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Université catholique de Louvain ECOLE DES
SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
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L'EDUCATION PRIMAIRE COMME LEVIER DE
DEVELOPPEMENT
Analyse critique à partir de l'Objectif OMD 2
: « Assurer l'éducation primaire pour tous
»
Par Corinne STEPHENNE
Promoteur : Prof. J.-E. CHARLIER Mémoire
présenté dans le cadre du
Rapporteur : Prof. J.-M. WAUTELET Master 120 en sciences de la
population
et du développement,
Orientation approfondie
Session de septembre 2011
Remerciements
Nous remercions chaque personne ou organisme qui a
contribué directement ou indirectement à l'aboutissement de ce
mémoire. Nous pensons à nos professeurs de
l'UCL, particulièrement au professeur et promoteur J.-E.
Charlier, et à notre entourage proche pour sa compréhension et
ses conseils avisés.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
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6
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I. OBJECTIF ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL
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7
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1. OBJET DU MEMOIRE
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7
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2. PROBLEMATIQUE
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8
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2.1. La question de départ
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8
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2.2. La problématique
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8
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3. CADRE THEORIQUE
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13
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3.1. L'éducation comme droitfondamental
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13
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3.2. L'éducation et les théories
démographiques
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14
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3.4. L'éducation et les théories
économiques et/ou du développement
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16
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4. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
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20
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4.1. Le modèle d'analyse
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20
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4.2. Le concept de développement
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22
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4.3. Le concept d'éducation scolaire de base
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27
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4.4. Les critères de qualité
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30
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4.5. La méthodologie
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31
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II. ANALYSE DE LA MISE EN OEUVRE DE L'OBJECTIF OMD
2
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34
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1. BREF RAPPEL HISTORIQUE
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34
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2. ANALYSE DE L'EFFICACITE
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36
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2.1. Les taux d'accès et d'achèvement
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36
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2.2. Les acquis d'apprentissage
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41
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2.3. Analyse de l'efficacité
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42
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3. ANALYSE DE L'EFFICIENCE
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46
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3.1. Le volume des ressources nationales et
internationales
|
46
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3.2. L'allocation des ressources
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50
|
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3.3. Analyse de l'efficience
|
52
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|
4. CONCLUSIONS
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54
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|
III. ANALYSE DE LA PERTINENCE DE L'OBJECTIF OMD 2 POUR
LE DEVELOPPEMENT ____56
1. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA CROISSANCE ET LE PROGRES
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57
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1.1. Evolution de l'éducation et du PIB, analyse
des rendements de l'éducation
|
57
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62
|
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68
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68
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2.2. Analyse de la pertinence
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71
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3. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
|
75
|
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3.1. Evolution de l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD
1
|
75
|
|
3.2. Analyse de la pertinence
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79
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4. ANALYSE DE LA PERTINENCE DU DEVELOPPEMENT ENDOGENE
|
88
|
|
4.1. Présentation des grands principes et des
actions qui s'y rattachent
|
88
|
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4.2. Analyse de la pertinence
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90
|
|
5. CONCLUSIONS
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93
|
|
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IV. MISE EN PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE DE L'OBJECTIF OMD
2
|
|
95
|
1. PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE
|
95
|
|
1.1. Le non enracinement local des systèmes
d'éducation
|
95
|
|
1.2. La dominance de la communauté
internationale
|
99
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|
1.3. La capacité, le rôle et les dilemmes des
Etats
|
101
|
|
1.4. Les limites de la théorie du capital
humain
|
103
|
|
2. PERSPECTIVE SOCIO-HISTORIQUE
|
104
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|
2.1. Bref rappel historique de l'histoire de
l'éducation
|
104
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2.2. Les enseignements de l'histoire de
l'éducation
|
107
|
|
3. CONCLUSIONS
|
110
|
|
V. PISTES D'AMELIORATION DU LIEN ENTRE L'OBJECTIF OMD 2
ET LE
DEVELOPPEMENT 112
VI. CONCLUSION GENERALE 115
VII. BIBLIOGRAPHIE 117
Liste des abréviations, sigles et acronymes
BAD Banque africaine de développement
CEA Commission économique pour l'Afrique
CUA Commission de l'Union africaine
DSNU Division de statistique de l'Organisation des Nations
Unies
DSRP Documents stratégiques de réduction de la
pauvreté
DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme
EPT Education Pour Tous
EPU Education primaire universelle
FAO Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture
GII Indice d'inégalité de genre
IDH Indice de développement humain
IIG Indice d'inégalité de genre
IPHI Indice de développement humain ajusté aux
inégalités
IPM Indice de pauvreté multidimensionnelle
ISF Indice synthétique de fécondité
MDG Millenium Development Goal
MLG Millenium Learning Goal
OCDE Organisation de coopération et de
développement économique
OMD Objectif du Millénaire pour le développement
PAEP Plan d'action pour l'élimination de la
pauvreté
PIB Produit Intérieur Brut
PIRLS Programme international de recherche en lecture scolaire
PISA Programme for International Student Assessment
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
PPA Parité de pouvoir d'achat
RDH Rapport sur le développement humain
RNB Revenu national brut
SACMEQ Southern and Eastern African Consortium for Monitoring
Education Quality
TIMMS Trends in International Mathematics and Science Study
UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture
UE Union européenne
Liste des tableaux
Tableau 1.1. : Les indicateurs du concept de développement
p.26
Tableau 1.2. : Les indicateurs en lien avec les politiques
d'éducation p.29
Tableau 1.3. : Les indicateurs de suivi du secteur de
l'éducation en Afrique p.30
Tableau 1.4. : Les critères et indicateurs d'analyse de
l'efficacité et de l'efficience p.32
Tableau 1.5. : Les critères et les indicateurs de
pertinence retenus rendant compte de l'effet
de l'éducation sur le développement pour l'Afrique
subsaharienne p.33
Tableau 2.1. : Indicateur de l'Objectif 2 des OMD p.37
Tableau 2.2. : Inégalité d'accès entre
régions du monde de l'Objectif 2 des OMD p.37
Tableau 2.3. : Indicateurs de l'objectif 2 EPT p.38
Tableau 2.4. : Inégalité de progrès et
d'accès dans l'objectif 2 EPT p.39
Tableau 2.5. : Inégalité d'accès à
l'école p.39
Tableau 2.6. : Indicateurs de l'Objectif 1 des OMD p.40
Tableau 2.7. : Profil de scolarisation transversal (Primaire),
indicateurs Fast Track p.40
Tableau 2.8. : 88 bonnes pratiques pour atteindre l'EPU p.45
Tableau 2.9. : Indicateur de l'Objectif 6 EPT p.48
Tableau 2.10. : Taux de croissance annuel des budgets de
l'éducation entre 1999 et 2008
p.48
Tableau 2.11. : Indicateurs financiers p.49
Tableau 2.12. : Paramètres de politique éducative
p.51
Tableau 3.1. : Evolution du PIB et de l'éducation par
niveau en Afrique subsaharienne p.57 Tableau 3.2. : Rendements privés,
sociaux et par années de l'éducation par région p.59
Tableau 3.3. : Rendements privés, sociaux et par années de
l'éducation par niveau de revenu
p.60 Tableau 3.4. : Rendements de l'éducation par genre
p.60 Tableau 3.5. : Mesures du développement humain en 2010 et de son
évolution depuis 1990
p.69
Tableau 3.6. : Evolution de la pauvreté en Afrique
subsaharienne de 1999 à 2005 p.76
Tableau 3.7. : Evolution de la scolarité en Afrique
subsaharienne de 1999 à 2008 p.76
Tableau: 3.8. Evolution du profil des emplois travailleurs en
Afrique subsaharienne p.77
Tableau 3.9. : Evolution de la population dénutrie et
profil des enfants non scolarisés en
Afrique subsaharienne p.78
Tableau 3.10. : Déploiement de l'éducation par
niveau d'éducation p.103
Liste des figures
Figure 3.1. : Lien entre croissance des revenus et l'IDH non
monétaire p.70
Figure 3.2. : Développement humain et croissance p.74
Figure 3.3. : L'instruction et les femmes p.85
Introduction générale
L'éducation de base, dans une plus ou moins grande
mesure suivant les courants de pensée dominants, a toujours fait l'objet
d'une attention particulière dans les politiques de
développement. L'éducation de base fait également l'objet
d'un consensus comme droit fondamental de l'être humain. Depuis
l'année 2000, elle a été mise une nouvelle fois au-devant
des priorités des politiques d'aide dans le cadre des Objectifs du
Millénaire pour le développement qui prévoient comme
deuxième objectif d'assurer l'éducation primaire pour tous d'ici
à 2015 ainsi que par le biais du programme Education Pour Tous de
l'Unesco.
Aujourd'hui, à 4 ans de l'échéance, nous
pouvons nous réjouir des avancées réalisées au plan
quantitatif. Cependant, nous devons aussi constater que l'objectif visé
d'une éducation primaire pour tous en 2015 ne sera probablement pas
atteint et que les avancées quantitatives peuvent cacher une
réalité beaucoup moins optimiste en termes d'acquis
d'apprentissage et d'impact sur le développement. Par ailleurs, certains
auteurs vont jusqu'à remettre en question la pertinence de l'objectif et
le lien entre l'éducation et la croissance.
Dans un tel contexte, le thème du mémoire que
nous avons choisi d'investiguer n'a pas pour objectif de prendre position pour
ou contre mais vise à explorer les interrelations entre
l'éducation scolaire et le développement de populations ou de
régions du monde marquées par une situation
généralisée de pauvreté.
A partir de la question « L'éducation
produit-elle du développement ? », le travail de recherche
réalisé comprend cinq grandes parties. La première partie
présente les objectifs et la méthodologie. La deuxième
partie présente les résultats de l'objectif 2 des Objectifs du
Millénaire pour le développement et du programme Education Pour
Tous et les analyse en termes d'efficacité et d'efficience. La
troisième partie questionne la pertinence et l'impact de
l'éducation sur le développement au regard de quatre grandes
approches du développement (la croissance et le progrès, le
développement humain, la lutte contre la pauvreté et le
développement endogène). La quatrième partie met en
perspective les politiques d'éducation au travers d'une approche
sociologique et historique en se centrant sur le critère
d'adéquation. La cinquième partie propose quelques pistes
d'amélioration visant à favoriser la relation positive entre
éducation et développement.
I. Objectif et méthodologie de travail
1. OBJET DU MÉMOIRE
Le mémoire a pour objectif d'analyser les effets de
l'éducation primaire sur le développement. Ce choix nous est
apparu opportun dans le cadre d'un master en sciences de la population et du
développement car au Nord, l'éducation et le capital humain sont
devenus un des piliers de l'économie de la connaissance et au Sud,
l'éducation primaire pour tous est un des huit objectifs des Objectifs
du Millénaire pour le développement adoptés par
l'Assemblée générale des Nations-Unies en 2000.
L'éducation est ainsi devenue un des piliers de l'essor
économique au Nord et a été érigée comme
choix pertinent au Sud pour permettre à des populations de sortir d'une
situation de pauvreté.
Cependant, au fur et à mesure de l'approfondissement du
sujet, ce lien de causalité s'est avéré beaucoup plus
complexe, à double sens, avec des interférences multiples
d'autres paramètres venant contrer ou supporter cette assertion selon
laquelle l'éducation conduit inexorablement au développement.
C'est de ce phénomène complexe, de ce lien entre
l'éducation et le développement que nous souhaitons rendre
compte. Il s'agit d'une part, de prendre en considération
l'éclairage de diverses disciplines, les théories et doctrines
qui ont amené à faire de l'éducation une priorité
pour tous. D'autre part, il s'agit de mettre en lumière les recherches
empiriques qui remettent en question l'importance accordée à
l'éducation ou qui apportent de la nuance et formulent des
recommandations pour faciliter l'émergence réelle de ce lien de
causalité positive dans des contextes tout autre que ceux que nous
connaissons en Occident.
Les travaux de recherche menés dans le cadre de ce
mémoire ont pour objectif principal de réaliser un état
des lieux et une première évaluation des politiques
d'éducation pour les pays en développement à faible
revenu. Une réflexion critique est menée à partir des
critères d'efficacité, d'efficience, de pertinence et
d'adéquation en s'appuyant sur des indicateurs de réalisation et
de résultat ainsi que sur diverses études empiriques. Par la
suite, un premier éclairage est proposé sur les conditions de
réussite d'un tel investissement à l'échelle des
populations locales.
2. PROBLÉMATIQUE
2.1. La question de départ
La question de départ que nous avons choisie pour
explorer le vaste champ de la relation entre éducation et
développement est à la fois simple et très large :
L'éducation produit-elle du développement ?
Elle a pour objet de questionner le consensus existant autour de
l'éducation comme facteur de développement.
A partir cette question, l'exploration du sujet s'est
organisée autour de plusieurs thèmes majeurs :
- le concept de développement : l'histoire des politiques
de développement et définitions;
- le concept d'éducation : l'histoire de
l'éducation scolaire et définitions; - l'économie et la
sociologie de l'éducation ;
- les théories économiques et du
développement et les études empiriques ; - les politiques de
développement et d'éducation ;
- les rapports des Nations Unies relatifs aux Objectifs du
Millénaire pour le développement et les rapports de l'Unesco
relatifs à l'Education Pour Tous, les rapports sur le
développement humain ;
- le suivi de l'actualité ...
Ces analyses et rapports d'état d'avancement nous ont
aidés à circonscrire le thème de notre mémoire et
à en préciser le fil conducteur.
2.2. La problématique
Depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme
en 1948, l'éducation scolaire fait partie des droits fondamentaux de
tout être humain. Parallèlement, le rôle positif de
l'éducation scolaire en matière de développement fait
l'objet d'un large consensus comme le rappelait encore Ph. Hugon en 2005 :
« Le rôle déterminant de la formation et
de l'éducation dans le processus de développement fait l'objet
d'un consensus de la communauté internationale. Depuis la
conférence d'Addis Abéba (1961) jusqu'au Forum de Dakar (2000) ou
aux objectifs du millénaire du développement (OMD),
l'éducation pour tous (UNESCO BREDA, 2005) est affirmée comme une
priorité. Ce rôle paraît
renforcé dans la nouvelle économie de
l'information et de la connaissance » (Hugon, 2005 :
13).
Les politiques d'éducation dans les pays en
développement reposent sur deux grands programmes: d'une part, le
programme Education Pour Tous mis en place en 1990 lors de la conférence
de Jomtien et renouvelé en 2000 lors du Forum de Dakar et d'autre part,
les Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés
en 2000 intégrant 8 objectifs à atteindre dont deux liés
à l'éducation. Il s'agit d'atteindre à l'horizon 2015
l'éducation primaire pour tous avec un accès égal entre
les sexes.
Malgré les efforts considérables
réalisés en faveur de l'éducation, force est de constater
en 2011 que, dans certaines régions du monde et plus
particulièrement en Afrique subsaharienne et les pays les plus pauvres,
les objectifs d'éducation ne seront pas atteints en 2015. Le rapport EPT
2011 de l'Unesco relate que si 52 millions d'enfants supplémentaires ont
été scolarisés entre 1999 et 2008, près de 67
millions d'enfants étaient encore non scolarisés en 2008 et que
si les tendances actuelles se poursuivent, il y aura encore 72 millions
d'enfants non scolarisés en 2015 (2011 : 45). C'est en Afrique
subsaharienne que les difficultés majeures sont observées. Dans
son communiqué de presse de Juillet 2010 (2010c), l'Unesco rappelait que
la scolarisation primaire a augmenté de 56% à 73% dans cette
région mais que :
- 32 millions d'enfants africains sont actuellement exclus de
l'école ; au rythme actuel, plus de 23 millions d'enfants ne seront
toujours pas scolarisés d'ici 2015 ; - un tiers des adultes ne sait ni
lire ni écrire ;
- l'aide extérieure est insuffisante : 2 milliards de
dollars annuels, alors qu'il en faudrait 16 pour les pays les plus pauvres ;
- il faudrait 1,2 millions supplémentaires d'enseignants
pour atteindre les objectifs ;
- l'Afrique est le continent le plus fortement marqué par
les inégalités liées au sexe, à la langue et au
lieu de vie.
En référence à l'indicateur de
développement humain, l'IDH, le rapport 2010 du PNUD nous informe que
l'IDH moyen du monde a crû de 41 % depuis 1970 et de 18 % depuis 1990
rendant compte de progrès considérables (PNUD, 2010b : 3).
Cependant, celui-ci cache de fortes variabilités et
inégalités régionales et au sein même de chaque
pays. L'Afrique subsaharienne est, au côté de l'ex-Union
soviétique, la région qui a
engrangé les progrès les plus lents.
Parallèlement, le rapport questionne le lien de causalité entre
revenu et éducation: << L'analyse de ce rapport met en doute
l'idée selon laquelle la croissance des revenus en termes
d'économie serait suffisante pour améliorer la santé et
l'éducation dans les pays à IDH faible et moyen » (PNUD
2010b : 7). En réponse aux défis actuels, le rapport rappelle que
<< les politiques de développement doivent être
basées sur le contexte local et des principes généraux
avisés » (PNUD 2010b : 1-3) et propose trois nouveaux indicateurs
rendant compte de la centralité des inégalités et de la
pauvreté multidimensionnelle dans le cadre de l'analyse du
développement humain.
Pour expliquer la lenteur des progrès en matière
d'éducation, notamment en Afrique subsaharienne, de multiples freins
d'ordre quantitatif, qualitatif, financier et humain, liés aux contextes
locaux et international ont été mis en évidence. En 2006,
le CEPED, le Centre Population et Développement, publiait un rapport
remarquable sur les défis de l'éducation en Afrique subsaharienne
en s'appuyant sur la contribution de chercheurs de disciplines diverses.
N. Henaff, économiste, analyse le lien entre
l'éducation et la croissance. Elle met en exergue l'influence des
théories économiques sur la définition des politiques de
développement et d'éducation, lesquelles postulent que
<<pour sortir de la trappe à pauvreté, il faut investir
dans l'éducation » (2006 : 73). Cependant, ces théories
éclairent les choix mais donnent peu d'indications sur la manière
de mettre en oeuvre la politique. Elle conclut en relevant que << Si le
principe d'une influence positive de l'éducation sur le
développement est - presque - unanimement accepté, ce n'est le
cas ni du sens, ni de la nature, ni de la force de la causalité. Les
prescriptions en matière de politiques d'éducation
relèvent dès lors davantage de la doctrine que de la science,
dont elles se réclament pourtant » (2006 : 87-88). Elle pose
également la question de l'investissement dans l'enseignement primaire
plutôt que dans les niveaux supérieurs au regard de la
théorie de la croissance endogène et du double rattrapage de
l'Afrique subsaharienne en termes d'alphabétisation et de connaissance
dans un monde globalisé.
M. Pilon, démographe, rappelle en introduction que
l'approche dominante repose sur << une conception utilitariste et
économistique de l'éducation ... une vision standardisée,
atemporelle, mécanique et a priori positive du rôle
joué par l'éducation ... y compris comme facteur-clé du
changement démographique » (2006 : 10). Pour l'Afrique
subsaharienne, il énumère les nombreux freins liés
à la mise en oeuvre des politiques éducatives : la croissance
démographique, la transition de la fécondité et la
population scolarisable, la mise au travail des enfants
liée à la pauvreté et à la
vulnérabilité, la pandémie du VIH/sida, les conflits et
les difficultés liées aux processus de démocratisation....
En se penchant sur les systèmes éducatifs, il relève les
faibles performances, les questions liées aux conditions de
réalisation de l'EPT et aux finalités de l'éducation, les
effets négatifs découlant de la fuite des cerveaux...
A. Vinokur, économiste, rappelle le contexte de la
mondialisation de l'économie et l'instauration progressive d'un «
nouvel ordre éducatif mondial>> alors que l'EPT est
confronté à un double problème de coût et de
financement (Pilon, 2006 : 15-16).
M.-F. Lange, sociologue, aborde la question du rapport entre
la société et l'éducation et pointe le rôle
déterminant de la famille sur la « demande sociale
d'éducation >> (2006 : 170). Elle met en exergue les freins
liés aux conditions de vie sur le « métier
d'élève » et la réussite scolaire (2006 : 176).
En mettant l'accent sur le rôle de la femme dans la conception de
l'éducation comme un droit, elle insiste sur la nécessité
de concevoir l'éducation comme un « droit >> au sein d'un
ensemble de « droits >> complémentaires entre eux «
Vouloir promouvoir le droit à l'école ou à
l'éducation sans prendre en compte tous les manquements aux autres
droits risque de ne pas engendrer l'adhésion populaire
présumée et/ou souhaitée >> (2006 : 178).
Plus récemment, A. Doudjidingao publiait en 2009 une
thèse de doctorat en économie sur la relation entre
éducation et croissance en Afrique subsaharienne. Cette thèse met
notamment en exergue que « les effets de l'éducation sur la
croissance sont conditionnés par l'amélioration de
l'environnement politique, et la capacité des institutions à
générer des politiques égalitaires et le
rétablissement de l'insécurité liée aux conflits
généralisés sur le continent>> (2009 : 317). Dans le
chapitre consacré au rôle des facteurs conjoncturels, les
résultats de ses recherches montrent que le niveau et le nombre moyen
des personnes formées sont déterminants pour déclencher
des externalités positives à l'échelle d'une nation ou
d'une région. Le faible niveau de développement ou
d'investissement éducatif d'un pays influence négativement le
développement des pays voisins, indépendamment de leurs efforts,
il parle ainsi d'effet d'appariement.
Dans le cadre de sa thèse de doctorat, A.-M. Diallo
pointe la forte augmentation des dépenses d'éducation au Mali
pour constituer en 2004 le premier poste budgétaire des dépenses
de l'Etat avec 32,8% (Diallo, 2007 : 134). Il pointe l'importance
déterminante de l'allocation rationnelle des ressources publiques
d'éducation et du lien à établir avec
le marché du travail. Les investissements aux
différents niveaux d'éducation doivent tenir compte des
opportunités réelles offertes par le marché local du
travail (2007 : 195). Dans le chapitre relatif aux indicateurs de performance
des systèmes éducatifs, il met en exergue deux difficultés
importantes pour l'analyse, d'une part, la disponibilité des
données chiffrées et d'autre part, << le conflit existant
entre ceux qui défendent la qualité ou la quantité »
(2007 : 118-119).
La question de la qualité a été
récemment étudiée par E. Duflo, économiste du
développement. Elle publiait en 2010 deux livres présentant les
résultats de ses recherches sur le développement humain relatifs
à quatre domaines dont celui de l'éducation. En réponse
aux << sceptiques de l'aide » face à des décennies
d'échecs y compris en matière d'éducation, elle s'est
interrogée sur l'organisation pratique des services dispensés
(2010 : 14). Elle propose << d'adosser le développement de la
santé et de l'éducation dans le monde à une technologie de
l'évaluation et de poser la question du choix : Comment
déterminer la meilleure politique, celle qui sera la plus efficace pour
parvenir au but qu'on s'est fixé ? » (2010 : 16). En
référence aux essais cliniques, ses recherches se sont
centrées sur l'efficacité de programmes en réalisant des
expérimentations aléatoires, des évaluations <<
randomisées » ou des comparaisons entre interventions (2010 : 17).
Elle rend compte de ses recherches en matière d'éducation en
partant d'une question de départ qui renvoie à l'importante
problématique de la qualité de l'enseignement dispensé au
côté des objectifs quantitatifs poursuivis actuellement <<
Inscrire ou instruire ? » (2010 : 21).
Au regard de ce bref tour d'horizon et avec du recul, il nous
est donc apparu essentiel de questionner les politiques d'éducation
actuelles sous l'angle de leur efficacité et de leur efficience et
surtout de les questionner sous l'angle de leur pertinence et de leur impact
dans les pays en situation d'extrême pauvreté et pour les
populations les plus pauvres c'est-à-dire confrontées à
des problèmes majeurs de sécurité alimentaire et de survie
au quotidien.
3. CADRE THÉORIQUE
De nos lectures et en fonction des objectifs du
mémoire, nous avons retenu comme références les
déclarations et conventions internationales relatives aux droits de
l'enfant ainsi que les théories issues des domaines
démographiques, économiques et du développement.
3.1. L'éducation comme droit fondamental
L'éducation est un droit fondamental depuis 1948.
L'éducation, au côté des libertés fondamentales et
« du droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé et son bien-être et ceux de sa famille » (article
25 de la DUDH), fait partie des droits fondamentaux de l'être humain et
est intégrée dans les textes fondamentaux relatifs aux droits de
l'homme. Trois textes adoptés par l'assemblée
générale de l'organisation des Nations unies y consacrent un
article. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 pose
le droit à l'éducation pour chacun, gratuit pour l'enseignement
élémentaire, et reconnaît le rôle de
l'éducation dans la société toute entière. La
Déclaration des droits de l'enfant de 1959 réaffirme le droit
à l'éducation et s'oppose au travail des enfants. La Convention
internationale des droits de l'enfant de 1989 pose le principe de la
coopération internationale dans le domaine de l'éducation en vue
de lutter contre l'ignorance et l'analphabétisme et met en exergue les
besoins des pays en développement.
La Déclaration universelle des droits de l'homme,
le 10 décembre 1948
Article 26 : « 1. Toute
personne a droit à l'éducation. L'éducation doit
être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement
élémentaire et fondamental. L'enseignement
élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et
professionnel doit être généralisé; l'accès
aux études supérieures doit être ouvert en pleine
égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L'éducation doit viser au plein
épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le
développement des activités des Nations Unies pour le maintien de
la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir
le genre d'éducation à donner à leurs enfants
».
La Déclaration des droits de l'enfant, le 20
novembre 1959
Principe 7 : « L'enfant a
droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire
au moins aux niveaux élémentaires. Il doit
bénéficier d'une éducation qui contribue à sa
culture
|
générale et lui permette, dans des
conditions d'égalité de chances, de développer ses
facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités
morales et sociales, et de devenir un membre utile de la
société.
L'intérêt supérieur de l'enfant doit
être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son
éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en
priorité a ses parents. L'enfant doit avoir toutes possibilités
de se livrer a des jeux et a des activités récréatives,
qui doivent être orientés vers les fins visées par
l'éducation; la société et les pouvoirs publics doivent
s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit ».
Principe 9 : « L'enfant doit
être protégé contre toute forme de négligence, de
cruauté et d'exploitation, il ne doit pas être soumis a la traite,
sous quelque forme que ce soit. L'enfant ne doit pas être admis a
l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié; il ne
doit en aucun cas être astreint ou autorisé a prendre une
occupation ou un emploi qui nuise a sa santé ou a son éducation,
ou qui entrave son développement physique, mental ou moral
».
La Convention internationale des droits de l'enfant, le
20 novembre 1989
Article 28 : « 1. Les
États parties reconnaissent le droit de l'enfant a l'éducation,
et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et
sur la base de l'égalité des chances:
a) Ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et
gratuit pour tous ;
b) Ils encouragent l'organisation de différentes
formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel,
les rendent ouvertes et accessibles a tout enfant, et prennent des mesures
appropriées telles que l'instauration de la gratuité de
l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin
;
c) Ils assurent a tous l'accès a l'enseignement
supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les
moyens appropriés ;
d) Ils rendent ouvertes et accessibles a tout enfant
l'information et l'orientation scolaires et professionnelles ;
e) Ils prennent des mesures pour encourager la
régularité de la fréquentation scolaire et la
réduction des taux d'abandon scolaire.
2. Les États parties prennent toutes les mesures
appropriées pour veiller a ce que la discipline scolaire soit
appliquée d'une manière compatible avec la dignité de
l'enfant en tant qu'être humain et conformément a la
présente Convention.
3. Les États parties favorisent et encouragent la
coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue
notamment de contribuer a éliminer l'ignorance et
l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux
connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement
modernes. A cet égard, il est tenu particulièrement compte des
besoins des pays en développement ».
|
3.2. L'éducation et les théories
démographiques
Les relations entre population, développement,
pauvreté ont largement été explorées au travers des
théories démographiques. Le système démographique
(fécondité, mortalité, migration...) s'inscrit parmi les
cinq ou six éléments qui déterminent la dynamique du
développement. : le système culturel, le système social et
politique, le système démographique, le système
environnemental et le système économique (Tabutin, 2007-2008).
A la lecture de la synthèse des théories
réalisées par D. Tabutin (2007-2008), il ressort que
l'éducation est un facteur déterminant des changements de
comportement, plus particulièrement celles liées à la
fécondité et à la mortalité.
Le courant théorique ancien de Th. Malthus, basé
sur les principes de population, influence aujourd'hui encore les
théories de développement. Il nous informe que lorsqu'il y a
tension entre l'instinct de reproduction de l'homme et la capacité de la
nature à multiplier les moyens de subsistances, lorsqu'il y a
déséquilibre, l'ajustement s'opère au travers de la
mortalité (famines, malnutrition, guerres...chômage). Dans les
années 60 et 70, la croissance démographique apparaissait comme
l'obstacle majeur à la croissance économique et par
conséquent, la diminution de la fécondité semblait
être un des objectifs majeurs à poursuivre. Si certaines
études ont démenti cette thèse, force est de constater que
cette théorie est encore vivace aujourd'hui. Le modèle
néo-malthusien avance que la pression démographique freine le
progrès et la dynamique de changement. La pauvreté est à
la fois la cause et la conséquence de fortes fécondités et
donc de la croissance démographique. << La conséquence est
<< un << cercle vicieux » de causalités
réciproques et complexes entre accroissement démographique, forte
fécondité, pauvreté et stagnation économique... On
en arrive à une double urgence d'actions : la lutte contre la
pauvreté et la planification familiale ... C'est la position actuelle de
nombre d'agences internationales de développement » (Tabutin,
2007-2008 : 16). A contrario, le courant anti-malthusien, dont la
théorie de E. Boserup, affirme, qu'à long terme, la croissance
démographique peut être positive en favorisant l'innovation et le
changement technologique, en maintenant une population jeune active (Boserup
cité dans Tabutin, 2007-2008 : 16).
Dans la théorie de la transition démographique
définie dans les années 50-60, l'éducation est un des
facteurs socioculturels à l'origine de la baisse de la
fécondité. Pour rappel, cette théorie se
caractérise par le passage d'un régime de fortes natalités
et mortalités à un régime de faibles natalités et
mortalités pour déboucher sur une croissance quasi nulle
(Tabutin, 2007-2008 : 17, 19).
Dans les théories micro-économiques de la
fécondité, l'éducation est aussi un facteur de changement.
Partant du principe du comportement rationnel des parents, ces théories
distinguent, entre autres, trois types d'utilité de l'enfant : de
consommation comme source de plaisir, de revenu au travers du travail, de
sécurité pour les vieux jours des parents. L'éducation
fait partie des coûts directs liés à l'enfant (Tabutin,
2007- 2008 : 26).
Dans la théorie de la modernisation des structures
économiques, qui relève des modèles macro-structurels, les
changements démographiques sont induits par l'industrialisation qui
modifie les structures économiques et sociales. Les progrès de
l'éducation et le changement de statut de la femme entraînent des
changements de structures familiales (Tabutin, 2007-2008 : 27).
La théorie des flux intergénérationnels
de richesses, développée par J. Caldwell (1980) notamment pour
les pays du Sud, pose comme principe que la rationalité
économique d'un régime de fécondité dépend
de la direction du flux des richesses entre les générations.
