1.1.1-) La location-investissement et/ou
location-financement : le crédit-bail
Les différents moyens de financement disponibles pour les
entreprises sont classés par la théorie du financement
hiérarchique (« pecking order theory », Myers &
Majluf, 1984) en
50 Il est fait abstraction des dettes de
marchés (les obligations) compte tenu de non activité du
marché financier camerounais (la Douala Stock Exchange, DSX).
51 Précisons qu'à côté
de ces substituts financiers figurent également des substituts
commerciaux ou encore non financiers tels que les dettes fiscales et sociales
et les crédits interentreprises non analysés dans ce travail.
Synthétiquement, le crédit interentreprises résulte des
délais de paiement que s'accordent les entreprises entre elles pour le
dénouement des opérations portant sur les biens et services. Pour
une entreprise donnée, sa valeur est obtenue en faisant la
différence entre les soldes des comptes Dettes fournisseurs, Avances
et acomptes clients... et ceux des compte Créances clients,
Avances et acomptes fournisseurs... Si cette différence est
positive, l'entreprise se trouve en situation d'emprunteur dans le cas
contraire, elle se trouve en situation de préteur. Le
coût de ce substitut s'analyse d'une part en termes de coût
d'opportunité relatif notamment aux escomptes de règlement que
l'entreprise aurait pu bénéficier de ses fournisseurs en cas d'un
règlement au comptant, d'autre part en termes de pénalités
relatifs au retard de paiement. Les lecteurs s'intéressant à un
examen détaillé de ces catégories de substituts peuvent
consulter Dietsch M. (1990), « Le crédit
interentreprises : coûts et avantages », Économie et
Statistiques, n°236, p. 65-79, ou Dietsch M. (1997),
« Crédit interentreprises », in Encyclopédie de
Gestion, Simon Y. et Joffre P.. 2e éd. Economica, p.
799-815.
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
65
trois classes, à savoir : l'autofinancement, les
crédits et les apports en capital. Selon cette classification, le
crédit-bail n'apparaît pas explicitement. Il est donc, très
souvent, analysé comme une alternative location/achat au
détriment d'une alternative location/financement. Les opérations
de crédit-bail sont des « opérations de location de
biens d'équipement, de matériels, d'outillages ou de biens
mobiliers à usage professionnel, spécialement achetés en
vue de cette location par les entreprises qui en demeurent
propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur
dénomination, donnent au locataire la faculté d'acquérir
tout ou partie des bien loués, moyennant un prix convenu, tenant compte,
au moins pour une partie, des versements effectués à titre de
loyer » (Albouy, 2000, p. 254). Il ressort de cette définition
que ce type de contrat peut porter autant sur les biens mobiliers
(crédit-bail mobilier) qu'immobiliers (crédit-bail immobilier).
Ce substitut financier est constitué d'un ensemble de contrats notamment
: un contrat de vente entre le fournisseur du bien et la
société de financement par crédit-bail qui achète
le bien choisi par le preneur, un contrat de location entre le
crédit-bailleur et le preneur et une promesse unilatérale de
vente au profit du locataire pour un prix convenu à l'origine.
C'est cette promesse unilatérale de vente qui différentie ce type
de contrat et le contrat location financière52 comme le
montre la figure ci-dessous :
Figure 3. 1: Le mécanisme de
crédit-bail
SOCIÉTÉ DE CRÉDIT-BAIL
(Nouveau propriétaire du bien)
i
: Ordre des opérations
i = I, II, III, IV
IV
Renonciation à l'exercice du droit et restitution du bien
à son propriétaire
TRANSFERT DU DROIT DE PROPRIéTé
Paiement du bien
Levée de l'option d'achat et transfert de la
propriété du bien
II
LOCATION AVEC PROMESSE DE VENTE
Paiement des loyers (redevances crédit-bail)
CONTRAT DE CRÉDIT-BAIL
FOURNISSEUR OU VENDEUR DU BIEN
III
CHOIX DU BIEN
Livraison du bien
I
PRENEUR OU LOCATAIRE
(Utilisateur du bien)
Source : adaptée des
analyses faites par Albouy (2000) et Teulié et Topsacalian (2000).
