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Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009

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par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE
Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

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3. Les appuis étrangers reçus par la guérilla et le pouvoir en place

Généralement les mouvements révolutionnaires et ses adversaires (dans notre cas ici il s'agit principalement de l'Etat) nouent des relations avec des acteurs étrangers dans le but de mener à bien leur lutte.

Nous pensons pour notre part que pour l'Etat salvadorien, il s'agit d'affaiblir et d'anéantir par tous les moyens la guérilla en recherchant un véritable soutien étranger. Les mouvements de libération nationale, étant des acteurs non étatiques qui envisagent d'être des acteurs étatiques, il est nécessaire d'avoir une certaine reconnaissance et une certaine légitimité du mouvement et de son action sur le plan international.

Le FMLN tout comme un mouvement révolutionnaire a besoin lui aussi d'importants moyens pour poursuivre son objectif. Il lui faut de l'argent pour subsister, pour s'organiser, entreprendre son action de propagande, acheter des armes et des munitions. Ces besoins s'accroissent d'ailleurs au fur et à mesure que le mouvement se développe et qu'il se rapproche de la phase finale de son action.

3.1. La politique salvadorienne des Etats -Unis

Comme nous l'avons montré dans les pages et chapitres précédents, les Etats-Unis ont joué un grand rôle dans la région Amérique latine et ont participé et contribué à l'instabilité politique de ladite région, ceci en raison de la défense de leurs intérêts. Depuis les années 60 et 70, les Etats-Unis s'intéressent à l'Amérique centrale. Craignant que l'exemple cubain se propage (ils) orientent leur politique suivant trois grands axes : - l'aide militaire - le réformisme modernisant de l'Alliance pour le progrès - l'encouragement à une apparence de démocratie politique avec des élections, soit une démocratie restreinte 70(*)(Erdozain et Placido 1982 : 20).

En effet tout au long du XXè siècle, dans le bassin de la mer des Caraïbes, l'influence des Etats-Unis s'est manifestée davantage par le recours par la force que par des velléités d'édifier des régimes démocratiques stables (Garibay 2004 : 125). Si ses intérêts sont menacés, les Américains n'hésitent pas à agir à travers des types d'opérations qui vont de l'intervention militaire directe (en témoigne les dernières interventions : Grenade 1983, Panama 1989), à la menace de la force, Gunboat Diplomacy, à l'utilisation de troupes de substitution (intervention militaire indirecte), d'opérations clandestines de « déstabilisation contre les régimes de gauche- y compris des tentatives d'assassinat sur des dirigeants politiques « hostiles »- à des blocus ou sanctions économiques. A un moment donné l'une ou l'autre de ces méthodes peut être préférée, mais aucune n'a jamais été définitivement abandonnée. Il y a une grande continuité de la politique étrangère des Etats-Unis dans la région »71(*).

Dans les années 1980 en particulier, la victoire des sandinistes au Nicaragua et les insurrections révolutionnaires au Guatemala et au Salvador sont apparues aux Etats-Unis comme autant des facteurs de déstabilisation de la région, et ont mis l'isthme centraméricain sur l'agenda international (Garibay 2004 : 125).

En effet la victoire du FSLN au Nicaragua, le coup d'Etat perpétré au Salvador en 1979 et le déclenchement de la lutte armée en janvier 1981 obligent le président américain Jimmy Carter élu en 1976 à revoir la politique américaine en Amérique latine. Cette nouvelle politique va consister à subordonner l'octroi de l'aide militaire au respect des droits de l'homme par le destinataire. La politique suivie par M. Carter au Salvador va dans le sens de la promotion des droits humains. Sous le règne du général Romero frauduleusement élu à la présidence du Salvador en 1977, il accéda au pouvoir à la même période et tenta de faire pression sur le gouvernement salvadorien pour que les droits de l'homme soient respectés dans un climat où la répression était active. Son souci prioritaire était de collaborer avec les pays démocratiques de la région, comme le Costa Rica et surtout le Venezuela, afin de contraindre les dictatures militaires à respecter les droits de l'homme et à établir des calendriers de retour à la démocratie. C'est en ce sens que l'aide américaine aux régimes en Amérique latine fut conditionnée. Le coup d'Etat contre le général Romero, le soutien aux juntes militaro-civiles installées dans le pays dans le but d'enclencher une séries de reformes dans le pays en témoignent de cette attitude de la politique américaine du moins de celle cartérienne.