Alors que dans la société traditionnelle, l'enfant est une
richesse, il « rapporte >> plus qu'il ne coûte, dans les
sociétés modernes, l'enfant représente un coût en
termes d'éducation, de santé... Le processus de transition
relève du changement social et culturel avant d'être
économique. Les systèmes éducatifs et les médias
interviennent comme un facteur de changement majeur en diffusant les valeurs et
idéaux des sociétés du Nord (Tabutin, 2007-2008 :
29-30).
3.4. L'éducation et les théories
économiques et/ou du développement
Les théories économiques occidentales servent de
référence à la mise en place des politiques publiques de
développement et d'éducation alors qu'elles font aussi l'objet de
nombreuses critiques. Trois grandes théories sont incontournables : la
théorie du capital humain, la théorie de la croissance
endogène et l'approche par capability.
La théorie du capital humain
La théorie du capital humain - Mincer (1958), T.W.
Schultz (1963) et G.S. Becker (1964) - met en lumière l'impact du
capital humain (éducation, aptitude et expérience) sur la
productivité des travailleurs. En faisant référence aux
travaux de G. Psacharopoulos (1994, 2002), N. Henaff mentionne qu'il
découle de cette théorie que « les rendements de
l'éducation sont décroissants d'un cycle à un autre, et
c'est dans le primaire qu'ils sont les plus élevés >>
(Henaff, 2006 : 76).
Parallèlement, la théorie néoclassique
considère également que « le taux d'accroissement du stock
d'éducation est déterminant ... et a un effet sur la
productivité du travail>> (Henaff, 2006 : 77). En ce qui concerne
le rôle des inégalités dans la croissance, N. Henaff
relève que « l'hypothèse des rendements décroissants
implique des rythmes d'accumulation différenciés en fonction du
niveau initial de capital et par
conséquent la convergence des niveaux de revenu sur le
plan international comme au sein des pays et entre les différentes
catégories de ménages >> (2006 : 78).
Pour les pays en développement (Perkins et al., 2006),
cette conception a largement influencé et influence aujourd'hui encore
les investissements consentis en faveur du secteur de l'éducation comme
investissement rendant compte à la fois d'un rendement privé et
d'un rendement <<social>>. Le rendement privé correspond
à un calcul du coût d'opportunité entre coûts directs
et manque à gagner lié à l'envoi d'un enfant à
l'école d'une part, et d'autre part, l'argent escompté dans
l'avenir ou le revenu futur (2006 : 335-336). Le rendement social se calcule en
incluant tous les coûts privés - publics entrant dans la
fourniture d'éducation d'une part, et en incluant d'autre part les
effets externes positifs comme la santé, la participation à des
décisions politiques, le progrès technique (2006 : 337-338).
La théorie de la croissance
endogène
La théorie de la croissance endogène - R. Lucas
(1988, 1990) et de R.J. Barro (2002) - s'articule autour de l'impact des
politiques publiques, du capital humain et de la diffusion des technologies sur
la croissance. Le capital humain a un effet sur la croissance car il facilite
l'absorption des technologies modernes provenant des pays
développés, l'innovation et l'ajustement à la hausse du
capital physique. L'accumulation de capital humain est considérée
comme un préalable au développement technologique. Il permet
aussi l'exportation de la main d'oeuvre et il attire les investisseurs
étrangers. La nouvelle économie classique formule
l'hypothèse de rendements croissants ou constants de l'éducation
(Henaff, 2006 : 77).
Parallèlement, << le stock initial
d'éducation a une grande importance dans la détermination du taux
de croissance à long terme ... l'accumulation de capital humain est
considéré comme un préalable au développement
technologique, et a un effet sur la productivité totale des facteurs
>> (Henaff, 2006 : 77). N. Henaff mentionne que << R.J. Barro note
que le primaire est un passage obligé pour le passage au secondaire
>> (Henaff, 2006 : 79) et que cette théorie semble
reconnaître que la qualité est plus importante que la
quantité pour la croissance à long terme.
L' « approche par les capabiités
»
A. Sen place l'éducation au centre de son approche par
les capabilités et dans sa manière d'appréhender le
développement. Son approche a eu une influence déterminante sur
les politiques d'aide au développement et est à l'origine de la
création en 1990, par le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), d'un premier indice de développement humain
au côté du produit intérieur brut mesurant le niveau de
développement d'un pays.
A. Sen définit le développement comme <<
un processus intégré d'expansion des libertés
substantielles, en corrélations étroites les unes avec les autres
>> (Sen, 1999a : 22). Il distingue les libertés instrumentales,
dont relève l'éducation, des libertés substantives. Les
libertés instrumentales sont au nombre de cinq et entretiennent entre
elles de nombreuses interactions. Il s'agit des libertés politiques
(droits civiques et politiques associés à la démocratie),
des facilités économiques (possibilité d'utiliser les
ressources à des fins de consommation, de production ou
d'échanges, de l'accès au financement), des opportunités
sociales (les dispositions prises par la société relatives
à la santé, à l'éducation et aux services
facilitant l'accès aux autres libertés instrumentales), des
garanties de transparence (garantie implicite de clarté) et de la
sécurité protectrice (filet de protection sociale). Les
libertés substantives, quant à elles, découlent des
premières et représentent << l'ensemble des <<
capacités >> élémentaires, telles que la
faculté d'échapper à la famine, à la malnutrition,
à la mortalité prématurée, ainsi que les
libertés qui découlent de l'alphabétisation, de la
participation politique ouverte, de la liberté d'expression... >>
(Sen, 1999 : 56-61).
Le développement dans ses composantes
économique, sociale et politique repose donc sur la promotion des
libertés individuelles et l'engagement social des êtres humains.
La liberté individuelle est, selon lui, de l'ordre de la
responsabilité sociale. L'important est de renforcer les <<
capabilités d'une personne de façon à lui donner la
possibilité de choisir le type de vie qu'elle a envie de vivre et
à lui permettre d'agir comme un <<agent>>
c'est-à-dire une personne qui agit, modifie l'état des choses,
est considérée comme membre de la collectivité et comme
intervenant aux plans économique, social et politique (Sen, 1999 :
34).
Dans cette approche, la croissance du PNB et du revenu est un
moyen d'étendre les libertés, et non plus une fin en soi, aux
côtés d'autres facteurs déterminants comme les
dispositions économiques et sociales (libre
accès à l'éducation et à la santé) et les
libertés politiques et civiques (participation au débat public ou
exercice d'un droit de contrôle). Ainsi, ces autres facteurs sont
constitutifs du développement, il ne s'agit plus de se poser la question
de leur rôle de « conducteurs » ou non du développement
(Sen, 1999 : 57). Les aspects économiques, sociaux et politiques sont
intégrés dans la perspective d'une compréhension globale
du processus de développement. L'approche par les libertés est
similaire au concept de « qualité de vie » du fait qu'ils se
centrent sur les existences individuelles et la façon dont elles se
déroulent (Sen, 1999 : 41).
L'éducation est un préalable au
développement. En tant que composante des opportunités sociales,
elle fait partie du registre des moyens et non des fins. L'accès
à l'éducation, de préférence garanti par l'Etat,
joue un rôle déterminant dans le développement par les
libertés. D'un point de vue politique, la participation exige un niveau
minimum de connaissances ne fût-ce que pour prendre part aux
débats, aux décisions sur ce que l'on souhaite, ce que l'on a
raison d'accepter ou de refuser. D'un point de vue économique, le
développement de l'éducation publique contribue à son
extension. A ce sujet, il cite en exemple les pays asiatiques. Le Japon a
bénéficié dans son développement économique
de la qualité de ses ressources humaines résultant d'un large
éventail d'opportunités sociales dont le taux
d'alphabétisation qui était déjà plus
élevé qu'en Europe au milieu du XIXème siècle. La
Chine, comparativement à l'Inde, engrange une croissance
économique plus importante car elle a investi la sphère sociale
en généralisant l'éducation et l'accès à la
santé avant d'entamer des réformes économiques visant
à ouvrir l'économie au marché mondial. Elle a, de ce fait,
bénéficié d'un taux d'alphabétisation très
élevé et d'un système scolaire bien réparti sur
tout le territoire alors que l'Inde souffrait pour 50% d'une population adulte
analphabète et préférait investir dans la formation des
élites plutôt que dans l'éducation
élémentaire. Plus largement, A. Sen relie l'illettrisme et la
malnutrition à la pauvreté comme reflet d'une privation de
capacités élémentaires. Citant en exemples le Sri Lanka,
le Costa Rica, l'Etat du Kérala, il relie également des
programmes sociaux adaptés dans le domaine de l'éducation et de
la santé à une amélioration des conditions de vie sans
qu'il n'y ait nécessairement croissance économique (Sen, 1999 :
63-66).
La pauvreté est une privation de capacités
élémentaires et non une simple faiblesse de revenu (Sen, 1999 :
123).
4. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
4.1. Le modèle d'analyse
A partir de la question de départ «
L'éducation produit-elle du développement ?
» ou du postulat de départ «
L'éducation produit du développement », les
phases exploratoires, la présentation de la problématique et du
cadre théorique permettent de déboucher sur une approche
circonscrite à l'éducation primaire dans les pays les plus
pauvres, particulièrement en Afrique subsaharienne.
L'approche définie repose sur deux questions auxquelles se
rattachent deux hypothèses et un cadre d'analyse.
La question de départ est reformulée comme
suite:
Pour les régions et les populations en situation
d'extrême pauvreté,
1. La politique d'éducation primaire actuelle
répond-elle au critère de pertinence associé à la
qualité de politiques et de programmes, c'est-à-dire, permet-elle
d'engendrer du développement ?
2. La mise en oeuvre de la politique d'éducation
primaire rencontre-t-elle les critères d'efficacité et
d'efficience associés à la qualité des politiques et des
programmes, c'est-à-dire permet-elle d'atteindre les objectifs
fixés et, à sa suite, d'engendrer du développement ?
Deux hypothèses en découlent :
1. La politique d'éducation primaire est
inappropriée pour les pays et les populations en situation
d'extrême pauvreté.
2. La mise en oeuvre de la politique d'éducation
primaire doit au préalable atteindre des niveaux minimaux de
qualité pour, éventuellement, produire du
développement.
Les concepts qui s'y rattachent sont :
· Le développement ;
· L'éducation scolaire de base;
· Les critères de qualité des politiques et
des programmes.
Le cadre d'analyse est présenté comme
suite:
Vulnerabilite aux chocs economioue. climatioue et
nolitioue
Contexte socio-economioue. institutionnel. Extreme
nauvrete. VII-1 / Sida
Globalisation / Economie de la connaissance
Réduction de la pauvreté /
Développement endogène
Rendements sociaux Externalités positives
La demande La relation Etat - école -
famille
Cadre général culturel et
idéologique
Etat, légitimité, capacité et
financement
Croissance économique / Développement
humain
Rendements privés
Accumulation du stock de capital
humain
L'offre La qualité des systèmes
éducatifs
Politiques nationales
Cadre général politique et
économique
Financements extérieurs, volume et engagement
|
Politique internationale - OMD et EPT (objectifs
à court terme)
L'éducation comme moyen et fin en soi
Théories
|
Déclaration
|
Théorie du
|
Théorie de la
|
L'approche par
|
démographiques
|
universelle des
|
capital
|
croissance
|
les capabilités
|
|
droits de l'homme
|
humain
|
endogène
|
|
|
Conventions internationales
|
|
|
|
4.2. Le concept de développement
La manière de penser le développement est
étroitement liée au contexte historique dans lequel il
s'enracine. A chaque époque, elle n'est autre que le reflet des grands
courants de pensée dominants et la résultante des enjeux et des
rapports de force entre les acteurs. En référence à
l'essai de J.-Ph. Peemans (2002), nous pouvons exprimer que le concept de
développement s'est construit et enrichi au fil des réussites et
des échecs des politiques définies et mises en oeuvre par les
élites du Nord <<pour » les pays du Sud ainsi qu'à
partir des réflexions et pressions menées par les courants de
pensée opposés et alternatifs (Peemans, 2002 : 11, 12).
Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs s'accorde sur le fait que
le développement est multidisciplinaire. Il se situe au croisement de
plusieurs disciplines: économiques, sociologiques, politiques,
anthropologiques et scientifiques (Peemans, 2002 : 9). De la notion de
progrès et de croissance toujours bien vivace aujourd'hui, on est
passé à la notion de développement humain, puis à
celle de lutte contre la pauvreté. A ces notions, une alternative est
proposée, la notion de développement territorialisé ou
endogène telle que proposée par J.-Ph. Peemans (2002).
Le développement en termes de croissance et de
progrès
Du point de vue de l'idéologie dominante, le
développement s'appuie sur une vision universaliste. Il trouve son
origine dans la doctrine de Truman (Peemans, 2002 : 42) et repose sur
l'hypothèse d'un projet issu du Nord de faire régner un <<
ordre des choses » (Peemans, 2002 : 41). Il est issu de la volonté
de certaines élites de transposer du Nord vers le Sud un modèle
d'organisation économique et sociale qui a montré son
efficacité. Il a pour objet, dans un premier temps à
l'échelle nationale et par la suite à l'échelle globale,
l'implémentation du progrès et de la << modernisation
accélérée fondée sur une croissance
économique rapide ... comme voie universelle du rattrapage possible du
Nord qui les amènerait du <<sous-développement» au
<< développement » » (Peemans, 2002 : 25).
L'indicateur principal de mesure est le PIB et sa croissance.
Le développement humain
Le concept de développement humain est issu des travaux
d'A. Sen. A sa suite, le PNUD a créé en 1990 un premier indice de
développement humain. Le 20ème rapport sur le
développement humain publié cette année réaffirme
le paradigme en le définissant comme suite:
« Le développement humain est l'expansion des
libertés des personnes à vivre une vie longue, en bonne
santé et créative ; l'avancement des autres objectifs auxquels
ils attachent une valeur ; et un engagement actif dans le façonnage de
l'équité et de la durabilité du développement sur
une planète partagée. Les populations sont tout à la fois
les bénéficiaires et la force motrice du développement
humain, en tant qu'individus et en tant que groupes » (PNUD, 2010 :
27).
Les Nations Unies produisent annuellement plusieurs indices de
développement humain. Le principal indice est l'IDH, indice de
développement humain. La dimension éducation est une des trois
dimensions aux côtés de l'espérance de vie à la
naissance et du revenu national brut par habitant. Alors qu'il se calculait
à partir du taux d'alphabétisation des adultes valant pour deux
tiers et du taux de scolarisation valant pour un tiers, depuis l'année
2010, il se calcule à partir de la durée moyenne de
scolarisation1 et de la durée attendue de
scolarisation2. Dans le rapport 2010 du PNUD, trois nouveaux indices
sont proposés en complément rendant compte de la
centralité des inégalités et de la pauvreté
multidimensionnelle : l'IPHI, indice de développement humain
ajusté aux inégalités, l'IIG, indice
d'inégalité de genre, et l'IPM, indice de pauvreté
multidimensionnelle, qui mesure les graves déprivations auxquelles les
personnes sont confrontées (2010 : 32).
Le développement en termes de lutte contre la
pauvreté
La pauvreté est liée à l'économie
en ce sens où elle s'apprécie à partir des conditions de
vie, de revenu, de travail, de patrimoine et elle est relative car en
référence aux conditions des autres membres d'une
société (Rwehera, 2004).
1 Les estimations de Barro et Lee (2010) servent de
référence (PNUD, 2010 : 163)
2 Les données de l'Unesco servent de
référence (PNUD, 2010 : 163)
Plusieurs définitions correspondent au concept de
pauvreté, lors d'un séminaire international organisé par
l'Unesco en 2004, la définition du philosophe français Henri
Bartoli était reprise comme référence :
« La pauvreté est multidimensionnelle. Elle
est dénuement profond de biens matériels et culturels qui
s'oppose au développement normal de l'individu au point de compromettre
en lui l'intégrité de la personne et, comme telle,
pauvreté « absolue ». Le miséreux est celui dont la
pauvreté est en dessous du pain quotidien, dont le débat avec la
vie qui lui est imposé est si dégradant et si absorbant qu'il
ruine toute vie de l'esprit. Etre pauvre, c'est ne pas pouvoir assurer par ses
ressources ou activités propres la couverture de ses besoins biologiques
et de ceux de sa famille, vivre dans un état permanent de
relégation et d'insécurité vitale qui tend à
être héréditaire, avoir faim, n'être ni instruit, ni
soigné, vivre dans des conditions de logement défectueuses,
travailler dans des conditions inhumaines ... au départ de la vie, la
pauvreté établi un barrage d'empêchements : absence de
modèle adapté au développement intellectuel... »
(Rwehera, 2004 :7,8) 3.
La pauvreté se mesure à partir des indicateurs
de pauvreté absolue et de pauvreté relative. La pauvreté
absolue correspond au seuil de 1,25 $ ou 2 $ de consommation par jour (en
termes de parité de pouvoir d'achat 1985) pour tous les pays. La
pauvreté relative correspond à un revenu inférieur
à la moitié du revenu médian ou moyen d'un pays ou
à un classement dans les quintiles 1 et 2 (voire 1,2 et 3) en
référence à la distribution des revenus d'un pays (OCDE,
2002 : 35). Dans le cadre de l'objectif OMD 1 « Eradiquer l'extrême
pauvreté et la faim » des Objectifs du Millénaire pour le
développement, une série d'indicateurs sont associés
à chaque cible.
Pour rappel, trois cibles sont définies auxquelles
correspondent les indicateurs suivants :
- Cible 1A : Réduire de moitié, entre 1990 et
2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur
à un dollar par jour
- Proportion de la population disposant de moins d'un
dollar par jour en parité du pouvoir d'achat (PPA) (ou les indicateurs
fondés sur les seuils de pauvreté nationaux)
- Indice d'écart de la pauvreté
- Part du quintile le plus pauvre de la population dans la
consommation nationale
- Cible 1B : Assurer le plein-emploi et la possibilité
pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail
décent et productif
- Taux de croissance du PIB par personne
occupée
- Ratio emploi/population
- Proportion de la population occupée disposant de
moins de 1 dollar PPA par jour
3 définition du philosophe français
Henri Bartoli donnée en 1986 à l'occasion d'une réunion
internationale d'experts réunis par l'UNESCO en collaboration avec
l'Université des Nations Unies (voir Paul Marc Henry, Henri Bartoli et
al. ; Pauvreté, progrès et développement ;
édition l'Harmattan, Paris 1990
- Proportion de travailleurs indépendants et de
travailleurs familiaux dans la population occupée
- Cible 1C : Réduire de moitié, entre 1990 et
2015, la proportion de la population qui souffre de la faim
- Prévalence de l'insuffisance pondérale chez
les enfants de moins de 5 ans
- Proportion de la population n'atteignant pas le niveau
minimal d'apport calorique4.
Le développement territorialisé ou
endogène
Dans son essai, J.-Ph. Peemans propose une autre
définition du développement autour du << droit des peuples
>> (2002 : 476) et de nouvelles dimensions du développement :
« Le développement peut être vu comme le
processus durable de construction et de gestion d'un territoire, à
travers lequel la population de ce territoire définit, au moyen d'un
pacte socio-politique et de la mise en place d'un cadre institutionnel
approprié au contexte, son rapport à la nature et son mode de
vie, consolide les liens sociaux, améliore son bien-être et
construit une identité culturelle qui a sa base matérielle dans
la construction de ce territoire » (Peemans, 2002 : 477).
De cette définition et à la lecture de son essai,
nous avons retenu les caractéristiques présentées
ci-dessous. Ainsi, le développement :
- repose sur une construction << territoriale-locale
>> (2002 : 481). Il se situe à l'échelle locale, à
partir des ressources locales et dans la maîtrise de la gestion de
l'environnement naturel. Il vise la reconstruction des espaces publics,
<< espaces de prévoyance et de sécurisation >>
(Peemans, 2002 : 466, 470) ;
- est endogène et part << des initiatives des
acteurs du bas >> (Peemans, 2002 : 481). Il part des pratiques populaires
et de la capacité des populations à définir par
elles-mêmes leur cadre de vie et leur mode de vie;
- s'appuie sur une << gouvernance historique >>
selon l'appellation définie par P. De Leener (Peemans, 2002 : 443) ;
elle s'inscrit dans l'histoire longue des peuples et de leurs pratiques, des
processus de sécurisation des collectivités et des individus dans
le recherche << d'un milieu de vie intégré par lequel les
populations ont cherché à s'assurer la stabilité de la
reproduction de la collectivité >> (Peemans, 2002 : 444) ;
4 United nations, Liste officielle des indicateurs
associés aux OMD, Site Internet consulté en mai 2011,
http://unstats.un.org/unsd/mdg/Host.aspx?Content=Indicators/OfficialList.htm
- s'appuie sur une << démocratie
substantive>> (Peemans, 2002 : 471) garantissant
l'auto-détermination et l'expression de chaque acteur. Il requiert la
mise en place d'un ensemble d'institutions consolidant les interactions entre
ses différentes dimensions, d'un cadre institutionnel de
développement local, d'une << gouvernance associative >>
(Peemans, 2002 : 485) ;
- s'appuie sur une approche systémique.
L'économique, le social, le culturel et le politique sont
imbriqués. Les processus identitaires et les liens sociaux sont
interdépendants de la sécurisation matérielle et de la
rencontre des besoins vitaux (Peemans, 2002 : 471) et tient compte de
l'économie paysanne et de l'économie populaire urbaine (Peemans,
2002 : 484) ;
- vise l'autonomisation qui repose sur la création des
conditions de sécurisation de la collectivité,
l'auto-organisation locale. Par conséquent, il repose sur la
capacité de résistance et le pouvoir de négociation
sociale et politique des populations locales (Peemans, 2002 : 491) ;
- renvoie à la dimension collective. Il se
réfère à << des droits des peuples et des gens
>> et d'un ensemble de << droits collectifs fondamentaux >>
(Peemans, 2002 : 461, 463) et en lien avec à l'émergence d'une
<<sphère de développement durable>> (Peemans, 2002 :
477);
- est interdépendant. Il est enchâssé dans
la dimension globale. Il nécessite de repenser les rôles des
organisations aux échelles nationale et transnationale. Il s'inscrit
dans les relations complexes et négociées entre acteurs
<<dominants >> et acteurs << dominés >>. Il
intègre ainsi les conflits d'acteurs et les compromis aux
différents niveaux (Peemans, 2002 : 493).
En synthèse, nous proposons de présenter les
indicateurs liés aux quatre courants du développement comme
suite:
Tableau 1.1. : Les indicateurs du concept de
développement
Croissance et progrès
|
Développement Humain
|
Lutte contre la pauvreté
|
Endogène
Déf. J-Ph. Peemans
|
PIB PIB/habitant
PIB, Accroissement
|
IDH, Indice de développement humain
IPHI, Indice de développement humain ajusté aux
inégalités
IIG, Indice d'inégalité de genre
IPM, Indice de pauvreté multidimensionnelle
|
Seuil de
1,25 $ / personne 2 $ / personne
Indicateurs de l'objectif OMD 1
|
Local : territorialisé
Part des acteurs locaux : négocié Dimension
collective:
Cadre institutionnel de développement local
Systémique : Articulation avec les autres domaines
Savoirs et culture locaux, capacité à
négocier
Relation avec les autres niveaux : Liaison entre local,
régional, global
|
4.3. Le concept d'éducation scolaire de base
Dans le cadre de notre mémoire, le concept
d'éducation scolaire de base est circonscrit à l'éducation
primaire. Il est défini à partir des textes relatifs à
l'éducation comme droit fondamental (voir présentation p. 13) et
des instruments liés aux politiques d'éducation dans le cadre des
politiques de développement.
Pour rappel, en référence à la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
l'éducation est un droit fondamental de toute personne et vise son
épanouissement, le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. L'enseignement élémentaire est gratuit et
obligatoire. Selon la Déclaration des droits de l'enfant de 1959,
l'éducation doit permettre à l'enfant de développer ses
facultés, son jugement personnel, son sens des responsabilités
morales et sociales, de devenir membre utile à la société.
La Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 aborde avec
davantage de précision la question de l'organisation de
l'éducation scolaire sur base du principe d'égalité des
chances : l'enseignement primaire est obligatoire et gratuit pour tous,
l'organisation des différentes formes d'enseignement est
encouragée et l'accès au supérieur rendu possible à
tous par tous les moyens, des mesures doivent être prises pour encourager
la régularité de la fréquentation et la diminution des
taux d'abandon. La coopération internationale est encouragée pour
éliminer l'ignorance, l'analphabétisme et faciliter
l'accès aux connaissances et aux méthodes modernes.
Dans un contexte de développement, le site de
l'Unesco5 présente les finalités de l'éducation
comme suite:
« Le droit à l'éducation est un droit
fondamental de l'homme, indispensable à l'exercice de tous les autres
droits de l'homme. Il promeut la liberté individuelle et
l'autonomisation et apporte des bénéficies importants en
matière de développement... L'éducation est un outil
puissant qui permet à des adultes et des enfants économiquement
et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et
d'être des citoyens à part entière. »
Sur le site portail des Droits de l'Enfant6, les
finalités du droit à l'éducation sont
présentées comme suite:
« L'éducation est un droit essentiel, qui
permet à chacun de recevoir une instruction et de s'épanouir dans
sa vie sociale. Le droit à l'éducation est vital pour le
développement économique, social et culturel de toutes les
sociétés ... L'éducation a pour finalité
d'améliorer la qualité de vie d'une personne. Elle offre aux
adultes et aux enfants défavorisés une chance de sortir de la
pauvreté. Elle est donc un outil essentiel pour le développement
économique, social et culturel de toutes les populations dans le monde.
»
Les deux instruments actuels de politiques éducatives
sont les Objectifs du Millénaire pour le développement
adoptés en 2000 et le programme d'Education Pour Tous relevant du Cadre
d'action de Dakar adopté initialement en 1990 lors de la
conférence de Jomtien et renouvelé en 2000 lors du Forum de
Dakar.
Les Objectifs du Millénaire pour le développement
comprennent deux objectifs liés à l'éducation primaire
:
- l'Objectif 2 : Assurer l'éducation primaire pour
tous ;
- l'Objectif 3 : Promouvoir l'égalité des sexes
et l'autonomisation des femmes.
Le programme Education Pour Tous comprend 6 objectifs à
atteindre en 2015 dont trois sont en lien avec l'éducation primaire :
- « l'Objectifs 2 : Faire en sorte que d'ici 2015,
tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et
ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la
possibilité d'accéder à un enseignement primaire
obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu'à son
terme ;
- l'Objectif 5 : Eliminer les disparités entre les
sexes dans l'enseignement primaire et secondaire d'ici à 2005 et
instaurer l'égalité dans ce domaine en
5 Site de l'Unesco, consulté le 28 janvier 2011,
http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-theinternational-agenda/right-to-education/
6 Site Portail des Droits de l'Enfant, consulté le 28
janvier 2011,
http://www.droits-enfant.org/comprendre/droit-a-leducation/?gclid=CKruz77U3KYCFUhO4QodHC6V0A
2015 en veillant notamment à assurer aux filles un
accès équitable et sans restriction à une éducation
de base de qualité avec les mêmes chances de réussite
;
- l'Objectif 6 : Améliorer sous tous les aspects la
qualité de l'éducation dans un souci d'excellence de façon
à obtenir pour tous des résultats d'apprentissage reconnus et
quantifiables - notamment en ce qui concerne la lecture, l'écriture et
le calcul ainsi que les compétences indispensables dans la vie courante
».
Aux politiques d'éducation primaire sont associés
les indicateurs suivants :
Tableau 1.2. : Les indicateurs en lien avec les
politiques d'éducation
Objectif du millénaire pour le
développement
|
Education Pour Tous
|
Objectif 2 :
|
Taux d'achèvement du primaire
|
Cible 3. Donner, d'ici à 2015, à tous les enfants,
garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet
d'études
|
Indice de parité filles-garçons (Parité)
|
primaires
|
Taux d'alphabétisation 15+
|
Taux net de scolarisation dans le primaire
|
Losange EPT
|
Proportion d'écoliers ayant commencé la
première année d'études primaires qui terminent
l'école primaire
|
Indice Africain de développement EPT
|
Objectif 3 :
|
|
Cible 4. Eliminer les disparités entre les sexes dans les
enseignements primaire et secondaire d'ici à 2015, si possible, et
à tous les niveaux de l'enseignement en 2015, au plus tard
|
|
Taux d'inscription des filles à l'école primaire,
secondaire et tertiaire par rapport aux garçons
|
|
En complément à ces indicateurs, le pôle
de Dakar de l'Unesco7 élabore chaque année pour
l'Afrique subsaharienne, des fiches pays8 et 7 fiches
régionales9 (Afrique, l'Afrique sub-saharienne, l'Afrique du
nord, l'Afrique de l'ouest, l'Afrique centrale, l'Afrique de l'est et l'Afrique
australe).
La fiche-pays et la fiche régionale regroupent
plusieurs indicateurs et graphiques de pilotage. Elles reprennent pour 53 pays,
et dans la mesure des données disponibles, des indicateurs relatifs
à la pyramide éducative, au profil pays et au profil
régional. L'ensemble des ces indicateurs sont repris dans le tableau
ci-après.
7 http://www.poledakar.org/ , site Internet
consulté le 26 janvier 2011
8
http://www.poledakar.org/IMG/pdf/note
pays 2010.pdf , site Internet consulté le 26 janvier 2011
9
http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Note
lecture regions 2010 VF-2.pdf, site Internet consulté le 26 janvier
2011
Tableau 1.3. : Les indicateurs de suivi du secteur de
l'éducation en Afrique
La pyramide éducative
|
Le profil pays - Le profil régional
|
Taux d'accès en première année
Taux d'accès en dernière année (par cycle
d'enseignement)
Taux de transition (transversal)
Taux brut de scolarisation par cycle d'enseignement (TBS)
% de l'enseignement et de la formation techniques et
professionnels.
|
Objectifs EPT
|
Voir ci-dessus
|
Contexte démographique et macro-économique
|
Pourcentage de la population d'âge scolaire (primaire)
|
Résultats et politiques éducatives du cycle
primaire (indicateurs Fast Track)
|
Profil de scolarisation
Taux de survie attendu au primaire
|
Paramètres de politique éducative du cycle
primaire
|
Rapport élèves-enseignant-maître (REM)
Salaire moyen des enseignants publics en unités du PIB par
tête
Pourcentage des dépenses hors salaires des enseignants
Pourcentage de redoublants Pourcentage d'élèves
dans le privé
|
Financiers sectoriels
|
Ressources publiques internes en pourcentage du PIB
Pourcentage de l'éducation dans les dépenses
publiques courantes
|
Répartition du budget de l'éducation
|
Pourcentage du primaire, du secondaire et du supérieur
dans le budget de l'éducation
|
Coût par élève du public en % du PIB par
habitant
|
Coût par élève du public en % du PIB par
tête par niveau d'enseignement
|
Approbation des ressources publiques d'éducation
|
% de ressources pour les 10% les plus éduqués
|
4.4. Les critères de qualité
Les critères de qualité que nous avons choisi se
réfèrent aux critères de validité d'un projet
repris au chapitre IV du syllabus <<Conception et évaluation
économique de politiques et de projets >> (Wautelet, 2009 :
60-63). Il s'agit des critères de pertinence, d'efficacité,
d'efficience, de viabilité, adéquation et satisfaction. <<
Les trois premiers critères renvoient à la cohérence entre
les étapes de la logique d'intervention et sont centraux aujourd'hui
étant donné l'accent mis sur l'impact des projets... Les trois
critères suivants répondent à des critères
autrefois négligés, mais qui prennent aujourd'hui le pas sur les
trois premiers>> (Wautelet, 2009 : 61). Ces six critères se
définissent comme suite:
- « Pertinence : Les objectifs généraux
que se donne le Projet vont-ils entraîner un impact satisfaisant sur la
situation problématique générale qu'il veut contribuer
à
améliorer ? ; Mesure : L'impact;
- Efficacité : Les résultats du projet vont-ils
contribuer à l'obtention des objectifs ?;
- Efficience : Les moyens employés ont-ils
été utilisés à bon escient, au moindre coût
par rapport aux résultats obtenus ? ;
Mesure : Les coûts comparatifs et le respect du
temps;
- Viabilité (Durabilité) : L'organisation du
Projet et/ou les entités qu'elle met sur pied sont-elles durables,
pourront-elles subsister après la période de financement
extérieur du Projet ? ;
Mesure : La viabilité organique, institutionnelle et
financière (pour des projets correspondant à des entités
humaines qui prennent un projet en charge et qui doivent perdurer par
opposition à des structures de projets temporaires) ;
- Adéquation : Le mode (stratégie)
d'intervention est-il adapté, approprié aux conditions et aux
objectifs ?;
Mesure : L'approche des populations, l'accompagnement de la
démarche, les méthodes suscitant la participation;
- Satisfaction : Les participants/bénéficiaires
sont (seront)-ils satisfaits ... plus épanouis ? » (Wautelet, 2009
: 60).
