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L'éducation primaire comme levier de développement. Analyse critique à  partir de l'Objectif OMD 2: « Assurer l'éducation primaire pour tous »

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par Corinne STEPHENNE
Université catholique de Louvain - Master 120 en sciences de la population et du développement,  2011
  

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Université catholique de Louvain
ECOLE DES SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES

L'EDUCATION PRIMAIRE COMME LEVIER DE DEVELOPPEMENT

Analyse critique à partir de l'Objectif OMD 2 :
« Assurer l'éducation primaire pour tous »

Par Corinne STEPHENNE

Promoteur : Prof. J.-E. CHARLIER Mémoire présenté dans le cadre du

Rapporteur : Prof. J.-M. WAUTELET Master 120 en sciences de la population

et du développement,

Orientation approfondie

Session de septembre 2011

Remerciements

Nous remercions chaque personne ou organisme
qui a contribué directement ou indirectement à l'aboutissement de ce mémoire.
Nous pensons à nos professeurs de l'UCL,
particulièrement au professeur et promoteur J.-E. Charlier,
et à notre entourage proche pour sa compréhension et ses conseils avisés.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE

 

6

I. OBJECTIF ET METHODOLOGIE DE TRAVAIL

 

7

1. OBJET DU MEMOIRE

7

 

2. PROBLEMATIQUE

8

2.1. La question de départ

8

 

2.2. La problématique

8

 

3. CADRE THEORIQUE

13

 

3.1. L'éducation comme droitfondamental

13

 

3.2. L'éducation et les théories démographiques

14

 

3.4. L'éducation et les théories économiques et/ou du développement

16

 

4. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

20

 

4.1. Le modèle d'analyse

20

 

4.2. Le concept de développement

22

 

4.3. Le concept d'éducation scolaire de base

27

 

4.4. Les critères de qualité

30

 

4.5. La méthodologie

31

 

II. ANALYSE DE LA MISE EN OEUVRE DE L'OBJECTIF OMD 2

 

34

1. BREF RAPPEL HISTORIQUE

34

 

2. ANALYSE DE L'EFFICACITE

36

 

2.1. Les taux d'accès et d'achèvement

36

 

2.2. Les acquis d'apprentissage

41

 

2.3. Analyse de l'efficacité

42

 

3. ANALYSE DE L'EFFICIENCE

46

 

3.1. Le volume des ressources nationales et internationales

46

 

3.2. L'allocation des ressources

50

 

3.3. Analyse de l'efficience

52

 

4. CONCLUSIONS

54

 

III. ANALYSE DE LA PERTINENCE DE L'OBJECTIF OMD 2 POUR LE DEVELOPPEMENT ____56

1. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA CROISSANCE ET LE PROGRES

57

 

1.1. Evolution de l'éducation et du PIB, analyse des rendements de l'éducation

57

 

62

 

68

 

68

 

2.2. Analyse de la pertinence

71

 

3. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

75

 

3.1. Evolution de l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD 1

75

 

3.2. Analyse de la pertinence

79

 

4. ANALYSE DE LA PERTINENCE DU DEVELOPPEMENT ENDOGENE

88

 

4.1. Présentation des grands principes et des actions qui s'y rattachent

88

 

4.2. Analyse de la pertinence

90

 

5. CONCLUSIONS

93

 
 

IV. MISE EN PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE DE L'OBJECTIF OMD 2

 

95

1. PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE

95

 

1.1. Le non enracinement local des systèmes d'éducation

95

 

1.2. La dominance de la communauté internationale

99

 

1.3. La capacité, le rôle et les dilemmes des Etats

101

 

1.4. Les limites de la théorie du capital humain

103

 

2. PERSPECTIVE SOCIO-HISTORIQUE

104

 

2.1. Bref rappel historique de l'histoire de l'éducation

104

 

2.2. Les enseignements de l'histoire de l'éducation

107

 

3. CONCLUSIONS

110

 

V. PISTES D'AMELIORATION DU LIEN ENTRE L'OBJECTIF OMD 2 ET LE

DEVELOPPEMENT 112

VI. CONCLUSION GENERALE 115

VII. BIBLIOGRAPHIE 117

Liste des abréviations, sigles et acronymes

BAD Banque africaine de développement

CEA Commission économique pour l'Afrique

CUA Commission de l'Union africaine

DSNU Division de statistique de l'Organisation des Nations Unies

DSRP Documents stratégiques de réduction de la pauvreté

DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme

EPT Education Pour Tous

EPU Education primaire universelle

FAO Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

GII Indice d'inégalité de genre

IDH Indice de développement humain

IIG Indice d'inégalité de genre

IPHI Indice de développement humain ajusté aux inégalités

IPM Indice de pauvreté multidimensionnelle

ISF Indice synthétique de fécondité

MDG Millenium Development Goal

MLG Millenium Learning Goal

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

OMD Objectif du Millénaire pour le développement

PAEP Plan d'action pour l'élimination de la pauvreté

PIB Produit Intérieur Brut

PIRLS Programme international de recherche en lecture scolaire

PISA Programme for International Student Assessment

PNUD Programme des Nations Unies pour le développement

PPA Parité de pouvoir d'achat

RDH Rapport sur le développement humain

RNB Revenu national brut

SACMEQ Southern and Eastern African Consortium for Monitoring Education Quality

TIMMS Trends in International Mathematics and Science Study

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

UE Union européenne

Liste des tableaux

Tableau 1.1. : Les indicateurs du concept de développement p.26

Tableau 1.2. : Les indicateurs en lien avec les politiques d'éducation p.29

Tableau 1.3. : Les indicateurs de suivi du secteur de l'éducation en Afrique p.30

Tableau 1.4. : Les critères et indicateurs d'analyse de l'efficacité et de l'efficience p.32

Tableau 1.5. : Les critères et les indicateurs de pertinence retenus rendant compte de l'effet

de l'éducation sur le développement pour l'Afrique subsaharienne p.33

Tableau 2.1. : Indicateur de l'Objectif 2 des OMD p.37

Tableau 2.2. : Inégalité d'accès entre régions du monde de l'Objectif 2 des OMD p.37

Tableau 2.3. : Indicateurs de l'objectif 2 EPT p.38

Tableau 2.4. : Inégalité de progrès et d'accès dans l'objectif 2 EPT p.39

Tableau 2.5. : Inégalité d'accès à l'école p.39

Tableau 2.6. : Indicateurs de l'Objectif 1 des OMD p.40

Tableau 2.7. : Profil de scolarisation transversal (Primaire), indicateurs Fast Track p.40

Tableau 2.8. : 88 bonnes pratiques pour atteindre l'EPU p.45

Tableau 2.9. : Indicateur de l'Objectif 6 EPT p.48

Tableau 2.10. : Taux de croissance annuel des budgets de l'éducation entre 1999 et 2008

p.48

Tableau 2.11. : Indicateurs financiers p.49

Tableau 2.12. : Paramètres de politique éducative p.51

Tableau 3.1. : Evolution du PIB et de l'éducation par niveau en Afrique subsaharienne p.57 Tableau 3.2. : Rendements privés, sociaux et par années de l'éducation par région p.59 Tableau 3.3. : Rendements privés, sociaux et par années de l'éducation par niveau de revenu

p.60 Tableau 3.4. : Rendements de l'éducation par genre p.60 Tableau 3.5. : Mesures du développement humain en 2010 et de son évolution depuis 1990

p.69

Tableau 3.6. : Evolution de la pauvreté en Afrique subsaharienne de 1999 à 2005 p.76

Tableau 3.7. : Evolution de la scolarité en Afrique subsaharienne de 1999 à 2008 p.76

Tableau: 3.8. Evolution du profil des emplois travailleurs en Afrique subsaharienne p.77

Tableau 3.9. : Evolution de la population dénutrie et profil des enfants non scolarisés en

Afrique subsaharienne p.78

Tableau 3.10. : Déploiement de l'éducation par niveau d'éducation p.103

Liste des figures

Figure 3.1. : Lien entre croissance des revenus et l'IDH non monétaire p.70

Figure 3.2. : Développement humain et croissance p.74

Figure 3.3. : L'instruction et les femmes p.85

Introduction générale

L'éducation de base, dans une plus ou moins grande mesure suivant les courants de pensée dominants, a toujours fait l'objet d'une attention particulière dans les politiques de développement. L'éducation de base fait également l'objet d'un consensus comme droit fondamental de l'être humain. Depuis l'année 2000, elle a été mise une nouvelle fois au-devant des priorités des politiques d'aide dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement qui prévoient comme deuxième objectif d'assurer l'éducation primaire pour tous d'ici à 2015 ainsi que par le biais du programme Education Pour Tous de l'Unesco.

Aujourd'hui, à 4 ans de l'échéance, nous pouvons nous réjouir des avancées réalisées au plan quantitatif. Cependant, nous devons aussi constater que l'objectif visé d'une éducation primaire pour tous en 2015 ne sera probablement pas atteint et que les avancées quantitatives peuvent cacher une réalité beaucoup moins optimiste en termes d'acquis d'apprentissage et d'impact sur le développement. Par ailleurs, certains auteurs vont jusqu'à remettre en question la pertinence de l'objectif et le lien entre l'éducation et la croissance.

Dans un tel contexte, le thème du mémoire que nous avons choisi d'investiguer n'a pas pour objectif de prendre position pour ou contre mais vise à explorer les interrelations entre l'éducation scolaire et le développement de populations ou de régions du monde marquées par une situation généralisée de pauvreté.

A partir de la question « L'éducation produit-elle du développement ? », le travail de recherche réalisé comprend cinq grandes parties. La première partie présente les objectifs et la méthodologie. La deuxième partie présente les résultats de l'objectif 2 des Objectifs du Millénaire pour le développement et du programme Education Pour Tous et les analyse en termes d'efficacité et d'efficience. La troisième partie questionne la pertinence et l'impact de l'éducation sur le développement au regard de quatre grandes approches du développement (la croissance et le progrès, le développement humain, la lutte contre la pauvreté et le développement endogène). La quatrième partie met en perspective les politiques d'éducation au travers d'une approche sociologique et historique en se centrant sur le critère d'adéquation. La cinquième partie propose quelques pistes d'amélioration visant à favoriser la relation positive entre éducation et développement.

I. Objectif et méthodologie de travail

1. OBJET DU MÉMOIRE

Le mémoire a pour objectif d'analyser les effets de l'éducation primaire sur le développement. Ce choix nous est apparu opportun dans le cadre d'un master en sciences de la population et du développement car au Nord, l'éducation et le capital humain sont devenus un des piliers de l'économie de la connaissance et au Sud, l'éducation primaire pour tous est un des huit objectifs des Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés par l'Assemblée générale des Nations-Unies en 2000. L'éducation est ainsi devenue un des piliers de l'essor économique au Nord et a été érigée comme choix pertinent au Sud pour permettre à des populations de sortir d'une situation de pauvreté.

Cependant, au fur et à mesure de l'approfondissement du sujet, ce lien de causalité s'est avéré beaucoup plus complexe, à double sens, avec des interférences multiples d'autres paramètres venant contrer ou supporter cette assertion selon laquelle l'éducation conduit inexorablement au développement.

C'est de ce phénomène complexe, de ce lien entre l'éducation et le développement que nous souhaitons rendre compte. Il s'agit d'une part, de prendre en considération l'éclairage de diverses disciplines, les théories et doctrines qui ont amené à faire de l'éducation une priorité pour tous. D'autre part, il s'agit de mettre en lumière les recherches empiriques qui remettent en question l'importance accordée à l'éducation ou qui apportent de la nuance et formulent des recommandations pour faciliter l'émergence réelle de ce lien de causalité positive dans des contextes tout autre que ceux que nous connaissons en Occident.

Les travaux de recherche menés dans le cadre de ce mémoire ont pour objectif principal de réaliser un état des lieux et une première évaluation des politiques d'éducation pour les pays en développement à faible revenu. Une réflexion critique est menée à partir des critères d'efficacité, d'efficience, de pertinence et d'adéquation en s'appuyant sur des indicateurs de réalisation et de résultat ainsi que sur diverses études empiriques. Par la suite, un premier éclairage est proposé sur les conditions de réussite d'un tel investissement à l'échelle des populations locales.

2. PROBLÉMATIQUE

2.1. La question de départ

La question de départ que nous avons choisie pour explorer le vaste champ de la relation entre éducation et développement est à la fois simple et très large : L'éducation produit-elle du développement ?

Elle a pour objet de questionner le consensus existant autour de l'éducation comme facteur de développement.

A partir cette question, l'exploration du sujet s'est organisée autour de plusieurs thèmes majeurs :

- le concept de développement : l'histoire des politiques de développement et définitions;

- le concept d'éducation : l'histoire de l'éducation scolaire et définitions; - l'économie et la sociologie de l'éducation ;

- les théories économiques et du développement et les études empiriques ; - les politiques de développement et d'éducation ;

- les rapports des Nations Unies relatifs aux Objectifs du Millénaire pour le développement et les rapports de l'Unesco relatifs à l'Education Pour Tous, les rapports sur le développement humain ;

- le suivi de l'actualité ...

Ces analyses et rapports d'état d'avancement nous ont aidés à circonscrire le thème de notre mémoire et à en préciser le fil conducteur.

2.2. La problématique

Depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, l'éducation scolaire fait partie des droits fondamentaux de tout être humain. Parallèlement, le rôle positif de l'éducation scolaire en matière de développement fait l'objet d'un large consensus comme le rappelait encore Ph. Hugon en 2005 :

« Le rôle déterminant de la formation et de l'éducation dans le processus de développement fait l'objet d'un consensus de la communauté internationale. Depuis la conférence d'Addis Abéba (1961) jusqu'au Forum de Dakar (2000) ou aux objectifs du millénaire du développement (OMD), l'éducation pour tous (UNESCO BREDA, 2005) est affirmée comme une priorité. Ce rôle paraît

renforcé dans la nouvelle économie de l'information et de la connaissance » (Hugon, 2005 : 13).

Les politiques d'éducation dans les pays en développement reposent sur deux grands programmes: d'une part, le programme Education Pour Tous mis en place en 1990 lors de la conférence de Jomtien et renouvelé en 2000 lors du Forum de Dakar et d'autre part, les Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000 intégrant 8 objectifs à atteindre dont deux liés à l'éducation. Il s'agit d'atteindre à l'horizon 2015 l'éducation primaire pour tous avec un accès égal entre les sexes.

Malgré les efforts considérables réalisés en faveur de l'éducation, force est de constater en 2011 que, dans certaines régions du monde et plus particulièrement en Afrique subsaharienne et les pays les plus pauvres, les objectifs d'éducation ne seront pas atteints en 2015. Le rapport EPT 2011 de l'Unesco relate que si 52 millions d'enfants supplémentaires ont été scolarisés entre 1999 et 2008, près de 67 millions d'enfants étaient encore non scolarisés en 2008 et que si les tendances actuelles se poursuivent, il y aura encore 72 millions d'enfants non scolarisés en 2015 (2011 : 45). C'est en Afrique subsaharienne que les difficultés majeures sont observées. Dans son communiqué de presse de Juillet 2010 (2010c), l'Unesco rappelait que la scolarisation primaire a augmenté de 56% à 73% dans cette région mais que :

- 32 millions d'enfants africains sont actuellement exclus de l'école ; au rythme actuel, plus de 23 millions d'enfants ne seront toujours pas scolarisés d'ici 2015 ; - un tiers des adultes ne sait ni lire ni écrire ;

- l'aide extérieure est insuffisante : 2 milliards de dollars annuels, alors qu'il en faudrait 16 pour les pays les plus pauvres ;

- il faudrait 1,2 millions supplémentaires d'enseignants pour atteindre les objectifs ;

- l'Afrique est le continent le plus fortement marqué par les inégalités liées au sexe, à la langue et au lieu de vie.

En référence à l'indicateur de développement humain, l'IDH, le rapport 2010 du PNUD nous informe que l'IDH moyen du monde a crû de 41 % depuis 1970 et de 18 % depuis 1990 rendant compte de progrès considérables (PNUD, 2010b : 3). Cependant, celui-ci cache de fortes variabilités et inégalités régionales et au sein même de chaque pays. L'Afrique subsaharienne est, au côté de l'ex-Union soviétique, la région qui a

engrangé les progrès les plus lents. Parallèlement, le rapport questionne le lien de causalité entre revenu et éducation: << L'analyse de ce rapport met en doute l'idée selon laquelle la croissance des revenus en termes d'économie serait suffisante pour améliorer la santé et l'éducation dans les pays à IDH faible et moyen » (PNUD 2010b : 7). En réponse aux défis actuels, le rapport rappelle que << les politiques de développement doivent être basées sur le contexte local et des principes généraux avisés » (PNUD 2010b : 1-3) et propose trois nouveaux indicateurs rendant compte de la centralité des inégalités et de la pauvreté multidimensionnelle dans le cadre de l'analyse du développement humain.

Pour expliquer la lenteur des progrès en matière d'éducation, notamment en Afrique subsaharienne, de multiples freins d'ordre quantitatif, qualitatif, financier et humain, liés aux contextes locaux et international ont été mis en évidence. En 2006, le CEPED, le Centre Population et Développement, publiait un rapport remarquable sur les défis de l'éducation en Afrique subsaharienne en s'appuyant sur la contribution de chercheurs de disciplines diverses.

N. Henaff, économiste, analyse le lien entre l'éducation et la croissance. Elle met en exergue l'influence des théories économiques sur la définition des politiques de développement et d'éducation, lesquelles postulent que <<pour sortir de la trappe à pauvreté, il faut investir dans l'éducation » (2006 : 73). Cependant, ces théories éclairent les choix mais donnent peu d'indications sur la manière de mettre en oeuvre la politique. Elle conclut en relevant que << Si le principe d'une influence positive de l'éducation sur le développement est - presque - unanimement accepté, ce n'est le cas ni du sens, ni de la nature, ni de la force de la causalité. Les prescriptions en matière de politiques d'éducation relèvent dès lors davantage de la doctrine que de la science, dont elles se réclament pourtant » (2006 : 87-88). Elle pose également la question de l'investissement dans l'enseignement primaire plutôt que dans les niveaux supérieurs au regard de la théorie de la croissance endogène et du double rattrapage de l'Afrique subsaharienne en termes d'alphabétisation et de connaissance dans un monde globalisé.

M. Pilon, démographe, rappelle en introduction que l'approche dominante repose sur << une conception utilitariste et économistique de l'éducation ... une vision standardisée, atemporelle, mécanique et a priori positive du rôle joué par l'éducation ... y compris comme facteur-clé du changement démographique » (2006 : 10). Pour l'Afrique subsaharienne, il énumère les nombreux freins liés à la mise en oeuvre des politiques éducatives : la croissance démographique, la transition de la fécondité et la

population scolarisable, la mise au travail des enfants liée à la pauvreté et à la vulnérabilité, la pandémie du VIH/sida, les conflits et les difficultés liées aux processus de démocratisation.... En se penchant sur les systèmes éducatifs, il relève les faibles performances, les questions liées aux conditions de réalisation de l'EPT et aux finalités de l'éducation, les effets négatifs découlant de la fuite des cerveaux...

A. Vinokur, économiste, rappelle le contexte de la mondialisation de l'économie et l'instauration progressive d'un « nouvel ordre éducatif mondial>> alors que l'EPT est confronté à un double problème de coût et de financement (Pilon, 2006 : 15-16).

M.-F. Lange, sociologue, aborde la question du rapport entre la société et l'éducation et pointe le rôle déterminant de la famille sur la « demande sociale d'éducation >> (2006 : 170). Elle met en exergue les freins liés aux conditions de vie sur le « métier d'élève » et la réussite scolaire (2006 : 176). En mettant l'accent sur le rôle de la femme dans la conception de l'éducation comme un droit, elle insiste sur la nécessité de concevoir l'éducation comme un « droit >> au sein d'un ensemble de « droits >> complémentaires entre eux « Vouloir promouvoir le droit à l'école ou à l'éducation sans prendre en compte tous les manquements aux autres droits risque de ne pas engendrer l'adhésion populaire présumée et/ou souhaitée >> (2006 : 178).

Plus récemment, A. Doudjidingao publiait en 2009 une thèse de doctorat en économie sur la relation entre éducation et croissance en Afrique subsaharienne. Cette thèse met notamment en exergue que « les effets de l'éducation sur la croissance sont conditionnés par l'amélioration de l'environnement politique, et la capacité des institutions à générer des politiques égalitaires et le rétablissement de l'insécurité liée aux conflits généralisés sur le continent>> (2009 : 317). Dans le chapitre consacré au rôle des facteurs conjoncturels, les résultats de ses recherches montrent que le niveau et le nombre moyen des personnes formées sont déterminants pour déclencher des externalités positives à l'échelle d'une nation ou d'une région. Le faible niveau de développement ou d'investissement éducatif d'un pays influence négativement le développement des pays voisins, indépendamment de leurs efforts, il parle ainsi d'effet d'appariement.

Dans le cadre de sa thèse de doctorat, A.-M. Diallo pointe la forte augmentation des dépenses d'éducation au Mali pour constituer en 2004 le premier poste budgétaire des dépenses de l'Etat avec 32,8% (Diallo, 2007 : 134). Il pointe l'importance déterminante de l'allocation rationnelle des ressources publiques d'éducation et du lien à établir avec

le marché du travail. Les investissements aux différents niveaux d'éducation doivent tenir compte des opportunités réelles offertes par le marché local du travail (2007 : 195). Dans le chapitre relatif aux indicateurs de performance des systèmes éducatifs, il met en exergue deux difficultés importantes pour l'analyse, d'une part, la disponibilité des données chiffrées et d'autre part, << le conflit existant entre ceux qui défendent la qualité ou la quantité » (2007 : 118-119).

La question de la qualité a été récemment étudiée par E. Duflo, économiste du développement. Elle publiait en 2010 deux livres présentant les résultats de ses recherches sur le développement humain relatifs à quatre domaines dont celui de l'éducation. En réponse aux << sceptiques de l'aide » face à des décennies d'échecs y compris en matière d'éducation, elle s'est interrogée sur l'organisation pratique des services dispensés (2010 : 14). Elle propose << d'adosser le développement de la santé et de l'éducation dans le monde à une technologie de l'évaluation et de poser la question du choix : Comment déterminer la meilleure politique, celle qui sera la plus efficace pour parvenir au but qu'on s'est fixé ? » (2010 : 16). En référence aux essais cliniques, ses recherches se sont centrées sur l'efficacité de programmes en réalisant des expérimentations aléatoires, des évaluations << randomisées » ou des comparaisons entre interventions (2010 : 17). Elle rend compte de ses recherches en matière d'éducation en partant d'une question de départ qui renvoie à l'importante problématique de la qualité de l'enseignement dispensé au côté des objectifs quantitatifs poursuivis actuellement << Inscrire ou instruire ? » (2010 : 21).

Au regard de ce bref tour d'horizon et avec du recul, il nous est donc apparu essentiel de questionner les politiques d'éducation actuelles sous l'angle de leur efficacité et de leur efficience et surtout de les questionner sous l'angle de leur pertinence et de leur impact dans les pays en situation d'extrême pauvreté et pour les populations les plus pauvres c'est-à-dire confrontées à des problèmes majeurs de sécurité alimentaire et de survie au quotidien.

3. CADRE THÉORIQUE

De nos lectures et en fonction des objectifs du mémoire, nous avons retenu comme références les déclarations et conventions internationales relatives aux droits de l'enfant ainsi que les théories issues des domaines démographiques, économiques et du développement.

3.1. L'éducation comme droit fondamental

L'éducation est un droit fondamental depuis 1948. L'éducation, au côté des libertés fondamentales et « du droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien-être et ceux de sa famille » (article 25 de la DUDH), fait partie des droits fondamentaux de l'être humain et est intégrée dans les textes fondamentaux relatifs aux droits de l'homme. Trois textes adoptés par l'assemblée générale de l'organisation des Nations unies y consacrent un article. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 pose le droit à l'éducation pour chacun, gratuit pour l'enseignement élémentaire, et reconnaît le rôle de l'éducation dans la société toute entière. La Déclaration des droits de l'enfant de 1959 réaffirme le droit à l'éducation et s'oppose au travail des enfants. La Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 pose le principe de la coopération internationale dans le domaine de l'éducation en vue de lutter contre l'ignorance et l'analphabétisme et met en exergue les besoins des pays en développement.

La Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre 1948

Article 26 : « 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ».

La Déclaration des droits de l'enfant, le 20 novembre 1959

Principe 7 : « L'enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au
moins aux niveaux élémentaires. Il doit bénéficier d'une éducation qui contribue à sa culture

générale et lui permette, dans des conditions d'égalité de chances, de développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un membre utile de la société.

L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité a ses parents. L'enfant doit avoir toutes possibilités de se livrer a des jeux et a des activités récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l'éducation; la société et les pouvoirs publics doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit ».

Principe 9 : « L'enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d'exploitation, il ne doit pas être soumis a la traite, sous quelque forme que ce soit. L'enfant ne doit pas être admis a l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié; il ne doit en aucun cas être astreint ou autorisé a prendre une occupation ou un emploi qui nuise a sa santé ou a son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral ».

La Convention internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre 1989

Article 28 : « 1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant a l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances:

a) Ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;

b) Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles a tout enfant, et prennent des mesures appropriées telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;

c) Ils assurent a tous l'accès a l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ;

d) Ils rendent ouvertes et accessibles a tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles ;

e) Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction des taux d'abandon scolaire.

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller a ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément a la présente Convention.