52 La location financière est une autre
solution financière pour les projets d'investissement des entreprises.
Il s'agit d'un mécanisme qui leur permet de louer des véhicules
ou des matériels nécessaires à leurs activités. Les
contrats de location financière sont généralement
associés à des contrats de maintenance et
d'entretien-réparation des biens loués.
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
66
Cette triple dimension contractuelle offre plusieurs avantages
aux deux parties au contrat. Les attributs du crédit-bail sont
analysés dans la littérature par comparaison au contrat de dette
classique. Remarquons toutefois que dans l'espace OHADA, le crédit bail
est considéré comme un emprunt équivalant à
l'emprunt bancaire classique53.
> Avantages pour le preneur . · ce type de
contrat lui offre la possibilité de préserver ses fonds propres
et sa capacité d'autofinancement tout en assurant un financement
intégrale de l'investissement sans exigence de garanties lourdes comme
l'emprunt bancaire. La flexibilité qui le caractérise ainsi que
sa nature irrévocable permet le transfert du risque d'obsolescence du
matériel à l'organisme de financement. Si on reprend aussi
l'esprit de la théorie de Modigliani & Miller (1963), les loyers
fixes et non indexés sur le taux du marché monétaire
offrent des économies d'impôts du fait de leurs caractères
déductibles.
> Avantages pour le crédit-bailleur . ·
ce dernier bénéficie du droit de propriété du
bien jusqu'à la cession de ce bien avec une option d'amortissement
accéléré du bien. En cas de défaillance du preneur,
il demeure le créancier le moins lésé car il a la
possibilité de récupérer son bien. Le crédit-bail
constitue ainsi une solution idéale pour les PME risquées chez
lesquelles la garantie est constituée par la propriété du
bien. Ce serait une explication de la tendance des banques à
sécuriser leurs crédits à moyen terme aux PME/PMI par
l'utilisation du crédit-bail au détriment des emprunts (Beye et
al., 2010).
Tous ces avantages sont néanmoins reliés à
quelques incommodités.
> Inconvénients du crédit bail
. · Ils résident dans le fait que c'est une technique de
financement à coût élevé pour les petits
investissements. Il fait subir au preneur une perte d'économies
d'impôts sur la déductibilité des charges
financières et des dotations aux amortissements lié à un
financement par emprunt. Le crédit-bail se limite au financement des
besoins d'investissements. Le besoin en fonds de roulement nécessaire
pour accompagner la croissance des sociétés demeure
l'activité des établissements de financement traditionnels. De
plus, ce sont des contrats réservés généralement
aux biens
53 Le Système Comptable OHADA a posé
une règle de présomption de "location-financement" pour tout
contrat de crédit-bail. Il oblige, à de rares exceptions
près, à retraiter les opérations de crédit-bail en
immobilisations assorties d'emprunts équivalents. Ce retraitement (le
retraitement général) intervient impérativement
dès lors que la valeur d'une immobilisation acquise par
crédit-bail excède 5% du total brut des immobilisations. Des
limitations à ce procédé sont cependant apportées,
dans le cas où une entreprise utiliserait de nombreux "petits
matériels" pris en crédit-bail, mais dont la valeur globale
représente plus de 20% du total brut des immobilisations. Dans ce cas,
un retraitement simplifié est nécessaire. Le total des
loyers correspondants est à ventiler entre intérêts et
amortissements économiques des biens, sans compte courant d'un emprunt
équivalent. Un non retraitement peut intervenir dans le cas ou
les deux situations précédentes ne sont pas
identifiées.
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
67
standards et investissements non spécifiques qui ne
peuvent être, une foi le contrat conclu, donnés en garantie pour
d'autres crédits. Ainsi, ce type de financement paraitrait limité
par la nature de l'investissement à réaliser spécialement
lorsque celui-ci a un caractère immatériel.
