PREMIERE PARITIE : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIE
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
1.1 Problème général de
recherche.
Le contexte mondial actuel est fortement dominé par les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
<<Les OMD sont une série de huit (08) objectifs
spécifiques (quantitatifs dans de nombreux cas) qui visent à
améliorer la condition humaine », nous rappellent Sanjay REDDY
et Antoine HEUTY4. Ces objectifs sont une synthèse des
objectifs internationaux en matière de développement convenus aux
conférences sur le développement social, et aux réunions
et sommets des Nation Unies des années 90, ainsi que de la
déclaration du millénaire approuvée par l'ensemble des
chefs d'Etat au Sommet du Millénaire tenu en Septembre 2000 à New
York. Le deuxième objectif5 (qui nous intéresse
particulièrement) projette d'<< assurer une éducation
primaire pour tous » d'ici à 2015. Pour le Ministère de
l'Action Sociale et de la Solidarité Nationale6(2005),
<< La pauvreté des familles constitue un sérieux
handicap au maintien de la quasi-majorité des OEV dans le système
éducatif ». Dans ce double contexte de pauvreté des
familles et d'impératif de scolarisation des enfants, le problème
général de recherche vise à appréhender les
stratégies mises en oeuvre par les ménages pour faire face aux
besoins de scolarisation des orphelins.
1.2 Question générale de recherche
Dans la mesure où la présence des orphelins dans
les ménages engendre des charges supplémentaires pour elles,
on peut se poser la question suivante : quelles stratégies les
4 REDDY Sanjay et HEUTY Antoine, réalisation
des OMD, critique et stratégie, www.columbia.eddu/-
sr793/AchievingtheMDGs.french.pdf
5 En rappel les sept (07) autres OMD sont :
réduire l'extrême pauvreté et la faim ; promouvoir
l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ;
réduire la mortalité infantile; améliorer la santé
maternelle ; combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies ; assurer
un environnement durable; mettre en place un partenariat mondial pour le
développement.
6 Ministère de l'Action Sociale et de la
Solidarité Nationale, Cadre Stratégique de Prise en Charge des
OEV, Ouagadougou, mars 2005, p16
familles ayant en charge des orphelins mettent-elles en oeuvre
pour assurer leur scolarisation ?
1.3 Revue de littérature
La revue de littérature est indispensable pour notre
recherche. Elle permet de s'imprégner des approches déjà
faites et, de voir comment le thème a été abordé
dans les publications existantes. Dans notre cas, nous les avons
regroupées en quatre (04) thématiques : le statut social de
l'orphelin, la situation de l'offre scolaire au Burkina Faso, les
représentions sociales de l'école et l'impact du VIH /SIDA sur la
scolarisation.
. Le statut social de l'orphelin
Pour mieux comprendre le statut social de l'orphelin il
convient nécessairement de se pencher d'abord sur le «regard
> de la société vis-à-vis de l'enfant qui a perdu
ses parents. B. TAVERNE7 (1997) a essentiellement
étudié les pratiques sociales à l'égard des
orphelins dans la société Moagha.
Pour lui, devenir orphelin (Kiiba) chez les mossis est
interprété comme une perturbation de l'ordre
naturel/devin/ancestral et le plus souvent la responsabilité est
attribuée à l'orphelin. A travers un processus d'imputation de la
cause, l'enfant orphelin est considéré comme responsable du
décès de son père ou de sa mère. La mort du parent
est censée révéler la personnalité et la nature de
l'enfant. S'il a pu se « débarrasser > de son
père ou de la mère, cela signifie qu'il a la «
tête dure > et qu'il entretien des relations étroites avec
les entités du monde supra humain (les génies).
Ses pouvoirs ou ses liens avec l'au-delà sont
suffisamment forts pour lui permettre de s'affranchir de ses parents en les
tuant. Ainsi, cet enfant inspire la crainte. Cette crainte suscite des
sentiments équivoques de la part des adultes qui assurent la prise en
charge
7 TAVERNE Bernard, La dimension occultée : le statut
social de l'enfant orphelin. Société d'Afrique et SIDA (FRA),
1997, No 17,18 p7
de l'enfant. L'orphelin est coupable d'avoir
éliminé ses parents, il n'est pas vraiment digne d'être
l'objet de soins attentifs. La force qui lui a permis un tel acte oblige
à la méfiance. Ne serait-il pas capable (avec l'aide des
génies qui l'accompagnent) de punir par la mort les personnes qui le
négligeraient ?
Plus loin, B. TAVERNE8 (1997), se basant sur des
recherches antérieures, souligne que de telles représentations
culturelles de l'orphelin ne sont pas spécifiques à la
société moagha. A quelques nuances près, qui sont la
marque d'organisations sociales et de références culturelles
différentes, des représentations semblables se retrouvent dans
d'autres sociétés du Burkina Faso : Dagari, Gurmantché,
Peul, et Samo.
Cependant, la persistance de ces formes de
représentations culturelles ne permet pas d'appréhender
totalement le statut social de l'orphelin ou son devenir. Il convient
nécessairement de faire une analyse de ce statut à travers le
droit moderne et le droit coutumier.
Selon le droit moderne burkinabè, le statut de
l'orphelin est officiellement défini par le Code des Personnes et de la
Famille (CPF) entré en application en 1990. Ce code précise les
modalités de prise en charge des enfants orphelins, « si l'un
des père ou mère décède (...) l'autorité
parentale est dévolu de plein droit à l'autre > (article
519). « Lorsque les père et mère sont
décédés (...) il y a lieu de désigner un tuteur
> (article 520). L'organisation de la tutelle incombe au juge du
tribunal civil (article 557), « s'il n'y a pas de tuteur testamentaire
(...), un tuteur sera donné au mineur par le conseil de famille >
(article 563). Ce conseil est composé de quatre membres
désignés par le juge des tutelles (...) qui les choisit de
préférence parmi les parents ou alliés du père ou
de la mère (article 566).
En pratique, le code est encore loin d'être connu et
appliqué sur l'ensemble du territoire. Pour la majorité des
près de onze (11) millions d'habitants qui vivent en
8 TAVERNE Bernard, La dimension occultée : le statut
social de l'enfant orphelin. Société d'Afrique et SIDA (FRA),
1997, No 17,18 p7
milieu rural (sur les treize (13) que compte le
pays)9, le droit des personnes est régi par diverses formes
de droit coutumier, variables pour chaque groupe ethnique. La plus grande
partie de la population du Burkina vit dans une situation de double droit : un
droit coutumier, qui régit l'ensemble des rapports sociaux quotidiens et
un droit moderne plus théorique et lointain. Il y est fait
référence lorsque l'application du droit coutumier ne parvient
pas à résoudre le problème qui lui est soumis et/ou que
celui-ci est porté devant les instances administratives de l'Etat.
Selon le droit coutumier dans la société mossi,
et selon l'organisation sociale (la société mossi est
patrilinéaire, le mariage polygamique-polygynique, la résidence
est patri- virilocale), le devenir des enfants orphelins se réalise de
la façon suivante : lorsque la mère décède, ses
enfants sont confiés aux autres épouses du mari (B. TAVERNE,
1997). Ils ne quittent donc pas l'espace domestique dans lequel ils vivent
depuis leur naissance. Lorsque c'est le mari qui décède, l'enfant
va suivre sa mère dans la procédure du lévirat qui lui
sera proposée. Si celle-ci refuse le lévirat, elle quitte alors
la famille de son mari. Elle ne peut partir qu'avec l'enfant qu'elle allaite,
qu'elle devra ramener lorsqu'il sera sevré.
Cependant, B. TAVERNE10 (1997) rappelle que ce
statut social de l'orphelin ne peut être considéré comme
une donnée immuable et définitive. Les sociétés
africaines parmi lesquelles celle d'Afrique de l'Ouest sont engagées
dans de profonds changements sociaux dont l'épidémie du SIDA est
à la fois cause et conséquence. Il est fort probable qu'en
lui-même, l'accroissement du nombre d'orphelins à cause de
l'épidémie provoquera divers réajustements sociaux qui
modifieront leur statut.
