LA TRANSPOSITION DANS L'ORDRE JURIDIQUE NATIONAL
DES DIRECTIVES CEMAC : UNE ANALYSE SOUS LE PRISME DE LA PRATIQUE
EUROPEENNE
UNIVERSITE DE YAOUNDE II THE UNIVERSITY OF
YAOUNDE II
INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN
B.P.: 1637 Yaoundé Tel: 22 31 03 05 Fax: (237) 22 31 89
99
www.iricuy2.net
INTERNATIONAL RELATIONS INSTITUTE OF
CAMEROON
P.O Box: 1637 Yaoundé
Tel: 22 31 03 05
E-mail:
iric@uycdc.unicet.cm
Mémoire présenté et soutenu publiquement
en vue de l'obtention du Master en Relations internationales,
Option : Intégration
régionale et management des institutions communautaires PAR
: MBOGNE CHEDJOU GABRIEL CEDRIC Sous la direction de
:
Dr KENFACK Jean Chargé de Cours
à l'IRIC
Sous la supervision de :
Pr. OLINGA Alain Didier
Maître de Conférence en Droit public
Chef de département de Droit international à
l'IRIC
Année académique 2011-2012
i
DEDICACE
A vous qui avez toujours cru en moi et veillé à
ce que je dispose du nécessaire pour suivre sereinement mes
études : Mbogne Fidèle, Tchinda Emmanuel, Tchatagne Sop
Eugène.
II
REMERCIEMENTS
Nous adressons nos sincères remerciements :
- Au professeur Alain Didier Olinga, Chef de
département de droit international à l'IRIC, notre «
véritable maitre » académique, pour avoir accepté de
superviser ce travail. Sa grande rigueur et son exigence scientifique auront
été pour nous tout au long de notre séjour à l'IRIC
des exemples et défis à relever.
- Au docteur Jean Kenfack, enseignant
à l'IRIC, pour avoir accepté de diriger ce travail. Ses conseils,
orientations, recommandations et avis gracieusement prodigués, tant
à l'endroit de l'étudiant que de l'individu, auront largement
contribué à faire de nous le juriste et l'homme que nous sommes
aujourd'hui.
- Au docteur Atanga Fongue, enseignant
à l'IRIC, dont l'aide à été déterminante
pour notre travail de recherche, et dont les conseils ont toujours
été très encourageants.
- A monsieur Isaac Richard Ngolle V, chef
Cellule de la législation et des Relations Fiscales Internationales
à la Direction Générale des Impôts.
- A monsieur Tchouata Ervice, chargé
d'étude assistant à la Cellule des Relations Fiscales
Internationales de la Direction Générale des Impôts.
- A monsieur Etitane, Inspecteur Principal
des télécommunications Hors Echelle, en service à la
sous-direction de la réglementation des télécommunications
du ministère des postes et télécommunications
(MINPOSTEL).
- A monsieur Mohamadou Djafarou, Chef service
de la législation et de la règlementation interne à la
Direction des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale de
l'Agence de Régulation des Télécommunications (ART).
- A tous mes camarades de promotion, particulièrement
au trio des chés et aux membres du CERAIMCA, pour les encouragements, le
climat de franche camaraderie et la saine émulation durant nos
années d'études et même après.
- A tous ceux que je ne peux nommer ici individuellement, et
qui ont tous oeuvré à faciliter notre séjour et nous ont
accompagné tout au long de nos études.
Que tous daignent trouver ici l'expression de notre totale et
infinie gratitude.
III
LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS
AFDI : Annuaire Français de Droit International.
DGI : Direction Générale des Impôts
c/ : contre
CE : Conseil d'Etat français
CECA : Communauté Européenne du Charbon et de
l'Acier
CEEA : Communauté Européenne de l'Energie
Atomique
CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
CJC : Cour de Justice Communautaire de la CEMAC
CJCE : Cour de Justice des Communautés
Européennes
CRC Conseil Régional de la Concurrence
COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale
dir. : Sous la direction de
Ibid. : Même auteur, même texte
IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun
MINEPAT : Ministère de l'Economie de la Planification
et de l'Aménagement du Territoire
MINPOSTEL : Ministère des Postes et
Télécommunications
MINREX : Ministère des Relations Extérieures
MNE Mesures nationales d'exécution
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires
Op. Cit. : Opere citare / cité plus haut
p. : Page
pp. : Pages
PUF : Presses Universitaires de France
RCADI : Recueil de Cours de l'Académie de Droit
International
SGAE : Secrétariat Général des Affaires
Européennes
SGG : Secrétariat Général du
Gouvernement
UDEAC : Union Douanière et Economique de l'Afrique
Centrale
UE : Union Européenne
UEAC : Union Economique de l'Afrique Centrale
UMAC : Union Monétaire de l'Afrique Centrale
Vol. : Volume
iv
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE
EXIGENCE
DE L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE 17
CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE
OBLIGATION
POUR LES ETATS MEMBRES 19
SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION DE
TRANSPOSITION 19
Section II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE TRANSPOSITION
DES
ETATS MEMBRES 32
CHAPITRE II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES
DIRECTIVES
COMMUNAUTAIRES 42
Section I : LES PRINCIPES DIRECTEURS 42
Section II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE
TRANSPOSITION 48
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 60
DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION DES
DIRECTIVES
COMMUNAUTAIRES, UN EXERCICE COMPLEXE 61
CHAPITRE III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE
63
Section I : LES CONTRAINTES D'ORDRE EXTRA-JURIDICTIONNEL 63
V
Section II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT
COMMUNAUTAIRE 70
CHAPITRE IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE
D'AMELIORATION AU REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE
77
Section I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE RECOURS
EN
MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4 77
Section II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME DE CONTROLE
83
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 94
CONCLUSION GENERALE 95
BIBLIOGRAPHIE 98
TABLE DES MATIERES 105
vi
RESUME
Le démarrage des activités de la CEMAC en 1999,
marque un tournant décisif pour la construction communautaire, mais
surtout pour l'érection en Afrique Centrale d'une «
Communauté de droit ». En effet, la CEMAC impulse par le
Traité du 16 mars 1994 une nouvelle dynamique juridique concrète,
en matière de droit de l'intégration ou droit du marché
commun et qui se manifeste par exemple par l'adoption le 17 décembre
1999 de la première directive communautaire de la CEMAC : la directive
TVA et droits d'accises. La directive communautaire est un acte juridique assez
original, c'est une norme singulière dont l'exécution est
indissociable du concours des autorités nationales. Bien plus que
l'application des directives communautaires par les Etats membres, notre
travail se donne pour objectif d'évaluer la capacité d'adaptation
de l'ordre juridique camerounais, à un droit communautaire qui se veut
le cadre d'expression des intérêts communs de tous les Etats
membres.
Par une triple démarche, descriptive, analytique et
comparative, notre étude porte sur la présentation de la
transposition des directives communautaires comme obligation communautaire
nécessaire à la construction du marché commun. Il en
découle que la transposition des directives en zone CEMAC, si elle est
effective, elle ne reçoit pas encore l'implication de tous les acteurs
nécessaires à sa réalisation.
L'exercice se révèle alors assez contraignant,
car si les administrations nationales agissent en première ligne, leur
action ne pourra être contrôlée et améliorée
que par le concours indispensable de la Commission de la CEMAC, de la CJC, des
juges nationaux, et enfin des particuliers, comme le montre l'exemple
européen.
VII
INTRODUCTION
1
I- CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE
Le concept d'intégration régionale renvoie
« à une situation dans laquelle les Etats ne se contentent pas
seulement de coopérer et coordonner leurs actions, mais choisissent de
mettre en commun certaines de leurs compétences, et laissent à
des institutions autonomes le soin de gérer les intérêts
mis en commun »1. En ce sens, les traités CEMAC
impulsent la création d'un corps de règles applicables aux Etats
mais aussi à leurs ressortissants, affirmant ainsi la volonté des
Etats membres de « passer d'une situation de coopération
existante déjà entre eux, à l'étape d'union
susceptible de finaliser le processus d'intégration économique et
monétaire »2.
Si une organisation régionale africaine de
première génération comme l'UDEAC3 avait alors
mis l'accent sur une stratégie d'intégration par le marché
fondée sur la mise en place d'un système tarifaire unique, le
désarmement douanier, l'unification douanière et fiscale, l'union
économique et les fonds de solidarité, la CEMAC4
remplaçante de l'UDEAC se caractérise par la
supranationalité et la prédominance du droit dans le processus de
réalisation du marché commun. Il ressort alors du
Préambule du traité CEMAC révisé, que les
gouvernements des Etats membres de la CEMAC sont « résolus
à donner une impulsion nouvelle et décisive au processus
d'intégration en Afrique Centrale par une harmonisation accrue des
politiques et des législations de leurs Etats ». Cette
ambition d'harmonisation des législations en zone CEMAC passe notamment
par la consécration d'un système institutionnel et juridique
propre, mais aussi par la consolidation d'un véritable droit
communautaire en Afrique Centrale.
En ce qui concerne le système institutionnel et
juridique, ce dernier est consacré par le traité CEMAC
révisé, notamment en ses articles 10 à 48, et de
façon plus précise, l'article 40 consacre une nomenclature
officielle d'actes juridiques, qui peuvent être pris par les cinq
institutions5 de la CEMAC et qui n'existaient pas au sein de
l'UDEAC. On y retrouve les actes additionnels, les règlements et
règlements cadres, les directives, les décisions, les
1 KAMTOH (P.), « le droit comme instrument
d'intégration régionale : le cas du droit communautaire CEMAC
», disponible sur
http://www.parcesmotifs.net/spip.php?
2 KAMTOH (P.), Op.Cit.
3 L'Union Douanière Economique de l'Afrique
Centrale est créée par le traité de Brazzaville du 8
décembre 1964, elle est remplacée en 1994 par la CEMAC, elle fait
partie de ces premières organisations internationales africaines
créées au lendemain des indépendances.
4 La Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale est créée par le traité de Ndjamena du
16 mars 1994, qui a été révisé en 2008.
5 Voir article 10 du Traité CEMAC révisé
: l'Union Economique, l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale, le
Parlement Communautaire, la Cour de Justice, la Cour des Comptes.
2
recommandations et les avis. En outre, l'attachement des Etats
membres de la CEMAC à une réalisation de l'Union par le droit
ressort plus clairement à la lecture de l'article 47 de la Convention
UEAC6 du 25 juin 2008 signée à Yaoundé. La
production constante de ces différents actes juridiques par les
institutions et organes de la CEMAC depuis le démarrage de
ses activités en 1999, permet aujourd'hui d'entrevoir
les sources d'un réel droit communautaire en Afrique Centrale.
Le droit communautaire CEMAC peut alors être
défini comme « l'ensemble de règles de droit applicable
dans l'ordre juridique communautaire, même non écrites à
l'instar des principes généraux de droit ou de la jurisprudence
de la Cour, (articles 20 et 18 de la Convention créant la Cour).
Concrètement, il s'agit des Traités institutifs, des additifs aux
dits traités, des actes additionnels, conventions, des directives des
règlements et règlements cadres, des décisions et autres
règles contenues dans les actes pris en application des Traités
et Conventions subséquents »7. L'expression
désigne donc l'ensemble des règles juridiques posées par
les traités de la CEMAC, les actes pris par les institutions, organes et
organismes de la communauté dans l'exercice de leur compétence
normative, ainsi que les accords que la communauté conclut avec des
Etats tiers ou d'autres organisations internationales8.
Cette expansion normative communautaire au sein de la CEMAC a
eu en outre comme conséquence l'instauration d'une Cour de Justice
Communautaire9 (CJC), chargée entre autres de veiller
à la mise en oeuvre des principes issus des textes communautaires de
base, dans leur interprétation et leur application, du contrôle
juridictionnel des activités de la CEMAC et du respect par les Etats
membres de leurs obligations communautaires.
La CEMAC peut alors être créditée de
plusieurs avancées considérables dans le domaine de
l'harmonisation des législations nationales, dans la mesure où
plus d'une centaine de règlements et de directives ont
déjà été adoptés, dans des secteurs divers
du marché unique que sont la concurrence, la fiscalité, la libre
circulation, les finances publiques, les
télécommunications...etc.
6 L'Union Economique de l'Afrique Centrale est
l'une des 5 institutions de la CEMAC, c'est une institution d'action dont l'une
des missions principales est par exemple de promouvoir la démocratie, la
dignité humaine, le pluralisme, le respect universel et la protection
des droits de l'homme et les libertés fondamentales.
7 Pierre KAMTOH, « la mise en oeuvre du droit
communautaire dans les Etats membres de la CEMAC », IDEF, 2002.
p.2.
8 Pierre KAMTOH, exposé sur la Cour de Justice de
la CEMAC : compétence et procédure de la chambre judiciaire,
Libreville, octobre 2009. p.4.
9Article 10 du Traité CEMAC
révisé.
3
Comme on le constate, les règlements et les directives
sont les instruments privilégiés de l'harmonisation des
législations en zone CEMAC.
Les règlements CEMAC ont notamment une portée
générale ; ils sont obligatoires dans tous leurs
éléments et directement applicables dans tout Etat
membre10, leur intégration dans les droits nationaux ne pose
alors aucun problème. Ils sont un instrument efficace pour la
réalisation de l'intégration juridique et de par leur nombre
réellement élevé, ils sont le premier outil pour
l'harmonisation des législations nationales (plus d'une centaine).
Les directives quant à elles justifient leur usage du
fait de la souplesse et la flexibilité de leur régime juridique,
en effet elles ne lient les Etats membres que quant au résultat à
atteindre11. Toutefois, instrument de législation
médiate, les directives contrairement au règlement ne sont pas en
principe d'application directe, leur exécution nécessite
l'intervention des autorités nationales. Le choix des directives se
justifie aussi de par les domaines assez sensibles qui sont couverts par
l'adoption de ces actes, comme la fiscalité, les finances publiques, la
libre circulation, la liste n'est pas exhaustive. L'intervention des organes
internes des Etats membres se manifeste alors à travers l'adoption de
mesures nationales qui visent à transposer les objectifs de la directive
dans la législation nationale. L'applicabilité de la directive se
trouve ainsi subordonnée à ce que l'on a appelé la
procédure de transposition. C'est notamment dans le sillage de cette
méthode juridique d'intégration du droit communautaire CEMAC dans
les ordres juridiques nationaux, que s'inscrit notre sujet de recherche
« la transposition dans l'ordre juridique national des
directives CEMAC : une analyse sous le prisme de la pratique européenne
» .
II- CLARIFICATION DES CONCEPTS
1- la transposition
La transposition de prime abord peut être définie
comme « le passage d'un ordre juridique règlementaire à
un autre moyennant parfois certaines conditions de délais, d'adaptation
ou de réserves. Spécialement en Union Européenne(UE) c'est
l'action d'insérer en droit interne les normes communautaires, moyennant
les vérifications et remaniements nécessaires ; elle
désigne principalement les tâches incombant aux
départements ministériels,
10 Voir article 41 du Traité CEMAC
révisé.
11 Voir article 41 du Traité CEMAC
révisé.
4
en vue de l'intégration des directives
communautaires »12. [a transposition désigne alors
toute mesure contraignante de nature législative, réglementaire
prise par toute autorité nationale compétente d'un Etat afin
d'incorporer dans l'ordre juridique national les obligations, les droits et les
devoirs prévus dans la directive communautaire.
Si le concept ne souffre plus d'aucune ambigüité
pratique et procédurale en Union Européenne et dans ses Etats
membres (en effet, même si les Etats membres disposent d'une grande
liberté concernant les moyens de transposition, la jurisprudence de la
Cour de Justice des Communautés Européenne a très
rapidement encadré, par une série d'arrêts,
l'évolution de la pratique de la transposition en UE13), le
cas n'est pas similaire en zone CEMAC, dans la mesure où la
transposition y est une pratique assez récente, conséquence de
l'avènement au sein de la CEMAC d'un véritable système
d'intégration juridique, à travers une variété
d'actes juridiques qui faisait jusque-là défaut à
l'UDEAC.
Néanmoins, la transposition peut être
appréhendée en zone CEMAC comme une « mesure
nationale de mise en oeuvre de la directive
»14, dans la mesure où
cette dernière ne rentre pas dans la législation nationale avec
la même force qu'un règlement. L'intervention des organes internes
aux Etats membres est nécessaire, car ils sont les principaux acteurs du
processus de transposition dont la violation peut être sanctionnée
au sein de la CEMAC par la voie d'un « recours en manquement d'Etat
»15. C'est un mécanisme juridictionnel permettant la
saisine de la CJC afin que celle-ci prononce des sanctions contre tout
manquement d'un Etat membre à ses obligations découlant du droit
communautaire, des sanctions dont le régime sera défini par des
textes particuliers16.
[a transposition vise alors à éviter tout
contentieux sur la non-conformité du droit interne avec le droit
communautaire, elle implique pour se faire des précisions
complémentaires pour la directive dans le droit interne, mais aussi
l'adoption de toute disposition jugée complémentaire, tel qu'un
amendement ou une abrogation des dispositions nationales incompatibles.
12 CORNU (G.), vocabulaire juridique,
7ème édition, 2006. p.916.
13 CJCE, Royer, 8 avril 1976, aff. 48/75, Rec. p. 497 ; CJCE,
Enka, 23 novembre 1977, aff. 38/77, Rec. p. 2203 ; CJCE, Commission contre
Italie, 15 mars 1983, aff. 145/82, Rec. p. 711.
14 KENFACK (J.), les actes juridiques des
communautés et organisations d'intégration en Afrique Centrale
Occidentale, thèse de doctorat nouveau régime,
Université de Yaoundé II Soa, janvier 2003. p.110.
15 TATY (G.), « le recours en manquement d'Etat de
l'article 4 du traité révisé de la CEMAC : analyse
critique», troisième rencontre inter-juridictionnelle des
cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, mai
2010.
16 Voir article 4 du traité CEMAC révisé.
5
2- La directive
Aux termes de l'article 41 du Traité CEMAC
révisé, « les directives lient tout Etat membre
destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux
instances nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les
moyens ».
La directive CEMAC en liant tout Etat membre, se distingue
alors de la directive communautaire CEEAC17 qui ne vise que les
institutions communautaires ; de plus, elle se démarque aussi de la
directive en droit interne, qui est une mesure d'ordre intérieur qui
vise à régir l'organisation, le fonctionnement, bref la vie
intérieure des services dans un ministère, et qui joue un
rôle d'impulsion ferme sur les fins et plus souple quant au moyens pour y
parvenir.
En outre, si l'attachement des directives au but fixé
laisse en zone CEMAC une grande marge de manoeuvre aux destinataires dans le
choix des textes nationaux de transposition (lois, règlements,
décrets, arrêtés, circulaires...) et dans celui des
structures administratives de mise en oeuvre des directives, les choses ont
évolué différemment en Union Européenne (UE)
où les directives sont devenues de plus en plus
détaillées, n'offrant désormais aux destinataires qu'une
marge très limitée quant aux modalités normatives de leur
mise en exécution.
La directive CEMAC est surtout utilisée pour
l'harmonisation des législations nationales, d'où la souplesse et
la flexibilité de son régime juridique. La directive n'a pas une
portée générale, toutefois il arrive qu'elle lie tous les
Etats membres impliquant de ce fait une mise en oeuvre simultanée,
atténuant ainsi l'affirmation de sa portée
limitée18 ; c'est le cas par exemple au sein de l'UE,
où les directives font le plus souvent l'objet d'une mise en oeuvre
simultanée dans l'ensemble de la Communauté, réglant alors
indirectement la situation juridique de tous les citoyens de
l'Union19.
La mise en oeuvre de la directive est toutefois
subordonnée à la procédure de transposition, ce qui lui
ôte ainsi en principe toute possibilité d'applicabilité
directe, empêchant alors le moyen de l'invoquer en cas de non
transposition ou de mauvaise transposition. C'est une carence qui peut
notamment perdurer dans la mesure où les directives
17 La Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale est créée par le Traité de Libreville
du 18 octobre 1983.
18 KENFACK (J.), Op. Cit. p.109.
19 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire,
Paris, PUF, 2000. p.34
6
CEMAC ne prévoient généralement pas de
délais de transposition. Cependant, les directives CEMAC ont tout de
même vocation à l'applicabilité immédiate et
s'intègrent dans les ordres juridiques nationaux du simple fait de leur
publication au Journal Officiel de la Communauté. En outre, si le juge
européen a admis la possibilité de l'applicabilité directe
de la directive, entrainant une tendance à l'effacement de la
distinction entre directive et règlement, ce n'est tout de même
pas encore envisageable dans la CEMAC20. Le manquement de l'Etat en
matière de transposition n'obture toutefois en aucun cas, l'existence de
la directive, car « un tel acte en état de latence, peut
à tout moment être réactivé
»21.
La directive enfin, s'est vu admettre l'effet direct par le
juge européen, notamment en présence de dispositions claires,
précises et inconditionnelles, permettant au justiciable de s'en
prévaloir, « à défaut de mesures d'application
prises dans les délais à l' encontre de toute disposition
nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont
de nature à définir des droits que les particuliers sont en
mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat
»22. L'effet direct ne reste toutefois qu'une
qualité accessoire de la directive, qui n'agit que par défaut,
à l`encontre de la non transposition ou de la mauvaise transposition du
texte de la directive.
3- L'ordre juridique national
L'ordre juridique selon le professeur Narcisse Mouelle Kombi, est
un concept qui renvoie à « un ensemble ordonné et
coordonné de règles, formulées et établies par des
autorités compétentes, destinées à des sujets
déterminés et dont la violation est sanctionnée, au besoin
par la contrainte »23.
Le docteur Jean Kenfack insiste sur trois principaux
éléments qui sous-tendent la définition de l'ordre
juridique, à savoir, « un ensemble articulé de normes,
l'existence d'organes chargés de les produire et d'en garantir
l'exécution, l'autonomie de ces normes et des organes comme gage de leur
existence »24 ; c'est alors avec justesse selon lui, que
le professeur Isaac soutient que l'ordre juridique est un «
ensemble organisé et structuré de
20 KENFACK (J.), Op.Cit. p.111. 21Op.Cit. p.246.
22 CJCE, Ursula Becker, 19 janvier 1982, aff. 8/81, Rec. p.
53.
23 N. MOUELLE KOMBI, « l'intégration
régionale en Afrique Centrale, entre interétatisme et
supranationalisme » in : l'intégration régionale
en Afrique Centrale : bilan et perspective, HAKIM BEN HAMMOUDA,
BRUNO BEKOLO EBE, TOUNA MAMA, Paris, Karthala, 2003. p. 223.
24 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 26.
7
normes juridiques possédant ses propres sources,
doté d'organes et procédures aptes à les émettre,
à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et
sanctionner le cas échéant, les violations
»25.
L'ordre juridique national peut alors être
appréhendé comme cet ensemble structuré et organisé
de règles juridiques, doté d'organes et de procédures pour
leur émission, leur interprétation et leur sanction en cas de
violation, et qui est propre à un Etat, qui appartient à cet
Etat, et dont la sphère d'application se limite aux frontières de
cet Etat. Il peut s'agir par exemple de l'ordre juridique camerounais, ou
encore de l'ordre juridique gabonais ou congolais.
Mais cette clarification de l'ordre juridique national ne
serait vraiment pertinente dans un contexte d'intégration
régionale, et spécifiquement d'intégration du droit
communautaire en droit national, si l'on ne s'attèle pas à
distinguer l'ordre juridique national de l'ordre juridique communautaire, qui
est de plus en plus réel en zone CEMAC.
En effet, dans son célèbre arrêt Van Gend
Loos du 05 février 196326, la CJCE présente l'ordre
juridique communautaire en ces termes : « la communauté
constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les
Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits
souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres, mais
également leurs ressortissants ».
L'ordre juridique communautaire est alors avant tout un ordre
juridique international27, c'est-à-dire un ensemble de normes
obligatoires produites par des Etats souverains sujets de droit international.
En effet, les organisations d'intégration économique comme la
CEMAC, l'UEMOA, ou encore l'UE, s'appuient sur des normes qui prennent sources
dans leurs traités institutifs, définis par l'article 2
paragraphe 1er al(a) de la Convention de Vienne du 23 mai 1963 sur
le droit des traités, comme «... un accord international conclu
par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu'il
soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes, et quel que soit sa dénomination
particulière » . Les objectifs généraux de ces
organisations sont notamment consignés à l'intérieur de
ces traités, qui ont vocation à discipliner les rapports mutuels
entre Etats membres, dans le but final de
25 ISAAC (G), Droit communautaire
général, Paris, Armand Colin, 1998, p.117, cité par
KENFACK (J.), Op. Cit.
26 CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963,
aff. 26/62, Rec.1.
27 Francine BATAILLER, « le juge interne et le droit
communautaire », Annuaire français de droit international,
volume 9, 1963. p.736.
8
construire une union économique au sein de l'espace
géographique limitant leur champ de compétences. L'ordre
juridique communautaire se distingue toutefois nettement de l'ordre juridique
international, du fait justement des constantes majeures qui ressortent lorsque
l'on observe les organisations d'intégration économique :
hiérarchie des normes communautaires,
plurilatéralisme28, proximité géographique des
Etats signataires, ambitions économiques communes, élaboration de
politiques communes...etc. L'ordre juridique communautaire est en outre un bloc
juridique à deux degrés29, le premier concernant les
règles primaires ou originaires, le second concernant les règles
secondaires ou dérivées. L'intégration de ces normes
hiérarchisées dans les ordres juridiques nationaux s'effectue
dans le respect de principes qui consolident l'autonomie du droit
communautaire, en occurrence la primauté 30,
l'applicabilité immédiate31 et l'effet
direct32.
Dans le cadre précis de la CEMAC, les réformes
engagées au courant de l'année 2008 qui ont poussé la
Communauté à réviser ses textes originaires (le 25 juin
2008 à Yaoundé), permettent aujourd'hui de déceler les
trois éléments de l'ordre juridique précisés par le
docteur Jean Kenfack (les normes juridiques, les organes de production et
d'exécution, et leur autonomie ) et de conclure à l'existence
d'un véritable ordre juridique communautaire, en rapport avec les divers
ordres juridiques nationaux des Etats membres.
III- INTERET DU SUJET
L'étude que nous entendons poursuivre, présente un
intérêt sur trois plans :
Sur un plan scientifique, si bon nombre d'études
permettent d'être édifié sur la transposition en zone
CEMAC, c'est très faiblement qu'elles s'appesantissent sur la
procédure de
28 Les organisations d'intégration
économique n'admettent qu'un nombre restreint d'Etats, le principe n'est
toutefois pas absolu, car les traités institutifs prévoient la
possibilité d'un élargissement, voir par exemple l'article 55 du
traité CEMAC révisé.
29Francine BATAILLER, Op. Cit. p.736
30 Le droit produit par la CEMAC rentre dans les ordres
juridiques nationaux avec rang de supériorité. Un principe qui se
fonde notamment sur la doctrine (CPJI, 04 février 1932, aff. du
traitement des nationaux polonais et autres personnes de langue ou d'origine
polonaise dans les territoires de Dantzich), mais aussi sur l'article 27 de la
Convention de Vienne du 23 mai 1963 sur le droit des traités, ainsi que
sur l'arrêt de la CJCE Costa/Enel de 1964. Concernant son domaine, il se
limite à la supériorité de la norme communautaire face
à une norme nationale incompatible.
31La norme communautaire n'a pas besoin d'un acte
spécifique de réception pour produire ses effets dans le droit
interne, c'est la mise en oeuvre complète et uniforme du droit
communautaire dans tous les Etats membres et les juges nationaux ont
l'obligation de l'appliquer : CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5
février 1963, aff. 26/62, Rec.1.
32 C'est le droit pour toute personne de demander
à son juge de lui appliquer le traité, règlements,
directives ou décisions communautaires et l'obligation pour le juge de
faire usage de ces textes, quelle que s oit la juridiction du pays dont il
relève ; CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963, aff.
26/62, Rec.1.
9
transposition dans les Etats membres, et dans notre cas
présent au Cameroun. Il est donc important de se tourner à
l'heure actuelle vers cette pratique, afin d'expliquer, et d'éclaircir
sa réalité au Cameroun.
Sur un plan social et communautaire, la transposition des
directives communautaires assure aux entreprises et aux particuliers
l'accès à l'ensemble des avantages économiques offerts par
le marché intérieur, car ce dernier est le premier domaine
concerné par les directives CEMAC. La création d'un marché
unique vise avant tout la convergence des législations nationales en
matière économique, mais plus les directives sont
inégalement appliquées, moins cette convergence est rendue
possible dans la communauté. Le respect du délai de transposition
est alors fondamental pour la construction communautaire qui repose avant tout
sur la confiance mutuelle entre les Etats membres, et tout retard est
susceptible de fausser la concurrence et de restreindre les avantages attendus
de l'harmonisation communautaire. Il semble donc nécessaire de
s'appesantir sur un mécanisme crucial pour l'application effective et
efficace des directives CEMAC dans les Etats membres, et dans le cas
présent au Cameroun.
Sur un plan personnel, le but visé est de traiter d'un
sujet prompt à nous faire maitriser les rudiments, concepts et
mécanismes juridiques du droit communautaire, mais aussi d'apporter une
modeste contribution à « l'édification et à la
dynamisation » d'une véritable communauté en Afrique
Centrale. La satisfaction réelle d'une telle ambition n'aura donc pour
conséquence, que de nous offrir d'authentiques opportunités
professionnelles, dans un domaine de plus en plus porteur pour le
développement de l'Afrique.
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
Le premier ouvrage s'intitule les normes de droit
communautaire de Pierre-Yves Monjal33. Cet ouvrage fait une
description et une analyse des normes de droit communautaire en Union
Européenne, tout en insistant sur leurs relations réciproques et
leurs mécanismes de production. Concernant la directive, il la
présente comme un acte directif, dont la mise en oeuvre est soumise
à une procédure de transposition, qu'il définit comme la
transcription des objectifs de la directive dans la législation
nationale. Cette obligation qui incombe aux Etats membres de la
communauté peut notamment être sanctionnée en cas de
violation, par la voie d'un arrêt en manquement prononcé par la
CJCE. S'il peut être reconnu à cet ouvrage le
33 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire,
Paris, PUF, 2000, 127pages.
10
mérite d'apporter une analyse assez précise de
la directive, en revanche la procédure de transposition n'y est
décrite que de façon très superficielle et est
cantonnée à l'UE.
Le deuxième ouvrage est de Sauron
Jean-Luc34, l'application du droit de l'Union Européenne
en France. L'auteur comme le titre l'indique, traite de l'application du
droit de l'Union Européenne en France, il met l'accent sur des points
essentiels comme le droit de l'Union applicable en France (droit originaire,
droit communautaire complémentaire et droit communautaire
dérivé), le principe de subsidiarité, les principes
juridiques d'articulation entre le droit communautaire et le droit national...
et enfin la transposition des normes communautaires en droit national.
Concernant cette dernière, Jean-Luc Sauron la présente avant tout
comme un mécanisme administratif et juridictionnel, la transposition est
une liberté surveillée, dans la mesure où la Cour de
justice a réduit au fil du temps la marge de manoeuvre des Etats par une
série de précisions35 apportées dans plusieurs
arrêts ; l'auteur démontre alors la place
prépondérante de la jurisprudence communautaire et
nationale36 dans l'évolution de la transposition en Union
Européenne et en France, ainsi que celle non négligeable des
différentes structures administratives impliquées dans le
processus. Si ce deuxième ouvrage a le mérite d'être plus
avancé et plus précis sur le concept de transposition, il ne fait
aucun doute toutefois, que le contexte géographique d'intégration
étant différent, alors la pratique de la transposition s'effectue
en zone CEMAC selon des modalités qui peuvent présenter quelques
spécificités.
34 SAURON (J-L.), l'application du droit de l'Union
Européenne en France, 2ème édition, 2000,
133pages.
Plus proche de notre domaine de recherche enfin, l'article de
maître Yvon Detchenou37 intitulé brèves
réflexions au sujet de la transposition de la norme communautaire dans
les Etats membres de l'UEMOA, s'attaque de façon directe à
la question centrale de la transposition. Il présente les objectifs de
l'organisation d'intégration ainsi que les principes fondamentaux de son
droit communautaire, ainsi que les exigences du processus de transposition. La
première exigence c'est « l'obligation de transposer
»38, elle implique plusieurs sous-obligations, notamment
l'obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires pour
atteindre les résultats fixés par la norme à transposer
(obligation de
35 Ces précisions concernent la piste de
l'effet direct des directives, la piste de l'interprétation conforme, et
celle de la responsabilité de l'Etat membre défaillant.
36 En effet le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et
la Cour de Cassation, en France, se sont tous prononcés sur la
transposition des règles communautaires.
37 DETCHENOU (Y.), « Brèves réflexions
au sujet de la transposition de la norme communautaire dans les Etats membres
de l'UEMOA », Droit et Lois N°20- Point de vue, Ouagadougou, 30
Octobre
2008.
http://droitsetlois.com/spip.php?article125.
38DETCHENOU (Y.), Op.Cit.
11
production normative, obligation de toilettage et d'abrogation
des normes antérieures contraires, obligation de rendre compte des
dispositions de transposition prises au plan national), ensuite l'obligation de
ne pas prendre de normes contraires au contenu de la directive dès son
entrée en vigueur, et enfin l'obligation d'interprétation
conforme. La transposition en UEMOA souffre toutefois d'un grand
déficit, une situation de retard et de non-respect des délais
tributaire de plusieurs difficultés : un volontarisme politique de
courte haleine, l'existence de difficultés objectives, l'existence de
causes permanentes et structurelles, l'insuffisante formation des
fonctionnaires en matière de droit communautaire, insuffisance des
moyens matériels et humains, les contraintes des processus
d'élaboration du droit interne, l'existence de causes liées au
mauvais déroulement de la procédure de transposition
elle-même, les blocages politiques internes aux Etats membres,
l'insuffisance de la diffusion de la norme communautaire... Tous ces blocages
hypothèquent notamment la réalisation d'une transposition
satisfaisante ainsi que le respect des délais, point crucial pour la
mise en oeuvre des directives. L'auteur termine enfin avec plusieurs
propositions qui visent bien entendu à améliorer la
réalisation de la transposition dans les Etats membres.
C'est dans le sillage du travail effectué par les deux
derniers auteurs que nous pouvons situer notre travail de recherche. En effet,
il est question pour nous d'explorer, de présenter et d'analyser le
processus de transposition au sein de la CEMAC et particulièrement au
Cameroun, car la directive ne pourra valablement produire tous ses effets que
si elle a été préalablement transposée de
manière satisfaisante.
V- PROBLEMATIQUE
Si toutes les normes communautaires bénéficient
de la supériorité du droit communautaire, elles ne rentrent pas
toutefois toutes, dans l'ordre juridique interne avec la même
intensité, avec la même force juridique. Certaines de ces
règles nécessitent pour leur exécution l'intervention des
autorités nationales, c'est le cas de la directive CEMAC, qui n'a
d'effet en droit interne que matériellement et non
formellement39. La directive est alors conçue comme un
mécanisme législatif médiat, c'est un moyen d'orientation
législative à deux degrés : à l'étage
communautaire sont déterminés les objectifs normatifs à
atteindre, à l'échelon national il incombe aux Etats membres de
transposer les objectifs communautaires dans leur législation, c'est le
processus de transposition. La question principale que nous nous
39 Francine BATAILLER, Op.Cit. p.767.
12
posons est alors la suivante : le mécanisme de
transposition des directives CEMAC au Cameroun est-il effectif ? De
façon plus spécifique, quels sont les instruments utilisés
pour la transposition au Cameroun ? Existe-il un suivi ou une surveillance
communautaire ou nationale, et juridictionnel (le) ou extrajuridictionnel (le)
des modalités du processus de mise en oeuvre des directives au sein de
la CEMAC et au Cameroun? C'est donc là, quelques questions que
soulève la problématique de la transposition des directives CEMAC
au Cameroun, et qui nous permettront sans nul doute, d'examiner de façon
précise le problème l'intégration des directives
communautaires dans le droit national camerounais.
VI- HYPOTHESE
Notre hypothèse est que le mécanisme de
transposition des directives CEMAC est bien réel au Cameroun. Il
consiste notamment en une simple mesure nationale prise par l'autorité
compétente pour mettre en oeuvre la directive communautaire ; toutefois,
ce procédé présente plusieurs insuffisances, qui entravent
le déploiement efficace du texte communautaire, et de ce fait limitent
une exécution complète et harmonieuse des directives
communautaires au sein de la CEMAC.
Notre hypothèse s'appuie notamment sur un constat
fait, celui de l'expression au travers du modèle de construction de la
CEMAC, d'une attraction certaine des hautes instances de l'Afrique Centrale
à l'endroit du modèle européen d'intégration
régionale, fortement inspiré par les théories
fonctionnaliste et néo-fonctionnaliste40. L'analyse de la
transposition des directives communautaires au Cameroun, notamment sous le
prisme de l'approche européenne41, permettra
d'appréhender la transposition telle qu'elle devrait se
présenter, même si au final, l'intensité du modèle
varie d'une communauté à une autre42.
VII- DELIMITATION DU SUJET
1- Délimitation matérielle
Notre travail porte logiquement sur le droit communautaire
CEMAC, précisément sur le droit communautaire
dérivé, ensemble des actes pris par les institutions, organes
et
40 Voir BATTISTELLA (D.), théories des relations
internationales, 3ème édition, Sciences po. Les
presses, 2009, p. 397- 426.
41 L'approche européenne en matière
de transposition sera ici celle de la France principalement, dans la mesure
où c'est l'Etat membre de l'UE dont l'ordre juridique présente le
plus de similitudes avec l'ordre juridique camerounais.
42 KENFACK (J.), Op.Cit. p.14.
13
organismes de la CEMAC dans l'exercice de leur pouvoir
normatif, en vue de la réalisation des objectifs communautaires. Il est
donc question de l'intégration des directives de la CEMAC, telles que
définies à l'article 41 du traité CEMAC
révisé, dans l'ordre juridique du Cameroun, nous travaillons sur
les mesures et les actes pris pour transposer les objectifs des directives, les
structures administratives impliquées, les délais prescrits, les
mécaniques jurisprudentielles du processus de transposition et le niveau
d'implication de la Cour de justice communautaire de la CEMAC.
2- Délimitation spatiale
Seule la transposition des directives CEMAC constitue l'objet
de notre recherche. Notre travail est donc limité de façon
générale, sur un plan géographique, aux limites terrestres
de la CEMAC (les territoires des six Etats membres), mais en tant que
mécanisme juridique à caractère essentiellement national,
notre étude sera limitée en majeure partie au territoire
camerounais.
3- Délimitation temporelle
Les bornes temporelles de notre étude correspondent
à un espace de temps bien précis, notamment celui qui va de
l'année d'adoption de la première directive CEMAC, en occurrence
1999, à l'année d'adoption des dernières directives CEMAC
que nous avons pu recenser : l'année 2009.
VIII- METHODE DE TRAVAIL
1- Méthode de collecte des
données
Notre collecte des données porte deux articulations que
sont l'entretien avec des professionnels et la recherche documentaire.
L'entretien43 est une source
d'information irremplaçable pour explorer un sujet et plus souvent pour
appréhender les réalités du terrain, découvrir la
diversité des représentations et ainsi enrichir, nuancer ou
infirmer ses hypothèses de travail. Nos entretiens sont passés
avec les autorités nationales qui se sont chargées de la
transposition des directives ; ils nous permettent notamment de constater le
cheminement du mécanisme de
43 HERAN (F.), Op.Cit. P. 48.
14
transposition, ainsi que les difficultés qui peuvent le
plus souvent se dresser, afin de saisir la transposition des directives
communautaires au Cameroun dans toutes ses composantes.
La recherche documentaire44
consiste pour sa part, à trouver des documents, mais aussi à
pouvoir les consulter physiquement ou tout au moins sur un écran, pour
ensuite choisir ceux qui rendent des informations pertinentes. Elle nous permet
notamment de confronter les mesures nationales de transposition aux textes
communautaires, mais aussi de confirmer certaines informations reçues
des entretiens.
2- la méthode d'analyse théorique
Pour ce qui est de l'analyse théorique, elle s'appuie
notamment sur la méthode juridique traditionnelle, la dogmatique
juridique, définie comme ce type de recherche juridique qui ne
prend en compte que le droit donné positum ou la juridicité
produite par le droit positif et vise à établir la
conformité d'une situation juridique à un ordre supérieur.
A travers l'analyse exégétique qui vise à recueillir et
agencer les données juridiques, à interpréter le droit
positif ; elle nous permet alors de déterminer la consécration du
mécanisme de transposition en zone CEMAC, à travers une
interprétation claire des dispositions du traité CEMAC, mais
aussi dans une recherche qui se veut opératoire, d'analyser le point de
la conformité du droit national camerounais à l'obligation de
transposition, ainsi qu'aux objectifs définis dans les directives
communautaires, objectif principal de la procédure de transposition.
Nous avons recours aussi à la sociologie du
droit, dans sa conception moderne qui s'interroge sur le niveau
d'efficacité d'un système juridique et sur sa dimension
programmatique, et qui étudie :
1) Le droit positif en tant que produit des mécanismes
sociaux.
2) Les effets que le droit positif produit dans la
société.
Elle nous permet d'évaluer le degré
d'implication des composantes des corps sociaux concernées, dans
l'élaboration des directives, l'efficacité du mécanisme de
transposition dans l'évolution de la situation juridique des
particuliers, et enfin de façon globale, la capacité d'adaptation
du droit national aux exigences de la communauté.
44 HERAN (F.), Op.Cit. p. 17.
15
Enfin, étant entendu que « le chercheur
africain est mu par une tension intellectuelle permanente résultant du
fait que la science appliquée à l'Afrique porte en elle le germe
de la comparaison, de sorte que toute réflexion y afférente se
résout finalement en un incessant pèlerinage de l'esprit entre la
réalité nominale observable localement et le répertoire
substantiel d'où a été puisé tel concept ou telle
notion »45, l'approche du droit comparé
qui consiste notamment en le rapprochement entre deux systèmes
juridiques a priori distincts mais possédant un rapport de ressemblance,
permet de faire constamment recours à la pratique dans d'autres
régions comme l'UEMOA et l'UE, au sein desquelles le mécanisme de
transposition semble mieux élaboré, afin de porter un regard
critique sur le degré d'objectivité du mécanisme de
transposition au Cameroun et en zone CEMAC.
IX- ESQUISSE DE PLAN
L'approche de l'étude sera tout au long de son
cheminement, une présentation et une description théorique du
processus de transposition, mais il s'agira aussi d'un examen juridique et
comparatif de la pratique camerounaise et CEMAC en matière de
transposition. Ainsi la première partie se penchera sur la transposition
des directives au Cameroun, tandis que dans une seconde partie nous examinerons
les insuffisances que présente le mécanisme au Cameroun,
notamment au regard de la pratique comparée.
45 Pr BIPOUN WOUM, cité par Marcel William TSOPBEING,
les mécanismes de financement et de gestion budgétaire de la
CEMAC, Université de Dschang, DEA, 2004, disponible sur
http://www.memoireonline.com/05/08/1100/m_mecanismes-financement-gestion-budgétaire-cemac.html
16
JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE
17
[a mise en oeuvre des directives communautaires dans les
ordres juridiques nationaux est une pratique récente en Afrique
Centrale, conséquente à l'avènement de la CEMAC, qui a
permis l'édification au sein de la sous-région d'un
système juridique communautaire véritable. Toutefois, même
si le bloc de droit communautaire est supérieur au bloc de droit
interne46, les règles communautaires ne rentrent pas toutes
en droit interne avec la même force juridique. Certaines règles
communautaires sont alors directement applicables, tandis que d'autres
nécessitent l'intervention d'organes internes. [a directive CEMAC fait
notamment partie de ces dernières règles, son faible pouvoir de
pénétration des ordres juridiques nationaux impose aux Etats
membres une obligation de transposition (chapitre I), dont le respect passe par
le déploiement d'un mécanisme concret (chapitre II).
46 Francine BATAILLER, Op.Cit. p.767.
18
CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE
OBLIGATION POUR LES ETATS MEMBRES
Depuis le démarrage de ses activités en 1999,
l'intervention juridique de la CEMAC dans le droit interne des Etats membres
s'appuie sur des instruments juridiques majeurs : l'acte additionnel, le
règlement et la directive communautaires. Ces actes juridiques visent
l'harmonisation ou le rapprochement des législations nationales autours
de principes directeurs communs, et leur pénétration en droit
interne est alors fonction du régime juridique qui leur est
consacré par les dispositions du traité
constitutif47.
Le traité CEMAC révisé du 25 juin 2008
tout comme l'additif au traité CEMAC du 16 mars 1994 (en son article 21)
consacre un droit communautaire dérivé d'une grande
variété48, dont se dégage de façon
évidente un caractère
d'hétérogénéité.
C'est dans ce sens que, si l'applicabilité du
règlement communautaire au regard de son régime juridique ne pose
pas de difficulté particulière, il en va autrement de la
directive dont l'applicabilité reste dépendante de l'intervention
des Etats membres, à travers leur obligation de transposition.
Cette intervention des autorités nationales dans la
mise en oeuvre des directives communautaires fait alors l'objet d'une
consécration juridique (section I), mais surtout, revêt une
signification toute particulière pour les Etats membres (section II).
SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION
DE
TRANSPOSITION
L'obligation de transposition des directives communautaires
qui incombe aux Etats membres peut être déduite des nombreuses
dispositions des textes communautaires originaires (paragraphe I) qui
instituent la participation des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit
communautaire ; une participation d'autant plus nécessaire lorsque l'on
observe la nature juridique de la directive communautaire (paragraphe II).
47 Voir l'article 41 du Traité
révisé CEMAC ; voir également l'article 249 du
Traité CE.
48 Ibid.
19
PARAGRAPHE I- LES TEXTES COMMUNAUTAIRES ORIGINAIRES
Plusieurs dispositions pertinentes ressortent à la
lecture des textes communautaires originaires (A) qui consacrent une obligation
pour le moins atypique (B).
A- La consécration par le Traité CEMAC
révisé et la Convention UEAC
Nous insisterons ici sur les dispositions du Traité
CEMAC révisé du 25 juin 2008 (1) ainsi que sur celles contenues
dans la Convention UEAC du 05 juillet 1996, également
révisée le 25 juin 2008 (2).
1- Dans le Traité CEMAC
révisé
Le Traité CEMAC révisé en son article 4
dispose que : « Les Etats membres apportent leur concours à la
réalisation des objectifs de la Communauté en
adoptant toutes mesures générales ou
particuliers propres à assurer l'exécution des obligations
découlant du présent Traité. A cet effet, ils
s'abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à
l'application du présent Traité et des Actes pris pour son
application.
En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui
incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être
saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera
défini par des textes spécifiques ».
Le Traité dispose également en son article 41que
: « Les directives lient tout Etat membre destinataire quant au
résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales
leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens ».
Cette définition de la directive CEMAC est notamment très proche
de celle de la directive européenne telle qu'énoncée
à l'article 249 du traité instituant la communauté
européenne (TCE) : « la directive lie tout Etat membre quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales
la compétence quant à la forme et au moyen ».
Le Traité CEMAC révisé a le
mérite, contrairement à son prédécesseur, de
consacrer dès ses premières dispositions, le caractère
obligatoire et répréhensible, du concours des Etats membres de la
CEMAC dans l'atteinte des objectifs communautaires, notamment par l'institution
du « recours en manquement d'Etat ». S'inspirant notamment
de l'article 226 du
20
TCE49, le législateur CEMAC érige un
garde-fou contre toute violation des obligations communautaires des Etats
membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire, qui peut notamment
s'entendre par exemple d'une mauvaise transposition d'une directive.
A ces dispositions du traité CEMAC
révisé, on peut ajouter des dispositions plus expressives sur le
devoir de transposition des Etats membres, contenues dans la Convention
UEAC.
2- Dans la convention UEAC
En ce qui concerne la Convention UEAC, les principes de
l'Union Economique de l'Afrique Centrale sont consignés dans trois
articles qui consacrent de manière assez précise des
prescriptions pour la mise en oeuvre du droit de la CEMAC.
Elle dispose en son article 8 al 2 que : « les
organes de l'Union Economique et les institutions spécialisées de
celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la
présente convention leur attribue, des prescriptions minimales et des
réglementations cadres, qu'il appartient aux Etats membres de
compléter entend que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ».
Elle dispose en outre en son article 49 al 2 que : « ...
Ces réglementations peuvent prendre la forme de règlements, de
règlements cadres ou de directives. Dans ces deux derniers cas, les
Etats membres complètent leurs dispositions et prennent les actes
d'application nécessaires, conformément à leur
règles constitutionnelles respectives ».
S'il appartient aux Etats membres dans le cadre de l'article 8
al 2 de compléter si le besoin se présente les règles
communautaires, en ce qui concerne les règlements cadres et les
directives, conformément à l'article 49 al 2, ces derniers ont
aussi le devoir de prendre les mesures d'application ou d'exécution
indispensables, dans le respect de leurs règles constitutionnelles. Ils
devront donc s'appuyer sur les méthodes et les règles de leur
droit interne respectif, pour assurer la mise en oeuvre des directives
communautaires.
Si les articles du Traité CEMAC révisé et
de la Convention UEAC fixent alors de façon claire le cadre de mise en
oeuvre de la directive communautaire dans les Etats membres, on
49 Voir TATY (G.), Op. Cit.
21
constate qu'ils instituent surtout une obligation atypique,
dont le respect soumet à des devoirs bien précis les Etats
engagés dans le processus d'intégration.
B- La consécration d'une obligation atypique
Les textes communautaires de la CEMAC consacrent une
obligation atypique, tant sur le plan matériel (1) que sur le plan
formel (2).
1- Sur le plan matériel
Les autorités nationales procèdent à la
transposition en choisissant parmi les options de droit interne tel que
prévu par la directive, ce qui implique :
En premier lieu une obligation de production normative. En
effet, les Etats membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires
qu'implique la mise en oeuvre au plan national de la directive communautaire.
Ils ont le devoir de « choisir les formes et les moyens les plus
appropriés en vue d'assurer l'effet utile des directives
»50 et par conséquent, « de simples
pratiques administratives, par nature modifiable au gré de
l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate,
ne sauraient être considérées comme constituant une
exécution valable de l'obligation qui incombe aux Etats membres
...»51. Les mesures de transposition doivent donc
être contraignantes, ce qui exclut par exemple pour la France une
transposition par simple circulaire ; et enfin, même si la transposition
n'exige pas une reprise formelle dans les textes nationaux de manière
expresse et spécifique, le contexte juridique général doit
assurer la pleine application de la directive de façon suffisamment
claire et précise52.
En deuxième lieu, une obligation
d'abrogation/modification des normes antérieures contraires et une
interdiction d'adopter de nouvelles dispositions contraires. En effet, le
Traité CEMAC révisé dispose en son article 44 : «
sous réserve des dispositions de l'article 43 du présent
traité, les actes adoptés par les institutions, organes et
institutions spécialisées de la communauté pour la
réalisation des objectifs du présent traité sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure ».Il est
donc question de ne point laisser subsister toute confusion dans la
législation nationale, qui viendrait notamment mettre en péril la
sécurité juridique des justiciables.
50 CJCE Royer du 8 avril 1976, aff 48/75, Rec. p. 497.
51 CJCE commission contre Italie du 15 mars 1983, aff 145/82,
Rec. p. 711.
52 CJCE commission contre Allemagne du 9 septembre 1999, aff C
217/97.
22
L'obligation d'abrogation/modification implique que les Etats
membres procèdent à une mise à jour de la
législation et de la réglementation en vigueur, pour ne pas
laisser subsister des textes contraires, ou alors qu'ils fassent cesser
l'application de toute norme contraire aux objectifs de la directive
communautaire. Cette abrogation/actualisation des textes internes requiert
notamment pour sa réalisation et c'est le cas par exemple en
France53 mais pas au Cameroun, une « étude d'impact
juridique ».
L'interdiction d'adopter de nouvelles normes contraires quant
à elle, implique dès l'entrée en vigueur du texte
communautaire, que les Etats membres s'abstiennent de prendre quelques mesures
ou actes pouvant nuire aux objectifs de la norme communautaire, c'est un devoir
nécessaire pour une mise en oeuvre efficace de la directive
communautaire et la sécurité juridique des citoyens
communautaires54.
Il est important de préciser que cette double
obligation n'est point absolue et automatique, mais relève des exigences
du texte communautaire à mettre en oeuvre et de l'état de la
législation nationale à ce moment précis. Alors il y aura
abrogation/modification si le champ matériel couvert par le texte
communautaire a déjà fait l'objet d'une réglementation
préalable dans l'Etat, et interdiction d'adopter de nouvelles normes si
le contenu de l'acte communautaire ne se recoupe pas avec le droit national.
Enfin, les Etats membres doivent communiquer à la
commission les mesures nationales adoptées ou préexistantes et
constituant selon l'Etat membre une « transposition anticipée
»55, une exigence qui n'est notamment pas prescrite aux
Etats membres de la CEMAC, mais qui dans le cadre de l'UE est obligatoire et se
déroule sous la forme d'un tableau de concordance56 ; dans le
cadre de l'UEMOA, cette notification peut donner lieu à un «
certificat de conformité »57 délivré par
la commission ou par un organe de certification juridique
indépendant.
53 Voir circulaire du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décision-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes, Journal Officiel de la République Française
(JORF) n° 230 du 2 octobre 2004, p. 16920.
54 CJCE, 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie
ASBL, affaire C-129/96, Rec. page I-7411.
55 SAURON (J-L.), l'application du droit de l'Union
Européenne en France, 2ème édition, 2000,
p. 44.
56 Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décision-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes, Op. Cit. ; cette obligation de communication constitue
notamment le dernier stade de l'opération de transposition au sein de
l'UE.
57 DETCHENOU (Y.), « Brèves réflexions
au sujet de la transposition de la norme communautaire dans les Etats membres
de l'UEMOA », Op. Cit.
23
2- Sur le plan formel
La CJCE a souvent rappelé que la «
transposition en droit interne d'une directive n'exige pas
nécessairement la reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans
une disposition légale et expresse spécifique
»58, toutefois, si la norme communautaire fait appel
à des notions partiellement ou totalement inconnues du droit interne, ou
employées dans un sens différent de celui que connait le droit
national, il peut se révéler nécessaire d'introduire dans
le texte de transposition la définition des notions utilisées, en
reprenant celle qui figure dans la directive, de façon à garantir
que les termes ont le sens et la porté visés par le
«législateur communautaire ».
Il est nécessaire et utile aussi que le texte de
transposition fasse mention de la norme communautaire qu'il a pour objet de
transposer, si les directives CEMAC n'en font pas une exigence expresse, les
directives UEMOA quant à elles l'imposent généralement in
fine59.
La transposition doit être complète et
fidèle au texte de la directive, elle doit tenir compte le cas
échéant de la position de la Cour de justice communautaire
à l'occasion du contentieux lié à l'application de la
directive en cause (hypothèse d'une transposition en
retard)60, elle ne doit en aucun cas conduire à une
sur-réglementation et superposition des nouvelles dispositions au droit
existant lorsqu'une simple adaptation de ce dernier aurait suffi. Pour sa
fidélité, la transposition devra par exemple faire l'objet d'un
tableau de correspondance, mettant en regard les dispositions de la directive
et celles du projet de texte de transposition, avec mention le cas
échéant des dispositions de droit interne qui rendent inutile la
transposition ou telle partie de la directive.
La transposition doit être réalisée en
outre dans le respect de la hiérarchie des normes et la
répartition des matières entre la loi et le règlement, il
est alors nécessaire d'adopter pour la transposition des directives, des
normes de la même valeur, dans la hiérarchie des normes
nationales, que celles qui règlent habituellement ou règleraient
la matière en droit national ; c'est « le principe du
parallélisme des normes » 61.
58 CJCE commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85,
Rec. p. 1733.
59 MIPAMB NAHM-TCHOUGLI (G.), « Le juge constitutionnelle
face aux normes communautaires », disponible sur
http://www.courconstitutionnelle.tg/cour/?page
id=1235 .
60 MIPAMB NAHM-TCHOUGLI (G.), Op. Cit.
61 CJCE commission contre Royaume de Belgique du 6 mai 1980, aff.
102/79 Rec. p. 1473.
24
La transposition doit enfin être réalisée
dans les délais prévus par la directive communautaire. Les
directives CEMAC ne prévoient généralement pas de
délais, mais exceptionnellement les directives CEMAC en matière
de télécommunications ont prévu des délais pour
leur transposition62 ; mais à défaut de délais
prescris, la directive doit alors être transposée dans des
délais raisonnables comme ce fut le cas de la directive
n°01/00/UEAC-O64-CM-04 du 21 juillet 2000 relative à la
surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques au
sein de la CEMAC63.
PARAGRAPHE II- LA DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE, UN ACTE
JURIDIQUE SINGULIER
Si la directive communautaire présente certaines
particularités (A) son originalité est encore plus
prononcée lorsqu'on s'intéresse à sa mise en oeuvre
(B).
A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature
La directive porte avant tout les caractéristiques de
tout acte juridique de droit communautaire (2) même si son usage au sein
des communautés comme la CEMAC peut être particulier (1).
1- Les particularités relatives à l'usage
de la directive
La directive, vise l'harmonisation des législations
nationales. Toutefois, elle procède par rapprochement des
législations nationales, lorsque les différences entre ces
dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun.
L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour
de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher
l'unité du droit communautaire tout en préservant la
diversité des particularités nationales64 ; un exemple
peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde
sur les législations nationales en matière de TVA, pour
édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire.
