V. 1.2. Rapport du citoyen à la presse
Parmi les libertés démocratiques que les
malgaches cherchent à conquérir, la liberté de presse
parait être le plus important. Le foisonnement de la presse de ces
dernières années illustre qu'une grande amélioration est
opérable dans ce domaine par le développement de presse qui se
montre plus critique à l'égard du pouvoir en place. Cette
situation se manifeste également par le développement des
émissions télévisées, des émissions
radiophoniques, les chroniques politiques. La vulgarisation de la nouvelle
technologie de l'information et de la communication permet aux citoyens de
rentrer en contact direct à ces différentes émissions,
pour lancer des critiques, des propositions, de plaider concernant la vie
politique nationale. Le développement de la presse est un milieu ouvert
à l'espace public lui permettant de s'exprimer librement, de procurer
des informations.
Pour savoir le rapport du citoyen à la presse nous
avons demandé aux citoyens s'ils sont bien informés concernant la
vie politique malgache, de ce qu'ils pensent sur l'évolution de la
presse d'aujourd'hui.
Le résultat de terrain a permis de savoir que
l'accès à l'information par un individu passe en premier par la
presse quotidienne qui représente 33,8 % de l'individu interrogé.
Ensuite, par la presse télévisée qui obtient 24,6 % et
enfin la presse radiophonique avec 18,5 %. Les 23,1 % n'ont pas donné de
réponses.
Graphique n°04 : les sources de l'information de
l'individu.
Source : Enquête personnelle 2011.
L'accès à l'information ne se limite pas
à l'achat d'un journal, il se traduit aussi par le suivi d'un
débat politique télévisé. D'après nos
observations, 55,4 % des personnes interrogées suivent les débats
politiques télévisés. 26,2 % déclarent qu'ils ne
suivent pas les débats politiques télévisés. 4,6 %
ne suivent que rarement faute de temps et de l'occupation quotidienne. Aux yeux
des citoyens suivre un débat politique télévisé est
un moyen qui permet de connaître l'actualité nationale, une
scène où l'individu exprime librement. 58 % ont insisté
sur ce point. Certains disent qu'un débat politique est le signe de la
liberté d'expression et se définit comme un critère de
l'existence de la démocratie dans le pays, 23 % se rangent sur ce point.
Pour les autres c'est une revendication latente (un besoin de changement) parce
que la liberté d'expression n'est pas vraiment établie dans le
pays, 8 % des individus enquêtés signalent ce point. Pour le
reste, le développement des émissions politiques présente
des effets pervers car il dérive à guerre des ondes, un conflit
politique. Les analyses des journalistes sont souvent d'orientation
partisane.
Il convient de remarquer aussi que dans notre cas, ce sont les
hommes qui sont les plus actifs et attentifs à suivre un débat
politique. Il atteint une proportion de 44,6 % et les femmes ne sont que 10,2
%. Le tableau suivant résume le rapport entre genre et suivi d'un
débat politique.
Tableau n°09 : Rapport genre et suivi
d'un débat politique
Genre
Suivi d'un débat politique
|
Masculin
|
Féminin
|
Pas du tout
|
4,6 % (3)
|
21,5 % (14)
|
Rarement
|
3,1 % (2)
|
1,5 % (1)
|
Quelque fois
|
7,7 % (5)
|
6,2 % (4)
|
Souvent
|
44,6 % (29)
|
10,2 % (7)
|
Source : Enquête personnelle 2011.
Si les émissions politiques commencent à gagner
de terrain, il convient de préciser que la liberté d'expression
est loin de suffire aux yeux de la population. Nous observons que 55 % des
individus enquêtés disent que la liberté d'expression est
encore insuffisante. 18 % jugent que la liberté d'expression est
satisfaisante. Les autres sont indifférentes.
Graphique n°05 : Jugement sur la liberté
d'expression.
Source : Enquête personnelle 2011.