3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer a éliminer l'ignorance et l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. A cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement ».

3.2. L'éducation et les théories démographiques

Les relations entre population, développement, pauvreté ont largement été explorées au travers des théories démographiques. Le système démographique (fécondité, mortalité, migration...) s'inscrit parmi les cinq ou six éléments qui déterminent la dynamique du développement. : le système culturel, le système social et politique, le système démographique, le système environnemental et le système économique (Tabutin, 2007-2008).

A la lecture de la synthèse des théories réalisées par D. Tabutin (2007-2008), il ressort que l'éducation est un facteur déterminant des changements de comportement, plus particulièrement celles liées à la fécondité et à la mortalité.

Le courant théorique ancien de Th. Malthus, basé sur les principes de population, influence aujourd'hui encore les théories de développement. Il nous informe que lorsqu'il y a tension entre l'instinct de reproduction de l'homme et la capacité de la nature à multiplier les moyens de subsistances, lorsqu'il y a déséquilibre, l'ajustement s'opère au travers de la mortalité (famines, malnutrition, guerres...chômage). Dans les années 60 et 70, la croissance démographique apparaissait comme l'obstacle majeur à la croissance économique et par conséquent, la diminution de la fécondité semblait être un des objectifs majeurs à poursuivre. Si certaines études ont démenti cette thèse, force est de constater que cette théorie est encore vivace aujourd'hui. Le modèle néo-malthusien avance que la pression démographique freine le progrès et la dynamique de changement. La pauvreté est à la fois la cause et la conséquence de fortes fécondités et donc de la croissance démographique. << La conséquence est << un << cercle vicieux » de causalités réciproques et complexes entre accroissement démographique, forte fécondité, pauvreté et stagnation économique... On en arrive à une double urgence d'actions : la lutte contre la pauvreté et la planification familiale ... C'est la position actuelle de nombre d'agences internationales de développement » (Tabutin, 2007-2008 : 16). A contrario, le courant anti-malthusien, dont la théorie de E. Boserup, affirme, qu'à long terme, la croissance démographique peut être positive en favorisant l'innovation et le changement technologique, en maintenant une population jeune active (Boserup cité dans Tabutin, 2007-2008 : 16).

Dans la théorie de la transition démographique définie dans les années 50-60, l'éducation est un des facteurs socioculturels à l'origine de la baisse de la fécondité. Pour rappel, cette théorie se caractérise par le passage d'un régime de fortes natalités et mortalités à un régime de faibles natalités et mortalités pour déboucher sur une croissance quasi nulle (Tabutin, 2007-2008 : 17, 19).

Dans les théories micro-économiques de la fécondité, l'éducation est aussi un facteur de changement. Partant du principe du comportement rationnel des parents, ces théories distinguent, entre autres, trois types d'utilité de l'enfant : de consommation comme source de plaisir, de revenu au travers du travail, de sécurité pour les vieux jours des parents. L'éducation fait partie des coûts directs liés à l'enfant (Tabutin, 2007- 2008 : 26).

Dans la théorie de la modernisation des structures économiques, qui relève des modèles macro-structurels, les changements démographiques sont induits par l'industrialisation qui modifie les structures économiques et sociales. Les progrès de l'éducation et le changement de statut de la femme entraînent des changements de structures familiales (Tabutin, 2007-2008 : 27).

La théorie des flux intergénérationnels de richesses, développée par J. Caldwell (1980) notamment pour les pays du Sud, pose comme principe que la rationalité économique d'un régime de fécondité dépend de la direction du flux des richesses entre les générations. Alors que dans la société traditionnelle, l'enfant est une richesse, il « rapporte >> plus qu'il ne coûte, dans les sociétés modernes, l'enfant représente un coût en termes d'éducation, de santé... Le processus de transition relève du changement social et culturel avant d'être économique. Les systèmes éducatifs et les médias interviennent comme un facteur de changement majeur en diffusant les valeurs et idéaux des sociétés du Nord (Tabutin, 2007-2008 : 29-30).

3.4. L'éducation et les théories économiques et/ou du développement

Les théories économiques occidentales servent de référence à la mise en place des politiques publiques de développement et d'éducation alors qu'elles font aussi l'objet de nombreuses critiques. Trois grandes théories sont incontournables : la théorie du capital humain, la théorie de la croissance endogène et l'approche par capability.

La théorie du capital humain

La théorie du capital humain - Mincer (1958), T.W. Schultz (1963) et G.S. Becker (1964) - met en lumière l'impact du capital humain (éducation, aptitude et expérience) sur la productivité des travailleurs. En faisant référence aux travaux de G. Psacharopoulos (1994, 2002), N. Henaff mentionne qu'il découle de cette théorie que « les rendements de l'éducation sont décroissants d'un cycle à un autre, et c'est dans le primaire qu'ils sont les plus élevés >> (Henaff, 2006 : 76).

Parallèlement, la théorie néoclassique considère également que « le taux d'accroissement du stock d'éducation est déterminant ... et a un effet sur la productivité du travail>> (Henaff, 2006 : 77). En ce qui concerne le rôle des inégalités dans la croissance, N. Henaff relève que « l'hypothèse des rendements décroissants implique des rythmes d'accumulation différenciés en fonction du niveau initial de capital et par

conséquent la convergence des niveaux de revenu sur le plan international comme au sein des pays et entre les différentes catégories de ménages >> (2006 : 78).

Pour les pays en développement (Perkins et al., 2006), cette conception a largement influencé et influence aujourd'hui encore les investissements consentis en faveur du secteur de l'éducation comme investissement rendant compte à la fois d'un rendement privé et d'un rendement <<social>>. Le rendement privé correspond à un calcul du coût d'opportunité entre coûts directs et manque à gagner lié à l'envoi d'un enfant à l'école d'une part, et d'autre part, l'argent escompté dans l'avenir ou le revenu futur (2006 : 335-336). Le rendement social se calcule en incluant tous les coûts privés - publics entrant dans la fourniture d'éducation d'une part, et en incluant d'autre part les effets externes positifs comme la santé, la participation à des décisions politiques, le progrès technique (2006 : 337-338).

La théorie de la croissance endogène

La théorie de la croissance endogène - R. Lucas (1988, 1990) et de R.J. Barro (2002) - s'articule autour de l'impact des politiques publiques, du capital humain et de la diffusion des technologies sur la croissance. Le capital humain a un effet sur la croissance car il facilite l'absorption des technologies modernes provenant des pays développés, l'innovation et l'ajustement à la hausse du capital physique. L'accumulation de capital humain est considérée comme un préalable au développement technologique. Il permet aussi l'exportation de la main d'oeuvre et il attire les investisseurs étrangers. La nouvelle économie classique formule l'hypothèse de rendements croissants ou constants de l'éducation (Henaff, 2006 : 77).

Parallèlement, << le stock initial d'éducation a une grande importance dans la détermination du taux de croissance à long terme ... l'accumulation de capital humain est considéré comme un préalable au développement technologique, et a un effet sur la productivité totale des facteurs >> (Henaff, 2006 : 77). N. Henaff mentionne que << R.J. Barro note que le primaire est un passage obligé pour le passage au secondaire >> (Henaff, 2006 : 79) et que cette théorie semble reconnaître que la qualité est plus importante que la quantité pour la croissance à long terme.

L' « approche par les capabiités »

A. Sen place l'éducation au centre de son approche par les capabilités et dans sa manière d'appréhender le développement. Son approche a eu une influence déterminante sur les politiques d'aide au développement et est à l'origine de la création en 1990, par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), d'un premier indice de développement humain au côté du produit intérieur brut mesurant le niveau de développement d'un pays.

A. Sen définit le développement comme << un processus intégré d'expansion des libertés substantielles, en corrélations étroites les unes avec les autres >> (Sen, 1999a : 22). Il distingue les libertés instrumentales, dont relève l'éducation, des libertés substantives. Les libertés instrumentales sont au nombre de cinq et entretiennent entre elles de nombreuses interactions. Il s'agit des libertés politiques (droits civiques et politiques associés à la démocratie), des facilités économiques (possibilité d'utiliser les ressources à des fins de consommation, de production ou d'échanges, de l'accès au financement), des opportunités sociales (les dispositions prises par la société relatives à la santé, à l'éducation et aux services facilitant l'accès aux autres libertés instrumentales), des garanties de transparence (garantie implicite de clarté) et de la sécurité protectrice (filet de protection sociale). Les libertés substantives, quant à elles, découlent des premières et représentent << l'ensemble des << capacités >> élémentaires, telles que la faculté d'échapper à la famine, à la malnutrition, à la mortalité prématurée, ainsi que les libertés qui découlent de l'alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la liberté d'expression... >> (Sen, 1999 : 56-61).

Le développement dans ses composantes économique, sociale et politique repose donc sur la promotion des libertés individuelles et l'engagement social des êtres humains. La liberté individuelle est, selon lui, de l'ordre de la responsabilité sociale. L'important est de renforcer les << capabilités d'une personne de façon à lui donner la possibilité de choisir le type de vie qu'elle a envie de vivre et à lui permettre d'agir comme un <<agent>> c'est-à-dire une personne qui agit, modifie l'état des choses, est considérée comme membre de la collectivité et comme intervenant aux plans économique, social et politique (Sen, 1999 : 34).

Dans cette approche, la croissance du PNB et du revenu est un moyen d'étendre les libertés, et non plus une fin en soi, aux côtés d'autres facteurs déterminants comme les

dispositions économiques et sociales (libre accès à l'éducation et à la santé) et les libertés politiques et civiques (participation au débat public ou exercice d'un droit de contrôle). Ainsi, ces autres facteurs sont constitutifs du développement, il ne s'agit plus de se poser la question de leur rôle de « conducteurs » ou non du développement (Sen, 1999 : 57). Les aspects économiques, sociaux et politiques sont intégrés dans la perspective d'une compréhension globale du processus de développement. L'approche par les libertés est similaire au concept de « qualité de vie » du fait qu'ils se centrent sur les existences individuelles et la façon dont elles se déroulent (Sen, 1999 : 41).

L'éducation est un préalable au développement. En tant que composante des opportunités sociales, elle fait partie du registre des moyens et non des fins. L'accès à l'éducation, de préférence garanti par l'Etat, joue un rôle déterminant dans le développement par les libertés. D'un point de vue politique, la participation exige un niveau minimum de connaissances ne fût-ce que pour prendre part aux débats, aux décisions sur ce que l'on souhaite, ce que l'on a raison d'accepter ou de refuser. D'un point de vue économique, le développement de l'éducation publique contribue à son extension. A ce sujet, il cite en exemple les pays asiatiques. Le Japon a bénéficié dans son développement économique de la qualité de ses ressources humaines résultant d'un large éventail d'opportunités sociales dont le taux d'alphabétisation qui était déjà plus élevé qu'en Europe au milieu du XIXème siècle. La Chine, comparativement à l'Inde, engrange une croissance économique plus importante car elle a investi la sphère sociale en généralisant l'éducation et l'accès à la santé avant d'entamer des réformes économiques visant à ouvrir l'économie au marché mondial. Elle a, de ce fait, bénéficié d'un taux d'alphabétisation très élevé et d'un système scolaire bien réparti sur tout le territoire alors que l'Inde souffrait pour 50% d'une population adulte analphabète et préférait investir dans la formation des élites plutôt que dans l'éducation élémentaire. Plus largement, A. Sen relie l'illettrisme et la malnutrition à la pauvreté comme reflet d'une privation de capacités élémentaires. Citant en exemples le Sri Lanka, le Costa Rica, l'Etat du Kérala, il relie également des programmes sociaux adaptés dans le domaine de l'éducation et de la santé à une amélioration des conditions de vie sans qu'il n'y ait nécessairement croissance économique (Sen, 1999 : 63-66).

La pauvreté est une privation de capacités élémentaires et non une simple faiblesse de revenu (Sen, 1999 : 123).

4. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

4.1. Le modèle d'analyse

A partir de la question de départ « L'éducation produit-elle du développement ? » ou du postulat de départ « L'éducation produit du développement », les phases exploratoires, la présentation de la problématique et du cadre théorique permettent de déboucher sur une approche circonscrite à l'éducation primaire dans les pays les plus pauvres, particulièrement en Afrique subsaharienne.

L'approche définie repose sur deux questions auxquelles se rattachent deux hypothèses et un cadre d'analyse.

La question de départ est reformulée comme suite:

Pour les régions et les populations en situation d'extrême pauvreté,

1. La politique d'éducation primaire actuelle répond-elle au critère de pertinence associé à la qualité de politiques et de programmes, c'est-à-dire, permet-elle d'engendrer du développement ?

2. La mise en oeuvre de la politique d'éducation primaire rencontre-t-elle les critères d'efficacité et d'efficience associés à la qualité des politiques et des programmes, c'est-à-dire permet-elle d'atteindre les objectifs fixés et, à sa suite, d'engendrer du développement ?

Deux hypothèses en découlent :

1. La politique d'éducation primaire est inappropriée pour les pays et les populations en situation d'extrême pauvreté.

2. La mise en oeuvre de la politique d'éducation primaire doit au préalable atteindre des niveaux minimaux de qualité pour, éventuellement, produire du développement.

Les concepts qui s'y rattachent sont :

· Le développement ;

· L'éducation scolaire de base;

· Les critères de qualité des politiques et des programmes.

Le cadre d'analyse est présenté comme suite:

Vulnerabilite aux chocs economioue. climatioue et nolitioue

Contexte socio-economioue. institutionnel. Extreme nauvrete. VII-1 / Sida

Globalisation / Economie de la connaissance

Réduction de la pauvreté / Développement endogène

Rendements sociaux
Externalités positives

La demande
La relation Etat - école - famille

Cadre général
culturel
et idéologique

Etat, légitimité, capacité
et financement

Croissance économique / Développement humain

Rendements privés

Accumulation du stock de capital humain

L'offre
La qualité des systèmes éducatifs

Politiques nationales

Cadre général
politique et économique

Financements extérieurs, volume et engagement

Politique internationale - OMD et EPT (objectifs à court terme)

L'éducation comme moyen et fin en soi

Théories

Déclaration

Théorie du

Théorie de la

L'approche par

démographiques

universelle des

capital

croissance

les capabilités

 

droits de
l'homme

humain

endogène

 
 

Conventions
internationales

 
 
 

4.2. Le concept de développement

La manière de penser le développement est étroitement liée au contexte historique dans lequel il s'enracine. A chaque époque, elle n'est autre que le reflet des grands courants de pensée dominants et la résultante des enjeux et des rapports de force entre les acteurs. En référence à l'essai de J.-Ph. Peemans (2002), nous pouvons exprimer que le concept de développement s'est construit et enrichi au fil des réussites et des échecs des politiques définies et mises en oeuvre par les élites du Nord <<pour » les pays du Sud ainsi qu'à partir des réflexions et pressions menées par les courants de pensée opposés et alternatifs (Peemans, 2002 : 11, 12).

Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs s'accorde sur le fait que le développement est multidisciplinaire. Il se situe au croisement de plusieurs disciplines: économiques, sociologiques, politiques, anthropologiques et scientifiques (Peemans, 2002 : 9). De la notion de progrès et de croissance toujours bien vivace aujourd'hui, on est passé à la notion de développement humain, puis à celle de lutte contre la pauvreté. A ces notions, une alternative est proposée, la notion de développement territorialisé ou endogène telle que proposée par J.-Ph. Peemans (2002).

Le développement en termes de croissance et de progrès

Du point de vue de l'idéologie dominante, le développement s'appuie sur une vision universaliste. Il trouve son origine dans la doctrine de Truman (Peemans, 2002 : 42) et repose sur l'hypothèse d'un projet issu du Nord de faire régner un << ordre des choses » (Peemans, 2002 : 41). Il est issu de la volonté de certaines élites de transposer du Nord vers le Sud un modèle d'organisation économique et sociale qui a montré son efficacité. Il a pour objet, dans un premier temps à l'échelle nationale et par la suite à l'échelle globale, l'implémentation du progrès et de la << modernisation accélérée fondée sur une croissance économique rapide ... comme voie universelle du rattrapage possible du Nord qui les amènerait du <<sous-développement» au << développement » » (Peemans, 2002 : 25).

L'indicateur principal de mesure est le PIB et sa croissance.

Le développement humain

Le concept de développement humain est issu des travaux d'A. Sen. A sa suite, le PNUD a créé en 1990 un premier indice de développement humain. Le 20ème rapport sur le développement humain publié cette année réaffirme le paradigme en le définissant comme suite:

« Le développement humain est l'expansion des libertés des personnes à vivre une vie longue, en bonne santé et créative ; l'avancement des autres objectifs auxquels ils attachent une valeur ; et un engagement actif dans le façonnage de l'équité et de la durabilité du développement sur une planète partagée. Les populations sont tout à la fois les bénéficiaires et la force motrice du développement humain, en tant qu'individus et en tant que groupes » (PNUD, 2010 : 27).

Les Nations Unies produisent annuellement plusieurs indices de développement humain. Le principal indice est l'IDH, indice de développement humain. La dimension éducation est une des trois dimensions aux côtés de l'espérance de vie à la naissance et du revenu national brut par habitant. Alors qu'il se calculait à partir du taux d'alphabétisation des adultes valant pour deux tiers et du taux de scolarisation valant pour un tiers, depuis l'année 2010, il se calcule à partir de la durée moyenne de scolarisation1 et de la durée attendue de scolarisation2. Dans le rapport 2010 du PNUD, trois nouveaux indices sont proposés en complément rendant compte de la centralité des inégalités et de la pauvreté multidimensionnelle : l'IPHI, indice de développement humain ajusté aux inégalités, l'IIG, indice d'inégalité de genre, et l'IPM, indice de pauvreté multidimensionnelle, qui mesure les graves déprivations auxquelles les personnes sont confrontées (2010 : 32).

Le développement en termes de lutte contre la pauvreté

La pauvreté est liée à l'économie en ce sens où elle s'apprécie à partir des conditions de vie, de revenu, de travail, de patrimoine et elle est relative car en référence aux conditions des autres membres d'une société (Rwehera, 2004).

1 Les estimations de Barro et Lee (2010) servent de référence (PNUD, 2010 : 163)

2 Les données de l'Unesco servent de référence (PNUD, 2010 : 163)

Plusieurs définitions correspondent au concept de pauvreté, lors d'un séminaire international organisé par l'Unesco en 2004, la définition du philosophe français Henri Bartoli était reprise comme référence :

« La pauvreté est multidimensionnelle. Elle est dénuement profond de biens matériels et culturels qui s'oppose au développement normal de l'individu au point de compromettre en lui l'intégrité de la personne et, comme telle, pauvreté « absolue ». Le miséreux est celui dont la pauvreté est en dessous du pain quotidien, dont le débat avec la vie qui lui est imposé est si dégradant et si absorbant qu'il ruine toute vie de l'esprit. Etre pauvre, c'est ne pas pouvoir assurer par ses ressources ou activités propres la couverture de ses besoins biologiques et de ceux de sa famille, vivre dans un état permanent de relégation et d'insécurité vitale qui tend à être héréditaire, avoir faim, n'être ni instruit, ni soigné, vivre dans des conditions de logement défectueuses, travailler dans des conditions inhumaines ... au départ de la vie, la pauvreté établi un barrage d'empêchements : absence de modèle adapté au développement intellectuel... » (Rwehera, 2004 :7,8) 3.

La pauvreté se mesure à partir des indicateurs de pauvreté absolue et de pauvreté relative. La pauvreté absolue correspond au seuil de 1,25 $ ou 2 $ de consommation par jour (en termes de parité de pouvoir d'achat 1985) pour tous les pays. La pauvreté relative correspond à un revenu inférieur à la moitié du revenu médian ou moyen d'un pays ou à un classement dans les quintiles 1 et 2 (voire 1,2 et 3) en référence à la distribution des revenus d'un pays (OCDE, 2002 : 35). Dans le cadre de l'objectif OMD 1 « Eradiquer l'extrême pauvreté et la faim » des Objectifs du Millénaire pour le développement, une série d'indicateurs sont associés à chaque cible.

Pour rappel, trois cibles sont définies auxquelles correspondent les indicateurs suivants :

- Cible 1A : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour

- Proportion de la population disposant de moins d'un dollar par jour en parité du pouvoir d'achat (PPA) (ou les indicateurs fondés sur les seuils de pauvreté nationaux)

- Indice d'écart de la pauvreté

- Part du quintile le plus pauvre de la population dans la consommation nationale

- Cible 1B : Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif

- Taux de croissance du PIB par personne occupée

- Ratio emploi/population

- Proportion de la population occupée disposant de moins de 1 dollar PPA par jour

3 définition du philosophe français Henri Bartoli donnée en 1986 à l'occasion d'une réunion internationale d'experts réunis par l'UNESCO en collaboration avec l'Université des Nations Unies (voir Paul Marc Henry, Henri Bartoli et al. ; Pauvreté, progrès et développement ; édition l'Harmattan, Paris 1990

- Proportion de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux dans la population occupée

- Cible 1C : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim

- Prévalence de l'insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans

- Proportion de la population n'atteignant pas le niveau minimal d'apport calorique4.

Le développement territorialisé ou endogène

Dans son essai, J.-Ph. Peemans propose une autre définition du développement autour du << droit des peuples >> (2002 : 476) et de nouvelles dimensions du développement :

« Le développement peut être vu comme le processus durable de construction et de gestion d'un territoire, à travers lequel la population de ce territoire définit, au moyen d'un pacte socio-politique et de la mise en place d'un cadre institutionnel approprié au contexte, son rapport à la nature et son mode de vie, consolide les liens sociaux, améliore son bien-être et construit une identité culturelle qui a sa base matérielle dans la construction de ce territoire » (Peemans, 2002 : 477).

De cette définition et à la lecture de son essai, nous avons retenu les caractéristiques présentées ci-dessous. Ainsi, le développement :

- repose sur une construction << territoriale-locale >> (2002 : 481). Il se situe à l'échelle locale, à partir des ressources locales et dans la maîtrise de la gestion de l'environnement naturel. Il vise la reconstruction des espaces publics, << espaces de prévoyance et de sécurisation >> (Peemans, 2002 : 466, 470) ;

- est endogène et part << des initiatives des acteurs du bas >> (Peemans, 2002 : 481). Il part des pratiques populaires et de la capacité des populations à définir par elles-mêmes leur cadre de vie et leur mode de vie;

- s'appuie sur une << gouvernance historique >> selon l'appellation définie par P. De Leener (Peemans, 2002 : 443) ; elle s'inscrit dans l'histoire longue des peuples et de leurs pratiques, des processus de sécurisation des collectivités et des individus dans le recherche << d'un milieu de vie intégré par lequel les populations ont cherché à s'assurer la stabilité de la reproduction de la collectivité >> (Peemans, 2002 : 444) ;

4 United nations, Liste officielle des indicateurs associés aux OMD, Site Internet consulté en mai 2011, http://unstats.un.org/unsd/mdg/Host.aspx?Content=Indicators/OfficialList.htm

- s'appuie sur une << démocratie substantive>> (Peemans, 2002 : 471) garantissant l'auto-détermination et l'expression de chaque acteur. Il requiert la mise en place d'un ensemble d'institutions consolidant les interactions entre ses différentes dimensions, d'un cadre institutionnel de développement local, d'une << gouvernance associative >> (Peemans, 2002 : 485) ;

- s'appuie sur une approche systémique. L'économique, le social, le culturel et le politique sont imbriqués. Les processus identitaires et les liens sociaux sont interdépendants de la sécurisation matérielle et de la rencontre des besoins vitaux (Peemans, 2002 : 471) et tient compte de l'économie paysanne et de l'économie populaire urbaine (Peemans, 2002 : 484) ;

- vise l'autonomisation qui repose sur la création des conditions de sécurisation de la collectivité, l'auto-organisation locale. Par conséquent, il repose sur la capacité de résistance et le pouvoir de négociation sociale et politique des populations locales (Peemans, 2002 : 491) ;

- renvoie à la dimension collective. Il se réfère à << des droits des peuples et des gens >> et d'un ensemble de << droits collectifs fondamentaux >> (Peemans, 2002 : 461, 463) et en lien avec à l'émergence d'une <<sphère de développement durable>> (Peemans, 2002 : 477);

- est interdépendant. Il est enchâssé dans la dimension globale. Il nécessite de repenser les rôles des organisations aux échelles nationale et transnationale. Il s'inscrit dans les relations complexes et négociées entre acteurs <<dominants >> et acteurs << dominés >>. Il intègre ainsi les conflits d'acteurs et les compromis aux différents niveaux (Peemans, 2002 : 493).

En synthèse, nous proposons de présenter les indicateurs liés aux quatre courants du développement comme suite:

Tableau 1.1. : Les indicateurs du concept de développement

Croissance et progrès

Développement Humain

Lutte contre la pauvreté

Endogène

Déf. J-Ph. Peemans

PIB PIB/habitant

PIB, Accroissement

IDH, Indice de développement humain

IPHI, Indice de développement humain ajusté aux inégalités

IIG, Indice d'inégalité de genre

IPM, Indice de pauvreté multidimensionnelle

Seuil de

1,25 $ / personne 2 $ / personne

Indicateurs de l'objectif OMD 1

Local : territorialisé

Part des acteurs locaux : négocié Dimension collective:

Cadre institutionnel de développement local

Systémique : Articulation avec les autres domaines

Savoirs et culture locaux, capacité à négocier

Relation avec les autres niveaux : Liaison entre local, régional, global

4.3. Le concept d'éducation scolaire de base

Dans le cadre de notre mémoire, le concept d'éducation scolaire de base est circonscrit à l'éducation primaire. Il est défini à partir des textes relatifs à l'éducation comme droit fondamental (voir présentation p. 13) et des instruments liés aux politiques d'éducation dans le cadre des politiques de développement.