Mais son successeur  Ronald Reagan va modifier en profondeur la politique extérieure des Etats-Unis en lançant sa « croisade démocratique » en juin 1982 (Garibay 2004 : 127). Anticommuniste et arrivé au pouvoir dans un contexte de Guerre Froide, M. Reagan veut rapporter tous les conflits locaux à un affrontement généralisé Est-Ouest : la main de Moscou est partout. Ainsi, dès sa première conférence de presse présidentielle du 29 janvier 1981, il accuse les dirigeants soviétiques d'être prêts « à commettre n'importe quel crime, à mentir, à tricher72(*) » pour parvenir à la révolution mondiale (Toinet 1982 : 503). Selon lui, la guérilla qui se développe au Salvador est l'oeuvre des soviétiques et de leurs alliés cubains qui n'hésitent pas à les soutenir. Son élection comme président des Etats-Unis fait passer la lutte contre le communisme et la subversion en Amérique centrale avant la défense des droits de l'homme. Le nouveau gouvernement s'abstiendrait de critiquer les atteintes aux droits de l'homme dans les régimes autocratiques « amis », leur rétablirait l'aide économique et militaire et leurs troupes, fournirait des « conseillers » militaires et n'hésiterait pas à reprendre les activités clandestines contre-insurrectionnelles (covert activities) contre les groupes de gauche73(*) (Toinet 1982 : 504). Refusant de lier l'aide nord- américaine aux reformes effectivement entreprises, Ronald Reagan base sa politique sur la reprise en main d'une région historiquement sous sa domination et qui, depuis le succès des sandinistes, tend à échapper à son contrôle (Lemoine 1988 : 306).

Craignant une véritable contagion révolutionnaire dans la région après le succès des sandinistes et qui risque de saper les intérêts nord-américains, Reagan a fait du Salvador une place de choix dans son agenda et n'hésita pas à soutenir financièrement et matériellement le gouvernement salvadorien en vue de lutter contre la guérilla du FMLN74(*). Et comme le précise en effet un de ses principaux adjoints : « il serait inconcevable que la nouvelle administration laisse tomber le Salvador tomber (aux mains de la guérilla) sans faire le moindre effort pour l'empêcher. Reagan ne peut se peut se permettre un autre Nicaragua75(*) » (Toinet 1982 : 504). C'est dans cette optique qu'il intensifia l'aide américaine et apporta considérablement son soutien au gouvernement salvadorien contre la guérilla du FMLN76(*).

Toutefois, la politique américaine ne changea guère de fond, du Nicaragua au Salvador, de M. Carter à M. Reagan. En toute circonstance ce fut la sauvegarde d'intérêts nord-américains dans la région dans son ensemble. Néanmoins ce fut au niveau des formes des stratégies politiques que les divergences paraissent.

Que ce soit la politique cartérienne ou reaganienne, ce fut plus ou moins un échec par rapport au but à atteindre. Mais cela est à relativiser un tout petit peu. La politique de promotion des droits de l'homme de Carter eut des effets ambigus. Mais elle eut au moins le mérite d'attirer l'attention du monde sur la cruauté de certains régimes latino-américains. Ceux-ci furent frappés d'ostracisme par la communauté internationale, alors que les opposants étaient encouragés dans leurs efforts. Il y eut là un facteur d'évolution non négligeable qui porterait ses fruits ultérieurement (Dabène 2006 : 166).

En ce qui concerne celle de Reagan mis à part qu'elle a empêché la guérilla de parvenir au pouvoir par une victoire militaire, elle n'a pas cependant réussi à faire du Salvador un cas-test contre l'expansionnisme soviétique et anéantir totalement le FMLN. Tout compte fait, les guérilleros ne vont pas rester les bras croisés. Eux aussi rechercheront du soutien à l'extérieur pour leur permettre de parvenir à réaliser leurs objectifs.

* 70 Menjivar Larin R. (1979) : « El Salvador, le plus petit maillon » in Monde Diplomatique et traduit en français dans une brochure éditée par le comité de solidarité avec le peuple d'El Salvador (Paris 1980, déjà épuisé).

* 71 Pearce J., Under the Eagle, Londres, Latin America Bureau, 1981, p. 2 cité par Toinet (1982: 501).

* 72 Cité in Strout R.L, « Reagan's Foreign Policy Blitz », Christian Science Monitor, 23 février 1981, repris par Toinet (1982 : 503).

* 73 Chardy A, « Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key », Miami Herald, 4 janvier 1981, cité par Toinet (1982: 504).

* 74 Lors de l'offensive du FMLN en janvier 1981, les forces armées salvadoriennes reçoivent des Etats-Unis de l'équipement, des armes, des munitions pour une valeur de 35,4 millions de dollars et 55 conseillers militaires nord-américains (Lemoine 1988 : 306).

* 75 Cité in Chardy A, « Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key », Miami Herald, 4 janvier 1981.

* 76 Selon Cynthia McClintock, le Salvador reçut dans les années quatre-vingt 3,6 milliards de dollars. McClintock C., Revolutionary Movements in Latin America, United State Institute of Peace Press, 1998, p. 221, cité par Villalobos (1999: 141).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand