2.1.1-) La BEAC, organe de gestion de la politique
monétaire
La BEAC (Banque des États de l'Afrique Centrale) est un
établissement public multinational qui exerce le privilège de
l'émission des billets et monnaie métallique ayant cours
légal et pouvoir libératoire dans les six États qui en
sont membres et actionnaires60. Née des accords de
Brazzaville signé les 22 et 23 Novembre 1972, la BEAC, qui remplace de
fait l'ancienne Banque Centrale des États de l'Afrique
Équatoriale et du Cameroun (BCEAEC), est actuellement régie par
la Convention instituant l'UMAC61, convention de coopération
monétaire passée entre la France et les États de la CEMAC
telle que définie à l'article premier des statuts de la BEAC
d'avril 1998. Au-delà de la définition et la conduite de la
politique monétaire applicable dans les six états membres de la
zone, ses autres principales attributions consistent notamment à :
émettre les billets de banque et les monnaies métalliques ayant
cours légal et pouvoir libératoire dans l'union; conduire les
opérations de change; détenir et gérer les réserves
officielles de change des pays membres; promouvoir le bon fonctionnement du
système des paiements dans l'union. Afin de mieux assurer ces fonctions,
la BEAC est assistée aussi bien au plan national que
sous-régional par des organes de contrôle de l'activité
bancaire dont les plus en vue sont : COBAC (organe commun de supervision des
établissements de crédit créé le 16 octobre 1990),
le Conseil national de crédit (qui a pour principale attribution
d'émettre des avis sur l'orientation de la politique de crédit
ainsi que sur la création et la fermeture des banques par
l'intermédiaire d'une commission de contrôle qu'il désigne
en son sein, mais aussi de faire assurer le contrôle de l'activité
bancaire), l'Association professionnelle des établissements de
crédit du Cameroun (APECCAM, qui est un syndicat unique auquel doivent
adhérer obligatoirement tous les membres de la profession bancaire).
2.1.2-) Les banques créatrices de monnaie,
interlocuteur principal des entreprises en quête de
financement
Les banques universelles sont, au terme de l'article 9 du
règlement cité ci-dessus, des établissements de
crédit habilités d'une façon générale
à recevoir tout fond du public. Elles peuvent effectuer toutes les
opérations de banque et toutes les opérations connexes ainsi que
les opérations non bancaires autorisées par la
réglementation. Ces opérations comprennent : la réception
des fonds du public ; l'octroi des crédits ; la délivrance des
garanties en faveur
60 Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée
équatoriale et Tchad
61 Union Monétaire de l'Afrique Centrale.
d'autres établissements de crédit ; la mise
à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de
paiements. C'est cette gamme de services financiers variés que sont
capables d'offrir les banques universelles qui fait d'elles des partenaires
privilégiés des entreprises (Avom et Eyeffa, 2007 ; Maque, 2007).
Le réseau bancaire camerounais est actuellement animé par 12
banques commerciales62. COBAC (2008) relève que les banques
de la zone CEMAC sont de plus en plus disposées à octroyer du
crédit à l'économie. Il ressort de son rapport que «
contrairement à la situation qui prévalait l'année
écoulée, les crédits nets représentent
dorénavant la première composante de l'actif des banques de la
CEMAC. Ils constituent 45,1 % du total de l'actif de l'ensemble des banques
contre 37,3 % en 2007 » (p. 28). Les crédits octroyés
par ces banques vont généralement en direction des entreprises.
Selon COBAC (2010), de la période du 1er Janvier au 20 Avril
2010, les banques camerounaises ont accordé en moyenne 76,8 % de leurs
crédits aux entreprises (dont 51,8 % aux grandes entreprises et 25,0 %
aux PME) et 23,2 % aux particuliers. Sur les crédits octroyés,
les crédits à court terme représentent 53 % des
crédits octroyés contre 47 % pour les crédits à
moyen terme.
