CONCLUSION GENERALE
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Le sujet de recherche que nous avons intitulé, le
processus d'urbanisation et l'aménagement de la province de l'Estuaire
avait pour objet d'étude, le rapport entre la dynamique urbaine
et l'organisation de l'espace de l'Estuaire
L'étude du processus d'urbanisation et
l'aménagement de la province de l'Estuaire était
intéressante à nos yeux dans la mesure où nous l'avons
étendu sur toutes les villes de la province, notamment sur leur
capacité à organiser ce territoire. Cette orientation a mis notre
étude dans le champ de l'aménagement du territoire.
Ainsi, le but de notre étude a été
d'apprécier la valeur et l'importance des actions d'aménagement
menées jusque là par l'Etat dans l'optique d'une meilleure
organisation du territoire, de décrypter au niveau de la province de
l'Estuaire, les apports évolutifs et limites des politiques urbaines et
d'aménagement du territoire et enfin de proposer les voies et moyens en
vue de parfaire et de normaliser les actions aménagistes au Gabon et
particulièrement dans la province de l'Estuaire.
Pour montrer le caractère primordial de notre
étude nous avons formulé la problématique de la
manière suivante, Est-ce que la dynamique d'urbanisation
survenue ses dernières années a permis d'organiser le territoire
de l'Estuaire de façon harmonieuse et équilibrée
?
, La réponse à cette question centrale ne
pouvait pas trouver de réponses fiables sans formuler les
hypothèses plausibles et vérifiables.
A cet effet,l'hypothèse suivante a été
formulée pour cette étude, La multiplication des
centres urbains n'a pas permis d'aménager la province de façon
harmonieuse et équilibrée, elle a plutôt amplifié
les écarts socio économique et démographique qui
existaient déjà dans cette province. Ces villes n'ont pas
joué un rôle dans l'aménagement de la province en faisant
le contre-poids à l'hypercentralisation librevilloise. Elles n'ont pas
bénéficié des décentralisations en particuliers les
équipements sociaux de prestige.
. La province de l'Estuaire a connu une vague de communes dans
les années 1990 et 2000, après l'érection de la commune de
Libreville en 1957. Il a fallu attendre près trente cinq ans, pour voir
la dynamique communale atteindre d'autres localités de la province qui
étaient à cette époque des PCA, des postes
télégraphiques et des départements. Ainsi, L'historique de
l'urbanisation dans la province s'est faite en deux périodes : avant
l'indépendance et après l'indépendance.
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Avant l'indépendance, la province de l'Estuaire ne
comptait qu'une seule commune de plein exercice (Libreville) qui a
été érigée en Mai 1957. Après
l'indépendance du pays, et plus précisément en 1996, la
loi 15/96 du 06 juin 1996 relative à la décentralisation a
conduit à l'érection de tous les chefs lieux de
département du pays en commune de plein exercice. Ainsi les chefs-lieux
de département du Komo-Mondah (Ntoum), du Komo-Kango (Kango), de la Noya
`(Cocobeach) et d'Owendo ont acquit ce statut dans la province de l'Estuaire.
Et en 2007, par ordonnance, les chefs-lieux de département du Cap
(Cap-estérias) et du Komo-Océan (Ndzomoé) ont
été érigés en communes de plein exercice. La
province compte actuellement sept (7) communes de plein exercice : Libreville,
Owendo, Ntoum, Cocobeach, Kango, Ndzomoé et le Cap-Estérias.
La croissance démographique observée dans les
communes de la province de l'Estuaire a été due, d'une part,
l'accroissement naturel de la population consécutive aux meilleures
conditions de vie et d'hygiène et la victoire de la vie sur la mort.
D'autre part, grâce aux potentialités et surtout aux
activités économiques qui sont développées dans ces
centres urbains. C'est ainsi que l'agglomération de Libreville a pu
bénéficier de cet afflux massif de population (97% de la
population urbaine provinciale) car possédant l'essentiel des
activités économiques motrices, de possibilités d'emplois
et de promotion des individus. Cependant cette augmentation de la population
dans la ville de Libreville a contribué à son extension spatiale
dans les périphéries(Est, Sud et Nord) et a engendré les
problèmes de saturation des voies de communication et de
dégradation de l'environnement de cette ville.