9 Selon les résultats provisoires du
Recensement Général de la Population et de l'Habitation (RGPH) de
2006 publié par le journal SIDWAYA dans sa parution du 25 Juillet 2007,
le Burkina Faso compte 13 730 258 habitants dont 51,7% de femmes et 48,3%
d'hommes. Par ailleurs, 20% de la population vit en milieu urbain contre 80% en
milieu rural.
www.mediaf.org/fr/medias/fiche.php
10 TAVERNE Bernard, La dimension occultée : le statut
social de l'enfant orphelin. Société d'Afrique et SIDA (FRA),
1997, No 17,18, p8
Cependant, le statut de l'orphelin et les
représentations sociales ne constituent pas en elles-mêmes les
déterminants qui expliquent les difficultés de scolarisation. Il
conviendrait de passer en revue la situation même de l'offre scolaire au
Burkina Faso.
? L'offre d'éducation au Burkina Faso
A voir un peu l'évolution du taux de scolarisation au
Burkina, le moins que l'on puisse dire c'est que la scolarisation progresse
mais demeure faible. Marc PILON et Madeleine WAYACK11(2003)
confirment ce constat.
Au moment de l'indépendance, en 1960, font-ils
remarquer, le taux brut de scolarisation12 (pour les 7-14 ans)
était de 6,5%. Le décret du 03 Août 1965 régissant
l'enseignement primaire en (ex) Haute-Volta, reprit l'objectif d'une
scolarisation universelle à atteindre d'ici 1980, objectif
arrêté lors de la conférence des chefs d'Etats africains
tenue à Addis Abeba en Ethiopie en 1961. Décret qui cependant
prit soin de conditionner cet objectif « aux limites des
possibilités d'accueil ». En 1970, le taux brut de
scolarisation n'était encore que de 11% et de seulement 15,8% à
la veille des années 80. Il a fallu attendre la période
révolutionnaire « sankariste » (1983-1987), pour voir
un accent particulier mis sur l'offre scolaire : trois mille (3000) nouvelles
salles de classe sont construites sur cette période, contre mille six
cents (1600) pour l'ensemble des deux (02) décennies 1960 et 1970. En
dépit des efforts poursuivis les années suivantes, le taux brut
de scolarisation n'était que de 30% en 1990 (calculé pour les
7-12 ans).
Les actions entreprises au cours de la décennie 1990, en
référence au discours de Jomtien13
(conférence tenue en 1990 en Thaïlande) sur l'éducation pour
tous en 2000,
11Marc PILON et Madeleine WAYACK, la
démocratisation de l'enseignement au Burkina-Faso: que peut-on en dire
aujourd'hui ? EHESS, (FRA), Cahier d'études africaines, 2003, vol.43,
n°169-170. p63-86
12 Le taux brut de scolarisation désigne le
total des effectifs dans un degré spécifique d'enseignement,
quelque soit leur âge, exprimé en pourcentage de la population
ayant le droit et l'âge légal d'entrer à l'école au
même degré d'enseignement dans une année scolaire
donnée. Il diffère du taux net de scolarisation qui lui
représente les effectifs d'un groupe d'âge officiel dans un
degré donné d'enseignement exprimé en pourcentage de la
population correspondante
http : //
www.uis.unesco.org/i
pagesfr/indspec/tecspe ner.htm
13 Conjointement convoquée par l'UNICEF, le
PNUD, l'UNESCO et la Banque Mondiale, la conférence mondiale sur
l'éducation pour tous s'est tenue du 05 au 09 Mars 1990 à
Jomtein. Elle a réuni les délégués de 155
confirment la priorité accordée au primaire tant
au niveau de l'Etat que de la coopération internationale,
priorité qui s'est concrétisée par un accroissement plus
marqué de l'offre scolaire. En effet, au cours de ces dix
dernières années, environ neuf mille cents (9100) nouvelles
salles de classe ont été ouvertes portant le nombre total
à dix sept mille trente sept (17037), soit un accroissement de l'offre
scolaire supérieur à celui opéré par le pays en
trente (30) ans, de 1960 à 1990, avec un taux de scolarisation de 41,3%
en 2000, pour un total d'environ huit cent cinquante mille (850.000)
élèves. Cette situation selon Marc PILON et Madeleine
WAYACK14 (2003) « traduit certes les efforts accomplis, le
Burkina Faso restant cependant encore loin du fameux objectif de
l'éducation pour tous » Pour donner un coup de pouce au
processus, le gouvernement en accord avec ses partenaires financiers a mis en
place en 2000 le Plan Décennal pour le Développement de
l'Enseignement de Base (PDDEB)15 (stratégie nationale pour
atteindre le deuxième objectif du Millénaire : une
éducation pour tous). Ce plan ambitieux prévoit atteindre un taux
de scolarisation de 70% en 2009. Des efforts particuliers seront entrepris pour
les filles (taux de scolarisation de 65% prévu pour 2009). C'est un
budget global de deux cent trente cinq (235) milliards de francs CFA qui sera
injecté dans ce plan qui devrait voir la construction et
l'équipement de vingt mille cent trente (20130) salles de
classe16.