La directive contrairement au règlement est alors un instrument
d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui elle vise
à imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique
dans le
62 Entre un an et deux ans, prescris dans les directives
adoptées en 2008.
63 KENFACK (J.), Op.Cit. p.110.
64 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit
communautaire, Offices des publications officielles des Communautés
Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.
25
domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas
contrairement au règlement, la sub sistance dans les Etats membres de la
législation antérieure sous réserve de son
adaptation65.
« Mais la directive intrigue, dérange, divise,
selon une formule consacrée »66, par la
singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont
elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé
par la directive soit défini de façon si précise,
qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée aux Etats67,
entrainant une sorte d'amalgame entre directive et règlement ; la
directive peut opérer ainsi un glissement et réaliser une
unification et non un rapprochement, un état de fait certes absent au
sein de la CEMAC, mais qu'entretient le juge communautaire dans le cadre des
communautés européennes68.
En outre, il existe au sein de l'UE ce que l'on appelle
« les directives d'harmonisation totale »69, une
méthode d'harmonisation consistant en l'impossibilité pour les
Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la
directive, des dispositions différentes de celles de cette
dernière, entrainant une certaine occultation de la nature
première de la directive, à savoir sa composante finaliste.
On peut considérer enfin, que la directive par sa
manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la
volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les
systèmes juridiques nationaux70. Elle vise à
régir des secteurs assez sensibles du marché commun comme la
fiscalité, l'immigration dans les Etats membres, le code du travail, la
protection sociale, le droit d'établissement, d'où la souplesse
de son régime juridique.
Elle opère alors pour se faire, dans cette mission
d'harmonisation, un partage des compétences entre la communauté
et les Etats membres, au niveau de la communauté résident les
compétences d'édiction des objectifs consacrés par la
directive communautaire, et au niveau national il revient à chaque Etat
d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences
65 C'est notamment le cas avec les directives CEMAC
sur la tva et les droits d'accises, sur l'impôt sur les
sociétés et sur l'impôt sur les revenus des personnes
physiques, qui n'ont demandé dans les Etats membres qu'une mise à
jour dans les secteurs visé et non l'adoption d'un nouveau code
général des impôts.
66 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire,
Paris, PUF, 2000, p. 33.
67 Une possibilité qui vise surtout les normes
techniques et la protection de l'environnement. Voir BORCHARDT (K-D.), Op.Cit.
Loc.Cit.
68 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 110-111.
69 ROCHFELD (J.), « les ambiguïtés des
directives d'harmonisation totale. La nouvelle répartition des
compétences communautaire et interne à propos de l'arrêt de
la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique, Recueil Dalloz N°30/ 739
1e, 2009, p. 2047.
70 BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.
26
communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive
revêt les caractéristiques principales de tout acte juridique de
droit communautaire.
2- Les particularités inhérentes à
la nature originale de la directive
La directive communautaire est un acte juridique de droit
communautaire dérivé71, classé dans la
nomenclature officielle72. A ce titre, la directive revêt
avant tout les caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte
juridique de droit communautaire : la primauté et l'applicabilité
directe.
La primauté du droit communautaire est explicitement
consacrée par le Traité CEMAC révisé en son article
44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés par les
Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la
Communauté pour la réalisation des objectifs du présent
Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale contraire, antérieure ou postérieure
», une formule assez proche de celle adoptée par le
législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité
révisé qui dispose que : « Les actes
arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des
objectifs du présent Traité et conformément aux
règles et procédures instituées par celui-ci, sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les
législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce
caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE,
qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première
fois dans l'arrêt Costa /c ENEL du 15 juillet 196473, car en
effet, « la construction communautaire serait menacée si les
normes communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une
supériorité sur les règles nationales des Etats membres
»74.
Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources
du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit
interne, les Etats ne pourront donc pas invoquer une norme
71 Droit communautaire dérivé unilatéral
par opposition au droit communautaire dérivé conventionnel. Le
premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de ses organes et
institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la communauté avec
des entités tiers ; c'est l'exemple des accords commerciaux comme les
Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et l'UE. Voir également
YEHOUESSI (Y-D.), « l'application du droit international dans l'ordre
juridique des Etats francophones ouest africains : le cas du droit
communautaire de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine »,
Cour de justice de l'UEMOA, LES ACTES DU COLLOQUES DE
OUAGADOUGOU, 24 -26 juin 2003, p. 349.
72 Voir article 41 du traité CEMAC
révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars
1994.
73 Aff. 6/64.
74 PELLET (A.), « les fondements juridiques
internationaux du droit communautaire », in : Collected Courses of
the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume V, Book
2, 1997, p.261.
27
de droit interne, même constitutionnelle, pour
empêcher l'application d'une directive communautaire. La directive
communautaire acquiert alors automatiquement le statut de droit positif dans
les Etats membres, elle est susceptible de créer par elle même des
droits obligations pour les particuliers, et même de prendre place en
droit national avec rang de priorité sur toutes les autres normes
internes.
L'applicabilité directe quant à elle, pour
certains auteurs, se présente sous deux aspects, l'applicabilité
immédiate et l'effet direct.
L'applicabilité immédiate est présente
dans les textes communautaires originaires, notamment à la lecture des
articles 44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité
UEMOA révisé ; elle n'est donc pas un souci pour le Cameroun,
Etat moniste75, tout comme la France par exemple, dont le Conseil
Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements
avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention
des autorités nationales, conformément à l'article 249 du
TCE76.
L'applicabilité immédiate signifie que
l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure
de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit
communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le
secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration,
l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que :
« Les directives et les décisions sont notifiées
à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette
notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès
le lendemain de sa notification aux Etats membres, et la transposition fait ici
office d'exécution et non de réception.
L'effet direct pour sa part, signifie que les règles de
droit communautaire déploient la plénitude de leurs effets de
manière unanime dans tous les Etats membres, à partir de leur
entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur
validité77. Les normes communautaires créent alors des
droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes physiques et
morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions communautaires ou
nationales.
75 Voir l'article 45 de la loi du 18 janvier 1996
portant révision de la constitution du 2 juin 1972.
76 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de
Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil
constitutionnel.
77 YEHOUESSI (Y-D.), Op.Cit. p.352.
28
La CJCE78 précise dans l'arrêt
SIMMENTAL, que l'applicabilité directe du droit communautaire ouvre la
voie des juridictions communautaire et nationale aux particuliers. Toutefois,
dans certains cas, et c'est la conjoncture précise de la directive,
l'invocabilité est conditionnée. Celle de la directive est
soumise à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule
permet la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire
tous ses effets.
B- Un acte singulier dans sa mise en oeuvre
Le «législateur communautaire» a notamment
consacré en la directive communautaire, un acte juridique au faible
pouvoir de pénétration des ordres juridiques nationaux,
c'est-à-dire dépourvu d'effet direct (1), toutefois, cette
position doit tout de même être relativisée, au regard de
l'évolution de la jurisprudence communautaire, qui consacre sous
certaines conditions l'effet direct des directives communautaires (2).
1- La transposition, condition de l'applicabilité
directe de la directive communautaire
Il suffit de lire la définition que donne le
législateur CEMAC de la directive, pour comprendre que ce dernier
consacre un acte juridique qui ne peut produire tous ses effets que grâce
à l'intervention des autorités nationales, un acte juridique au
régime juridique réellement souple.
L'article 41 du traité CEMAC révisé
dispose que : « Les directives lient tout Etat membre destinataire
quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances
nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens
». Les directives CEMAC tout comme les directives UEMOA et
européennes ne possèdent donc pas d'effet direct, et doivent
passer par des mesures nationales de transposition pour être
invoquées par un ressortissant communautaire devant une juridiction
nationale.
Les directives lient les Etats destinataires par les
résultats qu'elles fixent, le législateur communautaire en
imposant ainsi aux Etats membres un impératif de résultat,
respecte l'autonomie de ces derniers pour ce qui est des moyens à
employer pour se conformer aux exigences communautaires.
78 CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629.
29
Le législateur CEMAC a notamment choisi cette formule
et ce régime juridique pour la directive, dans le but de servir un
objectif bien précis, l'harmonisation des législations
nationales. Si le règlement semble plus efficace et plus utilisé
notamment en zone CEMAC, il n'en reste pas moins que contrairement à la
directive communautaire, il ne ménage aucunement les
réalités ou les spécificités nationales. La
directive a donc l'avantage de procéder à un simple encadrement
par des principes communs, elle permet aux législations nationales de
subsister sous réserve de leur mise à jour.
La directive ainsi agencée, cela semble judicieux, au
regard notamment des domaines dans lesquels elle intervient, des domaines
où la législation existante est complexe,
volumineuse79 et nécessite d'être adaptée aux
objectifs du traité.
Mais vouée à l'office des Etats membres, la
transposition souffre assez souvent de manquements qui hypothèquent
l'effet direct des directives, il peut s'agir du non respect des délais,
d'une norme de transposition ou de pratiques nationales non conformes aux
objectifs de la directive80, ou même d'une non transposition
de la directive communautaire. Le juge communautaire a alors
développé une solution particulière qui permet à la
directive communautaire sous certaines conditions de bénéficier
de l'effet direct.
2- L'effet direct de la directive
communautaire
Les juges CEMAC et UEMOA n'ont pas encore eu à se
prononcer sur l'effet direct des directives communautaires, c'est pourquoi la
solution retenue ici est celle développée par la CJCE, notamment
à partir de l'arrêt Van Duyn du 4 décembre
197481.
La CJCE établit des conditions à remplir par les
dispositions de la directive concernée pour bénéficier de
l'effet direct. Seules les dispositions suffisamment « précises et
inconditionnelles » des directives produisent un effet direct et peuvent
être invoquées par le justiciable « à
défaut de mesures d'application prises dans les délais à
l'encontre de toute
79 AUGROS (L.), « l'application des directives
marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP
de Lyon, juin 2004, p.35.
80 Voir TATY (G.), Op. Cit.
Malgré l'harmonisation en zone CEMAC des
législations des Etats membres en matière de TVA, on note :
-l'augmentation unilatérale du taux de TVA (25%) part rapport à
la fourchette de taux fixée par la direct ive communautaire (12 à
18%) ; -le non respect des privilèges ou avantages accordés aux
institutions et organes internationaux par certaines conventions
internationales ou sous régionales et accords de siège ; -la
limitation unilatérale de la liste communautaire des produits
exonérés ; -le non remboursement ou la non
déductibilité des crédits de TVA. Voir TATY, Op. Cit.
81 SAURON (J-L.), L'application du droit de l'Union
Européenne en France, édition La documentation
française, Edition La documentation Française, collection «
Réflexe Europe », 2ère édition, 2000,
p.44.
30
disposition nationale non conforme à la directive,
ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits
que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de
l'Etat »82.
Est notamment précis ce qui « énonce
une obligation dans les termes non équivoques »83,
et inconditionnelle « l'obligation qui n'est assortie d'aucune
condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets,
à l'intervention d'aucun acte soit des institutions de la
communauté, soit des Etats membres »84. Ces
définitions laissent une marge d'interprétation large au juge
communautaire ; en effet, le critère déterminant du
caractère d'effet direct des dispositions de la directive
concernée est l'étendue de la marge d'application que la
directive laisse aux Etats membres.
La jurisprudence de la CJCE se fondant sur l'effet utile des
directives, reconnait alors à certaines dispositions de celles-ci
l'effet direct vertical ascendant, mais ne reconnait ni l'effet direct vertical
descendant, ni l'effet direct horizontal.
L'effet direct vertical ascendant signifie que les
justiciables peuvent se prévaloir envers les autorités publiques
nationales des dispositions d'une directive non transposée. En effet,
dans son arrêt du 26 février 1986, M.H Marshall c. Southampton
et South-West Hampshire Area Health Authority (Teaching), Demande de
décision préjudicielle, Court of Appeal, Royaume-Uni, la
CJCE consacre la solution de « l'effet direct vertical ascendant »
des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, et
n'admet aucunement l'effet direct horizontal (en faveur d'un particulier
à l'encontre d'un particulier), dans la mesure où la directive ne
crée en aucun cas directement de droits et obligations dans le chef des
particuliers85, le caractère contraignant de la directive ne
vaut qu'à l'égard des Etats membres ; une justification qui vaut
également pour le refus de la CJCE d'admettre l'effet direct vertical
descendant (en faveur de l'Etat à l'encontre des particuliers).
Cette solution de la CJCE relativise ainsi la
nécessité de la transposition, pour que la directive produise des
effets directement dans le champ des particuliers, toutefois elle reste
subordonnée à l'écoulement du délai de
transposition. Il est également important de préciser que cette
solution ne remplace aucunement l'obligation de transposition qui seule
intègre matériellement les objectifs de la directive
communautaire en droit national.
82 CJCE 19 janvier 1982, Ursula Becker, aff 8/81, Rec. p. 53.
83 CJCE 23 février 1994, Comitato di
coordinamento per la difesa della cava, aff. 236/92, Rec. p. 497.
84 CJCE 3 avril 1968, Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec. p.
211.
85 Conseil d'Etat français 22 décembre
1978, aff Conhn-Bendit, Rec. p. 80.
31
On ne peut qu'espérer tout de même, que le juge
CEMAC au regard des réformes engagées depuis 2008, s'alignera sur
la position de la CJCE afin de baliser de manière efficace l'usage au
sein de la sous-région de cet acte, qui peut être appelé
à se multiplier davantage, eu égard à la signification que
revêt l'obligation de transposition pour les Etats membres.
Section II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE
TRANSPOSITION DES
ETATS MEMBRES
La formule appliquée à la directive par le
législateur communautaire consacre de manière évidente un
rôle des Etats membres dans l'exécution de cet acte juridique
communautaire, une responsabilité marquée d'une grande
liberté synonyme du respect par la communauté de l'autonomie
institutionnelle et procédurale des Etats membres. Toutefois, même
si la CEMAC consacre le principe (paragraphe I), il reste tout de même
que celui-ci est limité par les impératifs communautaires
(paragraphe II).
Paragraphe I- LE RESPECT DE L'AUTONOMIE
INSTITUTIONNELLE ET PROCEDURALE DES ETATS MEMBRES
Nous insisterons ici, sur la signification pratique (B), d'une
autonomie consacrée par les textes primaires et les principes du droit
communautaire (A).
A- Les sources du principe
Si l'autonomie des Etats membres ressort assez clairement
à la lecture de certaines dispositions des textes communautaires
originaires (1), c'est également le cas lorsqu'on s'intéresse aux
principes qui partagent les compétences dans les communautés
économiques régionales comme la CEMAC (2).
1- Les textes communautaires originaires
« Les faiblesses intrinsèques à tout
ordre juridique d'émanation internationale conduisent les institutions
créées dans un cadre interétatique à recourir, pour
l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles adoptent, à
l'utilisation des systèmes juridiques nationaux. Cet emprunt est
conditionné par le respect du principe de l'autonomie
32
institutionnelle des Etats membres
»86, d'où l'affirmation claire de ce dernier par
les textes originaires de la CEMAC.
Si le principe n'est pas inscrit dans les lignes du
traité CEMAC, l'article 8 de la Convention de Libreville
régissant l'UEAC dispose quant à lui, que « Les organes
de l'Union Economique et les institutions spécialisées de
celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la
présente Convention leur attribue, des prescriptions minimales et des
réglementations cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives », il est
également de même de l'article 5 de la Convention régissant
l'UMAC.
Cette consécration textuelle de l'autonomie des Etats
membres, dans le cadre particulier de la mise en oeuvre des directives
communautaires, puise ses sources la définition que donne l'article 41
du traité CEMAC révisé de la directive. En effet, celle-ci
lie les Etats membres quant au résultat visé, tout en leur
laisser le choix de la forme et des moyens ; les Etats membres en
matière d'application des directives communautaires, disposent donc
d'une liberté précise, notamment dans la forme et les outils
employés pour se conformer aux objectifs communautaires. L'obligation de
transposition des directives des Etats membres, prévue dans le
régime juridique de la directive communautaire consacre alors sans
équivoque l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats
membres.
La CEMAC n'est d'ailleurs pas la seule à consacrer
l'autonomie des Etats membres, c'est aussi le cas par exemple de l'UEMOA,
notamment à l'article 5 qui énonce que « Dans l'exercice
des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et
dans la mesure des objectifs de celui-ci, les organes de l'Union favorisent
l'édiction des prescriptions minimales et des
réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ».
2- Les principes relatifs à la répartition
des compétences
Il s'agit notamment du principe de subsidiarité et du
principe d' « édiction minimale ».
Le principe de subsidiarité est consacré par
l'article 11 du traité CEMAC révisé87, il
repose sur l'idée selon laquelle les compétences doivent
être exercées au niveau le plus proche
86 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 270-271.
33
possible des citoyens (par les Etats). Par conséquent,
si la question ne peut être traitée de façon satisfaisante
au niveau national, il faudra la porter à un niveau plus
élevé (au niveau communautaire). Il y a donc un côté
négatif ou défensif du principe88, qui voudrait que la
Communauté n'agisse pas lorsque l'action des Etats membres suffit
à réaliser les objectifs fixés (comme c'est le cas de la
directive), toutes les institutions et organes de la communauté doivent
donc prouver que l'intervention communautaire est nécessaire.
Le principe d' « édiction minimale
»89 quant à lui est consacré à l'article 8
al 2 de la Convention UEAC et dispose que : « les organes de l'Union
et les institutions spécialisées de celles-ci édictent,
dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente convention leur
attribue, des prescriptions minimales et des règlementations cadres,
qu'il appartient aux Etats de compléter en tant que de besoin,
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives
». C'est un principe dont l'intérêt réside avant
tout dans la limitation des compétences de la communauté et qui a
une portée générale. Il peut notamment être
assimilé au principe de proportionnalité introduit dans la
communauté européenne par la jurisprudence de la
CJCE90, et consacré par l'article 5 al 3 du TCE, et qui
repose sur l'idée de l'adéquation de l'action communautaire aux
objectifs poursuivis. L'action entreprise ne doit pas alors dépasser ce
qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché. Le
principe joue surtout lorsqu'il faut déterminer de la portée et
du type d'acte juridique communautaire à adopter, ce qui signifie alors
« que la préférence doit aller aux lois-cadres, aux
réglementations minimales et aux règles visant à la
reconnaissance mutuelle des dispositions nationales et que les dispositions
législatives excessivement détaillées sont à
éviter »91.
La directive au regard de ce qui précède se veut
donc l'instrument juridique de la subsidiarité et du minimalisme
ciblé de l'action communautaire en zone CEMAC, puisqu'elle
87 « Les Institutions, les Organes et les Institutions
Spécialisées de la Communauté agissent dans la limite
des
attributions et selon les modalités prévues
par le présent Traité, les Conventions de l'UEAC et de l'UMAC et
par les statuts et autres textes respectifs de ceux-ci ». Voir aussi
l'article 8 al1 de la Convention UEAC du 25 juin 2008, l'article 5 du
Traité CE et l'article 16 du Traité UEMOA
révisé.
88 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit
communautaire, Offices des publications officielles des Communautés
Européennes, Luxembourg, 2000, p.29.
89 BANGO (A.), « l'élaboration et la mise en
oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté
Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)
», Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet
2009, p.157.
90 Ibid.
91 Ibid.
34
laisse une marge d'appréciation aux autorités
nationales pour la mise en oeuvre du texte communautaire dans le système
juridique national92.
Le principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale des Etats membres est donc bien le corollaire de la
transposition lorsqu'on observe les textes de la CEMAC, un réalisme
positif du législateur communautaire, dans la mesure où selon le
Professeur Joël Rideau, le principe en question « domine
l'utilisation des systèmes juridiques nationaux
»93, et donc « Les organes compétents, les
procédures à utiliser pour la mise en oeuvre du droit
communautaire sont déterminées par les prescriptions
constitutionnelles étatiques»94 ; le sens que
revêt le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale
des Etats membres semble donc assez clair sur le plan pratique.
B- La signification pratique du principe
Le principe signifie tout simplement que chaque Etat
détermine de quelle manière les autorités nationales
assurent l'exécution des règles communautaires, tant sur le plan
des institutions (1), que sur le plan des procédures (2).
1- Sur le plan institutionnel
Sur le plan institutionnel, le principe implique selon le
Professeur Joël Rideau, que les mesures nécessaires à la
mise en oeuvre des règles communautaires soient prises dans le cadre des
systèmes étatiques par les institutions nationales et selon les
procédures et pouvoirs que comportent ces systèmes95.
Il est donc question de l'adaptation de l'appareil institutionnel
étatique aux besoins de l'exécution du droit communautaire. Il
peut alors s'agir par exemple de la mise sur pied d'un véritable
dispositif national permanent de transposition des directives communautaires
quel que soit leur domaine, qui mobilise en coordination et en
coopération les autorités nationales96, ou alors la
mise en place d'un comité national de transposition pour
92 AUGROS (L.), « l'application des
directives marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni
», IEP de Lyon, juin 2004, p.36.
93 RIDEAU(J), «Le rôle des Etats
membres dans l'application du droit communautaire», A.F.D.I
, 1972, p.885, cité par KENFACK (J.), Op.Cit. p.271.
94 Ibid.
95 RIDEAU(J.), Droit institutionnel de l'Union et des
Communautés européennes, Paris, LGDJ, 3e
édition, 1999, p. 799, cité par NEFRAMI (E.), « le
principe de solidarité des Etats membres vis-à-vis du droit
communautaire : le devoir de loyauté », Centre d'Excellence
Jean Monnet, Rennes, disponible sur
http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.
96 C'est le cas de la France où le
dispositif de transposition des directives européennes est régi
par « la Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes ».
35
des directives bien précises comme ce fut le cas au
Sénégal, avec les directives relatives au cadre harmonisé
des finances publiques de 200997. Il peut aussi s'agir d'une
adaptation individuelle au cas par cas, qui laisse la compétence unique
et exclusive à chaque ministère concerné, comme ce fut le
cas par exemple au Cameroun, avec les directives CEMAC98.
2- Sur le plan procédural
Sur le plan procédural, l'autonomie des Etats membres
en matière d'application du droit communautaire, c'est selon Robert
Kovar, la façon autonome dont les Etats mettent en oeuvre divers moyens
pour appliquer le droit communautaire99. L'autonomie des Etats
membres recouvre alors ici deux aspects.
Le premier aspect, relatif à la transposition en droit
national de la directive communautaire, signifie tout simplement que les
mesures nationales de transposition seront élaborées et
adoptées conformément à la procédure qui sied en
droit interne, ce peut être le cas par exemple, d'une transposition au
Cameroun par une loi nationale d'une directive relative aux finances, qui sera
élaborée au départ dans les services juridiques du
ministère des finances, puis en clôture de la procédure,
soumise à l'adoption du parlement, cette procédure pourra donc
être modifiée si besoin est par le Cameroun conformément
à son autonomie procédurale.
Le second aspect est relatif à la sanction des
violations des objectifs de la directive communautaire, la procédure est
ici la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y
défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements
et les exécuter100. Il revient alors à chaque Etat
membre de déterminer les organes compétents et les
procédures pour la sanction du droit communautaire, et aux juridictions
nationales, juge commun de droit communautaire, d'assurer
l'applicabilité directe des directives.
97 Voir l'arrêté du Ministre d'Etat,
ministre de l'économie et des finances, portant création,
organisation et fonctionnement du comité national de transposition des
directives de l'UEMOA relatives au cadre harmonisé des finances
publiques de 2009, République du Sénégal/ Ministère
de l'économie et des finances, le 11 octobre 2010.
98 Ces directives ont été transposées de
manière individuelle et exclusivement par les ministères
concernés.
99 R. KOVAR, "L'efficacité interne du droit
communautaire", in La Communauté et ses États membres,
colloque de l'IEJE, La Haye, M. Nijhoff, 1973, p. 201-203, cité par
NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité des Etats membres
vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de loyauté
», Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible sur
http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.
100 Cette définition peut être
retrouvée dans le Vocabulaire Juridique du Doyen Gérard Cornu, il
y définit la procédure comme étant « la branche de la
science du droit ayant pour objet de déterminer les règles
d'organisation judiciaire, de compétence, d'instruction des
procès et d'exécution des décisions de justice (...). Voir
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 7ème
édition, PUF, Paris, 2006, p. 711.
36
Si le principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale des Etats membres n'entraine aucune confusion dans sa
consécration et sa signification pratique, celui-ci n'est pour autant
pas absolu, dans la mesure où cette liberté des Etats membres est
encadrée par les impératifs nécessaires à la
réalisation du marché commun, car en effet « le principe
de l'autonomie institutionnelle poussé à son paroxysme est de
nature à compromettre l'uniformité d'application des actes issus
de ce droit »101,le droit du marché commun en
occurrence.
Paragraphe II- LA SOUMISSION DU PRINCIPE AUX IMPERATIFS
DU DROIT COMMUNAUTAIRE
Les propriétés primordiales des actes juridiques
communautaires seraient dépourvues de tout effet réel si le
principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale avait une
portée absolue102 ; c'est dans ce sens que si la
liberté est laissée aux Etats membres dans l'exécution des
actes juridiques communautaires, elle est avant tout soumise aux principes
fondamentaux du droit communautaire (A), dont le respect est aussi garanti par
un encadrement manifeste du juge communautaire (B).
A- La soumission aux principes fondamentaux du droit
communautaire
Au rang des impératifs majeurs du droit communautaire
se trouvent sa primauté et son applicabilité directe. Ces
principes font notamment valoir la prééminence des actes
juridiques communautaires sur toutes les règles nationales, exception
faite de leur place dans la hiérarchie des normes. Le droit
communautaire prime alors sur le droit national et s'applique de manière
effective pour atteindre au mieux les objectifs de la communauté.
Si l'autonomie des Etats membres est pour le moins inexistante
face aux actes directement applicables, il en va autrement des actes juridiques
communautaires à applicabilité directe problématique. En
effet, dans le cas présent de la directive communautaire, l'obligation
de transposition est l'illustration parfaite de l'autonomie des Etats membres
en matière de mise en oeuvre du droit communautaire, toutefois, il
serait inacceptable que cette indépendance soit une entorse aux
objectifs inscrits dans la directive, qui bénéficient de la
supériorité normative du droit communautaire.
101 KENFACK (J.), Op.Cit. p.272.
102 Ibid.
37
La transposition représente certes, la marge de
manoeuvre laissée au Etats membres dans la mise en oeuvre de la
directive, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit à y regarder de
plus près, d'une somme d'obligations positives et négatives, des
obligations de faire et de ne pas faire, le but primordial étant de
garantir l'effet utile des directives et de ce fait du traité
constitutif. Au rang de ces obligations, on peut notamment citer l'obligation
d'adopter toutes les mesures nationales nécessaires à la
réalisation du résultat fixé par la directive, ou encore
l'obligation d'abroger toutes les normes contraires antérieures à
la directive, ou même l'interdiction d'adopter après
l'entrée en vigueur de la directive toute règle contraire. Ces
obligations ont notamment la conséquence, tout en circonscrivant la
liberté des Etats membres, d'assurer de manière efficace la
primauté de la directive et donc du droit communautaire sur le droit
national.
Ces obligations qui conditionnent l'action des Etats membres,
convergent de manière conjuguée vers le respect d'un principe
nécessaire à toute oeuvre de construction communautaire, «
le principe de fidélité ». La fidélité des
Etats membres aux engagements souscrits dans le traité constitutif
conditionne et uniformise les actions de ces derniers, et est bien entendu
consacrée au sein de la CEMAC, notamment à l'article 10 de la
Convention UEAC qui dispose que : « les Etats membres apportent leur
concours à la réalisation des objectifs de l'Union Economique.
Ils s'abstiennent de toute mesure susceptible de faire obstacle à
l'application de la présente convention et des actes juridiques pris
pour sa mise en oeuvre ».
En ce qui concerne l'applicabilité directe de la
directive, le défaut d'effet direct ne vaut que pour un temps
précis, car l'autonomie des Etats membres dans le temps, concernant la
transposition, est soumise à un délai
précis103. Les Etats membres sont donc astreints au respect
des délais, qui une fois passés ouvrent pour tout justiciable la
solution de l'effet direct vertical ascendant des directives, pour toutes
dispositions précises et inconditionnelles de celle-ci. La transposition
en retard de l'Etat membre devra alors dans ce cas se faire dans le respect de
la décision de justice rendu auparavant.
103 En effet les directives communautaires prévoient
généralement des délais pour leur transposition,
toutefois, même en l'absence de délai comme c'est le cas le plus
souvent des directives CEMAC, celles-ci doivent être transposée
dans un délai raisonnable, comme le montre l'exemple de la directive
n°01/00/UEAC-O64-CM-04 du 21 juillet 2000 relative à la
surveillance multilatérale des politiques macro-économiques au
sein de la CEMAC, transposée après 5 mois, à travers
l'Arrêté n°11/PM du 11 décembre 2000 et portant
création, organisation et fonctionnement d'une Cellule Nationale de
Surveillance Multilatérale.