Pour rappel, en référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, l'éducation est un droit fondamental de toute personne et vise son épanouissement, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'enseignement élémentaire est gratuit et obligatoire. Selon la Déclaration des droits de l'enfant de 1959, l'éducation doit permettre à l'enfant de développer ses facultés, son jugement personnel, son sens des responsabilités morales et sociales, de devenir membre utile à la société. La Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 aborde avec davantage de précision la question de l'organisation de l'éducation scolaire sur base du principe d'égalité des chances : l'enseignement primaire est obligatoire et gratuit pour tous, l'organisation des différentes formes d'enseignement est encouragée et l'accès au supérieur rendu possible à tous par tous les moyens, des mesures doivent être prises pour encourager la régularité de la fréquentation et la diminution des taux d'abandon. La coopération internationale est encouragée pour éliminer l'ignorance, l'analphabétisme et faciliter l'accès aux connaissances et aux méthodes modernes.

Dans un contexte de développement, le site de l'Unesco5 présente les finalités de l'éducation comme suite:

« Le droit à l'éducation est un droit fondamental de l'homme, indispensable à l'exercice de tous les autres droits de l'homme. Il promeut la liberté individuelle et l'autonomisation et apporte des bénéficies importants en matière de développement... L'éducation est un outil puissant qui permet à des adultes et des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et d'être des citoyens à part entière. »

Sur le site portail des Droits de l'Enfant6, les finalités du droit à l'éducation sont présentées comme suite:

« L'éducation est un droit essentiel, qui permet à chacun de recevoir une instruction et de s'épanouir dans sa vie sociale. Le droit à l'éducation est vital pour le développement économique, social et culturel de toutes les sociétés ... L'éducation a pour finalité d'améliorer la qualité de vie d'une personne. Elle offre aux adultes et aux enfants défavorisés une chance de sortir de la pauvreté. Elle est donc un outil essentiel pour le développement économique, social et culturel de toutes les populations dans le monde. »

Les deux instruments actuels de politiques éducatives sont les Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000 et le programme d'Education Pour Tous relevant du Cadre d'action de Dakar adopté initialement en 1990 lors de la conférence de Jomtien et renouvelé en 2000 lors du Forum de Dakar.

Les Objectifs du Millénaire pour le développement comprennent deux objectifs liés à l'éducation primaire :

- l'Objectif 2 : Assurer l'éducation primaire pour tous ;

- l'Objectif 3 : Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.

Le programme Education Pour Tous comprend 6 objectifs à atteindre en 2015 dont trois sont en lien avec l'éducation primaire :

- « l'Objectifs 2 : Faire en sorte que d'ici 2015, tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu'à son terme ;

- l'Objectif 5 : Eliminer les disparités entre les sexes dans l'enseignement primaire et secondaire d'ici à 2005 et instaurer l'égalité dans ce domaine en

5 Site de l'Unesco, consulté le 28 janvier 2011, http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-theinternational-agenda/right-to-education/

6 Site Portail des Droits de l'Enfant, consulté le 28 janvier 2011, http://www.droits-enfant.org/comprendre/droit-a-leducation/?gclid=CKruz77U3KYCFUhO4QodHC6V0A

2015 en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite ;

- l'Objectif 6 : Améliorer sous tous les aspects la qualité de l'éducation dans un souci d'excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables - notamment en ce qui concerne la lecture, l'écriture et le calcul ainsi que les compétences indispensables dans la vie courante ».

Aux politiques d'éducation primaire sont associés les indicateurs suivants :

Tableau 1.2. : Les indicateurs en lien avec les politiques d'éducation

Objectif du millénaire
pour le développement

Education Pour Tous

Objectif 2 :

Taux d'achèvement du primaire

Cible 3. Donner, d'ici à 2015, à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études

Indice de parité filles-garçons (Parité)

primaires

Taux d'alphabétisation 15+

Taux net de scolarisation dans le primaire

Losange EPT

Proportion d'écoliers ayant commencé la première année d'études primaires qui terminent l'école primaire

Indice Africain de développement EPT

Objectif 3 :

 

Cible 4. Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d'ici à 2015, si possible, et à tous les niveaux de l'enseignement en 2015, au plus tard

 

Taux d'inscription des filles à l'école primaire, secondaire et tertiaire par rapport aux garçons

 

En complément à ces indicateurs, le pôle de Dakar de l'Unesco7 élabore chaque année pour l'Afrique subsaharienne, des fiches pays8 et 7 fiches régionales9 (Afrique, l'Afrique sub-saharienne, l'Afrique du nord, l'Afrique de l'ouest, l'Afrique centrale, l'Afrique de l'est et l'Afrique australe).

La fiche-pays et la fiche régionale regroupent plusieurs indicateurs et graphiques de pilotage. Elles reprennent pour 53 pays, et dans la mesure des données disponibles, des indicateurs relatifs à la pyramide éducative, au profil pays et au profil régional. L'ensemble des ces indicateurs sont repris dans le tableau ci-après.

7 http://www.poledakar.org/ , site Internet consulté le 26 janvier 2011

8 http://www.poledakar.org/IMG/pdf/note pays 2010.pdf , site Internet consulté le 26 janvier 2011

9 http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Note lecture regions 2010 VF-2.pdf, site Internet consulté le 26 janvier 2011

Tableau 1.3. : Les indicateurs de suivi du secteur de l'éducation en Afrique

La pyramide éducative

Le profil pays - Le profil régional

Taux d'accès en première année

Taux d'accès en dernière année (par cycle d'enseignement)

Taux de transition (transversal)

Taux brut de scolarisation par cycle d'enseignement (TBS)

% de l'enseignement et de la formation techniques et professionnels.

Objectifs EPT

Voir ci-dessus

Contexte démographique et macro-économique

Pourcentage de la population d'âge scolaire (primaire)

Résultats et politiques éducatives du cycle primaire (indicateurs Fast Track)

Profil de scolarisation

Taux de survie attendu au primaire

Paramètres de politique éducative du cycle primaire

Rapport élèves-enseignant-maître (REM)

Salaire moyen des enseignants publics en unités du PIB par tête

Pourcentage des dépenses hors salaires des enseignants

Pourcentage de redoublants Pourcentage d'élèves dans le privé

Financiers sectoriels

Ressources publiques internes en pourcentage du PIB

Pourcentage de l'éducation dans les dépenses publiques courantes

Répartition du budget de l'éducation

Pourcentage du primaire, du secondaire et du supérieur dans le budget de l'éducation

Coût par élève du public en % du PIB par habitant

Coût par élève du public en % du PIB par tête par niveau d'enseignement

Approbation des ressources publiques d'éducation

% de ressources pour les 10% les plus éduqués

4.4. Les critères de qualité

Les critères de qualité que nous avons choisi se réfèrent aux critères de validité d'un projet repris au chapitre IV du syllabus <<Conception et évaluation économique de politiques et de projets >> (Wautelet, 2009 : 60-63). Il s'agit des critères de pertinence, d'efficacité, d'efficience, de viabilité, adéquation et satisfaction. << Les trois premiers critères renvoient à la cohérence entre les étapes de la logique d'intervention et sont centraux aujourd'hui étant donné l'accent mis sur l'impact des projets... Les trois critères suivants répondent à des critères autrefois négligés, mais qui prennent aujourd'hui le pas sur les trois premiers>> (Wautelet, 2009 : 61). Ces six critères se définissent comme suite:

- « Pertinence : Les objectifs généraux que se donne le Projet vont-ils entraîner un impact satisfaisant sur la situation problématique générale qu'il veut contribuer à

améliorer ? ; Mesure : L'impact;

- Efficacité : Les résultats du projet vont-ils contribuer à l'obtention des objectifs ?;

- Efficience : Les moyens employés ont-ils été utilisés à bon escient, au moindre coût par rapport aux résultats obtenus ? ;

Mesure : Les coûts comparatifs et le respect du temps;

- Viabilité (Durabilité) : L'organisation du Projet et/ou les entités qu'elle met sur pied sont-elles durables, pourront-elles subsister après la période de financement extérieur du Projet ? ;

Mesure : La viabilité organique, institutionnelle et financière (pour des projets correspondant à des entités humaines qui prennent un projet en charge et qui doivent perdurer par opposition à des structures de projets temporaires) ;

- Adéquation : Le mode (stratégie) d'intervention est-il adapté, approprié aux conditions et aux objectifs ?;

Mesure : L'approche des populations, l'accompagnement de la démarche, les méthodes suscitant la participation;

- Satisfaction : Les participants/bénéficiaires sont (seront)-ils satisfaits ... plus épanouis ? » (Wautelet, 2009 : 60).

Des critères transversaux sont ajoutés à ces six premiers critères. Dans le cadre de ce mémoire, nous ferons référence au travers de notre analyse à quatre critères transversaux : le genre, la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la gouvernance (Wautelet, 2009 : 63).

4.5. La méthodologie

Avec comme objectif de mener une réflexion critique sur les politiques d'éducation primaire en lien avec le développement, la méthodologie adoptée se découpe en quatre parties. Les concepts de développement et d'éducation primaire ayant, de par nature, une dimension multidimensionnelle, nous avons également souhaité adopter une démarche pluridisciplinaire en mettant en perspective les politiques publiques et les résultats au travers du regard d'économistes, de sociologues et de démographes.

La première partie explore la qualité de la mise en oeuvre des politiques d'éducation à partir des critères d'efficacité et d'efficience. Ces critères sont analysés à partir des indicateurs de réalisation issus des rapports des Nations Unies, de l'Unesco et du Pôle de Dakar. Certains de ces indicateurs sont mis en corrélation avec les indicateurs issus des rapports de la Communauté française (appelée Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2011) et de l'OCDE.

Pour le critère d'efficacité, les critères retenus sont le taux d'accès, le taux d'achèvement et les acquis d'apprentissage.

Pour l'efficience, les critères retenus sont le volume des ressources internationales, le volume des ressources nationales (les indicateurs financiers sectoriels) et l'allocation des ressources (les paramètres de politique éducative du cycle primaire, la répartition du budget de l'éducation, le coût par élève du public en pourcentage du PIB par habitant, l'approbation des ressources publiques d'éducation).

Le tableau ci-dessous regroupe les indicateurs retenus par critère de qualité.

Tableau 1.4. : Les critères et indicateurs d'analyse de l'efficacité et de l'efficience

Critères

Dimensions

Indicateurs

Efficacité

 

Taux d'accès

Taux d'achèvement Acquis d'apprentissage

Efficience

 

Volume des ressources internationales Acquis d'apprentissage

Volume des ressources nationales

Financiers sectoriels :

- Ressources publiques internes en pourcentage du PIB

- Pourcentage de l'éducation dans les dépenses

publiques courantes)

Répartition du budget de l'éducation par niveau d'enseignement (primaire, secondaire et supérieur) Coût / élève du public en %age du PIB/ habitant par niveau d'enseignement

Allocation des ressources

Paramètres de politique éducative du cycle primaire

- Rapport élèves-enseignant-maître (REM)

- Salaire moyen des enseignants publics en unités du

PIB par tête

- Pourcentage des dépenses hors salaires des enseignants

- Pourcentage de redoublants

- Pourcentage d'élèves dans le privé

(Sources : Rapports OMD et Unesco - J.-M. Wautelet (2009 : 60-63) )

La deuxième partie analyse les effets de l'éducation sur le développement à partir du critère de pertinence (l'impact sur le développement) pour chacun des quatre grands courants du développement : la croissance économique et le progrès, le développement humain, la lutte contre la pauvreté et le développement endogène. Les critères transversaux de lutte contre la pauvreté et de sécurité alimentaire sont particulièrement analysés dans les troisième et quatrième courants du développement. La démarche est résumée dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1.5. : Le critère et les indicateurs de pertinence retenus rendant compte
de l'effet de l'éducation sur le développement pour l'Afrique subsaharienne

Croissance et progrès

Développement humain

Lutte contre la
pauvreté

Développement
endogène10

Corrélation entre

Corrélation entre

Corrélation entre

Réflexions autour

l'évolution de l'accès

l'évolution des trois

l'évolution des

des

l'éducation et l'évolution

composantes des indices

indicateurs de l'objectif

caractéristiques en

du PIB

du développement

OMD 1 et de l'objectif

lien avec les

Etudes sur les

humain

OMD 2

savoirs à

rendements privés et sociaux de l'éducation

IDH, IPHI, IIG, IPM

 

enseigner

La troisième partie met en perspective les effets de l'éducation sur le développement en nous appuyant sur une approche sociologique et socio-historique. Le critère d'analyse retenu est l'adéquation.

Cette analyse critique se clôture par une quatrième partie consacrée à la présentation de premières alternatives.

La méthodologie adoptée dans le cadre de ce mémoire est synthétisée dans le schéma suivant :

Efficacité / Efficience + Viabilité Pertinence

Systèmes éducatifs

Acquis d'appre ntissage

Croissance

 

Développe

 

Lutte

 

Développe

économique

 

ment

 

contre la

 

ment

 
 

humain

 

pauvreté

 

endogène

Rapports des Nations Unies Etudes empiriques et analyses économiques et du

et de l'Unesco développement

Rapports d'organisations internationales

Adéquation
Mise en perspective sociologique et socio-historique

Identification de pistes d'amélioration

10 Les indicateurs retenus font suite à un entretien avec J.-Ph. Peemans, Professeur ordinaire émérite de l'UCL, le 17 Janvier 2011

II. Analyse de la mise en oeuvre de l'objectif OMD 2

Cette première partie de l'analyse explore la qualité de la mise en oeuvre des politiques d'éducation en référence aux critères d'efficacité et d'efficience. Ces critères sont analysés à partir des indicateurs de réalisation issus des rapports des Nations Unies, de l'Unesco et du Pôle de Dakar pour l'Afrique subsaharienne. Certains de ces indicateurs sont mis en corrélation avec les indicateurs issus des rapports de la Communauté française, récemment appelée Fédération Wallonie-Bruxelles11, de Belgique et de l'OCDE.

Pour rendre compte de l'efficacité, nous distinguons le taux brut et le taux net d'accès, le taux d'achèvement et le taux d'alphabétisation. Pour rendre compte de l'efficience, nous distinguons le volume des ressources internationales, le volume des ressources nationales et l'allocation des ressources. Cette première partie devrait nous apporter un premier éclairage sur le niveau de qualité atteint par les systèmes mis en place. Elle questionne la solidité de l'hypothèse de travail« La mise en oeuvre des politiques d'éducation primaire doit au préalable atteindre des niveaux minimaux de qualité pour, éventuellement, produire du développement ».

1. BREF RAPPEL HISTORIQUE

Pour rappel, en septembre 2000, lors de l'Assemblée du Millénaire des Nations Unies, les huit Objectifs du Millénaire pour le développement ont été adoptés12. Parmi ces 8 objectifs, 2 concernent directement l'éducation scolaire de base: l'objectif 2 d'éduction primaire pour tous et l'objectif 3 d'égalité entre les sexes, notamment dans l'accès à l'éducation primaire et secondaire.

La réalisation de ces objectifs s'appuie sur le Cadre d'action de Dakar appelé Education Pour Tous13 qui a également été adopté en 2000 lors du Forum Mondial de l'éducation. Plus de 1.100 participants étaient présents dont des représentants de 165 pays, de la communauté internationale et de la société civile. Ceux-ci ont réaffirmé leur engagement d'atteindre l'éducation pour tous d'ici à 2015. L'Unesco s'est vu confier la coordination de la mise en oeuvre du cadre d'action. La communauté internationale s'est

11 La proposition de résolution relative à l'utilisation de la nouvelle appellation « Fédération Wallonie-Bruxelles » au lieu de « Communauté française » a été votée au Parlement de la Communauté Française le 25 mai 2011. Le 26 mai 2011, le Gouvernement a décidé d'utiliser la nouvelle appellation, Site Internet consulté le 4 juillet 2011, http://www.cfwb.be/index.php?id=portail detail actualite&tx ttnews%5Btt news%5D=900

12 Nations Unies, L'Assemblée du Millénaire, Site consulté le 3 Mars 2011, http://www.un.org/french/millenaire/, 13Unesco, Site consulté le 10 février 2011, http://www.unesco.org/education/wef/frindex.htm

engagée à mobiliser des ressources supplémentaires et à élaborer les stratégies pour atteindre cet objectif. Les Etats ont été invités à définir des stratégies sectorielles et des plans d'actions nationaux au côté de plans d'action régionaux.

Plus spécifiquement, 3 objectifs du Cadre d'action de Dakar ont un lien direct avec l'Education primaire : l'objectif 2 d'accès à l'éducation primaire pour tous, l'objectif 5 d'égalité d'accès entre les sexes et l'objectif 6 de qualité de l'éducation.

Il fait suite à plusieurs engagements pris par la communauté internationale durant les années 1990. Déjà en 1990, lors de la conférence de Jomtien, la communauté internationale s'était engagée à atteindre l'éducation universelle en 2000. Malgré les progrès réalisés durant cette décennie, force était de constater que, de par le monde, plus de 113 millions d'enfants n'avaient pas accès à l'enseignement primaire, que 880 millions d'adultes étaient encore analphabètes et que des problèmes de discrimination, d'inégalités et de qualité persistaient au sein des systèmes éducatifs. Entre 2000 et 2010, des progrès ont encore été réalisés dans l'ensemble des régions du monde. Le nombre d'enfants non scolarisés est passé de 113 millions à 72 millions, dont 54% de filles (Unesco, Rapport EPT 2010). Pour l'Afrique subsaharienne, l'Unesco rappelait, dans un communiqué de presse de juillet 2010 (Unesco, 2010c), que la scolarisation primaire a augmenté de 56% à 73% dans cette région mais que 32 millions d'enfants africains sont toujours exclus de l'école. Au rythme actuel, plus de 23 millions d'enfants ne seront toujours pas scolarisés d'ici à 2015.

Afin de soutenir les avancées vers l'atteinte de ces objectifs, des engagements financiers complémentaires ont été pris par la communauté internationale et les Etats. En 2005, l'Unesco a mis en place l'initiative Fast Track. En septembre 2010, l'Organisation des Nations Unies a tenu à New York un sommet14 sur les Objectifs du Millénaire pour le développement à l'issue duquel l'Assemblée générale s'est engagée entre autres à progresser plus rapidement dans l'atteinte de l'Objectif 2 en s'appuyant sur 10 points :

a) « Réaliser le droit de toute personne à l'éducation...;

b) Progresser davantage dans la réalisation de l'objectif relatif à l'éducation primaire pour tous, en faisant fond sur les avancées enregistrées lors de la précédente décennie ;

c) Éliminer les obstacles internes et externes aux systèmes éducatifs de manière à offrir des possibilités équitables d'éducation...;

14 ONU, Site consulté le 24 février 2011, http://www.un.org/fr/mdg/summit2010,

d) S'attaquer aux causes profondes des inégalités, des disparités et des différentes formes d'exclusion et de discrimination dont souffrent les enfants...;

e) Assurer une éducation de qualité et la progression tout au long du parcours scolaire... ;

f) Rendre plus viable et prévisible le financement des systèmes éducatifs nationaux ... ;

g) Poursuivre la mise en oeuvre des mesures et des programmes entrepris au niveau national pour éliminer l'analphabétisme... ;

h) Appuyer les efforts que font les gouvernements pour renforcer leur capacité de planifier et de gérer les programmes d'éducation... ;

i) Accorder davantage d'attention au passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire... ;

j) Renforcer l'action engagée pour que l'enseignement primaire devienne un élément clef des interventions humanitaires... ».

En complément, le United Nations Development Programme publiait un rapport relatif à l'Agenda 2010-2015 dans lequel se trouvent les stratégies à mettre en place pour atteindre les objectifs (UNDP, 2010) et la Task Force on the MDGs du groupe des Nations Unies publiait parallèlement un recueil de 88 bonnes pratiques à destination des politiques et des professionnels de l'éducation (UNDG, 2010).

2. ANALYSE DE L'EFFICACITÉ

2.1. Les taux d'accès et d'achèvement

L'Objectif 2 des OMD d' «Assurer l'éducation primaire pour tous » se mesure à partir de trois indicateurs15 qui doivent être ventilés, dans la mesure du possible, par sexe et par zone urbaine et rurale :

- le taux net de scolarisation dans le primaire ;

- la proportion d'écoliers ayant commencé la première année d'études primaires, qui terminent l'école primaire, le taux d'achèvement ;

- le taux d'alphabétisation des 15-24 ans, femmes et hommes.

Le rapport OMD 2010 des Nations Unies présente uniquement les données relatives à l'éducation primaire.

Le taux net de scolarisation dans le primaire

Le rapport OMD 2010 présente les progrès réalisés entre 1999 et 2008. L'Afrique subsaharienne progresse régionalement significativement mais recule globalement par

15 Unstats, Liste officielle des indicateurs associés aux OMD, Site consulté le 10 février 2011, http://unstats.un.org/unsd/mdg/Host.aspx?Content=Indicators/OfficialList.htm

rapport aux autres régions du monde. Entre 1999 et 2008, le taux net de scolarisation de l'Afrique subsaharienne progresse de 58% à 76% tandis que le monde en développement voit son taux progresser de 82% à 89%. Par contre, la comparaison entre les régions du monde montre que c'est en Afrique subsaharienne que le pourcentage d'enfants non scolarisés reste le plus élevé et qu'il a reculé de 3 points, passant de 43% à 46% entre 1999 et 2008.

Tableau 2.1. : Indicateur de l'Objectif 2 des OMD

Tableau 2.2. : Inégalité d'accès entre régions du
monde de l'Objectif 2 des OMD

(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 16-17)

Le rapport EPT 2011 de l'Unesco présente les progrès réalisés entre 1999 à 2008. Durant cette période, 52 millions d'enfants de plus ont été inscrits dans le primaire. La scolarisation dans le primaire a progressé de 8% dans le monde et de 46% dans les pays à faible revenu et de 57% en Afrique subsaharienne. Le taux net ajusté de scolarisation16 a progressé de 7% dans le monde, de 28% dans les pays à faible revenu et de 31% en Afrique subsaharienne. Cependant, le rapport met aussi en avant des difficultés majeures. Les enfants non scolarisés représentaient encore, en 2008, 67 millions dont 28 millions en Afrique subsaharienne (Unesco 2011 : 45). Pour l'Afrique subsaharienne, le rapport EPT 2011 renseigne une différence importante entre le taux net de scolarisation de 77 % en 2008, avec une progression de 27% depuis 1999, et le taux brut de scolarisation de 116 %, avec une progression de 31% depuis 1999. En complément, l'Unesco estime aussi que plus de 60% des enfants non scolarisés

16 Le taux net ajusté de scolarisation du primaire donne le pourcentage d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire qui sont scolarisés dans le primaire ou dans le secondaire (Unesco, 2011 : 45)

n'entreront vraisemblablement jamais à l'école et rappelle que les progrès réalisés sont très inégaux entre les pays (Unesco 2011 : 51).

En comparaison, la Fédération Wallonie-Bruxelles enregistre également des taux brut de scolarisation entre 8 ans et 16 ans supérieurs à 100% pour l'année 2008-2009 (Rapport CF, 2010 : 8) et le taux de retard est également élevé dans le primaire. Pour l'année 2008-2009, le pourcentage des élèves ayant plus de 6 ans en première année primaire était de 11,8%, ce pourcentage augmente avec les années pour atteindre en sixième année 21,7%. Entre la 6ème primaire et la 1ère secondaire, le retard passe de 22% à 34% (Rapport CF, 2010 : 20 & 28). Enfin, le pourcentage d'obtention du Certificat d'Etudes de Base (CEB) à l'issue de la 6ème primaire est de 92,9% en 2008 (Rapport CF, 2010 : 52).

Tableau 2.3. : Indicateurs de l'objectif 2 EPT

(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 45)

Tableau 2.4. : Inégalité de progrès et d'accès dans l'objectif 2 EPT

(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 48-49)

Du point de vue de l'accès, le rapport OMD 2010 des Nations Unies relève que les enfants qui ont le moins de chances d'être scolarisés vivent au sein des régions et des ménages les plus pauvres, en zone rurale et sont de sexe féminin. Les enfants situés en zone rurale ont deux fois moins de chance d'aller à l'école et les filles ont systématiquement moins de chance que les garçons. L'Afrique subsaharienne est particulièrement concernée par ce constat. En termes de pauvreté, elle est la région du monde ou la proportion de la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour est la plus élevée, atteignant 51% en 2005 avant la crise économique.

Tableau 2.5. : Inégalité d'accès à l'école

(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 18)

Tableau 2.6. : Indicateur de l'Objectif 1 des OMD

(Source : Nations Unies, 2010, Rapport OMD, p. 6)

Le taux d'achèvement, la proportion d'écoliers ayant commencé la première année d'études primaires qui terminent l'école primaire

Le rapport EPT 2011 nous renseigne que le taux de survie jusqu'à la dernière année du primaire était en 2007 de 93% dans le monde, de 67% dans les pays à faible revenu et de 70% en Afrique subsaharienne, soit 2 enfants sur 3 (2011 : 45). L'Unesco pointe également la pauvreté, la vulnérabilité et les zones rurales comme facteurs exerçant une forte pression sur ce taux d'achèvement ou sur l'abandon scolaire. De son point de vue, « les hauts niveaux d'abandon scolaire sont à l'origine de gaspillage économique et d'inefficacité » (2011 : 52-59) et il est important d'en comprendre le processus qui diffère également fortement entre les pays. D'autres causes interviennent aussi comme les carences nutritionnelles, les maladies infantiles et la mauvaise qualité de l'enseignement. Dans son dernier rapport, l'Unesco met en exergue l'impact négatif des situations de conflit sur l'abandon et la non fréquentation des écoles « Dans les pays pauvres touchés par un conflit, 28 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire ne sont pas scolarisés - soit 42 % du total » (2011b : 6).