A mi-parcours (2006), les différentes actions
entreprises ont permis de porter le nombre de salles de classes au plan
national à vingt six mille cinq cent quarante quatre (26544). Quant au
taux brut de scolarisation, il était de 60,7%17 (66,1% pour
les garçons et 55% pour les filles).
Pour parler d'éducation, il faut certes une
disponibilité de structures d'accueil. Mais cette condition se
révèle à elle seule insuffisante pour expliquer des
difficultés de
pays qui ont adopté des textes visant à
répondre aux besoins éducatifs qui projetaient d'atteindre
l'éducation pour tous avant la fin de la décennie 90.
14 Marc PILON et Madeleine WAYACK, la
démocratisation de l'enseignement au Burkina-Faso: que peut-on en dire
aujourd'hui ? EHESS, (FRA), Cahier d'études africaines, 2003, vol.43,
n°169-170. P74
15 Sources : les echos d'edukafaso,
www.edukafaso.org/doc/les
echos-8.pdf.
16Ministère de l'Enseignement de Base et de
l'Alphabétisation, Plan Décennal de Développement de
l'Education de Base, 2001-2010, Ouagadougou, Burkina Faso, 56p
17 MEBA, Statistiques de l'Education de Base
2005/2006, Direction des Etudes et de la Planification (DEP), Ouagadougou,
Burkina Faso, Mai 2006, p261
scolarisation. Il faudrait alors prendre en compte les raisons
sous-jacentes qui déterminent le désir de scolarisation
même dans les sociétés.
? La demande d'éducation au Burkina Faso
La demande d'éducation résulte à la fois
de facteurs économiques et culturels. D'un côté, selon Remi
CLIGNET18 (1994), << elle est déterminée par
les ressources que les familles peuvent allouer à la scolarisation de
leurs enfants et par les coûts directs et indirects que
l'expérience implique ». Elle dépend donc des droits
d'inscription exigés par les écoles, des dépenses
vestimentaires et des achats des livres et du matériel
pédagogique. Cette variante économique semble d'autant plus
importante qu'elle a retenu l'attention de Philippe de VREGER
19(1994).
Se basant sur le mode de G. Becker et G. Lewis, il note que
<< la «qualité» des enfants est
déterminée par leur capital humain, lequel est en partie
hérité (patrimoine génétique) et en partie acquis
». On augmenterait alors ce capital humain en nourrissant les
enfants, en les soignant et bien sûr en les scolarisant. Par
conséquent, la qualité des enfants a un coût (q) que le
ménage évalue et, prend en compte lorsqu'il décide de sa
fécondité. Si le ménage a pour objectif de donner la
même qualité à chaque enfant et, que chacun d'entre eux
part avec le même patrimoine génétique, alors la
dépense totale est égale au nombre total d'enfants (n),
multiplié par le coût de chacun d'entre eux (q) soit n.q
et, toute augmentation de la qualité des enfants se traduit par
une augmentation du coût. Cependant, rappelle Philippe de VREGER (1994
:98), le modèle présente plusieurs inconvénients.