38
Si la soumission des Etats membres aux principes fondamentaux
du droit communautaire semble acquise, les résistances persistantes de
ces derniers demandent en sus la manifestation d'un véritable
encadrement de leur autonomie.
B- L'encadrement du principe en matière de mise en
oeuvre du droit communautaire
Le juge communautaire CEMAC tout comme son homologue de
l'UEMOA, n'a pas encore eu à encadrer véritablement la mise en
oeuvre du droit communautaire, et plus particulièrement des directives,
par les Etats membres ; ce qui n'est pas le cas de la CJCE dont l'oeuvre
d'encadrement de l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats
membres est aujourd'hui manifeste.
La CJCE a développée depuis sa création
une construction jurisprudentielle assez précise, notamment en ce qui
concerne la mise en oeuvre des directives communautaires, elle a alors
contribué à clarifier l'envergure de « l'amputation ou
l'orientation du pouvoir normatif des Etats membres
»104.
Elle a par exemple décidé que « la
transposition en droit interne d'une directive n'exige pas
nécessairement la reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans
une disposition légale expresse et spécifique
»105, mais les Etats membres doivent « choisir
les formes et les moyens les plus appropriés en vue d'assurer l'effet
utile des directives »106, et alors les mesures de
transposition doivent être contraignantes107. La CJCE
impose en outre le principe de l'équivalence des normes, la directive
doit alors être traduite dans des dispositions internes ayant la
même valeur que celles qui s'appliquaient auparavant, les mesures
d'application doivent consister en l'occurrence « en des dispositions
équivalant à celles qui sont appliquées dans l'ordre
juridique interne en vue d'imposer le respect des prescriptions
qualifiées d'impératives par (...) les directives
»108. Elle a aussi admis que la transposition
n'était pas obligatoire lorsque les principes généraux ou
des normes constitutionnelles ou administratives existaient avant la directive
et rendaient la législation communautaire superflue109.
104 RIDEAU (J.), « la participation des Etats membres
à l'application des actes des communautés », in :
Annuaire français de droit international, volume 18, 1972. pp.
864-903.
105 CJCE Commission c/ Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec.
p. 1733.
106 CJCE Royer du 8 avril 1976, aff 48/75, Rec. p. 497.
107 CJCE Commission c/ Italie du 15 mars 1983, aff 145/82, Rec.
p. 711.
108 CJCE Commission c/ Belgique du 6 mai 1980.
109 CJCE Commission c/ Allemagne 1986, aff. 29/84.
39
Plus récemment encore, la CJCE se reconnait la
compétence pour évaluer l'aptitude du système normatif
existant à assurer la pleine application des directives et pour assigner
à l'Etat une obligation positive de transposition
formelle110. Elle encourage même l'encadrement par
l'institution communautaire auteur de l'acte, à travers
l'établissement d'une liste de sanctions appropriées, «
elle a ainsi considéré que l'article 175 du traité CE
constitue une base juridique suffisante pour la définition d'une
série d'infractions au droit de l'environnement que les États
membres devraient sanctionner pénalement »111.
La CJCE va notamment pousser plus loin l'instrumentalisation
de l'Etat membre en matière d'application du droit communautaire, car
elle confirme la responsabilité de l'Etat membre pour mauvaise
application du droit communautaire par le juge national, et exige la
consécration au niveau national de la responsabilité
étatique112.
Sur un plan procédural, concernant la mise en oeuvre
juridictionnelle, la CJCE à travers ses arrêts Traghetti et
Köbler113, consacre un droit à réparation lorsque
la mauvaise application du droit de l'Union est imputable à
l'autorité judiciaire. Elle a même étendu le champ
d'application du principe de coopération loyale afin de consacrer
l'invocabilité d'interprétation d'une décision
cadre114.
La CJCE encadre même les actions en
répétition de l'indu, qu'elle soumet aux principes
d'équivalence et d'efficacité minimale, et elle va même
au-delà, en affirmant le pouvoir du juge national d'ordonner des mesures
provisoires en vue de sauvegarder des droits des particuliers issus du droit
communautaire, alors même que la législation nationale
l'interdit115 ; en outre, selon l'arrêt UPA du 25 juillet
2002, le juge national, en vertu de l'article 10 TCE, doit donner aux
particuliers la possibilité de contester un acte communautaire sur le
plan interne, vu les conditions restrictives de recevabilité du recours
en annulation intenté par les requérants
ordinaires116.
110 NEFRAMI (E.), « le principe de solidarité
des Etats membres vis-à-vis du droit communautaire : le devoir de
loyauté », Centre d'Excellence Jean Monnet, Rennes, disponible
sur
http://Cejm.upmf-grenoble.fr/userfiles/neframi.doc.
111 CJCE 13 septembre 2005, Commission c/ Conseil,
aff. C-176/03, Rec. p. I-7879. Voir NEFRAMI (E.), Op.cit.
112 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
C-173/03. La CJCE par cet arrêt confirme une responsabilité
qu'elle a notamment consacrée dans son arrêt Francovich et
Bonifaci du 19 novembre 1991, affaires jointes 6/90 et 9/90, Rec. I p. 5357.
113 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01,
Rec. p. I-10239.
114 CJCE, 16 juin 2005, Maria Pupino, aff. C-105/03,
Rec. p. I-5285.
115 CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. C-213/8,
Rec. p. I-243.
116 NEFRAMI (E.), Op.Cit.
40
On le constate donc, même si la directive communautaire
est l'acte par excellence du déploiement de l'autonomie institutionnelle
et procédurale des Etats membres, sa transposition reste encadrée
et soumise à l'impératif d'efficacité du droit
communautaire, une nécessité pour l'uniformité et
l'unicité du marché commun, dans la mesure où
l'intégration du droit communautaire au sein du droit interne se
déroule avant tout, au travers de mécanismes
administratifs117 nationaux.
117 SAURON (J-L.), Op. Cit. p.46.
41
Chapitre II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES
DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES
La transposition de la législation communautaire
(précisément des directives) est une obligation pour les Etats
membres, elle s'appuie sur des instruments précis (section I) comme
l'illustre la pratique camerounaise (section II).
Section I : LES PRINCIPES DIRECTEURS
La mise en oeuvre des directives communautaires laisse aux
Etats membres le choix des instruments (paragraphe 1), mais cette
liberté reste tout de même relative (paragraphe 2).
Paragraphe I : LA LIBERTE DE CHOIX DES ETATS
MEMBRES
La transposition des directives communautaires repose sur
l'usage des règles du droit interne (A), par les structures
administratives nationales (B).
A- Le libre choix des mesures nationales de
transposition
Si le Traité CEMAC du 16 mars 1994 et le Traité
CEMAC révisé du 25 juin 2008 ne donnent aucune précision
concernant les moyens d'application du droit communautaire par les Etats
membres, la Convention UEAC semble plus précise, notamment au regard de
son article 8 al 2 qui dispose que : « les organes de l'Union
Economique et les institutions spécialisées de celle-ci
édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente
convention leur attribue, des prescriptions et des règlementations
cadres, qu'ils appartient aux Etats membres de compléter en tant que de
besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles
respectives ».
Le «législateur communautaire» renvoie donc
les Etats membres à leurs règles constitutionnelles respectives,
pour mettre en oeuvre les actes juridiques communautaires qui le
nécessitent. Le choix n'est notamment pas exclusif à la CEMAC
dans la mesure où le Traité UEMOA révisé en son
article 5 dispose que : « les organes de l'Union favorisent
l'édiction de prescriptions minimales et de
réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ». Et la formule peut
également être retrouvée dans le Traité CE, à
l'article 22 qui dispose que : « le Conseil, statuant à
l'unanimité sur proposition de la
42
Commission et après consultation du Parlement
européen, peut arrêter des dispositions tendant à
compléter les droits prévus à la présente partie,
dispositions dont il recommandera l'adoption par les États membres
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives
».
[a formule « règles constitutionnelles respectives
» sous entend que les Etats membres devront se référer aux
règles consacrées par leur constitution pour transposer par
exemple les directives communautaires. Si l'on se réfère à
la constitution camerounaise, en l'occurrence la loi n° 96-06 du 18
janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 consacre
la loi comme catégorie de norme de droit interne située
immédiatement après la constitution (voir article 26) ; les
autres matières qui ne sont pas du domaine législatif sont du
ressort du pouvoir règlementaire (article 27).
[a pratique est quand même plus déterminante pour
l'identification des mesures nationales de transposition, on peut
évoquer la loi adoptée au Parlement ou la réglementation
gouvernementale en cas de délégation des mesures de transposition
au gouvernement. Dans ce dernier cas, la transposition peut alors être
assurée par voie de décret gouvernemental118,
d'ordonnance119, d'arrêtés et de décisions
ministérielles, de décisions administratives, de mesures d'une
autorité publique, en fonction du niveau des normes juridiques requises
pour la transposition, des dispositions constitutionnelles et de la nature des
dispositions législatives nationales existantes à
adapter120. [a transposition peut aussi être
réalisée par des conventions collectives, c'est le cas en
Belgique et en Suède121.
118 C'est le cas du Burkina Faso, de la Cote d'Ivoire, du Mali
et même du Niger, qui ont transposé par décret les
directives UEMOA sur les marchés publics. Voir «
troisième Réunion de l'observatoire régional des
marchés publics », Rapport final, Niamey, 06-09 octobre
2009.
119 C'est le cas du Niger qui a transposé par
décret les directives UEMOA sur les marchés publics. Voir
« troisième Réunion de l'observatoire régional
des marchés publics », Rapport final, Niamey, 06-09 octobre
2009.
120 BATTA (D.), « Etude comparative sur la transposition
du droit communautaire dans les Etats membres », Direction
générale politique interne de l'Union/Département
thématique C/Droits des citoyens et affaires constitutionnelles,
commission des affaires juridiques du Parlement Européen, 2007, p.10.
121 Cela s'est notamment fait dans le cadre des directives
relatives au domaine social. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 8.
43
B- Le libre choix des structures administratives nationales
de transposition
La transposition est un exercice exclusivement national, elle
impose ainsi l'implication des structures administratives nationales, dont la
participation est notamment fonction des instruments normatifs
utilisés.
En effet, au regard des mesures nationales de transposition,
les autorités nationales diffèrent, et agissent soit au sein d'un
même processus, soit individuellement.
La transposition peut être réalisée par le
parlement national122 qui détient le pouvoir
législatif, et donc d'initiative et de vote des lois123,
notamment pour les dispositions législatives de la directive
communautaire124. Toutefois, lorsque la transposition est faite par
une loi, le mécanisme s'appuie alors sur la procédure
législative ordinaire, qui fait intervenir à la fois le
gouvernement, pour l'élaboration de la loi et le parlement pour son
adoption. Ceci est notamment valable au Cameroun pour la transposition des
directives en matière fiscales et en matière de communications
électronique.
Mais la transposition peut être l'oeuvre exclusive du
gouvernement125, notamment en cas de transposition par
arrêté ministériel126 par exemple, ou par tout
autre acte juridique relevant du pouvoir règlementaire, c'est le cas par
exemple des directives CEMAC relatives au système LMD, transposée
par une circulaire du ministre de l'enseignement
supérieur127.
Les structures administratives peuvent en outre être
différentes mais impliquées dans la transposition des même
directives, comme le montre l'exemple du Sénégal lors de la
transposition des directives relatives aux finances publiques de 2009, qui a
réuni au sein d'un
122 C'est le cas au Danemark pour la transposition des directives
européennes. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 8.
123 Voir respectivement les articles 14, 25 et 26 de la loi
constitutionnelle n°96-06 du 18 janvier 1996.
124 La directive communautaire peut comporter à la fois
des dispositions d'ordre législatif et d'autres d'ordre
règlementaire, et donc en vertu de la séparation des pouvoirs et
de la séparation du domaine de la loi et du règlement,
consacré par la constitution camerounaise, le parlement ne sera
compétent que pour les dispositions de nature législatives.
125 Nous entendons par gouvernement l'ensemble des organes du
pouvoir exécutif (sens stricte). Voir CORNU Op. Cit. p.436.
126 C'est le cas de la directive n°01/00/UEAC-O64-CM-04
du 21 juillet 2000 relative à la surveillance multilatérale des
politiques macro-économiques au sein de la CEMAC, transposée
après 5 mois, à travers l'Arrêté n°11/PM du 11
décembre 2000 et portant création, organisation et fonctionnement
d'une Cellule Nationale de Surveillance Multilatérale.
127 Voir Supinfos, n°6, décembre 2007, p.51.
44
comité national de transposition128 des
représentants du Sénat, de l'Assemblée nationale, des
Services du Premier Ministère, du Secrétariat
général de la Présidence de la République, du
ministère chargé de l'éducation , du ministère
chargé de la justice, des représentants de certaines directions
générales de l'administration, des inspections de divers autres
ministères, la liste n'est pas exhaustive.
Des structures administratives assez spéciales peuvent
aussi être impliquées dans le processus de transposition, c'est
par exemple le cas en France avec le Secrétariat général
du gouvernement (SGG) et le Secrétariat général des
affaires européennes (SGAE)129 chargés sous
l'autorité du Premier ministre de la coordination
interministérielle, dans le cadre de la mise en oeuvre
générale du droit de l'Union en France130.
La transposition enfin, notamment au sein de l'UE, peut aussi
être assurée dans les Etats membres au niveau
fédéral et au niveau fédéré ou Länder
comme c'est le cas en Allemagne ou encore en Autriche, et dans le cadre de
certains Etats décentralisés par les régions ou toute
autre collectivité territoriale décentralisée, comme c'est
le cas en Italie ou en France131 ; elle peut aussi être le
fait de partenaires sociaux, ce fut le cas en Belgique pour la transposition de
la directive sur le comité d'entreprise
européen132.
On le constate donc les Etats membres disposent d'une
réelle liberté quant au choix des moyens ; toutefois, cette
indépendance doit être relativisée, au regard des raisons
qui modulent en pratique le choix des Etats membres.
Paragraphe II : UNE LIBERTE RELATIVE
Le libre choix du recours à une règle
précise de droit interne est conditionné avant tout par la
méthode de transposition (A) mais aussi par le respect de certaines
exigences (B).
128 Voir l'arrêté du Ministre
d'Etat, ministre de l'économie et des finances, portant création,
organisation et fonctionnement du comité national de transposition des
directives de l'UEMOA relatives au cadre harmonisé des finances
publiques de 2009, République du Sénégal/ Ministère
de l'économie et des finances, le 11 octobre 2010.
129 Le SGAE a remplacé le Secrétariat
Général du Comité Interministériel autrefois
chargé de la mise en oeuvre générale du droit de l'Union
en France, par le Décret n°2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif
au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat
général des affaires européennes, du Premier
ministre.
130 SAURON (J-L.),Op.Cit. p.47.
131 Voir BATTA (D.), « Etude comparative sur la
transposition du droit communautaire dans les Etats membres »,
Direction générale politique interne de
l'Union/Département thématique C/Droits des citoyens et affaires
constitutionnelles, commission des affaires juridiques du Parlement
Européen, 2007, p.10-11.
132 Directive 94/45/CE du Conseil concernant l'institution
d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans
les entreprises de dimension communautaire JO L 254, 30.9.1994, pp. 64 -72.
Ibid. p.16.
45
A- La méthode de transposition
Il existe plusieurs méthodes de transposition, dont
l'usage dépend largement de la directive, de son niveau de
précision, et même des caractéristiques du système
juridique national133. Ces méthodes peuvent notamment
conditionner le choix de la norme interne de transposition comme nous le
verrons dans les lignes qui suivent.
En premier lieu, la transposition peut être «
individuelle ou globale », la méthode individuelle voudrait que le
contenu de la directive soit transposé par un seul texte interne, c'est
la méthode la plus fréquente134. La seconde voudrait
que plusieurs directives soient transposées dans un même texte
juridique135.
Stricto sensu, le terme «transposition globale»
désigne la transposition de plusieurs directives dans un seul
instrument juridique, sans aucun lien nécessaire entre les thèmes
des directives transposées, à l'exception d'un délai de
transposition commun. Cette technique vise à éviter tout vide
juridique dans le processus de transposition en veillant à ce que toutes
les directives à transposer dans un délai donné soient
formellement intégrées dans le droit national. Il va de soi
qu'une transposition globale requiert pour être vraiment efficace, une
règle à caractère général et impersonnel,
comme la loi. Cette méthode est utilisée en Grèce et en
Italie136.
En outre, la transposition peut se faire par «
référence », ou par une reproduction de la directive en
annexe de l'acte initial137. C'est une méthode qui ne peut
être utilisée que si la directive est assez précise, et la
norme nationale de transposition de niveau hiérarchique
inférieure.
133 AUGROS (L.), « l'application des directives
marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP
de Lyon, juin 2004, p.37.
134 Cette méthode a été employée dans
la transposition au Cameroun de la directive CEMAC relative à la TVA.
135 Cette méthode a été employée
au Cameroun pour la transposition des directives CEMAC relatives aux
télécommunications. Mais l'exemple type de la méthode
globale est ici celui de l'Italie, avec sa loi communautaire baptisée
« loi La Pergola » du 9 mars 1989, relative à la participation
de l'Italie au processus d'élaboration des normes communautaires et sur
la procédure d'exécution de ses obligations communautaires. La
Loi La Pergola prévoit que chaque année avant le 31 janvier, le
ministre en charge des questions européennes vérifie avec les
administrations concernées, la conformité de l'ordre juridique
interne aux normes communautaires, et soumet à l'approbation du Conseil
des ministres un projet de loi portant adaptation de l'ordre juridique interne
à l'ordre juridique communautaire : le projet de « loi
communautaire ». Ce projet doit être déposé au
Parlement avant le 31 mars de l'année en cours. Voir CARMELI (S.),
« La réception du droit communautaire dans l'ordre juridique
italien », in : Revue internationale de droit comparé, vol. 53
n°2, Avril-juin 2001, pp. 366-368.
136 BATTA (D.), Op.Cit. p.12.
137 AUGROS (L.), « l'application des directives
marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP
de Lyon, juin 2004, p. 36-37.
46
Une autre méthode consiste en « la transposition
détaillée » des directives communautaires, qui consiste
à clarifier les ambiguïtés des directives communautaires,
c'est une méthode utilisée par les pays qui possèdent
déjà des normes sur le sujet concerné par la directive et
qui n'ont alors qu'à compléter leur
législation138.
Comme on le constate, le choix d'une méthode
précise peut conditionner le choix d'une règle nationale, mais
d'autres raisons assez déterminantes peuvent aussi être
invoquées pour justifier du choix de telle ou telle mesure nationale
d'exécution.
B- Le respect d'exigences essentielles
Plusieurs autres raisons conditionnent le choix d'une
règle précise par les autorités nationales pour transposer
une directive communautaire.
En premier lieu, les mesures nationales de transposition
doivent avoir un caractère contraignant car « de simples
pratiques administratives par nature modifiables au gré de
l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate,
ne sauraient être considérées comme constituant une
exécution valable de l'obligation qui incombe aux Etats membres
destinataires »139 ; ce qui impose donc de prime abord le
choix d'un instrument normatif plutôt que de simples pratiques
administratives modifiables au gré des autorités administratives.
La règle nationale de transposition doit être à même
de permettre à la directive de produire tous ses effets de telle sorte
que les justiciables puissent s'en prévaloir en justice.
Les mesures nationales de transposition doivent aussi
respecter la hiérarchie des normes. Il est alors nécessaire
d'adopter pour la transposition des directives, des normes de la même
valeur, dans la hiérarchie des normes nationales, que celles qui
règlent habituellement ou règleraient la matière en droit
national ; c'est « le principe du parallélisme des normes
». Si le secteur était régi par une loi, alors la
directive devra être transposée par une loi.
138 Ibid.
139 CJCE Commission c/ Italie du 15 mars 1983, aff 145/82, Rec.
p. 711.
47
Le respect de la hiérarchie des normes conduit aussi
inévitablement au respect du domaine de la loi et du règlement
tel que prescrit par la règle constitutionnelle, c'est notamment le cas
du Cameroun140.
En effet, la loi constitutionnelle n°96-06 du 18 janvier
1996, détermine en son article 26 le domaine de la loi et en son article
27 le domaine du règlement. Si le respect de la hiérarchie des
normes peut laisser penser que le partage des domaines entre la loi et le
règlement est sans pertinence dans le choix de la règle de
transposition, ce n'est en aucun cas ce qui est, car cette séparation se
révèle utile lorsque le secteur visé par la directive
communautaire ne fait encore l'objet d'aucune règlementation dans le
droit national. Ainsi, une directive communautaire portant
règlementation d'un domaine non encore encadré par le droit
interne camerounais, devra être transposée par une loi,
conformément aux matières qu'elle couvre en vertu de la loi
constitutionnelle, ou alors par un règlement si le secteur ne
relève pas du domaine la loi.
Mais il peut arriver enfin, que les directives soient
tellement précises et c'est le cas de plus en plus des directives
européennes, qu'elles ne laissent aux Etats membres qu'une
liberté d'application. C'est l'hypothèse d'une directive qui ne
nécessite pour son exécution en droit camerounais qu'un
décret d'application, comme c'est souvent le cas des lois ordinaires,
limitant l'implication nationale à l'adoption de ce texte
règlementaire, sans toute autre mesure d'adaptation du droit
national.
Section II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE
DE
TRANSPOSITION
La transposition des directives communautaires est une
liberté concédée aux Etats membres par la
communauté. Elle est alors réalisée selon un processus
exclusivement national, qui vise à rendre la législation
nationale conforme à la règlementation communautaire, par le
biais d'un texte national de transposition. C'est la raison pour laquelle il
sera question dans cette section, de la transposition au Cameroun de quelques
directives CEMAC (paragraphe I), dont on pourra déduire la substance
même de la mécanique camerounaise de transposition (paragraphe
II).
140 Ceci est surtout valable pour des Etats comme le Cameroun,
ou la France, qui opère une séparation constitutionnelle du
domaine de la loi et du règlement, or c'est une exigence inconnue par
les Etats qui n'opèrent pas cette distinction.
48
Paragraphe I : LA TRANSPOSITION DE QUELQUES DIRECTIVES
CEMAC
La transposition consiste en l'adoption d'un texte national de
transposition (A) qui doit être conforme à la directive
communautaire (B), notamment pour que l'obligation de l'Etat membre soit
satisfaite de manière complète.
A- L'adoption du texte national de transposition
Il sera question ici de la transposition de la directive
n° 1/99-CEMAC-028-CM-03 portant harmonisation des Législations des
Etats membres en matière de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et
du Droit d'accises (A), et la transposition des directives CEMAC relatives aux
télécommunications (B), toutes adoptées dans la
période 1999-2009.
1- Le cas de la directive CEMAC de 1999, portant
harmonisation des Législations des Etats membres en matière de
TVA et du Droit d'accises
La directive CEMAC relative à la TVA et aux DA a fait
l'objet au Cameroun d'une transposition anticipée comme dans deux autres
pays de la CEMAC141. En effet la TVA a été
instituée au Cameroun par la loi de finances 98/99 et est entrée
en vigueur le 1er janvier 1999, alors que la Directive CEMAC
relative au même impôt existe seulement à partir 17
décembre 1999142. Il faut notamment entendre par
transposition anticipée « l'existence de principes
généraux de droit constitutionnel ou administratif »
qui « peut rendre superflue la transposition [...] à
condition toutefois que ces principes garantissent effectivement la pleine
application de la directive par l'administration nationale [...] et que les
bénéficiaires soient mis en mesure de connaitre la
plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s'en
prévaloir devant les juridictions nationales »143.
Seules certaines dispositions de la directive peuvent faire l'objet d'une
transposition anticipée, il reste alors à l'Etat dans ce cas de
se conformer aux autres dispositions du texte communautaire.
141 Le Congo a adopté sa loi sur la tva le 12 mai 1997,
et le Gabon le 1er avril 1995. Quant aux trois autres pays, la
Centrafrique adopte sa loi sur la tva le 1er janvier 2001, la
Guinée Equatoriale transpose par la loi n°4/2004 du 28 octobre 2004
portant organisation du système fiscal, et le Tchad par sa loi des
finances de 2000. Voir aussi BANGO (A.), « l'élaboration et la
mise en oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) »,
Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet 2009, p.150.
142 Voir TONGA (D.), « Recherche sur la
conformité du droit national au droit communautaire de la CEMAC : le cas
de la TVA », Université de Yaoundé II Soa, DEA, 2008 ;
disponible sur
http://www.memoireonline.com/08/08/1504/recherches-conformité-droitnational-droitcommunautaire1.html
143 CJCE, 23 mai 1985, Commission c/ Allemagne. Voir
également SAURON (J-L.),Op.Cit. p.43-44.
49
On constate alors, notamment au regard de la pratique des
Etats membres de la CEMAC, que la transposition des directives relatives au
domaine fiscal144 s'appuie sur la procédure
législative ordinaire145.
La procédure législative ordinaire146
au Cameroun voudrait tout simplement, qu'une fois la directive adoptée
par le Conseil des Ministres (CM), les délégués du
Cameroun à la session du CM tiennent informées les
autorités nationales et proposent à la hiérarchie
l'adoption d'un texte au niveau national pour respecter les obligations qui
découlent du traité CEMAC.
Le projet de loi des finances est alors préparé
à la Direction Générale des Impôts (DGI),
validé au cabinet du Ministre des finances, approuvé dans les
services du Premier ministre et par la Présidence de la
République. Il est ensuite déposé à
l'Assemblée nationale, où il est défendu au nom du
financement par le Ministre des finances jusqu'à son adoption en session
plénière par les députés, suivi de la promulgation
par le Président de la République.
Le choix d'une loi se justifie amplement, parce que
conditionné par la séparation constitutionnelle du domaine de la
loi et du règlement ; en effet, aux termes de l'article 26 de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, ressortent entre autres du domaine de la
loi, « la création des impôts et taxes et la
détermination de l'assiette... ». Il peut aussi se justifier
en outre par le principe d'équivalence, car le domaine était
avant l'adoption de la directive, régi par une loi.
2- Le cas des directives relatives aux «
communications électroniques »
Cinq directives CEMAC ont été adoptées le
19 décembre 2008 à Bangui par le CM dans le cadre des
communications électroniques, mais trois ont été
transposées en 2010 :
- La directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le
Régime du service universel dans le secteur des communications
électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC,
144 Il s'agit de la directive n°02/01-UEAC-050-CM-06
portant révision de l'Acte 3/72-153-UDEAC du 22 décembre 1972
instituant l'impôt sur les sociétés et de la directive
n°01/04-UEAC-177 U-CM-12 portant révision de l'Acte N°
3/77-UDEAC-177 instituant l'impôt unique sur le revenu des personnes
physiques. Voir
l'entretien du 28 novembre 2011 avec M. TCHOUATA Ervice,
chargé d'étude assistant à la Cellule des Relations
Fiscales Internationales de la Direction Générale des
Impôts/Yaoundé/Cameroun.
145 Ibid.
146 Ibid.
50
- la directive n°07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre
juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de
services de communications électroniques au sein de la CEMAC ;
- la directive n°08/08-UEAC-133-CM-18 relative à
l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services
de communications électroniques dans les pays membres de la CEMAC.
Ces directives ont été transposées par la
loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les
communications électroniques au Cameroun147. [a
méthode de transposition a donc été ici globale. [a
directive fixant le Régime du service universel dans le secteur des
communications électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC est
transposée par les articles 27 à 31, la directive fixant le Cadre
juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de
services de communications électroniques par les articles 51 à
54, et la directive relative à l'interconnexion et à
l'accès des réseaux et des services de communications
électroniques par les articles 42 à 44.
[a transposition a été réalisée
tout comme dans le cadre de la directive TVA par une loi ordinaire. Concernant
la procédure, elle est passée alors par l'élaboration dans
les services juridiques du Ministère des
télécommunications en collaboration avec les services de l'Agence
de Régulation des Télécommunications (ART)148,
ensuite le projet de loi une fois validé et approuvé, a
été soumis au parlement pour adoption, suivi de la promulgation
par le Président de la République de la loi adoptée.
Le domaine était avant l'adoption des directives CEMAC
régi par la loi du 14 juillet 1998 régissant les
télécommunications au Cameroun, le principe de
l'équivalence ou du parallélisme des normes peut donc être
invoqué ici pour justifier le choix des autorités
camerounaises.
147 Entretien du 15 mars 2012 avec M. MOHAMADOU, Chef service
de la législation et de la règlementation interne à la
Direction des Affaires Juridiques et de la Coopération
Internationale/Agence de Régulation des Télécommunications
(ART)/Yaoundé/Cameroun.
148 Ibid.
51
B- La conformité des textes nationaux de
transposition aux directives communautaires
Serons examinées ici la conformité des
dispositions de la loi des finances 98/99 aux objectifs de la directive TVA de
la CEMAC (1), ainsi que la conformité des dispositions de la loi
régissant les communications électroniques au Cameroun aux
directives CEMAC sur les communications électroniques (2).
