14000 habitants. Durant la même période, la
population de la commune de Cocobeach a été multipliée par
quatre (4) et passant de 1.164 habitants à 4.315 habitants. Celle de la
ville de Kango a été multipliée par trois (3) passant
ainsi de 962 habitants en 1993 à 3.613 habitants en 2003. La population
de la ville d'Owendo s'élevait en 2003 à 40.157 habitants et lors
du recensement de 2009 effectué par la commune, ce chiffre se situerait
à près de 60.000 habitants. En 2003, la population du
Cap-Estérias et celle de Ndzomoé s'élevaient
respectivement à 712 et 80 habitants. Et aujourd'hui, cette population
s'estimerait pour le Cap-Estérias à près de 1000 habitants
et pour Ndzomoé à 300 habitants. Malgré une
évolution significative de la population des villes de l'Estuaire,
Libreville reste la grosse tête de la province avec plus de 91% de la
population urbaine.
20Ministère de la Planification et de
l'Aménagement du Territoire, PAPSUT, Stratégie urbaine au
Gabon, septembre 1999, p.2.
21 Ministère de la Planification et de
l'Aménagement du Territoire, CGAT, Livres blancs ESTUAIRE
(1981), p.18
22 Ce résultat a été obtenu en
faisant le rapport entre la population urbaine et la population totale de
province de l'Estuaire.
23 Les données proviennent du Recensement
Général de la Population et de l'Habitat de 2003, p.3
26
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Tableau n° 2 : Evolution de la population des
villes de la province de l'Estuaire de 1960 à 2003.
Communes
|
Pop 1960
|
Pop1980
|
Pop 1993
|
Pop 200324
|
Libreville
|
31000
|
185.100
|
419.596
|
623.621
|
Owendo
|
10025
|
6.04726
|
25.234
|
40.157
|
Ntoum
|
-
|
-
|
6.213
|
12.025
|
Kango
|
-
|
-
|
962
|
3.613
|
Cocobeach
|
-
|
-
|
1.164
|
4.315
|
Cap-Estérias
|
-
|
-
|
-
|
712
|
Ndzomoé
|
-
|
-
|
-
|
80
|
Source : G. Sautter (1958), RGPH (1993 et 2003).
A partir de ces chiffres, nous observons que la population des
villes de l'Estuaire a augmenté d'années en années. Si
l'évolution de cette population est perceptible dans
l'agglomération de Libreville où nous avons les chiffres depuis
1960, pour les autres villes, la connaissance de leur poids
démographique n'est perceptible qu'au courant des années 1993,
par manque de données statistiques fiables.
Mais seulement, quelles sont les causes et les
conséquences de cet accroissement démographique dans les communes
de cette province ?
Graphique n° 1 : Evolution de la
population urbaine de la ville de Libreville de 1960 à 2003.
400000
200000
700000
600000
500000
300000
100000
0
Evolution de la population urbaine de Libreville de 1960
à 2003
pop 1960 pop 1980 pop 1993 pop 2003
pop urbaine de LBV
24 Retenons que les résultats du RGPH de 2003
ont été corrigées et validées par la cour
constitutionnelle.
25 R.POURTIER, Gabon, espace, territoire et
société, Tome 1, harmattan.P.16.
26 Mairie d'Owendo, guide touristique de la ville,
1998.
27
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Source : G. Sautter (1958), RGPH (1993 et 2003).
Graphique n° 2 : Evolution
de la population de la ville d'Owendo de 1960 à 2003.
40000
20000
50000
30000
10000
0
Evolution de la population d'Owendo de 1960 à
2003
1960
pop
1980
pop
1993
pop
2003
pop
pop urbaine Owendo
Source : G. Sautter (1958), RGPH (1993 et 2003).
Ces deux graphiques présentent l'évolution
croissante de la population de l'agglomération de Libreville à
partir des recensements de la population de 1960 jusqu'en 2003.
II.1. Les causes de la croissance démographique des
villes de la province de l'Estuaire.
Plusieurs facteurs ont participé à
l'accroissement démographique des villes de la province de l'Estuaire.
Parmi ces facteurs, nous ne retiendrons que deux principalement, à
savoir: les pesanteurs historico-politques et les causes économiques.
II.1.1. Les causes historico-politiques.