1.1.2-) Le capital-risque, substitut destiné au
financement des activités innovantes
Dans un contexte économique caractérisé
par la concurrence et la mondialisation, les entreprises se doivent
d'être innovantes et prêtes à bousculer le paysage existant
des industries. Pour financer ces activités innovantes, la TCT
recommande, en s'appuyant sur leur nature spécifique, d'utiliser les
fonds propres (Tioumagneng, 2009). Mais les petites entreprises, à fort
potentiel de croissance, sont très handicapées. Leur
autofinancement est souvent insuffisant, le recours à l'emprunt, qui est
à proscrire, peut s'avérer impossible voire suicidaire face au
risque inhérent à ce type d'investissement (Lachmann, 1997).
Proposant un mode de financement pour ce type d'entreprises, l'industrie du
capital-risque, avec l'appui des gouvernements, joue un rôle primordial
dans cette recherche de l'innovation.
Conçu aux USA en 1946, la venture capital
traduite par capital-risque en français, voit sa croissance
s'accélérer dans les années 70 et devient un
véritable phénomène avec la révolution des
technologies de l'information et la faiblesse durable des taux
d'intérêt dans les années 90. En Europe, le capital-risque
démarre dans les années 80 et est définit par la European
Venture Capital Association comme « tout capital investi par un
intermédiaire financier dans les sociétés ou des projets
spécifiques à fort potentiel ». Il regroupe l'ensemble
des investissements employés dans : les phases de création de
l'entreprise [l'amorçage (seed-financing), le démarrage
(start-up-financing) et la post création (early
stage)], les phases de développement de l'entreprise [financement
du besoin en fonds de roulement (second stage), de la croissance
(expansion capital), et financement d'attente (mezzanine
financing)], et les phases de transmission ou reprise d'entreprise
(capital transmission), (Teulié et Topsacalian, 2000).
L'activité du capital-risque est une forme
d'intermédiation financière qui associe les investisseurs (qui
confient des capitaux au capital-risqueur dans l'espoir de rentabilité
élevée), les organismes de capital-risque (qui prennent des
participations et assistance dans les entreprises dans le but de rechercher des
plus values à long terme) et les entreprisses généralement
à fort potentiel de croissance (Lachmann, 1997). Trois principaux
aspects distinguent à ce titre le capital-risqueur des autres bailleurs
de fonds :
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
68
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
69
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
70
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
71
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
72
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
73
> quelque soit l'étape de développement dans
laquelle se trouve l'entreprise, l'intervention du capital-risque se fait par
la souscription à une augmentation du capital en fonds propres ou en
quasi-fonds propres. Le capital-risqueur est par conséquent
exposé aux aléas du dividende et au risque de moins values. C'est
ce qui justifierait le fait que les entreprises cibles sont
généralement celles développant des innovations radicales
qui leur permettent de connaître une croissance rapide, conduisant
à anticiper d'importants flux de trésorerie future.
> l'activité du capital risque ne doit tout de
même pas se confondre avec le simple financement en fonds propres : c'est
un financement assortie d'une assistance au management. Contrairement aux
autres actionnaires, les capital-risqueurs ne restent pas inactifs. Avec leur
savoir faire, ils fournissent assistance à la détermination de la
politique générale, a la croissance de l'entreprise, à
l'évaluation financière, au recrutement de personnel, aux
relations avec les actionnaires et enfin a la liquidation éventuelle de
la participation... (Bergemann et Hege, 1998)54.
> les deux traits précédents montrent que le
capital-risqueur fournit un financement de nature relationnelle qui implique
l'inscription de la relation dans la durée (long terme) mais à
caractère temporaire.
Malgré tout ces atouts, le caractère familiste
et le désir d'autonomie des dirigeants de la plupart des PME seraient
des facteurs pouvant entraver le recours à ce type de financement.
1.2-) Les microcrédits et la microfinance : de
l'intermédiation sociale à l'intermédiation
financière
Créés à l'origine pour secourir les
exclus du système bancaire (1.2.1), les microcrédits ont acquis,
avec l'évolution de la conjoncture économique, une importance
considérable en se constituant en principal outils de financement du
cycle d'exploitation des PME (1.2.2).