Pour l'Afrique subsaharienne, le profil de scolarisation transversal, réalisé par le Pôle de Dakar, montre une double progression: une progression de 11 points entre 1999/2000 et 2007/2008 pour le taux d'accès à la première année et une progression plus importante de 15 points pour le taux d'accès en dernière année.

Tableau 2.7. : Profil de scolarisation transversal (Primaire), indicateurs Fast Track

 

Afrique
2007/2008

Afrique
subsaharienne
2007/2008

Afrique
subsaharienne
1999/2000

 
 

1ère année

96

96

85

 

Dernière année

69

67

52

 

(Source : Pôle de Dakar, 2010, Profil régional de l'Afrique17 )

17 http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011

2.2. Les acquis d'apprentissage

Cette dimension n'étant pas traitée dans le rapport OMD 2010, les données sont présentées à partir du rapport EPT 2011 en lien avec l'objectif 6 du programme d'Education Pour Tous de l'Unesco intitulé comme suite: « Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l'éducation et garantir son excellence de façon à obtenir pour tous des résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables - notamment en ce qui concerne la lecture, l'écriture, le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante ».

Le rapport EPT 2011 de l'Unesco met en avant, malgré les manques de données, la faiblesse et la disparité des acquis d'apprentissage. Celles-ci sont liées au niveau moyen de revenu dans le pays et aux caractéristiques des familles au sein même des pays.

Le programme international de recherche en lecture scolaire 2006 (PIRLS) évalue les compétences en lecture d'élèves de 4ème. Comparativement, les disparités sont très peu marquées pour les pays de l'OCDE où la majorité des élèves se situent dans les seuils intermédiaires à élevés alors qu'elles sont plus importantes pour les pays à revenu moyen où les élèves se situent plutôt dans les seuils inférieurs et en-dessous (Unesco 2011 : 94).

L'enquête PISA 2009, en termes de savoirs et de savoir-faire des élèves, présente en synthèse un tableau récapitulatif des performances des pays et des économies des élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences. Le seul pays d'Afrique qui participe à cette enquête est la Tunisie. Les scores atteints par ce pays étaient de 404 sur l'échelle combinée de compréhension à l'écrit, de 371 sur l'échelle de culture mathématique et 401 sur l'échelle de culture scientifique. Respectivement, les moyennes de l'OCDE étaient de 493, 496 et 501 ; les moyennes de la Belgique étaient de 506, 515 et 507 (OCDE, 2010 : 9).

Pour l'Afrique subsaharienne, il n'y a pas encore de données complètes. Toutefois, sur base des données récoltées dans le cadre du troisième cycle d'évaluation du Consortium de l'Afrique australe et orientale pour le pilotage de la qualité de l'éducation (SACMEQ, Southern and Eastern African Consortium for Monitoring Education Quality) mené en 2007, des évolutions positives apparaissent. Si les capacités

en lecture sont très variables, il y a des résultats encourageants pour plusieurs pays (Unesco 2011 : 95). Pour ce qui est des résultats en mathématiques obtenus par les élèves de 6ème année, il montre également une évolution positive pour quelques pays. Le rapport de l'Unesco pointe ainsi qu'une hausse des effectifs ne va pas systématiquement de pair avec une diminution de la qualité.

Au sein même des pays, les acquis d'apprentissage varient très fortement. La 3ème évaluation SACMEQ montre que les écarts entre les acquis d'apprentissage sont liés au lieu d'habitation, en zone rurale ou en zone urbaine, au niveau de richesse des familles et au sexe (Unesco 2011 : 97).

2.3. Analyse de l'efficacité

D'un point de vue quantitatif, les résultats sont-ils, à ce point, faibles ?

En termes d'accès à la scolarisation, force est de constater que c'est dans les pays les plus pauvres et les régions accusant le plus grand retard que les progressions les plus importantes ont été réalisées, soit en Asie du Sud et de l'Ouest et en Afrique subsaharienne. Pour l'Afrique subsaharienne, si le rapport EPT 2011 attire l'attention sur les inégalités de progrès vers l'enseignement universel et pose la question de son accessibilité d'ici à 2015 sans moyens complémentaires, nous constatons aussi que ces progrès inégaux permettent :

- de compenser la disparité initiale de niveau entre les pays pour tendre vers une meilleure convergence à la hausse ;

- de faire progresser les taux net de scolarisation plus fortement que les taux bruts de scolarisation ;

- de faire progresser le taux d'alphabétisation des adultes et d'élever plus encore celui des jeunes ;

- de hisser le profil de scolarisation de l'Afrique subsaharienne au niveau de l'Afrique avec une amélioration plus forte de 15 points pour l'accès en dernière année que pour l'accès en première année qui a progressé de 11 points.

Ainsi, comme le mentionnait déjà en 2005 E. Duret, « des progrès remarquables

dans l'accès à l'école » ont été enregistrés (2005 : 59).

Quant à l'évolution dans le cycle, nous constatons que le rapport OMD 2010 ne parle que du taux net de scolarisation et que le rapport EPT 2011 semble présenter les taux bruts et les retards comme des situations problèmes. Mais, s'il est possible d'évoquer ces problèmes au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique comme des dysfonctionnements, il nous semble que c'est moins le cas lorsqu'il s'agit de déployer des systèmes d'éducation au sein de pays en développement et confrontés à des situations de grande pauvreté.

Pour l'Afrique subsaharienne et dans un contexte de croissance démographique élevé avec un ISF de 4,27 en 201018, la progression quantitative enregistrée en 10 ans est, de notre point de vue, remarquable même si des problèmes persistent. A cet effet, nous citons le taux de survie en dernière année qui était encore de 70% en 2007, les taux d'accès et d'abandon, particulièrement dans les régions où l'instabilité politique et les conflits sont présents comme le mentionne le rapport EPT 2011.

En termes d'efficacité, où se situe le vrai problème ?

Comme relevé par les organisations internationales et mis en évidence dans plusieurs études empiriques, une des difficultés majeures liées au déploiement des systèmes d'éducation en Afrique subsaharienne est d'ordre qualitatif et concerne la faiblesse des acquis d'apprentissage à l'issue de la scolarisation. Plusieurs organismes et plusieurs études ont mis en avant ce problème. Nous pouvons citer les articles de Ph. Hugon (2005a) et E. Duret (2005).

E. Duret met en exergue l'écart entre les pays africains et les autres régions du monde, les différences de niveau entre les pays d'Afrique et aussi, au sein même des pays. Les conditions d'apprentissage sont à l'origine de ces problèmes ainsi que l'absentéisme des professeurs et les pratiques pédagogiques. Quant à Ph. Hugon, il s'exprimait ainsi :

« Dans la plupart des pays les moins avancés le système éducatif remplit toutefois mal ses fonctions : produire des savoirs, développer des intelligences, former des compétences, donner au niveau élémentaire les capacités de lire, d'écrire et de compter dans une langue écrite. La faiblesse du matériel didactique, des classes surchargées, des maîtres mal formés, peu encadrés et peu incités expliquent largement ces difficultés. L'école est devenue parfois plus un lieu de gardiennage social oil sont véhiculés des savoirs mémorisés plus que d'acquisition de savoirs (Hugon, 2005 : 23).

18 La Libre Belgique, Population mondiale : le régulation ou l'explosion, 1er mars 2011, p.2

En référence aux définitions du concept d'équité19 présentées par O. Debande et V. Vandenberghe (2008), nous pourrions également nous interroger sur les contre-effets engendrés par la priorité accordée à l'équité définie comme égalité d'accès en volume et comme égalité catégorielle entraînant une mise en retrait de l'équité définie comme égalité de résultats.

Exprimé autrement, la trop forte pression exercée sur les Etats pour atteindre l'enseignement primaire universel engendre des dysfonctionnements et une organisation des systèmes éducatifs basée sur des résultats quantitatifs au détriment de résultats qualitatifs et de seuils minimaux à atteindre. Nous pourrions dire aussi que, par la force des choses, ce qui compte, c'est le nombre d'enfants inscrits dans la bonne classe, au bon niveau, respectant le cycle et moins l'atteinte d'un seuil minimal d'acquis d'apprentissage pour un plus grand nombre possible d'enfants.

En référence à la théorie du capital humain, nous pourrions également nous poser la question essentielle de savoir si cette approche va réellement engendrer les rendements privés, sociaux et les externalités positives escomptées ?

Malheureusement, le rapport OMD 2010 occulte ces dysfonctionnements et contreeffets. Quant au rapport EPT 2011, il les relève sans émettre de solutions hormis celles d'ordre financier. Il pointe surtout les difficultés liées à l'équité catégorielle qui est bien réelle. Au plus l'enfant est éloigné de la ville, au plus il vit dans une famille pauvre, au moins il a de chances d'aller à l'école et de terminer le cycle du primaire. S'il est de sexe féminin, ses chances diminuent encore. En lien avec la théorie du capital humain et les théories démographiques, cela représente effectivement un problème réel en termes de rendements et d'externalités positives. Mais assurer une égalité d'accès sans contenu n'a pas beaucoup de sens et contrecarre les effets attendus sur le développement.

Quelles sont les solutions préconisées par les organisations internationales ?

Si nous analysons les pistes de solutions proposées par les Nations Unies, il nous est possible aussi d'émettre quelques critiques. Comme mentionné plus haut, l'Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé la nécessité d'atteindre l'objectif en

19 Ces auteurs définissent l'équité à partir de quatre courants de pensée. Le premier courant, appelé Utilitarisme, s'intéresse à la somme des utilités atteints par les individus sans prise en compte d'inégalité interne. Le deuxième courant « définit l'équité comme égalité de résultats ». Le troisième courant définit l'équité comme « égalité d'accès à un certain nombre de biens jugés premiers ou fondamentaux ». Le quatrième courant définit l'équité comme « égalité catégorielle définie comme indépendance entre résultats et catégories ou traits hérités par la naissance » (Debande & Vandenberghe, 2008 : 84-85).

2015 lors de son sommet20 en septembre 2010 sur les Objectifs du Millénaire pour le développement. Elle s'est engagée, entre autres à l'issue de celui-ci, à progresser plus rapidement dans l'atteinte de l'Objectif 2 en s'appuyant sur dix recommandations sans toutefois dégager des moyens complémentaires. Une seule recommandation vise la qualité sans préciser de quelle qualité il s'agit. Une autre vise l'élimination des obstacles internes et externes aux systèmes éducatifs sans questionner l'adéquation au contexte local.

En complément, le United Nations Development Programme publiait un rapport relatif à l'Agenda 2010-2015 dans lequel se trouvent les stratégies à mettre en place pour atteindre les 8 objectifs OMD. Nous pouvons déjà nous étonner de la réaffirmation du caractère atteignable des objectifs sans moyens complémentaires: «Based on a review of 50 country studies, this Assessment finds that the resources and know-how necessary to achieve the MDGs exist. Acceleration ofprogress over the next five years will need to focus on continuing proven strategies, policies and interventions and making a radical break with those that do not work» (UNDP, 2010 : iv).

Pour l'objectif 2 des OMD, le recueil de bonnes pratiques publié par la Task Force on the MDGs du groupe des Nations Unies à destination des politiques et des professionnels de l'éducation (UNDG, 2010) reprend 88 bonnes pratiques en lien avec les principaux freins et contraintes détectés et à dépasser. Celles-ci sont reprises en synthèse dans le tableau ci-après. A la lecture de ce tableau, nous constatons avec étonnement que les bonnes pratiques sont fortement tournées vers le renforcement des capacités de pilotage.

Tableau 2.8. : 88 bonnes pratiques pour atteindre l'EPU

(Source : UNDG, 2010, MDG Good practices, p. 11)

20 ONU, Site consulté le 24 février 2011, http://www.un.org/fr/mdg/summit2010,

La vision de l'Unesco est plus << réaliste >> en termes de résultats. L'Unesco affirme que l'objectif quantitatif ne sera probablement pas atteint sans ressources complémentaires et l'Unesco pointe les graves problèmes relatifs aux acquis réels d'apprentissage. Dans son rapport 2010, l'Unesco exprime clairement qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question d'accès mais qu'il s'agit surtout d'une question de résultats :

« L'objectif central de l'éducation est de faire en sorte que les enfants acquièrent les compétences qui détermineront leurs chances dans la vie ... Savoir si l'on parviendra ou non à réaliser l'éducation pour tous ne tient pas uniquement au fait que les pays auront assuré un plus grand nombre d'années de scolarité : la mesure du succès ou de l'échec est, en dernière analyse, ce que les enfants apprennent et la qualité de ce qu'ils vivent dans l'éducation... Le fait que des millions d'enfants quittent chaque année l'école primaire sans avoir acquis les compétences de base en matière d'alphabétisme et de calcul est passé plus inaperçu. Incapables de formuler ou de lire une phrase simple, ces enfants sont mal armés pour accéder à l'enseignement secondaire - sans parler des marchés de l'emploi » (Unesco, Rapport 2010 : p.114).

3. ANALYSE DE L'EFFICIENCE

3.1. Le volume des ressources nationales et internationales

Le volume des ressources internationales

Le rapport EPT 2011 rappelle en introduction que << Le cadre d'action de Dakar a reconnu qu'il importait d'adosser les objectifs à des engagements financiers>> (2011 : 113). Pour les ressources internationales, il met en avant plusieurs constats relatifs au volume et à la répartition de l'aide.

Les décaissements d'aide à l'éducation semblent avoir atteints un plafond en 2007. Après avoir augmenté significativement entre 2002 et 2007 passant de 6,4 à 11,7 milliards de dollars US, ceux-ci s'élèvent à 11,4 milliards de dollars US en 2008. Le même constat est fait pour l'éducation de base, celle-ci passe de 2,4 à 4,7 milliards de dollars US entre 2002 et 2007, cependant ce niveau reste maintenu pour 2008 malgré la légère diminution de l'aide totale (2011 : 121). De plus, les engagements en faveur de l'éducation de base varient fortement d'un donateur à l'autre et pas toujours en lien

direct avec le besoin réel d'un pays (2011 : 122). « Étant donné l'ampleur du déficit de financement de l'éducation de base, il y a clairement une bonne raison de reconsidérer les priorités actuelles dans ces pays. Si tous les donateurs consacraient à l'éducation de base au moins la moitié de leur aide à l'éducation (la moyenne actuelle est de 41 %), ils pourraient mobiliser un montant supplémentaire de 1,7 milliard de dollars EU par an >> (Unesco, 2011 : 123).

Le rapport EPT 2011 remarque le non-respect des engagements pris en 2005 par les donateurs d'accroître les volumes d'aide d'éducation de 50 milliards de dollars US d'ici à 2010 et de consacrer la moitié de cette augmentation à l'Afrique subsaharienne. Bien qu'une augmentation réelle ait eu lieu, les estimations réalisées font apparaître un déficit global projeté de 20 milliards de dollars US en 2010 dont 16 milliards de dollars US pour l'Afrique. Par ailleurs, le rapport mentionne que seul 5 des 22 donateurs du CAD de l'OCDE ont atteint l'objectif de l'ONU de 0,7% et de nombreux pays ont réduit leur aide en 2009 en référence aux pourcentages de décaissement (2011 : 119-121).

La crise financière de 2008 impacte directement les volumes d'aide des donateurs. Les pays donateurs ont ainsi réduit leur aide de 20% à 25% par rapport au niveau attendu avant les crises (Unesco 2011 : 132) et, hormis l'une ou l'autre exception, les prévisions ne semblent pas indiquer un retournement à la hausse. Ce qui amène le constat suivant « beaucoup de donateurs, quelles que soient leurs déclarations publiques en sens contraire, semblent avoir implicitement renoncé à leurs engagements de 2005 >> (Unesco, 2011 : 133). Comme alternative, le rapport EPT 2011 propose d'adopter des stratégies de financement innovantes comme la proposition de facilité internationale de financement pour l'éducation (IFFE) qui pourrait mobiliser de 3 à 4 milliards de dollars EU entre 2011 et 2015 (2011 : 126) ainsi qu'un prélèvement sur la téléphonie mobile pour l'éducation.

Le volume des ressources nationales

Le rapport EPT 2011 nous informe que la part consacrée à l'éducation calculée en pourcentage du PNB, a globalement progressé. Cette part était en 2008 de 5% dans le monde avec un taux de croissance annuelle nette de 3% depuis 1999, de 3,8% pour les pays à faible revenu avec un taux de croissance annuelle nette de 6,8% et de 4% en Afrique subsaharienne avec un taux de croissance annuelle nette de 4,6%.

Tableau 2.9. : Indicateurs de l'Objectif 6 EPT

(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 115)

Les efforts financiers des Etats sont présentés en comparant le taux annuel de croissance réelle des dépenses d'éducation avec le taux annuel de croissance réelle du PIB. Si les investissements éducatifs sont entre autres conditionnés au niveau des recettes fiscales, la part réservée à l'éducation lors de l'affectation budgétaire varie fortement d'un pays à l'autre. 31 pays sélectionnés parmi les pays à faible revenu ou à revenu moyen, dont 11 pays de l'Afrique subsaharienne, avaient réalisés entre 1999 et 2008 des efforts éducatifs supérieurs à la croissance de leur PIB.

Tableau 2.10. : Taux de croissance annuel des budgets de l'éducation entre 1999 et 2008

(Source : Unesco, 2011, Rapport EPT, p. 116)

Sur base de données disponibles pour 26 pays d'Afrique subsaharienne, la croissance de la dépense publique d'éducation entre 1999 et 2009 a été estimée à une moyenne de 6,1% par année (Unesco, 2011b : 32-33). Au niveau de l'Afrique subsaharienne, la dépense publique d'éducation a été estimée en 2008 à 5% du PIB (Unesco 2011b : 32). En comparaison, la moyenne de l'OCDE était de 4,6% en 2007 et la dépense intérieure d'enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique était estimée en 2007 à 6,6% du PIB en comparaison internationale (Communauté française, 2010 : 14). La fiche régionale produite par le Pôle de Dakar nous informe qu'en moyenne 23% des ressources publiques internes sont consacrées à l'éducation et que de fortes disparités existent entre les pays. Pour ce qui est de la répartition entre les niveaux d'enseignement, l'Afrique subsaharienne réalise les plus grands efforts au niveau du primaire avec 44% du budget éducation alors que les pays de l'OCDE concentrent leurs investissements au niveau universitaire avec 36%. Paradoxalement, le coût par élève du primaire représente 12% du PIB/habitant en Afrique subsaharienne et 20% dans l'OCDE en pourcentage du PIB par habitant.

Tableau 2.11. : Indicateurs financiers

 

Afrique

Afrique
subsaharienne

Disparité entre pays
africains
Min. - Max.

OCDE (**)

Financiers sectoriels - Mobilisation des ressources domestiques (données 2006)

(données 2007)

Ressources publiques en % du PIB en PPA$(*)

 

5%

- de 2% - + de 10%

4,6% (budget total privé-public,

6,2%)

Ressources publiques
internes en % du PIB

23%

23%

8% - 51%

 
 

% de dépenses courantes
éducatives dans les dépenses
courantes de l'Etat

22%

22%

7% - 35%

 
 

Répartition du budget de l'éducation (dépenses courantes) (données 2008)

(données 2007)

% primaire (ajusté à 6 années)

44%

44%

14% - 64%

 

64% ( dép. au titre d'établissements d'ens. pour le

primaire, second.
et sup. non univ.)

% secondaire (ajusté à 7 années)

35%

35%

5% - 58%

 

% supérieur

21%

21%

8% - 41%

 

Coût par élève en % du PIB par habitant (données 2008)

 

(données 2007)

Primaire

12%

12%

4% - 31%

 

20%

Secondaire

27%

27%

4% - 83%

 

24%

Supérieur

284 (?)

308 (?)

13 - 2147

(?)

40%

(Sources: Pôle de Dakar, 2010, Fiche rég.21 - (*) Unesco, Inst. for Statistics, 2011a, Financing ed. in sub-saharian Africa, pp. 31-32 - (**) OCDE, 2010, Regards sur l'éducation 2010, pp. 205, 219, 228)

21 http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011

En ce qui concerne les effets de la crise financière de 2008 et de la hausse des prix alimentaires sur les dépenses nationales d'éducation, << Environ 40 % des pays à faible revenu pour lesquels les données sont disponibles ont réduit leurs dépenses d'éducation en 2009 >> (Unesco, 2011 : 128). Or, pour atteindre les objectifs 2015 les dépenses d'éducation de base devraient croître d'environ 12% par an (Unesco, 2011 : 129).

La pression s'exerce aussi sur les ménages avec 4 grands risques : une augmentation du nombre d'enfants quittant l'école, une augmentation du nombre ne terminant pas le cycle primaire, une augmentation des difficultés d'apprentissage et une diminution de la fréquentation scolaire dues à la malnutrition ainsi qu'une diminution de la motivation des enseignants dont certains ont vu leur salaire baisser (Unesco, 2011 : 126).

3.2. L'allocation des ressources

L'allocation des ressources est indirectement abordée dans le rapport EPT 2011 dans l'objectif 6 relatif à la qualité de l'éducation en mettant en avant deux facteurs déterminants : la qualité des écoles et la question de l'enseignant.

Même s'il est difficile de tirer des leçons compte tenu << des écarts importants associés aux facteurs d'apprentissage liés à l'école que l'on observe d'un pays à l'autre et au sein des pays >> (Unesco, 2011 : 102), le rapport met en évidence quelques facteurs déterminants: la qualification des enseignants, l'effectif des classes, le temps réel d'enseignement, les premières années de scolarité...

A partir de l'enquête TIMMS (Trends in International Mathematics and Science Study) 2007, le rapport EPT 2011 montre que deux critères importants influencent les résultats d'apprentissage des élèves pauvres de pays à faible revenu. Il s'agit du nombre d'enseignants titulaires d'un certificat et de l'effectif des classes (Unesco 2011 : 102).

Le rapport EPT 2010 mettait déjà la problématique enseignante en avant en attirant l'attention sur trois difficultés majeures : la pénurie, la qualification et la motivation. En Afrique subsaharienne, le rapport élèves/enseignant se situe, à 4 exceptions près, au-dessus du plafond fixé à 40/1 et il peut varier du simple au triple en

fonction de paramètres comme le lieu de vie en zone rurale ou urbaine, le degré de pauvreté et les désavantages. Dans le monde, pour atteindre l'enseignement primaire pour tous en 2015 et sans compter les remplacements, le rythme de création de nouveaux postes devrait s'accélérer significativement, 1,9 millions d'enseignants supplémentaires devrait être recrutés dont 1,2 millions en Afrique subsaharienne. Parallèlement, le constat est fait que les enseignants formés sont concentrés dans les zones urbaines et la motivation est liée au revenu (Unesco, 2010 : 126-128).

La question de l'allocation des ressources en Afrique subsaharienne est présentée plus précisément dans le profil régional établi par le Pôle de Dakar. Le pourcentage de dépenses hors enseignant est de 29,9% en Afrique subsaharienne et de 25,7% au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique. Le rapport élèves/enseignant est de 45 en Afrique subsaharienne alors que le ratio « élèves/enseignants (EPT) » dans l'enseignement fondamental (maternel et primaire) de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique (équivalent au taux d'encadrement et non au nombre d'élèves par classe) s'élève pour l'année 2008-2009 à 14 ou 15 suivant le réseau d'enseignement (Rapport CF, 2010 : 62). Le taux de redoublement est de 13,9% alors que le taux de retard dans la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique est de 22%.

Tableau 2.12. : Paramètres de politique éducative

 

Afrique

Afrique
subsaharienne

Disparité entre
pays africains

Minimum -

Maximum

Communauté
française de
Belgique (*)

Paramètres de politique éducative (Durée du cycle primaire = 6 ans) (données 2007-2008)

(données 2008-

2009)

Rapport élèves-enseignant

43

45

13 - 104

14 - 15 (suivant le réseau d'ens.)

Salaire moyen hors
salaires enseignants (en
PIB/tête)
(données 2008)

4,2

4,4

0,4 - 7,6

 

% dépenses hors salaires
enseignants
(données 2008)

29,5%

29,9%

9,1% - 65,8%

25,7% (hors Université)

% de redoublants

13,3%

13,9%

2,2% - 33,3%

22% (taux de retard en 6ème année)

% d'élèves dans le privé

13,7%

14,6%

0,2% - 86,9%

 

(Source: Pôle de Dakar, 2010, Fiche régionale de l'Afrique subsaharienne,22 - Communauté française, 201, Les indicateurs de l'enseignement, n°5)

22 http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Afrique%20Subsaharienne FR.pdf, Site internet consulté le 13 avril 2011

3.3. Analyse de l'efficience

Des ressources importantes mais insuffisantes

A nouveau, un constat positif à l'échelle globale peut être posé pour les pays d'Afrique subsaharienne. L'Afrique subsaharienne a réalisé des efforts financiers considérables pour déployer un système d'éducation primaire accessible à toutes et tous. Mais ces efforts semblent vains étant donné sa dynamique démographique. Pour rappel, le taux de dépendance de l'Afrique subsaharienne était encore de 79,4% en 2008, même s'il a diminué de pratiquement 9% depuis 1990 (CUA et al., 2010 : 17). En comparaison avec les données de l'enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique et de l'OCDE, l'Afrique subsaharienne fournit les efforts les plus élevés en pourcentage du PIB et pour l'enseignement primaire. Suite à la crise financière de 2008, les Etats africains ont été amené à trouver des« financements alternatifs ». Les prêts consentis par les organisations internationales à l'Afrique pour réaliser les OMD ont considérablement augmenté. Ils ont quintuplés pour le FMI, ils ont triplé pour la Banque mondiale par rapport aux niveaux d'avant la crise, et la Banque africaine de développement a mis en place des facilités de liquidité d'urgence. Comme mentionné dans le rapport, ce n'est qu'avec le temps que l'équilibre budgétaire pourra se rétablir et celui-ci reste précaire (CUA et al., 2010 : 2-3).