D'une part, il est statique et d'autre part, les
hypothèses relatives à l'information dont dispose le
ménage sont très forts : le ménage choisit au
départ le nombre de ses enfants et la qualité qu'il
désire donner à chacun d'eux. Mais chacun sait que les enfants
18 CLIGNET Remi, La demande d'éducation :
aspects sociologiques. Afrique contemporaine (FRA), 1994, N°
spécial, p114
19 De VERGER Philippe, La demande d'éducation :
déterminants économiques. Afrique contemporaine (FRA), 1994,
N° spécial p92-107
naissent les uns après les autres, et que le
ménage ne peut prévoir à l'avance les capacités
naturelles dont sera doté chaque enfant. Par ailleurs, le cadre dans
lequel s'applique le modèle est celui d'une famille nucléaire (le
père, son (ou ses) épouse (s) et leurs enfants) monogames ou
polygame.
Pour lui donc, il conviendrait de considérer la famille
étendue c'est-à-dire un groupe d'individus réunissant non
seulement le chef de ménage, son (ou ses) épouse(s) et leurs
enfants, mais aussi les neveux, nièces, petits enfants, cousins et
cousines qui gravitent autour de cette famille nucléaire pour comprendre
d'avantage l'ampleur de la difficulté.
Mais quel peut être en réalité le coût
de l'éducation d'un enfant?
S'inspirant des résultats d'une enquête
menée en Côte d'Ivoire en 1985, Philippe de VREGER (1994 :102)
note que pour les enfants du chef de ménage et de son (ou ses)
épouse(s), la moyenne des dépenses totales allouées
annuellement à l'éducation atteint quarante sept mille trois
cents francs CFA (47 300 FCFA) par enfant. Ce qui représenterait 8,5 %
des dépenses annuelles des ménages de l'échantillon dont
un (ou plusieurs) enfants est (ou sont) scolarisé(s).
Les dépenses sont le reflet de choix effectués
par le ménage et ne traduisent pas forcément le coût
minimum de l'éducation. En revanche, la même étude
révèle que concernant les enfants vivant dans le ménage,
mais dont les parents ne sont pas identifiés comme chef de
ménage, les dépenses allouées à leur
éducation sont en général nettement moins
élevés que pour les autres enfants et n'atteignent en moyenne que
trente quatre mille cinq cents (34500) francs CFA. Cette
inégalité de traitement entre les enfants du chef de
ménage et les autres enfants a aussi fait l'objet d'une étude
menée par Komla LOKPO20(1999) dans la ville de Ouagadougou,
où il analyse les répercutions des traitements
inégalitaires subis par les enfants sous protection
20LOKPO komla, Conditions socio-économiques
et rendement scolaire des élèves sous tutorat à
Ouagadougou: une approche des relations entre la famille "tutorale" et les
résultats à l'école. Université de Ouagadougou,
Mémoire de Maitrise, FLASHS, 1999, 121 p.
«tutorale» sur leur rendement scolaire. Il y
relève un sentiment d'insécurité ressenti par les
élèves.
Au Burkina Faso, la scolarisation a été
décrétée gratuite et obligatoire pour tous les enfants en
âge d'aller à l'école (L'Enseignement du Premier
Degré est, dans les limites de possibilités d'accueil,
obligatoire pour les enfants des deux sexes de six (06) ans à quatorze
(14) ans révolus.)21
Cela ne signifie pas pour autant que les coûts de
l'éducation sont négligeables. Maxime COMPAORE22
(1996) a mené une étude dans la ville de Ziniaré et le
village de Guiloungou. Il en est arrivé au constat que « la
scolarisation d'un enfant nécessite un engagement de sa famille à
réunir les meilleures conditions de travail. Outre la cotisation
annuelle au niveau de l'association des parents d'élèves, les
familles doivent assurer l'achat des fournitures scolaires, l'habillement, la
restauration ». Autant de dépenses qui ne font qu'alourdir le
prix à payer pour la scolarisation.
L'auteur a d'abord passé en revue la situation scolaire
sous la période coloniale où la structure dirigeante de
l'enseignement, au regard du nombre très réduit des écoles
et des élèves, arrivait à assurer une dotation gratuite en
fournitures scolaires. A partir de 1960, les parents d'élèves ont
commencé à être mis à contribution pour l'achat de
stylos, puis de cahiers et de livres. De nos jours, fait-il remarquer, tout le
matériel utilisé à l'école par
l'élève est à la charge de ses parents.