1- La conformité de la loi des finances 98/99 au
droit CEMAC de la TVA
Sur la conformité de la loi des finances à la
directive communautaire en matière de TVA, la nuance est de
mise149. En effet, malgré une reprise fidèle des
grands principes du droit communautaire de la TVA150, tendant
presqu'à une transcription, que Geneviève Koubi définit
comme « une introduction des normes communautaires en droit interne
sans travail spécifique de reformulation »151, la
législation camerounaise en matière de TVA est restée en
marge du droit communautaire sur plusieurs points, qualifiés par
certains d' « éléments d'originalité non
conformes »152.
C'est la raison pour laquelle le Cameroun a par exemple par sa
loi de finances de 2005 supprimé les exonérations de TVA sur le
poisson congelé et le matériel informatique non prévues
par la directive CEMAC en matière de TVA da 1999153. Le
Cameroun n'est pas le seul à se conformer de manière progressive
à la législation communautaire, en effet le Congo en 2003 a par
exemple procédé par le biais de sa loi de finances, à la
suppression de son taux réduit de 8% sur les produits de large
consommation importés alors que ceux produits localement étaient
exonérés de TVA, une discrimination qui violait le droit de la
TVA communautaire154 ; il a aussi procédé à la
modification de l'ancien article 7 de la loi sur la TVA de 1997, via la loi de
finances de 2005, pour s'aligner sur la position de la directive TVA qui
exonère de TVA les opérations liées au trafic
international155.
149 TONGA (D.), Op.Cit.
150 Notamment en matière d'imposition. Voir TONGA (D.),
Op.Cit.
151 G. KOUBI, « Transposition et/ou transcription des
directives communautaires en droit national », Revue de la Recherche
Juridique, 1995, n°2, p. 617, citée par TONGA (D.), Op.Cit.
152 Ibid.
153 BANGO (A.),Op.Cit. p.147.
154 Ibid. p.149.
155 Ibid. p.147.
52
En janvier 2004, le Gabon a par exemple en matière de
TVA introduit un taux majoré de 25% au lieu de 18% pour les produits de
luxe, avant d'adopter une posture conforme à travers une loi
rectificative de celle de 2004156.
On le constate alors, la transposition de la directive
communautaire en matière de TVA qu'elle soit anticipée ou
ordinaire, s'est faite de manière assez progressive, à un rythme
assez hétérogène au sein de la Communauté, ce qui
ne sert pas l'effectivité uniforme de la norme communautaire ; mais on
ne peut toutefois pas en être surpris lorsque l'on sait que la directive
communautaire TVA et droit d'accises de 1999 ne prévoit pas de
délai de transposition.
2- La conformité de la loi n°2010/013 du 21
décembre 2010 aux directives CEMAC des communications
électroniques
Trois directives CEMAC157 ont été
transposées par la loi n°2010/013 du 21 décembre
2010 :
- La directive n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le
Régime du service universel dans le secteur des communications
électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC ;
- la directive n°07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre
juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de
services de communications électroniques au sein de la CEMAC ;
- la directive n°08/08-UEAC-133-CM-18 relative à
l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des services
de communications électroniques dans les pays membres de la CEMAC.
La conformité la loi camerounaise aux textes
communautaires qu'elle transpose semble transparaitre au regard de ses
dispositions, car celle-ci en effet, tout comme les lois
congolaises158, a été fortement inspirée par
les directives CEMAC159.
La loi camerounaise rejoint alors comme celles du Congo, les
textes CEMAC, sur deux grands principes, la séparation des fonctions de
réglementation et de régulation, et l'indépendance
(autonomie financière et personnalité juridique) de
l'autorité de régulation160.
156 Ibid. p. 149.
157 Ces directives sont adoptées le 19 décembre
2008 à Bangui, par le Conseil des Ministres de l'UEAC.
158 Le Congo a transposé les directives CEMAC en
matière de communications électroniques par deux textes
nationaux, la loi n°9 du 25 novembre 2009 portant réglementation du
secteur des communications électroniques, et la loi n°11 du 25
novembre 2009, portant création de l'Agence de Régulation des
Postes et des Communications Electroniques (ARPCE). Voir ENDOKE (J-C.),
« harmonisation des réglementations des TICS en zone CEMAC
(état des lieux) », ARPCE/Congo, 2011, p.7.
159 Voir ENDOKE (J-C.), Op.Cit. p.7.
53
Plus spécifiquement, en ce qui concerne la directive
n°06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Régime du service universel, la
conformité de la loi camerounaise se relève par exemple au niveau
de l'article 27 qui reprend de manière plus précise et plus
détaillée l'article 3 de la directive communautaire relative au
contenu du service universel. Au niveau de la directive fixant le cadre
juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de
services de communications électroniques, on peut relever par exemple la
conformité sur le point du contrat des consommateurs, notamment au
regard des articles 51 et 52 de la loi camerounaise par rapport à
l'article 9 de la directive CEMAC. Concernant enfin la directive relative
à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des
services de communications électroniques, l'article 41 al1 de la loi
camerounaise s'aligne clairement sur la position de l'article 3 al 3 de la
directive communautaire en ce qui concerne par exemple le refus d'une demande
d'interconnexion qui doit être justifiée ou motivée.
La loi camerounaise sur les communications
électroniques a donc transposé assez justement les dispositions
des directives CEMAC161, toutefois, on peut relever que le loi
camerounaise se démarque de la directive relative au service
universel162, sur l'aspect du fonds de financement du service
universel qui dispose à son article 13 que « le fonds de
financement du service universel sera géré, dans chaque Etat
membre, par l'Autorité Nationale de Régulation sur la base des
programmes prioritaires arrêtés par les pouvoirs publics qui
assureront la supervision ». Contrairement à cette directive,
la loi nationale de 2010 dispose en son article 34 (4), que les ressources du
fonds spécial de télécommunication sont recouvrés
par l'ART, cependant, c'est le ministre chargé de
télécommunications qui est l'ordonnateur des dépenses
engagées sur le fonds. Une posture qui n'est notamment pas exclusive au
Cameroun, car le Congo aussi a légiféré dans ce
sens163.
Il est à noter enfin que le Cameroun n'a pas
respecté les délais imposés par les directives sur les
communications électroniques, qui prévoyaient un an pour leur
transposition.
160 Ibid.
161 MOHAMADOU (D.), « Etude comparative des textes
final », Agence de Régulation des
Télécommunication (ART)/Yaoundé, Cameroun 2010.
162 Ibid.
163 Voir ENDOKE (J-C.), Op.Cit. p.8.
54
Paragraphe II : LA PRATIQUE CAMEROUNAISE DE
TRANSPOSITION, UNE MECANIQUE SIMPLIFIEE
On peut le constater au vu de ce qui précède, le
Cameroun a fait le choix d'une pratique de transposition
élémentaire, car la mécanique camerounaise s'appuie sur
des bases juridiques et une procédure (A) qui consacrent une
structuration organique peu complexe (B).
A- Bases juridiques de la mécanique camerounaise
Les bases juridiques renvoient ici aux différents
textes nationaux qui de manière générale ou
spécifique instituent les organes compétents et la
procédure de transposition. Dans le cas précis du Cameroun, les
textes répertoriés semblent relever, plus d'une approche
générale de mise en oeuvre des normes internationales, que d'une
approche spécifique à l'exercice de transposition des directives
CEMAC.
Dans le cas des directives CEMAC en matière fiscale, la
compétence des services de la DGI se fondait sur le Décret
présidentiel n° 98/217 du 09 septembre 1998 portant organisation du
Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI). Ce texte institue
une Direction Générale des Impôts chargée «
de l'élaboration des textes législatifs et réglementaires
en matière d'impôts directs et indirects », elle
comprend en son sein une Division de la législation et des relations
fiscales internationales (qui élabore, en liaison avec les
départements ministériels compétents, les textes
législatifs et réglementaires en matière d'impôts
directs et indirects), qui dispose à son tour de deux cellules : la
Cellule de la législation, et la Cellule des relations fiscale
internationales.
En ce qui concerne les directives relatives aux communications
électroniques, les compétences du MINPOSTEL, de ses services
ainsi que de l'ART, reposent sur :
- la Loi n° 98/014 du 14 juillet 1998
régissant les télécommunications au Cameroun
modifiée et complétée par la Loi n° 2005-013
du 29 décembre 2005 ;
- le Décret présidentiel n° 98/197 du 8
septembre 1998 portant organisation et fonctionnement de l'Agence de
Régulation des Télécommunications ;
- le Décret présidentiel n° 2005/124 du
15 avril 2005 portant organisation du Ministère des Postes et
Télécommunications ;
55
Selon l'article 8 al a de la loi n° 98/014, la
législation et la réglementation en matière de
télécommunications sont du domaine exclusif de l'Etat, et
l'administration chargée des
télécommunications164 veille à
l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une politique sectorielle
des télécommunications165. L'ART veille à
l'application des textes législatifs et réglementaires sur les
télécommunications166. Par ailleurs, la Direction de
la réglementation du secteur des télécommunications du
MINPOSTEL est chargée « de la mise en oeuvre et de
l'évaluation de la réglementation, en liaison avec l'Agence de
Régulation des Télécommunications, de la mise en oeuvre de
la réglementation internationale des télécommunications...
»167
Comme on le constate, ces textes consacrent une
compétence des administrations concernées en matière
d'élaboration et d'application des règles, tant nationales
qu'internationales, dans leur domaine respectif, mais ne portent aucune
disposition spécifique en matière de transposition des directives
CEMAC. Aucun autre texte camerounais ne définit par ailleurs une
procédure nationale de transposition des directives CEMAC. Le Cameroun
n'a donc pas fait le choix d'une réglementation spéciale pour la
mise en oeuvre des directives, comme c'est par exemple le cas en France.
En effet, en ce qui concerne une réglementation
spécifique à la procédure nationale de transposition des
directives communautaires, le cas de la France est assez exemplaire.
La méthode de transposition des directives
communautaires est déterminée en France par la Circulaire du
27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en
droit interne des directives et décisions-cadres négociées
dans le cadre des institutions européennes. Ce texte définit
une procédure de transposition qui repose sur trois piliers :
- En premier lieu, l'impact de l'acte en préparation sur
le droit interne doit être apprécié le plus en amont
possible. C'est l'étude d'impact juridique168.
164 La loi n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant
les télécommunications au Cameroun, définit
l'administration chargée des télécommunications comme le
Ministère ou le Ministre selon le cas, investi, pour le compte du
gouvernement, d'une compétence générale sur le secteur des
télécommunications (article 3 al 1).
165 Article 21 al 1de la loi n° 98/014 du 14 juillet
1998 régissant les télécommunications au Cameroun.
166 Article 22 al 2 de la loi n° 98/014 et
article 3 al 1 du décret présidentiel n° 98/197 du 8
septembre 1998 portant organisation et fonctionnement de l'Agence de
Régulation des Télécommunications.
167 Article 37 al 1 du Décret présidentiel
n° 2005/124 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère des
Postes et Télécommunications.
168 Voir l'annexe I de la circulaire du 27 novembre 2004, Op.
Cit.
56
- Dans un deuxième temps, un effort de programmation
doit prolonger le travail ainsi accompli en amont de l'adoption de l'acte par
les institutions européennes.
- Enfin, c'est la constitution d'un réseau
interministériel de correspondants de la transposition. Les
ministères concernés indiquent dans les meilleurs délais
au secrétariat général du comité
interministériel pour les questions de coopération
économique européenne (SGCI) les coordonnées de deux
correspondants en charge de la transposition169. Le contrôle
du respect de ces trois axes est notamment assuré par le SGCI, depuis
1986170.
La transposition des directives communautaires en France
s'appuie également sur le Décret n° 2005-1283 du Premier
ministre, 17 octobre 2005, relatif au comité interministériel sur
l'Europe et au secrétariat général des affaires
européennes, J O R F du 18 octobre 2005. Ce texte remplace
notamment le SGCI 2005 par SGAE171 qui assure en liaison avec le
secrétariat général du Gouvernement, le suivi
interministériel de la transposition des directives et des
décisions-cadres172. Le SGAE établit à cet
effet une base de données régulièrement actualisée,
sur l'ensemble des directives à transposer, pour suivre le respect par
les départements ministériels du calendrier de
transposition173. Il participe aussi aux réunions
régulièrement organisées par le secrétariat
général du gouvernement (SGG), en présence des directeurs
de cabinets des ministères, pour dresser un programme de travail, afin
de focaliser leur attention sur les échéances et les
difficultés en matière de transposition174.
La transposition des directives en France se fonde enfin sur
la Circulaire du 21 juin 2010 relative à la participation du
Parlement national au processus décisionnel européen, J O R F du
22 juin 2010, qui consacre le contrôle du Parlement français
sur le processus de transposition175.
169 Voir l'annexe II de la circulaire du 27 novembre 2004, Op.
Cit.
170 Ce mécanisme centralisé de
suivi de la transposition des directives communautaires est créé
dans le souci de mettre fin en un dépassement de plus en plus
fréquent des délais qui avait conduit à un
développement non négligeable, des procédures
précontentieuses et contentieuses de la Commission contre la France.
Voir SAURON Op. Cit. p.47.
171 Décret n° 2005-1283 du Premier ministre, 17
octobre 2005, relatif au comité interministériel sur l'Europe et
au secrétariat général des affaires européennes,
J O R F du 18 octobre 2005.
172 Voir article 2 al 2 du Décret du 17 octobre 2005, Op.
Cit.
173 SAURON Op. Cit. p.50.
174 Ibid.
175 Voir annexe III de la Circulaire du 21 juin 2010 relative
à la participation du Parlement national au processus décisionnel
européen, J O R F du 22 juin 2010.
57
B- La structuration organique de la mécanique
camerounaise
La pratique camerounaise telle que illustrée plus haut
et les textes susmentionnés, montrent clairement la simplicité de
la structuration organique de la mécanique camerounaise de
transposition.
En effet, très peu d'organes administratifs nationaux
s'impliquent dans le processus national de transposition. Les textes le
stipulent, seuls les ministères concernés se chargent
indépendamment et exclusivement de la mise en oeuvre de la
législation internationale relative à leur secteur
d'activités, et par conséquent des directives CEMAC.
En l'occurrence, les directives CEMAC en matière
fiscale ont été transposées par le Ministère de
l'Economie et des Finances (MINEFI)176, précisément
par la Direction Générale des Impôts/Division de la
législation et des relations fiscales internationales/Cellule des
relations fiscales internationales, tandis que les directives relatives aux
communications électroniques ont été mises en oeuvre par
le Ministère des Postes et Télécommunications/Direction de
la règlementation du secteurs des
télécommunication/Sous-direction de la réglementation des
télécommunications177 et l'Agence de Régulation
des Télécommunications/Direction des affaires juridiques et de la
coopération internationale/Service de la législation et de la
règlementation interne.
Ces différents départements ministériels
ne reçoivent la supervision, ni le contrôle d'aucune autre
autorité administrative nationale, ni même du Ministère de
l'Economie de la Planification et de l'Aménagement du Territoire
(MINEPAT) qui est en charge au Cameroun des questions d'intégration, ou
même du Ministère en charge des Relations Extérieures
(MINREX). Les administrations concernées par l'application d'une ou
plusieurs directives, sont alors les seuls acteurs de la procédure
déployée pour transposer. L'intervention du Parlement national et
même des services de la Présidence de la République,
relève alors ici, plus de la procédure ordinaire
d'élaboration et d'adoption des lois nationales, que d'une
procédure nationale spécifique de transposition des directives
CEMAC.
176 Le Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI),
devient le Ministère des Finances (MINFI), par le Décret
n°2007/268 du 7 septembre 2007 portant organisation du gouvernement.
177 Entretien du 27 décembre 2011 avec M. ETITANE,
Inspecteur Principal des télécommunications Hors Echelle, en
service à la sous-direction de la réglementation des
télécommunications du MINPOSTEL.
58
C'est une réalité assez différente du cas
de la France, qui s'appuie par exemple sur une organisation administrative
spéciale et très centralisée en matière
d'application des normes européennes178. Le
Secrétariat Général des Affaires Européennes (SGAE)
supervise, coordonne et contrôle, en liaison avec le Secrétariat
Général du Gouvernement (SGG), la mise en oeuvre de la
règlementation européenne par les départements
administratifs concernés. On note par ailleurs, l'implication du
Parlement français179 qui exerce un contrôle, car il
est fait obligation à l'administration de transmettre aux
assemblées les fiches d'impact simplifiées ; ainsi que la
participation du Conseil d'Etat (notamment ses sections administratives) qui
reçoit les textes les plus importants, lois et ordonnances (avant leur
inscription au Conseil des ministres) et environ la moitié des
décrets réglementaires avant leur publication180.
En Belgique par exemple181, Les départements
ministériels concernés procèdent aux transpositions. Au
niveau du ministère fédéral des affaires
étrangères, un département en charge de l'Europe coordonne
l'ensemble du processus de transposition. Ce département gère un
réseau d'«euro-coordinateurs» (aux niveaux
fédéral et régional). Pour chaque directive, un
«gestionnaire de processus» est responsable du processus aux niveaux
fédéral et régional. Par ailleurs, en Belgique, un
secrétaire d'État (membre du gouvernement fédéral)
chargé des affaires européennes a pour principale mission de
superviser le processus de transposition et, au besoin, d'insuffler
l'élan requis à tous les acteurs concernés.
La mécanique camerounaise de transposition
contrairement à celle française ou belge, présente alors
une structuration organique plutôt simple, seuls les départements
ministériels concernés interviennent, sans un contrôle,
sans une supervision d'une autre autorité nationale
supérieure.
Le Cameroun, on le constate, a donc opté pour une
mécanique simplifiée en matière de transposition des
directives, un choix qui semble se justifier au regard du faible degré
d'utilisation des directives par le législateur CEMAC.
178 SAURON Op. Cit. p. 47.
179 Voir l'annexe III de la Circulaire du 21 juin 2010
relative à la participation du Parlement national au processus
décisionnel européen, J O R F du 22 juin 2010. En
Allemagne aussi par exemple, le Parlement détient un pouvoir de
contrôle en matière de transposition, conformément à
l'article 23, paragraphes 2 et 3, de la Loi fondamentale et
détaillée par la «Loi relative à la
coopération entre le gouvernement fédéral et le Bundestag
allemand dans les matières concernant l'Union européenne» du
12 mars 1993 et un protocole additionnel du 28 septembre 2006 sur le même
sujet. Voir BATTA (D.), Op.Cit. p. 33.
180 Ibid. p. 54.
181 BATTA (D.), Op.Cit. p. 26.
59
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le Cameroun du fait de son adhésion au Traité
CEMAC, s'est engagé à satisfaire une pluralité d'exigences
nécessaires à la réalisation et à la satisfaction
des intérêts communs des Etats membres de la Communauté.
Parmi ces obligations inhérentes à la qualité d'Etat
membre, on retrouve notamment le devoir de mettre en oeuvre efficacement le
droit produit par la Communauté. Mais si l'exécution des textes
communautaires primaires, constituant le droit communautaire originaire ne
souffre d'aucune difficulté, il n'en va pas de même du droit
communautaire dérivé, qui du fait de son
hétérogénéité, draine à la fois des
règles à exécution automatique comme le règlement
et des règles à application problématique comme la
directive.
La directive communautaire est alors un « acte de
droit dérivé qui ne peut déployer pleinement ses effets
dans l'ordre juridique d'un Etat qu'au moyen de normes de droit
interne182 », c'est donc dire que du fait de sa nature
originale, la force juridique et de pénétration de l'ordre
juridique national de la directive communautaire est indissociable de
l'intervention des règles et des autorités de droit national.
Cette intervention c'est l'obligation de transposition dont les Etats membres
sont débiteurs envers la communauté. Elle est satisfaite à
travers un mécanisme précis dont l'effectivité ne fait
plus aucun doute au Cameroun, à en juger par la mise en oeuvre de la
directive CEMAC TVA de 1999 et des directives CEMAC relatives aux
communications électroniques de 2008.
L'on doit toutefois remarquer, que la mécanique
camerounaise de transposition ne repose pas sur une configuration
spéciale, mais sur une structuration juridique et organique trop simple
au regard de la spécificité de l'exercice de transposition, ce
qui peut entrainer à long terme des risques majeurs pour la
qualité de l'harmonisation des législations nationales en zone
CEMAC. L'intervention des Etats membres doit alors être
contrôlée, car l'expérience de ces dernières
années révèle que si les gouvernements adhèrent
à l'idée d'intégration régionale, ce sont les
mêmes entre autre, qui sèment les obstacles au moment d'appliquer
les textes communautaires183, rendant ainsi l'exercice assez
complexe.
182 B. Genevois, « Le Conseil constitutionnel et la
primauté du droit communautaire », RFDA, 2005, (2), p. 240,
cité par Catherine Bergeal, éditorial, in Courrier
juridique des finances et de l'industrie, La documentation
Française, juillet-août 2008, n°52.
183 TATY (G.), Op. Cit.
60
DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION
DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES, UN
EXERCICE COMPLEXE
61
De la qualité de la transposition en droit interne des
directives, dépend la sécurité des situations juridiques
désormais régies par la compétence de la
communauté. Le respect de leur obligation de transposition par les Etats
membres, c'est alors la garantie de l'effectivité en droit interne des
droits que tirent les justiciables des directives communautaires. Mais le
travail de transposition peut se révéler être en pratique
un exercice assez complexe (chapitre III). En effet, les Etats membres sont
soumis à une pluralité d'exigences, et il est important de
s'assurer que ces derniers respectent effectivement les obligations que leur
impose la transposition. Les contraintes ne sont toutefois pas insurmontables,
car des réformes récentes au sein de la CEMAC, et l'exemple de la
pratique au sein de l'UE par exemple, montre que des solutions existent et
permettront sans aucun doute, d'améliorer la procédure de
transposition (chapitre IV) au sein des Etats membres, et de ce fait
l'application du droit communautaire en zone CEMAC.
62
Chapitre III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE
Les contraintes majeures du mécanisme de transposition
en zone CEMAC sont à la fois d'ordre extra-juridictionnel (section I) et
d'ordre juridictionnel (section II).
Section I : LES CONTRAINTES D'ORDRE
EXTRA-JURIDICTIONNEL
Les contraintes extra-juridictionnelles qui entourent la
mécanique de transposition tiennent ici avant tout au fait de l'Etat
membre (paragraphe I) mais d'autres non négligeables, restent externes
à la mécanique nationale de transposition (paragraphe II).
Paragraphe I : LES CONTRAINTES INTERNES AUX ETATS
MEMBRES
Les difficultés rencontrées au niveau national
sont politiques et administratives (A) mais aussi techniques (B).
A- Les contraintes politiques et administratives
Sur le plan politique, la grande difficulté reste avant
tout la faible volonté184 des Etats membres. Ce fait
récurent et désormais incontesté du processus
d'intégration en Afrique Centrale, influence grandement la
capacité d'action des autorités nationales. La mobilisation ou la
célérité sur certaines transpositions est en liaison
directe avec l'intérêt que lui portent les autorités
politiques de l'Etat membre. Dès lors les Etats membres apparaissent
moins conséquents ou moins prompts dans la mise en oeuvre des principes
ou des engagements souscrits au plan de l'Union.
Il peut aussi arriver que les contraintes surviennent de la
situation politique de l'Etat membre. En effet, une opposition majoritaire au
Parlement national peut obliger l'exécutif à se tourner vers une
transposition par voie d'acte règlementaire plutôt que par voie
législative185.
Sur le plan administratif, les difficultés tiennent
à la participation ou non des administrations concernées à
la négociation et à l'exécution de la norme communautaire.
Il est frappant de constater que les difficultés surgissent au stade de
la transposition soit parce que
184 C'est aussi le cas au sein de l'UEMOA, voir DETCHENOU (Y.),
Op.Cit.
185 Ibid.
63
certaines administrations, directement ou indirectement
concernées, n'ont pas suffisamment participé à la
négociation de la directive, soit parce que les administrations qui ont
suivi la négociation n'ont pas elles-mêmes assez
étudié les implications en droit interne des textes
adoptés au plan communautaire186. A cela peuvent s'ajouter
les lenteurs administratives liées la plupart du temps aux principes
régissant le fonctionnement de l'administration.
On peut aussi relever au plan des difficultés
administratives, l'insuffisante formation des fonctionnaires sur les questions
de droit communautaire. Les fonctionnaires des Etats membres ne sont, le plus
souvent, pas suffisamment sensibilisés aux nécessités qui
découlent des obligations communautaires, faute d'une formation
suffisante en la matière ou d'une volonté politique constante.
B- Les contraintes techniques
Les difficultés d'ordre technique sont assez
variées, elles peuvent survenir de la procédure nationale de
transposition. En effet, si celle-ci repose sur la procédure nationale
classique d'élaboration et d'adoption des lois et règlements,
comme c'est le cas au Cameroun, on peut s'attendre à ce que les
faiblesses de la méthode nationale entachent la procédure
nationale de transposition.
Il peut aussi s'agir de la technique de rédaction
juridique187. Des difficultés peuvent découler du
recours à certaines techniques de rédaction juridique, dans la
mesure où il n'est pas toujours évident pour les autorités
nationales d'évaluer la marge de manoeuvre dont ils disposent au regard
de la précision des termes de la norme communautaire.
Les difficultés peuvent être le fait
également de l'insuffisante formation des fonctionnaires sur les
questions de droit communautaire.
La mauvaise planification aussi est une source de contraintes.
C'est l'une des premières causes des retards dans la transposition des
Directives. Elle procède de la mauvaise organisation des
administrations188, de la mauvaise gestion du temps, de la mauvaise
pratique
186 Ibid.
187 BATTA (D.), Op.Cit. p.21.
188 La transposition de la règlementation communautaire
est une de ces exigences de l'ordre juridique communautaire qui demande une
adaptation de l'Etat membre jusque dans ses pratiques administratives, et il
peut arriver que ce dernier y éprouve des difficultés.
64
de certains outils et instruments de travail ; mais surtout de
l'absence d'une méthode précise et rigoureuse en matière
de mise en oeuvre du droit communautaire.
La procédure de transposition peut aussi impliquer un
certain coup financier, humain et matériel, notamment en fonction du
nombre de directives à mettre en oeuvre, une réalité qui
peut n'avoir pas été prise justement en compte dans le budget de
l'Etat ou des départements administratifs compétents.
Il peut s'agir de difficultés de linguistique
juridique, de traduction des textes communautaires, dans la mesure où le
français domine les débats, dans une communauté
multilingue189.
Dans le cas spécifique des directives enfin, il n'est
pas exclu aussi que la primauté et l'effet direct qui
caractérisent le droit communautaire en général, soient un
leurre qui rend inutile, aux yeux de fonctionnaires nationaux peu
avisés, un exercice dont ils ne maitrisent pas les principes.
Paragraphe II : LES CONTRAINTES EXTERNES AUX ETATS
MEMBRES
Ces contraintes peuvent être le fait de « la
concurrence des droits communautaires dans l'espace CEMAC
»190 (A) mais elles tiennent surtout à l'absence
d'un réel concours de la Commission de la CEMAC (B).
A- La pluralité des droits communautaires dans
l'espace CEMAC
Le phénomène de « chevauchement
institutionnel » peut être présenté comme l'un des
traits marquants de l'intégration régionale en Afrique, et la
sous-région Afrique Centrale ne fait pas exception.
En effet, deux entités institutionnelles, aux objectifs
presque identiques, jalonnent le paysage de l'intégration
régionale en Afrique Centrale ; il s'agit de la Communauté
189 La difficulté de transposition peut être
assez relevée pour un Etat comme la Guinée Equatoriale de langue
espagnole, ou pour le Tchad où une grande partie de la population parle
la langue arabe. Le Traité CEMAC révisé reconnait
notamment 4 langues officielles, le français l'espagnole l'arabe et
l'anglais (article 64).
190 MOUANGUE KOBILA (J.), « les nouvelles dynamiques
de l'intégration en Afrique », Colloque organisé sur
L'Afrique indépendante dans le système international à
l'Institut de France à Paris les 15 et 16 octobre 2010 par l'Association
des internationalistes et le Secrétariat général
(français) à la Commémoration du Cinquantenaire des
indépendances africaines, p. 1.
65
Economique des Etats de l'Afrique Centrale
(CEEAC)191 et de la Communauté Economique et Monétaire
de l'Afrique Centrale (CEMAC).
Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du
Traité constitutif de la CEEAC, « le but de la
Communauté est de promouvoir et de renforcer une coopération
harmonieuse et un développement équilibré et
auto-entretenu dans tous les domaines de l'activité économique et
sociale, en particulier dans les domaines de l'industrie, des transports et
communications, de l'énergie, de l'agriculture, des ressources
naturelles...en vue de réaliser l'autonomie collective, d'élever
le niveau de vie des populations...de renforcer les étroites relations
pacifiques entre les Etats membres et de contribuer au progrès et au
développement du continent africain ».