A cela, s'ajoute la contribution importante des ménages dans l'éducation primaire. Celle-ci s'élève à 30% des dépenses d'éducation à côté des dépenses issues du secteur public et du secteur privé (CUA et al., 2010 : 63). Ce qui est énorme et montre qu'une demande d'enseignement existe réellement.

Par contre, nous constatons que les efforts et le respect des engagements de la communauté internationale sont sujets à variation et ont diminué suite à la crise.

Une efficacité technique sous contrainte

A volume financier donné et avec un régime démographique de haute natalité, que peut mettre en place un Etat en termes de pilotage?

La fonction de production (O. Debande et V. Vandenberghe, 2008 : 112) nous enseigne que la masse salariale, soit de loin le principal poste budgétaire dans l'enseignement, dépend du nombre d'enseignants, du taux de participation des usagers, du taux d'encadrement, du niveau moyen de rémunération et de l'évolution

démographique. Dans le cas précis de l'Afrique subsaharienne, il y a pénurie d'enseignants et le niveau de rémunération est faible, le taux de participation maximal et l'évolution démographique croissante, il n'y a donc pas vraiment de marges de manoeuvre. Elle nous enseigne aussi que le taux d'encadrement <<version pédagogique » est différent du taux d'encadrement <<version budgétaire » (rapport élèves/enseignant ou élèves/personnel) (O. Debande et V. Vandenberghe, 2008 : 113). L'encadrement est fonction de trois paramètres : la taille de la classe, l'horaire des élèves et l'horaire des professeurs. Dans le cas de l'Afrique subsaharienne, il s'agirait de réduire les horaires des élèves. Cela est déjà d'application dans certains cas.

Une brève analyse coûts/bénéfices nous enseigne qu'une autre possibilité serait la diminution du rapport élèves/enseignant en ramenant, par exemple, le pourcentage moyen des dépenses hors enseignants au niveau de celui de la Fédération WallonieBruxelles de Belgique. Mais cela ne résout en rien le problème de pénurie d'enseignants diplômés.

Quelles suggestions formuler ?

Cette brève analyse nous amène au constat que peu d'alternatives sont possibles mais qu'il en existe. Ainsi, E. Duret (2005) propose, entre autres, pour certains pays, de mobiliser de manière accrue les ressources internes et d'utiliser de manière plus rationnelle et efficiente les ressources notamment par la révision des ressources entre les cycles (2005 : 70). Elle pointe aussi comme défis la recomposition du corps enseignant et les questions de gestion administrative et pédagogique en lien avec le contrôle social exercé par la communauté éducative et la structure des responsabilités (2005 : 77). Dans cette lignée, il nous semble qu'une réflexion autour de l'organisation des systèmes d'enseignement, des objectifs pédagogiques et des seuils minimaux d'acquis d'apprentissage devrait pouvoir avoir lieu. Il s'agirait ici d'envisager l'ajustement au contexte local plutôt que la conformité au niveau global.

Nous avons noté également une piste au travers d'une réduction des coûts de pilotage pour certains pays, mais il s'agit ici d'aller à l'encontre des recommandations des Nations Unies visant à renforcer les capacités des planificateurs. En complément, nous pourrions suggérer de revoir l'objectif d'éducation primaire universelle d'ici à 2015 et donc, d'aborder la délicate question de la pertinence de l'objectif dans sa formulation actuelle. Mais supprimer la contrainte d'éducation primaire pour tous semble improbable d'un point de vue éthique et l'éducation primaire fait partie des

droits fondamentaux. Toutefois, un report d'échéance devrait être envisageable. Enfin, il nous semble que la communauté internationale pourrait réaffirmer ses engagements.

4. CONCLUSIONS

De cette première analyse, qui avait pour objet d'explorer l'évolution de l'offre éducative du point de vue de l'efficacité et de l'efficience dans les régions à faible revenu et particulièrement en Afrique subsaharienne, nous pouvons souligner deux grands constats généraux. D'une part, les efforts déployés par la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne sont remarquables et ont engendré des avancées significatives en termes d'accès. D'autre part, le déploiement rapide et intensif des systèmes d'éducation, et de l'éducation primaire en particulier, se heurte à de nombreuses contraintes, en termes d'accessibilité des publics, d'organisation des structures, de ressources financières et pédagogiques... Il engendre, dans son sillage, une série de difficultés d'ordre quantitatif mais surtout qualitatif. Cet état de fait est diversement reconnu par les parties prenantes.

En référence à notre hypothèse de travail sur la qualité des systèmes éducatifs formulée comme condition préalable à la production d'un développement « la mise en oeuvre des politiques d'éducation primaire doit au préalable atteindre des niveaux minimaux de qualité pour, éventuellement, produire du développement », il semble bien qu'elle ne soit pas rencontrée dans un certain nombre de cas. Nous devons objectivement conclure que le déséquilibre constaté entre l'investissement quantitatif et qualitatif nuit à l'atteinte de seuils minimaux de qualité et de compétences maîtrisées. Cette perception devrait toutefois être affinée car, comme le rapport EPT 2011 le relève, les données relatives aux acquis d'apprentissage manquent dans les pays d'Afrique subsaharienne pour pouvoir établir un diagnostic objectif.

Pour maintenir la progression vers l'atteinte de l'objectif d'éducation primaire pour tous d'ici à 2015 dans des conditions qualitatives acceptables, il s'avèrerait nécessaire de se pencher sur les objectifs de l'offre éducative. Du point de vue de l'efficacité, il nous semble qu'il serait utile de réfléchir à un meilleur équilibrage entre l'équité d'accès en nombre, l'équité de résultats (ou l'équité d'accès à un seuil minimal de maîtrise des connaissances de base) et l'équité catégorielle (pauvreté, genre, ruralité,

ethnicité...). Les progrès enregistrés devraient être corrélés à des contraintes de seuils minimaux d'acquis d'apprentissage, encadré par des stratégies de gestion et pédagogiques renforcées. D'où, du point de vue de l'efficience, il s'agirait de réfléchir à l'efficacité technique en menant une réflexion autour d'un meilleur équilibrage entre des stratégies de gestion et des stratégies pédagogiques (organisation des systèmes, enseignants, méthodes pédagogiques...). Une clarification semble également utile entre les moyens alloués (nationaux et internationaux) et les objectifs à poursuivre.

Enfin, étant donné les contraintes de ressources, pourquoi ne pas ouvrir le champ de la réflexion et sortir de la rigidité d'une orientation politique globale afin de dégager des pistes de solutions plus flexibles ? A titre d'exemples, si l'on considère que l'objectif d'apprentissage est de maîtriser les savoirs de base (lire, écrire, calculer), faut-il pour cela suivre automatiquement 6 années d'école primaire dans une classe pouvant regrouper jusqu'à 104 élèves ? Il s'agit donc bien d'effort d'ajustement au contexte et aux moyens à réaliser sans s'éloigner de l'objectif d'éducation pour tous. Un report d'échéance de l'objectif OMD 2 pourrait également se concevoir dès à présent.

III. Analyse de la pertinence de l'objectif OMD 2 pour le développement

Quel que soit l'angle d'approche des politiques de développement, l'éducation est présente indirectement ou directement, soit comme préalable indispensable en amont d'autres leviers, soit comme composante, une fin en soi. Il existe un consensus fort autour de la pertinence de l'investissement dans le secteur de l'éducation pour le développement. Sous l'angle de la croissance économique et du progrès, l'éducation est un moteur essentiel en référence aux théories du capital humain et de la croissance endogène. Sous l'angle du développement humain, l'éducation est un moyen et une fin. Sous l'angle de la lutte contre la pauvreté, l'éducation, en tant que composante, est un moyen. En complément, l'éducation est aussi considérée comme un moteur de changement dans la dynamique démographique et dans le domaine de la santé. Il y a donc un consensus fort autour des effets positifs de l'éducation sur le développement avec la conception de l'éducation comme un droit fondamental. Ce consensus est régulièrement rappelé par les Nations Unies et la Banque mondiale.

Les Nations Unies, à l'occasion du Sommet sur les OMD qui s'est tenu à New York en septembre 2010, ont présenté l'exposition « L'ÉDUCATION, ÇA COMPTE, Vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement ». Cette exposition rappelle les nombreux effets positifs de l'éducation sur les autres Objectifs du Millénaire pour le développement « L'éducation est la clé de voûte du développement humain. Elle aide les personnes à lutter contre la pauvreté et les autonomise en leur donnant les connaissances, les compétences et la confiance dont elles ont besoin pour se forger un meilleur avenir » 23.

Le site Internet de la Banque mondiale résume assez bien le consensus autour du rôle positif de l'éducation sur la croissance, la pauvreté et les effets négatifs des retards sur l'économie d'un Etat. Il s'agit de « l'aptitude des pays à procurer à leur économie les compétences voulues pour soutenir un regain de croissance » :

« Une amélioration radicale de l'éducation constitue un préalable à l'établissement d'un niveau de croissance durable suffisamment élevé pour réduite la pauvreté et aider à l'instauration de sociétés intégratives, démocratiques et équitables... Le faible niveau d'éducation des femmes qui caractérise l'Afrique subsaharienne est particulièrement préjudiciable à trois égards : i) pour la croissance économique globale, sachant que l'éducation des femmes a un impact positif au niveau, par exemple, de la productivité

23 L'exposition reste accessible sur le site Internet de l'Unesco, Unesco, Site Internet consulté le 3 février 2011, mis à jour en 2010, http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international-agenda/efareport/mdg2010/

agricole ; ii) dans l'optique d'une répartition de cette croissance qui soit favorable aux pauvres, si l'on considère que les femmes figurent parmi les catégories de population les plus pauvres et que l'éducation constitue, pour ce groupe, l'atout le plus important qui soit ; et iii) pour assurer de meilleurs niveaux de santé et de nutrition, la prévention du VIH/SIDA et la réduction des taux de fécondité »24.

Cette deuxième partie est consacrée à l'analyse de la pertinence de l'objectif OMD 2 d'éducation pour tous d'ici à 2015 en lien avec ses effets sur les quatre courants du développement. Pour l'approche par la croissance et le progrès, nous faisons le lien entre le déploiement de l'éducation, l'évolution du PIB et les rendements privés et sociaux. Pour l'approche par le développement humain, nous critiquons le bienfondé de l'approche par les capabilités définie par A. Sen, économiste et prix Nobel, et analysons l'apport des indices de développement humain. Pour l'approche par la lutte contre la pauvreté, nous comparons l'évolution entre les indicateurs de l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD 1 pour l'Afrique subsaharienne, région caractérisée par une situation d'extrême pauvreté. Pour l'approche par le développement endogène, nous traitons de la question des territoires et des contenus enseignés.

Il s'agit principalement de vérifier notre première hypothèse : « La politique d'éducation primaire est inappropriée pour les pays et les populations en situation d'extrême pauvreté ».

1. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA CROISSANCE ET LE PROGRÈS

1.1. Evolution de l'éducation et du PIB, analyse des rendements de

l'éducation

Evolution de l'éducation et du PIB

Tableau 3.1. : Evolution du PIB et de l'éducation par niveau en Afrique subsaharienne

 

1990

2000

2005

2007

2008

2009

Evolution du GDP

 

GDP croissance annuelle

1,9%

3,2%

4,4%

6,3%

5,1%

1,2%

GDP per capita, croissance annuelle

-1,0%

0,6%

1,8%

3,7%

2,6%

-1,3%

Part du GDP par secteurs d'activité

 

Agriculture

18,8%

16,5%

16,9%

15,4%

12,4%

12,7%

Industrie

17,6%

14,8%

13,1%

14%

13,6%

12,9%

24

Banque mondiale, Afrique subsaharienne - Education, Site internet consulté le 3 février 2011, mis à jour en 2011, http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/0,,contentMDK:21 448405~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:488775,00.html

Services

49,2%

54,3%

51,7%

52,4%

55,2%

56,7%

Commerce

51,8%

63,3%

67,2%

70,4%

75%

62,1%

Evolution de l'accès à l'éducation

 

Primaire

72,8%

82,2%

95,4%

 

101,6%

 

Secondaire

22,5%

25%

31%

 

34,1%

 

Tertiaire

3%

4,2%

5,5%

 

6,1%

 

(Source : Unesco, Institut for Statistics, 2011a, Financing education in sub-saharian Af., pp. 19- 24)

Avec la globalisation, la dépendance des pays de l'Afrique subsaharienne s'est accrue considérablement. La contribution du secteur du commerce au PIB est passée de 51,8% en 1990 à 75% en 2008 ; ce qui rend la région beaucoup plus vulnérable aux chocs extérieurs (CUA et al., 2010 : 20). Dans l'enseignement primaire, il existe également une corrélation directe entre le niveau de PIB par habitant et la dépense publique d'éducation par élève. Les pays avec un PIB inférieur à 1000 PPP$ dépensent entre 39 et 144 PPP$, les pays avec un PIB supérieur à 3000 PPP$ dépensent entre 120 et 1432 PPP$ (CUA et al., 2010 : 87).

Le tableau et les données ci-dessus nous enseignent que ce sont principalement les secteurs des services et du commerce qui alimentent le PIB et que c'est la croissance qui tire à la hausse le revenu par personne. Quant à la liaison entre l'éducation et la croissance, il nous renseigne uniquement d'une évolution parallèle à la hausse. Celle-ci semble confirmée pour l'enseignement primaire, si l'on se réfère aux dépenses par élève suivant le niveau de PIB par habitant.

Etudes relatives aux rendements privés et sociaux

L'évaluation du stock de capital humain et de l'impact de l'éducation sur les rendements et la croissance ont fait l'objet de nombreuses études à l'échelle mondiale. Dans un premier temps, les indicateurs retenus pour mesurer le capital humain ont été les niveaux d'éducation et le nombre d'années d'étude. Par la suite, les études se sont portées sur les effets de la qualité de l'éducation sur la croissance.

G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos ont évalué dans les années nonante les rendements privés et sociaux de l'éducation. De leur dernière étude publiée en 2004, il ressort que les rendements sont élevés à tous les niveaux d'études et ils tendent à croître parallèlement à la pauvreté du pays. Le niveau primaire donne les rendements les plus élevés, particulièrement en Afrique subsaharienne. Les rendements sont dégressifs par

niveau d'éducation à une exception prêt, le rendement privé de l'éducation supérieure est aussi élevé que le rendement de l'éducation primaire pour les pays ayant le plus faible niveau de revenus.

Par grande région, l'Afrique subsaharienne enregistre les rendements les plus élevés dans le primaire avec 37,6 %, suivi du supérieur avec 27,8% et du secondaire avec 24,6% ; les rendements sociaux sont les plus élevés dans le primaire avec 25,4 % contre 18,4% pour le secondaire et 11,3% pour le supérieur ; 7,3 années d'éducation engendrent un rendement de 11,7%. Par niveau de revenu, les pays à faible revenu enregistrent les rendements les plus élevés dans le primaire avec 25,8% et dans le supérieur avec 26% ; les rendements sociaux sont les plus élevés dans le primaire avec 21,3%, contre 15,7% pour le secondaire et 11,2% pour le supérieur ; 7,6 années d'éducation engendrent un rendement de 10,9%. Du point de vue du genre, les rendements privés sont plus élevés pour les hommes dans l'enseignement primaire avec 20,1% et plus élevés pour les femmes dans l'enseignement secondaire avec 18,4%. En référence à Perkins & al., les rendements plus élevés pour les femmes dans le secondaire laissent à penser que « le rendement social de l'éducation féminine dépasse celui de l'éducation masculine, en raison des effets externes positifs générés pour la santé et la fécondité ... (2006 : 341-343).

Tableau 3.2. : Rendements privés, sociaux et par années de l'éducation par région

(Source : G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 114-115)

Tableau 3.3. : Rendements privés, sociaux et par années de l'éducation par niveau de revenu

(Source : G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 115)

Tableau 3.4. : Rendements de l'éducation par genre

(Source: G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos, 2004 : 116)

Les travaux réalisés par ces deux économistes sont très importants car, comme l'explique N. Henaff, le taux de rendement de l'éducation devient en 1995 le principal indicateur de rentabilité de l'investissement éducatif pour la Banque mondiale » (2006 : 83).

L'étude réalisée en 2004 par Sala-i-Martin, G. Doppelhofer et R. I. Miller confirme les résultats des études de G. Psacharopoulos et H. A. Patrinos. Portant sur une analyse de 67 variables dans 88 pays, l'étude met en exergue que les trois variables les plus significativement associées à une croissance de long terme (de 1960 à 1996) sont le taux d'enrôlement dans l'enseignement primaire en 1960, le prix des investissements et le

niveau initial de PIB par habitant. Une augmentation de 10 % de points dans le taux d'enrôlement dans l'enseignement primaire est associée à une croissance de 0,27% dans le taux de croissance (2004 : 15).

Parallèlement à ces travaux, des études ont été réalisées à partir de données qualitatives (Hanushek et Kimko, 2000 ; R. J. Barro, 2001). A. Hanushek et Kimko mettent en avant en 2000 qu'une différence de performance de 47 points au test PISA 2000 pour les connaissances en mathématiques devrait entraîner approximativement un point supplémentaire de pourcentage de croissance économique (Hanushak et Wöâmann, 2008 : 4). R.J. Barro s'est penché sur la relation entre le capital humain et la croissance à partir du taux de croissance annuel réel du PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat corrélé avec des indicateurs de compétences (mathématiques, sciences et lecture) et en ayant intégré dans son modèle d'autres variables. Cette étude a porté sur les périodes 1965-75, 1975-85 et 1985-90. Les résultats montrent « un coefficient positif mais non significatif pour l'indicateur de quantité de l'éducation, tandis que celui de la qualité de l'éducation a un coefficient positif et fortement significatif » (Barro, 2001, cité par Altinok, 2006 : 8).

R.J. Barro et J.-W. Lee ont réalisé plusieurs études d'évaluation du stock de capital humain (2001, 2010). Ces travaux basés sur les niveaux d'éducation atteints et terminés, les années moyennes de scolarité ainsi que sur la qualité de l'éducation ont été réalisés dans la perspective d'analyser les effets des niveaux d'éducation atteints sur la croissance économique ainsi que leur impact sur les autres variables économiques et sociales. Dans l'étude réalisée en 2001, nous constatons que les résultats pour l'Afrique subsaharienne sont partiels puisque le calcul par niveau d'étude a été réalisé à partir de données émanant de seulement 22 pays. Pour le calcul à partir des acquis d'apprentissage, l'Afrique subsaharienne n'a pas non plus été reprise faute de données disponibles. Ces travaux sont importants, car comme nous l'avons constaté, la dimension éducation de l'IDH, indice de développement humain, est mesurée à partir des travaux récents de ces mêmes auteurs (PNUD, 2010 : 162).

1.2. Analyse de la pertinence

La relation entre l'éducation et la croissance est complexe

N. Henaff, dans son article publié en 2006, remet en question l'apport des théories économiques dans un contexte de développement. Elle rappelle que l'apport de l'économie va consister à donner un sens à la relation de causalité entre l'éducation et le développement en postulant que l'éducation produit du développement et que la relation observée historiquement (dans les pays Occidentaux et d'Asie) est reproductible, faisant ainsi de l'éducation un instrument de développement. En faisant référence à plusieurs études empiriques, elle démontre que le lien de causalité n'est pas systématiquement reconnu et que ce lien peut être inversé. De plus, elle rappelle que la question des rendements privés ne fait pas l'unanimité.

Dans leur livre, V. Vandenberghe et O. Debande (2008) remarquent également que, s'il y a une relation étroite entre le niveau d'éducation et le niveau de PIB, cela ne signifie pas qu'il y a un lien de causalité fort et que celui-ci va de l'éducation vers la croissance. De leur point de vue, le sens de la causalité dans la relation l'éducation et la croissance n'est pas à sens unique : « ...est-ce l'éducation qui stimule la croissance ou la croissance qui incite les individus à « consommer » plus d'éducation ? Dans les faits, il est probable que la causalité joue dans les deux sens » (2008 : 67). Ainsi, « l'importance accordée actuellement à l'éducation semble exagérée car une partie de la causalité est artificielle, l'éducation venant après ou à la suite de la croissance économique » (Vandenberghe, 2010-2011). Comme démontré dans notre analyse de l'efficience de la mise en oeuvre de la politique d'éducation, les ressources nationales et internationales sont nécessaires pour financer les systèmes éducatifs. La croissance économique reste un facteur déterminant de l'investissement éducatif comme l'atteste la diminution des volumes suite à la crise financière de 2008 (Unesco, 2011).

La qualité de l'éducation conditionne les effets de l'éducation sur la croissance

Déjà, au moment de l'adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement, L. Pritchett (1999, 2000, 2001) mettait en avant les faibles effets de l'éducation sur la croissance économique des pays les moins développés et pointait la qualité de l'éducation comme un des facteurs explicatifs. Selon lui, le système éducatif a échoué

jusqu'à présent du fait qu'une année supplémentaire d'éducation n'a engendré que peu ou pas de compétences supplémentaires.

A. Hanushek et L. Wöâmann se sont largement penchés sur la question de la qualité de l'éducation et de ses effets sur la croissance. Dans leur article publié en 2008, ils rappellent, qu'au niveau macroéconomique, les études sur les rendements de l'éducation ont été principalement réalisées à partir d'une approche quantitative en se référant aux niveaux d'éducation ; or, la qualité est très importante «Ignoring quality differences very significantly misses the true importance of education for economic growth» (2008 : 4).

En 2007, ils ont réalisé une étude pour le compte de la Banque mondiale à partir des plus récentes bases de données disponibles pour 50 pays. L'évolution des taux de croissance réels par habitant entre 1960 et 2000 a été croisée avec l'évolution des années de scolarisation, les scores en mathématiques et en sciences obtenus à différents tests internationaux (PISA, TIMMS...) (Hanushek et Wöâmann, 2007a). Les variations de résultats au sein des pays ont été croisées avec d'autres facteurs de croissance reconnus. Les principaux résultats sont synthétisés comme suit: le rôle de la qualité de l'éducation est significativement plus important dans les pays à faible revenu malgré le peu de données disponibles pour les pays en développement (2007a : 36), les rendements de l'éducation croissent avec la qualité (2007a : 36), tant l'éducation pour tous que l'éducation des top performers jouent un rôle significatif sur la croissance (2007a : 39) et enfin, la qualité de l'éducation exerce un rôle positif sur la croissance économique indépendamment de la qualité des institutions mesurées en termes d'ouverture au commerce international et de protection contre l'expropriation (2007a : 41).

Ils concluent dans ces deux publications que les connaissances cognitives, plutôt que le maintien à l'école, sont étroitement liées à une croissance à long terme. La qualité de l'éducation a un effet beaucoup plus grand sur les rendements privés, sur la distribution des revenus et sur la croissance économique. Les politiques devraient accorder une attention plus grande à la qualité des écoles. Cependant, les effets sont complémentaires à la qualité des institutions économiques et le processus est lent (2007, 2008).

Le contexte et les autres politiques sectorielles conditionnent les effets de l'éducation sur la croissance

Dans son article publié en 2001, L. Pritchett expose le paradoxe entre les effets de l'éducation au niveau microéconomique et au niveau macroéconomique. Au niveau microéconomique, le lien entre l'augmentation du niveau d'éducation et l'augmentation des revenus semble universel et il conduit par extension à une croissance économique. Au niveau macroéconomique, les données suggèrent plutôt que l'éducation n'a pas engendré de manière uniforme un impact significatif sur la croissance pour trois raisons :

- le capital éducatif supplémentaire créé a été utilisé à des fins privées, il a engendré une rémunération privée sans engendrer une activité socialement productive; en d'autres termes, il s'agit d'une forme de « piratage » de l'investissement public consenti ;

- le rendement de l'éducation a décliné rapidement du fait d'une faible croissance de la demande d'une force de travail éduquée sur le marché du travail;

- et la faible qualité de l'éducation déjà évoquée plus haut.

Ces éléments, non exclusifs, peuvent être présents à des degrés divers dans chaque pays.

Les réflexions de Ph. Hugon vont dans le même sens :

« Les revenus et les emplois sont plus liés à des positions dans des réseaux de pouvoir qu'à la contribution à la création de richesses, d'où une mauvaise utilisation des compétences et une décapitalisation des savoirs... À défaut de formation du capital productif et de milieu valorisant les connaissances, la scolarité peut conduire à une évasion des connaissances, à un analphabétisme de retour ou à un exode des compétences » (Hugon, 2005 : 17).

