Si les auteurs précédents mettent en
évidence les biens fondés de la bilatéralisation de la
dette en termes d'avantages informationnels pour la banque, Sharpe (1990) et
Rajan (1992) montrent que cet avantage pourrait être préjudiciable
pour l'entreprise. L'atténuation des problèmes de
sélection adverse et d'alea moral que procure un tel régime du
coté de l'emprunteur, peut être substitué par un risque
moral lié au comportement de la banque. Ce risque va se traduire par une
« capture informationnelle » permettant au préteur d'exercer
un pouvoir de monopole par l'application de taux d'intérêt
élevés (hold-up). En effet, l'exclusivité de la
relation confer à la banque « interne » un avantage
informationnel par rapport aux banques « externes ». Ces
dernières, si elles sont sollicitées, proposeront à
l'emprunteur un taux comportant une prime de risque relative à
l'imperfection de
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
39
l'information. La banque « interne », en
dépit de la parfaite connaissance de caractéristiques de
l'emprunteur, pourrait lui proposer le même taux tout l'expropriant
[hypothèse confirmée empiriquement par Pozzolo (2004) en Italie
et Degryse et Ongena (2005) en Belgique].
En plus de ce problème de hold-up, Kornai (1980,
cité par Tioumagneng, 2009) soutient que la confiance sur laquelle
repose la relation est à même de limiter la vigilance des
créanciers. La relation de clientèle peut ainsi conduire la
banque à un refinancement systématique des emprunteurs en cas de
difficulté. Cet appui interviendrait lorsque le produit de la
liquidation d'un client, dont la défaillance est plus que plausible, ne
permettrait pas à la banque de recouvrer ses fonds. Dans ces conditions,
celle-ci pourrait, dans l'espérance d'un rétablissement
vraisemblable de l'activité du client et de recouvrer les prêts
antérieurs, atténuer la contrainte budgétaire de ce
dernier (« soft-budget constraint ») par un refinancement
systématique. Cette logique remet ainsi en question le rôle de la
relation exclusive comme moyen de contrôle, de surveillance et
d'évaluation de l'emprunteur tel que le soutient Berger (1999). L'effet
de la relation de clientèle sur la disponibilité du crédit
pourrait ainsi résulter soit de l'avantage informationnel, soit de
l'extrême tolérance de la banque. Aussi, la forte
flexibilité de la banque peut conduire le client à adopter ex
ante un comportement opportuniste pouvant se traduire par la sélection
peut rigoureuse des projets d'investissement voir par des substitutions
d'actifs ex post (Bolton and Scharfstein 1996).
Au terme de cette étude théorique portant sur
la monobancarité, il à été question de passer en
revue la littérature sur les enjeux de l'adoption d'un tel régime
pour la PME en terme de conditions de crédit. Il ressort que les travaux
reliant la monobancarité, appréhendée sous son aspect
relationnel, et les conditions de financement de l'entreprise aboutissent,
autant sur les modélisations théoriques que les
vérifications empiriques, à des conclusions nuancées et
contradictions. L'analyse des travaux fondateurs de cette option de financement
montre que la durée et l'étendue des services offerts par la
banque sont généralement retenues comme proxies de
l'intensité de la relation banque/PME au vue de la forte opacité
informationnelle et des risques caractérisant cette dernière.
Dans cette perspective, avantages informationnels, flexibilité et
réputation qu'engendrent ces proxies, seraient, d'une part favorables
à l'atténuation des contraintes financières (Petersen et
Rajan, 1994 ; Boot, 2000), mais d'autre part, seraient sources d'opportunisme
et d'accentuation de ces mêmes contraintes (Sharpe, 1990 ; Rajan, 1992).
La question manquant ainsi de consensus, il est important d'intégrer ces
enseignements dans le cadre camerounais afin d'apprécier comment les
différentes prédictions théoriques y sont
représentées.