Des critères transversaux sont ajoutés à
ces six premiers critères. Dans le cadre de ce mémoire, nous
ferons référence au travers de notre analyse à quatre
critères transversaux : le genre, la lutte contre la pauvreté, la
sécurité alimentaire et la gouvernance (Wautelet, 2009 : 63).
4.5. La méthodologie
Avec comme objectif de mener une réflexion critique sur
les politiques d'éducation primaire en lien avec le
développement, la méthodologie adoptée se découpe
en quatre parties. Les concepts de développement et d'éducation
primaire ayant, de par nature, une dimension multidimensionnelle, nous avons
également souhaité adopter une démarche pluridisciplinaire
en mettant en perspective les politiques publiques et les résultats au
travers du regard d'économistes, de sociologues et de
démographes.
La première partie explore la qualité de la mise
en oeuvre des politiques d'éducation à partir des critères
d'efficacité et d'efficience. Ces critères sont analysés
à partir des indicateurs de réalisation issus des rapports des
Nations Unies, de l'Unesco et du Pôle de Dakar. Certains de ces
indicateurs sont mis en corrélation avec les indicateurs issus des
rapports de la Communauté française (appelée
Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2011) et de l'OCDE.
Pour le critère d'efficacité, les critères
retenus sont le taux d'accès, le taux d'achèvement et les acquis
d'apprentissage.
Pour l'efficience, les critères retenus sont le volume
des ressources internationales, le volume des ressources nationales (les
indicateurs financiers sectoriels) et l'allocation des ressources (les
paramètres de politique éducative du cycle primaire, la
répartition du budget de l'éducation, le coût par
élève du public en pourcentage du PIB par habitant, l'approbation
des ressources publiques d'éducation).
Le tableau ci-dessous regroupe les indicateurs retenus par
critère de qualité.
Tableau 1.4. : Les critères et indicateurs
d'analyse de l'efficacité et de l'efficience
Critères
|
Dimensions
|
Indicateurs
|
Efficacité
|
|
Taux d'accès
Taux d'achèvement Acquis d'apprentissage
|
Efficience
|
|
Volume des ressources internationales Acquis d'apprentissage
|
Volume des ressources nationales
|
Financiers sectoriels :
- Ressources publiques internes en pourcentage du PIB
- Pourcentage de l'éducation dans les dépenses
publiques courantes)
Répartition du budget de l'éducation par niveau
d'enseignement (primaire, secondaire et supérieur) Coût /
élève du public en %age du PIB/ habitant par niveau
d'enseignement
|
Allocation des ressources
Paramètres de politique éducative du cycle
primaire
|
- Rapport élèves-enseignant-maître (REM)
- Salaire moyen des enseignants publics en unités du
PIB par tête
- Pourcentage des dépenses hors salaires des
enseignants
- Pourcentage de redoublants
- Pourcentage d'élèves dans le privé
|
(Sources : Rapports OMD et Unesco - J.-M. Wautelet (2009 : 60-63)
)
La deuxième partie analyse les effets de
l'éducation sur le développement à partir du
critère de pertinence (l'impact sur le développement) pour chacun
des quatre grands courants du développement : la croissance
économique et le progrès, le développement humain, la
lutte contre la pauvreté et le développement endogène. Les
critères transversaux de lutte contre la pauvreté et de
sécurité alimentaire sont particulièrement analysés
dans les troisième et quatrième courants du développement.
La démarche est résumée dans le tableau ci-dessous.
Tableau 1.5. : Le critère et les indicateurs de
pertinence retenus rendant compte de l'effet de l'éducation sur le
développement pour l'Afrique subsaharienne
Croissance et progrès
|
Développement humain
|
Lutte contre la pauvreté
|
Développement endogène10
|
Corrélation entre
|
Corrélation entre
|
Corrélation entre
|
Réflexions autour
|
l'évolution de l'accès
|
l'évolution des trois
|
l'évolution des
|
des
|
l'éducation et l'évolution
|
composantes des indices
|
indicateurs de l'objectif
|
caractéristiques en
|
du PIB
|
du développement
|
OMD 1 et de l'objectif
|
lien avec les
|
Etudes sur les
|
humain
|
OMD 2
|
savoirs à
|
rendements privés et sociaux de l'éducation
|
IDH, IPHI, IIG, IPM
|
|
enseigner
|
La troisième partie met en perspective les effets de
l'éducation sur le développement en nous appuyant sur une
approche sociologique et socio-historique. Le critère d'analyse retenu
est l'adéquation.
Cette analyse critique se clôture par une quatrième
partie consacrée à la présentation de premières
alternatives.
La méthodologie adoptée dans le cadre de ce
mémoire est synthétisée dans le schéma suivant :
Efficacité / Efficience +
Viabilité Pertinence
Systèmes éducatifs
Acquis d'appre ntissage
Croissance
|
|
Développe
|
|
Lutte
|
|
Développe
|
économique
|
|
ment
|
|
contre la
|
|
ment
|
|
|
humain
|
|
pauvreté
|
|
endogène
|
Rapports des Nations Unies Etudes empiriques et analyses
économiques et du
et de l'Unesco développement
Rapports d'organisations internationales
Adéquation Mise en perspective sociologique
et socio-historique
Identification de pistes
d'amélioration
10 Les indicateurs retenus font suite à un entretien avec
J.-Ph. Peemans, Professeur ordinaire émérite de l'UCL, le 17
Janvier 2011
II. Analyse de la mise en oeuvre de l'objectif OMD
2
Cette première partie de l'analyse explore la
qualité de la mise en oeuvre des politiques d'éducation en
référence aux critères d'efficacité et
d'efficience. Ces critères sont analysés à partir des
indicateurs de réalisation issus des rapports des Nations Unies, de
l'Unesco et du Pôle de Dakar pour l'Afrique subsaharienne. Certains de
ces indicateurs sont mis en corrélation avec les indicateurs issus des
rapports de la Communauté française, récemment
appelée Fédération Wallonie-Bruxelles11, de
Belgique et de l'OCDE.
Pour rendre compte de l'efficacité, nous distinguons le
taux brut et le taux net d'accès, le taux d'achèvement et le taux
d'alphabétisation. Pour rendre compte de l'efficience, nous distinguons
le volume des ressources internationales, le volume des ressources nationales
et l'allocation des ressources. Cette première partie devrait nous
apporter un premier éclairage sur le niveau de qualité atteint
par les systèmes mis en place. Elle questionne la solidité de
l'hypothèse de travail« La mise en oeuvre des politiques
d'éducation primaire doit au préalable atteindre des niveaux
minimaux de qualité pour, éventuellement, produire du
développement ».
1. BREF RAPPEL HISTORIQUE
Pour rappel, en septembre 2000, lors de l'Assemblée du
Millénaire des Nations Unies, les huit Objectifs du Millénaire
pour le développement ont été adoptés12.
Parmi ces 8 objectifs, 2 concernent directement l'éducation scolaire de
base: l'objectif 2 d'éduction primaire pour tous et l'objectif 3
d'égalité entre les sexes, notamment dans l'accès à
l'éducation primaire et secondaire.
La réalisation de ces objectifs s'appuie sur le Cadre
d'action de Dakar appelé Education Pour Tous13 qui a
également été adopté en 2000 lors du Forum Mondial
de l'éducation. Plus de 1.100 participants étaient
présents dont des représentants de 165 pays, de la
communauté internationale et de la société civile. Ceux-ci
ont réaffirmé leur engagement d'atteindre l'éducation pour
tous d'ici à 2015. L'Unesco s'est vu confier la coordination de la mise
en oeuvre du cadre d'action. La communauté internationale s'est
11 La proposition de résolution relative
à l'utilisation de la nouvelle appellation «
Fédération Wallonie-Bruxelles » au lieu de «
Communauté française » a été votée au
Parlement de la Communauté Française le 25 mai 2011. Le 26 mai
2011, le Gouvernement a décidé d'utiliser la nouvelle
appellation, Site Internet consulté le 4 juillet 2011,
http://www.cfwb.be/index.php?id=portail
detail actualite&tx ttnews%5Btt news%5D=900
12 Nations Unies, L'Assemblée du
Millénaire, Site consulté le 3 Mars 2011,
http://www.un.org/french/millenaire/,
13Unesco, Site consulté le 10 février 2011,
http://www.unesco.org/education/wef/frindex.htm
engagée à mobiliser des ressources
supplémentaires et à élaborer les stratégies pour
atteindre cet objectif. Les Etats ont été invités à
définir des stratégies sectorielles et des plans d'actions
nationaux au côté de plans d'action régionaux.
Plus spécifiquement, 3 objectifs du Cadre d'action de
Dakar ont un lien direct avec l'Education primaire : l'objectif 2
d'accès à l'éducation primaire pour tous, l'objectif 5
d'égalité d'accès entre les sexes et l'objectif 6 de
qualité de l'éducation.
Il fait suite à plusieurs engagements pris par la
communauté internationale durant les années 1990.
Déjà en 1990, lors de la conférence de Jomtien, la
communauté internationale s'était engagée à
atteindre l'éducation universelle en 2000. Malgré les
progrès réalisés durant cette décennie, force
était de constater que, de par le monde, plus de 113 millions d'enfants
n'avaient pas accès à l'enseignement primaire, que 880 millions
d'adultes étaient encore analphabètes et que des problèmes
de discrimination, d'inégalités et de qualité persistaient
au sein des systèmes éducatifs. Entre 2000 et 2010, des
progrès ont encore été réalisés dans
l'ensemble des régions du monde. Le nombre d'enfants non
scolarisés est passé de 113 millions à 72 millions, dont
54% de filles (Unesco, Rapport EPT 2010). Pour l'Afrique subsaharienne,
l'Unesco rappelait, dans un communiqué de presse de juillet 2010
(Unesco, 2010c), que la scolarisation primaire a augmenté de 56%
à 73% dans cette région mais que 32 millions d'enfants africains
sont toujours exclus de l'école. Au rythme actuel, plus de 23 millions
d'enfants ne seront toujours pas scolarisés d'ici à 2015.
Afin de soutenir les avancées vers l'atteinte de ces
objectifs, des engagements financiers complémentaires ont
été pris par la communauté internationale et les Etats. En
2005, l'Unesco a mis en place l'initiative Fast Track. En septembre 2010,
l'Organisation des Nations Unies a tenu à New York un
sommet14 sur les Objectifs du Millénaire pour le
développement à l'issue duquel l'Assemblée
générale s'est engagée entre autres à progresser
plus rapidement dans l'atteinte de l'Objectif 2 en s'appuyant sur 10 points
:
a) « Réaliser le droit de toute personne
à l'éducation...;
b) Progresser davantage dans la réalisation de
l'objectif relatif à l'éducation primaire pour tous, en faisant
fond sur les avancées enregistrées lors de la
précédente décennie ;
c) Éliminer les obstacles internes et externes aux
systèmes éducatifs de manière à offrir des
possibilités équitables d'éducation...;
14 ONU, Site consulté le 24 février 2011,
http://www.un.org/fr/mdg/summit2010,
d) S'attaquer aux causes profondes des
inégalités, des disparités et des différentes
formes d'exclusion et de discrimination dont souffrent les enfants...;
e) Assurer une éducation de qualité et la
progression tout au long du parcours scolaire... ;
f) Rendre plus viable et prévisible le financement
des systèmes éducatifs nationaux ... ;
g) Poursuivre la mise en oeuvre des mesures et des
programmes entrepris au niveau national pour éliminer
l'analphabétisme... ;
h) Appuyer les efforts que font les gouvernements pour
renforcer leur capacité de planifier et de gérer les programmes
d'éducation... ;
i) Accorder davantage d'attention au passage de
l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire... ;
j) Renforcer l'action engagée pour que l'enseignement
primaire devienne un élément clef des interventions
humanitaires... ».
En complément, le United Nations Development
Programme publiait un rapport relatif à l'Agenda 2010-2015 dans
lequel se trouvent les stratégies à mettre en place pour
atteindre les objectifs (UNDP, 2010) et la Task Force on the MDGs du
groupe des Nations Unies publiait parallèlement un recueil de 88 bonnes
pratiques à destination des politiques et des professionnels de
l'éducation (UNDG, 2010).
2. ANALYSE DE L'EFFICACITÉ
2.1. Les taux d'accès et d'achèvement
L'Objectif 2 des OMD d' «Assurer l'éducation
primaire pour tous » se mesure à partir de trois
indicateurs15 qui doivent être ventilés, dans la mesure
du possible, par sexe et par zone urbaine et rurale :
- le taux net de scolarisation dans le primaire ;
- la proportion d'écoliers ayant commencé la
première année d'études primaires, qui terminent
l'école primaire, le taux d'achèvement ;
- le taux d'alphabétisation des 15-24 ans, femmes et
hommes.
Le rapport OMD 2010 des Nations Unies présente uniquement
les données relatives à l'éducation primaire.
Le taux net de scolarisation dans le
primaire
Le rapport OMD 2010 présente les progrès
réalisés entre 1999 et 2008. L'Afrique subsaharienne progresse
régionalement significativement mais recule globalement par
15 Unstats, Liste officielle des indicateurs
associés aux OMD, Site consulté le 10 février 2011,
http://unstats.un.org/unsd/mdg/Host.aspx?Content=Indicators/OfficialList.htm
rapport aux autres régions du monde. Entre 1999 et
2008, le taux net de scolarisation de l'Afrique subsaharienne progresse de 58%
à 76% tandis que le monde en développement voit son taux
progresser de 82% à 89%. Par contre, la comparaison entre les
régions du monde montre que c'est en Afrique subsaharienne que le
pourcentage d'enfants non scolarisés reste le plus élevé
et qu'il a reculé de 3 points, passant de 43% à 46% entre 1999 et
2008.
Tableau 2.1. : Indicateur de l'Objectif 2 des
OMD
Tableau 2.2. : Inégalité d'accès
entre régions du monde de l'Objectif 2 des OMD
(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 16-17)
Le rapport EPT 2011 de l'Unesco présente les
progrès réalisés entre 1999 à 2008. Durant cette
période, 52 millions d'enfants de plus ont été inscrits
dans le primaire. La scolarisation dans le primaire a progressé de 8%
dans le monde et de 46% dans les pays à faible revenu et de 57% en
Afrique subsaharienne. Le taux net ajusté de scolarisation16
a progressé de 7% dans le monde, de 28% dans les pays à faible
revenu et de 31% en Afrique subsaharienne. Cependant, le rapport met aussi en
avant des difficultés majeures. Les enfants non scolarisés
représentaient encore, en 2008, 67 millions dont 28 millions en Afrique
subsaharienne (Unesco 2011 : 45). Pour l'Afrique subsaharienne, le rapport EPT
2011 renseigne une différence importante entre le taux net de
scolarisation de 77 % en 2008, avec une progression de 27% depuis 1999, et le
taux brut de scolarisation de 116 %, avec une progression de 31% depuis 1999.
En complément, l'Unesco estime aussi que plus de 60% des enfants non
scolarisés
16 Le taux net ajusté de scolarisation du primaire donne
le pourcentage d'enfants en âge de fréquenter l'école
primaire qui sont scolarisés dans le primaire ou dans le secondaire
(Unesco, 2011 : 45)
n'entreront vraisemblablement jamais à l'école et
rappelle que les progrès réalisés sont très
inégaux entre les pays (Unesco 2011 : 51).
En comparaison, la Fédération Wallonie-Bruxelles
enregistre également des taux brut de scolarisation entre 8 ans et 16
ans supérieurs à 100% pour l'année 2008-2009 (Rapport CF,
2010 : 8) et le taux de retard est également élevé dans le
primaire. Pour l'année 2008-2009, le pourcentage des
élèves ayant plus de 6 ans en première année
primaire était de 11,8%, ce pourcentage augmente avec les années
pour atteindre en sixième année 21,7%. Entre la
6ème primaire et la 1ère secondaire, le retard passe
de 22% à 34% (Rapport CF, 2010 : 20 & 28). Enfin, le pourcentage
d'obtention du Certificat d'Etudes de Base (CEB) à l'issue de la
6ème primaire est de 92,9% en 2008 (Rapport CF, 2010 :
52).
Tableau 2.3. : Indicateurs de l'objectif 2
EPT
(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 45)
Tableau 2.4. : Inégalité de progrès
et d'accès dans l'objectif 2 EPT
(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 48-49)
Du point de vue de l'accès, le rapport OMD 2010 des
Nations Unies relève que les enfants qui ont le moins de chances
d'être scolarisés vivent au sein des régions et des
ménages les plus pauvres, en zone rurale et sont de sexe féminin.
Les enfants situés en zone rurale ont deux fois moins de chance d'aller
à l'école et les filles ont systématiquement moins de
chance que les garçons. L'Afrique subsaharienne est
particulièrement concernée par ce constat. En termes de
pauvreté, elle est la région du monde ou la proportion de la
population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour est la plus
élevée, atteignant 51% en 2005 avant la crise
économique.
Tableau 2.5. : Inégalité d'accès
à l'école
(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 18)
Tableau 2.6. : Indicateur de l'Objectif 1 des
OMD
(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 6)
Le taux d'achèvement, la proportion
d'écoliers ayant commencé la première année
d'études primaires qui terminent l'école
primaire
Le rapport EPT 2011 nous renseigne que le taux de survie
jusqu'à la dernière année du primaire était en 2007
de 93% dans le monde, de 67% dans les pays à faible revenu et de 70% en
Afrique subsaharienne, soit 2 enfants sur 3 (2011 : 45). L'Unesco pointe
également la pauvreté, la vulnérabilité et les
zones rurales comme facteurs exerçant une forte pression sur ce taux
d'achèvement ou sur l'abandon scolaire. De son point de vue, « les
hauts niveaux d'abandon scolaire sont à l'origine de gaspillage
économique et d'inefficacité » (2011 : 52-59) et il est
important d'en comprendre le processus qui diffère également
fortement entre les pays. D'autres causes interviennent aussi comme les
carences nutritionnelles, les maladies infantiles et la mauvaise qualité
de l'enseignement. Dans son dernier rapport, l'Unesco met en exergue l'impact
négatif des situations de conflit sur l'abandon et la non
fréquentation des écoles « Dans les pays pauvres
touchés par un conflit, 28 millions d'enfants en âge de
fréquenter l'école primaire ne sont pas scolarisés - soit
42 % du total » (2011b : 6).
Pour l'Afrique subsaharienne, le profil de scolarisation
transversal, réalisé par le Pôle de Dakar, montre une
double progression: une progression de 11 points entre 1999/2000 et 2007/2008
pour le taux d'accès à la première année et une
progression plus importante de 15 points pour le taux d'accès en
dernière année.
Tableau 2.7. : Profil de scolarisation transversal
(Primaire), indicateurs Fast Track
|
Afrique 2007/2008
|
Afrique subsaharienne 2007/2008
|
Afrique subsaharienne 1999/2000
|
|
|
1ère année
|
96
|
96
|
85
|
|
Dernière année
|
69
|
67
|
52
|
|
(Source : Pôle de Dakar, 2010, Profil régional de
l'Afrique17 )
17
http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne
FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011
2.2. Les acquis d'apprentissage
Cette dimension n'étant pas traitée dans le
rapport OMD 2010, les données sont présentées à
partir du rapport EPT 2011 en lien avec l'objectif 6 du programme d'Education
Pour Tous de l'Unesco intitulé comme suite: « Améliorer
sous tous ses aspects la qualité de l'éducation et garantir son
excellence de façon à obtenir pour tous des résultats
d'apprentissage reconnus et quantifiables - notamment en ce qui concerne la
lecture, l'écriture, le calcul et les compétences indispensables
dans la vie courante ».
Le rapport EPT 2011 de l'Unesco met en avant, malgré
les manques de données, la faiblesse et la disparité des acquis
d'apprentissage. Celles-ci sont liées au niveau moyen de revenu dans le
pays et aux caractéristiques des familles au sein même des
pays.
Le programme international de recherche en lecture scolaire
2006 (PIRLS) évalue les compétences en lecture
d'élèves de 4ème. Comparativement, les
disparités sont très peu marquées pour les pays de l'OCDE
où la majorité des élèves se situent dans les
seuils intermédiaires à élevés alors qu'elles sont
plus importantes pour les pays à revenu moyen où les
élèves se situent plutôt dans les seuils inférieurs
et en-dessous (Unesco 2011 : 94).
L'enquête PISA 2009, en termes de savoirs et de
savoir-faire des élèves, présente en synthèse un
tableau récapitulatif des performances des pays et des économies
des élèves en compréhension de l'écrit, en
mathématiques et en sciences. Le seul pays d'Afrique qui participe
à cette enquête est la Tunisie. Les scores atteints par ce pays
étaient de 404 sur l'échelle combinée de
compréhension à l'écrit, de 371 sur l'échelle de
culture mathématique et 401 sur l'échelle de culture
scientifique. Respectivement, les moyennes de l'OCDE étaient de 493, 496
et 501 ; les moyennes de la Belgique étaient de 506, 515 et 507 (OCDE,
2010 : 9).
Pour l'Afrique subsaharienne, il n'y a pas encore de
données complètes. Toutefois, sur base des données
récoltées dans le cadre du troisième cycle
d'évaluation du Consortium de l'Afrique australe et orientale pour le
pilotage de la qualité de l'éducation (SACMEQ, Southern and
Eastern African Consortium for Monitoring Education Quality) mené en
2007, des évolutions positives apparaissent. Si les capacités
en lecture sont très variables, il y a des
résultats encourageants pour plusieurs pays (Unesco 2011 : 95). Pour ce
qui est des résultats en mathématiques obtenus par les
élèves de 6ème année, il montre
également une évolution positive pour quelques pays. Le rapport
de l'Unesco pointe ainsi qu'une hausse des effectifs ne va pas
systématiquement de pair avec une diminution de la qualité.
Au sein même des pays, les acquis d'apprentissage
varient très fortement. La 3ème évaluation SACMEQ montre
que les écarts entre les acquis d'apprentissage sont liés au lieu
d'habitation, en zone rurale ou en zone urbaine, au niveau de richesse des
familles et au sexe (Unesco 2011 : 97).
2.3. Analyse de l'efficacité
D'un point de vue quantitatif, les résultats
sont-ils, à ce point, faibles ?
En termes d'accès à la scolarisation, force est
de constater que c'est dans les pays les plus pauvres et les régions
accusant le plus grand retard que les progressions les plus importantes ont
été réalisées, soit en Asie du Sud et de l'Ouest et
en Afrique subsaharienne. Pour l'Afrique subsaharienne, si le rapport EPT 2011
attire l'attention sur les inégalités de progrès vers
l'enseignement universel et pose la question de son accessibilité d'ici
à 2015 sans moyens complémentaires, nous constatons aussi que ces
progrès inégaux permettent :
- de compenser la disparité initiale de niveau entre les
pays pour tendre vers une meilleure convergence à la hausse ;
- de faire progresser les taux net de scolarisation plus
fortement que les taux bruts de scolarisation ;
- de faire progresser le taux d'alphabétisation des
adultes et d'élever plus encore celui des jeunes ;
- de hisser le profil de scolarisation de l'Afrique
subsaharienne au niveau de l'Afrique avec une amélioration plus forte de
15 points pour l'accès en dernière année que pour
l'accès en première année qui a progressé de 11
points.
Ainsi, comme le mentionnait déjà en 2005 E. Duret,
« des progrès remarquables
dans l'accès à l'école » ont
été enregistrés (2005 : 59).
Quant à l'évolution dans le cycle, nous
constatons que le rapport OMD 2010 ne parle que du taux net de scolarisation et
que le rapport EPT 2011 semble présenter les taux bruts et les retards
comme des situations problèmes. Mais, s'il est possible d'évoquer
ces problèmes au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles
de Belgique comme des dysfonctionnements, il nous semble que c'est moins le cas
lorsqu'il s'agit de déployer des systèmes d'éducation au
sein de pays en développement et confrontés à des
situations de grande pauvreté.
Pour l'Afrique subsaharienne et dans un contexte de croissance
démographique élevé avec un ISF de 4,27 en
201018, la progression quantitative enregistrée en 10 ans
est, de notre point de vue, remarquable même si des problèmes
persistent. A cet effet, nous citons le taux de survie en dernière
année qui était encore de 70% en 2007, les taux d'accès et
d'abandon, particulièrement dans les régions où
l'instabilité politique et les conflits sont présents comme le
mentionne le rapport EPT 2011.
En termes d'efficacité, où se situe le
vrai problème ?
Comme relevé par les organisations internationales et
mis en évidence dans plusieurs études empiriques, une des
difficultés majeures liées au déploiement des
systèmes d'éducation en Afrique subsaharienne est d'ordre
qualitatif et concerne la faiblesse des acquis d'apprentissage à l'issue
de la scolarisation. Plusieurs organismes et plusieurs études ont mis en
avant ce problème. Nous pouvons citer les articles de Ph. Hugon (2005a)
et E. Duret (2005).
E. Duret met en exergue l'écart entre les pays
africains et les autres régions du monde, les différences de
niveau entre les pays d'Afrique et aussi, au sein même des pays. Les
conditions d'apprentissage sont à l'origine de ces problèmes
ainsi que l'absentéisme des professeurs et les pratiques
pédagogiques. Quant à Ph. Hugon, il s'exprimait ainsi :
« Dans la plupart des pays les moins avancés
le système éducatif remplit toutefois mal ses fonctions :
produire des savoirs, développer des intelligences, former des
compétences, donner au niveau élémentaire les
capacités de lire, d'écrire et de compter dans une langue
écrite. La faiblesse du matériel didactique, des classes
surchargées, des maîtres mal formés, peu encadrés et
peu incités expliquent largement ces difficultés. L'école
est devenue parfois plus un lieu de gardiennage social oil sont
véhiculés des savoirs mémorisés plus que
d'acquisition de savoirs (Hugon, 2005 : 23).
18 La Libre Belgique, Population mondiale : le
régulation ou l'explosion, 1er mars 2011, p.2
En référence aux définitions du concept
d'équité19 présentées par O. Debande et
V. Vandenberghe (2008), nous pourrions également nous interroger sur les
contre-effets engendrés par la priorité accordée à
l'équité définie comme égalité
d'accès en volume et comme égalité catégorielle
entraînant une mise en retrait de l'équité définie
comme égalité de résultats.
Exprimé autrement, la trop forte pression
exercée sur les Etats pour atteindre l'enseignement primaire universel
engendre des dysfonctionnements et une organisation des systèmes
éducatifs basée sur des résultats quantitatifs au
détriment de résultats qualitatifs et de seuils minimaux à
atteindre. Nous pourrions dire aussi que, par la force des choses, ce qui
compte, c'est le nombre d'enfants inscrits dans la bonne classe, au bon niveau,
respectant le cycle et moins l'atteinte d'un seuil minimal d'acquis
d'apprentissage pour un plus grand nombre possible d'enfants.
En référence à la théorie du
capital humain, nous pourrions également nous poser la question
essentielle de savoir si cette approche va réellement engendrer les
rendements privés, sociaux et les externalités positives
escomptées ?
Malheureusement, le rapport OMD 2010 occulte ces
dysfonctionnements et contreeffets. Quant au rapport EPT 2011, il les
relève sans émettre de solutions hormis celles d'ordre financier.
Il pointe surtout les difficultés liées à
l'équité catégorielle qui est bien réelle. Au plus
l'enfant est éloigné de la ville, au plus il vit dans une famille
pauvre, au moins il a de chances d'aller à l'école et de terminer
le cycle du primaire. S'il est de sexe féminin, ses chances diminuent
encore. En lien avec la théorie du capital humain et les théories
démographiques, cela représente effectivement un problème
réel en termes de rendements et d'externalités positives. Mais
assurer une égalité d'accès sans contenu n'a pas beaucoup
de sens et contrecarre les effets attendus sur le développement.
Quelles sont les solutions
préconisées par les organisations internationales
?
Si nous analysons les pistes de solutions proposées par
les Nations Unies, il nous est possible aussi d'émettre quelques
critiques. Comme mentionné plus haut, l'Assemblée
générale des Nations Unies a réaffirmé la
nécessité d'atteindre l'objectif en
19 Ces auteurs définissent l'équité
à partir de quatre courants de pensée. Le premier courant,
appelé Utilitarisme, s'intéresse à la somme des
utilités atteints par les individus sans prise en compte
d'inégalité interne. Le deuxième courant «
définit l'équité comme égalité de
résultats ». Le troisième courant définit
l'équité comme « égalité d'accès
à un certain nombre de biens jugés premiers ou fondamentaux
». Le quatrième courant définit l'équité
comme « égalité catégorielle définie
comme indépendance entre résultats et catégories ou traits
hérités par la naissance » (Debande & Vandenberghe, 2008
: 84-85).
2015 lors de son sommet20 en septembre 2010 sur les
Objectifs du Millénaire pour le développement. Elle s'est
engagée, entre autres à l'issue de celui-ci, à progresser
plus rapidement dans l'atteinte de l'Objectif 2 en s'appuyant sur dix
recommandations sans toutefois dégager des moyens
complémentaires. Une seule recommandation vise la qualité sans
préciser de quelle qualité il s'agit. Une autre vise
l'élimination des obstacles internes et externes aux systèmes
éducatifs sans questionner l'adéquation au contexte local.
En complément, le United Nations Development
Programme publiait un rapport relatif à l'Agenda 2010-2015 dans
lequel se trouvent les stratégies à mettre en place pour
atteindre les 8 objectifs OMD. Nous pouvons déjà nous
étonner de la réaffirmation du caractère atteignable des
objectifs sans moyens complémentaires: «Based on a review of 50
country studies, this Assessment finds that the resources and know-how
necessary to achieve the MDGs exist. Acceleration ofprogress over the next five
years will need to focus on continuing proven strategies, policies and
interventions and making a radical break with those that do not work»
(UNDP, 2010 : iv).
Pour l'objectif 2 des OMD, le recueil de bonnes pratiques
publié par la Task Force on the MDGs du groupe des Nations
Unies à destination des politiques et des professionnels de
l'éducation (UNDG, 2010) reprend 88 bonnes pratiques en lien avec les
principaux freins et contraintes détectés et à
dépasser. Celles-ci sont reprises en synthèse dans le tableau
ci-après. A la lecture de ce tableau, nous constatons avec
étonnement que les bonnes pratiques sont fortement tournées vers
le renforcement des capacités de pilotage.