L'article 2 du Traité révisé de la CEMAC
assigne quant à lui à cette Communauté la mission
« de promouvoir la paix et le développement harmonieux des
Etats membres dans le cadre de l'institution de deux unions : une Union
économique et une Union monétaire. Dans chacun de ces deux
domaines, les Etats membres entendent passer d'une situation de
coopération, qui existe déjà entre eux, à une
situation d'Union, susceptible de parachever le processus d'intégration
économique et monétaire ». En outre, la Convention
régissant l'UEAC révisée le 25 juin 2008 place au rang de
ses politiques communes192, les politiques économiques des
Etats membres, la fiscalité et le marché commun ; et au rang de
ses politiques sectorielles193, l'enseignement, la recherche, la
formation professionnelle, la santé, le transport, les
télécommunications, l'agriculture et la pêche, la liste
n'est pas exhaustive.
Il découle alors de ce dédoublement du processus
d'intégration, une duplication, une prolifération de deux sortes
de normes communautaires194 qui visent toutes à régir
les mêmes domaines ; une hypertrophie qui complexifie de manière
non négligeable l'application des règles communautaires par les
administrations nationales.
191 Le Traité instituant la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique Centrale (C.E.E.A.C.) a été
signé à Libreville le 20 octobre 1983. Il est entré en
vigueur le 18 décembre 1984.
192 Article 11et suivants.
193 Article 29 et suivants.
194 Les normes CEEAC et les normes CEMAC.
66
B- Le concours inexistant de la Commission de la CEMAC
Le concours de la Commission de la CEMAC comporte deux
aspects, celui de son soutien à la mise en oeuvre du droit de la
Communauté (1), et celui de son contrôle sur l'application des
normes communautaires par les Etats membres(2).
1- En matière de soutien à l'application
des normes communautaires195
Sur le point du soutien à la mise en oeuvre du droit
communautaire, on peut remarquer l'insuffisante diffusion des normes
communautaires, car même si les gouvernements des Etats membres sont les
destinataires légitimes de ces normes, il est nécessaire au stade
de leur application, d'associer les acteurs non-étatiques
(société civile, secteur privé, les Barreaux, etc.).
En outre, la Commission de la CEMAC n'a pas mis en place de
dispositif d'accompagnement des Etats membres pour l'application des normes
communautaires. Il semble pourtant utile, pour la transposition des directives
par exemple, que la Commission puisse soutenir même matériellement
ou financièrement les Etats membres. Une plus grande implication de la
Commission à ce stade permettrait d'anticiper d'éventuels
manquements, et faciliterait le contrôle de la transposition des
directives.
La Commission doit établir un véritable
dispositif de dialogue entre elle et les Etats membres, afin de palier au mieux
les faiblesses des administrations nationales en matière d'application
du droit communautaire.
Dans le cadre par exemple de la transposition des directives
UEMOA relatives aux marchés publics, adoptées le 09
décembre 2005 par le CM, la Commission de l'UEMOA s'est faite
accompagner d'un Observatoire Régional des Marchés Publics (ORMP)
dont les missions étaient la surveillance multilatérale et le
pilotage du Projet de Réforme des Marchés Publics dans l'espace
UEMOA. Plusieurs réunions ont été mises en oeuvre, et ont
permis à la Commission de suivre efficacement l'exécution des
directives par les Etats membres.
La Commission européenne dispose par exemple de la
directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifiée par la
directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les
Etats membres à notifier à la Commission les
réglementations
195 C'est également le cas au sein de l'UEMOA, voir
DETCHENOU (Y.), Op.Cit
67
nationales contenant des règles techniques à
l'état de projet, c'est un véritable instrument de dialogue entre
la Commission européenne et les Etats membres.
2- En matière de contrôle de l'application
des normes communautaires
Sur l'aspect du contrôle, aucune disposition du
Traité CEMAC du 16 mars 1994 ne prédisposait le
Secrétariat exécutif (S.E) à une mission de contrôle
sur la mise en oeuvre du droit CEMAC dans les Etats membres. Selon les
dispositions de l'article 17, il était chargé de l'animation de
l'UEAC. Difficile alors de voir dans cette formule du « législateur
communautaire » un quelconque pouvoir de contrôle sur la mise en
oeuvre conforme du droit CEMAC par les Etats membres. C'est sans doute pour
palier en partie cette insuffisance, que le Comité Inter-Etats
réuni à Malabo en juin 2005, avait recommandé
l'institution d'un régime juridique de sanctions au sein de la
Communauté196.
Le S.E est remplacé en 2007 par la Commission, mais il
faut attendre les réformes institutionnelles de 2008, avec comme point
majeur la révision du traité CEMAC et des conventions
subséquentes, pour entrevoir des changements positifs.
Le Traité CEMAC révisé du 25 juin 2008
institue un régime de sanction en son article 4 al 2197 et
définit des missions précises et claires pour la Commission de la
CEMAC, elle « assure la mission de gardienne des Traités de la
CEMAC »198, elle « veille au respect et à
l'application, par les Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions
du présent Traité et des Actes pris par les organes de la
Communauté »199, ainsi qu'« à la
mise en oeuvre du présent Traité, des conventions et des
décisions de la Communauté. Elle veille également à
la réalisation des objectifs en matière d'intégration
»200. Ces missions rapprochent plus que jamais la
commission de la CEMAC de la Commission européenne201,
notamment en matière de contrôle de l'application du droit
communautaire. C'est la raison pour laquelle en l'absence de faits empiriques
témoignant de l'exercice de son contrôle par la Commission de
196 Rapport du comité inter Etat du 25 juin 2005 à
Malabo en Guinée Equatoriale.
197 « En cas de manquement par un Etat aux
obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de
Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le
régime sera défini par des textes spécifiques.
»
198 Article 34 al 2 du traité CEMAC
révisé.
199 Article 35 al 6 Op. Cit.
200 Article 35 al 11 Op. Cit.
201 Les missions de la commission européenne sont
définies à l'article 211 du TCE.
68
la CEMAC202, nous nous inspirerons des faits de la
commission européenne pour présenter la substance de ce
contrôle.
Concrètement, la Commission européenne publie
chaque année un rapport sur l'application du droit communautaire
établissant la liste des manquements à leurs obligations
imputables aux Etats membres, tenus de lui notifier par voie
électronique les textes pris pour la transposition en droit interne des
directives. Ce rapport est présenté au Parlement
européen.
L'action de contrôle de la commission européenne
en matière de mise en oeuvre des directives communautaires par les Etats
membres est axée sur trois secteurs : la communication des mesures
nationales d'exécution (MNE), la mauvaise application des directives, et
la conformité des MNE203, avec près de 80% de son
effort de contrôle sur la communication des MNE204.
Le contrôle se manifeste à travers des
opérations périodiques de mise en demeure au caractère
systématique et exhaustif (tous les secteurs du marché commun
sont concernés), avec entre autre une périodicité
très serrée (elles se tiennent tous les deux mois)205.
La Commission peut alors après une mise en demeure206, et
après un avis motivé contre une possible infraction207
qu'elle aura elle même constatée ou qui lui aura été
signalée par un Etat membre, et en cas de persistance de l'infraction,
conduire une action en justice contre l'Etat fautif devant la
CJCE208. La Commission a en outre la possibilité de saisir
directement la CJCE lorsqu'elle
202 La Commission de la CEMAC est pour l'instant dans
l'impossibilité d'agir, dans la mesure où le Traité CEMAC
révisé et les conventions subséquentes ne sont pas encore
entrés en vigueur. Il faut notamment que tous les instruments de
ratification des Etats membres soient au préalable déposés
au près du Tchad (article 66 du Traité révisé). Le
Cameroun a déjà ratifié le Traité CEMAC
révisé et les conventions subséquentes, en vertu de la Loi
N° 2011/016 du 15 juillet 2011 autorisant le Président de la
République à ratifier le traité révisé de la
CEMAC et les conventions s'y rapportant, et par décret n° 2011-239
en date du 9 août 2011.
203 Voir le Livre blanc sur la gouvernance européenne,
« rapport sur l'application du droit communautaire par les Etats
membres et sur le contrôle de celle-ci par la commission, contenant des
recommandations en vue de les améliorer du point de vue de la
gouvernance démocratique européenne », Commission
européenne/Secrétariat général, Bruxelles, 25 juin
2001, p. 93.
204 Ibid. p.95.
205 Ibid.
206 A titre indicatif en 2001, 1050 lettres de mise en demeure
ont été envoyées, contre 569 motivés et la Cour a
été saisie « seulement » 162 fois. Il faut souligner
que ces chiffres sont en constante augmentation d'une année à
l'autre. Ils sont passés de 2 356 en 2002 à 2 709 en 2003. Voir
MUNOZ (R.), «Le contrôle de l'application du droit communautaire
nécessité d'améliorer les outils actuels et obligation
d'en proposer de nouveaux », Université de
Liège/Institut d'Etudes Juridiques Européennes, 2007, p.10.
207 Concernant les infractions, Le nombre de dossiers
d'infractions en cours en 2001(tous secteurs confondus) s'élevait
à 3360 et en 2002 à 3541. Evidemment l'ensemble de ces cas ne
donne pas lieu à la saisine de la Cour de Justice. Ibid.
208 Voir les articles 226 et 227 du TCE.
69
l'estime nécessaire, par dérogation aux articles
226 et 227209, qui instaurent la procédure normale de saisine
de la CJCE contre tout manquement d'un Etat. Ce contrôle de la Commission
est mené notamment dans le cadre de la procédure du recours en
manquement, c'est le contrôle « ex-post »210.
La commission européenne dispose aussi d'un
contrôle « ex-ante »211, instauré par la
directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifié par la
directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les Etats
membres à notifier à la Commission les réglementations
nationales contenant des règles techniques à l'état de
projet. Cet instrument vise donc à instaurer un dialogue entre la
Commission et les Etats membres mais également entre les Etats membres
entre eux afin d'éviter de futures violations du droit communautaire.
Au regard de ce qui précède, il semble alors
assez logique de penser que les actions à venir de la commission de la
CEMAC iront dans le même sens que celles de la commission
européenne, notamment en matière de contrôle de
l'exécution des directives.
Le contrôle de la commission de la CEMAC doit donc
être mis en oeuvre de manière effective et efficace, dans la
mesure où lui seul peut induire une implication déterminante de
la CJC, et par ricochet réduire les contraintes juridictionnelles de
l'application du droit communautaire en zone CEMAC.
Section II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT
COMMUNAUTAIRE
Le contrôle juridictionnel de la transposition des
directives communautaires est hautement tributaire de la judiciarisation du
droit CEMAC, qui est « le mode principal ou privilégié
d'appropriation du droit communautaire »212. En effet,
« Les règles étant formées, on peut dire qu'il ne
reste plus qu'à les traduire en forme juridictionnelle lorsque les
conflits s'élèvent »213. Mais cette
opération rencontre quelques difficultés en zone CEMAC, tant au
niveau du juge communautaire (paragraphe I) qu'au niveau du juge national
(paragraphe II),
209 Voir les articles 88 (2), 95 (9), et 298 al 2.
210 MUNOZ (R.), Op. Cit, p.10.
211 Ibid. p.7.
212 DJEDJRO MELEDJE (F.), « l'appropriation des normes
communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaire
», Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine, Dakar, Troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours
communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, mai 2010, p.4.
213 Ibid.
70
faisant ainsi obstacle à un développement efficace
de la mécanique de transposition en zone
CEMAC.
Paragraphe I : LES CONTRAINTES AU NIVEAU DE LA CJC
Si l'exemple de la CJCE au sein de l'UE démontre
à souhait le rôle déterminant de la juridiction
communautaire, dans l'évolution de l'exercice de transposition des
directives, la CJC quant à elle n'a pas encore eu l'occasion de
définir de manière déterminante, les principes directeurs
de la transposition en zone CEMAC. C'est un fait qui tient notamment à
diverses contraintes, les premières relatives aux textes communautaires
(A) et les secondes relatives à la contingence du contrôle du juge
communautaire (B).
A- Les textes communautaires
Aucune disposition du Traité de N'djamena du 16 mars
1994 ne fixait les conditions nécessaires à un contrôle
efficace de la CJC sur la transposition des directives CEMAC. Il en va de
même de son additif relatif au système institutionnel et juridique
de la CEMAC, de la Convention de Libreville du 5 juillet 1996 portant
création de la Cour de justice de la CEMAC, et de l'Acte additionnel
n°4/00-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant règles de
procédure devant la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la
CEMAC.
En effet, selon les termes de la Convention de Libreville du 5
juillet 1996 et de l'Acte additionnel n°4/00-CCE-CJ-02 du 14
décembre 2000, la CJC (Chambre judiciaire) pouvait
connaitre214 du recours préjudiciel en
interprétation215, du recours en « non-conformité
», du recours en responsabilité extracontractuelle. Monsieur Pierre
Kamtoh classait quant à lui, au rang des attributions contentieuses de
la CJC (Chambre judiciaire)216, le contentieux de la
légalité et de l'interprétation, le contentieux de la
fonction publique de la CEMAC, le règlement des litiges relatifs
à la réparation des dommages, le contentieux de la COBAC, et le
contentieux issu du contrôle des pratiques commerciales
anticoncurrentielles. On peut notamment constater l'absence du recours en
manquement.
214 Voir EBONGUE MAKOLLE (F.), droit supranational et ordre
juridique interne, regards sur l'expérience camerounaise en
matière d'intégration juridique (CEMAC, OHADA, COBAC, CIMA),
Mémoire en vue de l'obtention du D.E.S.S en relations internationales
(option diplomatie), IRIC, 2002, pp. 97-98.
215 Article 17 de la Convention de Libreville du 5 juillet
1996 portant création de la Cour de justice de la CEMAC.
216 KAMTOH (P.), « Cour de Justice de la CEMAC :
compétence et procédure de la chambre judiciaire »,
séminaire de sensibilisation, Libreville, octobre 2009, pp.
8-14.
71
La CJC (Chambre judiciaire) ne disposait donc sur la
période considérée217, que du recours
préjudiciel en interprétation pour espérer se prononcer
sur l'application du droit communautaire par les Etats membres. Mais la CJC n'a
jamais été saisie d'un renvoi préjudiciel218,
par conséquent son contrôle sur la transposition des directives
CEMAC est resté inexistant.
La CJC dans sa configuration actuelle est l'oeuvre du
Traité CEMAC révisé de 2008, qui à son article 10
à la place de l'ancienne Cour de justice de la CEMAC bicamérale
(avec une chambre judiciaire et une chambre des comptes), énumère
deux nouvelles institutions, la Cour de justice et la Cour des comptes. La CJC
hérite alors pour l'essentiel, des attributions de l'ancienne Chambre
judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC219. Mais le
Traité CEMAC révisé institue tout de même une
réelle innovation, avec la consécration en son article 4 al 2
d'un mécanisme de sanction, notamment « le recours en manquement
».
La CJC conformément à sa fonction
régulatrice, assure alors le respect du droit dans
l'interprétation et dans l'application du présent Traité
et des conventions subséquentes220, par les Etats membres,
les institutions et les organes de la CEMAC. Concrètement, il lui
incombe par exemple de se prononcer lorsqu'elle est saisie, sur la
conformité des activités des Etats membres aux directives
communautaires, soit par renvoi préjudiciel221, soit par la
voie du recours en manquement222.
Il subsiste tout de même un écueil à cette
évolution, et celui-ci est relatif au Traité CEMAC
révisé et aux Conventions subséquentes qui ne sont pas
encore entrés en vigueur. Les anciens textes restent donc encore en
vigueur, ce qui n'est pas pour amoindrir par ailleurs, la contingence du
contrôle de la CJC.
217 Entre 1999 et 2009.
218 Voir G. TATY, « le
règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours
préjudiciel dans l'espace CEMAC », séminaire de
sensibilisation et de vulgarisation du droit communautaire de la CEMAC, Douala,
10 et 11 mars 2008.
219 KOAGNE ZOUAPET (A.), la recevabilité des
requêtes devant la Cour de justice de la CEMAC, Mémoire de
Master en Relations internationales, option contentieux international,
Yaoundé, IRIC, 2010, p.89.
220 Article 48 du Traité CEMAC révisé. Voir
l'article 220 TCE pour la CJCE.
221 La CJCE a développé la solution de l'effet
direct des directives communautaires, dans son arrêt Van Duyn du 4
décembre 1974, saisie d'une demande de décision
préjudicielle formée par la Chancery Division de la Hight Court
of Justice de l'Angleterre.
222 Saisie par un recours en manquement de la commission, la
CJCE a consacré la responsabilité de l'Etat membre
défaillant, dans son arrêt FRANCOVICH du 28 mai 1991, pour les
directives non transposées et qui n'ont pas de dispositions à
effet direct. Voir SAURON (J-L), Op. Cit. p.45.
72
B- La contingence du contrôle de la CJC
Deux voies précises permettent au juge communautaire de
contrôler effectivement la transposition des directives communautaires,
le renvoi préjudiciel et le recours en manquement. Mais comme on l'a
mentionné plus haut, le juge CEMAC ne disposait que du recours
préjudiciel pour contrôler l'application des directives CEMAC, et
c'est encore le cas aujourd'hui.
Pour ce qui est du renvoi préjudiciel la Convention de
Libreville de 1996 régissant la CJC, dispose en son article 17 :
« La Chambre Judiciaire223 statue à titre
préjudiciel sur l'interprétation du Traité de la
C.E.M.A.C. et des Textes subséquents, sur la légalité et
l'interprétation des Statuts et des Actes des Organes de la C.E.M.A.C.,
quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction
juridictionnelle est appelé à en connaître à
l'occasion d'un litige.
En outre, chaque fois qu'une juridiction nationale ou un
organisme à fonction juridictionnelle saisi de questions de droit
ci-dessus doit statuer en dernier ressort, il est tenu de saisir
préalablement la Chambre Judiciaire. Cette saisine devient facultative
lorsque la juridiction nationale ou l'organisme à fonction
juridictionnelle doit statuer à charge d'appel ».
Mais la CJC n'a reçu aucune question
préjudicielle sur la période
considérée224. On constate une certaine apathie des
juges nationaux, dans l'utilisation des normes produites au niveau
communautaire pour le solutionnement des problèmes
posés225, une inappropriation des mécanismes
juridictionnels communautaires226, qui se traduit par une
marginalisation du droit visé dans le règlement des questions
litigieuses. Le défaut de diffusion du droit communautaire auprès
des juridictions nationales y est sans doute pour quelque chose227,
on note par ailleurs l'absence de renvoi préjudiciel à
l'initiative des justiciables lorsqu'on procède à la lecture de
l'article 26 de la Convention susmentionnée228. Il ne peut
qu'en
223 La Chambre Judiciaire a été
érigée en l'actuelle CJC par le traité CEMAC
révisé de 2008.
224 C'est par exemple saisie d'une demande de décision
préjudicielle formée par la Chancery Division de la Hight Court
of Justice de l'Angleterre, que la CJCE va développer la solution de
l'effet direct des directives communautaires, dans son arrêt Van Duyn du
4 décembre 1974,
225 Ibid. p.74.
226 CHAMEGUEU (G-M.), Le contrôle
juridictionnel des activités de la CEMAC , mémoire
en droit international public, Université de Douala, Faculté des
sciences juridiques et politiques, disponible sur
http://www.memoireonline.com/08/09/2487/Le
-controle-juridictionnel-des-activites-de-la-CEMAC.htm.
227 Voir G. TATY, Op. Cit.
228 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.61.
73
découler un concours inexistant de la CJC dans la mise en
oeuvre du droit communautaire en
zone CEMAC.
L'implication de la CJC dans la mise en oeuvre du droit
communautaire est donc en grande partie dépendante des sollicitations du
juge national, de la Commission ou des Etats membres229, mais la
carence que connait cette dernière s'explique sans doute en grande
partie, par l'apathie des juridictions nationales.
Paragraphe II : LES CONTRAINTES RELATIVES AUX
JURIDICTIONS NATIONALES
Ces difficultés proviennent de l'inertie du juge
national vis-à-vis du droit communautaire (A) mais également de
la contingence de l'action du juge national (B).
A- L'apathie du juge national à l'égard du
droit communautaire
La CJC ne peut exercer son activité sur la
totalité des situations dans lesquelles se pose la question de
l'application du droit communautaire. Le déficit de moyens
infrastructurels, structurels et logistiques adéquats accroît
cette infirmité institutionnelle et fonctionnelle, par
conséquent, recentre le juge national, en l'occurrence, le juge
camerounais dans le dispositif mis en place en vue de l'application du droit
communautaire230. C'est donc le juge national, en l'occurrence le
juge camerounais qui en raison des liens institutionnels et psychologiques
qu'il a avec les autorités du pays, apparait comme ayant la position la
plus déterminante pour oeuvrer à l'appropriation du droit
communautaire231, et de façon particulière,
vérifier la conformité des actes administratifs et des actes de
droit privé aux normes juridiques communautaires ; c'est-à-dire
par exemple, contrôler la transposition des directives communautaires.
En effet, la reconnaissance du droit communautaire est
« d' autant plus important que les personnes privées sont
dépourvues de possibilités de recours contre les Etats devant le
juge communautaire et ne peuvent donc agir que devant les juges nationaux
devenus juges communautaire de droit commun »232.
229 Dans le cadre du recours en manquement.
230 J. KENFACK, « le juge camerounais à
l'épreuve du droit communautaire et de l'intégration
économique », Juridis périodique, n°63,
Juillet-août-septembre 2005, p.67.
231 DJEDJRO MELEDJE (F.), Op. Cit. p.9.
232 J. Rideau, « Le rôle de l'Union
Européenne en matière de protection des droits de l'homme ».
RCADI, t.265
74
Mais on note une véritable résistance, qui
s'explique en partie par « le manque d'appropriation du droit
communautaire par les juges nationaux. En effet, la diffusion du droit
communautaire auprès des juridictions nationales qui sont pourtant en
première ligne dans son application fait défaut.
Cela se traduit par l'absence de Bulletin officiel de la
Communauté, ou de revues faisant une place plus ou moins importante au
droit communautaire. Plus grave l'accès informatique aux textes de la
Communauté et à la jurisprudence de la Cour est
insuffisant.
En réalité, les juges nationaux sont
rarement confrontés à des questions d'interprétation ou
d'appréciation du droit communautaire matériel comme le sont
leurs homologues européens »233.
En outre, L'absence de questions préjudicielles
démontre à souhait le manque de dialogue entre le juge
communautaire et les juges nationaux.
B- La contingence du contrôle du juge national
« Devant le juge interne, le droit international n'est
pas en principe un élément d'ordre public, il n'est
appliqué que s'il est invoqué »234.
L'activité du juge national consubstantielle à l'expression
et à l'épanouissement du droit communautaire, ne peut donc se
produire que si les justiciables invoquent les normes communautaires lors de
leur défense devant les juridictions nationales.
Mais les juges nationaux sont rarement confrontés
à des questions d'interprétation ou d'appréciation du
droit communautaire matériel, notamment du fait de l'absence de
combativité judiciaire des particuliers235, prompts à
soustraire les litiges visés à la sphère du juge, avec des
voies plus proches de la diplomatie économique236. Des
solutions qui si elles servent de manière succincte
l'intérêt du justiciable, ne concourent en aucun cas à
l'effectivité juste des normes communautaires en droit interne, mais
plutôt à la persistance des irrégularités.
(1997), p.143. Cité par MANSOUR (L.), «
l'accès des particuliers au juge communautaire : analyses et incidences
des évolutions jurisprudentielles », Master 1 Droit et Science
politique/Option régulations internationales et Européennes,
Université Nice Sophia-Antipolis, année 2006-2007.
233 Voir G. TATY, Op. Cit.
234 OLINGA (A-D), « Réflexions sur le droit
international, la hiérarchie des normes et l'office du juge camerounais
» Juridis périodique, n°63,
Juillet-août-septembre 2005, p.11.
235 CHAMEGUEU, Op. Cit.
236 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.
75
Plusieurs raisons semblent justifier le comportement peu
enthousiaste des particuliers à l'égard du juge :
- Dans un premier temps, l'absence de Bulletin officiel de la
Communauté, ou de revues relatives au droit communautaire entretient la
désinformation des justiciables sur le droit de la CEMAC.
- En outre, pour le docteur Jean Kenfack, les lenteurs des
procédures judiciaires, le comportement peu orthodoxe des
administrations concourent également à cet état de
fait237.
- Sans doute les justiciables ignorent les avantages qu'ils
peuvent tirer de l'effet direct du droit communautaire, dont la dynamique
repose avant tout sur le rôle du justiciable238, à tel
point que le Président Lecourt écrivait :
« Lorsque le particulier s'adresse à son juge
pour faire reconnaître le droit qu'il tient des traités, il n'agit
pas seulement dans son intérêt propre, il devient par là
même une sorte d'agent auxiliaire de la Communauté
»239.
Il est donc primordial que le justiciable CEMAC, et
camerounais en l'occurrence, bouscule l'immobilisme du juge national, afin de
conférer la force et la prévisibilité à la
règle communautaire240. C'est dans ce sens que la CJCE
précise par ailleurs que, « la vigilance des particuliers
intéressés à la sauvegarde de leurs droits entraine un
contrôle efficace qui s'ajoute à celui...de la commission et des
Etats membres »241.
Les justiciables, les Etats membres, la Commission, et tout
aussi bien les juges communautaire et nationaux, concourent donc à la
mise en oeuvre du droit communautaire, ou à la transposition des
directives en particulier. Alors même si des lacunes persistent, et
freinent alors l'écoulement progressif dans les ordres juridiques
nationaux de la réglementation induite par les directives CEMAC, les
réformes récentes au sein de la Communauté
démontrent le caractère corrigible de l'exercice de
transposition, avec l'instauration du recours en manquement, qui peut avoir des
répercussions importantes et positives.
237 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.
238 G. TATY, Op. Cit.
239 L'Europe des juges, Bruxelles, Bruyant, 1976, p.260,
cité par B. Genevois dans ses conclusions sur l'arrêt Cohn-Bendit,
p.161, cité par G. TATY, Op. Cit.
240 J. KENFACK, Op. Cit. p.75.
241 CJCE, 5 février 1963, aff. 6/62.
76
Chapitre IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE
D'AMELIORATION AU REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE
La transposition des directives communautaires est un exercice
complexe certes, mais dont les difficultés ne sont pas insurmontables.
Améliorer l'application des directives et du droit communautaire en
général, contribue alors à l'instauration d'une meilleure
gouvernance communautaire, dans son fonctionnement, pour atteindre de
manière plus efficace les objectifs communs fixés. C'est dans cet
ordre d'idées qu'interviennent les réformes institutionnelles de
la CEMAC au courant de l'année 2008, par lesquelles le Traité
CEMAC révisé apporte une innovation primordiale pour
l'application du droit communautaire (section I), une nouveauté qui
laisse présager une mutation positive dans la mise en oeuvre du droit de
la CEMAC et par ricochet des directives communautaires, tant par les acteurs
extra-juridictionnels que juridictionnels (section II).
Section I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE
RECOURS EN MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4
L'article 4 al 2 du Traité CEMAC révisé
dispose que : « En cas de manquement par un Etat aux obligations qui
lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut
être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera
défini par des textes spécifiques ». Le
mécanisme du recours en manquement du Traité CEMAC
révisé, a été globalement influencé par
l'article 226 du traité de la Communauté européenne, il
vise à réprimer, à l'instigation de la Commission ou d'un
autre Etat membre, la violation des règles communautaires par les Etats
eux-mêmes, dans leurs activités matérielles comme dans
leurs activités normatives242. Il sera donc question du
mécanisme (paragraphe I) avant de voir quel en est la procédure
spécifique (paragraphe II).
242 Voir TATY (G.), « le recours en manquement d'Etat
de l'article 4 du Traité révisé de la CEMAC : analyse
critique», troisième rencontre inter-juridictionnelle des
cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, Dakar, mai
2010.
77
Paragraphe I : PRESENTATION DU RECOURS EN MANQUEMENT
D'ETAT DE L'ARTICLE 4
La nouveauté de ce mécanisme au sein de la CEMAC
demande que soit précisé ce que revêt la notion de
manquement d'Etat (A) ainsi que les enjeux (B) qui justifient l'adoption d'un
tel dispositif au sein de la CEMAC.
A- La notion de manquement d'Etat
Le manquement visé à l'article 4 du
Traité peut consister soit dans un acte positif (l'introduction d'une
loi ou d'une réglementation nationale incompatible avec les obligations
communautaires), soit dans une omission (l'omission d'abroger une loi ou une
règlementation incompatible avec le traité ou le droit
communautaire dérivé). Le manquement de l'Etat peut donc
être le fait d'une absence de transposition, d'une mauvaise transposition
ou alors d'une incompatibilité des textes nationaux de transposition aux
objectifs des directives communautaires. La CJCE a jugé par exemple que
« l'absence de toute mesure de transposition d'une directive pour
atteindre le résultat prescrit par celle-ci dans le délai imparti
à cet effet constitue en elle-même une violation
caractérisée du droit communautaire »243.