Enfin, nous pouvons rappeler qu'en économie du développement, l'éducation et la santé ne sont qu'un déterminant de la croissance. Les caractéristiques qui distinguent les économies à la croissance rapide de celles qui se développent plus lentement ont fait l'objet d'études (Perkins et al., 2006 : 101-110)25. Au côté de l'investissement dans la santé et l'éducation, les facteurs déterminants sont :

25 En préalable, ils rappellent les causes immédiates de la croissance économique qui sont l'accumulation des facteurs (accumulation d'actifs productifs supplémentaires) et la croissance de la productivité qui provient de rendements accrus de nouvelles techniques. Le maintien de la croissance économique passe par la capacité à générer de nouveaux investissements et par la garantie de la productivité. Ils citent comme référence les travaux de l'économiste R. Barro au début des années 1990 qui tentent d'expliquer les variations des taux de croissance entre les pays. Parmi ces variables, on retrouve les niveaux d'éducation et de la santé au côté des choix politiques, des dotations des ressources...Ils

- la stabilité macroéconomique et politique en réduisant les risques pour les investisseurs (les guerres civiles entraînent une régression du PIB) ;

- la gouvernance, les institutions politiques et les institutions efficaces en lien avec le marché (institutions génératrices comme le droit de régulation, de stabilisation, de légitimation comme la protection sociale) ;

- l'environnement favorable à l'entreprise privée : la politique agricole, la réglementation des affaires, l'investissement public, le secteur informel, l'ouverture au commerce international, la politique commerciale et réglementaire ;

- la géographie favorable: les caractéristiques des pays tropicaux, les pays enclavés.

Pour l'Afrique subsaharienne, nous constatons que chacun de ces éléments est absent ou présent à des degrés très divers.

Les régressions réalisées par A. Hanushek et L. Wöâmann (2007b) tendent à conforter ces constats. Réalisée à partir de l'actualisation de bases de données relatives à 92 pays visant à démontrer la relation entre les années de scolarisation et la croissance économique, la régression montre que chaque année de scolarisation est significativement associée à un taux de croissance de long terme de 0,58% supplémentaire et que cette relation est significativement plus positive pour les pays hors OCDE avec un taux de 0,56% contre 0,26% pour les pays de l'OCDE. Cependant, cette relation devient insignifiante lorsque l'on intègre les variables de contrôle liées à l'ouverture au commerce international, la sécurité des droits de propriété et au taux de fertilité (2007b : 22). D'où, un de leurs constats : «good institutional quality and good educational quality can reinforce each other in advancing economic development>> (2007b : 43).

Les remises en question des théories économiques et la validité des études empiriques

Les problèmes méthodologiques inhérents aux théories et aux études empiriques sont régulièrement évoqués pour relativiser l'impact de telle ou telle autre étude. N. Henaff (2006) rappelle que, « les choix de modélisation sont déterminants pour les résultats obtenus >> (2006 : 75) et mentionne les travaux de P.N. Teixera (2000) qui

rappellent aussi que « les recherches de ce type ont été contestées, et l'on est loin d'atteindre un consensus sur le groupe précis des variables influant sur la croissance » (2006 : 101).

débouchent sur la mise en évidence de problèmes techniques (sources de données...), de problèmes liés aux choix effectués (variables, données utilisées, méthodes d'estimation...) et à leur justification (reflet des positions des auteurs). V. Vandenberghe et O. Debande (2008) attire également l'attention sur les problèmes liés à la qualité des données et les difficultés inhérentes aux concepts et aux méthodes d'analyse (2008 : 69). Dans son rapport 2010, l'Unesco aborde ce sujet en attirant notre attention sur la surestimation possible des données administratives. A titre d'exemple, le taux de scolarisation et de fréquentation par âge était à l'âge de 7 ans au Sénégal de 58% selon l'enquête sur les ménages et de 77% selon les données administratives (Unesco, 2010 : 65).

A. Hanushek et L. Wöâmann remettent en cause l'indicateur quantitatif lié aux années d'éducation en pointant le problème de l'équivalence des contenus enseignés par année dans chaque pays de par le monde et en signalant que cet indicateur ne tient pas compte des connaissances acquises en dehors de la sphère scolaire (2007b).

A. Vinokur met en exergue le lien étroit entre la mesure de la qualité en éducation et l'introduction d'une logique de marché dans les services non marchands. L'enseignement et la qualité de la force de travail sont devenus des indicateurs pertinents dans les rapports internationaux de compétitivité qui classent les territoires en fonction de leur attractivité pour les capitaux (2008 : 3). Le Global Competitiveness Index dans The Africa Competitiveness Report 2011 reprend l'éducation primaire et la santé comme 4ème pilier en tant qu'exigences de base au côté des institutions, de l'environnement macroéconomique et des infrastructures. L'éducation supérieure et la formation représente le 5ième pilier en lien avec les « rehausseurs » d'efficacité (World Economic Forum et al., 2011 : 31-32).

Nous pouvons ajouter que la plupart des études empiriques, et particulièrement celles incluant des critères de qualité, sont réalisées à partir de données partielles. Pour les pays en développement, les conclusions sont, de ce fait, à considérer avec réserve.

Plus fondamentalement, N. Henaff pose la question de la frontière entre la théorie et la doctrine (2006). Nous notons effectivement que parmi les quatre orientations prioritaires pour augmenter la compétitivité des pays africains dans The Africa Competitiveness Report 2011, deux concernent les compétences managériales et l'enseignement supérieur et l'entrepreneuriat féminin. Celles-ci font directement référence à la théorie de la croissance endogène, aux études empiriques qui s'y

rattachent, à l'expérience des pays asiatiques en matière d'éducation et aux théories démographiques. Les deux autres sont la diversification des produits et des marchés et le tourisme au travers de la culture et les ressources naturelles (World Economic Forum et al., 2011 : XIV). Ce rapport a été rédigé, à l'exception d'un expert en tourisme, exclusivement par des économistes.

Faut-il le rappeler également, les théories de référence ont été définies au Nord et servent de référence pour une application au Sud.

En conclusion, l'éducation ne produit pas à elle seule de la croissance économique, par contre, la croissance économique stimule significativement les investissements éducatifs et appuient ainsi les politiques d'éducation adoptées à un niveau international (Unesco, 2011). De cette brève présentation, nous déduisons que si l'éducation joue un rôle positif sur la croissance, et plus particulièrement l'éducation primaire, il s'agirait plutôt, pour les pays à faible revenu et pour l'Afrique subsaharienne, d'un <<rapport vertueux conditionné ou sous contrainte >> contrairement à l'affirmation selon laquelle << l'éducation entretient un rapport vertueux avec la croissance >> (Perkins et al., 2006 : 107). En d'autres termes, une meilleure éducation contribue à la croissance et la croissance engendre des ressources permettant de financer des systèmes éducatifs plus solides à condition que l'environnement institutionnel, économique et social soit également de qualité et porteur.

V. Vandenberghe et O. Debande résument fort bien ce fait en signalant que deux problèmes sont à ce jour non résolus : la qualité des systèmes éducatifs et la qualité des autres secteurs. Ils relativisent le lien entre l'éducation et la croissance en parlant de << l'existence potentielle d'une relation positive entre l'efficience de la production de l'éducation et l'efficience dans d'autres secteurs de l'économie >> (2008 : 69). Et nous pouvons compléter en nous appuyant sur une réflexion de N. Altinok. S'il s'agit d'une question de qualité, << Il resterait alors à déterminer les facteurs pouvant améliorer la qualité de l'éducation et entraîner ainsi la croissance économique des pays>> (Altinok, 2006 : 19).

2. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

2.1. Evolution des indices de développement humain

Du point de vue du développement humain, le premier Rapport sur le développement humain a été publié en 1990 par le PNUD et repose sur une nouvelle mesure composite, l'IDH, Indice de Développement humain, au côté du PIB, rendant mieux compte de la situation de développement d'un pays ou d'une région (PNUD, 2010). Deux précurseurs, Mahbub ul Haq, Pakistanais, et Amartya Sen, Indien, en sont les créateurs avec d'autres penseurs du développement. Leur objectif a été de replacer au centre des politiques de développement la personne humaine. La vision originale reposait sur l'idée que « Le revenu est bien entendu crucial: sans ressources, tout progrès est difficile. Mais il est également essentiel de savoir si les gens ont la chance de vivre une vie longue et en bonne santé, s'ils ont ou non accès à une éducation et s'ils sont libres d'utiliser leurs connaissances et leurs talents pour façonner leurs propres destinées » (PNUD, 2010b : ii).

Le RDH 2010 présente trois nouvelles mesures intégrant « les avancées récentes de la théorie et de la mesure » et réaffirmant « la centralité de l'inégalité et de la pauvreté dans le cadre d'analyse du développement humain » (PNUD, 2010b : 1). A la mesure de l'IDH s'ajoute l'IDHI ajusté aux inégalités, l'IPM, Indice de pauvreté multidimensionnelle26, et l'IIG, Indice d'inégalité de genre. Les composantes par mesure sont schématisées dans la note technique (PNUD, 2010 : 239). Pour rappel, l'éducation est une composante de chaque indice et est mesurée à partir de la durée moyenne et la durée attendue de scolarisation.

L'évolution du développement humain dans le monde peut se résumer comme suite :

- des progrès significatifs ont été réalisés dans les pays à faible IDH et en Afrique

subsaharienne avec un taux de progression de respectivement 27% et 21% ;

- cette progression s'explique surtout par la progression des deux composantes de

l'éducation et de la santé et explique ainsi le processus de rattrapage constaté

(PNUD, 2010 : 37) ; pour la composante éducation, le groupe IDH faible

26 L'IPM comprend trois composantes auxquelles sont attachées 10 indicateurs. Il faut rencontrer 2 à 6 déprivations (indicateurs) pour qu'un ménage soit reconnu comme appartenant à cette catégorie (PNUD, 2010 : 113)

enregistre des taux de progression de 52% et 43% et l'Afrique subsaharienne enregistre des taux de progression de 43% et 42% ;

- par contre, pour la composante revenu, l'écart se creuse, s'il y a une progression mondiale de 47%, l'Afrique enregistre une croissance de 28% ; en complément, le RDH 2010 mentionne une progression entre 1970 et 2010 de 2,3% dans les pays développés et de 1,5% dans les pays en développement (2010 : 52).

La situation en 2010 nous montre que c'est dans les pays à faible IDH et en Afrique subsaharienne que les inégalités dans les trois composantes de l'IDH restent les plus fortes. Pour l'année 2010, la perte entre l'IDH et l'IDHI est de 40,8% pour le groupe IDH faible et de 32,8% pour l'Afrique subsaharienne. En complément pour l'Afrique subsaharienne, c'est dans la composante revenu que l'inégalité est la plus forte avec un pourcentage de 45% (PNUD, 2010 : 105).

Tableau 3.5. : Mesures du développement humain en 2010 et de son évolution depuis 1990

 

Evolution de l'IDH
% de changement de 1990-2010

Indices en 2010

 

IDH

Espérance de vie

Alpha- bétisation

Scola- risation brute

Revenu

IDH

IDHI

Perte entre IDH et IDHI

IIG

Monde

18%

7%

15%

20

47%

0,624

0,489

21,7%

0,560

Développés OCDE

7%

6%

1%

14%

38%

0,879

0,789

10,2%

0,317

Pays moins
développés

 

/

/

/

/

0,386

0,263

31,9%

0,746

Groupe IDH faible

27%

11%

52%

43%

44%

0,393

0,261

40,8%

0,748

Afrique subsaharienne

21%

7%

43%

42%

28%

0,389

0,261

32,8%

0,735

(Source : PNUD, RDH 2010, p. 34, 170, 179)

En ce qui concerne l'IPM, le rapport RDH 2010 mentionne que cette mesure est particulièrement adaptée aux pays les moins développés. Selon cette mesure, un tiers de la population de 104 pays, soit 1,75 milliard d'individus souffre de pauvreté multidimensionnelle ; ce qui est supérieur au 1,44 milliard de personnes vivant avec moins de 1,25$/jour et inférieur au 2,6 milliards de personne vivant avec moins de

2$/jour. (PNUD, 2010 : 114-115). En Afrique subsaharienne, 65% de la population souffrent de pauvreté multidimensionnelle. Mais en comparaison avec les autres régions du monde, c'est en Asie du Sud que le pourcentage est le plus élevé atteignant 51% contre 28% pour l'Afrique subsaharienne (PNUD, 2010 : 116-117).

Le RDH 2010 relève aussi la faiblesse du lien entre la croissance du PIB par habitant et les changements en matière d'éducation et de santé. A partir de ce constat, le 20ème rapport RDH remet en question le dogme de la croissance économique et de l'économétrie de la croissance à partir duquel les politiques se fondent. Malgré tout, il réaffirme le dogme du développement humain indépendamment des résultats et des situations d'extrême pauvreté. Le développement humain est une question de bien-être qui dépasse la question de l'argent. Basé sur l'idée que < les gens doivent choisir et poursuivre la vie qu'ils souhaitent >>, l'accès à l'éducation, la capacité de vivre en bonne santé et de prendre part à une société respectueuse de chaque individu sont autant d'autres éléments à prendre en considération (PNUD, 2010 : 133).

Figure 3.1. : Lien entre croissance des revenus et l'IDH non monétaire

(Source : PNUD, RDH 2010, p. 57)

En ce qui concerne l'autonomisation et à la liberté des gens c'est-à-dire < la capacité des individus et des groupes à soutenir, concevoir et utiliser les processus politiques et d'autres processus de développement au sein des ménages, des communautés et des divers pays >>, le RDH 2010 met en évidence qu'elle fait partie intégrante du développement humain. De l'enquête réalisée auprès de la société civile, 76% affirmait que l'autonomisation faisait < au plus haut point>> partie intégrante du

développement humain. La dimension alphabétisation et éducation apparaissait en premier comme dimension essentielle avec un taux de 66% (PNUD, 2010 : 136).

2.2. Analyse de la pertinence

Les apports et limites de l'approche par le développement humain

Cette approche recentre les enjeux du développement autour du bien-être de l'individu. L'approche par les capabilités développée par A. Sen a émergé fin des années 80, période se soldant par l'échec des programmes d'ajustement structurel. Elle a le mérite de réintégrer la dimension sociale dans les politiques de développement.

Cette approche rééquilibre les dimensions économique et sociale et parle de < capacité humaine » plutôt que de capital humain. Bien que < les deux orientations placent l'humain au centre des préoccupations... les tenants du <capital humain » tendent à privilégier la fonction d'agents des individus pour autant que celle-ci favorise les possibilités productives... la perspective des capacités met en avant la faculté qu'ont les gens de vivre la vie qu'ils souhaitent et qu'ils ont raison de souhaiter et l'amélioration des choix à leur disposition, pour y parvenir » (Sen, 1999, p. 383). Le capital humain, de son point de vue, n'est qu'un versant de la problématique des capacités humaines, il est associé aux conséquences indirectes des projets de la personne, c'est-à-dire contribuer à une production ou créer une valeur d'échange sur le marché ; les conséquences directes liées aux projets de la personne étant de contribuer à enrichir son existence.

Elle rappelle aussi les finalités élargies de l'éducation < les bénéfices de l'éducation vont au-delà de leur apport au capital humain dans la production de bien » (Sen, 1999, p. 384). D'une même éducation, d'une part, un individu peut tirer avantage de son gain de productivité, de sa valeur de production par un revenu accru et d'autre part, il peut tirer d'autres avantages issus de la lecture, de sa capacité à communiquer, à argumenter, à s'informer, être pris au sérieux. De son point de vue, le concept de capital humain ne se suffit pas à lui-même car on ne peut réduire l'homme à un moyen de production.

Cette approche donne une vision très positive et respectueuse de la personne humaine et de son potentiel par le biais de la promotion des libertés et de l'autonomisation. L'approche d'A. Sen propose d'évaluer la qualité de vie et les politiques économiques et sociales non pas du point de vue de l'utilité, des ressources, des biens premiers ou des résultats mais plutôt à partir de l'ensemble des opportunités

d'atteindre des résultats, c'est-à-dire << des opportunités réelles qui s'offrent aux individus de mener le type de vie qu'ils ont choisi >> (Bertin, 2008 : 7). Dans cette perspective, l'éducation est donc essentielle car elle permet à chaque individu de révéler ses potentialités.

Plusieurs critiques sont adressées à l'approche par les capabilités. Le caractère arbitraire et subjectif de l'évaluation de la liberté, le caractère individualiste de l'approche alors qu'une imbrication des << capabilités >> individuelles et sociales est en jeu dans les phénomènes de pauvreté et enfin, son caractère statique (Reboud, 2008 : 64-66).

En complément, nous pourrions ajouter que cette approche est aussi, de notre point de vue, très, voire trop responsabilisante pour de l'individu. Elle s'inscrit, même si elle s'en défend, dans la lignée de la théorie du capital humain de par les rendements et les externalités positives qui en découlent.

La pertinence des indices associés au développement humain

L'approche par le développement humain et les indices qui en découlent permettent d'avoir une vision élargie et plus nuancée de l'état de développement d'un pays. Il reflète mieux la << vraie richesse des nations>> comme l'informe le titre de ce 20ème rapport. Il donne un autre regard sur le monde que celui apporté par le PIB. Ainsi, la mesure initiale qu'est l'IDH <<donne une image du développement bien plus nette en nous appuyant sur des mesures reflétant une conception plus large du progrès >> (PNUD, 2010 : 32).

Les trois nouvelles mesures, l'IPHI, l'IPM et l'IIG, rendent mieux compte des situations d'inégalité et de pauvreté en se rapprochant des situations de vie (PNUD, 2010 : 239). L'IPM est une nouvelle mesure très intéressante car elle dépasse l'approche par la pauvreté vue sous l'angle de la pauvreté monétaire. La dimension santé est déclinée en deux indicateurs, la nutrition et la mortalité infantile. La dimension niveau de vie comprend 6 indicateurs, le combustible de cuisson, les toilettes, l'eau, l'électricité, le sol et les équipements. La dimension éducation est mesurée à partir des indicateurs correspondant aux années de scolarité et au nombre d'enfants inscrits.

Cependant, nous devons constater que, si l'IDH s'est enrichi pour se décliner en plusieurs indices, la répartition entre les trois composantes de base, que sont la santé,

l'éducation et le niveau de vie, restent équivalentes dans chacun des nouveaux indices. En ce qui concerne la dimension éducation, si les deux indicateurs rendant compte de la dimension éducation ont été modifiés depuis cette année pour se rapprocher des tendances actuelles, la qualité n'est toujours pas reprise comme un indicateur mais il est vrai que les données manquent à ce sujet. D'aucuns affirment aussi que si l'IDH permet d'aboutir à une proportion entre les trois dimensions à un niveau agrégé, il ne permet pas d'intégrer ses trois dimensions à un niveau individuel.

L'IIG, quant à lui, tient compte de trois dimensions particulières : la santé, l'autonomisation et le marché de l'emploi. Bien que la question spécifique des femmes dans les pays en développement, à laquelle se rattachent celles de la santé, de la fécondité et de la pauvreté, fasse l'objet d'une préoccupation particulière dans l'approche par les capabilités, cette question sera traitée au point suivant relatif aux effets de l'éducation sur la lutte contre la pauvreté.

Développement humain et croissance économique

Alors qu'en 2003, le PNUD présentait encore son diagramme établi en 1996 (voir page suivante) exposant schématiquement le rapport vertueux entre les services sociaux (l'éducation et la santé) et la croissance, le RDH 2010 remet en cause les liens entre les trois dimensions du développement humain.

L'analyse de l'évolution des composantes de l'IDH nous enseigne que la progression du développement humain est tirée par les composantes de la santé et de l'éducation et non par la composante du revenu. Elle nous enseigne surtout qu'une amélioration dans ces deux dimensions n'a pas entraîné dans son sillage une amélioration équivalente du niveau de vie des habitants d'un pays, particulièrement en Afrique subsaharienne.

A l'inverse, les rapports entre la croissance des revenus et les variations de l'IDH et de l'IDH non monétaire nous enseignent qu'une augmentation de revenus n'entraîne pas automatiquement une augmentation des investissements dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ces constats nous renvoient aussi à l'approche par les capabilités et aux conditions de sa réalisation. Comme le mentionne A. Bertin, trois institutions sont au coeur de cette approche et permettent d'offrir à l'individu des garanties « d'égalité de capabilités »: le marché qui permet les opportunités économiques (acheter, vendre, échanger), l'Etat qui permet les opportunités sociales, régule l'économie et garantit la démocratie, et la démocratie qui est, du point de A. Sen, le seul système basé sur une

égalité de traitement entre les individus et le respect des libertés inconditionnelles (2008 : 10). Malheureusement, dans les pays en situation d'extrême pauvreté et particulièrement en Afrique subsaharienne, force est de constater que ces trois <<institutions » posent des difficultés à des degrés divers. Dans cette lignée, le rapport RDH 2010 mentionne que << différentes combinaisons peuvent avoir différents résultats, en fonction du cadre institutionnel et de contraintes structurelles... les chemins qui mènent au progrès sont fonction des conditions institutionnelles, politiques et historiques des différents pays » (2010, 177).

Par ailleurs, le rapport 2010 nous rappelle le rôle élargi de l'éducation, notamment en faveur de l'autonomisation et de la liberté des gens.

Figure 3.2. : Développement humain et croissance

(Source : Rapport sur le développement humain 2003, PNUD 2003 : 70)

En conclusion, la prise en compte de la dimension éducation dans le développement humain relève davantage d'une option initiale. Dans les faits, le 20ème rapport sur le développement humain démontre qu'il n'y a pas de réel cercle vertueux entre les services de base et une augmentation des revenus et du bien-être. La pauvreté dans des pays à IDH faible et en Afrique subsaharienne semble davantage liée aux deux autres dimensions que sont la santé et le niveau de vie, défini en termes de déprivations. La pertinence de l'investissement éducatif pour la croissance des revenus n'est pas démontrée ou, à tout le moins, elle est conditionnée à l'environnement institutionnel, politique et historique.

En réponse, le RDH 2010 s'éloigne de l'indice de développement humain initial en proposant une lecture élargie du développement humain à partir de 4 mesures empiriques que sont le niveau moyen actuel, la déprivation, la vulnérabilité et l'inégalité (2010 : 101). L'éducation pourrait peut-être ainsi trouver une plus juste place dans cette approche.

3. ANALYSE DE LA PERTINENCE POUR LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

3.1. Evolution de l'objectif OMD 2 et de l'objectif OMD 1

Dans cette section, nous proposons de nous interroger sur le lien entre l'objectif OMD 2 et l'objectif OMD 1 visant à éradiquer l'extrême pauvreté et la faim.

Pour rappel, trois cibles sont définies auxquelles correspondent les indicateurs qui ont été rappelés dans la section relative à la définition des concepts au chapitre premier du mémoire. Il s'agit des cibles :

- Cible 1A : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour

- Cible 1B : Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif

- Cible 1C : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim.

Evolution des indicateurs de la cible 1A de l'objectif OMD 2 et des indicateurs d'accès à l'éducation de l'objectif OMD 1

La proportion de la population vivant avec moins de 1,25 $/jour en Afrique subsaharienne s'est améliorée en passant de 1990 à 2005 de 58% à 51%, soit un gain de 7%. Cette progression est cependant moins significative que la moyenne mondiale qui passe de 46% à 27%. Les progrès les plus significatifs ont été enregistrés dans plusieurs régions d'Asie. L'Afrique subsaharienne reste la région du monde où ce taux est le plus élevé. Le chemin à parcourir pour atteindre les 29% à l'échéance de 2015 initialement déterminés reste encore long avec 22 points d'écart. Parallèlement, l'indice d'écart de pauvreté à 1,25$ par jour a également évolué positivement passant de 26% à 21%.

Comparativement, l'évolution du taux net de scolarisation dans le primaire a progressé plus significativement en passant de 58% à 76%, soit une progression de

18%. Le taux net de scolarisation a, quant à lui, atteint 91% dans le cycle primaire mais a régressé de 83% à 79% dans le secondaire et dans le tertiaire passant de 71% à 67%.

Tableau 3.6. : Evolution de la pauvreté en Afrique subsaharienne de 1999 à 2005

(Source : PNUD, 2010 : p. 6, 20)

Tableau 3.7. : Evolution de la scolarité en Afrique subsaharienne de 1999 à 2008

(Source : PNUD, 2010 : p. 16, 20)

Le rapport OMD 2010 ne donne pas de chiffres globaux. En valeur absolue, les estimations de Sh. Chen et M. Ravillion sont moins réjouissantes. Si en pourcentage, les chiffres ont diminué, en valeur absolue, les chiffres ont augmenté. La population d'Afrique subsaharienne vivant avec moins de 1,25$ a augmenté entre 1990 et 2005 passant de 299,1 millions à 390,6 millions, celle vivant avec moins de 1$ a également augmenté, passant de 245,2 millions à 304,2 millions. Dans le monde, la population vivant avec moins de 1$ par jour est passée de 1286,7 millions à 876 millions et celle vivant avec moins de 1,25$ par jour est passée de 1813,4 millions à 1376,7 millions (2008 : 44).

Par ailleurs, malgré la crise de 2008, le rapport OMD 2010 estime que dans les régions en développement, l'objectif de la réduction de moitié de la pauvreté sera atteint, le taux de pauvreté global devant tomber à 15%. « Toutes les régions en développement devraient atteindre la première cible des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), à l'exception de l'Afrique subsaharienne, de l'Asie de l'Ouest et de certaines régions d'Europe de l'Est et d'Asie centrale. Les déficits dans ces régions sont le reflet d'une croissance lente en Afrique subsaharienne dans les années

1990 d'une part et de la transition d'une économie planifiée à une économie de marché qui a vu la pauvreté progresser » (PNUD, 2010 : 7).

