II.2. les études et outils d'aménagement
urbain.
II.2.1. Les textes et les documents d'urbanisme.
La législation urbanistique du Gabon est fondée
sur la loi 3/81 du 8 juin 1981 qui « fixe le cadre de la
réglementation destinée à permettre un
développement harmonieux et rationnel des agglomérations, et
d'assurer la sécurité et le bien-être des habitants »
(loi 3/81, art1). Pour atteindre cet objectif, cette loi
prévoit deux types de documents de planification urbaine : les «
schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU)
», qui fixent la destination générale des sols, le
tracé des grands équipements, le schéma directeur
d'alimentation en eau et en électricité, la localisation des
services et
42
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
des activités, et s'accompagne d'un règlement
fixant les servitudes relatives à l'utilisation des sols. En certaines
de leurs parties qui demandent de plus grands détails, les SDAU peuvent
être complétés par des schémas de secteur. Ces
documents de planification sont adoptés par délibération
des conseils municipaux et approuvés par le Conseil des Ministres.
Les « plans d'occupation des sols (POS)»,
quant à eux, fixent les règles générales et les
servitudes d'utilisation des sols. Ils comportent, entre autres, la
délimitation des zones d'urbanisation, celle des zones d'affectation, la
détermination des tracés, largeurs et caractéristiques de
la voirie, les emplacements à réserver aux voies et ouvrages
publics et la définition des règles concernant le droit
d'implanter des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect
extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords. Ces
documents sont élaborés par l'Etat (Ministère ayant
l'urbanisme dans ses attributions), qui prend en charge les dépenses
entraînées par leur élaboration (art
2).
A cette loi d'urbanisme, s'ajoute la loi 16/93 relative
à la protection et à l'amélioration de l'environnement, la
loi 24/83PR du 18 avril 1983 portant sur la surveillance de l'urbanisme et le
document publié en mars 2000 « Stratégie urbaine du Gabon
» par le Ministère de la Planification et de l'Aménagement
du Territoire. Ce dernier a pour objectif, non seulement de concevoir une
stratégie de développement urbain durable, mais également
concevoir un cadre d'orientations pour des actions opérationnelles
tangibles sur le terrain.
II.2.2. Les outils et documents d'aménagement
des villes de la province.
La problématique de l'aménagement ou de la
gestion des villes du Gabon et singulièrement, celle de la province de
l'Estuaire, est un enjeu majeur pour le Gouvernement gabonais.
En effet, plusieurs mesures ont été
adoptées pour doter des villes de la province de l'Estuaire des outils
capables d'assurer une meilleure gestion des problèmes liés
à l'urbanisation croissante. De ces documents, on peut citer: les trois
plans d'urbanisme de la ville de Libreville ; les schémas
préliminaires d'urbanisme (SPU) des autres villes de la province.
43
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
II.2.2.1. Les opérations d'urbanisme à
Libreville
Libreville, qui est le chef-lieu de la province de l'Estuaire,
a fait l'objet de plusieurs opérations d'urbanisme du fait de sa
croissance urbaine exponentielle qui cause de graves problèmes
liés à sa gestion. En effet, le destin d'une ville n'est rien
d'autre que son processus de développement en fonction des plans
d'urbanisme qui lui sont appliqués37. De manière
succincte et en ne tenant pas compte de nombreux plans sectoriels, la ville de
Libreville a déjà fait l'objet de trois plans d'urbanisme et le
quatrième, initié depuis 1994, n'est toujours pas bouclé
(même si certains des ces principes font déjà office de
plan sectoriel)38 et récemment en Mai 2010, les experts
gabonais du ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et du logement,
associés à ceux du Bureau National d'Etudes Techniques et de
développement de Côte-d'Ivoire ont, cinq jours durant, fait un
diagnostic assorti de deux esquisses de SDAU.
Ainsi, le premier plan fut initié en 1939 dans le souci
des autorités coloniales de créer une zone non aedificandi
afin de décongestionner la « ville blanche » trop
enserré par de nombreux « villages africains ». Malgré
ce plan de 1939 qui était sectoriel, Libreville a suivi sa croissance
désordonnée. De même a été initié en
1962 sous la responsabilité de Henri Pottier, le plan portant son nom
qui est le deuxième document de ce genre, élaboré pour le
développement de la capitale gabonaise, ambitionnait un zonage de
l'habitat, des commerces, des affaires, de l'enseignement et du sport, de
l'industrie et des espaces verts. Ce plan pensait en principe le
développement d'un réseau secondaire permettant de relier les
différents pôles d'activités et d'habitats existants ou en
projets. Le dernier document de ce genre a été initié en
1965. Ce plan est dénommé, le plan d'Olivo-Prass ou
le principe d'un développement de la ville axé sue une
seule voie39, prévoyait l'organisation du grand
Libreville entre le Cap-Estérias au nord et Owendo au sud tout en
confirmant une linéarité de Libreville. L'organisation
insufflée par ce plan s'articulait autour d'une voie primaire
appelée « voie Express ». Voie sur laquelle un certain nombre
d'équipements collectifs, sociaux, ludiques et sportifs devaient
être réalisés. C'est ainsi que de nombreuses
réalisations urbanistiques
37 H.C ENGO ASSOUMOU, janv. 2007, « Voirie et
structures urbaine à Libreville », in Villes en
parallèle /villes du Gabon, N° 40-41, P.159.