Le comportement répréhensible doit être
imputable à l'Etat. Le droit communautaire tend à
considérer l'Etat comme un tout quel que soit l'organe dont l'action ou
l'inaction est à l'origine du manquement244, qu'il s'agisse
des Etats fédérés dans un Etat fédéral ou
encore des autorités décentralisées dans un Etat unitaire
; ce peut donc être le gouvernement, mais aussi le parlement, ou tout
aussi bien les institutions judiciaires245, qui agiraient en
méconnaissant les dispositions claires, précises et
inconditionnelles d'une directive déjà en vigueur.
Le recours en manquement revêt aux yeux des professeurs
Jean Denis Mouton et Christophe Soulard, des traits le distinguant des
règles jusqu'à présent admises en droit international
classique, par le rôle déterminant qu'il réserve à
la Commission, organe
243 CJCE 8 octobre 1996, Dillenkofer, affaires jointes 178/94,
179/94, 188/94, 109/94, Rec. I p. 4845.
244 Ibid.
245 Dans ce cas, il peut s'agir d'un arrêt passé
en force de chose jugée et qui méconnait le droit communautaire
ou d'une juridiction tenue au renvoi et qui a omis de renvoyer. Voir TATY (G.),
Op. Cit.
78
indépendant des Etats246. Bien qu'elle n'ait
pas d'équivalent en droit international, l'action en manquement est
souvent considérée comme d'inspiration « internationaliste
» parce qu'elle ne peut être mise en oeuvre que par une institution,
la Commission, ou par un Etat membre247.
B- Les enjeux du recours en manquement d'Etat
L'adoption du mécanisme de recours en manquement au
sein de la CEMAC se justifie à plus d'un titre. Le droit communautaire
de la CEMAC en effet, s'il énonçait des principes, créait
des obligations, et formulait des interdictions, il ne donnait aucune
précision sur la sanction de la violation du droit communautaire par les
Etats membres.
Si un corps d'institutions et d'organes et un corps de
règles étaient alors jusque là présents en zone
CEMAC comme l'exige la construction d'un marché commun, on y cherchait
encore une quelconque trace de sanction juridique248 de la violation
du droit communautaire par les Etats membres. L'adoption du mécanisme
vient donc répondre à une nécessité criarde en zone
CEMAC, celle d'instaurer une réelle garantie du respect du droit
communautaire par les Etats membres, mais elle répond aussi à
l'appel lancé en 2005 par le comité inter Etats réuni
à Malabo, qui réclamait l'adoption d'un véritable
régime de sanction.
Plusieurs manquements d'Etat ont été
constatés entre 1999 et 2009, et parmi eux bien entendu des manquements
à l'obligation de transposition, mais aucun Etat de la sous
région n'a jamais été sanctionné. On peut citer par
exemple, sur le plan de la fiscalité intérieure, l'augmentation
unilatérale du taux de TVA (25%) part rapport à la fourchette de
taux fixée par la directive communautaire (12 à 18%), la
limitation unilatérale de la liste communautaire des produits
exonérés de TVA, le non remboursement ou la non
déductibilité des crédits de TVA249, le
dépassement des délais par l'Etat camerounais dans la
transposition des directives
246 Mouton (J.L.) et Soulard (C.), La Cour de justice des
communautés européennes, Paris,
PUF, Que sais-je ?, 1998, p242, cité par KOAGNE ZOUAPET
(A.), la recevabilité des requêtes devant la Cour de justice de
la CEMAC, Mémoire de Master en Relations internationales, option
contentieux international, Yaoundé, IRIC, 2010, p. 35.
247 Manin (P.), Les communautés européennes
L'Union européenne, Paris, Pedone, Etudes internationales, N°
6, 5ème édition, 1999, p.362, cité par KOAGNE ZOUAPET
(A.), Op. Cit.
248 En effet L'article 32 de l'Additif au traité de
1994 énonce que « si un Etat ne s'est pas acquitté de sa
cotisation un an après l'expiration du délai fixé par le
règlement financier, sauf cas de force majeure, le gouvernement de cet
Etat est privé du droit de prendre part au vote des assises des
institutions et organes de la Communauté ». Il s'agit ici
d'une sanction politique. L'opposition entre la sanction politique et la
sanction juridictionnelle se fonde davantage sur la procédure
d'édiction de la sanction, et tout spécialement sur la
qualité de l'institution qui la prononce, que sur la nature de la
sanction elle même.
249 TATY (G.), Op. Cit.
79
relatives aux communications électroniques. Autant de
violations qui fragilisent la sécurité juridique des particuliers
et la construction du marché commun.
« Le législateur CEMAC » accomplit ainsi une
véritable révolution, en introduisant dans l'ordre juridique
communautaire un mécanisme habilitant la Cour à constater les
manquements d'un Etat membre, et éventuellement lui infliger des
sanctions financières.
Désormais, tout Etat membre de la CEMAC peut voir ses
actes soumis par la voie de la procédure en manquement d'Etat, au
contrôle du juge communautaire dont la mission est de délimiter
les obligations incombant aux Etats membres, mais aussi de fixer les
interprétations authentiques des règles
communautaires250.
Paragraphe II : LA PROCEDURE DU RECOURS EN
MANQUEMENT
La procédure du recours en manquement en zone CEMAC n'a
pas encore été mise en oeuvre depuis son adoption251,
par conséquent les faits que nous évoquerons dans les lignes qui
suivent ressortent en grande partie de la pratique européenne. La
procédure du recours en manquement se déploie à travers
une action de constatation de manquement (A) qui permet à la Cour de
justice communautaire de se prononcer par un arrêt en manquement (B).
A- L'action de constatation de manquement
Elle comporte deux phases, la phase précontentieuse (1)
et la phase contentieuse (2). 1- La phase
précontentieuse
L'action en manquement peut être
déclenchée soit par la commission en cas de découverte
d'une infraction ou en cas d'alerte par une plainte émanant d'autres
Etats ou de particuliers252, soit par un Etat membre saisissant la
commission pour mettre en cause un autre Etat253. Il sera donc
possible pour la commission de la CEMAC de se déployer, soit de sa
propre initiative, soit du fait de la plainte d'un Etat ou de particuliers,
pour déclencher la procédure.
250 Ibid.
251 La raison tient ici au fait que le Traité CEMAC
révisé et les Conventions subséquentes ne sont pas encore
entrés en vigueur.
252 Voir l'article 226 TCE.
253 Voir l'article 227 TCE.
80
Lorsque l'action est déclenchée par la
commission elle-même, ou sur plainte d'autres Etats ou de particuliers,
elle peut décider discrétionnairement de déclencher la
procédure en mettant l'Etat en demeure de présenter ses
observations. A ce stade, la procédure peut être interrompue, soit
parce que la Commission considère, au vu des explications de l'Etat, que
son incrimination n'était pas fondée, soit parce que l'Etat a
pris les mesures nécessaires. Dans le cas contraire, elle émet un
avis motivé. L'Etat a alors le choix entre se plier à ses
obligations ou persister dans son manquement et risquer la saisine de la Cour
de justice.
Lorsqu'il s'agit de la mise en cause d'un Etat par un autre
Etat, la Commission doit mener une instruction contradictoire (plaignant et
défendeur présentent chacun leurs observations) à l'issue
de laquelle elle émet un avis motivé faisant état de ses
conclusions. La décision de déclencher la phase contentieuse
appartient dès lors à l'Etat plaignant.
2- La phase contentieuse
Si à l'issue de la phase précontentieuse, le
manquement persiste, la Cour de justice peut être saisie soit par la
Commission soit par l'Etat plaignant. Le recours devant la Cour n'a pas d'effet
suspensif. Toutefois, la Commission peut demander au juge, par voie de
référé, de suspendre l'application des mesures
contestées dans l'attente de l'arrêt au fond.
[a procédure contentieuse est contradictoire. [a
Commission peut se désister à tout moment. Elle le fait notamment
si l'Etat défendeur a mis fin au manquement après la saisine de
la Cour de justice. Elle peut néanmoins décider de poursuivre
l'affaire si elle juge qu'il existe un intérêt à le faire
tel que l'importance des problèmes de droit soulevés
(utilité de consacrer une interprétation de la règle en
cause) ou l'intérêt matériel de l'arrêt (preuve de
l'existence d'une violation du droit communautaire dans le cadre d'un recours
en responsabilité contre l'Etat fautif).
C'est à la Commission ou à l'Etat
requérant qu'il appartient d'apporter la preuve du manquement. Il
n'existe pas, en dehors de la force majeure, de faits justificatifs du
manquement. L'Etat incriminé ne peut pas invoquer pour se
défendre, les difficultés rencontrées pour se conformer
aux obligations du droit communautaire ; ni l'illégalité de
l'acte méconnu, un acte communautaire étant définitif s'il
n'a pas fait l'objet d'un recours en annulation dans le délai
fixé ; ni le manquement d'un autre Etat membre (le principe de
réciprocité n'existe pas) ou la carence d'une institution
communautaire.
81
Par contre, l'imprécision ou le caractère
équivoque des normes communautaires (c'est le cas souvent pour les
directives) violées, peut être de nature à excuser le
manquement si c'est un aspect essentiel de l'obligation en cause qui est
concerné ; si l'Etat a utilisé tous les recours ou moyens mis
à sa disposition pour mettre fin à l'incertitude dans laquelle il
prétend avoir été.
B- L'arrêt de manquement
L'arrêt de manquement a seulement un caractère
déclaratoire254 : il ne fait que constater l'existence ou
l'absence de manquement.
Il est revêtu de l'autorité de la chose jugée
et de l'autorité de la chose interprétée :
- L'Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires
à l'exécution de l'arrêt afin d'éliminer le
manquement et ses conséquences passées et futures. Les
autorités et juridictions nationales ne doivent plus de plein droit
appliquer la prescription nationale reconnue incompatible avec le droit
communautaire.
- Les interprétations du droit communautaire retenues
dans les arrêts en manquement s'imposent à toutes les
autorités et juridictions nationales : en cas de doute sur le contenu
d'une règle, un recours préjudiciel devant la Cour de justice
communautaire n'est plus recevable si la question a déjà
été tranchée dans un arrêt en constatation de
manquement.
La non-exécution d'un arrêt en manquement
constitue un nouveau manquement qui peut donner lieu à une nouvelle
action et à un nouvel arrêt confirmant le premier. Toutefois,
depuis le Traité sur l'UE, une nouvelle procédure permet à
la Commission qui estime qu'un Etat n'a pas pris les mesures impliquées
par l'arrêt en manquement, de saisir la Cour de justice d'une demande de
condamnation de l'Etat récalcitrant au paiement d'une somme forfaitaire
ou d'une astreinte, c'est la procédure dite de « manquement sur
manquement »255.
On le constate donc, le législateur CEMAC a
instauré à travers le recours en manquement d'Etat un instrument
réellement dissuasif pour tout contrevenant potentiel aux obligations
communautaires qui incombent aux Etats membres ; une évolution majeure
qui a forcement des implications considérables.
254 TATY (G.), Op. Cit.
255 Ibid. Voir également l'article 228 TCE.
82
Section II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME DE
CONTROLE
Le recours en manquement d'Etat est un instrument
spécifique du droit communautaire qui n'a pas d'équivalent dans
les organisations internationales classiques256. Si son adoption en
zone CEMAC signifie l'exclusion consacrée du libre choix par les Etats
membres du mécanisme de règlement des
différends257, c'est parce qu'il augure aussi d'un impact
positif certain sur la mise en oeuvre du droit communautaire, tant par les
autorités extra juridictionnelles (paragraphe I) que par les
autorités juridictionnelles (paragraphe II).
Paragraphe I : LES IMPLICATIONS POUR LES ETATS MEMBRES
ET LA
COMMISION DE LA CEMAC
Le recours en manquement en zone CEMAC, fait désormais
peser sur les Etats membres telle une épée de Damoclès, la
possibilité d'une sanction réelle contre toute violation à
leurs obligations communautaires. Il semble donc judicieux pour eux, en
principe, d'améliorer la qualité de leur participation dans la
mise en oeuvre du droit communautaire et spécifiquement des
directives258 (A), auquel cas ils s'exposent aux actions de la
commission de la CEMAC, qui voit désormais ses pouvoirs et son
indépendance renforcés (B), notamment dans le contrôle des
activités des Etats membres qui touchent de près ou de loin les
intérêts communautaires.
A- L'amélioration du mécanisme de
transposition par les Etats membres
Il est important avant tout de préciser le contexte de
la mise en oeuvre des directives en zone CEMAC. En effet, il nous a
été donné de constater que, si depuis le début de
la Communauté Economique Européenne en 1957 jusqu'aux
années 2000, 1700 directives ont été publiées (avec
à peu près un millier de directives modificatives), soit une
moyenne de 39 directives publiées par an, la CEMAC sur la période
considérée259par notre recherche, a adoptée 24
directives, soit une moyenne de 2 directives par an. La mobilisation des
256 Ibid.
257 C'est un principe essentiel du droit international. Voir TATY
(G.), Op. Cit.
258 La directive CEMAC est l'acte par excellence de
l'intervention des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire,
pour éviter alors de futures procédures précontentieuses
et même contentieuses à leur encontre, il est important qu'ils
améliorent leur dispositif en matière de transposition des
directives communautaires.
259 Entre 1999 et 2009, soit 11ans.
83
ressources nécessaires à la mise en oeuvre des
directives en zone CEMAC, ne peut donc être de même envergure qu'au
sein de l'UE.
Il n'empêche tout même, qu'il est opportun pour
les Etats membres, au regard des réformes entamées en 2008, de
définir une méthode sereine et permanente pour la mise en oeuvre
du droit communautaire260. Les améliorations qui seront
apportées au mécanisme de transposition en zone CEMAC devront par
conséquent être adaptées au contexte
susmentionné.
Les Etats membres de la CEMAC et le Cameroun en particulier,
doivent définir une méthode précise de travail. L'exemple
de la circulaire française du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes, peut être transposé au Cameroun, notamment
dans son esprit général, moyennant quelques modifications
substantielles adéquates.
S'inspirant du modèle français, le Cameroun peut
définir une procédure de transposition qui émane d'une
haute autorité administrative comme le Premier ministre, pour lui
conférer un caractère contraignant à l'endroit de toutes
les administrations subordonnées, et déterminer une structure
administrative chargée de la coordination et du suivi de la
transposition des directives, de la centralisation de toutes les informations
relatives à l'application du droit de la CEMAC au Cameroun, dont
l'autorité ne souffre d'aucun doute sur toutes les autres
administrations nationales261, et en relation quasi quotidienne avec
la commission de la CEMAC et même le Parlement national. La
méthode dans son contenu, sera notamment portée par des piliers
majeurs.
Le premier pilier vise une « étude d'impact
».Tout projet d'acte des institutions communautaires devra donner lieu
à une analyse préalable de ses impacts juridiques,
budgétaires, techniques ou administratifs, ainsi que de ses
conséquences sur le secteur d'activité concerné. C'est un
travail qui se fera en amont, avant la phase des négociations sur le
projet de texte communautaire, par le ministère concerné (qui
sera chargé de transposer la directive), et qui en soumettra un rapport
à la structure nationale chargée de la coordination et
260 L'opportunité est certaine dans la mesure où
l'une des actualités CEMAC c'est par exemple la révision de
certaines directives, on peut citer les directives relatives aux finances
publiques de 2008 qui pour des raisons que l'on ignore n'avaient pas
été transposées, et devraient donc l'être
après adoption des textes définitifs de révision. Voir
Vision CEMAC, n°003, 2ème trimestre 2011,
p.8.
261 Elle peut par exemple être rattachée ou sous la
présidence de la Primature.
84
du suivi de la transposition, ainsi qu'au Parlement national
lorsque le domaine de la loi est visé.
Le deuxième pilier vise la constitution d'un «
réseau interministériel de correspondance sur la transposition
». Il est question ici, de mettre en correspondance permanente toutes les
cellules administratives chargées de la transposition dans chaque
ministère et la structure administrative nationale chargée de la
coordination et du suivi de la transposition. C'est par exemple grâce
à cette correspondance que seront transmis les rapports d'étude
d'impact, ou encore harmonisées les positions nationales lors des
négociations262.
Le troisième et dernier pilier est porté sur le
« suivi de la transposition à compter de l'adoption de la directive
communautaire ». Il implique la détermination d'un calendrier de
transposition, des réunions régulières pour
s'enquérir du respect des délais et des difficultés
rencontrées afin d'y apporter rapidement des solutions263, et
anticiper et éviter toute possibilité de contentieux
communautaire. Des séances de travail pourront aussi être
programmées avec la Commission qui a notamment le devoir d'apporter son
concours aux Etats membres dans le respect de leurs obligations
communautaires264.
Le Cameroun peut aussi s'inspirer du modèle
Sénégalais, lorsque des directives adoptées dans un
domaine précis impliquent d'autres secteurs
d'activités265, il reviendra alors à la structure
administrative nationale chargée de la coordination et du suivi de la
transposition, de mettre en place une synergie administrative, tel un «
comité national » comme au Sénégal, qui
réunira toutes les départements ministériels
concernés et qui travaillera avec le ministère chef de file.
Le Cameroun pourra enfin, face à toute
difficulté dans la mise en oeuvre d'une directive communautaire,
demander l'avis de la CJC, conformément à l'article 34 de la
Convention régissant la CJC du 30 janvier 2009, qui dispose que :
« dans son rôle consultatif et à la
262 L'une des difficultés de la transposition que nous
avons mentionnée dans les lignes précédentes est la
réticence du Parlement national face à un texte dont il ne se
sent être de près ou de loin un des instigateurs. Cette
méthode a le mérite d'unifier les positions et anticiper de
possibles résistances ou incompréhensions du parlement.
263 Il peut s'agir d'une disposition de la directive
communautaire qui demanderait de plus en amples éclairages que seule la
CJC ou la commission peut apporter. Il sera donc important de pouvoir
requérir leur avis avec la plus grande célérité.
264 Voir l'article 35 du traité CEMAC
révisé.
265 C'est par exemple le cas des directives relatives aux
finances publiques, qui peuvent influencer les pratiques administratives dans
tous les autres secteurs, commerce, santé, transports... c'est aussi le
cas par exemple des directives relatives aux communications
électroniques, qui peuvent concerner à la fois le secteur des
télécommunications, le secteur du commerce, le secteur de la
sécurité intérieure, le secteur de la justice...
85
demande d'un Etat membre... la Cour peut émettre
des avis sur toute question juridique concernant le traité. Dans ce cas,
elle émet des avis sur la conformité aux normes juridiques de la
CEMAC, des actes juridiques ou des projets d'actes initiés par un Etat
membre dans les matières relevant du traité ». Cela
permettra aux Etats membres de dissiper toute confusion sur les dispositions du
texte communautaire, et d'éviter toute survenance d'un possible
manquement.
Il reste néanmoins impératif de souligner que,
les méthodes proposées ne pourront efficacement être mises
en oeuvre sans un réel renforcement des capacités des
fonctionnaires nationaux en matière de droit communautaire, une
tâche à mettre surtout au crédit des instances
communautaires, parmi lesquelles la Commission de la CEMAC.
B- Le renforcement des pouvoirs de contrôle de la
Commission
Les dispositions du Traité CEMAC révisé
ne peuvent prêter à confusion quant aux nouveaux pouvoirs de la
Commission de la CEMAC, qui en toute logique visent à assurer
l'efficacité du mécanisme de recours en manquement d'Etat. En
effet, il ressort de l'article 35 que la Commission dans ses missions :
- « renforce la coopération entre les Etats
membres et la coordination de leurs activités dans les domaines
d'intérêt commun. Elle est le moteur de la politique
communautaire;
- veille au respect et à l'application, par les
Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions du présent
Traité et des Actes pris par les organes de la Communauté
;
- attire l'attention des Etats sur les conséquences
du non respect des politiques communautaires. Elle établit dans ce sens
un rapport au Conseil des Ministres. En cas de silence du Conseil, le
Président de la Commission saisit la Cour de Justice aux fins de faire
constater le manquement et de prononcer les sanctions ;
- veille à la mise en oeuvre du présent
Traité, des conventions et des décisions de la Communauté.
Elle veille également à la réalisation des objectifs en
matière d'intégration. »
La Commission dispose en outre, du droit d'initiative en
matière normative, ainsi que des pouvoirs d'exécution et de mise
en oeuvre des politiques et programmes communautaires
86
relevant de l'UEAC (et donc des directives)266. A
cet effet et sauf dispositions contraires, le Conseil ne peut amender les
propositions de la Commission qu'à l'unanimité de ses membres.
C'est en substance ce qui ressort à la lecture de l'article 34 du
Traité CEMAC révisé.
Le législateur CEMAC est notamment allé plus loin
que son homologue de l'UEMOA267, pour se rapprocher le plus
près du législateur européen, voir même reproduire
dans les textes originaires révisés, la substance juridique de la
Commission de l'UE268, une réalité qui contraste sans
aucun doute avec la place qui était assignée autrefois au
Secrétariat Exécutif de la CEMAC269.
La Commission de la CEMAC assure la mission de gardienne des
Traités de la CEMAC, de ce fait, elle se doit de tout mettre en oeuvre
pour la réalisation des objectifs définis par ceux-ci. La
Commission de la CEMAC devra par exemple veiller au renforcement des
capacités nationales en matière de droit de la CEMAC, par des
séminaires ou par la création d'une institution comme l'Ecole
Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) au sein de
l'OHADA270ou du Centre européen de la magistrature et des
professions juridiques271 au sein de l'UE.
La Commission de la CEMAC devra mener un contrôle
spécifique sur la transposition des directives compte tenu de
l'applicabilité délicate de cet acte juridique, elle devra mettre
en place un système de communication ou de dialogue avec les Etats
membres, pour anticiper toute difficulté ou d'éventuels
manquements, elle pourra par exemple au regard du domaine régi par la
directive et de la technicité de sa réglementation, être
soutenue dans sa tâche par un observatoire régional, comme ce fut
le cas au sein de l'UEMOA avec les directives relatives aux marchés
publics272.
266 En effet le Conseil des ministres au terme de l'article 16
du Traité CEMAC révisé assure la direction de l'UEAC et
adoptent les directives conformément aux dispositions de l'article
40.
267 Voir l'article 26 du Traité UEMOA
révisé.
268 Voir les articles 211, 226, 227 et 228 du TCE.
269 Voir l'article 17 de l'additif au Traité CEMAC du 16
mars 1994.
270 L'ERSUMA concourt à la formation et au
perfectionnement des magistrats et auxiliaires de justice des Etats parties.
Voir l'article 41 du Traité signé à Port Louis le 17
octobre 1993 et créant l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA).
271 Le Centre a été créé en 1992
en réponse aux objectifs poursuivis par le Livre blanc sur
l'achèvement du Marché intérieur. Voir CHAPPELART (V.) et
GOLDSCHMIDT (P.), « Améliorer l'application du droit
communautaire : dimensions juridiques et enjeux », EIPASCOPE,
numéro spécial 25ème anniversaire, 2006, p.
35.
272 L'Observatoire Régional des Marchés Publics
de l'UEMOA (ORMP) comprend des membres issus des administrations nationales et
du secteur privé, sa mission principale est d'appuyer la commission dans
la mise en oeuvre des règles de surveillance multilatérale en
matière de marchés publics. À l'initiative de la
commission de l'UEMOA, il a tenu à partir de 2008 plusieurs
réunions de suivi avec les Etats membres, sur la mise en oeuvre
87
[a commission de la CEMAC devra désormais veiller
à l'application conforme du droit de la CEMAC, par des enquêtes
régulières, et émettre le cas échéant des
avis motivés ou mettre en demeure les Etats qui auront manqué
à leur devoir, et en dernier recours porter plainte contre ceux-ci
devant la CJC comme c'est le cas au sein de l'UE, et même pour y
réclamer leur condamnation à une astreinte ou une amende aussi
longtemps que durera l'infraction273. Il est par ailleurs important
que la Commission de la CEMAC procède désormais comme son
homologue européen, à la publication chaque année d'un
rapport sur l'application du droit communautaire établissant la liste
des manquements à leurs obligations imputables aux Etats membres ; elle
pourra aussi publier des guides, pour la mise en oeuvre du droit communautaire
en général, ou même des directives en
particulier274.
[a Commission devra renforcer l'information relative à
la transposition des directives à l'attention des citoyens et des
entreprises de la CEMAC, afin de contraindre les Etats à une meilleure
application, et surtout veiller à l'adoption par la communauté
d'un véritable régime de sanctions tel que prévu par le
Traité CEMAC révisé en son article 4.
Un écueil subsiste toutefois dans la démarche du
législateur CEMAC, d'après l'article 141 de l'avant projet d'Acte
additionnel portant règles de procédure en discussion, «
... le recours n'est recevable que si la Commission a préalablement
adressé un rapport au Conseil des ministres...»275,
un choix déjà inscrit dans le Traité CEMAC
révisé, notamment à l'article 35 qui dispose que la
commission, lorsqu'elle attire l'attention des Etats membres sur leurs
manquements, «... établit dans ce sens un rapport au Conseil
des Ministres. En cas de silence du Conseil, le Président de la
Commission saisit la Cour de Justice aux fins de faire constater le manquement
et de prononcer les sanctions ; ». On ne peut que rester dubitatif
face à ce maintien du pouvoir politique dans une posture qui fera sans
aucun doute obstacle à l'indépendance et à
l'efficacité de la Commission276.
des directives UEMOA de 2005 relatives au cadre
harmonisé des législations nationales sur les marchés
publics. Voir les rapports des réunions de l'ORMP en date du 28 au 30
juillet 2008, du 17 au 15 septembre 2008, du 06 au 09 octobre 2009, du 29 au 30
novembre 2010, du 04 au 08 avril 2011.
273 TATY (G.), Op. Cit.
274 Voir le « guide pour la mise en oeuvre du droit
communautaire », Projet réalisé grâce au soutien
de la Commission européenne dans le cadre de l'action Robert Schuman de
sensibilisation des professions juridiques au droit communautaire, 2000. Voir
également le « guide d'application de la directive
européenne sur la CEM
:
(comptabilité électromagnétique)
2004/108/CE », 2004, disponible à l'adresse
http://ec.europa.eu/enterprise/electr_equipment/emc/guides/emcguide_may2007.pdf
275 Voir TATY (G.), Op. Cit.
276 « Cette intervention du Conseil des ministres
parait discutable, non seulement parce que les textes ne lui donnent aucun
rôle dans la surveillance de l'exécution des obligations
communautaires, tâche qui relève de la Commission, mais surtout
parce qu'il ne fait pas de doute que le politique prendra le pas sur le droit,
ce que l'on peut regretter ». TATY (G.), Op. Cit.
88
La Commission de la CEMAC au regard des dispositions du
Traité CEMAC révisé, est donc appelée en principe,
à exercer un rôle de pilier dans la mise en oeuvre du droit
communautaire et des directives en particulier, une position
déterminante dans la mesure où son action conditionnera
l'envergure, la dimension, du contrôle juridictionnel de l'obligation des
Etats membres de mise en oeuvre du droit communautaire et plus
spécifiquement des directives. L'efficacité de la commission
conditionnera par-dessus tout, l'efficacité du recours en manquement
d'Etat.
Paragraphe II : LES IMPLICATIONS POUR LES INSTANCES
JURIDICTIONNELLES
Le recours en manquement d'Etat offre une nouvelle alternative
à la CJC, face à l'usage inexistant par les juridictions
nationales du renvoi préjudiciel, pour développer à
l'instar de la CJCE les grands principes et articulations de l'exécution
par les Etats membres du droit communautaire CEMAC (A) mais aussi pour
sanctionner le cas échéant (B) toute violation par ces derniers
de leurs obligations communautaires.
A- le développement d'une jurisprudence
spécifique et fondatrice pour la transposition des directives
CEMAC
« La fonction juridictionnelle est la clef de toute
organisation sociale »277. La Cour de justice
communautaire de la CEMAC en raison de sa nature spécifique a donc un
rôle déterminant à jouer dans cette Communauté de
droit qui à la différence des Etats souffre d'une réelle
légitimité démocratique278. C'est cette oeuvre
de construction et d'imposition de la légitimité
démocratique communautaire, que la CJCE a réalisé avec
efficacité depuis sa création par les Traités de Rome du
25 mars 1957279.
La CJC contrairement à son homologue européen a
très peu eu, pour ne pas dire presque jamais, l'occasion de se prononcer
sur la mise en oeuvre des directives communautaires; il s'en est alors suivi au
sein des communautés comme la CEMAC ou l'UEMOA, du fait de leur
évolution en des modèles assez proches de l'archétype
européen
277 George SCELLE, cité par MANSOUR (L.), Op. Cit.
278 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.89.
279 Les Traités de Rome instituent la Communauté
Economique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de
l'Energie Atomique (CEEA) et créent une nouvelle instance
juridictionnelle, la Cour de justice des communautés européenne
(CJCE).
89
d'intégration régionale, une transposition
surtout textuelle280 du modèle d'actes juridiques
communautaires281 et de leur exécution.
Mais il subsiste néanmoins des domaines
caractéristiques qui nécessitent l'implication
particulière d'une instance comme la CJC, chargée du respect du
droit communautaire dans l'interprétation et dans l'application de ses
normes. C'est le cas des directives communautaires.