Evolution des indicateurs de la cible 1B de l'objectif OMD 2 relatif à l'emploi

Pour l'Afrique subsaharienne, la proportion de travailleurs installés à leur propre compte et de travailleurs familiaux non rémunérés dans les effectifs totaux a diminué entre 1998 et 2008, passant de 82% à 75% pour remonter en 2009 suite à la crise à une estimation de 77%. Durant cette même période, la proportion de personnes ayant un emploi et vivant avec moins de 1,25 dollar par jour est passée de 67% à 58% mais le rapport estime également que ce pourcentage devrait remonter en 2009 à 64%. Le rapport mentionne également une stagnation du ratio emploi/population autour de 64% - 65% (PNUD, 2010 : 9).

Tableau 3.8. : Evolution du profil des emplois travailleurs en Afrique subsaharienne

(Source : PNUD, 2010 : p. 8, 10)

Evolution des indicateurs de la cible 1C de l'objectif OMD 2 liés à la faim et comparaison avec le profil des enfants non scolarisés

La proportion de la population dénutrie en Afrique subsaharienne est passée entre 1990-1992 et 2005-2007 de 31% à 26%. Dans le monde en développement, elle a diminué dans la même proportion passant de 20% à 16%. Les progrès les plus significatifs ont également été enregistrés dans certaines régions d'Asie. L'Afrique subsaharienne reste la région du monde où ce taux est le plus élevé. Le chemin à parcourir pour atteindre l'objectif de 16% à l'échéance de 2015 initialement déterminé est de 10 points d'écart. Parallèlement, le ratio urbain/rural n'a guère évolué en Afrique subsaharienne, il est passé de 1,5 à 1,4 de 1990 à 2008.

Comparativement, si l'évolution du pourcentage d'enfants non scolarisés a également diminué en zone rurale passant de 31% à 27% entre 2000 et 2008, il reste significativement plus élevé par rapport aux pourcentages d'enfants non scolarisés en zone urbaine où il a moins diminué mais est au niveau respectivement de 15% à 14%.

Tableau 3.9. : Evolution de la population dénutrie et profil des enfants non scolarisés en Afrique
subsaharienne

(Source : PNUD, 2010 : 12, 13, 18)

Deux autres indicateurs méritent d'être mis en avant dans cette section. Actuellement, plus de 42 millions de personnes sont déplacées dans le monde. (PNUD, 2010 : 15). Parallèlement, le rapport EPT 2011 de l'Unesco nous informait que sur 61 millions d'enfants non scolarisés vivant dans un pays pauvre, 28 millions vivent dans un Etat en guerre. Le taux d'alphabétisme est significativement différent. Dans les pays d'Afrique subsaharienne touchés par un conflit, ils sont de 66% pour les enfants et de 55% pour les adultes, alors que dans les pays à faible revenu et à revenu moyen inférieur non touchés par un conflit, ils sont de respectivement 93% et de 85%27.

27 Le Monde, Dans les pays en guerre, écoliers et enseignants sont devenus des « cibles légitimes », C. Vincent, 2 mars 2011

3.2. Analyse de la pertinence

Des quelques résultats globaux présentés ci-dessus, il ressort d'une part, que les avancées quantitatives dans l'objectif OMD 2 sont significativement plus importantes que dans l'objectif OMD 1 et d'autre part, que le lien entre ces deux objectifs n'apparaît pas en première lecture. Il est difficile d'affirmer que la scolarisation primaire puisse engendrer des rendements privés significatifs dès lors que l'on constate que la situation de l'emploi n'a guère évolué. Le rapport du PNUD ne mentionne pas de lien entre ces deux objectifs, il lie plutôt la réduction de la pauvreté à la croissance économique et aux gains de productivité. Il lie également la précarisation des emplois à la crise économique engendrant ainsi des diminutions de la productivité et donc de revenus. Il lie l'insécurité alimentaire à l'instabilité politique, aux conflits et aux persécutions.

Les situations d'extrême pauvreté et d'instabilités politiques seraient plutôt un frein à l'éducation.

La croissance reste le moteur de la lutte contre la pauvreté

En 2003, le PNUD écrit que << la croissance économique est nécessaire pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, elle permet l'augmentation des recettes fiscales et donc, de libérer des ressources pour investir dans le développement humain » (2003 : 67). Il se réfère, dans l'encadré, aux études économétriques démontrant l'élasticité de la pauvreté au revenu et donc la nécessité d'une croissance économique pour réaliser l'Objectif OMD 1. << Il faut que le revenu par habitant s'accroisse de 41% pour que l'indice numérique de pauvreté recule de moitié... si, en revanche, un pays doit accomplir l'intégralité de cette hausse entre 2003 et 2015, le rythme de croissance annuel requis est bien plus élevé (2,9%) » (PNUD, 2003 : 67).

Mais cette élasticité du taux de pauvreté à la croissance dépend aussi des différences initiales dans le niveau de développement et des inégalités de revenu dans un pays (Epaulard, 2003). Pour l'Afrique, cette élasticité est de l'ordre de -1 pour un taux de pauvreté de 2$ par jour; ce qui signifie qu'il faudrait un taux de croissance par habitant de 50% correspondant à une croissance de 4,2% du PIB par habitant pendant 10 ans. Par ailleurs, il ressort de l'étude de A. Epaulard que l'évolution des inégalités de revenus en période de croissance pour les pays en développement ne va pas systématiquement en

s'amplifiant dans les premières phases comme l'hypothèse de Kuznets le présuppose. Il y a donc une place pour des politiques macroéconomiques et sectorielles favorisant une croissance pro-pauvres même si les données manquent à ce jour pour mesurer les effets de ces mesures. Ainsi, << la plupart des études empiriques peinent à identifier un lien (positif ou négatif) entre les politiques macroéconomiques et l'efficacité de la croissance à réduire la pauvreté » (2003 : 19).

La croissance est donc bien liée à la lutte contre la pauvreté. En 2003, l'OCDE publiait un document de synthèse sur la politique de croissance pro pauvre.

Dans le contexte de la mondialisation, un des facteurs importants de la politique macroéconomique actuelle est l'ouverture des économies. S. Mesplé-Somps critique cette approche et propose une approche à l'échelle nationale voire locale (2008). Les études empiriques montrent que la politique commerciale n'est pas le levier le plus important pour réduire la pauvreté et que << La question du lien entre la globalisation et la pauvreté intra-pays est aussi une question empirique. Les effets statiques et distributifs de l'ouverture ne bénéficient pas toujours aux pauvres. Cela dépend du type d'ouverture subie, de la spécialisation des pays, du degré de mobilité des facteurs, de la capacité des pauvres à ajuster leurs comportements et des politiques d'accompagnement (politique d'éducation, de transports, de flexibilité des marchés...)» (Mesplé-Somps, 2008). De son point de vue, le meilleur canal de réduction de la pauvreté serait la croissance macro-économique au sein même des pays avec comme ingrédients de trouver les moteurs de croissance plutôt que l'inscription dans un processus de globalisation. Les travaux empiriques actuels en économie semblent aller dans ce sens en s'intéressant aux écarts de développement entre les pays aux facteurs historiques, institutionnels et géographiques. Cependant, nous constatons que les ingrédients pour éviter des trappes à pauvreté restent les mêmes : lutter contre les inégalités, améliorer l'accès à l'éducation et à la santé, améliorer l'accès des pauvres aux marchés (de produits et du crédit).

L'investissement éducatif engendre surtout des rendements privés

De l'étude réalisée par E. Duret, M. Kuepir, Ch. Nordman et F. Roubaud en 2005 ayant pour but d'analyser l'efficacité économique externe de l'éducation à partir de la situation de ménages issus de 7 métropoles de l'Afrique de l'Ouest, il ressort que :

- « l'investissement en capital humain n'est pas toujours un ticket pour l'emploi et il reflète l'état de dégradation dans lequel se trouve les marchés du travail africains >> (2005 : 14) ;

- le niveau d'instruction permet d'accéder au secteur moderne ou de sortir du secteur informel : 91% des personnes n'ayant pas terminé le primaire exercent dans le secteur informel, ce pourcentage est ramené à 75% pour les personnes en possession du diplôme de primaire, à 50% pour les personnes ayant terminé le cycle secondaire et de 19% pour celles ayant terminé le supérieur ;

- le type d'éducation est important; l'enseignement technique, davantage que l'enseignement général secondaire, permet de sortir du secteur informel, 37% des personnes ayant un diplôme technique travaillent dans le secteur informel contre 50% ayant un diplôme de secondaire ;

- au niveau individuel, les rendements privés sont élevés et l'augmentation des revenus est corrélée à l'augmentation du niveau d'instruction ; par contre, à un niveau agrégé, « il est difficile et délicat d'en déduire l'efficacité intrinsèque de l'investissement en capital humain >> (2005 : 20).

Les origines de la pauvreté ne sont pas du seul fait d'un manque d'éducation

La FAO, Oxfam, les Nations Unies, SOS Faim et le BIT ont, à plusieurs reprises, attiré l'attention sur la nécessité de réinvestir dans les politiques agricoles.

La FAO rappelle que lors du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire le 18 novembre 2009 à Rome, « la communauté internationale s'est engagée à investir davantage dans l'agriculture et à éliminer la faim aussitôt que possible >>28.

Oxfam insiste sur le rôle central de l'agriculture « l'agriculture constitue un secteur clé pour les pays en développement dans la lutte contre la faim et contre la pauvreté. En Afrique de l'Ouest, l'agriculture génère 35 % du PIB, procure 15 % des recettes d'exportation et emploie plus de 70 % de la population active. Pourtant, les trois quarts des personnes qui souffrent de la faim vivent en milieu rural >>. Oxfam France s'est défini trois priorités : investir dans les petits agriculteurs, mettre en place une gouvernance mondiale de l'agriculture et de l'alimentation et l'aide alimentaire en intégrant « les questions de vulnérabilité et de pouvoirs d'achat des populations >>29.

28 FAO, Site Internet consulté le 2 Juin 2011, FAO 2011, http://www.fao.org/news/story/fr/item/37465/icode/

29 Oxfam France, Site Internet consulté le 2 Juin 2011, http://www.oxfamfrance.org/Agriculture-alimentation-etdroits,414

O. De Schutter, en tant que Représentant spécial de l'Onu pour le droit à l'alimentation, rappelle que la pauvreté et la malnutrition sont liées à l'échec de la libéralisation de l'agriculture dans les années 80 qui récompensait les agriculteurs les plus compétitifs. << On a développé l'agriculture dans une direction qui n'a pas bénéficié à tous et qui, au contraire, a contribué à accentuer la pauvreté et les inégalités dans les campagnes ». Une des solutions serait de rompre avec ce cercle vicieux actuel d'importation de denrées alimentaires à bas prix et de migration vers les zones urbaines en définissant une politique de soutien à l'agriculture familiale, en soutenant les petits paysans et << ce qu'il faut faire dans le long terme, qui est effectivement de privilégier des chaînes plus courtes et une relocalisation des systèmes alimentaires »30. Les solutions à la pauvreté sont d'ordre politique, comme sa recommandation au G20 d'encourager les Etats à se doter de stocks régulateurs pour garantir des prix et revenus stables aux agriculteurs, et d'ordre juridique, comme assurer une protection de l'accès à la terre pour les paysans.

SOS Faim a consacré un numéro spécial en 2009 sur les terres accaparées par des investisseurs étrangers et les paysans exclus. Les conséquences pour les populations d'Afrique et d'Asie sont multiples, une perte de l'accès aux terres alors que c'est le fondement sur lequel repose la sécurité alimentaire, une mise en danger des savoirs locaux au profit d'une agriculture industrielle, un risque de détournement des profits au détriment d'un << développement » des communautés locales (SOS Faim, 2009 : 8-9). Parmi les solutions préconisées pour contourner ce problème, il y a le renforcement des capacités de négociation des Etats, la transparence des négociations et l'intégration de ce problème dans les politiques agricoles et de développement rural (SOS Faim, 2009 : 14-15).

Ces positions sont, par contre, à l'opposé de certaines orientations ou constats en économie du développement relatifs aux secteurs à prioriser. Alors que le secteur de l'agriculture engendre des faibles rendements, il tend à être privilégié dans les régions à faible développement. Or, quand une économie se développe, elle se concentre dans les secteurs de l'industrie et des services où les rendements sont plus élevés (Barro et Salai-Martin, 2001 : 49). Ce constat est en lien avec le concept de trappes à pauvreté : << We can think of a poverty trap as a state with low levels of per capita output and capital stock. This outcome is a trap because, if agents attempt to break out of it, then the

30 La Libre Belgique, « On vote trois fois par jour », 27 mai 2011, entretien réalisé par S. Verhest et al.

economy has a tendency to return to the low-level steady state » (Barro et Sala-i-Martin, 2001 : 49).

Le BIT aborde la question de manière plus large sous l'angle de l'emploi. La Commission des experts qui a rédigé le rapport à l'occasion de la 99e session de la Conférence internationale du Travail du BIT recommande de se pencher sur les politiques d'emploi. Il s'agit d' << accroître l'intensité de la composante de l'emploi dans la croissance » dans le secteur << moderne » et surtout, de promouvoir l'emploi en milieu rural grâce au développement de l'agriculture et de l'économie rurale (BIT, 2010 : 173). En Afrique subsaharienne, c'est l'emploi indépendant qui domine dans l'économie informelle urbaine et les petites exploitations agricoles au côté d'un secteur moderne faible. Or, << Malgré la prédominance du secteur agricole dans ces économies, rares sont les pays qui indiquent que les politiques de développement rural et agricole font partie intégrante de leur politique de promotion de l'emploi » (BIT, 2010 : 158).

La position de A. Zacharie, Secrétaire général de la coupole des ONG belges francophones et germanophones31, est similaire. Les OMD permettent de panser les plaies, la lutte contre la pauvreté n'est pas une vraie stratégie de développement économique comme celle développée dans les années 60-70. << Il n'y a plus d'investissement dans les infrastructures, les capacités productives et l'agriculture en est le symptôme. Or, pour répartir les richesses, il faut d'abord les créer, par exemple, en garantissant des emplois décents aux populations du Sud » (La coopération belge au développement, 2010 : 7).

L'impact de l'investissement éducatif dépend de sa capacité à s'adapter aux situations d'extrême pauvreté

N. Henaff, M.-F. Lange et J.-Y. Martin affirment que << C'est seulement en prenant en compte la pauvreté et l'éducation dans toute la complexité de leurs interrelations que l'on peut espérer obtenir des résultats positifs en termes de lutte contre la pauvreté comme de développement de l'éducation ... L'expérimentation en éducation se traduit souvent par des générations sacrifiées » (2009 : 193). S'il est important d'<< assurer une offre d'éducation adéquate sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif, la

31 CNCD - 11.11.11., Centre National de Coopération au Développement, Belgique

question est alors de déterminer comment investir dans l'éducation avec des ressources limitées. La pauvreté se traduit par une contrainte budgétaire serrée, pour les Etats comme pour les collectivités et les communautés >> (2009 : 192).

La mise en place de l'éducation primaire passe par l'adaptation sur le terrain de l'organisation de l'école, par une adaptation des contenus et par la motivation des enseignants. Plusieurs leviers ont été expérimentés visant à réduire les coûts d'opportunité pour les familles et à diminuer le taux d'absentéisme en classe. En sus de l'école gratuite, nous pouvons citer la mise en place de programmes de transfert sociaux conditionnels (le versement d'allocations familiales conditionné à certains comportements), de cantines scolaires gratuites, la distribution gratuite d'uniformes pour les filles et la distribution de bourses au mérite au Kenya (Duflo, 2010 : 23, 26). D'autres études montrent que des actions visant à « améliorer les bénéfices réels ou perçus de l'instruction peut donc aussi être un moyen d'augmenter les taux de scolarisation >> (Duflo, 2010 : 30) des actions en lien avec la santé des enfants et l'information des parents et des enfants sur les bénéfices de l'éducation.

E. Duflo s'est également penchée sur les facteurs facilitant la transmission des savoirs. Elle constate qu'allouer des moyens complémentaires sans adapter les pratiques pédagogiques ni prendre en compte la motivation des enseignants n'engendre que peu d'effets (Duflo, 2010). In fine, il s'agit de l'organisation du système scolaire qui est plus une question d'économie politique (Duflo, 2009).

En rappelant que la production agricole procure 70% des emplois et que 70% des emplois se crée dans l'économie informelle, J. R. Minnis relève que les politiques éducatives devraient être réorientées vers l'éducation non formelle, la formation continue pour adulte et ce, plus particulièrement vers les petits agriculteurs qui constituent la majorité de la population rurale. «Examples of context and situated could include non formal, agricultural extension programs organized to train farmers in more effective use of resources and finance» (2006 : 130). La priorité des gouvernements devrait être une meilleure gestion de la transition entre l'école et le travail. « The criterion of success for economic policies must be improved agricultural production supported by non formal education that does not lead to credentials but to useful skills and knowledge and the development of lifelong learning>> (2006 : 131).

L'impact de l'éducation des femmes sur la lutte contre la pauvreté, la santé et la démographie

Ph. Hugon (2007) rappelle que l'évolution des variables d'éducation, démographiques et de santé se réfèrent à la question essentielle de la pauvreté. En deçà de certains seuils, on peut observer des phénomènes de << trappes à pauvreté », concept qu'il reprend de Leibenstein. L'éducation reste toutefois un support et les politiques éducatives sont à replacer au centre des systèmes sociaux, culturels et économiques dans lesquelles elles s'insèrent.

Dans la lutte contre la pauvreté, l'instruction des femmes est un enjeu majeur, particulièrement en zone rurale. Le rapport du PNUD (2003) reprend un schéma explicatif des effets positifs de l'éducation pour elle, ses enfants et pour la société via les améliorations en matière de santé, la diminution du taux de fécondité et les effets intergénérationnels. Ce dernier élément est d'ailleurs une des externalités positives essentielles dans la théorie du capital humain (Vandenberghe, 2011).

Figure 3.1. : L'instruction et les femmes

(Source : Rapport sur le développement humain 2003, PNUD 2003 : 85)

Le rapport EPT 2011 nous transmet plusieurs messages relatifs aux effets positifs de l'éducation des femmes sur la santé des enfants. Il rappelle qu'un des buts de l'objectif EPT 1 est << de rompre le lien entre pauvreté et désavantage dans la petite enfance » (2011 : 31). << L'éducation des mères est un puissant catalyseur des progrès en matière de santé et d'alimentation des enfants. Plus le niveau scolaire des mères est

élevé, plus leurs enfants ont des chances de survie et moins ils risquent de connaître la malnutrition. A cet effet, l'enseignement secondaire universel pour les filles en Afrique subsaharienne pourrait sauver chaque année jusqu'à 1,8 million de vies » (Unesco, 2011 : 33).

La scolarisation des femmes exerce une influence significative à partir du secondaire par le biais du recul de l'âge du mariage, du recul de la première naissance et de l'utilisation de contraceptifs et l'effet de seuil est important (Hugon, 2007). En moyenne, les femmes ayant atteint au moins le niveau secondaire se marient 4,8 ans plus tard que les femmes analphabètes (Charbit & Kébé, 2006).

Cependant, cet objectif est loin d'être encore atteint en Afrique subsaharienne. L'indicateur de parité dans la scolarisation des femmes et des hommes nous montre que le taux de scolarisation des femmes dans le secondaire reste en-deçà de celui des hommes, il est même redescendu de 83% à 79% entre 1999 et 2008. De plus, d'autres variables interfèrent : la médiation des systèmes économiques, familiaux, culturels et religieux, les régimes démographiques et d'accumulation, l'instabilité et les risques qui caractérisent la société africaine et les politiques publiques (Hugon, 2007). << La scolarisation ne constitue toutefois un facteur de baisse de la fécondité que sous certaines conditions. Le contenu de l'enseignement doit développer une formation adéquate sur la nutrition, sur la santé, sur la sexualité » (Hugon, 2007 : 11). J. R. Minnis nuance aussi en relevant que l'éducation des jeunes filles et des femmes est essentielle pour le développement économique des pays en développement mais s'il n'y a pas d'opportunité d'emploi dans le secteur formel, il n'y a aucune raison que les parents envoient leurs filles à l'école (2006).

A contrario, les variables démographiques exercent une pression sur l'organisation des systèmes éducatifs. << La population scolarisable en âge de fréquenter l'école (6-12 ans) en Afrique est ainsi de trois fois supérieure à celle des pays industrialisés ... Le taux de dépendance entre la population scolarisable et la population d'âge adulte est de l'ordre de 0,5 », l'effort financier pour le primaire y est près de dix fois supérieur << L'éducation pour tous est un mirage qui se déplace au fur et à mesure que l'on croit s'en rapprocher ». (Hugon, 2007 : 4-5).

Dans son document de 2010 intitulé << Priorité à l'alimentation, la FAO et les huit objectifs du Millénaire pour le développement », la FAO, pour l'objectif l'OMD 3 (Promotion de l'égalité entre hommes et femmes et rendre les femmes autonomes),

reprend dans un encadré les raisons pour lesquelles la priorité doit être donnée aux femmes rurales : pour la production agricole, pour la croissance économique, pour la diminution du taux de mortalité des nourrissons et des enfants, pour la diminution de la propagation du VIH-sida, pour la gestion des ressources naturelles et la stabilité de l'environnement... (FAO, 2010 21).

En conclusion, la pauvreté freine la scolarisation et le manque de croissance empêche l'organisation de l'éducation. Les effets de l'éducation sur la croissance et le revenu ne semblent pas démontrés et les investissements dans l'éducation primaire entrent en concurrence avec d'autres priorités essentielles comme le droit à l'alimentation et la santé. Les politiques macro-économiques actuelles semblent avoir oublié le secteur rural, principalement agricole, pour se tourner vers une économie globalisée alors que la dépendance externe rend plus vulnérable aux chocs. La question de l'emploi semble trop restrictive et associée au secteur moderne alors que l'emploi indépendant domine largement. En matière de lutte contre la pauvreté, l'éducation de la femme est placée au centre des préoccupations de par les retombées positive en matière de santé et de fécondité. Ce constat nous amène à formuler la question suivante : Cette politique n'est-elle pas trop responsabilisante tant pour l'éducation que pour la femme elle-même ?

Du point de vue de la qualité de l'investissement éducatif, les coûts d'opportunité, la motivation des enfants et des enseignants, les externalités positives pour les familles, le renforcement du lien avec les opportunités sur le marché du travail local sont autant de paramètres à intégrer dans la définition des politiques éducatives. De plus, le contrôle social ne peut s'exercer correctement. Les populations locales manquent d'expérience de l'école « les parents ne sachant eux-mêmes ni lire ni faire des divisions, ne peuvent vérifier ces compétences directement. Le phénomène de scolarisation massif étant relativement récent, les parents font confiance au système éducatif » (Duflo, 2010 : 39). Du point de vue des objectifs d'éducation, les problèmes liés à la continuité et au degré de réalisme des politiques sont réels avec le risque d'aboutir à un échec du fait du manque de moyens et de délais trop courts (N. Henaff, M.-F. Lange et J.-Y. Martin, 2009). Réduire les inégalités avec une approche quantitative ne semble donc pas un levier efficace de réduction de la pauvreté.

4. ANALYSE DE LA PERTINENCE DU DÉVELOPPEMENT ENDOGÈNE

4.1. Présentation des grands principes et des actions qui s'y rattachent

J.-Ph. Peemans, dans son essai publié en 2002, retrace l'évolution de la pensée dominante sur le développement et en critique les fondements à partir des courants opposés pour aboutir à une définition alternative présentée dans notre premier chapitre.

A l'encontre du développement par la croissance et le progrès, il critique la conception basée sur << un ordre global », un projet universel de modernisation et par la suite de néo-modernisation défini au Nord pour le Sud, porté par les acteurs dominants et auquel il faut se conformer. L'économie mondialisée impose ses normes auxquelles doivent s'adapter les autres composantes du développement, les aspects culturels, sociaux et politiques (2002 : 158). << La pensée véhiculée est un retard par rapport au système productiviste » (Peemans, entretien 17 janvier 2011).

En ce qui concerne le développement humain, il ne l'épargne pas non plus. << Initialement, on aurait pu penser que cette idée allait entraîner une avancée qui permettrait de définir une certaine autonomie du développement par rapport à la croissance globalisée ... dans la pratique ces indicateurs n'ont guère permis d'évoluer au-delà d'une conception du bien-être très fonctionnalisée par rapport à la croissance ». La dimension éducation des indices de développement humain a eu pour effet de créer un consensus autour de capital humain qui relève des théories économiques (2002 : 172).

Quant à la lutte contre la pauvreté et les DSRP, Documents stratégiques de réduction de la pauvreté, mis en place par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, F. Lapeyre souligne que cette nouvelle approche n'est autre que l'expression d'une nouvelle forme de contrôle social et de création d'adhésion au travers d'une démarche participative des populations de plus en plus résistantes au projet néomodernisateur et aux exigences de l'internationalisation de l'économie (----).

En réponse, J.-Ph. Peemans propose un déplacement radical du regard vers les acteurs populaires pour une approche forte en termes de développement humain et durable.