Le bilan du processus d'urbanisation dans la province est
mitigé, même pour des non spécialistes. Des avancées
timides ont été constatées ici et là, notamment
dans la construction de quelques équipement de base (centres
médicaux, dispensaires, écoles, C.E.S, Lycées, voiries
urbaines...). Mais de véritables problèmes subsistent : mauvaises
conditions de vie, carence de logements, manque d'adduction d'eau et
d'électricité, manque d'assainissement pour les ordures
ménagères liquides et solides, chômage grandissant,
insécurité...
Les politiques d'aménagement et études urbaines
réalisées dans le cadre de l'amélioration des conditions
de vie des populations et du rééquilibrage de la province de
l'Estuaire, notamment, le Livre Blanc en 1983, Schéma
d'Aménagement régional
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
(SDAR) en 1985, les colloques, les éditions 2006 et
2007 des fêtes tournantes, les documents d'urbanisme, les SDAU, les POS,
les SPU , les stratégies urbaines et autres documents de planification
et d'aménagement, se sont révélés pour les uns trop
coûteuses( d'où le recours aux plans sectoriels) et pour d'autres
restés dans les tiroirs, par manque de textes d'application. Mais de
manière générale, ces documents se
révélés insuffisants et inefficaces dans l'organisation
harmonieuse de la province.
La province de l'Estuaire devient aujourd'hui à
l'instar d'autres provinces du pays, une région où les
inégalités socio-économique, démographique et
environnementale persistent. Seulement, les perspectives de
développement et d'aménagement de la province de l'Estuaire
doivent désormais s'appuyer sur l'amélioration du cadre de vie et
de conditions d'existence des populations de la province de l'Estuaire
(santé, éducation, économie, loisirs...) la mise en place
d'une véritable politique de peuplement dans la province et
l'amélioration de la gestion des écosystèmes urbains de la
province de l'Estuaire.
Au bout de cette étude, nous sommes parvenus à
quelques résultats. Ces résultats ont été obtenus
non seulement à partir des documents que nous avions à notre
disposition, mais aussi et surtout grâce à nos enquêtes dans
les centres urbains de la province.
Il en résulte que les chefs-lieux de département
ont été érigés en commune de plein exercice, pour
remplir les fonctions politiques, administratives, de contrôle de
territoire et d'encadrement des populations dans la mesure où on s'est
contenté d'équiper les anciens postes et donc de renforcer
l'armature urbaine esquissée par l'administration coloniale. C'est ainsi
que l'agglomération de Libreville (commune de Libreville et d'Owendo) et
les villes de Ntoum, Kango, Cocobeach, Cap-Estérias et Ndzomoé
sont par essence des centres urbains à vocation politico administrative,
comme en témoigne les énormes investissements consentis par
l'Etat pour doter ces dernières, des équipements
nécessaires au contrôle et d'encadrement des populations.
Toutes ces villes sont dotées d'une préfecture,
d'un poste de gendarmerie, d'une mairie, d'un conseil départemental,
etc. De même, cette assertion se justifie par le fait qu'en dehors de
l'agglomération de Libreville et dans une moindre mesure, la ville de
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Ntoum, l'implantation des usines est rare. Ces villes sont
dépourvues d'unités économiques. Elles sont de petites
villes qui subsistent grâce aux transferts publics ou des
opérations ponctuelles financées par l'Etat (routes, logements
édifices publiques, etc.). Les autorités politiques, en
créant ces centres urbains dans la province, ont mis l'accent sur
l'implantation des infrastructures de commandement, sans avoir recours aux
unités économiques. La conséquence principale de cette
action étatique est la déstructuration de la province de
l'Estuaire, tant au niveau socio économique, démographique et
même environnementale.
De même, le développement des villes dans la
province de l'Estuaire n'a pas permis de réduire les
déséquilibres qui existaient, il les a même
amplifié, dans la mesure où il y a une nette opposition entre
l'agglomération de Libreville et les autres localités de la
province. Le processus d'urbanisation observé dans la province n'a pas
permis de réduire les disparités socio économique,
démographique et même environnementale.
Sur le plan social, malgré la création des
villes, nous avons pu observer qu'il existe toujours un
déséquilibre d'offre de services dans les domaines sanitaire et
éducatif et un accès inégal aux NTIC entre les populations
vivant dans l'agglomération de Libreville et celles vivant dans les
autres localités. Libreville et Owendo concentrent la
quasi-totalité des équipements sanitaires et scolaires de renom
et accèdent facilement aux services des NTIC, tandis que les autres
villes en sont dépourvues ou, si ils existent, ils sont vétustes
et surexploités.