L'applicabilité des directives communautaires est
problématique dans la mesure où elle repose sur un partage des
compétences entre autorités nationales et communautaires, mais
les modalités particulières de ce partage ne résident pas
dans les textes communautaires originaires et doivent être
déterminées par le juge communautaire comme le montre l'exemple
de la CJCE.
Lorsqu'on observe la jurisprudence de la CJCE, les
arrêts de principe relatifs à la transposition des directives
communautaires sont le fait en amont du renvoi préjudiciel des
juridictions nationales, c'est le cas de l'arrêt VAN GEND EN LOOS de 1963
qui consacre
l'effet direct du droit communautaire en
général, de l'arrêt COSTA contre ENEL le 15 juillet 1964
qui consacre la primauté du droit communautaire, et de l'arrêt VAN
DUYN du 04 décembre 1974 qui pose le principe de l'effet direct des
directives282. Mais l'emploi du renvoi préjudiciel est
inexistant en zone CEMAC283, alors qu'il a permis à la CJCE
de jouer un rôle central dans la construction
européenne284. Le recours en manquement apparait dès
lors comme une alternative judicieuse, pour permettre à la CJC de se
prononcer sur la mise en oeuvre du droit CEMAC et des directives en particulier
par les Etats membres, entendus ici au sens tant des autorités
nationales extra juridictionnelles que des juridictions nationales.
C'est notamment par le biais du recours en manquement d'Etat
que la CJCE développe dans l'arrêt FRANCOVICH du 28 mai 1991 la
solution de la responsabilité de l'Etat membre
280 La transposition du modèle européen peut
aussi transparaitre au niveau de la jurisprudence CEMAC, notamment sur la mise
en oeuvre des actes juridiques communautaires, mais comme on le constate la CJC
n'a pas encore eu l'occasion de donner sa position.
281 Voir les articles 41 du Traité CEMAC
révisé et 43 du Traité UEMOA révisé.
282 Voir SAURON, Op. Cit, p. 44.
283 Lors de la cérémonie de rentrée
solennelle de la Cour de Justice de la CEMAC le 20 novembre 2007, son
Président déplorait dans son discours inédit le fait que
sept années après son installation, la Cour n'avait
enregistré aucune question préjudicielle. Voir CHAMEGUEU (G-M.),
Op. Cit.
284 Voir R. KOVAR, « La contribution de la Cour de
Justice à l'édification de l'ordre juridique communautaire
», Rec. Des cours de l'Académie de droit européen
», 1993, Vol. livre I, livre I, p.15 ; cité par Chamegueu Op.
Cit.
90
en cas de non transposition d'une directive communautaire en
droit interne. C'est aussi par cet instrument qu'elle développe et
impose les modalités du mécanisme de transposition, elle
décide par exemple que la transposition d'une directive n'exige pas la
reprise formelle de ses dispositions dans une disposition légale
expresse et spécifique285, et dans ce cas, il est important
que le contexte juridique général puisse assurer la pleine
application de la directive de façon suffisamment claire et
précise286.
Le recours en manquement est peut-être alors l'occasion
pour la CJC de se prononcer sur l'effet direct des directives CEMAC, ou encore
sur la responsabilité de l'Etat membre en cas de non transposition, car
en effet même s'il transparait au regard du droit communautaire CEMAC et
UEMOA un quasi mimétisme du modèle juridique
européen287, cela ne signifie pas pour autant que la mise en
oeuvre juridictionnelle sera similaire288.
La CJC pourra à travers le recours en manquement
définir une politique jurisprudentielle au service des objectifs
communautaires, qui sera relayée de manière contraignante par les
juridictions nationales, dont l'attitude jusqu'ici pourrait amener à
croire au caractère facultatif du renvoi préjudiciel. Les
juridictions nationales n'auront d'autre choix que de se conformer aux
décisions de la CJC, ou même de s'approprier alors le
mécanisme du renvoi préjudiciel, dans la mesure où le
manquement de l'Etat peut tout aussi bien être le fait des instances
judiciaires nationales. A travers le recours en manquement d'Etat, il est
offert à la CJC l'occasion d'exprimer toute sa dimension au sein de la
construction communautaire, et donc « non seulement de préciser
le droit, mais aussi de couvrir les lacunes par une jurisprudence
créative, prétorienne, en préfigurant ainsi...
l'évolution de la législative »289.
Il semble donc important qu'une réelle synergie
s'installe entre la commission de la CEMAC et la CJC, car c'est cette
association qui semble au regard du cas européen290,
285 CJCE Commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85,
Rec. p.1733.
286 CJCE Commission contre Allemagne, 9 septembre 1999, affaire C
217/97.
287 Il suffit pour cela de regarder le système
juridique des communautés CEMAC et UEMOA, tels que définis par
les textes communautaires originaires.
288 En effet il n'est pas acquis, sur un plan purement
hypothétique, que la solution de la CJC confrontée au
problème de l'effet direct des directives CEMAC ou même de la
responsabilité des Etats membres pour non transposition, sera identique
à celle de la CJCE.
289 Gheorghiu, Luminiþa, Evoluþia sistemelor
juridice contemporane. Privire specialã asupra tipologiei dreptului
comunitar, Bucuresti, Editura Universul Juridic, 2004, p. 189. Cité
par NEGRUT (V.), « le rôle de la jurisprudence (CEJ) dans le
développement du droit communautaire », ACTA UNIVERSITATIS
DANUBIUS. JURIDICA, n°1, 2008.
290 En 2003 par exemple, 3 927 affaires relatives à des
infractions étaient en cours: soit 1855 affaires dans lesquelles une
procédure a été engagée, 999 cas d'envoi d'un avis
motivé, 411 affaires dans lesquelles la Cour de justice a
été saisie. XXI Rapport de la Commission sur le contrôle de
l'application du droit communautaire
91
permettre une protection effective et efficace des effets du
droit communautaire. Elle permettra aux autorités communautaires de
mettre en oeuvre de véritables sanctions contre les Etats membres.
B- La sanction des Etats membres
L'on entend par sanction le « mal qui doit être
infligé en conséquence d'une certaine conduite
»291. En effet, « Si la loi peut être
impunément violée, elle est inutile et permet seulement le
mauvais exemple d'une désobéissance impunie
»292.
La sanction des infractions au droit communautaire est
longtemps restée en zone CEMAC, cantonnée à des domaines
biens précis et à l'encontre d'acteurs spécifiques. C'est
le cas dans le domaine bancaire où des sanctions peuvent être
infligées aux acteurs du secteur par la Commission Bancaire de l'Afrique
Centrale (COBAC)293, c'est aussi le cas dans le domaine de la
concurrence où le Conseil Régional de la Concurrence (CRC) peut
prononcer des peines d'emprisonnement à l'encontre des dirigeants
d'entreprises fautives, même s'il reste au juge national de
déterminer le quantum de la peine. Force est donc de constater qu'aucune
base juridique ne permettait la sanction juridictionnelle de la CJC à
l'encontre des Etats membres coupables de violation de la règlementation
communautaire, or ceux-ci sont des acteurs principaux de l'application du droit
communautaire, notamment des directives.
Mais le recours en manquement d'Etat permet désormais
à la CJC de condamner un Etat fautif, lorsqu'elle est saisie par la
Commission par la procédure dite de « manquement sur manquement
», au paiement d'une amende ou d'une astreinte294.
Il s'agit notamment de sanctions pécuniaires dont
l'usage n'est pas nouveau en droit CEMAC, le CRC peut en effet à la
lecture de l'article 37 du Règlement CEMAC n°1/99/UEAC-CM-639 du 31
mars 1999 réglementant les pratiques commerciales
Bruxelles du 30 décembre 2004, COM(2004) 839 final,
voir sp. p. 4 ;
http://europa.eu.int/eurlex/lex/LexUriServ/site/fr/com/2004/com2004_0839fr01.pdf
291 H. KELSEN, Théorie pure du droit op. cit., p.
33, cité par TONGA (D.), Op. Cit.
292 RIPERT (G.), Les forces créatrices du droit,
2ème édition, LGDJ, 1955, p. 319, cité par
TONGA (D.), Op. Cit.
293 La COBAC est fondée à prendre des sanctions
disciplinaires si un établissement de crédit n'a pas
déféré à une injonction ou n'a pas tenu compte
d'une mise en demeure, ou s'il a enfreint à une réglementation.
Dans ces
circonstances, les sanctions susceptibles d'être prises
vont de l'avertissement jusqu'au retrait d'agrément pour les atteintes
graves en passant par le blâme, l'interdiction d'exercer certaines
opérations ou toute autre limitation dans l'exercice de ses
activités. La révocation du ou des commissaires aux comptes, la
suspension ou démission d'office du ou des dirigeants responsables
peuvent être prononcées. Voir l'article13 de la Convention de
1990 portant création de la COBAC.
294 Voir TATY (G.), Op. Cit.
92
anticoncurrentielles, « par voie de décision,
infliger aux entreprises ayant participé à une opération
de concentration, une amende dont le montant ne peut excéder 5% du
chiffre d'affaire hors taxes réalisé dans le marché commun
au cours du dernier exercice clos, ou 75% du bénéfice
réalisé au cours de l'opération prohibée
». En ce qui concerne les astreintes, Conformément à
l'article 40 du Règlement n°1/99, le CRC peut, par voie de
décision infliger aux entreprises et aux associations d'entreprises
impliquées dans l'opération de concentration, des astreintes d'un
montant de 500.000 à 10.000.000 de FCFA par jour de retard à
compter de la date qu'il fixe dans sa décision.
Même si ce système de sanction a mis du temps
à se mettre en place, et que son application s'est montrée
pendant des années plutôt timide au sein de l'UE, son
efficacité et sa capacité à influencer la qualité
de la participation des Etats membres à la mise en oeuvre du droit
communautaire est quant à elle bien réelle295.
Le recours en manquement d'Etat fait alors peser le risque
d'une sanction pécuniaire contre tout Etat contrevenant, un instrument
qui ne sera réellement efficace, que si la Commission de la CEMAC a la
possibilité d'assumer pleinement son rôle central, et un
état de fait qui ne pourra être évité par les Etats
membres, que par une méthode de transposition des directives
communautaires mieux élaborée et plus efficace.
295 Voir le Livre blanc sur la gouvernance européenne,
Op. Cit. p.107.
93
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
On peut le constater, un pan essentiel du dispositif de mise
en oeuvre du droit communautaire fait défaut au sein de la CEMAC. En
effet, « le droit communautaire ne peut être
réalisé que s'il est perçu et assimilé par l'ordre
juridique national de chaque Etat »296. La capacité
d'assimilation du droit communautaire des Etats membres est alors ici, la
capacité d'assimilation des autorités administratives, la
capacité d'assimilation des autorités judiciaires nationales,
mais aussi et surtout la capacité d'assimilation des particuliers, tous
acteurs primordiaux de la construction communautaire. Les juges nationaux,
encore plus, sont des instruments stratégiques de la mise en oeuvre du
droit communautaire, et c'est à eux qu'il revient par le
mécanisme du renvoi préjudiciel, d'enclencher le contrôle
de la CJC, car « le juge communautaire ne peut véritablement
jouer son rôle de jurisdictio que s'il est saisi des litiges qui lui
fournissent l'occasion de préciser le sens et la portée des
objectifs des textes communautaires »297. Mais si l'oeuvre
du juge national fait alors cruellement défaut jusqu'ici dans
l'application des directives CEMAC, notamment du fait du
désintérêt du justiciable national à l'encontre du
droit communautaire, l'on est tenté de penser que l'instauration
récente au sein de la CEMAC du mécanisme de recours en manquement
d'Etat, répond d'une nouvelle dynamique dont les effets positifs sont
appelés à s'étendre sur la mise en oeuvre des directives
communautaires. L'action des Etats membres, et surtout celle de la Commission,
sera donc déterminante pour l'efficacité du recours en manquement
d'Etat, qui vise tout au moins en partie, à améliorer la mise en
oeuvre du droit communautaire en zone CEMAC.
296 NEGRUT (V.), « le rôle de la jurisprudence
(CEJ) dans le développement du droit communautaire », ACTA
UNIVERSITATIS DANUBIUS. JURIDICA, n°1, 2008.
297 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.92.
94
CONCLUSION GENERALE
95
La transposition des directives fait partie des engagements
communautaires des Etats membres, une obligation à laquelle ils ont
souscrits par leur adhésion au Traité CEMAC. La transposition est
une obligation juridiquement consacrée, notamment par de nombreuses
dispositions des textes communautaires originaires, qui instituent et
conduisent la participation des Etats membres dans le processus de construction
communautaire et plus particulièrement dans la mise en oeuvre du droit
communautaire. Dans le cadre de la CEMAC, la directive communautaire est l'acte
juridique communautaire qui consacre l'obligation de transposition des Etats
membres. Le législateur communautaire, par la directive, consacre un
acte juridique au régime souple, eu égard aux domaines sensibles
et essentiels pour le marché commun, qu'elle est appelée à
régir ; un acte juridique dont la mise en oeuvre est indissociable de
l'intervention des autorités nationales. Cette implication des Etats
membres revêt alors une signification toute particulière, celle
d'un aveu de réalisme, face aux « faiblesses
intrinsèques à tout ordre juridique d'émanation
internationale »298 qui « conduisent les
institutions créées dans un cadre interétatique à
recourir, pour l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles
adoptent, à l'utilisation des systèmes juridiques nationaux
»299. Les Etats membres restent pour ce faire autonomes,
tant sur le plan institutionnel que procédural, mais cette
indépendance ne peut être absolue, au risque de mettre en
péril les objectifs de la construction communautaire. C'est la raison
pour laquelle cette autonomie des Etats membres est soumise à la
primauté et à l'applicabilité directe du droit
communautaire, mais est aussi encadrée par la surveillance du juge
communautaire.
De manière plus pratique, la transposition se
réalise par des instruments que sont les actes juridiques de droit
interne et les structures administratives nationales. Mais le choix des outils
de transposition peut être conditionné tant par la méthode,
que par des exigences essentielles de la transposition issues de la
jurisprudence communautaire. La mise en oeuvre des directives communautaires
c'est alors l'adoption d'un texte national de transposition, dont les
dispositions doivent être conformes aux objectifs fixés par l'acte
communautaire, notamment dans le respect des délais fixés par ce
dernier. La violation des délais de transposition est notamment
constitutive d'un manquement au droit communautaire. Si plusieurs
difficultés peuvent alors être invoquées par les Etats
coupables d'infractions ou qui ont dépassé les délais,
c'est en partie dû au fait que la transposition des directives est un
exercice assez contraignant.
298 KENFACK (J.), Op. Cit. p.270.
299 Ibid.
96
La principale contrainte que rencontre le processus de
transposition en zone CEMAC réside dans le contrôle de l'exercice,
tant sur le plan extra juridictionnel que sur le plan juridictionnel. Car en
effet, si la transposition entraine une sorte d'« individualisation
normative interne »300, « opération
consistant en la digestion de la norme internationale par l'Etat et en sa
restitution sous une forme qui la rend invocable par un individu ou une
personne morale de droit privé »301, la
particularité de l'entreprise communautaire veut que le résultat
de cette individualisation soit le même dans tous les Etats membres,
complexifiant par là même une surveillance qui demande la
participation coordonnée et presque simultanée de tous les
acteurs communautaires. Le contrôle des Etats membres et de la Commission
de la CEMAC est alors inexistant, tandis que le contrôle de la CJC et du
juge national est un contrôle contingent, qui n'agit que si la CJC et le
juge national sont saisis pour solutionner des questions relatives au droit
communautaire. La transposition reste néanmoins un exercice perfectible,
une amélioration qui passe pour l'essentiel par un contrôle plus
important de la Commission de la CEMAC, qui est désormais le bras
séculier de la Communauté dans son contrôle des
activités des Etats membres, mais surtout l'acteur central du recours en
manquement d'Etat. Les Etats peuvent eux mêmes à leur niveau
améliorer l'exécution des directives, en s'inspirant des
modèles qui marchent, car l'exemple de l'UE montre notamment que, plus
les Etats membres seront sanctionnés, plus ils seront prompts à
améliorer la mise en oeuvre du droit communautaire dans l'ordre
juridique national.
300 P. GUGGENHEIM, Traité de droit international
public, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.
Notre hypothèse semble alors confirmée, en
effet, le mécanisme de transposition effectif au Cameroun, souffre de
quelques insuffisances tant nationales que communautaires qui grèvent
son déploiement et influent alors négativement sur l'application
harmonisée des directives au sein de la CEMAC. Mais le résultat
obtenu de notre recherche demande une certaine réserve, car en l'absence
d'une jurisprudence CEMAC sur l'exécution des directives, on a
grandement eu recours à la jurisprudence européenne, alors que
rien n'empêche la CJC d'avoir des positions futures différentes en
matière de transposition des directives communautaires.
301 P. REUTER, « quelques remarques sur la situation
juridique des particuliers en droit international public », la
technique et les principes de droit public. Etudes en l'honneur de G.
SCELLE, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.
97
A-
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100
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- TRAITE du 16 mars 1994 instituant la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ;
- TRAITE du 16 mars 1994 révisé, Yaoundé,
25 juin 2008 ;
- ADDITIF au Traité relatif au système
institutionnel et juridique de la communauté ;
- TRAITE UEMOA révisé, 29 janvier 2003 ;
- TRAITE instituant la Communauté Européenne,
JOCE, 24 décembre 2002 ;
- REGLEMENT CEMAC n°1/99/UEAC-CM-639 du 31 mars 1999
réglementant les pratiques commerciales anticoncurrentielles
- DIRECTIVE CEMAC N° 1/ 99/ CEMAC - 028- CM- 03 du 17
décembre 1999 portant harmonisation des législations des Etats
membres en matière de TVA ;
- DIRECTIVE CEMAC N° 06/08-UEAC-133-CM-18 fixant le
Régime du service universel dans le secteur des communications
électroniques au sein des Etats membres de la CEMAC, 2008 ;
- DIRECTIVE CEMAC N° 07/08-UEAC-133-CM-18 fixant le Cadre
juridique de la protection des droits des utilisateurs de réseaux et de
services de communications électroniques au sein de la CEMAC, 2008 ;
- DIRECTIVE CEMAC N° 08/08-UEAC-133-CM-18 relative
à l'interconnexion et à l'accès des réseaux et des
services de communications électroniques dans les pays membres de la
CEMAC, 2008 ;
? Textes nationaux
- DECRET présidentiel n° 98/197 du 8 septembre
1998 portant organisation et fonctionnement
de l'Agence de Régulation des
Télécommunications ;
- DECRET présidentiel n° 2005/124 du 15 avril 2005
portant organisation du Ministère des
Postes et Télécommunications ;
- DECRET présidentiel n° 2008/365 du 08 novembre
2008 portant organisation du Ministère
des Finances ;
- LOI n°96-06 du 18 janvier 1996, portant révision
de la Constitution du 2 juin 1972 ;
- LOI n° 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les
télécommunications au Cameroun ;
- LOI des finances 98/99 ;
- LOI n°2010/013 du 21 décembre 2010
régissant les communications électroniques au
Cameroun.
101
E- Jurisprudence
? Cour de Justice des Communautés
Européennes
- CJCE, arrêt Van Gend En Loos, 5 février 1963, aff.
26/62, Rec.1 ;
- CJCE 3 avril 1968, Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec. p. 211
;
- CJCE, Royer, 8 avril 1976, aff. 48/75, Rec. p. 497 ;
- CJCE, Enka, 23 novembre 1977, aff. 38/77, Rec. p. 2203 ;
- CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629 ;
- CJCE commission contre Royaume de Belgique du 6 mai 1980, aff.
102/79 Rec. p. 1473 ;
- CJCE, Ursula Becker, 19 janvier 1982, aff. 8/81, Rec. p. 53
;
- CJCE, Commission contre Italie, 15 mars 1983, aff. 145/82, Rec.
p. 711 ;
- CJCE, 26 février 1986, M.H Marshall c. Southampton et
South-West Hampshire Area Health
Authority (Teaching), Demande de décision
préjudicielle, Court of Appeal, Royaume-Uni ;
- CJCE Commission c/ Allemagne 1986, aff. 29/84 ;
- CJCE commission contre Italie du 9 avril 1987, aff 363/85, Rec.
p. 1733 ;
- CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. C-213/8, Rec.
p. I-243;
- CJCE 23 février 1994, Comitato di coordinamento per la
difesa della cava, aff. 236/92, Rec. p.
497 ;
- CJCE 8 octobre 1996, Dillenkofer, affaires jointes 178/94,
179/94, 188/94, 109/94, Rec. I p.
4845 ;
- CJCE commission contre Allemagne du 9 septembre 1999, aff C
217/97 ;
- CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01,
Rec. p. I-10239 ;
- CJCE, 16 juin 2005, Maria Pupino, aff. C-105/03,
Rec. p. I-5285;
- CJCE 13 septembre 2005, Commission c/ Conseil, aff.
C-176/03, Rec. p. I-7879 ;
- CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
C-173/03 ;
? Conseil d'Etat français
- CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de
Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil
constitutionnel ;
- CE 22 décembre 1978, aff Conhn-Bendit, Rec. p. 80.
102
F- Autres documents
- Arrêté du Ministre d'Etat, ministre de
l'économie et des finances, portant création, organisation et
fonctionnement du comité national de transposition des directives de
l'UEMOA relatives au cadre harmonisé des finances publiques de 2009,
République du Sénégal/ Ministère de
l'économie et des finances, le 11 octobre 2010 ;
- BATTA (D.), « Etude comparative sur la
transposition du droit communautaire dans les Etats membres »,
Direction générale politique interne de
l'Union/Département thématique C/Droits des citoyens et affaires
constitutionnelles, commission des affaires juridiques du Parlement
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- Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes, J O R F n°230 du 2 octobre 2004 ;
- Circulaire du 21 juin 2010 relative à la
participation du Parlement national au processus décisionnel
européen, J O R F du 22 juin 2010 ;
- Décret n°2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au
comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat
général des affaires européennes, J O R F, 18
octobre 2005 ;
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Colloque de Ouagadougou, 24-26 juin 2003;
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dans le cadre de l'action Robert Schuman de sensibilisation des professions
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103
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rapport sur l'application du droit communautaire par les Etats membres et sur
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en vue de les améliorer du point de vue de la gouvernance
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2001 ;
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Ouest Africaine, Dakar, Troisième rencontre inter-juridictionnelle des
cours communautaires de l'UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l'OHADA, mai 2010 ;
- TATY (G.), « le règlement du contentieux
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droit communautaire de la CEMAC, Douala, 10 et 11 mars 2008 ;
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Association Master 2 Droit Public Approfondi Université
Panthéon-Assas Paris II, mars 2008.
104
TABLE DES MATIERES
DEDICACE............................................................................................................................................
i
REMERCIEMENTS............................................................................................................................
ii LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS
.........................................................................
iii
LISTEDES
ANNEXE..................................................................................................................
v
SOMMAIRE..........................................................................................................................................vi
RESUME..............................................................................................................................................vii
INTRODUCTION .1
PREMIERE PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE
EXIGENCE DE
L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE 17
CHAPITRE I : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES, UNE
OBLIGATION POUR LES
ETATS MEMBRES 19
SECTION I : LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE L'OBLIGATION
DE
|
|
TRANSPOSITION
|
.19
|
Paragraphe I- Les textes communautaires originaires
|
20
|
A- La consécration par le Traité CEMAC
révisé et la Convention UEAC
|
20
|
1) Dans le Traité CEMAC révisé
|
.......................20
|
2) Dans la convention UEAC
|
.21
|
|
B- La consécration d'une obligation atypique
|
22
|
1) Sur le plan matériel
|
.22
|
2) Sur le plan formel
|
24
|
Paragraphe II- La directive communautaire, un acte juridique
singulier
|
...25
|
A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature
|
...25
|
1) Les particularités relatives à l'usage de la
directive
|
.25
|
2) Les particularités inhérentes à la
nature originale de la directive
|
.27
|
|
B- Un acte singulier dans sa mise en oeuvre
|
29
|
105
1) La transposition, condition de l'applicabilité directe
de la directive
communautaire 29
2) L'effet direct de la directive communautaire 30
SECTION II : LA SIGNIFICATION DE L'OBLIGATION DE
TRANSPOSITION DES ETATS
MEMBRES ....32
Paragraphe I - Le respect de l'autonomie institutionnelle et
procédurale des Etats
membres .32
A- Les sources du principe ........................32
1) Les textes communautaires originaires 32
2) Les principes relatifs à la répartition des
compétences 33
B- La signification pratique du principe 35
Paragraphe II- La soumission du principe aux impératifs du
droit communautaire ...37
A- La soumission aux principes fondamentaux du droit
communautaire .37
B- L'encadrement du principe en matière de mise en oeuvre
du droit communautaire 39
CHAPITRE II : LA MECANIQUE DE TRANSPOSITION DES
DIRECTIVES
COMMUNAUTAIRES 42
SECTION I : LES PRINCIPES DIRECTEURS ..42
Paragraphe I - La liberté de choix des Etats membres 42
A- Le libre choix des mesures nationales de transposition .42
B- Le libre choix des structures administratives nationales de
transposition 44
Paragraphe II- Une liberté relative ..45
A- La méthode de transposition .....................46
B- Le respect d'exigences essentielles 47
SECTION II : ILLUSTRATION DE LA PRATIQUE CAMEROUNAISE
DE
TRANSPOSITION .48
Paragraphe I- La transposition de quelques directives CEMAC 49
A- L'adoption du texte national de transposition ...49
1) Le cas de la directive CEMAC de 1999, portant harmonisation
des Législations des Etats
membres en matière de TVA et du Droit d'accises
......................................49
2) Le cas des directives relatives aux « communications
électroniques » ..................50
106
B- La conformité des textes nationaux de transposition aux
directives
communautaires 51
1) La conformité de la loi des finances 98/99 au droit
CEMAC de la TVA ...52
2) La conformité de la loi n°2010/013 du 21
décembre 2010 aux directives CEMAC des
communications électroniques 53
Paragraphe II- La pratique camerounaise de transposition, une
mécanique simpliste ..............55
A- Bases juridiques de la mécanique camerounaise
.....................................55
B- La structuration organique de la mécanique
camerounaise 57
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
............60
DEUXIEME PARTIE : LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES
COMMUNAUTAIRES, UN
EXERCICE COMPLEXE
CHAPITRE III : LES CONTRAINTES DE L'EXERCICE
SECTION I : LES CONTRAINTES D'ORDRE EXTRA-JURIDICTIONNEL
|
...61
.63
....63
|
Paragraphe I- Les contraintes internes aux Etats membres
|
.63
|
A- Les contraintes politiques et administratives
|
63
|
B- Les contraintes techniques
|
............64
|
|
Paragraphe II- Les contraintes externes aux Etats membres
|
.65
|
A- La pluralité des droits communautaires dans l'espace
CEMAC
|
...65
|
B- Le concours inexistant de la Commission de la CEMAC
|
.66
|
|
1) En matière de soutient à l'application des
normes communautaires
|
..67
|
2) En matière de contrôle de l'application des
normes communautaires
|
.....................68
|
|
SECTION II : LA FAIBLE JURIDICTIONNALISATION DU DROIT
COMMUNAUTAIRE
.........................................................................................................................................................70
Paragraphe I- Les contraintes au niveau de la CJC
|
71
|
A- Les textes communautaires
|
71
|
B- La contingence du contrôle de la CJC
|
.......................72
|
|
Paragraphe II- Les contraintes relatives aux juridictions
nationales
|
.74
|
A- L'apathie du juge national à l'égard du droit
communautaire
|
...74
|
B- La contingence du contrôle du juge national
|
75
|
|
107
CHAPITRE IV : LA TRANSPOSITION, UN EXERCICE EN VOIE
D'AMELIORATION AU
REGARD DU TRAITE CEMAC REVISE
........................77
SECTION I : L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE : LE
RECOURS EN
MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4 ....77
Paragraphe I- Présentation du recours en manquement d'Etat
de l'article 4 78
A- La notion de manquement d'Etat 78
B- Les enjeux du recours en manquement d'Etat ...79
Paragraphe II- La procédure du recours en manquement .
.80
A- L'action de constatation de manquement 80
1) La phase précontentieuse ..80
2) La phase contentieuse 81
B- L'arrêt de manquement ...82
SECTION II : LES IMPLICATIONS DU NOUVEAU MECANISME
DE
CONTROLE .83
Paragraphe I- Les implications pour les Etats membres et la
Commission de la
CEMAC 83
A- L'amélioration du mécanisme de transposition
par les Etats membres ...........................83
B- Le renforcement des pouvoirs de contrôle de la
Commission ...86
Paragraphe II- Les implications pour les instances
juridictionnelles 89
A- le développement d'une jurisprudence spécifique
et fondatrice pour la transposition des
directives CEMAC 89
B- La sanction des Etats membres .........................92
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .94
CONCLUSION GENERALE ..95
BIBLIOGRAPHIE ..........98
TABLE DES MATIERES ..............105
108
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