38Idem.
39 Ibidem.
44
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
actuelles s'inspirent de ce schéma : lotissements
d'habitats d'Avéa II, Charbonnages par exemple, des
établissements scolaires et hospitaliers et entre 1970 et 1980, voire
même l'aménagement de Nzeng Ayong.
Figure n° 3 : Une schématisation du
plan d'Olivo-Prass (bande jaune).
Source : Nziengui Mabila.
A en juger par de nombreuses opérations d'urbanisme
effectuées dans l'agglomération de Libreville, depuis 1939
jusqu'à nos jours, on croirait que cette dernière est mieux
aménagée, structurée et où il fait bon vivre. Mais
le constat est catastrophique lorsqu'on circule dans cette ville. En effet, les
différents plans d'urbanisme qui ont été appliqués
jusque là, dans la ville, n'ont pas donné des résultats
escomptés, du fait non seulement du coût trop onéreux et
futuriste, par exemple du plan Olivo-Prass ; la non application
intégrale de ces documents qui a entraîné le recours aux
projets sectoriels mal ficelés, mais aussi et surtout l'absence de
textes et décrets d'application de ces documents de planification
urbaine.
En somme, dans ce domaine comme dans le domaine foncier par
exemple, le Gabon a des instruments législatifs de qualité, mais
devra réduire ses standards pour qu'ils soient applicables. Le fait
qu'un SDAU soit à l'étude depuis plus de 4 ans sans être
achevé est un anachronisme remarquable, puisqu'en France, qui a
45
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
vraisemblablement servi de modèle pour la loi
3/8140, ce genre de document d'urbanisme n'est plus
élaboré, mais remplacé par des «plans de
structure»41 beaucoup plus sommaires. En effet, si
aujourd'hui, les populations urbaines du Gabon, notamment celles de Libreville,
sont aujourd'hui victimes des conséquences de la non maîtrise
urbaine:inondations, des mouvements de terrain,
insécurité... Pour nous le problème n'est pas l'absence
de mesures, mais plutôt le manque de volonté politique à
appliquer les textes et documents d'urbanisme.
II.2.2.2. Les opérations d'urbanisme dans les
autres villes de la province.
Malgré l'abondance relative des opérations
d'urbanisme dans l'agglomération de Libreville, les autres villes de la
région ont eu l'opportunité d'avoir les schémas
préliminaires d'urbanisme (SPU). Ces documents importants de
planification urbaine ont été réalisés dans ces
villes pour offrir à ces dernières de réelles
possibilités de développement urbain. En effet, ces SPU
prévoyaient : la destination générale des sols, le
tracé des grands équipements, le schéma directeur
d'alimentation en eau et en électricité, la localisation des
services et des activités etc. Ainsi, les villes de Ntoum, de Kango et
de Cocobeach disposent de ses SPU, alors que les communes de Ndzomoé et
du Cap-Estérias n'en disposent pas, ils sont inexistants.
Cependant, les opérations d'urbanisme effectuées
dans ces villes, n'ont pas été appliquées dans leur
entièreté, comme cela s'est révélé dans la
ville de Libreville. C'est du moins le constat qui a été fait non
seulement par le directeur de l'urbanisme et des aménagements fonciers,
par le directeur provincial de l'urbanisme, mais également par nous,
lors de nos enquêtes de terrain dans ces localités. En effet, dans
l'ensemble de ses villes, l'espace urbain fait l'objet d'une occupation
anarchique et désordonnée malgré des projets initialement
prévus par ces SPU. A titre d'exemple, les villes de Kango, du
Cap-Estérias et de Ndzomoé ne disposent pas d'un service
d'urbanisme ni du cadastre pour régulariser l'occupation du sol. Par
contre, les communes de Cocobeach,
40 Ministère de la Planification, de la
Programmation du développement et de l'Aménagement du Territoire,
Programme d'Ajustement et de Planification des Secteurs Urbain et Transports
(PAPSUT), Stratégie urbaine au Gabon, p.31
41 Idem.
46
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
d'Owendo et de Ntoum ont dans chacune d'elle, un service qui
traite de ses questions dans leurs différentes Mairies.
A partir de l'analyse faite sur le processus d'urbanisation
dans la province de l'Estuaire, où nous avons pu saisir l'origine de la
création des villes et les politiques mises en place pour le
développement de ces dernières, nous serons tenter, dès
à présent, de nous poser la question suivante : quel est impact
de l'urbanisation sur l'aménagement et le développement de la
province de l'Estuaire ? Cette grande interrogation va constituer la
deuxième partie de notre travail.
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Figure no 4 : SPU de Libreville.
Source : SDAR, Estuaire.
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Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
Figure n° 5 : SPU de Ntoum.
Source : SDAR, Estuaire.
Ces deux figures présentent les Schémas
Préliminaires d'Urbanisme des villes de Libreville et de Ntoum. Ces SPU
prévoyaient : la destination générale des sols, le
tracé des grands équipements, le schéma directeur
d'alimentation en eau et en électricité, la localisation des
services et des activités etc. Si quelques projets ont été
réalisés, il demeure tout de même que ces SPU n'ont pas
été entièrement appliqués, ils ont donné
place à une pléthore de projets sectoriels au gré des
hommes politiques.
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
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