Vie pénitentiaire, liens sociaux et affectivité. Comment les personnes vivent- elles leur vie affective dans un milieu carcéral fermé( Télécharger le fichier original )par Rachel Roseline Boulé Schmid Briachetti Haute école de travail social de Genève - Bachelor 2012 |
3.3. Altérité contrôléeLe parloir est le lieu oü des échanges affectifs
peuvent se produire sous les regards La plupart des prisons suisses sont équipée s d'un parloir commun avec des tables et des chaises. Les détenus ont droit aux échanges avec l'altérité manquante mais Ç avoir È un parloir (sous-entendu voir quelqu'un) est contraignant pour les personnes venant de l'extérieur. En effet, ce sont les personnes extérieures qui font les démarches pour rendre visite aux personnes privées de liberté. Par conséquent, les détenus sont en attente que les autorisations soient accordées. De plus, il existe un manque d'intimité dans un parloir commun. Montrer certaines conditions de vie en prison, équivaut, notamment, pour les enfants à assister à des scènes qui peuvent choquer. Cela implique parfois, que certains détenus refusent les visites pour ne pas heurter leurs proches, leurs enfants ou pour ne pas être plus déprimés qu'auparavant. Un paradoxe peut être vécu par les détenus lors de ces entrevues. Comme le lieu de rencontre est ouvert et même si les détenus ont droit à l'intimité, des gestes ou des paroles trop équivoques sont souvent reprochés par le règlement institutionnel car il faut appliquer un minimum de pudeur. Nous pouvons noter que dans certaines prisons suisses, il existe un parloir familial (une seule pièce) pour accueillir la conjointe et les enfants. Mais il n'en demeure pas moins que les parents ne peuvent manifester la même affectivité en présence des enfants. Pour finir, il existe trois prisons pour longues peines, qui ont un lieu spécifique pour pouvoir rencontrer, sous certaines conditions, sa conjointe, sa compagne. Equipé d'une cuisine, d'un lit (avec bien sür, des draps), de tables de nuit, d'un canapé, d'une table, de chaises et une salle de bain. De longues démarches administratives et restrictives sont à effectuer. Dès lors, tous les détenus ne peuvent pas profiter de cet environnement . 3.4. Altérité virtuelle, matérialiséeSi aucune des trois altérités mentionnées plus haut n'est envisagée ou possible par le détenu, il envisage parfois la pratique solitaire et l'utilisation de matériel divers . L'altérité virtuelle ou matérialisée n'est pas envisagée dans ce travail comme un acte mais comme un substitut pour évacuer, pallier à un manque ponctuel d'un échange possible avec un être aussi bien dans la prison qu'au dehors. Ces altérités en prison peuvent être conjuguées de différentes maniéres selon les besoins individuels des détenus. Certains détenus assurent dans le livre de Gaillard qu'ils préférent une relation affective qui comporte le partage avec l'autre. Lors des entretiens avec Gaillard, les détenus, en majorité parlent en premier lieu de tendresse pour ensuite invoquer le manque de partage affectif filial. De plus, ces personnes incarcérées font attention plus particuliérement à leur corps. Ils pratiquent par exemple une musculation intense, ce qui leur permet, peut-être, par la suite de continuer à séduire. Ces détenus prennent Ç leur mal È en patience. ÇOn peut trés bien faire sans (...).È (Gaillard, 2009, p. 76) et se rappellent les moments de leur vie à l'extérieur lorsqu'ils étaient sans partenaire. Gaillard reléve également que pour certains détenus Ç l'interdiction È appartient historiquement à la peine privative de liberté, ils n'en font pas cas. D'ailleurs un détenu interrogé dans le livre dit: Ç (...) Je suis restreint dans mes facilités, il faut faire comme dehors, c'est-à-dire avec les possibilités qu'on a. Je ne vais pas me torturer l'esprit en parlant ou en pensant tout le temps à quelque chose que je ne peux pas faire. È (Gaillard, 2009, p 77). D'autres détenus ont témoigné en disant que dehors ils ont eu peu de relations affectives et ou surtout c'était la tendresse qui primait. En conséquence, ces détenus ne cherchent pas forcément de rapports affectifs à l'intérieur de la prison. Même si leur esprit envoie de temps en temps un message de besoin au corps: Ç(...) je me masturbe une fois par mois (...) pour voir si la machine fonctionne encore (...) È (Gaillard, 2009, p 81). Plusieurs détenus vont plus dans le sens de vivre l'expression d'un bien-être, de la satisfaction d'un désir avec l'autre avec des pratiques en quantité suffisante qui permettraient de conjuguer le corps et l'esprit. Il se peut que ces personnes détenues soient plus enclines à vivre une altérité consentie. Cependant, dans son recueil de témoignages, Gaillard met en avant que ces détenus font presque un sevrage de contacts affectifs et sexuels vu l'univ ers monosexué. Ou alors, lorsqu'ils se retrouvent en cellule d'isolement, ils vont jusqu'à blesser physiquement leurs parties intimes. Toutefois, même en détaillant les différentes altérités et besoins qui sont le plus souvent vécus, en prison nous n'avons toujours pas abordé, la coexistence ou Ç chacun est l'autre, aucun n'est lui-même È10. 10Les nouveaux chemins de la connaissance. Réalisé par François Caunac (mai 2011). Heidegger (1927), Etre et temps, dasein, authenticité, déchéance. France Culture. Récupéré le 21 novembre 2011 de http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4252861 Venons-en ainsi au courant phénoménologique qui critique fréquemment toute tendance scientifique, ou non, qui ferait de l'homme un objet distinct du monde. La phénoménologie permet de mettre en avant et de saisir la réunification du corps et de l'esprit. |
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