Tableau 2.8. : 88 bonnes pratiques pour atteindre
l'EPU
(Source : UNDG, 2010, MDG Good practices, p. 11)
20 ONU, Site consulté le 24 février 2011,
http://www.un.org/fr/mdg/summit2010,
La vision de l'Unesco est plus << réaliste
>> en termes de résultats. L'Unesco affirme que l'objectif
quantitatif ne sera probablement pas atteint sans ressources
complémentaires et l'Unesco pointe les graves problèmes relatifs
aux acquis réels d'apprentissage. Dans son rapport 2010, l'Unesco
exprime clairement qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question d'accès
mais qu'il s'agit surtout d'une question de résultats :
« L'objectif central de l'éducation est de
faire en sorte que les enfants acquièrent les compétences qui
détermineront leurs chances dans la vie ... Savoir si l'on parviendra ou
non à réaliser l'éducation pour tous ne tient pas
uniquement au fait que les pays auront assuré un plus grand nombre
d'années de scolarité : la mesure du succès ou de
l'échec est, en dernière analyse, ce que les enfants apprennent
et la qualité de ce qu'ils vivent dans l'éducation... Le fait que
des millions d'enfants quittent chaque année l'école primaire
sans avoir acquis les compétences de base en matière
d'alphabétisme et de calcul est passé plus inaperçu.
Incapables de formuler ou de lire une phrase simple, ces enfants sont mal
armés pour accéder à l'enseignement secondaire - sans
parler des marchés de l'emploi » (Unesco, Rapport 2010 :
p.114).
3. ANALYSE DE L'EFFICIENCE
3.1. Le volume des ressources nationales et
internationales
Le volume des ressources
internationales
Le rapport EPT 2011 rappelle en introduction que << Le
cadre d'action de Dakar a reconnu qu'il importait d'adosser les objectifs
à des engagements financiers>> (2011 : 113). Pour les ressources
internationales, il met en avant plusieurs constats relatifs au volume et
à la répartition de l'aide.
Les décaissements d'aide à l'éducation
semblent avoir atteints un plafond en 2007. Après avoir augmenté
significativement entre 2002 et 2007 passant de 6,4 à 11,7 milliards de
dollars US, ceux-ci s'élèvent à 11,4 milliards de dollars
US en 2008. Le même constat est fait pour l'éducation de base,
celle-ci passe de 2,4 à 4,7 milliards de dollars US entre 2002 et 2007,
cependant ce niveau reste maintenu pour 2008 malgré la
légère diminution de l'aide totale (2011 : 121). De plus, les
engagements en faveur de l'éducation de base varient fortement d'un
donateur à l'autre et pas toujours en lien
direct avec le besoin réel d'un pays (2011 : 122).
« Étant donné l'ampleur du déficit de financement de
l'éducation de base, il y a clairement une bonne raison de
reconsidérer les priorités actuelles dans ces pays. Si tous les
donateurs consacraient à l'éducation de base au moins la
moitié de leur aide à l'éducation (la moyenne actuelle est
de 41 %), ils pourraient mobiliser un montant supplémentaire de 1,7
milliard de dollars EU par an >> (Unesco, 2011 : 123).
Le rapport EPT 2011 remarque le non-respect des engagements
pris en 2005 par les donateurs d'accroître les volumes d'aide
d'éducation de 50 milliards de dollars US d'ici à 2010 et de
consacrer la moitié de cette augmentation à l'Afrique
subsaharienne. Bien qu'une augmentation réelle ait eu lieu, les
estimations réalisées font apparaître un déficit
global projeté de 20 milliards de dollars US en 2010 dont 16 milliards
de dollars US pour l'Afrique. Par ailleurs, le rapport mentionne que seul 5 des
22 donateurs du CAD de l'OCDE ont atteint l'objectif de l'ONU de 0,7% et de
nombreux pays ont réduit leur aide en 2009 en référence
aux pourcentages de décaissement (2011 : 119-121).
La crise financière de 2008 impacte directement les
volumes d'aide des donateurs. Les pays donateurs ont ainsi réduit leur
aide de 20% à 25% par rapport au niveau attendu avant les crises (Unesco
2011 : 132) et, hormis l'une ou l'autre exception, les prévisions ne
semblent pas indiquer un retournement à la hausse. Ce qui amène
le constat suivant « beaucoup de donateurs, quelles que soient leurs
déclarations publiques en sens contraire, semblent avoir implicitement
renoncé à leurs engagements de 2005 >> (Unesco, 2011 :
133). Comme alternative, le rapport EPT 2011 propose d'adopter des
stratégies de financement innovantes comme la proposition de
facilité internationale de financement pour l'éducation (IFFE)
qui pourrait mobiliser de 3 à 4 milliards de dollars EU entre 2011 et
2015 (2011 : 126) ainsi qu'un prélèvement sur la
téléphonie mobile pour l'éducation.
Le volume des ressources nationales
Le rapport EPT 2011 nous informe que la part consacrée
à l'éducation calculée en pourcentage du PNB, a
globalement progressé. Cette part était en 2008 de 5% dans le
monde avec un taux de croissance annuelle nette de 3% depuis 1999, de 3,8% pour
les pays à faible revenu avec un taux de croissance annuelle nette de
6,8% et de 4% en Afrique subsaharienne avec un taux de croissance annuelle
nette de 4,6%.
Tableau 2.9. : Indicateurs de l'Objectif 6
EPT
(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 115)
Les efforts financiers des Etats sont présentés
en comparant le taux annuel de croissance réelle des dépenses
d'éducation avec le taux annuel de croissance réelle du PIB. Si
les investissements éducatifs sont entre autres conditionnés au
niveau des recettes fiscales, la part réservée à
l'éducation lors de l'affectation budgétaire varie fortement d'un
pays à l'autre. 31 pays sélectionnés parmi les pays
à faible revenu ou à revenu moyen, dont 11 pays de l'Afrique
subsaharienne, avaient réalisés entre 1999 et 2008 des efforts
éducatifs supérieurs à la croissance de leur PIB.
Tableau 2.10. : Taux de croissance annuel des budgets de
l'éducation entre 1999 et 2008
(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 116)
Sur base de données disponibles pour 26 pays d'Afrique
subsaharienne, la croissance de la dépense publique d'éducation
entre 1999 et 2009 a été estimée à une moyenne de
6,1% par année (Unesco, 2011b : 32-33). Au niveau de l'Afrique
subsaharienne, la dépense publique d'éducation a
été estimée en 2008 à 5% du PIB (Unesco 2011b :
32). En comparaison, la moyenne de l'OCDE était de 4,6% en 2007 et la
dépense intérieure d'enseignement en Fédération
Wallonie-Bruxelles de Belgique était estimée en 2007 à
6,6% du PIB en comparaison internationale (Communauté française,
2010 : 14). La fiche régionale produite par le Pôle de Dakar nous
informe qu'en moyenne 23% des ressources publiques internes sont
consacrées à l'éducation et que de fortes
disparités existent entre les pays. Pour ce qui est de la
répartition entre les niveaux d'enseignement, l'Afrique subsaharienne
réalise les plus grands efforts au niveau du primaire avec 44% du budget
éducation alors que les pays de l'OCDE concentrent leurs investissements
au niveau universitaire avec 36%. Paradoxalement, le coût par
élève du primaire représente 12% du PIB/habitant en
Afrique subsaharienne et 20% dans l'OCDE en pourcentage du PIB par habitant.
Tableau 2.11. : Indicateurs financiers
|
Afrique
|
Afrique subsaharienne
|
Disparité entre pays africains Min. -
Max.
|
OCDE (**)
|
Financiers sectoriels - Mobilisation des ressources
domestiques (données 2006)
|
(données 2007)
|
Ressources publiques en % du PIB en PPA$(*)
|
|
5%
|
- de 2% - + de 10%
|
4,6% (budget total privé-public,
6,2%)
|
Ressources publiques internes en % du PIB
|
23%
|
23%
|
8% - 51%
|
|
|
% de dépenses courantes éducatives dans les
dépenses courantes de l'Etat
|
22%
|
22%
|
7% - 35%
|
|
|
Répartition du budget de l'éducation
(dépenses courantes) (données 2008)
|
(données 2007)
|
% primaire (ajusté à 6 années)
|
44%
|
44%
|
14% - 64%
|
|
64% (
dép. au titre d'établissements
d'ens. pour le
primaire, second. et sup. non univ.)
|
% secondaire (ajusté à 7 années)
|
35%
|
35%
|
5% - 58%
|
|
% supérieur
|
21%
|
21%
|
8% - 41%
|
|
Coût par élève en % du PIB par
habitant (données 2008)
|
|
(données 2007)
|
Primaire
|
12%
|
12%
|
4% - 31%
|
|
20%
|
Secondaire
|
27%
|
27%
|
4% - 83%
|
|
24%
|
Supérieur
|
284 (?)
|
308 (?)
|
13 - 2147
|
(?)
|
40%
|
(Sources: Pôle de Dakar, 2010, Fiche
rég.21 - (*) Unesco, Inst. for Statistics, 2011a, Financing
ed. in sub-saharian Africa, pp. 31-32 - (**) OCDE, 2010, Regards sur
l'éducation 2010, pp. 205, 219, 228)
21
http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne
FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011
En ce qui concerne les effets de la crise financière de
2008 et de la hausse des prix alimentaires sur les dépenses nationales
d'éducation, << Environ 40 % des pays à faible revenu pour
lesquels les données sont disponibles ont réduit leurs
dépenses d'éducation en 2009 >> (Unesco, 2011 : 128). Or,
pour atteindre les objectifs 2015 les dépenses d'éducation de
base devraient croître d'environ 12% par an (Unesco, 2011 : 129).
La pression s'exerce aussi sur les ménages avec 4
grands risques : une augmentation du nombre d'enfants quittant l'école,
une augmentation du nombre ne terminant pas le cycle primaire, une augmentation
des difficultés d'apprentissage et une diminution de la
fréquentation scolaire dues à la malnutrition ainsi qu'une
diminution de la motivation des enseignants dont certains ont vu leur salaire
baisser (Unesco, 2011 : 126).
3.2. L'allocation des ressources
L'allocation des ressources est indirectement abordée
dans le rapport EPT 2011 dans l'objectif 6 relatif à la qualité
de l'éducation en mettant en avant deux facteurs déterminants :
la qualité des écoles et la question de l'enseignant.
Même s'il est difficile de tirer des leçons
compte tenu << des écarts importants associés aux facteurs
d'apprentissage liés à l'école que l'on observe d'un pays
à l'autre et au sein des pays >> (Unesco, 2011 : 102), le rapport
met en évidence quelques facteurs déterminants: la qualification
des enseignants, l'effectif des classes, le temps réel d'enseignement,
les premières années de scolarité...
A partir de l'enquête TIMMS (Trends in International
Mathematics and Science Study) 2007, le rapport EPT 2011 montre que deux
critères importants influencent les résultats d'apprentissage des
élèves pauvres de pays à faible revenu. Il s'agit du
nombre d'enseignants titulaires d'un certificat et de l'effectif des classes
(Unesco 2011 : 102).
Le rapport EPT 2010 mettait déjà la
problématique enseignante en avant en attirant l'attention sur trois
difficultés majeures : la pénurie, la qualification et la
motivation. En Afrique subsaharienne, le rapport
élèves/enseignant se situe, à 4 exceptions près,
au-dessus du plafond fixé à 40/1 et il peut varier du simple au
triple en
fonction de paramètres comme le lieu de vie en zone
rurale ou urbaine, le degré de pauvreté et les
désavantages. Dans le monde, pour atteindre l'enseignement primaire pour
tous en 2015 et sans compter les remplacements, le rythme de création de
nouveaux postes devrait s'accélérer significativement, 1,9
millions d'enseignants supplémentaires devrait être
recrutés dont 1,2 millions en Afrique subsaharienne.
Parallèlement, le constat est fait que les enseignants formés
sont concentrés dans les zones urbaines et la motivation est liée
au revenu (Unesco, 2010 : 126-128).
La question de l'allocation des ressources en Afrique
subsaharienne est présentée plus précisément dans
le profil régional établi par le Pôle de Dakar. Le
pourcentage de dépenses hors enseignant est de 29,9% en Afrique
subsaharienne et de 25,7% au sein de la Fédération
Wallonie-Bruxelles de Belgique. Le rapport élèves/enseignant est
de 45 en Afrique subsaharienne alors que le ratio «
élèves/enseignants (EPT) » dans l'enseignement fondamental
(maternel et primaire) de la Fédération Wallonie-Bruxelles de
Belgique (équivalent au taux d'encadrement et non au nombre
d'élèves par classe) s'élève pour l'année
2008-2009 à 14 ou 15 suivant le réseau d'enseignement (Rapport
CF, 2010 : 62). Le taux de redoublement est de 13,9% alors que le taux de
retard dans la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique est de
22%.
Tableau 2.12. : Paramètres de politique
éducative
|
Afrique
|
Afrique subsaharienne
|
Disparité entre pays africains
Minimum -
Maximum
|
Communauté française de Belgique
(*)
|
Paramètres de politique éducative
(Durée du cycle primaire = 6 ans) (données 2007-2008)
|
(données 2008-
2009)
|
Rapport élèves-enseignant
|
43
|
45
|
13 - 104
|
14 - 15 (suivant le réseau d'ens.)
|
Salaire moyen hors salaires enseignants
(en PIB/tête) (données 2008)
|
4,2
|
4,4
|
0,4 - 7,6
|
|
% dépenses hors
salaires enseignants (données 2008)
|
29,5%
|
29,9%
|
9,1% - 65,8%
|
25,7% (hors Université)
|
% de redoublants
|
13,3%
|
13,9%
|
2,2% - 33,3%
|
22% (taux de retard en 6ème année)
|
% d'élèves dans le privé
|
13,7%
|
14,6%
|
0,2% - 86,9%
|
|
(Source: Pôle de Dakar, 2010, Fiche régionale de
l'Afrique subsaharienne,22 - Communauté française,
201, Les indicateurs de l'enseignement, n°5)
22
http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne
FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011
3.3. Analyse de l'efficience
Des ressources importantes mais
insuffisantes
A nouveau, un constat positif à l'échelle
globale peut être posé pour les pays d'Afrique subsaharienne.
L'Afrique subsaharienne a réalisé des efforts financiers
considérables pour déployer un système d'éducation
primaire accessible à toutes et tous. Mais ces efforts semblent vains
étant donné sa dynamique démographique. Pour rappel, le
taux de dépendance de l'Afrique subsaharienne était encore de
79,4% en 2008, même s'il a diminué de pratiquement 9% depuis 1990
(CUA et al., 2010 : 17). En comparaison avec les données de
l'enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique et
de l'OCDE, l'Afrique subsaharienne fournit les efforts les plus
élevés en pourcentage du PIB et pour l'enseignement primaire.
Suite à la crise financière de 2008, les Etats africains ont
été amené à trouver des« financements
alternatifs ». Les prêts consentis par les organisations
internationales à l'Afrique pour réaliser les OMD ont
considérablement augmenté. Ils ont quintuplés pour le FMI,
ils ont triplé pour la Banque mondiale par rapport aux niveaux d'avant
la crise, et la Banque africaine de développement a mis en place des
facilités de liquidité d'urgence. Comme mentionné dans le
rapport, ce n'est qu'avec le temps que l'équilibre budgétaire
pourra se rétablir et celui-ci reste précaire (CUA et al., 2010 :
2-3).
A cela, s'ajoute la contribution importante des ménages
dans l'éducation primaire. Celle-ci s'élève à 30%
des dépenses d'éducation à côté des
dépenses issues du secteur public et du secteur privé (CUA et
al., 2010 : 63). Ce qui est énorme et montre qu'une demande
d'enseignement existe réellement.
Par contre, nous constatons que les efforts et le respect des
engagements de la communauté internationale sont sujets à
variation et ont diminué suite à la crise.
Une efficacité technique sous
contrainte
A volume financier donné et avec un régime
démographique de haute natalité, que peut mettre en place un Etat
en termes de pilotage?
La fonction de production (O. Debande et V. Vandenberghe, 2008
: 112) nous enseigne que la masse salariale, soit de loin le principal poste
budgétaire dans l'enseignement, dépend du nombre d'enseignants,
du taux de participation des usagers, du taux d'encadrement, du niveau moyen de
rémunération et de l'évolution
démographique. Dans le cas précis de l'Afrique
subsaharienne, il y a pénurie d'enseignants et le niveau de
rémunération est faible, le taux de participation maximal et
l'évolution démographique croissante, il n'y a donc pas vraiment
de marges de manoeuvre. Elle nous enseigne aussi que le taux d'encadrement
<<version pédagogique » est différent du taux
d'encadrement <<version budgétaire » (rapport
élèves/enseignant ou élèves/personnel) (O. Debande
et V. Vandenberghe, 2008 : 113). L'encadrement est fonction de trois
paramètres : la taille de la classe, l'horaire des élèves
et l'horaire des professeurs. Dans le cas de l'Afrique subsaharienne, il
s'agirait de réduire les horaires des élèves. Cela est
déjà d'application dans certains cas.
Une brève analyse coûts/bénéfices
nous enseigne qu'une autre possibilité serait la diminution du rapport
élèves/enseignant en ramenant, par exemple, le pourcentage moyen
des dépenses hors enseignants au niveau de celui de la
Fédération WallonieBruxelles de Belgique. Mais cela ne
résout en rien le problème de pénurie d'enseignants
diplômés.
Quelles suggestions formuler ?
Cette brève analyse nous amène au constat que
peu d'alternatives sont possibles mais qu'il en existe. Ainsi, E. Duret (2005)
propose, entre autres, pour certains pays, de mobiliser de manière
accrue les ressources internes et d'utiliser de manière plus rationnelle
et efficiente les ressources notamment par la révision des ressources
entre les cycles (2005 : 70). Elle pointe aussi comme défis la
recomposition du corps enseignant et les questions de gestion administrative et
pédagogique en lien avec le contrôle social exercé par la
communauté éducative et la structure des responsabilités
(2005 : 77). Dans cette lignée, il nous semble qu'une réflexion
autour de l'organisation des systèmes d'enseignement, des objectifs
pédagogiques et des seuils minimaux d'acquis d'apprentissage devrait
pouvoir avoir lieu. Il s'agirait ici d'envisager l'ajustement au contexte local
plutôt que la conformité au niveau global.
Nous avons noté également une piste au travers
d'une réduction des coûts de pilotage pour certains pays, mais il
s'agit ici d'aller à l'encontre des recommandations des Nations Unies
visant à renforcer les capacités des planificateurs. En
complément, nous pourrions suggérer de revoir l'objectif
d'éducation primaire universelle d'ici à 2015 et donc, d'aborder
la délicate question de la pertinence de l'objectif dans sa formulation
actuelle. Mais supprimer la contrainte d'éducation primaire pour tous
semble improbable d'un point de vue éthique et l'éducation
primaire fait partie des
droits fondamentaux. Toutefois, un report
d'échéance devrait être envisageable. Enfin, il nous semble
que la communauté internationale pourrait réaffirmer ses
engagements.
4. CONCLUSIONS
De cette première analyse, qui avait pour objet
d'explorer l'évolution de l'offre éducative du point de vue de
l'efficacité et de l'efficience dans les régions à faible
revenu et particulièrement en Afrique subsaharienne, nous pouvons
souligner deux grands constats généraux. D'une part, les efforts
déployés par la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne sont
remarquables et ont engendré des avancées significatives en
termes d'accès. D'autre part, le déploiement rapide et intensif
des systèmes d'éducation, et de l'éducation primaire en
particulier, se heurte à de nombreuses contraintes, en termes
d'accessibilité des publics, d'organisation des structures, de
ressources financières et pédagogiques... Il engendre, dans son
sillage, une série de difficultés d'ordre quantitatif mais
surtout qualitatif. Cet état de fait est diversement reconnu par les
parties prenantes.
En référence à notre hypothèse de
travail sur la qualité des systèmes éducatifs
formulée comme condition préalable à la production d'un
développement « la mise en oeuvre des politiques
d'éducation primaire doit au préalable atteindre des niveaux
minimaux de qualité pour, éventuellement, produire du
développement », il semble bien qu'elle ne soit pas
rencontrée dans un certain nombre de cas. Nous devons objectivement
conclure que le déséquilibre constaté entre
l'investissement quantitatif et qualitatif nuit à l'atteinte de seuils
minimaux de qualité et de compétences maîtrisées.
Cette perception devrait toutefois être affinée car, comme le
rapport EPT 2011 le relève, les données relatives aux acquis
d'apprentissage manquent dans les pays d'Afrique subsaharienne pour pouvoir
établir un diagnostic objectif.
Pour maintenir la progression vers l'atteinte de l'objectif
d'éducation primaire pour tous d'ici à 2015 dans des conditions
qualitatives acceptables, il s'avèrerait nécessaire de se pencher
sur les objectifs de l'offre éducative. Du point de vue de
l'efficacité, il nous semble qu'il serait utile de
réfléchir à un meilleur équilibrage entre
l'équité d'accès en nombre, l'équité de
résultats (ou l'équité d'accès à un seuil
minimal de maîtrise des connaissances de base) et l'équité
catégorielle (pauvreté, genre, ruralité,
ethnicité...). Les progrès enregistrés
devraient être corrélés à des contraintes de seuils
minimaux d'acquis d'apprentissage, encadré par des stratégies de
gestion et pédagogiques renforcées. D'où, du point de vue
de l'efficience, il s'agirait de réfléchir à
l'efficacité technique en menant une réflexion autour d'un
meilleur équilibrage entre des stratégies de gestion et des
stratégies pédagogiques (organisation des systèmes,
enseignants, méthodes pédagogiques...). Une clarification semble
également utile entre les moyens alloués (nationaux et
internationaux) et les objectifs à poursuivre.
Enfin, étant donné les contraintes de
ressources, pourquoi ne pas ouvrir le champ de la réflexion et sortir de
la rigidité d'une orientation politique globale afin de dégager
des pistes de solutions plus flexibles ? A titre d'exemples, si l'on
considère que l'objectif d'apprentissage est de maîtriser les
savoirs de base (lire, écrire, calculer), faut-il pour cela suivre
automatiquement 6 années d'école primaire dans une classe pouvant
regrouper jusqu'à 104 élèves ? Il s'agit donc bien
d'effort d'ajustement au contexte et aux moyens à réaliser sans
s'éloigner de l'objectif d'éducation pour tous. Un report
d'échéance de l'objectif OMD 2 pourrait également se
concevoir dès à présent.
III. Analyse de la pertinence de l'objectif OMD 2 pour
le développement
Quel que soit l'angle d'approche des politiques de
développement, l'éducation est présente indirectement ou
directement, soit comme préalable indispensable en amont d'autres
leviers, soit comme composante, une fin en soi. Il existe un consensus fort
autour de la pertinence de l'investissement dans le secteur de
l'éducation pour le développement. Sous l'angle de la croissance
économique et du progrès, l'éducation est un moteur
essentiel en référence aux théories du capital humain et
de la croissance endogène. Sous l'angle du développement humain,
l'éducation est un moyen et une fin. Sous l'angle de la lutte contre la
pauvreté, l'éducation, en tant que composante, est un moyen. En
complément, l'éducation est aussi considérée comme
un moteur de changement dans la dynamique démographique et dans le
domaine de la santé. Il y a donc un consensus fort autour des effets
positifs de l'éducation sur le développement avec la conception
de l'éducation comme un droit fondamental. Ce consensus est
régulièrement rappelé par les Nations Unies et la Banque
mondiale.
Les Nations Unies, à l'occasion du Sommet sur les OMD
qui s'est tenu à New York en septembre 2010, ont présenté
l'exposition « L'ÉDUCATION, ÇA COMPTE, Vers la
réalisation des objectifs du Millénaire pour le
développement ». Cette exposition rappelle les nombreux effets
positifs de l'éducation sur les autres Objectifs du Millénaire
pour le développement « L'éducation est la clé de
voûte du développement humain. Elle aide les personnes à
lutter contre la pauvreté et les autonomise en leur donnant les
connaissances, les compétences et la confiance dont elles ont besoin
pour se forger un meilleur avenir » 23.
Le site Internet de la Banque mondiale résume assez
bien le consensus autour du rôle positif de l'éducation sur la
croissance, la pauvreté et les effets négatifs des retards sur
l'économie d'un Etat. Il s'agit de « l'aptitude des pays à
procurer à leur économie les compétences voulues pour
soutenir un regain de croissance » :
« Une amélioration radicale de
l'éducation constitue un préalable à
l'établissement d'un niveau de croissance durable suffisamment
élevé pour réduite la pauvreté et aider à
l'instauration de sociétés intégratives,
démocratiques et équitables... Le faible niveau
d'éducation des femmes qui caractérise l'Afrique subsaharienne
est particulièrement préjudiciable à trois égards :
i) pour la croissance économique globale, sachant que l'éducation
des femmes a un impact positif au niveau, par exemple, de la
productivité
23 L'exposition reste accessible sur le site Internet
de l'Unesco, Unesco, Site Internet consulté le 3 février 2011,
mis à jour en 2010,
http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international-agenda/efareport/mdg2010/
agricole ; ii) dans l'optique d'une répartition de
cette croissance qui soit favorable aux pauvres, si l'on considère que
les femmes figurent parmi les catégories de population les plus pauvres
et que l'éducation constitue, pour ce groupe, l'atout le plus important
qui soit ; et iii) pour assurer de meilleurs niveaux de santé et de
nutrition, la prévention du VIH/SIDA et la réduction des taux de
fécondité »24.
Cette deuxième partie est consacrée à
l'analyse de la pertinence de l'objectif OMD 2 d'éducation pour tous
d'ici à 2015 en lien avec ses effets sur les quatre courants du
développement. Pour l'approche par la croissance et le progrès,
nous faisons le lien entre le déploiement de l'éducation,
l'évolution du PIB et les rendements privés et sociaux. Pour
l'approche par le développement humain, nous critiquons le
bienfondé de l'approche par les capabilités définie par A.
Sen, économiste et prix Nobel, et analysons l'apport des indices de
développement humain. Pour l'approche par la lutte contre la
pauvreté, nous comparons l'évolution entre les indicateurs de
l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD 1 pour l'Afrique subsaharienne,
région caractérisée par une situation d'extrême
pauvreté. Pour l'approche par le développement endogène,
nous traitons de la question des territoires et des contenus
enseignés.
Il s'agit principalement de vérifier notre
première hypothèse : « La politique d'éducation
primaire est inappropriée pour les pays et les populations en situation
d'extrême pauvreté ».
1. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA CROISSANCE ET LE
PROGRÈS
1.1. Evolution de l'éducation et du PIB, analyse des
rendements de
l'éducation
Evolution de l'éducation et du
PIB
Tableau 3.1. : Evolution du PIB et de
l'éducation par niveau en Afrique subsaharienne
|
1990
|
2000
|
2005
|
2007
|
2008
|
2009
|
Evolution du GDP
|
|
GDP croissance annuelle
|
1,9%
|
3,2%
|
4,4%
|
6,3%
|
5,1%
|
1,2%
|
GDP per capita, croissance annuelle
|
-1,0%
|
0,6%
|
1,8%
|
3,7%
|
2,6%
|
-1,3%
|
Part du GDP par secteurs d'activité
|
|
Agriculture
|
18,8%
|
16,5%
|
16,9%
|
15,4%
|
12,4%
|
12,7%
|
Industrie
|
17,6%
|
14,8%
|
13,1%
|
14%
|
13,6%
|
12,9%
|
24
Banque mondiale, Afrique subsaharienne - Education, Site internet
consulté le 3 février 2011, mis à jour en 2011,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/0,,contentMDK:21
448405~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:488775,00.html
Services
|
49,2%
|
54,3%
|
51,7%
|
52,4%
|
55,2%
|
56,7%
|
Commerce
|
51,8%
|
63,3%
|
67,2%
|
70,4%
|
75%
|
62,1%
|
Evolution de l'accès à
l'éducation
|
|
Primaire
|
72,8%
|
82,2%
|
95,4%
|
|
101,6%
|
|
Secondaire
|
22,5%
|
25%
|
31%
|
|
34,1%
|
|
Tertiaire
|
3%
|
4,2%
|
5,5%
|
|
6,1%
|
|
(Source : Unesco, Institut for Statistics, 2011a, Financing
education in sub-saharian Af., pp. 19- 24)
Avec la globalisation, la dépendance des pays de
l'Afrique subsaharienne s'est accrue considérablement. La contribution
du secteur du commerce au PIB est passée de 51,8% en 1990 à 75%
en 2008 ; ce qui rend la région beaucoup plus vulnérable aux
chocs extérieurs (CUA et al., 2010 : 20). Dans l'enseignement primaire,
il existe également une corrélation directe entre le niveau de
PIB par habitant et la dépense publique d'éducation par
élève. Les pays avec un PIB inférieur à 1000 PPP$
dépensent entre 39 et 144 PPP$, les pays avec un PIB supérieur
à 3000 PPP$ dépensent entre 120 et 1432 PPP$ (CUA et al., 2010 :
87).
Le tableau et les données ci-dessus nous enseignent que
ce sont principalement les secteurs des services et du commerce qui alimentent
le PIB et que c'est la croissance qui tire à la hausse le revenu par
personne. Quant à la liaison entre l'éducation et la croissance,
il nous renseigne uniquement d'une évolution parallèle à
la hausse. Celle-ci semble confirmée pour l'enseignement primaire, si
l'on se réfère aux dépenses par élève
suivant le niveau de PIB par habitant.
Etudes relatives aux rendements privés et
sociaux
L'évaluation du stock de capital humain et de l'impact
de l'éducation sur les rendements et la croissance ont fait l'objet de
nombreuses études à l'échelle mondiale. Dans un premier
temps, les indicateurs retenus pour mesurer le capital humain ont
été les niveaux d'éducation et le nombre d'années
d'étude. Par la suite, les études se sont portées sur les
effets de la qualité de l'éducation sur la croissance.
G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos ont évalué
dans les années nonante les rendements privés et sociaux de
l'éducation. De leur dernière étude publiée en
2004, il ressort que les rendements sont élevés à tous les
niveaux d'études et ils tendent à croître
parallèlement à la pauvreté du pays. Le niveau primaire
donne les rendements les plus élevés, particulièrement en
Afrique subsaharienne. Les rendements sont dégressifs par
niveau d'éducation à une exception prêt,
le rendement privé de l'éducation supérieure est aussi
élevé que le rendement de l'éducation primaire pour les
pays ayant le plus faible niveau de revenus.
Par grande région, l'Afrique subsaharienne enregistre
les rendements les plus élevés dans le primaire avec 37,6 %,
suivi du supérieur avec 27,8% et du secondaire avec 24,6% ; les
rendements sociaux sont les plus élevés dans le primaire avec
25,4 % contre 18,4% pour le secondaire et 11,3% pour le supérieur ; 7,3
années d'éducation engendrent un rendement de 11,7%. Par niveau
de revenu, les pays à faible revenu enregistrent les rendements les plus
élevés dans le primaire avec 25,8% et dans le supérieur
avec 26% ; les rendements sociaux sont les plus élevés dans le
primaire avec 21,3%, contre 15,7% pour le secondaire et 11,2% pour le
supérieur ; 7,6 années d'éducation engendrent un rendement
de 10,9%. Du point de vue du genre, les rendements privés sont plus
élevés pour les hommes dans l'enseignement primaire avec 20,1% et
plus élevés pour les femmes dans l'enseignement secondaire avec
18,4%. En référence à Perkins & al., les rendements
plus élevés pour les femmes dans le secondaire laissent à
penser que « le rendement social de l'éducation féminine
dépasse celui de l'éducation masculine, en raison des effets
externes positifs générés pour la santé et la
fécondité ... (2006 : 341-343).
