III.2. Pollution de l'espace urbain.
En dehors de la dégradation de l'environnement, le
processus d'urbanisation dans la province s'est également
manifesté par une forte pollution des écosystèmes urbains
de cette province. Les villes de la province de l'Estuaire dans leur
généralité font l'objet de divers types de pollutions.
Outre celle qui est industrielle ou les gaz polluants sont
dégagés dans l'atmosphère par les activités
industrielles, il y a la pollution causée par les hommes ; c'est le cas
du bois brûlé qui est aussi un grand facteur polluant. A cela, il
faut ajouter la pollution de l'eau causée non seulement par des
déchets industriels, les restes d'engrais mais aussi les mauvaises
pratiques des hommes.
Ainsi, l'ensemble des eaux usées, des eaux de
ruissellement ou eaux résiduaires pluviales et des eaux superficielles
constituent ce que l'on appelle les effluents urbains. Ces derniers sont
produits par des ménages, les collectivités, les entreprises, les
milieux médicaux, stations service et garages (voire tableau
n°4).
50 Le quotidien d'information L'union,
N° 10099 du Vendredi 14 au Lundi17 août 2009, p.6.
69
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Tableau n° 4 : Les producteurs et les types
de déchets liquides urbains au Gabon
Producteurs
|
Types de déchets liquides
|
Ménages
|
eaux usées ou eaux ménagères, eaux-vannes,
excrétas
|
Collectivités
|
eaux usées diverses, eaux-vannes, excrétas
|
Entreprises
|
effluents industriels toxiques (solvants, huiles
usagées)
|
Milieux médicaux
|
effluents médicaux, eaux des soins
|
Stations-service et garages
|
effluents industriels toxiques (solvants, huiles usagées)
/eaux usées.
|
Source : Mombo J.B et Edou M (2006).
Cependant, ces centres urbains connaissent des pollutions
à des degrés divers. Elles sont plus accentuées dans les
zones où il y a une forte concentration humaine (l'agglomération
de Libreville), pour le reste des villes, les pollutions sont moins
aggravées.
La ville de Libreville subit toutes les pollutions
(industrielle, l'eau et déchets). En effet, Libreville accueille plus de
91% de la population urbaine provinciale. Ne disposant pas de SDAU ni de POS,
nous assistons malheureusement à une occupation anarchique de l'espace
qui se manifeste par l'installation humaine dans des bas-fonds et talwegs et le
colmatage des ouvrages d'évacuation des eaux usées et
pluviales.
De même, la topographie de cette ville est faite de
collines, d'éperons ou croupes à versants convexes et des
vallées alluviales à fonds plats51. Ce relief
accidenté et ondulé rend difficile la mise en place des
réseaux de drainages résiduaires domestique, pluviale et
industrielle. Les déchets liquides et solides à Libreville
obstruent les voies de canalisation et d'évacuation des eaux. Même
les déchets liquides (eaux-vannes et les huiles usagées)
continuent à être déversées dans la décharge
municipale de Mindoubé prévue pour accueillir les déchets
solides.
Les conséquences de ces déchets liquides sont
dramatiques sur la santé humaine des librevillois. En effet, l'absence
de l'assainissement pose des problèmes d'hygiène du milieu. Il
favorise la formation des marécages qui deviennent du fait de leur
pollution par les déchets urbains, des gîtes pour les agents
pathogènes, vecteurs du paludisme et d'autres maladies d'origine
hydrique. Par exemple, les eaux de la Lowé à
51Mombo J.B et M. Edou, « Assainissement et
explosion urbaine au Gabon », in Villes en parallèle /villes du
Gabon, N° 40-41, p. 203.
70
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Libreville sont contaminées par les eaux d'infiltration
de la décharge publique de Mindoubé.52
D'après le Ministère de la santé
(Données statistiques Libreville et Owendo), les principales maladies
d'origine hydrique à Libreville en 2005 étaient, le paludisme, la
bilharziose, les parasitoses intestinales et les maladies diarrhéiques,
dont la répartition est présentée dans le graphique ci-
dessous.
Graphique n° 4 : Les
principales maladies d'origine hydrique à Libreville en
2005.
Les principales maladies d'origine hydrique à
Libreville en 2005,
59%
19%
22%
0%
Paludisme Bilharziose parasies diarrhée,
Source : Samedi G., 2005.
Cependant, une étude similaire avait déjà
été menée au cours de la période 19992001 dans la
ville. Cette étude, dont les résultats sont
présentés dans le tableau n° 5, montre incontestablement la
primatie de l'endémie du paludisme avec 41759 cas53, soit
58,36% durant la période 1999 à 2001. Ensuite, viennent
respectivement les maladies
52 Les premières analyses connues viennent
du Laboratoire d'analyse du CNAP : Maganga Nziengui A. (1992)- première
partie des résultats d'analyse bactériologique et physicochimique
des eaux de la Lowé (rapport, p.4).
53 Ce chiffre à été obtenu en
additionnant l'ensemble des cas du paludisme de Libreville durant la
période 1999-2001.
71
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
diarrhéiques et les parasitoses intestinales avec 17731
et 11186 cas, soit 25,5554 et 16,07% durant la même
période. Par ailleurs, il est à souligner qu'à Libreville
les populations ont plus souffert du paludisme durant l'année 2000,
alors que les diarrhées et les parasitoses intestinales ont plus
touchées les librevillois au cours de l'année 1999. (Voir tableau
n° 5 ci-dessous)
Tableau n° 5 : Les principales maladies
d'origine hydrique à Libreville de 1999 à 2001.