2.1.3-) Les banques spécialisées,
instrument de développement économique et social à la
solde de l'État
Les autres institutions financières bancaires ne
jouissent pas en principe du privilège de créer de la monnaie
scripturale. Généralement, elles n'acceptent pas les
dépôts à vue transférables par chèques, mais
collectent des dépôts autres que des dépôts à
vue comme les dépôts à terme d'une durée maximale de
deux ans (Okah-Atenga, 2005). Ce sont des établissements de
crédit auxquels l'État a confié une mission permanente
d'intérêt public. Elles sont toutes sous la tutelle des pouvoirs
publics, même si elles sont quelquefois possédées par des
actionnaires privés. Ces institutions peuvent être
éligibles ou non au refinancement de la banque. Celles qui sont non
éligibles au refinancement sont représentées par les
Caisses d'épargne, les caisses d'épargne postale et les banques
mutualiste. Celles qui sont éligibles au refinancement sont
représentées par les institutions bancaires d'habitat social et
les banques de développement. Ces dernières, ont pour objectif
principal de faciliter l'accès au crédit sollicité par les
PME en leur apportant leur concours techniques et financiers pour la
62 Il s'agit de: Afriland First Bank (First Bank),
Banque Internationale du Cameroun pour l'Épargne et le Crédit
(Bicec), Citibank N.A. Cameroon (Citibank), Commercial Bank of Cameroon (CBC),
CA SCB Cameroun (CLC), Ecobank Cameroun (Ecobank), National Financial Credit
Bank (NFC Bank), Société Générale de Banques au
Cameroun (SGBC), Standard Chartered Bank Cameroon (SCBC), Union Bank of
Cameroon Plc (UBC Plc), Union Bank for Africa (UBA), Banque Atlantique du
Cameroun (BAC ; Cette dernière à racheter en 2008 les
activités d'Amity Bank Plc).
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
74
réalisation des projets de promotion du
développement économique et social dans les secteurs jugés
prioritaires (agriculture, artisanat, consommation...) (Okah-Atenga, 2005).
Les expériences passées qu'a connu le Cameroun
en terme de banques spécialisées n'ont pas toujours
été couronnées de succès. La banque camerounaise de
développement (BCD) chargée du financement des projets du
développement à été liquidé en 1989. Le
Fonds National de Développement Rural (FONADER) crée en 1978 en
remplacement de la BCD et spécialisé dans le financement de
l'agriculture est dissout en 1991. Sur un plan international, la Banque de
Développement des États de l'Afrique Centrale (BDEAC) crée
en 1975, la Banque Africaine de développement (BAD), l'Agence
Française de Développement (AFD), Fonds Européen de
développement (FED.) assurent un rôle analogue que celui de la
BCD.
2.2-) Les institutions financières non
bancaires
Les établissements financiers (2.2.1) et les
établissements de microfinance (2.2.2) sont les deux
principales institutions financières à caractère non
bancaire intervenant dans le financement des PME au Cameroun.
2.2.1-) Les établissements financiers, promoteurs
de l'acquisition des équipements productifs par les PME
Ils sont constitués des institutions financières
non bancaires privées à caractère individuel, publique et
parapublique, et des établissements financiers à caractère
mutualiste (coopérative d'épargne et de crédit)
(Okah-Atenga, 2005). Ils ne reçoivent pas en principe des
dépôts du public, mais participent au financement de
l'économie en octroyant des crédits sur des fonds propres ou des
fonds empruntés, ou en effectuant des opérations ayant des
incidences sur le secteur monétaire. Peuvent être
distingués :
> les établissements de promotion des investissements
qui financent
les immobilisations des entreprises, amortissables sur une
longue période. Cas de PRO-PME financement SA spécialisé
dans le financement des PME/PMI notamment des projets de modernisation,
diversification et accroissement des activités de tous les secteurs,
à travers des crédits de trésorerie, d'équipement,
d'investissement immobilier et le crédit-bail ; mais aussi de la
Société nationale des investissements (SNI) dont objet essentiel
la prise de participation au capital des sociétés
(capital-risqueur).