Tableau 3.2. : Rendements privés, sociaux et par
années de l'éducation par région
(Source : G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 114-115)
Tableau 3.3. : Rendements privés, sociaux et par
années de l'éducation par niveau de revenu
(Source : G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 115)
Tableau 3.4. : Rendements de l'éducation par
genre
(Source: G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 116)
Les travaux réalisés par ces deux
économistes sont très importants car, comme l'explique N. Henaff,
le taux de rendement de l'éducation devient en 1995 le principal
indicateur de rentabilité de l'investissement éducatif pour la
Banque mondiale » (2006 : 83).
L'étude réalisée en 2004 par
Sala-i-Martin, G. Doppelhofer et R. I. Miller confirme les résultats des
études de G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos. Portant sur une analyse
de 67 variables dans 88 pays, l'étude met en exergue que les trois
variables les plus significativement associées à une croissance
de long terme (de 1960 à 1996) sont le taux d'enrôlement dans
l'enseignement primaire en 1960, le prix des investissements et le
niveau initial de PIB par habitant. Une augmentation de 10 %
de points dans le taux d'enrôlement dans l'enseignement primaire est
associée à une croissance de 0,27% dans le taux de croissance
(2004 : 15).
Parallèlement à ces travaux, des études
ont été réalisées à partir de données
qualitatives (Hanushek et Kimko, 2000 ; R. J. Barro, 2001). A. Hanushek et
Kimko mettent en avant en 2000 qu'une différence de performance de 47
points au test PISA 2000 pour les connaissances en mathématiques devrait
entraîner approximativement un point supplémentaire de pourcentage
de croissance économique (Hanushak et Wöâmann, 2008 : 4).
R.J. Barro s'est penché sur la relation entre le capital humain et la
croissance à partir du taux de croissance annuel réel du PIB par
habitant en parité de pouvoir d'achat corrélé avec des
indicateurs de compétences (mathématiques, sciences et lecture)
et en ayant intégré dans son modèle d'autres variables.
Cette étude a porté sur les périodes 1965-75, 1975-85 et
1985-90. Les résultats montrent « un coefficient positif mais non
significatif pour l'indicateur de quantité de l'éducation, tandis
que celui de la qualité de l'éducation a un coefficient positif
et fortement significatif » (Barro, 2001, cité par Altinok, 2006 :
8).
R.J. Barro et J.-W. Lee ont réalisé plusieurs
études d'évaluation du stock de capital humain (2001, 2010). Ces
travaux basés sur les niveaux d'éducation atteints et
terminés, les années moyennes de scolarité ainsi que sur
la qualité de l'éducation ont été
réalisés dans la perspective d'analyser les effets des niveaux
d'éducation atteints sur la croissance économique ainsi que leur
impact sur les autres variables économiques et sociales. Dans
l'étude réalisée en 2001, nous constatons que les
résultats pour l'Afrique subsaharienne sont partiels puisque le calcul
par niveau d'étude a été réalisé à
partir de données émanant de seulement 22 pays. Pour le calcul
à partir des acquis d'apprentissage, l'Afrique subsaharienne n'a pas non
plus été reprise faute de données disponibles. Ces travaux
sont importants, car comme nous l'avons constaté, la dimension
éducation de l'IDH, indice de développement humain, est
mesurée à partir des travaux récents de ces mêmes
auteurs (PNUD, 2010 : 162).
1.2. Analyse de la pertinence
La relation entre l'éducation et la croissance
est complexe
N. Henaff, dans son article publié en 2006, remet en
question l'apport des théories économiques dans un contexte de
développement. Elle rappelle que l'apport de l'économie va
consister à donner un sens à la relation de causalité
entre l'éducation et le développement en postulant que
l'éducation produit du développement et que la relation
observée historiquement (dans les pays Occidentaux et d'Asie) est
reproductible, faisant ainsi de l'éducation un instrument de
développement. En faisant référence à plusieurs
études empiriques, elle démontre que le lien de causalité
n'est pas systématiquement reconnu et que ce lien peut être
inversé. De plus, elle rappelle que la question des rendements
privés ne fait pas l'unanimité.
Dans leur livre, V. Vandenberghe et O. Debande (2008)
remarquent également que, s'il y a une relation étroite entre le
niveau d'éducation et le niveau de PIB, cela ne signifie pas qu'il y a
un lien de causalité fort et que celui-ci va de l'éducation vers
la croissance. De leur point de vue, le sens de la causalité dans la
relation l'éducation et la croissance n'est pas à sens unique :
« ...est-ce l'éducation qui stimule la croissance ou la croissance
qui incite les individus à « consommer » plus
d'éducation ? Dans les faits, il est probable que la causalité
joue dans les deux sens » (2008 : 67). Ainsi, « l'importance
accordée actuellement à l'éducation semble
exagérée car une partie de la causalité est artificielle,
l'éducation venant après ou à la suite de la croissance
économique » (Vandenberghe, 2010-2011). Comme
démontré dans notre analyse de l'efficience de la mise en oeuvre
de la politique d'éducation, les ressources nationales et
internationales sont nécessaires pour financer les systèmes
éducatifs. La croissance économique reste un facteur
déterminant de l'investissement éducatif comme l'atteste la
diminution des volumes suite à la crise financière de 2008
(Unesco, 2011).
La qualité de l'éducation conditionne
les effets de l'éducation sur la croissance
Déjà, au moment de l'adoption des Objectifs du
Millénaire pour le développement, L. Pritchett (1999, 2000, 2001)
mettait en avant les faibles effets de l'éducation sur la croissance
économique des pays les moins développés et pointait la
qualité de l'éducation comme un des facteurs explicatifs. Selon
lui, le système éducatif a échoué
jusqu'à présent du fait qu'une année
supplémentaire d'éducation n'a engendré que peu ou pas de
compétences supplémentaires.
A. Hanushek et L. Wöâmann se sont largement
penchés sur la question de la qualité de l'éducation et de
ses effets sur la croissance. Dans leur article publié en 2008, ils
rappellent, qu'au niveau macroéconomique, les études sur les
rendements de l'éducation ont été principalement
réalisées à partir d'une approche quantitative en se
référant aux niveaux d'éducation ; or, la qualité
est très importante «Ignoring quality differences very
significantly misses the true importance of education for economic growth»
(2008 : 4).
En 2007, ils ont réalisé une étude pour
le compte de la Banque mondiale à partir des plus récentes bases
de données disponibles pour 50 pays. L'évolution des taux de
croissance réels par habitant entre 1960 et 2000 a été
croisée avec l'évolution des années de scolarisation, les
scores en mathématiques et en sciences obtenus à
différents tests internationaux (PISA, TIMMS...) (Hanushek et
Wöâmann, 2007a). Les variations de résultats au sein des pays
ont été croisées avec d'autres facteurs de croissance
reconnus. Les principaux résultats sont synthétisés comme
suit: le rôle de la qualité de l'éducation est
significativement plus important dans les pays à faible revenu
malgré le peu de données disponibles pour les pays en
développement (2007a : 36), les rendements de l'éducation
croissent avec la qualité (2007a : 36), tant l'éducation pour
tous que l'éducation des top performers jouent un rôle
significatif sur la croissance (2007a : 39) et enfin, la qualité de
l'éducation exerce un rôle positif sur la croissance
économique indépendamment de la qualité des institutions
mesurées en termes d'ouverture au commerce international et de
protection contre l'expropriation (2007a : 41).
Ils concluent dans ces deux publications que les connaissances
cognitives, plutôt que le maintien à l'école, sont
étroitement liées à une croissance à long terme. La
qualité de l'éducation a un effet beaucoup plus grand sur les
rendements privés, sur la distribution des revenus et sur la croissance
économique. Les politiques devraient accorder une attention plus grande
à la qualité des écoles. Cependant, les effets sont
complémentaires à la qualité des institutions
économiques et le processus est lent (2007, 2008).
Le contexte et les autres politiques sectorielles
conditionnent les effets de l'éducation sur la
croissance
Dans son article publié en 2001, L. Pritchett expose le
paradoxe entre les effets de l'éducation au niveau
microéconomique et au niveau macroéconomique. Au niveau
microéconomique, le lien entre l'augmentation du niveau
d'éducation et l'augmentation des revenus semble universel et il conduit
par extension à une croissance économique. Au niveau
macroéconomique, les données suggèrent plutôt que
l'éducation n'a pas engendré de manière uniforme un impact
significatif sur la croissance pour trois raisons :
- le capital éducatif supplémentaire
créé a été utilisé à des fins
privées, il a engendré une rémunération
privée sans engendrer une activité socialement productive; en
d'autres termes, il s'agit d'une forme de « piratage » de
l'investissement public consenti ;
- le rendement de l'éducation a décliné
rapidement du fait d'une faible croissance de la demande d'une force de travail
éduquée sur le marché du travail;
- et la faible qualité de l'éducation
déjà évoquée plus haut.
Ces éléments, non exclusifs, peuvent être
présents à des degrés divers dans chaque pays.
Les réflexions de Ph. Hugon vont dans le même sens
:
« Les revenus et les emplois sont plus liés
à des positions dans des réseaux de pouvoir qu'à la
contribution à la création de richesses, d'où une mauvaise
utilisation des compétences et une décapitalisation des
savoirs... À défaut de formation du capital productif et de
milieu valorisant les connaissances, la scolarité peut conduire à
une évasion des connaissances, à un analphabétisme de
retour ou à un exode des compétences » (Hugon, 2005 :
17).
Enfin, nous pouvons rappeler qu'en économie du
développement, l'éducation et la santé ne sont qu'un
déterminant de la croissance. Les caractéristiques qui
distinguent les économies à la croissance rapide de celles qui se
développent plus lentement ont fait l'objet d'études (Perkins et
al., 2006 : 101-110)25. Au côté de l'investissement
dans la santé et l'éducation, les facteurs déterminants
sont :
25 En préalable, ils rappellent les causes
immédiates de la croissance économique qui sont l'accumulation
des facteurs (accumulation d'actifs productifs supplémentaires) et la
croissance de la productivité qui provient de rendements accrus de
nouvelles techniques. Le maintien de la croissance économique passe par
la capacité à générer de nouveaux investissements
et par la garantie de la productivité. Ils citent comme
référence les travaux de l'économiste R. Barro au
début des années 1990 qui tentent d'expliquer les variations des
taux de croissance entre les pays. Parmi ces variables, on retrouve les niveaux
d'éducation et de la santé au côté des choix
politiques, des dotations des ressources...Ils
- la stabilité macroéconomique et politique en
réduisant les risques pour les investisseurs (les guerres civiles
entraînent une régression du PIB) ;
- la gouvernance, les institutions politiques et les
institutions efficaces en lien avec le marché (institutions
génératrices comme le droit de régulation, de
stabilisation, de légitimation comme la protection sociale) ;
- l'environnement favorable à l'entreprise
privée : la politique agricole, la réglementation des affaires,
l'investissement public, le secteur informel, l'ouverture au commerce
international, la politique commerciale et réglementaire ;
- la géographie favorable: les caractéristiques des
pays tropicaux, les pays enclavés.
Pour l'Afrique subsaharienne, nous constatons que chacun de ces
éléments est absent ou présent à des degrés
très divers.
Les régressions réalisées par A. Hanushek
et L. Wöâmann (2007b) tendent à conforter ces constats.
Réalisée à partir de l'actualisation de bases de
données relatives à 92 pays visant à démontrer la
relation entre les années de scolarisation et la croissance
économique, la régression montre que chaque année de
scolarisation est significativement associée à un taux de
croissance de long terme de 0,58% supplémentaire et que cette relation
est significativement plus positive pour les pays hors OCDE avec un taux de
0,56% contre 0,26% pour les pays de l'OCDE. Cependant, cette relation devient
insignifiante lorsque l'on intègre les variables de contrôle
liées à l'ouverture au commerce international, la
sécurité des droits de propriété et au taux de
fertilité (2007b : 22). D'où, un de leurs constats : «good
institutional quality and good educational quality can reinforce each other in
advancing economic development>> (2007b : 43).
Les remises en question des théories
économiques et la validité des études
empiriques
Les problèmes méthodologiques inhérents
aux théories et aux études empiriques sont
régulièrement évoqués pour relativiser l'impact de
telle ou telle autre étude. N. Henaff (2006) rappelle que, « les
choix de modélisation sont déterminants pour les résultats
obtenus >> (2006 : 75) et mentionne les travaux de P.N. Teixera (2000)
qui
rappellent aussi que « les recherches de ce type ont
été contestées, et l'on est loin d'atteindre un consensus
sur le groupe précis des variables influant sur la croissance »
(2006 : 101).
débouchent sur la mise en évidence de
problèmes techniques (sources de données...), de problèmes
liés aux choix effectués (variables, données
utilisées, méthodes d'estimation...) et à leur
justification (reflet des positions des auteurs). V. Vandenberghe et O. Debande
(2008) attire également l'attention sur les problèmes liés
à la qualité des données et les difficultés
inhérentes aux concepts et aux méthodes d'analyse (2008 : 69).
Dans son rapport 2010, l'Unesco aborde ce sujet en attirant notre attention sur
la surestimation possible des données administratives. A titre
d'exemple, le taux de scolarisation et de fréquentation par âge
était à l'âge de 7 ans au Sénégal de 58%
selon l'enquête sur les ménages et de 77% selon les données
administratives (Unesco, 2010 : 65).
A. Hanushek et L. Wöâmann remettent en cause
l'indicateur quantitatif lié aux années d'éducation en
pointant le problème de l'équivalence des contenus
enseignés par année dans chaque pays de par le monde et en
signalant que cet indicateur ne tient pas compte des connaissances acquises en
dehors de la sphère scolaire (2007b).
A. Vinokur met en exergue le lien étroit entre la
mesure de la qualité en éducation et l'introduction d'une logique
de marché dans les services non marchands. L'enseignement et la
qualité de la force de travail sont devenus des indicateurs pertinents
dans les rapports internationaux de compétitivité qui classent
les territoires en fonction de leur attractivité pour les capitaux (2008
: 3). Le Global Competitiveness Index dans The Africa
Competitiveness Report 2011 reprend l'éducation primaire et la
santé comme 4ème pilier en tant qu'exigences
de base au côté des institutions, de l'environnement
macroéconomique et des infrastructures. L'éducation
supérieure et la formation représente le
5ième pilier en lien avec les « rehausseurs
» d'efficacité (World Economic Forum et al., 2011 : 31-32).
Nous pouvons ajouter que la plupart des études
empiriques, et particulièrement celles incluant des critères de
qualité, sont réalisées à partir de données
partielles. Pour les pays en développement, les conclusions sont, de ce
fait, à considérer avec réserve.
Plus fondamentalement, N. Henaff pose la question de la
frontière entre la théorie et la doctrine (2006). Nous notons
effectivement que parmi les quatre orientations prioritaires pour augmenter la
compétitivité des pays africains dans The Africa
Competitiveness Report 2011, deux concernent les compétences
managériales et l'enseignement supérieur et l'entrepreneuriat
féminin. Celles-ci font directement référence à la
théorie de la croissance endogène, aux études empiriques
qui s'y
rattachent, à l'expérience des pays asiatiques
en matière d'éducation et aux théories
démographiques. Les deux autres sont la diversification des produits et
des marchés et le tourisme au travers de la culture et les ressources
naturelles (World Economic Forum et al., 2011 : XIV). Ce rapport a
été rédigé, à l'exception d'un expert en
tourisme, exclusivement par des économistes.
Faut-il le rappeler également, les théories de
référence ont été définies au Nord et
servent de référence pour une application au Sud.
En conclusion, l'éducation ne produit pas à elle
seule de la croissance économique, par contre, la croissance
économique stimule significativement les investissements
éducatifs et appuient ainsi les politiques d'éducation
adoptées à un niveau international (Unesco, 2011). De cette
brève présentation, nous déduisons que si
l'éducation joue un rôle positif sur la croissance, et plus
particulièrement l'éducation primaire, il s'agirait plutôt,
pour les pays à faible revenu et pour l'Afrique subsaharienne, d'un
<<rapport vertueux conditionné ou sous contrainte >>
contrairement à l'affirmation selon laquelle << l'éducation
entretient un rapport vertueux avec la croissance >> (Perkins et al.,
2006 : 107). En d'autres termes, une meilleure éducation contribue
à la croissance et la croissance engendre des ressources permettant de
financer des systèmes éducatifs plus solides à condition
que l'environnement institutionnel, économique et social soit
également de qualité et porteur.
V. Vandenberghe et O. Debande résument fort bien ce
fait en signalant que deux problèmes sont à ce jour non
résolus : la qualité des systèmes éducatifs et la
qualité des autres secteurs. Ils relativisent le lien entre
l'éducation et la croissance en parlant de << l'existence
potentielle d'une relation positive entre l'efficience de la production de
l'éducation et l'efficience dans d'autres secteurs de l'économie
>> (2008 : 69). Et nous pouvons compléter en nous appuyant sur une
réflexion de N. Altinok. S'il s'agit d'une question de qualité,
<< Il resterait alors à déterminer les facteurs pouvant
améliorer la qualité de l'éducation et entraîner
ainsi la croissance économique des pays>> (Altinok, 2006 : 19).
2. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LE
DÉVELOPPEMENT HUMAIN
2.1. Evolution des indices de développement
humain
Du point de vue du développement humain, le premier
Rapport sur le développement humain a été
publié en 1990 par le PNUD et repose sur une nouvelle mesure composite,
l'IDH, Indice de Développement humain, au côté du PIB,
rendant mieux compte de la situation de développement d'un pays ou d'une
région (PNUD, 2010). Deux précurseurs, Mahbub ul Haq,
Pakistanais, et Amartya Sen, Indien, en sont les créateurs avec d'autres
penseurs du développement. Leur objectif a été de replacer
au centre des politiques de développement la personne humaine. La vision
originale reposait sur l'idée que « Le revenu est bien entendu
crucial: sans ressources, tout progrès est difficile. Mais il est
également essentiel de savoir si les gens ont la chance de vivre une vie
longue et en bonne santé, s'ils ont ou non accès à une
éducation et s'ils sont libres d'utiliser leurs connaissances et leurs
talents pour façonner leurs propres destinées » (PNUD,
2010b : ii).
Le RDH 2010 présente trois nouvelles mesures
intégrant « les avancées récentes de la
théorie et de la mesure » et réaffirmant « la
centralité de l'inégalité et de la pauvreté dans le
cadre d'analyse du développement humain » (PNUD, 2010b : 1). A la
mesure de l'IDH s'ajoute l'IDHI ajusté aux inégalités,
l'IPM, Indice de pauvreté multidimensionnelle26, et l'IIG,
Indice d'inégalité de genre. Les composantes par mesure sont
schématisées dans la note technique (PNUD, 2010 : 239). Pour
rappel, l'éducation est une composante de chaque indice et est
mesurée à partir de la durée moyenne et la durée
attendue de scolarisation.
L'évolution du développement humain dans le monde
peut se résumer comme suite :
- des progrès significatifs ont été
réalisés dans les pays à faible IDH et en Afrique
subsaharienne avec un taux de progression de respectivement 27%
et 21% ;
- cette progression s'explique surtout par la progression des
deux composantes de
l'éducation et de la santé et explique ainsi le
processus de rattrapage constaté
(PNUD, 2010 : 37) ; pour la composante éducation, le
groupe IDH faible
26 L'IPM comprend trois composantes auxquelles sont
attachées 10 indicateurs. Il faut rencontrer 2 à 6
déprivations (indicateurs) pour qu'un ménage soit reconnu comme
appartenant à cette catégorie (PNUD, 2010 : 113)
enregistre des taux de progression de 52% et 43% et l'Afrique
subsaharienne enregistre des taux de progression de 43% et 42% ;
- par contre, pour la composante revenu, l'écart se
creuse, s'il y a une progression mondiale de 47%, l'Afrique enregistre une
croissance de 28% ; en complément, le RDH 2010 mentionne une
progression entre 1970 et 2010 de 2,3% dans les pays développés
et de 1,5% dans les pays en développement (2010 : 52).
La situation en 2010 nous montre que c'est dans les pays
à faible IDH et en Afrique subsaharienne que les
inégalités dans les trois composantes de l'IDH restent les plus
fortes. Pour l'année 2010, la perte entre l'IDH et l'IDHI est de 40,8%
pour le groupe IDH faible et de 32,8% pour l'Afrique subsaharienne. En
complément pour l'Afrique subsaharienne, c'est dans la composante revenu
que l'inégalité est la plus forte avec un pourcentage de 45%
(PNUD, 2010 : 105).
Tableau 3.5. : Mesures du développement humain en
2010 et de son évolution depuis 1990
|
Evolution de l'IDH % de changement de
1990-2010
|
Indices en 2010
|
|
IDH
|
Espérance de vie
|
Alpha- bétisation
|
Scola- risation brute
|
Revenu
|
IDH
|
IDHI
|
Perte entre IDH et IDHI
|
IIG
|
Monde
|
18%
|
7%
|
15%
|
20
|
47%
|
0,624
|
0,489
|
21,7%
|
0,560
|
Développés OCDE
|
7%
|
6%
|
1%
|
14%
|
38%
|
0,879
|
0,789
|
10,2%
|
0,317
|
Pays moins développés
|
|
/
|
/
|
/
|
/
|
0,386
|
0,263
|
31,9%
|
0,746
|
Groupe IDH faible
|
27%
|
11%
|
52%
|
43%
|
44%
|
0,393
|
0,261
|
40,8%
|
0,748
|
Afrique subsaharienne
|
21%
|
7%
|
43%
|
42%
|
28%
|
0,389
|
0,261
|
32,8%
|
0,735
|
(Source : PNUD, RDH 2010, p. 34, 170, 179)
En ce qui concerne l'IPM, le rapport RDH 2010
mentionne que cette mesure est particulièrement adaptée aux pays
les moins développés. Selon cette mesure, un tiers de la
population de 104 pays, soit 1,75 milliard d'individus souffre de
pauvreté multidimensionnelle ; ce qui est supérieur au 1,44
milliard de personnes vivant avec moins de 1,25$/jour et inférieur au
2,6 milliards de personne vivant avec moins de
2$/jour. (PNUD, 2010 : 114-115). En Afrique subsaharienne, 65%
de la population souffrent de pauvreté multidimensionnelle. Mais en
comparaison avec les autres régions du monde, c'est en Asie du Sud que
le pourcentage est le plus élevé atteignant 51% contre 28% pour
l'Afrique subsaharienne (PNUD, 2010 : 116-117).
Le RDH 2010 relève aussi la faiblesse du lien
entre la croissance du PIB par habitant et les changements en matière
d'éducation et de santé. A partir de ce constat, le
20ème rapport RDH remet en question le dogme de la
croissance économique et de l'économétrie de la croissance
à partir duquel les politiques se fondent. Malgré tout, il
réaffirme le dogme du développement humain indépendamment
des résultats et des situations d'extrême pauvreté. Le
développement humain est une question de bien-être qui
dépasse la question de l'argent. Basé sur l'idée que <
les gens doivent choisir et poursuivre la vie qu'ils souhaitent >>,
l'accès à l'éducation, la capacité de vivre en
bonne santé et de prendre part à une société
respectueuse de chaque individu sont autant d'autres éléments
à prendre en considération (PNUD, 2010 : 133).
Figure 3.1. : Lien entre croissance des revenus et
l'IDH non monétaire
(Source : PNUD, RDH 2010, p. 57)
En ce qui concerne l'autonomisation et à la
liberté des gens c'est-à-dire < la capacité des
individus et des groupes à soutenir, concevoir et utiliser les processus
politiques et d'autres processus de développement au sein des
ménages, des communautés et des divers pays >>, le RDH
2010 met en évidence qu'elle fait partie intégrante du
développement humain. De l'enquête réalisée
auprès de la société civile, 76% affirmait que
l'autonomisation faisait < au plus haut point>> partie
intégrante du
développement humain. La dimension alphabétisation
et éducation apparaissait en premier comme dimension essentielle avec un
taux de 66% (PNUD, 2010 : 136).
2.2. Analyse de la pertinence
Les apports et limites de l'approche par le
développement humain
Cette approche recentre les enjeux du développement
autour du bien-être de l'individu. L'approche par les capabilités
développée par A. Sen a émergé fin des
années 80, période se soldant par l'échec des programmes
d'ajustement structurel. Elle a le mérite de réintégrer la
dimension sociale dans les politiques de développement.
Cette approche rééquilibre les dimensions
économique et sociale et parle de < capacité humaine »
plutôt que de capital humain. Bien que < les deux orientations placent
l'humain au centre des préoccupations... les tenants du <capital
humain » tendent à privilégier la fonction d'agents des
individus pour autant que celle-ci favorise les possibilités
productives... la perspective des capacités met en avant la
faculté qu'ont les gens de vivre la vie qu'ils souhaitent et qu'ils ont
raison de souhaiter et l'amélioration des choix à leur
disposition, pour y parvenir » (Sen, 1999, p. 383). Le capital humain, de
son point de vue, n'est qu'un versant de la problématique des
capacités humaines, il est associé aux conséquences
indirectes des projets de la personne, c'est-à-dire contribuer à
une production ou créer une valeur d'échange sur le marché
; les conséquences directes liées aux projets de la personne
étant de contribuer à enrichir son existence.
Elle rappelle aussi les finalités élargies de
l'éducation < les bénéfices de l'éducation vont
au-delà de leur apport au capital humain dans la production de bien
» (Sen, 1999, p. 384). D'une même éducation, d'une part, un
individu peut tirer avantage de son gain de productivité, de sa valeur
de production par un revenu accru et d'autre part, il peut tirer d'autres
avantages issus de la lecture, de sa capacité à communiquer,
à argumenter, à s'informer, être pris au sérieux. De
son point de vue, le concept de capital humain ne se suffit pas à
lui-même car on ne peut réduire l'homme à un moyen de
production.
Cette approche donne une vision très positive et
respectueuse de la personne humaine et de son potentiel par le biais de la
promotion des libertés et de l'autonomisation. L'approche d'A. Sen
propose d'évaluer la qualité de vie et les politiques
économiques et sociales non pas du point de vue de l'utilité, des
ressources, des biens premiers ou des résultats mais plutôt
à partir de l'ensemble des opportunités
d'atteindre des résultats, c'est-à-dire <<
des opportunités réelles qui s'offrent aux individus de mener le
type de vie qu'ils ont choisi >> (Bertin, 2008 : 7). Dans cette
perspective, l'éducation est donc essentielle car elle permet à
chaque individu de révéler ses potentialités.
Plusieurs critiques sont adressées à l'approche
par les capabilités. Le caractère arbitraire et subjectif de
l'évaluation de la liberté, le caractère individualiste de
l'approche alors qu'une imbrication des << capabilités >>
individuelles et sociales est en jeu dans les phénomènes de
pauvreté et enfin, son caractère statique (Reboud, 2008 :
64-66).
En complément, nous pourrions ajouter que cette
approche est aussi, de notre point de vue, très, voire trop
responsabilisante pour de l'individu. Elle s'inscrit, même si elle s'en
défend, dans la lignée de la théorie du capital humain de
par les rendements et les externalités positives qui en
découlent.
La pertinence des indices associés au
développement humain
L'approche par le développement humain et les indices
qui en découlent permettent d'avoir une vision élargie et plus
nuancée de l'état de développement d'un pays. Il
reflète mieux la << vraie richesse des nations>> comme
l'informe le titre de ce 20ème rapport. Il donne un autre
regard sur le monde que celui apporté par le PIB. Ainsi, la mesure
initiale qu'est l'IDH <<donne une image du développement bien plus
nette en nous appuyant sur des mesures reflétant une conception plus
large du progrès >> (PNUD, 2010 : 32).
Les trois nouvelles mesures, l'IPHI, l'IPM et l'IIG, rendent
mieux compte des situations d'inégalité et de pauvreté en
se rapprochant des situations de vie (PNUD, 2010 : 239). L'IPM est une nouvelle
mesure très intéressante car elle dépasse l'approche par
la pauvreté vue sous l'angle de la pauvreté monétaire. La
dimension santé est déclinée en deux indicateurs, la
nutrition et la mortalité infantile. La dimension niveau de vie comprend
6 indicateurs, le combustible de cuisson, les toilettes, l'eau,
l'électricité, le sol et les équipements. La dimension
éducation est mesurée à partir des indicateurs
correspondant aux années de scolarité et au nombre d'enfants
inscrits.
Cependant, nous devons constater que, si l'IDH s'est enrichi pour
se décliner en plusieurs indices, la répartition entre les trois
composantes de base, que sont la santé,
l'éducation et le niveau de vie, restent
équivalentes dans chacun des nouveaux indices. En ce qui concerne la
dimension éducation, si les deux indicateurs rendant compte de la
dimension éducation ont été modifiés depuis cette
année pour se rapprocher des tendances actuelles, la qualité
n'est toujours pas reprise comme un indicateur mais il est vrai que les
données manquent à ce sujet. D'aucuns affirment aussi que si
l'IDH permet d'aboutir à une proportion entre les trois dimensions
à un niveau agrégé, il ne permet pas d'intégrer ses
trois dimensions à un niveau individuel.
L'IIG, quant à lui, tient compte de trois dimensions
particulières : la santé, l'autonomisation et le marché de
l'emploi. Bien que la question spécifique des femmes dans les pays en
développement, à laquelle se rattachent celles de la
santé, de la fécondité et de la pauvreté, fasse
l'objet d'une préoccupation particulière dans l'approche par les
capabilités, cette question sera traitée au point suivant relatif
aux effets de l'éducation sur la lutte contre la pauvreté.
Développement humain et croissance
économique
Alors qu'en 2003, le PNUD présentait encore son
diagramme établi en 1996 (voir page suivante) exposant
schématiquement le rapport vertueux entre les services sociaux
(l'éducation et la santé) et la croissance, le RDH 2010
remet en cause les liens entre les trois dimensions du développement
humain.
L'analyse de l'évolution des composantes de l'IDH nous
enseigne que la progression du développement humain est tirée par
les composantes de la santé et de l'éducation et non par la
composante du revenu. Elle nous enseigne surtout qu'une amélioration
dans ces deux dimensions n'a pas entraîné dans son sillage une
amélioration équivalente du niveau de vie des habitants d'un
pays, particulièrement en Afrique subsaharienne.
A l'inverse, les rapports entre la croissance des revenus et
les variations de l'IDH et de l'IDH non monétaire nous enseignent qu'une
augmentation de revenus n'entraîne pas automatiquement une augmentation
des investissements dans les domaines de la santé et de
l'éducation. Ces constats nous renvoient aussi à l'approche par
les capabilités et aux conditions de sa réalisation. Comme le
mentionne A. Bertin, trois institutions sont au coeur de cette approche et
permettent d'offrir à l'individu des garanties «
d'égalité de capabilités »: le marché qui
permet les opportunités économiques (acheter, vendre,
échanger), l'Etat qui permet les opportunités sociales,
régule l'économie et garantit la démocratie, et la
démocratie qui est, du point de A. Sen, le seul système
basé sur une
égalité de traitement entre les individus et le
respect des libertés inconditionnelles (2008 : 10). Malheureusement,
dans les pays en situation d'extrême pauvreté et
particulièrement en Afrique subsaharienne, force est de constater que
ces trois <<institutions » posent des difficultés à
des degrés divers. Dans cette lignée, le rapport RDH
2010 mentionne que << différentes combinaisons peuvent avoir
différents résultats, en fonction du cadre institutionnel et de
contraintes structurelles... les chemins qui mènent au progrès
sont fonction des conditions institutionnelles, politiques et historiques des
différents pays » (2010, 177).