La population des villes de la province de L'Estuaire a
augmenté du fait de certains faits historiques que notre pays a connu
avant et après son indépendance. En effet, lors des grands
voyages maritimes sur la côte de l'Afrique, les portugais, en 1472,
baptisèrent le pays « Rio Gabao » quand ils
pénétrèrent dans l'estuaire, en raison de sa forme
semblable à un caban (Gabao en portugais). Le nom « Gabao
» se transforma ensuite en Gabon. Lopez Gonsalvez, donna son nom au Cap
Lopez en 1480. Le pays se réduisit alors au grand estuaire habité
par les Mpongwé, au Cap Lopez et au pays des lagunes. Jusqu'au
XVIIIème siècle, les tribus côtières entretinrent
des relations commerciales avec les européens. Ces activités se
réduisirent essentiellement au troc et
28
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
à la traite des esclaves. Par ailleurs, dans sa mission
de représentation de la traite des noirs dans l'Atlantique sud en 1839,
la marine française obtint le droit d'installer une base sur la rive
gauche de l'estuaire, puis sur la rive droite, point de départ d'une
colonie du Gabon. La première ville de la province de l'Estuaire,
Libreville naquit en 1849 par les esclaves libérés. Comme le
rappelle ce fait historique, la province de l'Estuaire, grâce à
son ouverture maritime, a été la première région du
Gabon où les européens27 et les peuples autochtones
(les Ndiwa et les Mpongwé) entrèrent en relation et entretinrent
des relations commerciales. Ce fait a très vite attiré et
fixé les populations de l'intérieur du pays vers la côte
Entre autres faits majeurs ayant entraîné
l'augmentation de la population urbaine, la tenue du 34ème
sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) en 1977 au Gabon ;
la construction du Transgabonais ; la rénovation des quartiers
insalubres et la revitalisation du centre-ville de la capitale. Ces travaux
touchaient particulièrement le secteur routier et celui de l'immobilier.
Compte tenu des énormes travaux à réaliser, l'Etat a
été contraint de faire appel à une main-d'oeuvre
étrangère. Ainsi, Libreville a connu l'arrivée des
populations immigrées venues de tous les pays de l'Afrique centrale et
de l'Ouest, de Yougoslavie du Liban et de Syrie (10000 personnes en1984 et 20%
de la population de Libreville en 1993).28 Le « grand chantier
Libreville » a généré 7000 emplois29. Pour
les autres villes de la province, la croissance démographique aurait
débuté lorsqu'elles ont été érigées
en commune de plein exercice, puisque l'Etat a mis en place certaines
structures nécessaires pour encadrer les populations des communes de
Kango, Cocobeach, Ntoum, Ndzomoé et du Cap-Estérias.
A côté de ces facteurs historique et politique,
il y a également l'accroissement naturel, du fait d'une politique
nataliste et de meilleures conditions de vie, qui ont également
participé à l'augmentation des urbains dans la province de
l'Estuaire. En effet, la mortalité s'est effondrée, du fait de
l'amélioration de la situation sanitaire et
27Ce qualificatif renvoi à tous les
explorateurs qui ont touchés nos cotes. Ainsi, les cotes gabonaises ont
été successivement visitées d'abord par les portugais,
puis vint les hollandais et les anglais et enfin les
français.
28R-M NGUEMA, 2008, « Politique publique et
macrocéphalie urbaine en Afrique Centrale : essai de géopolitique
du territoire métropolitain de Libreville », in Enjeux-
N°34-35, pp.33-39
29 Idem.
29
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
médicale dans l'ensemble avec des taux de
mortalité bas (15 pour mille au Gabon). Dans le même temps, la
natalité demeure forte (40 pour mille au Gabon)30,
d'où la structure par âge qui est particulièrement jeune
(majorité de moins de 20 ans dans toutes les villes de la province, et
les 2/3 des citadins ont moins de 25 ans). Ainsi, l'accroissement naturel
devient aujourd'hui, le principal moteur de peuplement dans les autres villes
de la province de l'Estuaire.
En somme, les facteurs historico-politques, comme nous venons
de le voir ont entraîné une augmentation de la population des
villes de la province de l'Estuaire, mais seule Libreville a
bénéficié de cet accroissement démographique car
cette ville est devenue la porte d'entrée et de sortie de tous les
flux.
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