> les établissements d'aide aux PME comme le FOGAPE.
Crée en 1984, il est depuis les années 2000 sous administration
provisoire. Cet établissement a cessé, au début des
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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années 2000, toute activité de crédit et
ne procède plus qu'au recouvrement des créances qui peuvent
encore l'être (COBAC, 2008)
> les établissements de promotion du leasing (Africa
leasing company)63.
> les établissements de recouvrement de
créances qui se chargent des opérations de recouvrement de
créances moyennant perception des commissions (Société
camerounaise de recouvrement des créances SRC) ;
> les établissements de promotion de la consommation
qui consentent les facilités aux ménages pour leurs besoins
courants et surtout pour l'acquisition de biens semi-durables :
Société camerounaise d'équipement (SCE) ;
Société générale d'équipement et de
crédit (SOGEC) ; Société camerounaise de crédit
automobile (SOCCA, devenue en 2006 ALIOS Finance Cameroun) ;
> les établissements de promotion du factoring qui
rachètent les créances en vue de procéder à leur
recouvrement (Société financière africaine SFA SA) ;
> les établissements de promotion de l'habitat
à l'instar du Crédit Foncier du Cameroun (CFC) qui octroi des
prêts immobiliers destinés à : l'achat de terrain, la
construction, l'acquisition, la finition ou l'amélioration du logement,
la promotion immobilière public et privée.
2.2.2-) Les établissements de microfinance
orientés vers le financement du cycle d'exploitation et des
investissements de court terme
Parties des pratiques tontinières informelles, la
microfinance à démarrer sous sa forme formelle au Cameroun avec
la création des premières coopératives d'épargne et
de crédit (COOPEC) dès 1963 sous l'impulsion de missionnaires
hollandais (Creusot, 2006). Le développement de ce nouvel outil de
financement de l'économie va être favorisé par la crise
bancaire des années 1980 qui a entrainé la liquidation de
plusieurs banques, la fermeture de la presque totalité des guichets de
banques dans les zones rurales et les petites villes et le licenciement de
nombreux cadres. Ces derniers vont se reconvertir en créant de
nombreuses coopératives d'épargne et de crédit
fonctionnant ou essayant de fonctionner comme des quasis banques (Avom et
Eyeffa, 2007). C'est ainsi que vont apparaitre plusieurs établissements
de microfinance qui exerceront de manière indépendante ou en
réseau64. La contribution de plus en plus croissante de cette
catégorie d'intermédiaire au financement de l'économie et
leur expansion anarchique vont pousser les autorités à une
réglementation des activités des EMF (COBAC, 2007). Les premiers
signes de la fragilité du secteur qui commencent en 1997 avec
63 Notons à ce sujet que le
crédit-bail est également offert par plusieurs autres
institutions comme ALIOS Finance Cameroun, la BICEC, la SGBC et la PRO-PME
Financement. Ces établissements, qui font partir de la CAMLEASE
(Cameroon Leasing Association) créée en fin 2008 pour promouvoir
le développement du crédit-bail, sont les principaux offreurs de
ce type de contrat au Cameroun en fin 2009 (Beye et al., 2010).
64 Le réseau est un ensemble
d'établissement agrées animés par un même objectif
et qui ont volontairement décidé de se regrouper afin d'adopter
une organisation et des règles de fonctionnement communes.