Par ailleurs, le rapport 2010 nous rappelle le rôle
élargi de l'éducation, notamment en faveur de l'autonomisation et
de la liberté des gens.
Figure 3.2. : Développement humain et
croissance
(Source : Rapport sur le développement humain 2003, PNUD
2003 : 70)
En conclusion, la prise en compte de la dimension
éducation dans le développement humain relève davantage
d'une option initiale. Dans les faits, le 20ème rapport sur
le développement humain démontre qu'il n'y a pas de réel
cercle vertueux entre les services de base et une augmentation des revenus et
du bien-être. La pauvreté dans des pays à IDH faible et en
Afrique subsaharienne semble davantage liée aux deux autres dimensions
que sont la santé et le niveau de vie, défini en termes de
déprivations. La pertinence de l'investissement éducatif pour la
croissance des revenus n'est pas démontrée ou, à tout le
moins, elle est conditionnée à l'environnement institutionnel,
politique et historique.
En réponse, le RDH 2010 s'éloigne de
l'indice de développement humain initial en proposant une lecture
élargie du développement humain à partir de 4 mesures
empiriques que sont le niveau moyen actuel, la déprivation, la
vulnérabilité et l'inégalité (2010 : 101).
L'éducation pourrait peut-être ainsi trouver une plus juste place
dans cette approche.
3. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA LUTTE CONTRE LA
PAUVRETÉ
3.1. Evolution de l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD 1
Dans cette section, nous proposons de nous interroger sur le lien
entre l'objectif OMD 2 et l'objectif OMD 1 visant à éradiquer
l'extrême pauvreté et la faim.
Pour rappel, trois cibles sont définies auxquelles
correspondent les indicateurs qui ont été rappelés dans la
section relative à la définition des concepts au chapitre premier
du mémoire. Il s'agit des cibles :
- Cible 1A : Réduire de moitié, entre 1990 et
2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur
à un dollar par jour
- Cible 1B : Assurer le plein-emploi et la possibilité
pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail
décent et productif
- Cible 1C : Réduire de moitié, entre 1990 et
2015, la proportion de la population qui souffre de la faim.
Evolution des indicateurs de la cible 1A de
l'objectif OMD 2 et des indicateurs d'accès à l'éducation
de l'objectif OMD 1
La proportion de la population vivant avec moins de 1,25
$/jour en Afrique subsaharienne s'est améliorée en passant de
1990 à 2005 de 58% à 51%, soit un gain de 7%. Cette progression
est cependant moins significative que la moyenne mondiale qui passe de 46%
à 27%. Les progrès les plus significatifs ont été
enregistrés dans plusieurs régions d'Asie. L'Afrique
subsaharienne reste la région du monde où ce taux est le plus
élevé. Le chemin à parcourir pour atteindre les 29%
à l'échéance de 2015 initialement déterminés
reste encore long avec 22 points d'écart. Parallèlement, l'indice
d'écart de pauvreté à 1,25$ par jour a également
évolué positivement passant de 26% à 21%.
Comparativement, l'évolution du taux net de
scolarisation dans le primaire a progressé plus significativement en
passant de 58% à 76%, soit une progression de
18%. Le taux net de scolarisation a, quant à lui, atteint
91% dans le cycle primaire mais a régressé de 83% à 79%
dans le secondaire et dans le tertiaire passant de 71% à 67%.
Tableau 3.6. : Evolution de la pauvreté en Afrique
subsaharienne de 1999 à 2005
(Source : PNUD, 2010 : p. 6, 20)
Tableau 3.7. : Evolution de la scolarité en
Afrique subsaharienne de 1999 à 2008
(Source : PNUD, 2010 : p. 16, 20)
Le rapport OMD 2010 ne donne pas de chiffres globaux. En
valeur absolue, les estimations de Sh. Chen et M. Ravillion sont moins
réjouissantes. Si en pourcentage, les chiffres ont diminué, en
valeur absolue, les chiffres ont augmenté. La population d'Afrique
subsaharienne vivant avec moins de 1,25$ a augmenté entre 1990 et 2005
passant de 299,1 millions à 390,6 millions, celle vivant avec moins de
1$ a également augmenté, passant de 245,2 millions à 304,2
millions. Dans le monde, la population vivant avec moins de 1$ par jour est
passée de 1286,7 millions à 876 millions et celle vivant avec
moins de 1,25$ par jour est passée de 1813,4 millions à 1376,7
millions (2008 : 44).
Par ailleurs, malgré la crise de 2008, le rapport OMD
2010 estime que dans les régions en développement, l'objectif de
la réduction de moitié de la pauvreté sera atteint, le
taux de pauvreté global devant tomber à 15%. « Toutes les
régions en développement devraient atteindre la première
cible des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD),
à l'exception de l'Afrique subsaharienne, de l'Asie de l'Ouest et de
certaines régions d'Europe de l'Est et d'Asie centrale. Les
déficits dans ces régions sont le reflet d'une croissance lente
en Afrique subsaharienne dans les années
1990 d'une part et de la transition d'une économie
planifiée à une économie de marché qui a vu la
pauvreté progresser » (PNUD, 2010 : 7).
Evolution des indicateurs de la cible 1B de
l'objectif OMD 2 relatif à l'emploi
Pour l'Afrique subsaharienne, la proportion de travailleurs
installés à leur propre compte et de travailleurs familiaux non
rémunérés dans les effectifs totaux a diminué entre
1998 et 2008, passant de 82% à 75% pour remonter en 2009 suite à
la crise à une estimation de 77%. Durant cette même
période, la proportion de personnes ayant un emploi et vivant avec moins
de 1,25 dollar par jour est passée de 67% à 58% mais le rapport
estime également que ce pourcentage devrait remonter en 2009 à
64%. Le rapport mentionne également une stagnation du ratio
emploi/population autour de 64% - 65% (PNUD, 2010 : 9).
Tableau 3.8. : Evolution du profil des emplois
travailleurs en Afrique subsaharienne
(Source : PNUD, 2010 : p. 8, 10)
Evolution des indicateurs de la cible 1C de
l'objectif OMD 2 liés à la faim et comparaison avec le profil des
enfants non scolarisés
La proportion de la population dénutrie en Afrique
subsaharienne est passée entre 1990-1992 et 2005-2007 de 31% à
26%. Dans le monde en développement, elle a diminué dans la
même proportion passant de 20% à 16%. Les progrès les plus
significatifs ont également été enregistrés dans
certaines régions d'Asie. L'Afrique subsaharienne reste la région
du monde où ce taux est le plus élevé. Le chemin à
parcourir pour atteindre l'objectif de 16% à l'échéance de
2015 initialement déterminé est de 10 points d'écart.
Parallèlement, le ratio urbain/rural n'a guère
évolué en Afrique subsaharienne, il est passé de 1,5
à 1,4 de 1990 à 2008.
Comparativement, si l'évolution du pourcentage
d'enfants non scolarisés a également diminué en zone
rurale passant de 31% à 27% entre 2000 et 2008, il reste
significativement plus élevé par rapport aux pourcentages
d'enfants non scolarisés en zone urbaine où il a moins
diminué mais est au niveau respectivement de 15% à 14%.
Tableau 3.9. : Evolution de la population
dénutrie et profil des enfants non scolarisés en
Afrique subsaharienne
(Source : PNUD, 2010 : 12, 13, 18)
Deux autres indicateurs méritent d'être mis en
avant dans cette section. Actuellement, plus de 42 millions de personnes sont
déplacées dans le monde. (PNUD, 2010 : 15). Parallèlement,
le rapport EPT 2011 de l'Unesco nous informait que sur 61 millions d'enfants
non scolarisés vivant dans un pays pauvre, 28 millions vivent dans un
Etat en guerre. Le taux d'alphabétisme est significativement
différent. Dans les pays d'Afrique subsaharienne touchés par un
conflit, ils sont de 66% pour les enfants et de 55% pour les adultes, alors que
dans les pays à faible revenu et à revenu moyen inférieur
non touchés par un conflit, ils sont de respectivement 93% et de
85%27.
27 Le Monde, Dans les pays en guerre, écoliers et
enseignants sont devenus des « cibles légitimes », C. Vincent,
2 mars 2011
3.2. Analyse de la pertinence
Des quelques résultats globaux présentés
ci-dessus, il ressort d'une part, que les avancées quantitatives dans
l'objectif OMD 2 sont significativement plus importantes que dans l'objectif
OMD 1 et d'autre part, que le lien entre ces deux objectifs n'apparaît
pas en première lecture. Il est difficile d'affirmer que la
scolarisation primaire puisse engendrer des rendements privés
significatifs dès lors que l'on constate que la situation de l'emploi
n'a guère évolué. Le rapport du PNUD ne mentionne pas de
lien entre ces deux objectifs, il lie plutôt la réduction de la
pauvreté à la croissance économique et aux gains de
productivité. Il lie également la précarisation des
emplois à la crise économique engendrant ainsi des diminutions de
la productivité et donc de revenus. Il lie l'insécurité
alimentaire à l'instabilité politique, aux conflits et aux
persécutions.
Les situations d'extrême pauvreté et
d'instabilités politiques seraient plutôt un frein à
l'éducation.
La croissance reste le moteur de la lutte contre la
pauvreté
En 2003, le PNUD écrit que << la croissance
économique est nécessaire pour atteindre les Objectifs du
Millénaire pour le développement, elle permet l'augmentation des
recettes fiscales et donc, de libérer des ressources pour investir dans
le développement humain » (2003 : 67). Il se réfère,
dans l'encadré, aux études économétriques
démontrant l'élasticité de la pauvreté au revenu et
donc la nécessité d'une croissance économique pour
réaliser l'Objectif OMD 1. << Il faut que le revenu par habitant
s'accroisse de 41% pour que l'indice numérique de pauvreté recule
de moitié... si, en revanche, un pays doit accomplir
l'intégralité de cette hausse entre 2003 et 2015, le rythme de
croissance annuel requis est bien plus élevé (2,9%) » (PNUD,
2003 : 67).
Mais cette élasticité du taux de pauvreté
à la croissance dépend aussi des différences initiales
dans le niveau de développement et des inégalités de
revenu dans un pays (Epaulard, 2003). Pour l'Afrique, cette
élasticité est de l'ordre de -1 pour un taux de pauvreté
de 2$ par jour; ce qui signifie qu'il faudrait un taux de croissance par
habitant de 50% correspondant à une croissance de 4,2% du PIB par
habitant pendant 10 ans. Par ailleurs, il ressort de l'étude de A.
Epaulard que l'évolution des inégalités de revenus en
période de croissance pour les pays en développement ne va pas
systématiquement en
s'amplifiant dans les premières phases comme
l'hypothèse de Kuznets le présuppose. Il y a donc une place pour
des politiques macroéconomiques et sectorielles favorisant une
croissance pro-pauvres même si les données manquent à ce
jour pour mesurer les effets de ces mesures. Ainsi, << la plupart des
études empiriques peinent à identifier un lien (positif ou
négatif) entre les politiques macroéconomiques et
l'efficacité de la croissance à réduire la pauvreté
» (2003 : 19).
La croissance est donc bien liée à la lutte
contre la pauvreté. En 2003, l'OCDE publiait un document de
synthèse sur la politique de croissance pro pauvre.
Dans le contexte de la mondialisation, un des facteurs
importants de la politique macroéconomique actuelle est l'ouverture des
économies. S. Mesplé-Somps critique cette approche et propose une
approche à l'échelle nationale voire locale (2008). Les
études empiriques montrent que la politique commerciale n'est pas le
levier le plus important pour réduire la pauvreté et que <<
La question du lien entre la globalisation et la pauvreté intra-pays est
aussi une question empirique. Les effets statiques et distributifs de
l'ouverture ne bénéficient pas toujours aux pauvres. Cela
dépend du type d'ouverture subie, de la spécialisation des pays,
du degré de mobilité des facteurs, de la capacité des
pauvres à ajuster leurs comportements et des politiques d'accompagnement
(politique d'éducation, de transports, de flexibilité des
marchés...)» (Mesplé-Somps, 2008). De son point de vue, le
meilleur canal de réduction de la pauvreté serait la croissance
macro-économique au sein même des pays avec comme
ingrédients de trouver les moteurs de croissance plutôt que
l'inscription dans un processus de globalisation. Les travaux empiriques
actuels en économie semblent aller dans ce sens en s'intéressant
aux écarts de développement entre les pays aux facteurs
historiques, institutionnels et géographiques. Cependant, nous
constatons que les ingrédients pour éviter des trappes à
pauvreté restent les mêmes : lutter contre les
inégalités, améliorer l'accès à
l'éducation et à la santé, améliorer l'accès
des pauvres aux marchés (de produits et du crédit).
L'investissement éducatif engendre surtout des
rendements privés
De l'étude réalisée par E. Duret, M.
Kuepir, Ch. Nordman et F. Roubaud en 2005 ayant pour but d'analyser
l'efficacité économique externe de l'éducation à
partir de la situation de ménages issus de 7 métropoles de
l'Afrique de l'Ouest, il ressort que :
- « l'investissement en capital humain n'est pas toujours
un ticket pour l'emploi et il reflète l'état de
dégradation dans lequel se trouve les marchés du travail
africains >> (2005 : 14) ;
- le niveau d'instruction permet d'accéder au secteur
moderne ou de sortir du secteur informel : 91% des personnes n'ayant pas
terminé le primaire exercent dans le secteur informel, ce pourcentage
est ramené à 75% pour les personnes en possession du
diplôme de primaire, à 50% pour les personnes ayant terminé
le cycle secondaire et de 19% pour celles ayant terminé le
supérieur ;
- le type d'éducation est important; l'enseignement
technique, davantage que l'enseignement général secondaire,
permet de sortir du secteur informel, 37% des personnes ayant un diplôme
technique travaillent dans le secteur informel contre 50% ayant un
diplôme de secondaire ;
- au niveau individuel, les rendements privés sont
élevés et l'augmentation des revenus est corrélée
à l'augmentation du niveau d'instruction ; par contre, à un
niveau agrégé, « il est difficile et délicat d'en
déduire l'efficacité intrinsèque de l'investissement en
capital humain >> (2005 : 20).
Les origines de la pauvreté ne sont pas du
seul fait d'un manque d'éducation
La FAO, Oxfam, les Nations Unies, SOS Faim et le BIT ont,
à plusieurs reprises, attiré l'attention sur la
nécessité de réinvestir dans les politiques agricoles.
La FAO rappelle que lors du Sommet mondial sur la
sécurité alimentaire le 18 novembre 2009 à Rome, « la
communauté internationale s'est engagée à investir
davantage dans l'agriculture et à éliminer la faim aussitôt
que possible >>28.
Oxfam insiste sur le rôle central de l'agriculture
« l'agriculture constitue un secteur clé pour les pays en
développement dans la lutte contre la faim et contre la pauvreté.
En Afrique de l'Ouest, l'agriculture génère 35 % du PIB, procure
15 % des recettes d'exportation et emploie plus de 70 % de la population
active. Pourtant, les trois quarts des personnes qui souffrent de la faim
vivent en milieu rural >>. Oxfam France s'est défini trois
priorités : investir dans les petits agriculteurs, mettre en place une
gouvernance mondiale de l'agriculture et de l'alimentation et l'aide
alimentaire en intégrant « les questions de
vulnérabilité et de pouvoirs d'achat des populations
>>29.
28 FAO, Site Internet consulté le 2 Juin 2011,
FAO 2011,
http://www.fao.org/news/story/fr/item/37465/icode/
29 Oxfam France, Site Internet consulté le 2
Juin 2011,
http://www.oxfamfrance.org/Agriculture-alimentation-etdroits,414
O. De Schutter, en tant que Représentant spécial
de l'Onu pour le droit à l'alimentation, rappelle que la pauvreté
et la malnutrition sont liées à l'échec de la
libéralisation de l'agriculture dans les années 80 qui
récompensait les agriculteurs les plus compétitifs. << On a
développé l'agriculture dans une direction qui n'a pas
bénéficié à tous et qui, au contraire, a
contribué à accentuer la pauvreté et les
inégalités dans les campagnes ». Une des solutions serait de
rompre avec ce cercle vicieux actuel d'importation de denrées
alimentaires à bas prix et de migration vers les zones urbaines en
définissant une politique de soutien à l'agriculture familiale,
en soutenant les petits paysans et << ce qu'il faut faire dans le long
terme, qui est effectivement de privilégier des chaînes plus
courtes et une relocalisation des systèmes alimentaires
»30. Les solutions à la pauvreté sont d'ordre
politique, comme sa recommandation au G20 d'encourager les Etats à se
doter de stocks régulateurs pour garantir des prix et revenus stables
aux agriculteurs, et d'ordre juridique, comme assurer une protection de
l'accès à la terre pour les paysans.
SOS Faim a consacré un numéro spécial en
2009 sur les terres accaparées par des investisseurs étrangers et
les paysans exclus. Les conséquences pour les populations d'Afrique et
d'Asie sont multiples, une perte de l'accès aux terres alors que c'est
le fondement sur lequel repose la sécurité alimentaire, une mise
en danger des savoirs locaux au profit d'une agriculture industrielle, un
risque de détournement des profits au détriment d'un <<
développement » des communautés locales (SOS Faim, 2009 :
8-9). Parmi les solutions préconisées pour contourner ce
problème, il y a le renforcement des capacités de
négociation des Etats, la transparence des négociations et
l'intégration de ce problème dans les politiques agricoles et de
développement rural (SOS Faim, 2009 : 14-15).
Ces positions sont, par contre, à l'opposé de
certaines orientations ou constats en économie du développement
relatifs aux secteurs à prioriser. Alors que le secteur de l'agriculture
engendre des faibles rendements, il tend à être
privilégié dans les régions à faible
développement. Or, quand une économie se développe, elle
se concentre dans les secteurs de l'industrie et des services où les
rendements sont plus élevés (Barro et Salai-Martin, 2001 : 49).
Ce constat est en lien avec le concept de trappes à pauvreté :
<< We can think of a poverty trap as a state with low levels of per
capita output and capital stock. This outcome is a trap because, if agents
attempt to break out of it, then the
30 La Libre Belgique, « On vote trois fois par
jour », 27 mai 2011, entretien réalisé par S. Verhest et
al.
economy has a tendency to return to the low-level steady state
» (Barro et Sala-i-Martin, 2001 : 49).
Le BIT aborde la question de manière plus large sous
l'angle de l'emploi. La Commission des experts qui a rédigé le
rapport à l'occasion de la 99e session de la
Conférence internationale du Travail du BIT recommande de se pencher sur
les politiques d'emploi. Il s'agit d' << accroître
l'intensité de la composante de l'emploi dans la croissance » dans
le secteur << moderne » et surtout, de promouvoir l'emploi en milieu
rural grâce au développement de l'agriculture et de
l'économie rurale (BIT, 2010 : 173). En Afrique subsaharienne, c'est
l'emploi indépendant qui domine dans l'économie informelle
urbaine et les petites exploitations agricoles au côté d'un
secteur moderne faible. Or, << Malgré la prédominance du
secteur agricole dans ces économies, rares sont les pays qui indiquent
que les politiques de développement rural et agricole font partie
intégrante de leur politique de promotion de l'emploi » (BIT, 2010
: 158).
La position de A. Zacharie, Secrétaire
général de la coupole des ONG belges francophones et
germanophones31, est similaire. Les OMD permettent de panser les
plaies, la lutte contre la pauvreté n'est pas une vraie stratégie
de développement économique comme celle développée
dans les années 60-70. << Il n'y a plus d'investissement dans les
infrastructures, les capacités productives et l'agriculture en est le
symptôme. Or, pour répartir les richesses, il faut d'abord les
créer, par exemple, en garantissant des emplois décents aux
populations du Sud » (La coopération belge au développement,
2010 : 7).
L'impact de l'investissement éducatif
dépend de sa capacité à s'adapter aux situations
d'extrême pauvreté
N. Henaff, M.-F. Lange et J.-Y. Martin affirment que <<
C'est seulement en prenant en compte la pauvreté et l'éducation
dans toute la complexité de leurs interrelations que l'on peut
espérer obtenir des résultats positifs en termes de lutte contre
la pauvreté comme de développement de l'éducation ...
L'expérimentation en éducation se traduit souvent par des
générations sacrifiées » (2009 : 193). S'il est
important d'<< assurer une offre d'éducation adéquate sur
le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif, la
31 CNCD - 11.11.11., Centre National de Coopération au
Développement, Belgique
question est alors de déterminer comment investir dans
l'éducation avec des ressources limitées. La pauvreté se
traduit par une contrainte budgétaire serrée, pour les Etats
comme pour les collectivités et les communautés >> (2009 :
192).
La mise en place de l'éducation primaire passe par
l'adaptation sur le terrain de l'organisation de l'école, par une
adaptation des contenus et par la motivation des enseignants. Plusieurs leviers
ont été expérimentés visant à réduire
les coûts d'opportunité pour les familles et à diminuer le
taux d'absentéisme en classe. En sus de l'école gratuite, nous
pouvons citer la mise en place de programmes de transfert sociaux conditionnels
(le versement d'allocations familiales conditionné à certains
comportements), de cantines scolaires gratuites, la distribution gratuite
d'uniformes pour les filles et la distribution de bourses au mérite au
Kenya (Duflo, 2010 : 23, 26). D'autres études montrent que des actions
visant à « améliorer les bénéfices
réels ou perçus de l'instruction peut donc aussi être un
moyen d'augmenter les taux de scolarisation >> (Duflo, 2010 : 30) des
actions en lien avec la santé des enfants et l'information des parents
et des enfants sur les bénéfices de l'éducation.
E. Duflo s'est également penchée sur les
facteurs facilitant la transmission des savoirs. Elle constate qu'allouer des
moyens complémentaires sans adapter les pratiques pédagogiques ni
prendre en compte la motivation des enseignants n'engendre que peu d'effets
(Duflo, 2010). In fine, il s'agit de l'organisation du système scolaire
qui est plus une question d'économie politique (Duflo, 2009).
En rappelant que la production agricole procure 70% des
emplois et que 70% des emplois se crée dans l'économie
informelle, J. R. Minnis relève que les politiques éducatives
devraient être réorientées vers l'éducation non
formelle, la formation continue pour adulte et ce, plus particulièrement
vers les petits agriculteurs qui constituent la majorité de la
population rurale. «Examples of context and situated could include non
formal, agricultural extension programs organized to train farmers in more
effective use of resources and finance» (2006 : 130). La priorité
des gouvernements devrait être une meilleure gestion de la transition
entre l'école et le travail. « The criterion of success for
economic policies must be improved agricultural production supported by non
formal education that does not lead to credentials but to useful skills and
knowledge and the development of lifelong learning>> (2006 : 131).
L'impact de l'éducation des femmes sur la
lutte contre la pauvreté, la santé et la
démographie
Ph. Hugon (2007) rappelle que l'évolution des variables
d'éducation, démographiques et de santé se
réfèrent à la question essentielle de la pauvreté.
En deçà de certains seuils, on peut observer des
phénomènes de << trappes à pauvreté »,
concept qu'il reprend de Leibenstein. L'éducation reste toutefois un
support et les politiques éducatives sont à replacer au centre
des systèmes sociaux, culturels et économiques dans lesquelles
elles s'insèrent.
Dans la lutte contre la pauvreté, l'instruction des
femmes est un enjeu majeur, particulièrement en zone rurale. Le rapport
du PNUD (2003) reprend un schéma explicatif des effets positifs de
l'éducation pour elle, ses enfants et pour la société via
les améliorations en matière de santé, la diminution du
taux de fécondité et les effets
intergénérationnels. Ce dernier élément est
d'ailleurs une des externalités positives essentielles dans la
théorie du capital humain (Vandenberghe, 2011).
Figure 3.1. : L'instruction et les femmes
(Source : Rapport sur le développement humain 2003, PNUD
2003 : 85)
Le rapport EPT 2011 nous transmet plusieurs messages relatifs
aux effets positifs de l'éducation des femmes sur la santé des
enfants. Il rappelle qu'un des buts de l'objectif EPT 1 est << de rompre
le lien entre pauvreté et désavantage dans la petite enfance
» (2011 : 31). << L'éducation des mères est un
puissant catalyseur des progrès en matière de santé et
d'alimentation des enfants. Plus le niveau scolaire des mères est
élevé, plus leurs enfants ont des chances de
survie et moins ils risquent de connaître la malnutrition. A cet effet,
l'enseignement secondaire universel pour les filles en Afrique subsaharienne
pourrait sauver chaque année jusqu'à 1,8 million de vies »
(Unesco, 2011 : 33).
La scolarisation des femmes exerce une influence significative
à partir du secondaire par le biais du recul de l'âge du mariage,
du recul de la première naissance et de l'utilisation de contraceptifs
et l'effet de seuil est important (Hugon, 2007). En moyenne, les femmes ayant
atteint au moins le niveau secondaire se marient 4,8 ans plus tard que les
femmes analphabètes (Charbit & Kébé, 2006).
Cependant, cet objectif est loin d'être encore atteint
en Afrique subsaharienne. L'indicateur de parité dans la scolarisation
des femmes et des hommes nous montre que le taux de scolarisation des femmes
dans le secondaire reste en-deçà de celui des hommes, il est
même redescendu de 83% à 79% entre 1999 et 2008. De plus, d'autres
variables interfèrent : la médiation des systèmes
économiques, familiaux, culturels et religieux, les régimes
démographiques et d'accumulation, l'instabilité et les risques
qui caractérisent la société africaine et les politiques
publiques (Hugon, 2007). << La scolarisation ne constitue toutefois un
facteur de baisse de la fécondité que sous certaines conditions.
Le contenu de l'enseignement doit développer une formation
adéquate sur la nutrition, sur la santé, sur la sexualité
» (Hugon, 2007 : 11). J. R. Minnis nuance aussi en relevant que
l'éducation des jeunes filles et des femmes est essentielle pour le
développement économique des pays en développement mais
s'il n'y a pas d'opportunité d'emploi dans le secteur formel, il n'y a
aucune raison que les parents envoient leurs filles à l'école
(2006).
A contrario, les variables démographiques exercent une
pression sur l'organisation des systèmes éducatifs. << La
population scolarisable en âge de fréquenter l'école (6-12
ans) en Afrique est ainsi de trois fois supérieure à celle des
pays industrialisés ... Le taux de dépendance entre la population
scolarisable et la population d'âge adulte est de l'ordre de 0,5 »,
l'effort financier pour le primaire y est près de dix fois
supérieur << L'éducation pour tous est un mirage qui se
déplace au fur et à mesure que l'on croit s'en rapprocher ».
(Hugon, 2007 : 4-5).
Dans son document de 2010 intitulé <<
Priorité à l'alimentation, la FAO et les huit objectifs du
Millénaire pour le développement », la FAO, pour l'objectif
l'OMD 3 (Promotion de l'égalité entre hommes et femmes et rendre
les femmes autonomes),
reprend dans un encadré les raisons pour lesquelles la
priorité doit être donnée aux femmes rurales : pour la
production agricole, pour la croissance économique, pour la diminution
du taux de mortalité des nourrissons et des enfants, pour la diminution
de la propagation du VIH-sida, pour la gestion des ressources naturelles et la
stabilité de l'environnement... (FAO, 2010 21).
En conclusion, la pauvreté freine la scolarisation et
le manque de croissance empêche l'organisation de l'éducation. Les
effets de l'éducation sur la croissance et le revenu ne semblent pas
démontrés et les investissements dans l'éducation primaire
entrent en concurrence avec d'autres priorités essentielles comme le
droit à l'alimentation et la santé. Les politiques
macro-économiques actuelles semblent avoir oublié le secteur
rural, principalement agricole, pour se tourner vers une économie
globalisée alors que la dépendance externe rend plus
vulnérable aux chocs. La question de l'emploi semble trop restrictive et
associée au secteur moderne alors que l'emploi indépendant domine
largement. En matière de lutte contre la pauvreté,
l'éducation de la femme est placée au centre des
préoccupations de par les retombées positive en matière de
santé et de fécondité. Ce constat nous amène
à formuler la question suivante : Cette politique n'est-elle pas trop
responsabilisante tant pour l'éducation que pour la femme
elle-même ?
Du point de vue de la qualité de l'investissement
éducatif, les coûts d'opportunité, la motivation des
enfants et des enseignants, les externalités positives pour les
familles, le renforcement du lien avec les opportunités sur le
marché du travail local sont autant de paramètres à
intégrer dans la définition des politiques éducatives. De
plus, le contrôle social ne peut s'exercer correctement. Les populations
locales manquent d'expérience de l'école « les parents ne
sachant eux-mêmes ni lire ni faire des divisions, ne peuvent
vérifier ces compétences directement. Le phénomène
de scolarisation massif étant relativement récent, les parents
font confiance au système éducatif » (Duflo, 2010 : 39). Du
point de vue des objectifs d'éducation, les problèmes liés
à la continuité et au degré de réalisme des
politiques sont réels avec le risque d'aboutir à un échec
du fait du manque de moyens et de délais trop courts (N. Henaff, M.-F.
Lange et J.-Y. Martin, 2009). Réduire les inégalités avec
une approche quantitative ne semble donc pas un levier efficace de
réduction de la pauvreté.
4. ANALYSE DE LA PERTINENCE DU DÉVELOPPEMENT
ENDOGÈNE
4.1. Présentation des grands principes et des
actions qui s'y rattachent
J.-Ph. Peemans, dans son essai publié en 2002, retrace
l'évolution de la pensée dominante sur le développement et
en critique les fondements à partir des courants opposés pour
aboutir à une définition alternative présentée dans
notre premier chapitre.
A l'encontre du développement par la croissance et le
progrès, il critique la conception basée sur << un ordre
global », un projet universel de modernisation et par la suite de
néo-modernisation défini au Nord pour le Sud, porté par
les acteurs dominants et auquel il faut se conformer. L'économie
mondialisée impose ses normes auxquelles doivent s'adapter les autres
composantes du développement, les aspects culturels, sociaux et
politiques (2002 : 158). << La pensée véhiculée est
un retard par rapport au système productiviste » (Peemans,
entretien 17 janvier 2011).
En ce qui concerne le développement humain, il ne
l'épargne pas non plus. << Initialement, on aurait pu penser que
cette idée allait entraîner une avancée qui permettrait de
définir une certaine autonomie du développement par rapport
à la croissance globalisée ... dans la pratique ces indicateurs
n'ont guère permis d'évoluer au-delà d'une conception du
bien-être très fonctionnalisée par rapport à la
croissance ». La dimension éducation des indices de
développement humain a eu pour effet de créer un consensus autour
de capital humain qui relève des théories économiques
(2002 : 172).
Quant à la lutte contre la pauvreté et les DSRP,
Documents stratégiques de réduction de la pauvreté, mis en
place par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, F.
Lapeyre souligne que cette nouvelle approche n'est autre que l'expression d'une
nouvelle forme de contrôle social et de création d'adhésion
au travers d'une démarche participative des populations de plus en plus
résistantes au projet néomodernisateur et aux exigences de
l'internationalisation de l'économie (----).