Mieux, les quantités et les coûts des fournitures
scolaires augmentent au fur et à mesure que l'enfant avance dans sa
scolarisation. Il a évalué le coût des fournitures
scolaires de deux mille sept cent quatre vingt dix francs CFA (2 790 FCFA) au
CP1, à huit mille quatre cent quatre vingt francs CFA (8 480 FCFA) au
CM2. A ces coûts, il faudrait y ajouter la cotisation des parents
d'élèves de mille cinq cents francs CFA (1500 FCFA) mais, aussi
le coût approximatif des dépenses alimentaires et
21 DECRET N° 289 BIS/PRES/EN portant
réorganisation de l'enseignement du Premier Degré, du 03
Août 1965.
22 Maxime COMPAORE, Ecole: Ziniaré et famille au BF,
étude de cas et Guiloungou. L'Harmattan Paris (FRA), 1996, p167.
vestimentaires pour avoir une idée plus nette de
l'aspect coûteux de l'école et comprendre en partie le
comportement des parents qui avouent leur incapacité à scolariser
tous leurs enfants.
En outre, l'école n'est pas seulement que coûts.
Elle est avant tout représentation, perception culturelle et calcul
d'intérêt.
Parler d'école, c'est avant tout parler d'une
représentation que se font les individus de cette institution, de leurs
attentes par rapport à elle et aussi de la manière qu'ils
voudraient la voir fonctionner. Ces représentations sont les marques de
différentes expériences vécues mais aussi des
représentations sociales. Ces représentations peuvent
présenter des divergences selon que l'on est en ville ou en campagne.
Anselme YARO 23(2002) en a essentiellement fait cas dans une
étude menée dans trois (03) localités différentes :
Koudougou (localité urbaine), Kyon (localité semi urbaine) et
Tiodié (localité rurale). Il ressort de son étude que bien
que l'école soit considérée comme bénéfique
pour tous, il n'en demeure pas moins que les parents y trouvent à
critiquer. Le malaise principal vient du fait que l'école est
considérée comme trop chère (fournitures, vêtements,
etc.), les abandons dus aux échecs excessifs. Ce malaise se ressent avec
une certaine acuité selon que l'on va d'une localité urbaine
à une localité rurale. De plus, le manque de
débouchés pour les diplômés inquiète aussi
les parents qui jugent l'offre scolaire en inadéquation avec la demande
scolaire. En outre, trois (03) raisons essentielles sont évoquées
par les parents qui ne scolarisent pas tous leurs enfants: le manque de moyens
financiers, les échecs scolaires mais aussi la nécessité
de garder des enfants à la maison comme main-d'oeuvre. Ce dernier aspect
renvoie à la conception de Remi CLIGNET24 (1994) pour qui
« la demande d'éducation est aussi influencée par le
manque à gagner que la fréquentation de l'école
représente pour les familles ». Les groupes domestiques ruraux
doivent financer le remplacement de la main d'oeuvre dont ils ont besoin pour
le travail de
23 Anselme YARO, Représentations de
l'école par les parents au Burkina Faso, Colloque (la recherche face au
défis de l'éducation), Ouagadougou 19-22 novembre 2002.
24 CLIGNET Remi, La demande d'éducation :
aspects sociologiques. Afrique contemporaine (FRA), 1994, N°
spécial, p111
leurs champs ou le gardiennage de leurs troupeaux. Les groupes
urbains doivent, quant à eux, se passer des revenus engendrés par
l'emploi de leurs fils ou de leurs filles. Cette situation en elle-même
est tributaire du niveau d'instruction des parents (c'est-àdire leur
connaissance du milieu scolaire) et de leur capital culturel. Cependant
rappelle l'auteur, l'impact même du milieu économique et
socioculturel global peut subir des variations. Une étude similaire
faite par Philippe DE VREYER25 en Côte d'Ivoire, lui a permis
d'aboutir au même constat. Pour lui, les ménages (surtout ruraux)
préfèrent repartir les rôles entre leurs enfants. Certains
iront à l'école, d'autres recevront une formation sur le tas en
participant à l'activité économique de la famille. Si les
ménages manquent de ressources et n'ont qu'une faible capacité
d'emprunt, ils peuvent choisir de commencer par investir dans le capital humain
spécifique des aînés, puis d'utiliser leur contribution au
revenu de la famille pour financer la scolarisation des plus jeunes. Quelles
que soient l'origine et l'importance des ressources des groupes domestiques,
leurs chefs adoptent des stratégies éducatives distinctes
influencées à la fois par les liens de parenté qui les
lient aux enfants dont ils ont la garde, le sexe, l'ordre de naissance de leurs
propres enfants et les bénéfices qu'ils attendent de la
scolarisation.