Maladies
|
1999
|
2000
|
2001
|
Paludisme
|
54,35%
|
61,26%
|
59,49%
|
(confirme et probable)
|
8923 cas.
|
19205 cas.
|
13631 cas.
|
Parasitoses intestinales
|
16,83%
|
14,60%
|
16,78%
|
(ascaridiose, ankylostomiase, autres
|
2763 cas.
|
4577 cas.
|
3846 cas.
|
Helminthiases)
|
|
|
|
Maladies diarrhéiques
|
28,80%
|
24,13%
|
23,72%
|
(diarrhée aigue, gastro-entérite, dysenterie)
|
4729 cas.
|
7566 cas.
|
5436 cas.
|
Total
|
99,98%
|
99,99%
|
99,99%
|
|
16415 cas.
|
31348 cas.
|
22913 cas.
|
Source : Ministère de la Santé
(Données statistiques de Libreville et Owendo).
Pour les autres localités de la province, retenons que
ces dernières font l'objet de pollutions, mais à une faible
intensité .En effet, regorgeant seulement 3% de la population urbaine de
la province, ces villes sont généralement dépourvues
d'activités économiques capables de polluer ces
écosystèmes urbains. Cependant, la ville de Ntoum présente
une situation un peu particulière. Bâti sur un site qui fait
interface entre la forêt très secondarisée et un type de
végétation de savane, Ntoum est emprunt aux problèmes de
nuisances : les poussières provoquées par les activités de
CIMGABON et les dégâts (fissures) occasionnés par les tires
des dynamites sur les murs des maisons domestiques. A cela s'ajoute le
problème de la poubelle publique qui est trop exposée comme
à Libreville, les habitants de NTOUM ne s'occupent pas de la poubelle de
manière individuelle.
54 Le résultat suivant s'est obtenu en
faisant le rapport entre l'ensemble des pourcentages des maladies
diarrhéiques sur le nombre d'années d'étude.
72
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
En somme, le processus d'urbanisation de la province n'a pas
permis de protéger l'environnement urbain de la province de l'Estuaire.
Ce processus s'est au contraire manifesté par une forte
dégradation et pollution des écosystèmes urbains, ayant
pour conséquence majeure, la résurgence de certaines maladies
graves sur ces populations. Ainsi, les populations urbaines de cette province
se trouvent confrontées aux graves problèmes de l'assainissement
des effluents urbains et des ordures ménagères.
Comme on vient de le voir, le processus d'urbanisation
enregistré dans la province de l'Estuaire n'a pas permis
l'aménagement cette région. Dans cette province, les
disparités socio-économique, démographique et
environnementale subsistent toujours et tentent même à
s'amplifier. L'analyse portée sur cette province par rapport à
son aménagement, nous a révélé une nette opposition
en terme de développement, entre l'agglomération de Libreville et
les autres villes de la province.
Ainsi, l'agglomération de Libreville concentre plus de
91% de la population urbaine de la province. Libreville à elle seule,
accueille 85% des sièges sociaux des entreprises
étrangères et regorge la plus grande partie des
établissements sanitaire et scolaire de qualité de la province,
voire même du pays. Pour les autres localités de cette province,
elles sont des petites villes où la fonction administrative est la plus
importante (3% de la population urbaine provinciale, absence d'activités
économiques motrices, manque de structures sociales de qualité)
qui ne peuvent pas se passer des services de Libreville. En un mot, ce sont des
villes à vocation politico administrative, mais dont les
activités restent en grande partie rurales (rurbains).
A partir de ces résultats où nous avons pu voir
que le processus d'urbanisation survenu dans la province s'est manifesté
pour l'essentiel, dans la déstructuration de l'espace et surtout dans
l'amplification des disparités socio économique,
démographique et environnementale, quelles peuvent être les
perspectives d'aménagement de la province de l'Estuaire ? Autrement dit,
quelles sont les pistes et solutions capables de mieux répartir les
hommes, les activités et les équipements dans la province de
l'Estuaire ? Cette grande interrogation, va constituer le chapitre 4 de notre
travail de recherche.
-Ici, une voie de circulation poussiéreuse
conduisant à CIMGABON. La poussière soulevée
entraîne de graves problèmes de santé publique. Elle peut
occasionner des maladies respiratoires (bronchite, toux, grippes,...),
également elle pollue les abords des habitations. La poussière
sert ainsi de peinture à ces habitations domestiques.
Photo 17 : Un environnement
dégradé à Libreville.
- Nous assistons ici à une dégradation
progressive de ce site, suite aux grands travaux réalisés en
Guinée-équatoriale. Les eaux avancent en érodant la roche
et détruisant la végétation. Pas très loin de
là, nous pouvons constater les éboulements de terrains. A ce
rythme, la ville s'expose à de graves problèmes
environnementaux.
Photo 16 : une route poussiéreuse
à Ntoum.
- Habitat en dur dans un environnement dégradé
(Nombakélé à Libreville).
Clichés : D. NTSEBE ONONO, Juillet 2010
Photo 15 : un site en pleine dégradation
dans la commune de Cocobeach.
73
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Planche n°6 : Quelques sites pollués
dans deux villes de la province de l'Estuaire
74
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
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