A partir de ces appréciations quantitatives nous
pouvons en tirer que ce sont les hommes de sexe masculin et les individus qui
ont un niveau d'étude supérieur manifestent des
intérêts à l'égard de la vie politique. Les femmes
s'auto excluent de la vie politique. Cependant nous tenons à souligner
que ce comportement de la femme en rapport avec la vie politique s'explique par
son statut social, de son rôle et de sa valeur, dans la
société malgache. Ce qui revient à dire que les femmes ne
sont pas intégrées dans la vie démocratique.
La graphique 04 dégage que 55 % des sujets
enquêtés jugent la liberté d'expression insuffisante. 18
% seulement trouvent satisfaisante. 26% sont incapables de juger
concernant la liberté d'expression. Dans la pensée des sujets
enquêtés, l'existence des débats médiatiques
signe la liberté d'expression, force est de souligner
que l'insuffisance de cet espace d'expression s'explique par l'inexistence de
lieu dans lequel les citoyens ordinaires peuvent avoir leur mot à dire.
L'entrée à ces chaînes médiatiques présente
des coûts élevés malgré le développement de
la discussion téléphonique. Les citoyens gardent encore le
sentiment selon lequel lorsqu'on parle dans le pays, on est poursuivi. Ils sont
convaincus que, exprimer, ou critiquer ne servira à rien car les
dirigeants ne vont pas en tenir compte.
V.1.3. Le problème de la presse
Si les citoyens perçoivent que la liberté
d'expression reste insuffisante, nous tenons à remarquer que la presse
qui en principe devrait l'institution d'expression est aussi en
difficulté. La place de la presse comme quatrième pouvoir est
loin d'être acquis. Pour expliquer cette situation il suffit de voir
l'acte d'intimidation attribué aux journalistes par l'envoi des lettres
de mise en demeure, la censure. Sur ce sujet, l'exemple de la crise politique
de 2009 montre que nous ne sommes pas encore à la hauteur de la
liberté d'expression. Dans cette période de transition l'histoire
est entrain de se répéter ou l'on assiste à des censures
des émissions de la radio pour cause de trouble à l'ordre
public.
Le manque de professionnalisme des médias leurs
empêchent de fonctionner correctement, une forte politisation de la
presse qui se traduit par des commentaires partisans. Les hommes politiques
créent leur propre chaîne de télévision, de station
radio ou journal pour véhiculer leurs idées politiques.
La chaîne nationale est désertée de
pluralisme de débat public et démocratique, elle devient la
propriété du chef de l'Etat, son moyen de propagande politique
d'autant plus que seule la chaîne nationale est autorisée à
diffuser des informations sur l'ensemble du territoire. Les journaux qui
paraissent à Antananarivo ne sont disponibles en province que le
lendemain. Chaque homme qui arrive au pouvoir instrumentalise le media national
pour consolider son emprise et pour immerger une grande population dans
l'ignorance de ce qui se passe dans la vie de la cité.
La différence de traitement entre les candidats dans
l'accès à la chaîne nationale pendant la campagne
électorale est toujours un sujet d'actualité. La discussion sur
le code de communication qui devrait réglementer la profession des
medias reste encore dans l'impasse37.
En réalité, les journalistes font figure
d'éléments influents de la société civile. Gramsci
met l'accent sur cet aspect à travers son analyse des intellectuels
organiques qui est
37 La dernière loi sur la communication est
édictée par la loi n° 90-031 du 21 décembre 1990
portant sur la communication.
complémentaire de l'étude d'Althusser sur le
bloc historique. D'après ces deux points de vue, les journalistes, les
médias et la presse appartiennent à ces deux catégories.
Ils font partie intégrante de la société civile. Ils sont
investis de la fonction de susciter des débats sociaux à travers
leur pouvoir de dénonciation et les critiques qu'ils formulent. Mais,
à Madagascar, peu de journalistes savent jouer leur vrai rôle. Ils
ignorent même leur véritable statut parfois.
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