Sur le plan démographique, le contraste est le
même dans la mesure où l'agglomération de Libreville
concentrent près de 97% de la population urbaine de la province et les
reste des villes se partagent les 3% restant. C'est donc dire que le processus
d'urbanisation survenu dans la province ne s'est pas accompagné d'un
rééquilibrage démographique.
Sur le plan économique, la situation est dramatique
dans la mesure où ce développement des villes dans la province ne
s'est pas accompagné de l'implantation des unités
économiques. L'agglomération de Libreville comme toujours,
concentrent la majorité des unités de production : 85% des
sièges des entreprises sont concentrés à Libreville, les
ports, l'aéroport, les commerces etc. Dans les autres localités
de la province, l'implantation des unités de production est rare, elles
sont de petites villes dont l'économie est basée sur les salaires
des fonctionnaires. Aussi devons- nous ajouter
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
que plusieurs unités économiques ont
été abandonnées par une mauvaise gestion et favorisant
ainsi l'exode rural vers la capitale provinciale.
Sur le plan environnemental, la situation est la même,
puisque le processus d'urbanisation a engendré des conséquences
néfastes dans ces centres urbains. Ces conséquences reposent
essentiellement sur la pollution et la dégradation de l'environnement
urbain : effluents, déchets solides, ordures ménagères...
donnant ainsi lieu à certaines maladies d'origine hydrique comme le
paludisme, les parasitoses intestinales, les diarrhées etc. Seulement,
ces problèmes d'environnement se manifestent fortement à
Libreville, car cette ville regorge une forte population et des industries
polluantes.
Par ailleurs, fonctionnellement, aussi bien que par leur
aspect et l'organisation de leur espace, seule l'agglomération de
Libreville correspond véritablement au qualificatif « urbain
», et pose les problèmes des grandes villes africaines. Toutes les
autres localités de la province dépendent principalement des
activités administratives et agricoles, et leur bâti ne
revêt un caractère urbain que dans des centres très
réduits en étendue. Ce sont pour l'essentiel des concentrations
d'habitations proches de celles que l'on observe dans les zones rurales,
bénéficiant d'infrastructures collectives plus
étoffées. Leur faible croissance et le chiffre
modéré de leur population leur évitent les
problèmes aigus d'organisation de l'espace urbain, mais sont un frein
certain à leur croissance économique. Les besoins
spécifiquement liés à l'organisation et à
l'équipement du territoire urbain, les problèmes fonciers et ceux
de l'environnement, du logement ou des transports ne sont aigus que dans
l'agglomération.
Le réseau urbain provincial a de faibles
potentialités de développement, hors de la capitale. D'une part,
la population s'accroît à un taux modéré, de l'ordre
de 2%. D'autre part, les « réserves » de population qui
pourraient alimenter l'exode rural sont faibles. Les perspectives de croissance
se concentrent actuellement dans la capitale et son « annexe
économique» Owendo. Les fonctions administratives, commerciales et
financières ainsi que l'exportation du pétrole y sont des
facteurs durables et importants de croissance.
Dans les autres « villes » les emplois centraux
suivent ou accompagnent la croissance, mais ils ne la provoquent pas. La
tendance naturelle va ainsi dans le sens d'une concentration accrue de la
population dans les deux communes principales, mais
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
l'équilibre relatif entre elles et le reste des
cités provinciales ne devrait se modifier que lentement. La
stratégie urbaine devra tenir compte de ces limitations et
contraintes.
L'écart entre Libreville, qui bénéficie
de plusieurs activités « motrices » par rapport aux autres
villes (qui dépendent d'une seule source de revenus) devrait encore
s'accroître dans une faible proportion. Libreville, qui cumule les
activités centrales de toutes les filières, avant l'exportation,
avec le privilège d'être pratiquement le seul point d'importation
des biens et services extérieurs dont le Gabon à besoin.
A partir de ces quelques résultats, nous pouvons
affirmer sans risque de nous tromper que l'hypothèse formulée
dans le cadre de cette recherche a été vérifiée,
dans la mesure où la province de l'Estuaire est toujours marquée
par des inégalités sur les plans socio-économique,
démographique et environnemental.
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
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