Cependant de nos jours, l'avènement du VIH/SIDA tend
à rendre encore plus difficile le problème de la scolarisation
par le biais de ses nombreux impacts sur le domaine scolaire.
? Rapport entre scolarisation et VIH/SIDA
Yacouba YARO 26(2002) soutient que le VIH/SIDA
exerce un effet dévastateur sur les enfants de l'Afrique subsaharienne,
où vivent plus de 90% des orphelins du SIDA, des enfants dont la
mère ou les deux parents sont morts du SIDA. Pour beaucoup d'entre eux,
les chances sont minces non seulement d'accéder à l'école
mais en plus elles se
25 Philippe DE VREYER, une analyse économétrique de
la demande d'éducation en côte d'ivoire, Revue d'économie
du développement, vol1.
26 YARO Yacouba, Sida et éducation au Burkina
Faso: que sait-on ? Colloque (la recherche face aux défis de
l'éducation au Burkina Faso), Ouagadougou, 19-22 novembre
2002.
www.ird.bf/prog/areb/annuaire.
trouvent quasiment réduites de poursuivre pour ceux qui
y sont déjà. L'absence de soutien vital à ses orphelins et
enfants vulnérables est souvent le fait explicatif de leur
précarité scolaire. Pour preuve une étude mondiale de la
banque mondiale montre que parmi les enfants scolarisés, un quart (1/4)
quitte l'école avant d'avoir appris à lire et à
écrire.
L'auteur (Yacouba YARO) s'est ensuite basé sur des
études menées en Côte d'Ivoire qui ont montré que
lorsque la personne qui procure la principale source de revenu est atteinte du
SIDA, le revenu du ménage est réduit des deux tiers (2/3), et sa
consommation, notamment en matière d'éducation, baisse de
moitié. Ce qui évidemment a pour conséquence de mettre la
scolarisation comme non prioritaire quand le SIDA frappe la famille. De fait,
avec la pandémie du SIDA, l'accès à l'école devient
non seulement hypothétique, mais elle se présente comme une
priorité de moindre importance car la recherche du minimum vital
conditionne tout pour ces enfants.
En effet, l'étude rapportée par l'auteur a
révélé que lorsqu'un enfant a perdu un de ces parents, il
a seulement 50% de chance d'aller à l'école. Mais quand les deux
parents sont tous décédés, il ne lui reste plus que 10% de
chance d'accéder à une école. Pour ceux qui sont
déjà scolarisés, il arrive fréquemment qu'ils
soient exclus de l'école ou qu'eux mêmes s'exclus car n'ayant plus
souvent les moyens pour continuer ou retourner à l'école. Ceux
qui malgré tout parviennent à rester à l'école se
retrouvent dans une situation de dualité entre école et emploi
domestique pour subvenir à leurs questions vitales.
Des constats similaires ont été faits par TOUGMA
née KABORE Marie Béatrice27 (2004) dans son
étude dans la ville de Bobo Dioulasso sur les conséquences
sociales et scolaires du VIH/SIDA sur les orphelins et enfants
vulnérables.
27 TOUGMA née KABORE Béatrice, les
conséquences sociales et scolaires du VIH/SIDA sur les orphelins et
enfants vulnérables : cas de la ville de Bobo Dioulasso, Mémoire
de fin de formation à la fonction d'inspecteur du 1er degré,
2003/2004, 127p
|