En réponse, J.-Ph. Peemans propose un
déplacement radical du regard vers les acteurs populaires pour une
approche forte en termes de développement humain et durable.
Quelques grands principes de mise en oeuvre du
développement endogène
Les grands thèmes liés au développement
endogène sont :
- le territoire, l'accès aux ressources, (2002 : 471, 475)
;
- la sécurisation collective et la sécurisation
des conditions de vie (2002 : 469, 471) ; la sécurisation des conditions
de vie incluant l'éducation au côté de l'alimentation,
l'habitat, la santé, la mobilité, le droit à l'emploi et
les services de proximité (2002 : 494) ;
- la valorisation du lien social et les moyens
d'autocontrôle social à un niveau local (2002 : 471) ;
- la valorisation de l'identité collective (2002 : 473)
;
- différentes formes de gouvernance locale: «
démocratie substantive »,
« gouvernance historique », « gouvernance
associative » (2002 : 485) ;
- une autre forme d'économie basée sur
l'économie sociale et populaire (2002 :
493) ;
- de nouveaux rapports de force entre les « acteurs du bas
» défendant des lieux de vie et les acteurs dominants » (2002
: 493) :
- de nouvelles formes de coopération entre le local et
le global: le niveau régional infranational comprenant les
stratégies intégrées de modes de production durables, la
sécurisation des conditions de vie et l'élaboration de «
chartes locales et régionales de « développement durable
», une relégitimation du rôle de l'Etat et un renforcement
des ententes régionales-continentales (2002 : 495- 497).
Un schéma des actions à mener aux différents
niveaux d'intervention est proposé en page 498 de son essai.
Le rôle de l'éducation dans le
développement endogène
De notre entretien avec J.-Ph. Peemans, nous avons extrait les
phrases ci-dessous qui montrent, par elles-mêmes, de l'importance de
l'investissement éducatif pour les communautés locales et dans
leurs relations avec le niveau global.:
« Oui, nous avons besoin d'écoles,
l'école a toujours existé dans toutes les cultures, elle n'est
pas une invention occidentale. Pas d'école signifie l'anomie,
l'anarchie. Au contraire, il faudrait un système d'éducation de
plus en plus fort.
La savoir, la tradition, le maîtrise de la culture
participent de la construction de l'identité et s'oppose à
l'exclusion. Ce qui est important, c'est la relation entre le savoir et le
pouvoir, la nature du savoir en fonction du pouvoir. Le savoir augmente le
rapport de force et permet de négocier d'égal à
égal. L'enseignement ne peut pas être dissocié de
l'éducation.
Or, la politique d'éducation actuelle s'inscrit
dans l'idéologie de la modernisation. Au Moyen-âge, le savoir des
artisans était très élaboré. Le savoir populaire
n'est pas un petit savoir.
Le problème, c'est la déqualification du
savoir. Depuis 200 ans, le savoir et le pouvoir des élites sont
dominants.
La vraie question est « L'école, pour quel savoir
et pour quel développement ? ».
- elle servirait à améliorer la qualité
de vie, la sécurité, la gestion de l'espace public ; Il faut se
resituer dans le local;
- une école structurée est une autre
école dans laquelle le territoire est important avec une
pédagogie de la construction collective d'un territoire et d'une
identité.
- La formation s'apparenterait à construire, à
mettre en valeur des
ressources locales, elle se centrerait sur les savoirs non
dé localisables ; - Pourquoi ne pas enseigner la
démocratie (populaire - substantive) à
l'école ?
- L'aspect diachronique est important: l'histoire est
importante car elle reconnaît la pluralité des acteurs » (17
janvier 2011).
4.2. Analyse de la pertinence
Le développement endogène se présente
comme une alternative aux courants dominants. Il correspond à une
réappropriation, par les communautés locales, de leur territoire,
de leurs ressources et de la définition de leurs propres objectifs de
développement.
Cette approche correspond au développement territorial
ou local présenté par F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003)
qui se centre sur les relations horizontales au côté des relations
verticales.
Elle correspond aussi à l'approche définie par
R. Magnaghi qui défend le concept d'auto-soutenabilité. Ce
dernier «repose sur le postulat selon lequel une nouvelle relation
co-évolutive entre habitants-producteurs et territoire peut créer
un équilibre durable entre établissement humain et milieu, en
reliant les habitudes, les savoirs, et les techniques d'aujourd'hui à
une sagesse environnementale ancestrale » (2003 : 51).
Cette approche semble également rencontrer le point de
vue de M. Leroy32 qui note que les sommets des Nations Unies sur les
Objectifs du Millénaire de septembre 2010 s'est penché sur ce qui
fonctionne et ne fonctionne pas sur le terrain. << La conférence a
permis à chacun de se rendre compte que la meilleure garantie de
succès est de faire en sorte que les états et les
communautés locales `traduisent' les Objectifs en
stratégies et programmes adaptés à leur propre situation.
L'idée de `localiser les OMD' a reçu un
soutien important>> (La coopération belge au développement,
2010 : 6).
La question posée est de ce fait : comment
concrètement mettre en place une approche basée sur le territoire
?
A côté des coordinations verticales, il s'agit de
réfléchir aux coordinations horizontales (Leloup et al., 2003 :
100) et d'insuffler une gouvernance locale. A partir de la notion de
systèmes territoriaux, il s'agit de << la capacité d'un
territoire à se différencier des autres >> en s'appuyant
sur et en valorisant ses ressources spécifiques qui se fondent sur des
savoirs non reproductibles par opposition aux ressources standards ou
génériques. Il s'agit de créer << un avantage
collectif >> (F. Leloup et al., 2003 : 104-105).
Plus spécifiquement, plutôt que de parler de
droit à l'alimentation ou de sécurité alimentaire, G.
Ngalumulumé Tshiébué préfère parler de
souveraineté alimentaire :
« La souveraineté alimentaire est donc le
droit des populations à définir leurs politiques agricoles et
alimentaires, à protéger s'il le faut et réguler la
production et les échanges agricoles intérieurs en vue
d'atteindre des objectifs de développement durable, à
déterminer les marges d'autonomie et d'indépendance, à
limiter le dumping des produits sur les marchés et à donner aux
communautés locales la priorité concernant l'utilisation des
ressources et droits afférents ». (2008 : 262).
En lien avec la question des savoirs locaux liés
à l'agriculture, B. E. Dialla présente l'intérêt de
<< reconsidérer les conceptions culturelles dans leur dimension
fonctionnelle >> (2004 : 26). Les savoirs locaux sont pris en
considération dans une perspective de développement local. Il
présente leurs apports comme levier de participation: << La
familiarisation avec les savoirs locaux facilite la compréhension et la
communication entre les agents de développement et la population locale,
augmentant ainsi les possibilités d'une approche de développement
participative et durable>>
32 Représentant belge, Coordonateur spécial pour
les OMD
(Dialla : 15) et comme << facteur d'impulsion d'un
développement durable>> en démontrant leur apport dans
l'agriculture (2004 : 21).
lie la pertinence de
l'éducation
Dans l'approche du développement endogène, du
développement local ou territorial, le rôle de l'éducation
est important, particulièrement en lien avec les contenus
enseignés. J.-Ph. Peemans nous a communiqué, lors de son
entretien, quelques pistes concrètes liées aux capacités
des individus à se réapproprier leur histoire, à exploiter
leurs ressources locales et à négocier. F. Leloup, L. Moyart et
B. Pecqueur rappellent que << le paradigme renouvelé de
développement accorde un rôle tout aussi important aux facteurs
non économiques tels que la qualification individuelle et collective, la
transmission des savoirs et des savoir-faire traditionnels et actuels, le cadre
de vie, la perméabilité à l'innovation, la vitalité
communautaire, l'ouverture à la concertation et au partenariat, le mise
en réseau des PME... >> (2003 : 109) ; soit, autant de
compétences qui nécessitent des connaissances spécifiques
et universelles.
Cependant, si la question des contenus enseignés est
abordée, celle de l'organisation de l'éducation à
l'échelle locale n'est pas traitée.
En conclusion, le développement endogène aborde
la question du développement à partir de l'échelle locale
et non dans une perspective globale. La définition du
développement, associée à la notion de territoire devient
ainsi plurielle, et non plus universelle à l'instar des autres approches
du développement, sans toutefois se déconnecter de la dimension
globale qui est explicitement reconnue. Il réaffirme le caractère
multidimensionnel du développement et son enracinement dans les
communautés locales.
La plus-value de cette approche est de rappeler que le savoir
est associé à toute forme de déploiement sociétal
et de pouvoir. Elle valorise aussi les savoirs locaux comme ressources
pertinentes. Elle suggère de réfléchir aux contenus
à enseigner en lien direct avec les besoins des collectivités
locales. Dans le contexte des politiques d'éducation actuelles, il
serait très utile, en lien avec la qualité de l'éducation,
de réfléchir d'un point de vue pédagogique, aux contenus
et à l'organisation des systèmes. Ce qui pourrait s'avérer
complémentaire au futur rapport EPT 2012 consacré aux
compétences.
5. CONCLUSIONS
La pertinence pour le développement de l'investissement
dans l'éducation primaire est mise à l'épreuve du principe
de réalité. L'objectif pose question, sa formulation pose
question ainsi que les modalités de sa mise en oeuvre. Les effets
potentiels de l'éducation à un niveau macro se dissolvent sur le
terrain sous la pression de difficultés endogènes, de contraintes
contextuelles et d'orientations internationales.
L'analyse des effets de l'éducation primaire sur la
croissance montre que si l'éducation primaire peut jouer un rôle
positif, il s'agirait plutôt, pour les pays à faible revenu et
pour l'Afrique subsaharienne, d'un «rapport vertueux conditionné ou
sous contrainte ». La qualité de l'institution scolaire et des
autres institutions est importante et le cadre environnemental doit être
porteur. Des financements sont nécessaires, la relation est ainsi
à double sens.
L'analyse des effets de l'éducation primaire sur le
développement humain nous enseigne que le déploiement des
services de base, la santé et l'éducation, n'aboutit pas en ligne
directe à des améliorations du bien-être humain. De
même, une augmentation des revenus n'entraîne pas
systématiquement une amélioration de la santé et de
l'éducation. Des institutions solides intermédiaires sont
nécessaires. La pauvreté n'est pas que monétaire, elle est
associée à des situations de déprivations d'ordre
structurel.
L'analyse des effets de l'éducation primaire dans la
lutte contre la pauvreté nous enseigne que l'investissement
éducatif entre en concurrence avec d'autres priorités
essentielles comme la sécurité alimentaire. Les enjeux de
l'éducation primaire des femmes sont fortement liés à la
santé et à la fécondité. Une approche de terrain
est essentielle pour questionner les coûts d'opportunité, les
motivations des parties prenantes, les savoirs enseignés et les
opportunités de travail sur le marché local. L'éducation a
besoin de l'économie pour se déployer et la dépendance
à l'extérieur engendre une grande vulnérabilité. Le
risque d'échec est réel du fait du manque de moyens et de
délais trop courts. Paradoxalement, la lutte contre la pauvreté
nous rappelle de la nécessité de définir une
stratégie économique locale.
L'approche par le développement endogène met en
exergue l'importance de l'éducation pour le développement local
et dans une perspective systémique. Les savoirs à enseigner sont
à penser en lien avec le territoire, le pouvoir et l'autonomisation.
L'éducation participe au déploiement des capacités des
populations à se définir un projet local et à tenir compte
de la mondialisation, elle renforce le pouvoir de négociation des
populations locales. Elle revalorise les savoirs empiriques et donne la
priorité aux contenus à enseigner.
En conclusion, l'éducation primaire ou de base est une
composante du développement mais au côté d'autres
composantes essentielles. Elle n'est pas à même, à elle
seule, de produire du développement à un niveau macro
économique à tout le moins dans des pays en situation
d'extrême pauvreté. Nos deux hypothèses de départ
restent bien pertinentes. Toutefois, nous pensons qu'il faudrait y adjoindre
une troisième liée à son ancrage dans la
réalité locale. La perspective sociologique adoptée dans
le prochain chapitre nous éclaire à ce sujet.
IV. Mise en perspective sociologique de l'Objectif OMD
2
Après avoir questionné l'efficacité,
l'efficience et la pertinence de l'objectif d'éducation primaire
universel porté par l'objectif OMD 2 et par le programme d'Education
Pour Tous, nous proposons dans cette partie de traiter du sujet du point de vue
de son adéquation pour les pays en situation d'extrême
pauvreté et les populations bénéficiaires. Le champ
d'investigation reste bien entendu l'Afrique subsaharienne.
Dans une perspective sociologique, plusieurs thèmes
sont brièvement présentés : le non enracinement local des
systèmes d'éducation, la prégnance des organisations
internationales dans la définition des politiques, les rôles et
dilemmes des Etats, les limites de la théorie du capital humain.
Dans une perspective socio-historique, un bref rappel de
l'histoire de l'éducation dans le monde nous permettra de traiter des
vrais mobiles liés aux politiques d'éducation et des orientations
qui se profilent à l'horizon 2020 à l'échelle
internationale.
1. PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE
1.1. Le non enracinement local des systèmes
d'éducation
« La critique de l'école importée
» (Charlier, 2004a : 166)
<< Le paradigme qui permet de décrire le mieux
l'enseignement colonial est celui de l'imposition d'un ordre du monde qui fixe
les groupes humains et leur culture dans une hiérarchie figée
dont il tente d'asseoir le bien-fondé » (Charlier, 2004a : 166).
Les systèmes scolaires mis en place dans beaucoup de
pays colonisés ont été imposés de
l'extérieur. Ils ne s'enracinent pas dans l'histoire propre et la
construction culturelle des populations locales (Martin, 2006). En faisant
référence notamment aux publications de J. Ki-Zerbo, J.-E.
Charlier mentionne que << Des analyses nombreuses ont visé
à montrer l'impossible adaptation des systèmes éducatifs
occidentaux aux univers culturels et sociaux auxquels ils ont été
imposés » (Charlier, 2004a : 167).
A contrario, il faut noter que les écoles
créées durant la colonisation ont aussi eu un effet positif
local. Elles ont permis à une partie de la population d'améliorer
leur statut
et de s'insérer dans les administrations publiques
coloniales. Ces écoles, devenues à l'indépendance les
écoles formelles, ont <<continué à susciter
d'immenses espérances auprès des familles » (Charlier, 2004a
: 167).
Quant aux politiques actuelles, il semble que rien n'ait
changé. Il en est de même de l'offre scolaire contemporaine qui
n'est pas adaptée au contexte local, le système scolaire initial
ayant plutôt été renforcé de l'extérieur.
Pour J.-Y. Martin, les faibles résultats engrangés dans le
déploiement du programme d'Education Pour Tous sont dus à
l'inadéquation des politiques éducatives. Ainsi, << le
rapport entre Etat-école-sociétés et les
compatibilités qu'implique ce rapport pour que l'école soit
instituée » ne fait pas l'objet d'une réflexion (2006 :
154). L'offre scolaire peut ainsi être refusée car proposée
par un cadre politique ne correspondant pas à la demande de la
population (Martin, 2006).
Ces constats rejoignent ceux mis en avant dans le chapitre
deux de notre mémoire relatifs à la nécessité
d'informer les parents sur les bénéfices potentiels de
l'éducation (Duflo, 2010), à la rigidité du système
imposé qui ne prendrait pas en compte la diversité des besoins,
des représentations et des modes de vie des sociétés
(Hugon, 2007) et à celui de J.-Ph. Peemans qui propose en
réaction l'alternative d'un développement endogène
(2002).
« Les stratégies des populations locales
» (Charlier, 2004a : 166)
<< Les enfants ne vont pas à l'école car
les familles veulent préserver autre chose» (Charlier, 2010-2011).
Dans l'analyse de l'école sénégalaise
réalisée par J.-E. Charlier, nous avons identifié
plusieurs raisons. Si l'école publique sénégalaise doit
être gratuite et obligatoire, elle doit aussi prendre en
considération l'aspect spirituel et religieux de l'éducation.
L'école publique est incapable de former aux métiers techniques,
à quoi cela sert-il de savoir écrire si c'est pour se retrouver
au chômage ? Initialement, << elle n'a été
valorisée que parce qu'elle conduisait à la fonction publique
» (Charlier, 2004b : 42-43). Ainsi, entre l'école publique,
l'école privée catholique, l'école privée
francoarabe, l'école arabe et les daara traditionnels et
modernes, les familles sénégalaises choisissent en fonction de
priorités liées à la langue d'enseignement, aux savoirs
enseignés (connaissances de base, étude du coran, formation
agricole, formation
techniques) et aux opportunités d'insertion sur le
marché informel ou formel (Charlier, 2004b).
L'importance de la dimension culturelle n'est pas propre
à l'Afrique subsaharienne. Dans un contexte européen,
l'importance de la prise en compte de la dimension culturelle dans les
systèmes d'enseignement a été mise en évidence en
France dans les années 60 par l'INED et Bourdieu. Les travaux de l'INED
démontrent que l'élément agissant dans la réussite
scolaire est le facteur culturel et non le facteur économique, bien que
ceux-ci se recoupent souvent. Ils montrent aussi l'importance des
espérances sociales des familles sur les parcours scolaires des enfants,
en d'autres termes, << Ce sont les attitudes familiales qui
déterminent les carrières scolaires >> (Charlier,
2010-2011).
D'où l'importance d'opérer des rapprochements
d'ordre culturel et social entre les institutions éducatives et les
populations concernées (Charlier, 2010-2011). Ainsi, le gouvernement
sénégalais a-t-il opté en 2002 pour << introduire
l'enseignement religieux dans l'école publique >> en
espérant amener plus d'enfants vers les écoles publiques
(Charlier, 2004b : 53).
La langue d'enseignement et les savoirs
enseignés
En ce qui concerne la langue d'enseignement, le dilemme est
bien réel entre la langue vernaculaire qui << exprime mieux que
nulle autre la tradition et les affects>> (Charlier, 2002 : 101) et les
langues occidentales qui << apparaissent comme celles qui ouvrent les
horizons imaginaires vers ces destinations mythiques que restent la France,
l'Italie, l'Allemagne ou les Etats-Unis. Pour les sénégalais, il
n'est d'enseignement formel que dans ces langues >> (Charlier, 2002 :
102). Mais encore, les fonctions de l'enseignement n'ont pas pour seule
vocation de << se débrouiller dans un univers initial... il est
aussi attendu qu'il donne des clés permettant à chacun de
progresser de façon autonome et de se forger sa propre opinion, ce qui
exige qu'il donne accès à une des langues dans lesquelles
l'essentiel du savoir humain est disponible (Charlier, 2004a : 169). Sans
oublier non plus que la langue maternelle facilite les apprentissages <<
Enseigner dans la langue appropriée améliore également les
résultats scolaires, comme le montrent les pays très performants
dans ce domaine. Dans l'ensemble de ces pays, l'enseignement primaire se fait
dans la langue maternelle >> (PNUD, 2003 : 95). Les pays d'Afrique
subsaharienne ont entamé des réformes allant dans le sens d'un
apprentissage de la lecture dans la langue maternelle suivie
d'une initiation à une langue internationale (Charlier, 2004a : 169).
J.-E . Charlier mentionne l'intérêt grandissant
porté aux cultures autochtones et à la manière dont
celles-ci pourraient être préservées. En mentionnant le
rapport étroit des populations locales avec leur environnement, il
remarque cependant que << La chaîne de transmission de cet
héritage collectif est désormais menacée, l'Education Pour
Tous entre en compétition avec les savoirs locaux » (Charlier,
2004a : 169).
La non prise en compte des « acteurs du bas
» (Lange, 2006 : 167)
Les enseignants, les parents et les élèves
semblent avoir été les oubliés du processus de Jomtien et
du partenariat mis en place, l'offre (accès et équité)
ayant été privilégiée. << De fait, les
planificateurs de l'éducation s'intéressent très peu
à la demande d'éducation et, dans la majorité des cas,
celle-ci n'est jamais perçue comme la résultante de
stratégies éducatives élaborées à partir des
représentations de l'éducation et de l'Ecole construites par les
élèves et les familles. La demande d'éducation est ainsi
uniquement appréhendée en termes de démographie scolaire
» (Lange, 2006 : 167). Or, << la demande d'éducation et les
rapports à l'école sont étroitement liés aux
perceptions des parents ». (Lange, 2006 : 170).
En faisant référence au travail domestique et
aux conditions d'étude, A. Lange rappelle que << Les conditions de
vie des élèves africains (à l'exception des enfants issus
des classes sociales supérieures) constituent souvent des entraves
à la fréquentation et à la réussite scolaires
» (Lange, 2006 : 176). Elle mentionne aussi le rôle décisif
de la femme qui accorde bien souvent davantage d'importance à
l'éducation que l'homme (Lange, 2006 : 178).
Enfin, elle rappelle que << l'éducation participe
au fonctionnement des sociétés et peut influer sur leur
dynamique, il est essentiel que les politiques éducatives accordent
davantage d'intérêt aux représentations et pratiques
éducatives des familles, et qu'elles parviennent à associer
élèves et parents d'élèves dans le
développement de l'éducation scolaire » (Lange, 2006 :
181).
1.2. La dominance de la communauté
internationale
J.-Y. Martin rappelle que la faiblesse des résultats
obtenus par la politique d'Education Pour Tous dans les pays
sous-scolarisés démontre l'incapacité des Etats et de la
Communauté internationale à faire évoluer les
systèmes éducatifs et trouve son origine dans le fait qu'il n'y a
pas de questionnement autour de la pertinence (2006).
La définition des politiques
d'éducation par la communauté internationale
Aujourd'hui encore, les politiques éducatives sont
définies de l'extérieur et s'inscrivent dans ce « nouvel
ordre éducatif international>> (Laval. et, Weber, 2002 ;
cité par Martin, 2006 : 152) impulsé par les puissances
économiques et politiques occidentales : l'OMC, la Banque mondiale,
l'Union européenne et l'OCDE. Ces organisations disposent à la
fois de capacités de financement, d'expertise et d'un modèle
d'éducation qu'il est facile d'exporter au travers d'une
régulation (Martin, 2006 : 152). L'environnement international est tel
que l'on assiste à un processus d'affaiblissement des Etats dans les
pays pauvres. Or, « l'autonomie des politiques éducatives est une
condition primordiale d'une plus grande efficacité des politiques
éducatives >>, à la fois dans la définition et dans
leur mise en oeuvre (Martin, 2006 : 150- 151).
Le pilotage des systèmes éducatifs par
les indicateurs
La régulation des systèmes éducatifs par
des instruments et des dispositifs de contrôle et d'accompagnement
définis à l'échelle internationale font que ce sont les
moyennes des résultats qui deviennent les normes sans plus amener de
débat au niveau politique. « Ce sont les outils
élaborés qui rendent évident la direction dans laquelle
aller >> (Charlier, 2010-2011). La comparaison des rapports EPT 2010 et
2011 de l'Unesco atteste des efforts réalisés dans cette
direction.
Par ailleurs, le pilotage du programme Education pour Tous en
Afrique par le Pôle de Dakar est réalisé à partir de
la méthode RESEN. Cette méthode a été
définie par la Banque mondiale en 2000. Une première lecture de
cette méthode nous renseigne sur le caractère complexe et
détaillé de la démarche nécessitant des
connaissances élevées en économétrie. La question
posée est simple: est-il vraiment utile de rédiger des
analyses
aussi fouillées ? Pourquoi consacrer davantage encore
de moyens au pilotage comme le mentionne la Task Force on the MDGs
(UNDG, 2010) ?
Le pilotage par les indicateurs peut engendrer des contre
effets sur le terrain. En ce qui concerne les taux de scolarisation, le
Sénégal en introduisant en 2002 l'enseignement religieux dans les
écoles publiques et en reconnaissant les daara dans les
systèmes d'éducation, à l'instar de ce qui se faisait
déjà au Mali et au Niger, poursuivait entre autres comme objectif
d'augmenter significativement ses taux de scolarité et ainsi de
rencontrer l'objectif d'éducation primaire universelle pour 2015
(Charlier, 2002, 2004b).
En ce qui concerne la qualité, celle-ci est
plutôt orientée vers l'amélioration de la gestion des
systèmes et des flux d'élèves en se référant
à plusieurs indications qui s'inscrivent dans une perspective de
rationalisation des coûts et qui ont trait à la question du
recrutement et de la rémunération des enseignants, du mode de
groupement des élèves par classe, entre 40 et 50
élèves, des bâtiments scolaires, des manuels (surtout la
lecture et la grammaire), des cantines scolaires et de l'inspection. Ainsi, la
qualité des systèmes ne s'inscrit pas dans la perspective d'une
recherche « d'une plus grande proximité de l'école avec les
environnements culturels et sociaux qu'elle aborde » (Martin, 2006 :
153).
Cette réflexion rejoint celle formulée par N.
Henaff à propos des repères qui sont le reflet de l'approche par
les rendements de la Banque mondiale :
« Les recommandations de la Banque mondiale et du
Fonds Monétaire International à propos du primaire ont
été exprimées sous forme de repères dans le cadre
de l'Initiative Fast track (FfI), lancée en 2001 pour permettre aux
pays, qui sont « sur la bonne trajectoire » pour atteindre l'objectif
de généralisation d'un cycle d'éducation primaire de
qualité, de ne pas se voir arrêter dans cette voie par des
obstacles d'ordre financier. Ces repères sont basés sur les
paramètres observés dans les pays qui ont réussi (World
Bank et IMF, 2002 : 2)... Sur neuf repères, sept concernent les
coûts (qu'il faut réduire) et les dépenses (qu'il faut
augmenter); l'accroissement des taux d'inscription dans le privé
correspond à la recherche d'une meilleure efficacité de la
dépense. Les deux autres repères concernent la qualité de
l'enseignement: le ratio élèves/enseignants et le taux de
redoublement » (2006 : 84-85).
Education primaire universelle versus
éducation supérieure
Par ailleurs, en matière de politiques éducatives
pour l'Afrique subsaharienne, l'injonction de la Banque mondiale est double
voire triple. Poursuivre les
investissements liés à l'éducation
primaire universelle, qui est un passage obligé, et déployer les
investissements dans l'enseignement supérieur, pour intégrer la
société de la connaissance mondialisée et
l'économie mondiale, sans oublier l'enseignement secondaire :
« Tout en maintenant la priorité sur
l'éducation pour tous, les pays doivent adopter une approche globale, en
prêtant un surcroît d'attention à l'éducation
post-primaire. Un élément qui empêche en particulier la
plupart des pays d'Afrique subsaharienne de pouvoir pleinement renforcer leurs
propres capacités internes, être à la fois
bénéficiaires et parties prenantes dans le développement
d'informations et de savoirs nouveaux, et s'intégrer comme il faut
à l'économie mondiale est en effet le faible niveau de
qualité et d'adéquation de leurs programmes d'enseignement
supérieur et de recherche.»33.
En 2008, elle publiait un dossier sur le choix de
l'enseignement secondaire en Afrique subsaharienne en exposant, sur base de
plusieurs études empiriques, les effets positifs sur la croissance, la
santé maternelle et infantile, la fertilité. (2008 : 86, 90).
La Banque mondiale publiait en 2010 un dossier sur le
financement de l'éducation supérieure en Afrique (2010). Les
priorités accordées à l'enseignement supérieur
semblent répondre aux défis de la mondialisation en
réponse à des pénuries de main d'oeuvre au Nord (Charlier,
2010-2011). Pour ces mêmes raisons en Europe, un « dispositif de
l'enseignement supérieur » sous l'appellation Processus de Bologne
a été progressivement mis en place durant les années 2000.
Les pays du Sud n'ont d'autres alternatives que de suivre (Charlier et
Croché, 2009 : 8).
1.3. La capacité, le role et les dilemmes des
Etats
La dépendance financière des
Etats
En faisant référence à une publication de
M.-F. Lange en 1998, J.-E. Charlier écrit « Plus aucun pays de la
zone n'a la possibilité de financer ses politiques éducatives sur
ses propres ressources, « les conditions auxquelles les organismes
financiers internationaux subordonnent l'octroi d'aide apparaissent dès
lors comme des contraintes indépassables et difficilement
négociables » (Charlier, 2004a : 170). Cette réflexion reste
plus que jamais d'actualité.
33 Banque mondiale, Afrique subsaharienne - Education, Site
internet consulté le 3 février 2011, mis à jour en 2011,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/0,,contentMDK:21
448405~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:488775,00.html
Or pour J.Y. Martin, << l'existence d'Etats disposant
d'une autorité légitime et s'appuyant sur des appareils efficaces
est pourtant nécessaire pour définir, conduire et faire
évoluer les politiques éducatives >> (Martin, 2006 : 152).
Selon J.-E. Charlier, c'est surtout vrai dans les pays ou régions
où il n'y a pas de culture locale d'éducation et aujourd'hui, on
assiste à une décentralisation des politiques d'éducation
et à une intervention croissante du secteur privé (2010-2011).
L'affaiblissement de l'Etat dans la gestion des
systèmes éducatifs
La décentralisation de l'enseignement, pour
répondre aux exigences de meilleure gestion imposée par les
organisations internationales, a eu pour effets de donner << un clair
droit de cité à une multitude de dispositifs >> et <<
de procédures de régulation>> (Charlier, 2004b : 40, 52).
L'offre éducative a augmenté mais la préservation de la
qualité de l'enseignement s'en trouve compromise. A titre d'exemple, au
Mali, pour accueillir l'enseignement, des entités territoriales et des
communautés rurales sous forme démocratique ont été
créées. La difficulté est que les personnes élues
sont illettrées en français, elles ont tout au plus fait
l'école coranique, ils ne savent donc pas comment fonctionne une
école. D'où la question posée : <<Est-ce bien
raisonnable de confier la responsabilité à des personnes qui ne
connaissent pas le système, d'autant plus que cela n'a pas
réellement fonctionné de manière centralisée ?
>>. La responsabilité est donnée aux plus pauvres
(Charlier, 2010-2011).
<< Le secteur éducatif ne parvient, tant bien que
mal, à répondre à la demande que parce que les offres se
sont multipliées... l'enseignement privé, sous toutes les
significations que le terme peut prendre, s'est mis à proliférer
>> (Charlier, 2004 : 170). Le rapport 2010, pour l'Afrique,
d'évaluation des progrès relatifs à la réalisation
des objectifs du Millénaire pour le développement relève
que l'enseignement primaire privé augmente significativement même
dans les pays où l'enseignement primaire public est gratuit et garanti
par la Constitution. Il représente entre 30% et 40% de l'offre au Mali,
au Tchad et au Togo. En visant le taux net de scolarisation, le rapport
mentionne qu'<< Il est clair qu'une plus large diffusion de
l'enseignement privé est un facteur positif d'accélération
des progrès eu égard à cet indicateur >> (CEA &
al., 2010 : 22).
Alphabétisation de la population versus
économie de la connaissance
En lien avec ce qui a été mentionné au
point précédent, les Etats, face à la double injonction de
la communauté internationale, sont aujourd'hui confrontés au
double rattrapage de l'alphabétisation et de la connaissance (Henaff,
2006). Les quelques pourcentage repris dans le tableau ci-dessous et du rapport
RDH 2010 illustrent bien l'état général dans
lequel se trouve les systèmes d'éducation de l'Afrique
subsaharienne et des pays à << faible développement humain
» comparativement à la situation des pays de l'OCDE qui semblent
performer dans les trois niveaux.