la faillite successive de plusieurs coopératives
d'épargne et de crédit ont favorisé des réflexions
sur les possibilités de réglementation de ce secteur. Cette
réflexion aboutit en avril 2002 à l'adoption par le Conseil des
ministres de la CEMAC du règlement 01 / 02 / CEMAC / UMAC / C0BAC
relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de
microfinance en zone CEMAC. Ce règlement qui comprend 11 titres et 71
articles est accompagné de 21 normes prudentielles
édictées par la COBAC en vue d'assurer la sauvegarde des
dépôts des épargnants et la prévention de la
faillite des établissements agréés. Il ressort de
l'article premier de ce règlement que la microfinance comme étant
une activité exercée par des entités agréées
n'ayant pas le statut de banque ou d'établissement financier et qui
pratiquent, à titre habituel, des opérations de crédit et
ou de collecte de l'épargne et offrent des services financiers
spécifiques au profit des populations évoluant pour l'essentiel
en marge du circuit bancaire traditionnel. L'article 5 identifie trois
catégories d'IMF : la 1ère catégorie
constituée d'IMF qui ne traitent qu'avec leurs membres (ce sont les
coopératives, les associations, etc.), la 2ème qui
regroupe les IMF qui offrent des services financiers à des tiers (elles
doivent avoir le statut de société anonyme), et la
3ème composée d'IMF qui n'offrent que du crédit
et n'est pas autorisée à mobiliser l'épargne. Il ressort
du Rapport COBAC (2008, p. 58) que le secteur de la microfinance est
animé au Cameroun, à la date du 30/09/2008, par 481 EMF dont 441
de première catégorie (parmi lesquels 179 indépendants et
262 évoluant en réseaux65), 38 EMF de deuxième
catégorie et 02 EMF de troisième catégorie.
Les services financiers fournit à la clientèle
comprennent essentiellement les opérations de transferts et le change
manuel mais aussi et surtout l'épargne, le crédit. Concernant ce
dernier service, la dimension court-termiste de la microfinance contraint les
EMF à octroyer généralement des crédits de
trésorerie aux PME et à financer les investissements de court
terme. Ces interlocuteurs financiers des PME seraient plus disposer ou seraient
plus aptes à financer les besoins en fonds de roulement que les
équipements productifs. L'enquête réalisée par le
Ministère de l'Économie et des Finances en 2005 en collaboration
avec la COBAC montrent que les crédits octroyés par les EMF se
font en raison de 20 % aux PME et PMI, plus de 35 % au secteur agricole, 34 %
au petit commerce et à l'artisanat (Avom et Eyeffa, 2007). Ces
crédits sont néanmoins octroyés à des conditions
assez contraignantes pour les clients. COBAC (2006) relève que les taux
débiteurs et
65 L'enquête mener par le Ministère
des finance entre 2004 et 2005 montrent que les principaux réseaux dont
dispose le Cameroun sont : le réseau CAMCCUL (Cameroon
Coopérative Credit Union League), le réseau des MC2
(Mutuelles Communautaire de Croissance), le réseau des CVECA (Caisses
villageoises d'épargne et de crédit Autogérées).
Ces réseaux concentrent à eux seuls plus de 62 % de
l'épargne collectées par les EMF, et regroupaient un peu plus de
80 % de la clientèle des EMF (Creusot, 2006).
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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créditeurs applicables à la clientèle des
EMF de la CEMAC étant libres, en moyenne, la place camerounaise a le
niveau moyen le plus élevé pour ce qui concerne les taux
débiteurs ( 38,8 % l'an), suivie de celles du Congo (35,6 % l'an) et du
Gabon (33 % l'an). Les taux débiteurs moyens les plus bas se retrouvent
au Tchad et en Centrafrique (24 % l'an).
Au regard des développements jusque la effectués
dans cette section, Les PME disposent non seulement de plusieurs modes de
financement substituables (crédit bancaire traditionnel,
crédit-bail, capital risque et microfinance) mais aussi de plusieurs
sources de financement ou partenaires financiers accessibles à des
dégrée divers (banques, établissements financiers et
établissements de microfinance...). Parmi ces interlocuteurs financiers,
les banques sont celles habilités à effectuer la totalité
des services financiers identifiés. Vue les contraintes
financières dont sont victime les PME et de la tendance de celles-ci
à solliciter simultanément plusieurs interlocuteurs (Biboum et
Bekolo, 2008) alors même que les banques sont capables de fournir tous
ces services, se pose les questions de savoir qu'est ce qui peut motiver un tel
choix ? Quelles peuvent en être les conséquences pour les
entreprises se prêtant à se régime de financement ?
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