L'usufruit des droits incorporels( Télécharger le fichier original )par Wyao POUWAKA Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011 |
B- Le renouvellement du débatLa consécration de la nature réelle de l'usufruit découle explicitement de l'article 575 alinéa 1 de la proposition de réforme du livre ll relatif aux biens et aux termes duquel : « l'usufruit est le droit réel d'user et de jouir d'un bien appartenant à un autre, à charge d'en conserver la substance. » Cette consécration vient renouveler le débat devenu classique sur la nature de l'usufruit des droits incorporels. En effet, si la proposition maintient la distinction droits réels-droits personnels, il semble illogique d'affirmer le caractère réel de l'usufruit et ceci d'une manière péremptoire. Le débat devient plus vif et trouve désormais son fondement sur des textes dans la mesure où la nature réelle de l'usufruit est jusqu'à ce jour une déduction de la doctrine. Pour les biens corporels, cette nature se justifie aisément. Mais pour les droits incorporels, on conçoit difficilement comment le titulaire d'un tel usufruit, pourrait exercer son emprise sur l'objet du droit qui, par hypothèse, ne tombe pas sous le sens. C'est tout le problème de l'inadaptation de l'usufruit aux droits incorporels qui resurgit avec toutefois la différence que ces droits sont aujourd'hui reconnus comme des biens. Mais alors, c'est justement en les reconnaissant que le problème devient poignant avec le maintien de la distinction. Comment le titulaire de l'usufruit des droits incorporels peut-il exercer son emprise sur l'objet de son usufruit ? Le mutisme de la proposition de réforme du Livre ll du Code civil à cet imbroglio est-il le signe patent d'une impuissance. J- L. Bergel172(*) se rend bien compte de l'incohérence. Il semble, à notre avis, qu'il y a un problème que la proposition élude et qui résulte de la difficile conciliation entre l'intégration des droits incorporels dans la catégorie des biens et le maintien de la distinction droit des biens-droits des obligations. Le droit réel est l'objet du droit des biens alors que le droit personnel est celui du droit des obligations. Une certaine doctrine173(*) tente d'expliquer, s'agissant de l'usufruit des créances que le droit de l'usufruitier n'est pas une quote-part de la créance, mais un droit réel sur la créance de sorte qu'en vertu du droit réel, ce dernier retire certaines utilités de la créance. Toutefois, elle convient que c'est uniquement au débiteur que l'usufruitier s'adresse pour toucher son droit. Autrement dit, l'usufruit des créances est relatif ; ce qui contraste avec la définition du droit réel. En tout état de cause, le constat est à l'impuissance des auteurs face à cette énigme. Les plus réalistes174(*) estiment que l'usufruit est tantôt un droit réel tantôt un droit personnel. Cette position est soutenable. L'usufruit aurait donc un régime dual en fonction de l'objet sur lequel il porte. Il faudra donc essayer de théoriser cette position. Certains auteurs175(*) estiment, en l'occurrence en matière de droits sociaux, qu'il faut reconnaître à l'usufruitier un double statut : un statut réel tout d'abord, qui, en parfaite orthodoxie avec les lois civiles, accorde à l'usufruitier les prérogatives de jouissance des droits sociaux ; un statut personnel ensuite, qui l'investissant de la qualité d'associé, permet de donner à l'institution une assise solide traduisant juridiquement la place qui est aujourd'hui accordée à l'usufruitier au sein des sociétés. En tout état de cause, cette solution n'embrasse guère toutes les situations d'usufruits des droits incorporels. Le régime de l'usufruit des droits sociaux va être différent de celui des autres types d'usufruit puisque le droit de jouissance de droits incorporels est lui aussi diversifié. Aussi et surtout, c'est sur le terrain jurisprudentiel que les conflits entre propriétaires et usufruitiers sont encore patents. * 172 J.L.Bergel, op. cit., p. 11. * 173 R. Beudant et P. Lerebours-Pigeonnière, op.cit., p. 462. * 174 Nous pensons notamment à B. Starck, H. Roland, L. Boyer, op. cit., p. 459, n° 1137. * 175 A. Rabreau, « L'usufruit des droits sociaux », www.eyrolles.com. |
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