Tableau 3.10. : Déploiement de
l'éducation par niveau d'éducation
|
OCDE
|
Pays à IDH faible
|
Afrique subsaharienne
|
Enseignement primaire Taux d'abandon scolaire pour la
période 2006-2008
|
2,9%
|
40,4%
|
36,5%
|
% de la population ayant atteint au moins le niveau
secondaire en 2010
|
73,8 %
|
14,3%
|
Non connu
|
Taux net d'inscription dans le secondaire pour la
période 2001-2009
|
91,8%
|
30,9%
|
29,5%
|
Taux brut d'inscription dans l'enseignement
supérieur pour la période 2001-2009
|
71,4%
|
6%
|
5,5%
|
(Source : Nations Unies, RDH 2010, p. 220)
1.4. Les limites de la théorie du capital humain
Pour J.-E. Charlier, la théorie du capital humain a
été définie aux Etats-Unis après la seconde guerre
mondiale pour répondre aux besoins en mains d'oeuvre qualifiées
et permettre aux entreprises d'évoluer vers des modes de production plus
rentables. Elle atteste de rendements privés et sociaux
élevés. Malgré les nombreuses critiques, << cette
théorie a gardé une prégnance inouïe dans les
organisations internationales et est utilisée pour justifier ou non de
l'investissement dans l'enseignement » (Charlier 2010-2011). Il pose la
question suivante : << Si cette théorie est valable dans les pays
développés du fait de l'existence d'un marché du travail,
qu'en est-il dans les pays en développement ? Dès l'instant
où il y a la certitude d'avoir un emploi sans faire des études,
cette théorie ne tient plus. Dès l'instant où il n'y a pas
de marché de l'emploi, cette théorie ne tient plus non plus sauf
pour que les enfants se rendent compte qu'il est bon de faire des études
» (Charlier 2010-2011). Ainsi, les écoles formelles issues de la
colonisation << ont
commencé à être critiquées au moment
où le ralentissement des recrutements dans la fonction publique a
étranglé ses débouchés naturels >> (Charlier,
2004a : 167).
Pour J. R. Minnis (2006), l'augmentation des niveaux
d'éducation requis pour occuper certaines fonctions est la
conséquence d'une compétition entre groupes sociaux et non la
conséquence d'une augmentation des connaissances technologiques et
intellectuelles requises pour occuper certains emplois. L'éducation des
jeunes filles et des femmes est essentielle pour le développement
économique des pays en développement mais s'il n'y a pas
d'opportunité d'emplois dans le secteur formel, il n'y a aucune raison
que les parents envoient leurs filles à l'école.
Comme déjà mentionné plus haut,
l'école publique coloniale permettait l'insertion vers des postes de la
fonction publique. Cette situation n'est plus vraie aujourd'hui. L'exemple
récent des diplômés demandeurs d'emploi de l'Afrique du
Nord est un autre exemple de la nécessité de faire évoluer
conjointement éducation et marché du travail.
2. PERSPECTIVE SOCIO-HISTORIQUE
Pour comprendre les enjeux liés au déploiement des
systèmes d'éducation, nous souhaitons, dans cette section,
pointer quelques repères clés de l'histoire de
l'éducation.
2.1. Bref rappel historique de l'histoire de
l'éducation
Des origines de l'éducation
Dans son livre J. Vial rappelle au chapitre premier
consacré à << L'éducation
<<primitive>>>> que << la fonction éducative est
ce qui caractérise le mieux l'espèce humaine : le moyen de
transmettre aux générations ultérieures les acquis du
moment>> (Vial, 1995 : 5). A cette époque, l'éducation est
étendue à toute la vie, elle est naturelle, dégagée
de toute contrainte, déterminée par les nécessités
sociales. Elle vise l'adaptation étroite de l'individu à la
société, elle se fait par le jeu, l'imitation, la participation
à la vie collective et l'initiation. Il aura fallu des
millénaires pour l'invention d'un outil extraordinaire, le langage. Pour
adaptative qu'elle soit, cette forme d'éducation n'en reste pas moins
fermée sur elle-même, << ce qui congédie à la
fois la personne et le reste de l'univers >> (1995 : 6).
Des formes d'éducation plus structurées
apparaissent dès l'Antiquité, au IVème et IIIème
millénaires avant J.-C.. L'éducation dans la vallée du Nil
a pour objectifs << dans un ordre social rigide, ... de conduire à
un métier>> ou d'enseigner la science et la religion,
étroitement liées, aux prêtres, architectes,
médecins et scribes. << Ce privilège de la culture (durera)
jusqu'à l'époque moderne >> (Vial, 2010 : 9).
L'éducation en Perse était réservée à la
noblesse, elle était militaire, étatique et morale.
L'éducation en Chine ancienne basée sur le respect de la
tradition, de l'Etat et de la famille... est influencée, << au
moment où se dessine une certaine émancipation de la masse
populaire et par deux grands philosophes : Lao Tseu et Confusius >>
(Vial, 2010 : 12), le premier dans le but de lutter contre l'ignorance, le
deuxième dans le but d'enseigner une morale basée sur le bonheur
du peuple (Vial, 2010 : 12).
lie la formation des élites en Europe à
la démocratisation de l'enseignement
En réponse aux besoins des cités grecques et de
l'Empire romain, l'école est vouée, à cette époque,
à l'instruction des élites politiques et administratives. Au
Moyen Âge, << la croissance des activités commerciales a
aussi créé une demande d'alphabétisation >> ainsi,
l'instruction est mise à portée des plus pauvres (Troger et
Ruano-Borbalan, 2005 : 11). Il faudra attendre l'époque de la
renaissance, au 16ème siècle, à la faveur de la
création de l'imprimerie et en appui à la montée en
puissance des Etats et à la construction des identités
nationales, pour qu'un réel essor de l'éducation primaire se
réalise (Charlier, 2010-2011 ; Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 13).
Cependant, deux processus d'extension de l'école restent de mise,
l'éducation des élites avec les universités et
l'éducation de la population avec l'école primaire. Il faudra
attendre la fin du 18ème siècle à la faveur de
la révolution et le début du 19ème
siècle pour que plusieurs lois relatives à l'éducation
publique et à l'éducation primaire gratuite et obligatoire soient
adoptées en France. Du point de vue des savoirs enseignés, les
disciplines sont l'orthographe, les poids et les mesures et leurs visées
concernent la constitution d'une identité nationale, les valeurs de la
République et la diffusion de modes de pensées
rationalisés en uniformisant les normes linguistiques, commerciales et
techniques sur tout le territoire. Il s'agit également <<
d'inculquer l'esprit de méthode et de précision indispensable
à la main d'oeuvre des nouvelles entreprises industrielles >>
(Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 32-34). Ce n'est qu'au
20ème siècle, après la seconde guerre mondiale,
que la démocratisation de l'enseignement aux différents niveaux
s'installe
progressivement avec l'avènement des
mathématiques et des disciplines scientifiques en réponse au
besoin de former des cadres scientifiques et techniques nécessaires
à l'affirmation militaire et industrielle du pays comme le souligna le
général de Gaulle (Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 24, 37).
L'éducation en Afrique
subsaharienne
Avant la période coloniale, l'éducation en
Afrique au Sud du Sahara est assurée par la société toute
entière, elle est globale et communautaire. Les savoirs sont transmis
oralement au quotidien par la famille et la collectivité locale en
liaison avec les besoins directs de la société. L'esprit
communautaire, le maintien d'un équilibre, la religion et le
sacré imprègnent l'éducation. Les enfants sont rapidement
associés à la production et aux activités des adultes. Le
programme d'éducation est en phase avec la structure sociétale
locale, il « donnait à l'apprenant un sentiment d'appartenance
à une collectivité, d'identité et d'accomplissement »
(Bah Diallo, 2008 : 5). Deux formes d'éducation formelles coexistent.
D'une part, sous l'influence de l'Islam, des écoles coraniques sont
créées au XVIIème, XVIIIème siècles dans le
but de dispenser des cours de théologie. D'autre part, des maisons
d'initiation implantées dans des bâtiments désignés
à cet effet permettent la pratique des rituels initiatiques dont la
vocation est de former « aux moeurs sociales et culturelles de la tribu
» (Uduku, 2004 : 2).
A partir du XIXème siècle, l'école
calquée sur le modèle occidental s'installe en Afrique durant la
période de la colonisation et est organisée au départ par
les sociétés missionnaires. Implantées principalement dans
les régions pauvres, les objectifs poursuivis sont le
développement socio-économique par la conversion au christianisme
des populations et la dispense de soins médicaux. Avec le
déploiement des gouvernements coloniaux au XXème siècle,
l'Etat renforce progressivement son contrôle sur la politique
éducative. De nombreux établissements scolaires sont construits
et ouverts en théorie à l'ensemble de la population
indépendamment de la confession et de l'origine sociale. Dans les faits,
la politique éducative répond à des objectifs
stratégiques politiques. Ainsi, les écoles sont construites dans
des zones moins isolées, une éducation faite pour les
élites destinées à l'administration coloniale y est
dispensée. Les programmes, déterminés par cette même
administration coloniale, sont dépourvus de contenu africain et les
enseignants sont des expatriés. Les prestigieux bâtiments
scolaires, moins intégrés à la vie communautaire,
incarnent la puissance
coloniale. En termes de résultats, les chiffres parlent
d'eux-mêmes. Selon la Banque mondiale, le taux d'analphabétisme
est supérieur à 90 % et le taux brut de scolarisation primaire
est de 36 % mais avec des fortes disparités sous-régionales et
entre zones urbaines et rurales.
Au moment de l'indépendance, les pays africains ont
hérité << de systèmes éducatifs
inadaptés à leurs réalités » (Bah Diallo, 2008
: 6).
2.2. Les enseignements de l'histoire de l'éducation
Les controverses autour des finalités de
l'éducation
J.-E. Charlier rappelle que les systèmes
éducatifs mis en place au 19ème siècle tant en
Europe que dans les pays colonisés répondaient à des
objectifs de moralisation et d'éducation de la masse, des populations
pauvres ou indigènes. Il n'y avait aucune sensibilité à la
culture ouvrière et aux cultures périphériques. Le
modèle, c'était l'homme blanc, urbain, la culture occidentale
(2010-2011). Il rappelle que :
« Dans l'histoire de l'homme, l'élargissement
de l'enseignement n'a pas été fait par humanisme mais pour
d'autres raisons plus terre à terre. La démocratisation de
l'enseignement et la lutte contre l'illettrisme sont apparues aux Etats-Unis
après la seconde guerre mondiale pour des raisons toutes pragmatiques.
Il s'agissait, d'une part, de mettre le système d'enseignement
américain au niveau de celui de l'Union soviétique où
l'école était gratuite et d'autre part, de répondre aux
besoins en compétences scientifiques nécessaires au
déploiement de l'économie. Ce mouvement est à rapprocher
de l'histoire de Jomtien et de Dakar qui vise à tout prix que tout le
monde passe par l'enseignement. L'éducation pour tous a
été décrétée au même moment où
les trois blocs économiques se font une course à la
technologie... au moment où on aura des déficits de scientifiques
de plusieurs millions de personnes notamment dans l'Union européenne
» (2010-2011).
Dans un autre contexte, Oxfam dans son rapport dresse le
même constat : << Les politiques et les pratiques d'aide se
trouvent à la croisée des chemins. Les donateurs sont face
à une alternative : promouvoir une aide efficace et indépendante
qui contribue au bien-être et à la sécurité des
populations victimes de conflits et de crises, ou accroître et
institutionnaliser le recours à l'aide pour servir leurs propres
objectifs militaires et sécuritaires, au détriment de
l'efficacité et de la rentabilité de l'aide » (Oxfam, 2011 :
27).
A chaque moment de l'histoire, les systèmes
d'éducation se sont déployés et les finalités de
l'éducation ont été définies en fonction de
priorités des sociétés dans lesquelles elles s'inscrivent.
Il pouvait s'agir de reproduire des conditions de vie, d'inculquer des valeurs
morales et religieuses, de provoquer des changements majeurs dans
l'organisation des sociétés ou de répondre à des
logiques de pouvoir. A partir de la DUDH adoptée en 1948,
l'éducation est devenue un droit fondamental. Plus récemment, la
finalité économique est devenue prédominante et elle
s'inscrit dans une logique de globalisation. A. Azam (2004) parle de service
économique et Ch. Laval de marchandisation de l'éducation (2004).
En opposition à la conception utilitariste, le concept de << bien
public mondial » a émergé (Kern, 2005 : 8) ainsi que la
<< conception patrimoniale » (Hugon, 2005 : 25).
De l'accès et de la qualité de
l'enseignement
L'enseignement pour tous en Occident s'inscrit dans le long
terme. << Il a fallu 2 siècles pour amener 60% des enfants
allemands à l'école primaire ; ce chiffre dédouane les
retards d'autres parties du monde aujourd'hui » (Charlier, 2010-2011).
Parallèlement, nous pouvons mentionner la jeunesse de l'enseignement
primaire universel. La DUDH reconnaissant l'enseignement primaire comme droit
fondamental a été adoptée récemment, en 1945 et
après la seconde guerre mondiale.
En Belgique, la question de la création d'écoles
sur tout le territoire n'a pas été résolue avant les
années 50 et les bonnes écoles se trouvaient dans les villes.
L'élargissement de la gratuité trouvait son origine dans la
volonté de répandre la culture à toute la
société. Les principaux bénéficiaires ont
été les classes moyennes, les femmes, les zones
éloignées. Les différences dans les niveaux d'instruction
ont effectivement diminué sauf pour le groupe des plus faibles
socio-économiquement (Charlier, 2010- 2011).
Les études de l'INED dans les années 60 ont mis
en exergue le facteur déterminant de la localisation.
L'inégalité de qualité de l'enseignement tient à la
résidence. Pour les pays du Sud, cette question est prédominante.
La qualité, c'est-à-dire celle qui donne accès aux
réseaux internationaux, se trouve dans les grandes villes. Au plus on
s'en éloigne, au plus la qualité diminue y compris celle de la
capacité d'enseigner de l'enseignant (Charlier, 2010-2011).
Aujourd'hui encore, les pays occidentaux ne sont pas
épargnés par des problèmes de qualité dans leurs
systèmes éducatifs. Le rapport PISA 2010 reconnaît les
limites des politiques éducatives tout en signalant que certains
systèmes sont plus performants que d'autres << Le
désavantage socio-économique est un phénomène aux
multiples facettes, dont la politique de l'éducation ne peut seule
atténuer l'impact, surtout à court terme >> (OCDE, 2010 :
10).
Un phasage historique toujours plus concomitant entre
politiques d'éducation au Nord et politiques d'éducation au Sud
(Charlier, 2010-2011)
Les systèmes d'éducation, à
l'échelle mondiale, se sont déployés en trois grandes
phases historiques auxquels correspondent des référentiels
spécifiques (Charlier, 2010- 2011).
Durant la période des 18... à 1945, l'obligation
scolaire répondait au référentiel de moralisation. Il
s'agissait dans les pays occidentaux et colonisés de
<<moraliser>> la population pauvre ou indigène et de
répondre aux besoins en main d'oeuvre des Etats et de l'industrie.
Durant la période des années 1945 - 1985, la
priorité a été donnée au référentiel
de démocratisation et à la promotion de l'égalité
de traitement pour tous. Au Nord, les efforts financiers réalisés
ont en grande partie bénéficié à la classe moyenne
mais ils n'ont pas permis d'atteindre les résultats escomptés
auprès de la population socioéconomiquement la plus faible. Cette
période se solde pour les pays du Sud par le surendettement des
Etats.
Depuis 1985, les référentiels d'efficience et de
différentiation (lutte contre l'exclusion avec la recherche d'une
équité plus grande entre les individus) orientent les politiques
tant au Nord qu'au Sud. En 2000, les Objectifs du Millénaire pour le
développement sont adoptés pour les pays du Sud alors que
l'Europe adoptait, en parallèle, sa stratégie Education &
Formation 2010 et le processus de Bologne de réforme de l'enseignement
supérieur était lancé.
Les dernières orientations de politiques
éducatives confirment ce constat. En 2010, l'Europe a adopté la
stratégie Europe 2020 à laquelle se rattache la stratégie
Education & Formation 2020. Parallèlement, la Banque mondiale
débutait les travaux relatifs à l'élaboration d'une
stratégie pour le secteur de l'éducation à l'horizon 2020
(Banque
mondiale, 2010). En introduction, nous pouvons lire ceci :
« Les perspectives de développement d'un pays tiennent à la
qualité de sa population -
c.-à-d. la compétence et la
créativité de sa population active, la capacité de ses
dirigeants à gouverner et à gérer ses ressources, et la
capacité de sa population adulte à élever des enfants
instruits et en bonne santé. L'éducation est le meilleur
investissement qui puisse se faire pour obtenir cette qualité ». En
complément, les thèmes des rapports EPT de l'Unesco illustrent
les priorités de chaque époque : celui de 2009 était
consacré à la gouvernance, celui de 2010 à l'atteinte des
marginalités, celui de 2011 aux conflits armés et celui de 2012
sera consacré aux compétences.
Actuellement, un nouveau référentiel semble
émerger, celui de la durabilité (Charlier, 2010-2011).
3. CONCLUSIONS
Parler de pertinence sans parler d'ancrage dans le milieu dans
lequel la politique s'inscrit handicape l'atteinte des objectifs
escomptés. Au contraire, les politiques d'éducation actuelles y
gagneraient en qualité et en impact sur le développement. Il
s'agit bien de réduire l'écart entre idéologie ou doctrine
et réalisme ou pragmatisme.
A ce titre, l'Objectif d'éducation primaire pour tous
devrait davantage intégrer la notion d'adéquation. En
matière d'éducation, la diversité semble être la
règle et la prise en compte de la demande des acteurs principaux, des
stratégies et des contraintes des familles est nécessaire.
L'inscription de l'éducation dans la culture locale, le contexte social
et économique local est une nécessité avec un encadrement
d'instances publiques. Dans cette lignée, il y a tout un champ de
l'éducation qui semble oublié, celui des connaissances
liées aux métiers et qui est dans nos systèmes
d'enseignement occidentaux l'apanage de l'enseignement secondaire.
A contrario, l'éducation primaire n'échappera
pas à son inscription dans le global pour des raisons financières
et d'époque mais aussi pour d'autres raisons liées aux
aspirations des personnes et à l'accessibilité aux savoirs
universels. Les contraintes financières des Etats du Sud sont aussi
telles qu'il leur est impossible de ne pas s'inscrire dans les orientations des
politiques internationales actuelles qui tendent vers
une uniformisation globale. Cela pose aussi la question de la
viabilité des systèmes hors financements internationaux. Par
contre, il est clair que le référentiel d'efficience actuel
mène à trop de rigidité ou, a contrario, à trop
d'ouverture.
L'histoire de l'éducation nous enseigne que,
fondamentalement, l'éducation, au sens large, a toujours existé
et émerge en relation avec ou en appui à une forme d'organisation
sociale, sociétale. Les finalités de l'éducation peuvent
être universelles comme répondre au droit à
l'éducation, et d'ordre local. Favoriser la rencontre entre les deux
n'est pas impossible. Dans cette lignée, les questions à poser
aujourd'hui pourraient être : Quels contenus ? Quelles modalités ?
Pour répondre à quels besoins ? C'est toutefois dans le long
terme, à l'instar de ce qui s'est passé en Europe, que l'objectif
d'éducation primaire pour tous pourrait être atteint.
V. Pistes d'amélioration du lien entre
l'objectif OMD 2 et le développement
Eu égard aux avancées et aux difficultés
rencontrées dans l'atteinte de l'Objectif 2 des Objectifs du
Millénaire pour le développement, quelles sont les pistes
d'amélioration possibles?
Dans les pays à faible revenu, des orientations plus
fines pourraient être réfléchies en accordant une attention
plus équilibrée entre l'offre de services éducatifs et la
demande d'éducation, << la vérité est entre les deux
» (Vandenberghe, 2010-2011). Nous en citons quelques unes
ci-après.
Apporter de la souplesse dans la définition
et la réalisation de l'objectif OMD 2
La pertinence n'est pas que globale, elle est aussi locale. Le
déploiement des systèmes éducatifs méritent plus
d'attention accordée à la qualité par le biais d'un
rééquilibrage entre l'équité d'accès et
l'équité de résultats basée sur des seuils minimaux
d'acquis d'apprentissage afin de se donner les moyens d' << Instruire
plutôt qu'inscrire » (Duflo, 2010 : 21). La question posée
est dès lors : quels sont les facteurs déterminants d'une
meilleure qualité de l'éducation ? (N. Altinok, 2006).
L'adéquation locale est essentielle et passe par une
stratégie pédagogique renforcée (organisation des
systèmes et de l'école, formation et motivation des enseignants,
méthodes et supports pédagogiques...) à côté
d'une stratégie de gestion.
Il s'agit aussi de considérer l'environnement dans
lequel les systèmes s'inscrivent. << The implication, therefore,
of a poor past aggregate payoff from increased cognitive skills in a perverse
policy environment is not <<don't educate » but rather
<<reform now so that investments (past and present) in cognitive
skills will pay off» » (Pritchett, 2001 : 388). La stratégie
2020, en cours d'élaboration, prévoit des approches
différentiées suivant le niveau de développement des pays
(Banque mondiale, 2010). C'est un premier pas même s'il s'agit à
nouveau d'une approche définie par le haut.
L'objectif OMD 2 pourrait aussi être reformulé en
fonction de ces constats et des moyens disponibles. D. Filmer, A. Hasan and L.
Pritchett (2006), tout en reconnaissant l'utilité de l'objectif
d'éducation pour tous pour avoir pointé le déficit
d'éducation, recommande que chaque pays opère une
transition« from MDG to «MDG with quality»
to MLG34» (2006 : 38). << The question
of the past was «can we get all children in school?» while the
question now is «are youth emerging from the educational system adequately
equipped for their future?» » (2006 : 41).
Inscrire l'objectif OMD 2 dans une approche
systémique locale
En référence à J.-Ph. Peemans (2010) et
à F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003), l'investissement
éducatif pourrait aussi davantage s'inscrire dans un projet de
développement endogène ou territorial.
En référence à J.-E. Charlier (2010-2011)
et à J.-Y. Martin (2006), une plus grande autonomie de mise en oeuvre
pourrait être laissée aux Etats ou à des systèmes de
gouvernance locale en référence à F. Leloup, L. Moyart et
B. Pecqueur (2003). L'opportunité de l'émergence d'un
référentiel de durabilité pourrait aussi être saisie
afin de réinscrire l'école dans le long terme (Charlier,
2010-2011).
Une réflexion autour des savoirs à enseigner en
primaire est particulièrement importante. Il s'agit d'une part, des
savoirs de base universels ou pas, et d'autre part, des savoirs empiriques, des
savoirs liés à l'amélioration du bien-être quotidien
en termes de santé et de ressources.
Une réflexion autour des finalités locales de
l'éducation et de la diversification de l'offre serait aussi utile. La
diversification de l'offre comprend divers degrés se
référant au niveau d'interactivité entre l'école et
la société. Le degré de diversification
s'élève lorsque se manifeste une interactivité
administrative et politique, une interactivité économique, une
interactivité pédagogique et culturelle (Martin, 2006 : 155).
Dans cette même lignée, M.-F. Lange remarque, que << du fait
que l'éducation participe au fonctionnement des sociétés
et peut influencer leur dynamique, qu'il est essentiel que les politiques
éducatives accordent davantage d'intérêt aux
représentations et pratiques éducatives des familles, et qu'elles
parviennent à associer élèves et parents
d'élèves dans le développement de l'éducation
scolaire » (2006 : 181).
Déjà en 1987, A. Vinokur mettait en avant que
<< La seule démarche alternative, difficile, est l'analyse de
chaque système éducatif dans la dynamique de ses rapports
34 Millennium Learning Goal
avec les structures économiques, sociales, politiques
et idéologiques, à la recherche d'une rationalité qui n'a
de sens que globale, dans une perspective de la maîtrise des conditions
propres du développement de chaque société » (1987 :
934).
Se départir de trop de technocratie et
respecter les engagements pris
En référence à J.-E. Charlier, nous
pouvons dire que le risque lié au pilotage par les indicateurs
réside dans l'éloignement dans l'action de la question des
finalités. Bien que l'évaluation puisse être fortement
critiquée à l'instar de ce que relève Y.-Ch. Zarka
<< L'idéologie de l'évaluation est une des grandes
impostures de notre époque parce qu'elle prétend à une
objectivité fondée sur le calcul, la quantification, le chiffrage
»35, elle permet aussi de prendre du recul et de se donner
l'opportunité d'une réorientation. A titre d'exemple, nous citons
les évaluations réalisées par E. Duflo basées sur
le principe des essais cliniques (2010).
L'analyse de l'objectif OMD 2 d' <<Assurer
l'éducation primaire pour tous » nous enseigne aussi de
l'importance de dépasser les injonctions quelques fois contradictoires
des organisations internationales et de maintenir un équilibre entre
l'impatience ou l'exigence de résultats à court terme et
l'instauration d'un cadre de qualité payant sur le long terme.
Par ailleurs, les financements restent une priorité
absolue à respecter.
Et enfin, reconnaître les efforts et les
progrès réalisés et dédramatiser
... pour ralentir la course à l'atteinte d'un objectif
improbable en un délai aussi restreint. Comme le rappelle J.-E.
Charlier, << Il aura fallu deux siècles pour amener les enfants
allemands à l'école... » (Charlier, 2010-2011).
En conclusion, l'amélioration potentielle de l'impact
de l'éducation primaire ou de base sur le développement requiert
une approche de long terme en relation avec des priorités qualitatives
et un questionnement sur les finalités de l'éducation en relation
avec son ancrage territorial. La vraie question serait dès lors :
<< L'école, pour quel savoir et pour quel développement ?
» (Peemans, 17 janvier 2011).
35 Le Soir, Qui veut prendre le pouvoir sur le savoir
?, Propos recueillis par W. Bourton, le 16 mars 2011
VI. Conclusion générale
Le mémoire avait pour objectif de se questionner sur
les effets de l'éducation de base sur le développement. Cette
analyse a été circonscrite aux effets de l'éducation
primaire sur le développement à un niveau macro à partir
de la mise en oeuvre de l'Objectif OMD 2 d' <<Assurer l'éducation
pour tous » dans les pays en situation d'extrême pauvreté et
particulièrement en Afrique subsaharienne.
Deux hypothèses de départ ont été
formulées. La première hypothèse relevait le
caractère inapproprié de l'objectif pour les pays et les
populations en situation d'extrême pauvreté. Elle a
été partiellement vérifiée car l'impact
potentiellement positif est contrecarré par de nombreuses pressions
inhérentes à la réalisation même de l'objectif et
à des facteurs externes. La deuxième hypothèse
conditionnait les effets de l'éducation primaire sur le
développement à la nécessité d'atteindre des
niveaux minimaux de qualité. Elle s'est révélée
particulièrement pertinente.
A la question initiale << l'éducation
produit-elle du développement ? », la pertinence de
l'investissement éducatif dans les pays en situation d'extrême
pauvreté n'est en soi pas à remettre en question au regard des
nombreuses finalités liées à l'éducation et de ses
effets potentiellement positifs pour chaque personne. Il s'agit plutôt
d'y apporter davantage d'adéquation et d'efficience. Nous entendons par
adéquation, un rapprochement entre l'offre de service et la demande
d'éducation ainsi qu'une meilleure intégration dans le paysage
local au niveau économique, culturel et social. Par efficience, nous
entendons une équité qualitative renforcée autour de
seuils minimaux d'acquis d'apprentissage. Un rapprochement significatif devrait
ainsi être décidé entre une politique à visée
universelle et la réalité quotidienne des populations. Cela passe
par une réflexion pédagogique contextualisée au
côté d'une stratégie de gestion et d'une conformité
à un ordre global. Il s'agit aussi d'opérer un
rééquilibrage entre l'équité, les moyens et les
objectifs.
L'objectif 2 des Objectifs du Millénaire pour le
développement pourrait être redéfini en fonction de ces
différents éléments. Il ne s'agit donc pas de le supprimer
mais de le réorienter. Il est difficile en effet, voire contreproductif,
d'aller à l'encontre d'un déploiement de systèmes
éducatifs en référence à des normes devenues
internationales et de ne pas l'inscrire dans l'économie de la
connaissance. Celle-ci est
déjà une réalité dans les pays les
plus pauvres. Toutefois, le chemin pour y arriver, à titre individuel,
comme au niveau d'un pays, devrait être plus flexible, plus qualitatif et
diversifié. Il devrait impérativement s'inscrire dans le long
terme.
En conclusion, ce premier état des lieux sur la
problématique de l'éducation primaire en lien avec le
développement et la pauvreté en Afrique subsaharienne, nous porte
vers de nouvelles pistes de réflexion pour l'école africaine
d'aujourd'hui et de demain.
A partir de la question posée par J.-Ph. Peemans (17
janvier 2011) « Quels savoirs pour quel développement ? », les
pistes d'investigation pourraient s'orienter vers les thèmes suivants
:
- les connaissances génériques et les savoirs
locaux, le référentiel de durabilité en éducation
(Charlier 2010-2011), le développement endogène / territorial
(Peemans, 2002) et le développement socio-économique local;
- le capital humain africain et l'économie de la
connaissance.
Toutefois, penser en ces termes n'est pas suffisant. De notre
point de vue, il serait aussi nécessaire de se pencher sur la
gouvernance des politiques. De cet état des lieux, deux autres grands
constats ont aussi émergés : le manque de
multidisciplinarité dans la définition des politiques de
développement et d'éducation au niveau global ainsi que le besoin
d'ouverture et de régulation des systèmes d'éducation
à un niveau régional ou local pour une meilleure insertion ou
évolution tout au long de la vie des bénéficiaires.
Enfin, force est de constater qu'au XXIème
siècle, la démocratisation de l'accès à
l'enseignement n'a pas encore été rendue possible pour tous.
C'est pourquoi, à l'instar des effets de l'invention de l'imprimerie sur
le déploiement des systèmes d'éducation au XVème
siècle, il nous paraît nécessaire d'intégrer dans la
réflexion le potentiel qui pourrait émerger d'un recourt accru
aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
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UNESCO,
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Résumé:
Le mémoire a pour objectif d'explorer les effets sur le
développement de l'objectif 2 «Assurer l'éducation primaire
pour tous d'ici à 2015 » des Objectifs du Millénaire pour le
développement dans les pays en situation d'extrême
pauvreté, particulièrement en Afrique subsaharienne. Un premier
bilan de l'efficacité et de l'efficience dans la mise en oeuvre des
politiques d'éducation atteste des efforts réalisés mais
aussi des difficultés de ressources et d'équité en termes
d'accès et de seuils minimaux d'acquis d'apprentissage. L'analyse de la
pertinence de l'éducation primaire en lien avec quatre grands courants
du développement (la croissance et le progrès, le
développement humain, la lutte contre la pauvreté et le
développement endogène) montre le caractère relatif de cet
investissement s'il n'est pas contextualisé et priorisé en
fonction des besoins locaux. Le regard de sociologues met en exergue la
nécessité d'opérer une meilleure adéquation avec la
demande des parties prenantes et de se questionner au sujet des
finalités de l'éducation. Quelques pistes d'amélioration
sont proposées dans ce sens, dont celles relatives aux savoirs
enseignés et à l'organisation des systèmes dans une
approche systémique, plus flexible et diversifiée des politiques
à l'échelle locale.
Mots dlés: Education primaire pour tous,
politiques de développement, efficacité, efficience, pertinence,
adéquation.
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