1.2.1-) Le « système bancaire
anti-pauvreté » des agents rationnés sur le marché
bancaire
Historiquement, la microfinance doit son origine aux
nombreuses exigences des banques traditionnelles aux plus démunis qui
n'offraient aucune garantie à la fois pour les opérations de
dépôts et d'emprunt. Ceux-ci se trouvaient exclus du
système bancaire traditionnel. Pour faire face à ce
problème, ils se voyaient dans l'obligation de se tourner vers
54 Cités par Tioumagneng (2009).
le secteur informel. Ces derniers avaient recours soit aux
prêteurs d'argent dont les taux d'intérêt étaient
faramineux et décourageaient à la longue soit ils empruntaient
tout simplement à la famille, aux voisins ou aux amis. Certains exclus
s'organisaient en mettant leur épargne en sécurité
auprès d'une personne digne de confiance (le tontinier) qui s'engage en
retour à restituer ces versements sur demande (Lelart, 2006). Les
pratiques tontinières recouvraient plusieurs formes : la tontine
mutuelle ou tournante, la tontine commerciale et la tontine financière
(Fouda, 1992). Ces techniques informelles de financement, dont la vocation est
de pallier aux imperfections de marché, vont se développer sous
l'impulsion des États et des organisations non gouvernementales. Leurs
institutionnalisations commencent avec l'expérience de la Grameen
Bank au Bangladesh dans les années 1970 qui a servi de
détonateur à l'émergence dans le monde de formes
institutionnalisées de microfinance55, orientées vers
le microcrédit.
Le système de microfinance (dit système
décentralisé) s'adresse donc à l'origine à
plusieurs catégories d'exclus des systèmes financiers «
officiels» souvent corrélées entre elles: les pauvres, les
femmes, les ruraux et les analphabètes. C'est avant tout un outil de
développement économique et social permettant aux personnes
à faibles ressources, porteuses d'un projet personnel, de
bénéficier de prêts que leur refuse le système
bancaire traditionnel. Ses techniques, dont le crédit solidaire
basé sur la finance de proximité56 et la confiance,
ont prouvé qu'il était possible de prêter à des
populations considérées par les banques comme trop
risquées et dépourvues de garanties nécessaires pour
être solvables. Contrairement aux banques (qui ont une
méthodologie de crédit se fondant en général sur
les actifs, et reposant largement sur le gage et autres garanties
matérielles pour assurer le remboursement), la méthodologie de
crédit de la microfinance repose davantage sur le profil individuel :
l'évaluation des crédits est centrée sur la volonté
et la capacité des clients à rembourser, plus que sur les actifs
pouvant être saisis en cas de non-remboursement (Lefilleur, 2008). Ils
recouvrent une grande diversité de formes institutionnelles (mutuelles,
associations d'épargne
55 Les spécialistes considèrent que
la microfinance a démarrée avec la banque Grameen au
Bangladesh fondé par le professeur d'économie Mohammad Yunus
(Prix Nobel de la paix 2006). Les théories économiques qu'il
enseignait à la Faculté des Sciences Économique de
l'Université de Chittagong lui parurent décalées de la
réalité. Cela le poussa à rechercher une solution
concrète aux problèmes quotidiens des pauvres. Au contact des
artisanes qui lui expliquaient leurs dépendance à l'usurier pour
acheter les matières premières, Yunus se rendit compte que la
majorité des bénéfices allaient à l'usurier et non
à elles-mêmes ou à leurs familles. Ainsi décida-t-il
de contacter des banques locales pour octroyer des petits crédits
à celles-ci. Suite à leur refus, il décida de prêter
sur ses propres économies. A l'échéance du remboursement,
l'ensemble des femmes se sont acquittées de leurs dettes. Ainsi
commençait ce qui est devenu dès 1976 la Grameen
Bank.
56 Le financement de proximité couvre des
opérations entre les agents à capacité de financement et
agents à besoin de financement dont les relations sont
prédéterminées par l'appartenance à un même
espace qui peut être non seulement géographique (financement
local) mais aussi ethnique, religieux ou professionnel (Servet, 1996).
crédit57, entreprises, projets à
volet crédit...). Ces institutions fournissent une gamme variée
de services financiers (services de crédit, d'épargne,
d'assurance, de transferts d'argent...) se rapprochant de plus de ceux offerts
par les banques.
|