Quelques grands principes de mise en oeuvre du développement endogène

Les grands thèmes liés au développement endogène sont :

- le territoire, l'accès aux ressources, (2002 : 471, 475) ;

- la sécurisation collective et la sécurisation des conditions de vie (2002 : 469, 471) ; la sécurisation des conditions de vie incluant l'éducation au côté de l'alimentation, l'habitat, la santé, la mobilité, le droit à l'emploi et les services de proximité (2002 : 494) ;

- la valorisation du lien social et les moyens d'autocontrôle social à un niveau local (2002 : 471) ;

- la valorisation de l'identité collective (2002 : 473) ;

- différentes formes de gouvernance locale: « démocratie substantive »,

« gouvernance historique », « gouvernance associative » (2002 : 485) ;

- une autre forme d'économie basée sur l'économie sociale et populaire (2002 :

493) ;

- de nouveaux rapports de force entre les « acteurs du bas » défendant des lieux de vie et les acteurs dominants » (2002 : 493) :

- de nouvelles formes de coopération entre le local et le global: le niveau régional infranational comprenant les stratégies intégrées de modes de production durables, la sécurisation des conditions de vie et l'élaboration de « chartes locales et régionales de « développement durable », une relégitimation du rôle de l'Etat et un renforcement des ententes régionales-continentales (2002 : 495- 497).

Un schéma des actions à mener aux différents niveaux d'intervention est proposé en page 498 de son essai.

Le rôle de l'éducation dans le développement endogène

De notre entretien avec J.-Ph. Peemans, nous avons extrait les phrases ci-dessous qui montrent, par elles-mêmes, de l'importance de l'investissement éducatif pour les communautés locales et dans leurs relations avec le niveau global.:

« Oui, nous avons besoin d'écoles, l'école a toujours existé dans toutes les cultures, elle n'est pas une invention occidentale. Pas d'école signifie l'anomie, l'anarchie. Au contraire, il faudrait un système d'éducation de plus en plus fort.

La savoir, la tradition, le maîtrise de la culture participent de la construction de l'identité et s'oppose à l'exclusion. Ce qui est important, c'est la relation entre le savoir et le pouvoir, la nature du savoir en fonction du pouvoir. Le savoir augmente le rapport de force et permet de négocier d'égal à égal. L'enseignement ne peut pas être dissocié de l'éducation.

Or, la politique d'éducation actuelle s'inscrit dans l'idéologie de la modernisation. Au Moyen-âge, le savoir des artisans était très élaboré. Le savoir populaire n'est pas un petit savoir.

Le problème, c'est la déqualification du savoir. Depuis 200 ans, le savoir et le pouvoir des élites sont dominants.

La vraie question est « L'école, pour quel savoir et pour quel développement ? ».

- elle servirait à améliorer la qualité de vie, la sécurité, la gestion de l'espace public ; Il faut se resituer dans le local;

- une école structurée est une autre école dans laquelle le territoire est important avec une pédagogie de la construction collective d'un territoire et d'une identité.

- La formation s'apparenterait à construire, à mettre en valeur des

ressources locales, elle se centrerait sur les savoirs non dé localisables ;
- Pourquoi ne pas enseigner la démocratie (populaire - substantive) à

l'école ?

- L'aspect diachronique est important: l'histoire est importante car elle reconnaît la pluralité des acteurs » (17 janvier 2011).

4.2. Analyse de la pertinence

Le développement endogène se présente comme une alternative aux courants dominants. Il correspond à une réappropriation, par les communautés locales, de leur territoire, de leurs ressources et de la définition de leurs propres objectifs de développement.

Cette approche correspond au développement territorial ou local présenté par F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003) qui se centre sur les relations horizontales au côté des relations verticales.

Elle correspond aussi à l'approche définie par R. Magnaghi qui défend le concept d'auto-soutenabilité. Ce dernier «repose sur le postulat selon lequel une nouvelle relation co-évolutive entre habitants-producteurs et territoire peut créer un équilibre durable entre établissement humain et milieu, en reliant les habitudes, les savoirs, et les techniques d'aujourd'hui à une sagesse environnementale ancestrale » (2003 : 51).

Cette approche semble également rencontrer le point de vue de M. Leroy32 qui note que les sommets des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire de septembre 2010 s'est penché sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas sur le terrain. << La conférence a permis à chacun de se rendre compte que la meilleure garantie de succès est de faire en sorte que les états et les communautés locales `traduisent' les Objectifs en stratégies et programmes adaptés à leur propre situation. L'idée de `localiser les OMD' a reçu un soutien important>> (La coopération belge au développement, 2010 : 6).

La question posée est de ce fait : comment concrètement mettre en place une approche basée sur le territoire ?

A côté des coordinations verticales, il s'agit de réfléchir aux coordinations horizontales (Leloup et al., 2003 : 100) et d'insuffler une gouvernance locale. A partir de la notion de systèmes territoriaux, il s'agit de << la capacité d'un territoire à se différencier des autres >> en s'appuyant sur et en valorisant ses ressources spécifiques qui se fondent sur des savoirs non reproductibles par opposition aux ressources standards ou génériques. Il s'agit de créer << un avantage collectif >> (F. Leloup et al., 2003 : 104-105).

Plus spécifiquement, plutôt que de parler de droit à l'alimentation ou de sécurité alimentaire, G. Ngalumulumé Tshiébué préfère parler de souveraineté alimentaire :

« La souveraineté alimentaire est donc le droit des populations à définir leurs politiques agricoles et alimentaires, à protéger s'il le faut et réguler la production et les échanges agricoles intérieurs en vue d'atteindre des objectifs de développement durable, à déterminer les marges d'autonomie et d'indépendance, à limiter le dumping des produits sur les marchés et à donner aux communautés locales la priorité concernant l'utilisation des ressources et droits afférents ». (2008 : 262).

En lien avec la question des savoirs locaux liés à l'agriculture, B. E. Dialla présente l'intérêt de << reconsidérer les conceptions culturelles dans leur dimension fonctionnelle >> (2004 : 26). Les savoirs locaux sont pris en considération dans une perspective de développement local. Il présente leurs apports comme levier de participation: << La familiarisation avec les savoirs locaux facilite la compréhension et la communication entre les agents de développement et la population locale, augmentant ainsi les possibilités d'une approche de développement participative et durable>>

32 Représentant belge, Coordonateur spécial pour les OMD

(Dialla : 15) et comme << facteur d'impulsion d'un développement durable>> en démontrant leur apport dans l'agriculture (2004 : 21).

lie la pertinence de l'éducation

Dans l'approche du développement endogène, du développement local ou territorial, le rôle de l'éducation est important, particulièrement en lien avec les contenus enseignés. J.-Ph. Peemans nous a communiqué, lors de son entretien, quelques pistes concrètes liées aux capacités des individus à se réapproprier leur histoire, à exploiter leurs ressources locales et à négocier. F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur rappellent que << le paradigme renouvelé de développement accorde un rôle tout aussi important aux facteurs non économiques tels que la qualification individuelle et collective, la transmission des savoirs et des savoir-faire traditionnels et actuels, le cadre de vie, la perméabilité à l'innovation, la vitalité communautaire, l'ouverture à la concertation et au partenariat, le mise en réseau des PME... >> (2003 : 109) ; soit, autant de compétences qui nécessitent des connaissances spécifiques et universelles.

Cependant, si la question des contenus enseignés est abordée, celle de l'organisation de l'éducation à l'échelle locale n'est pas traitée.

En conclusion, le développement endogène aborde la question du développement à partir de l'échelle locale et non dans une perspective globale. La définition du développement, associée à la notion de territoire devient ainsi plurielle, et non plus universelle à l'instar des autres approches du développement, sans toutefois se déconnecter de la dimension globale qui est explicitement reconnue. Il réaffirme le caractère multidimensionnel du développement et son enracinement dans les communautés locales.

La plus-value de cette approche est de rappeler que le savoir est associé à toute forme de déploiement sociétal et de pouvoir. Elle valorise aussi les savoirs locaux comme ressources pertinentes. Elle suggère de réfléchir aux contenus à enseigner en lien direct avec les besoins des collectivités locales. Dans le contexte des politiques d'éducation actuelles, il serait très utile, en lien avec la qualité de l'éducation, de réfléchir d'un point de vue pédagogique, aux contenus et à l'organisation des systèmes. Ce qui pourrait s'avérer complémentaire au futur rapport EPT 2012 consacré aux compétences.

5. CONCLUSIONS

La pertinence pour le développement de l'investissement dans l'éducation primaire est mise à l'épreuve du principe de réalité. L'objectif pose question, sa formulation pose question ainsi que les modalités de sa mise en oeuvre. Les effets potentiels de l'éducation à un niveau macro se dissolvent sur le terrain sous la pression de difficultés endogènes, de contraintes contextuelles et d'orientations internationales.

L'analyse des effets de l'éducation primaire sur la croissance montre que si l'éducation primaire peut jouer un rôle positif, il s'agirait plutôt, pour les pays à faible revenu et pour l'Afrique subsaharienne, d'un «rapport vertueux conditionné ou sous contrainte ». La qualité de l'institution scolaire et des autres institutions est importante et le cadre environnemental doit être porteur. Des financements sont nécessaires, la relation est ainsi à double sens.

L'analyse des effets de l'éducation primaire sur le développement humain nous enseigne que le déploiement des services de base, la santé et l'éducation, n'aboutit pas en ligne directe à des améliorations du bien-être humain. De même, une augmentation des revenus n'entraîne pas systématiquement une amélioration de la santé et de l'éducation. Des institutions solides intermédiaires sont nécessaires. La pauvreté n'est pas que monétaire, elle est associée à des situations de déprivations d'ordre structurel.

L'analyse des effets de l'éducation primaire dans la lutte contre la pauvreté nous enseigne que l'investissement éducatif entre en concurrence avec d'autres priorités essentielles comme la sécurité alimentaire. Les enjeux de l'éducation primaire des femmes sont fortement liés à la santé et à la fécondité. Une approche de terrain est essentielle pour questionner les coûts d'opportunité, les motivations des parties prenantes, les savoirs enseignés et les opportunités de travail sur le marché local. L'éducation a besoin de l'économie pour se déployer et la dépendance à l'extérieur engendre une grande vulnérabilité. Le risque d'échec est réel du fait du manque de moyens et de délais trop courts. Paradoxalement, la lutte contre la pauvreté nous rappelle de la nécessité de définir une stratégie économique locale.

L'approche par le développement endogène met en exergue l'importance de l'éducation pour le développement local et dans une perspective systémique. Les savoirs à enseigner sont à penser en lien avec le territoire, le pouvoir et l'autonomisation. L'éducation participe au déploiement des capacités des populations à se définir un projet local et à tenir compte de la mondialisation, elle renforce le pouvoir de négociation des populations locales. Elle revalorise les savoirs empiriques et donne la priorité aux contenus à enseigner.

En conclusion, l'éducation primaire ou de base est une composante du développement mais au côté d'autres composantes essentielles. Elle n'est pas à même, à elle seule, de produire du développement à un niveau macro économique à tout le moins dans des pays en situation d'extrême pauvreté. Nos deux hypothèses de départ restent bien pertinentes. Toutefois, nous pensons qu'il faudrait y adjoindre une troisième liée à son ancrage dans la réalité locale. La perspective sociologique adoptée dans le prochain chapitre nous éclaire à ce sujet.

IV. Mise en perspective sociologique de l'Objectif OMD 2

Après avoir questionné l'efficacité, l'efficience et la pertinence de l'objectif d'éducation primaire universel porté par l'objectif OMD 2 et par le programme d'Education Pour Tous, nous proposons dans cette partie de traiter du sujet du point de vue de son adéquation pour les pays en situation d'extrême pauvreté et les populations bénéficiaires. Le champ d'investigation reste bien entendu l'Afrique subsaharienne.

Dans une perspective sociologique, plusieurs thèmes sont brièvement présentés : le non enracinement local des systèmes d'éducation, la prégnance des organisations internationales dans la définition des politiques, les rôles et dilemmes des Etats, les limites de la théorie du capital humain.

Dans une perspective socio-historique, un bref rappel de l'histoire de l'éducation dans le monde nous permettra de traiter des vrais mobiles liés aux politiques d'éducation et des orientations qui se profilent à l'horizon 2020 à l'échelle internationale.

1. PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE

1.1. Le non enracinement local des systèmes d'éducation

« La critique de l'école importée » (Charlier, 2004a : 166)

<< Le paradigme qui permet de décrire le mieux l'enseignement colonial est celui de l'imposition d'un ordre du monde qui fixe les groupes humains et leur culture dans une hiérarchie figée dont il tente d'asseoir le bien-fondé » (Charlier, 2004a : 166).

Les systèmes scolaires mis en place dans beaucoup de pays colonisés ont été imposés de l'extérieur. Ils ne s'enracinent pas dans l'histoire propre et la construction culturelle des populations locales (Martin, 2006). En faisant référence notamment aux publications de J. Ki-Zerbo, J.-E. Charlier mentionne que << Des analyses nombreuses ont visé à montrer l'impossible adaptation des systèmes éducatifs occidentaux aux univers culturels et sociaux auxquels ils ont été imposés » (Charlier, 2004a : 167).

A contrario, il faut noter que les écoles créées durant la colonisation ont aussi eu un effet positif local. Elles ont permis à une partie de la population d'améliorer leur statut

et de s'insérer dans les administrations publiques coloniales. Ces écoles, devenues à l'indépendance les écoles formelles, ont <<continué à susciter d'immenses espérances auprès des familles » (Charlier, 2004a : 167).

Quant aux politiques actuelles, il semble que rien n'ait changé. Il en est de même de l'offre scolaire contemporaine qui n'est pas adaptée au contexte local, le système scolaire initial ayant plutôt été renforcé de l'extérieur. Pour J.-Y. Martin, les faibles résultats engrangés dans le déploiement du programme d'Education Pour Tous sont dus à l'inadéquation des politiques éducatives. Ainsi, << le rapport entre Etat-école-sociétés et les compatibilités qu'implique ce rapport pour que l'école soit instituée » ne fait pas l'objet d'une réflexion (2006 : 154). L'offre scolaire peut ainsi être refusée car proposée par un cadre politique ne correspondant pas à la demande de la population (Martin, 2006).

Ces constats rejoignent ceux mis en avant dans le chapitre deux de notre mémoire relatifs à la nécessité d'informer les parents sur les bénéfices potentiels de l'éducation (Duflo, 2010), à la rigidité du système imposé qui ne prendrait pas en compte la diversité des besoins, des représentations et des modes de vie des sociétés (Hugon, 2007) et à celui de J.-Ph. Peemans qui propose en réaction l'alternative d'un développement endogène (2002).

« Les stratégies des populations locales » (Charlier, 2004a : 166)

<< Les enfants ne vont pas à l'école car les familles veulent préserver autre chose» (Charlier, 2010-2011). Dans l'analyse de l'école sénégalaise réalisée par J.-E. Charlier, nous avons identifié plusieurs raisons. Si l'école publique sénégalaise doit être gratuite et obligatoire, elle doit aussi prendre en considération l'aspect spirituel et religieux de l'éducation. L'école publique est incapable de former aux métiers techniques, à quoi cela sert-il de savoir écrire si c'est pour se retrouver au chômage ? Initialement, << elle n'a été valorisée que parce qu'elle conduisait à la fonction publique » (Charlier, 2004b : 42-43). Ainsi, entre l'école publique, l'école privée catholique, l'école privée francoarabe, l'école arabe et les daara traditionnels et modernes, les familles sénégalaises choisissent en fonction de priorités liées à la langue d'enseignement, aux savoirs enseignés (connaissances de base, étude du coran, formation agricole, formation

techniques) et aux opportunités d'insertion sur le marché informel ou formel (Charlier, 2004b).

L'importance de la dimension culturelle n'est pas propre à l'Afrique subsaharienne. Dans un contexte européen, l'importance de la prise en compte de la dimension culturelle dans les systèmes d'enseignement a été mise en évidence en France dans les années 60 par l'INED et Bourdieu. Les travaux de l'INED démontrent que l'élément agissant dans la réussite scolaire est le facteur culturel et non le facteur économique, bien que ceux-ci se recoupent souvent. Ils montrent aussi l'importance des espérances sociales des familles sur les parcours scolaires des enfants, en d'autres termes, << Ce sont les attitudes familiales qui déterminent les carrières scolaires >> (Charlier, 2010-2011).

D'où l'importance d'opérer des rapprochements d'ordre culturel et social entre les institutions éducatives et les populations concernées (Charlier, 2010-2011). Ainsi, le gouvernement sénégalais a-t-il opté en 2002 pour << introduire l'enseignement religieux dans l'école publique >> en espérant amener plus d'enfants vers les écoles publiques (Charlier, 2004b : 53).

La langue d'enseignement et les savoirs enseignés

En ce qui concerne la langue d'enseignement, le dilemme est bien réel entre la langue vernaculaire qui << exprime mieux que nulle autre la tradition et les affects>> (Charlier, 2002 : 101) et les langues occidentales qui << apparaissent comme celles qui ouvrent les horizons imaginaires vers ces destinations mythiques que restent la France, l'Italie, l'Allemagne ou les Etats-Unis. Pour les sénégalais, il n'est d'enseignement formel que dans ces langues >> (Charlier, 2002 : 102). Mais encore, les fonctions de l'enseignement n'ont pas pour seule vocation de << se débrouiller dans un univers initial... il est aussi attendu qu'il donne des clés permettant à chacun de progresser de façon autonome et de se forger sa propre opinion, ce qui exige qu'il donne accès à une des langues dans lesquelles l'essentiel du savoir humain est disponible (Charlier, 2004a : 169). Sans oublier non plus que la langue maternelle facilite les apprentissages << Enseigner dans la langue appropriée améliore également les résultats scolaires, comme le montrent les pays très performants dans ce domaine. Dans l'ensemble de ces pays, l'enseignement primaire se fait dans la langue maternelle >> (PNUD, 2003 : 95). Les pays d'Afrique subsaharienne ont entamé des réformes allant dans le sens d'un

apprentissage de la lecture dans la langue maternelle suivie d'une initiation à une langue internationale (Charlier, 2004a : 169).

J.-E . Charlier mentionne l'intérêt grandissant porté aux cultures autochtones et à la manière dont celles-ci pourraient être préservées. En mentionnant le rapport étroit des populations locales avec leur environnement, il remarque cependant que << La chaîne de transmission de cet héritage collectif est désormais menacée, l'Education Pour Tous entre en compétition avec les savoirs locaux » (Charlier, 2004a : 169).

La non prise en compte des « acteurs du bas » (Lange, 2006 : 167)

Les enseignants, les parents et les élèves semblent avoir été les oubliés du processus de Jomtien et du partenariat mis en place, l'offre (accès et équité) ayant été privilégiée. << De fait, les planificateurs de l'éducation s'intéressent très peu à la demande d'éducation et, dans la majorité des cas, celle-ci n'est jamais perçue comme la résultante de stratégies éducatives élaborées à partir des représentations de l'éducation et de l'Ecole construites par les élèves et les familles. La demande d'éducation est ainsi uniquement appréhendée en termes de démographie scolaire » (Lange, 2006 : 167). Or, << la demande d'éducation et les rapports à l'école sont étroitement liés aux perceptions des parents ». (Lange, 2006 : 170).

En faisant référence au travail domestique et aux conditions d'étude, A. Lange rappelle que << Les conditions de vie des élèves africains (à l'exception des enfants issus des classes sociales supérieures) constituent souvent des entraves à la fréquentation et à la réussite scolaires » (Lange, 2006 : 176). Elle mentionne aussi le rôle décisif de la femme qui accorde bien souvent davantage d'importance à l'éducation que l'homme (Lange, 2006 : 178).

Enfin, elle rappelle que << l'éducation participe au fonctionnement des sociétés et peut influer sur leur dynamique, il est essentiel que les politiques éducatives accordent davantage d'intérêt aux représentations et pratiques éducatives des familles, et qu'elles parviennent à associer élèves et parents d'élèves dans le développement de l'éducation scolaire » (Lange, 2006 : 181).

1.2. La dominance de la communauté internationale

J.-Y. Martin rappelle que la faiblesse des résultats obtenus par la politique d'Education Pour Tous dans les pays sous-scolarisés démontre l'incapacité des Etats et de la Communauté internationale à faire évoluer les systèmes éducatifs et trouve son origine dans le fait qu'il n'y a pas de questionnement autour de la pertinence (2006).

La définition des politiques d'éducation par la communauté internationale

Aujourd'hui encore, les politiques éducatives sont définies de l'extérieur et s'inscrivent dans ce « nouvel ordre éducatif international>> (Laval. et, Weber, 2002 ; cité par Martin, 2006 : 152) impulsé par les puissances économiques et politiques occidentales : l'OMC, la Banque mondiale, l'Union européenne et l'OCDE. Ces organisations disposent à la fois de capacités de financement, d'expertise et d'un modèle d'éducation qu'il est facile d'exporter au travers d'une régulation (Martin, 2006 : 152). L'environnement international est tel que l'on assiste à un processus d'affaiblissement des Etats dans les pays pauvres. Or, « l'autonomie des politiques éducatives est une condition primordiale d'une plus grande efficacité des politiques éducatives >>, à la fois dans la définition et dans leur mise en oeuvre (Martin, 2006 : 150- 151).

Le pilotage des systèmes éducatifs par les indicateurs

La régulation des systèmes éducatifs par des instruments et des dispositifs de contrôle et d'accompagnement définis à l'échelle internationale font que ce sont les moyennes des résultats qui deviennent les normes sans plus amener de débat au niveau politique. « Ce sont les outils élaborés qui rendent évident la direction dans laquelle aller >> (Charlier, 2010-2011). La comparaison des rapports EPT 2010 et 2011 de l'Unesco atteste des efforts réalisés dans cette direction.

Par ailleurs, le pilotage du programme Education pour Tous en Afrique par le Pôle de Dakar est réalisé à partir de la méthode RESEN. Cette méthode a été définie par la Banque mondiale en 2000. Une première lecture de cette méthode nous renseigne sur le caractère complexe et détaillé de la démarche nécessitant des connaissances élevées en économétrie. La question posée est simple: est-il vraiment utile de rédiger des analyses

aussi fouillées ? Pourquoi consacrer davantage encore de moyens au pilotage comme le mentionne la Task Force on the MDGs (UNDG, 2010) ?

Le pilotage par les indicateurs peut engendrer des contre effets sur le terrain. En ce qui concerne les taux de scolarisation, le Sénégal en introduisant en 2002 l'enseignement religieux dans les écoles publiques et en reconnaissant les daara dans les systèmes d'éducation, à l'instar de ce qui se faisait déjà au Mali et au Niger, poursuivait entre autres comme objectif d'augmenter significativement ses taux de scolarité et ainsi de rencontrer l'objectif d'éducation primaire universelle pour 2015 (Charlier, 2002, 2004b).

En ce qui concerne la qualité, celle-ci est plutôt orientée vers l'amélioration de la gestion des systèmes et des flux d'élèves en se référant à plusieurs indications qui s'inscrivent dans une perspective de rationalisation des coûts et qui ont trait à la question du recrutement et de la rémunération des enseignants, du mode de groupement des élèves par classe, entre 40 et 50 élèves, des bâtiments scolaires, des manuels (surtout la lecture et la grammaire), des cantines scolaires et de l'inspection. Ainsi, la qualité des systèmes ne s'inscrit pas dans la perspective d'une recherche « d'une plus grande proximité de l'école avec les environnements culturels et sociaux qu'elle aborde » (Martin, 2006 : 153).

Cette réflexion rejoint celle formulée par N. Henaff à propos des repères qui sont le reflet de l'approche par les rendements de la Banque mondiale :

« Les recommandations de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International à propos du primaire ont été exprimées sous forme de repères dans le cadre de l'Initiative Fast track (FfI), lancée en 2001 pour permettre aux pays, qui sont « sur la bonne trajectoire » pour atteindre l'objectif de généralisation d'un cycle d'éducation primaire de qualité, de ne pas se voir arrêter dans cette voie par des obstacles d'ordre financier. Ces repères sont basés sur les paramètres observés dans les pays qui ont réussi (World Bank et IMF, 2002 : 2)... Sur neuf repères, sept concernent les coûts (qu'il faut réduire) et les dépenses (qu'il faut augmenter); l'accroissement des taux d'inscription dans le privé correspond à la recherche d'une meilleure efficacité de la dépense. Les deux autres repères concernent la qualité de l'enseignement: le ratio élèves/enseignants et le taux de redoublement » (2006 : 84-85).

Education primaire universelle versus éducation supérieure

Par ailleurs, en matière de politiques éducatives pour l'Afrique subsaharienne, l'injonction de la Banque mondiale est double voire triple. Poursuivre les

investissements liés à l'éducation primaire universelle, qui est un passage obligé, et déployer les investissements dans l'enseignement supérieur, pour intégrer la société de la connaissance mondialisée et l'économie mondiale, sans oublier l'enseignement secondaire :

« Tout en maintenant la priorité sur l'éducation pour tous, les pays doivent adopter une approche globale, en prêtant un surcroît d'attention à l'éducation post-primaire. Un élément qui empêche en particulier la plupart des pays d'Afrique subsaharienne de pouvoir pleinement renforcer leurs propres capacités internes, être à la fois bénéficiaires et parties prenantes dans le développement d'informations et de savoirs nouveaux, et s'intégrer comme il faut à l'économie mondiale est en effet le faible niveau de qualité et d'adéquation de leurs programmes d'enseignement supérieur et de recherche.»33.

En 2008, elle publiait un dossier sur le choix de l'enseignement secondaire en Afrique subsaharienne en exposant, sur base de plusieurs études empiriques, les effets positifs sur la croissance, la santé maternelle et infantile, la fertilité. (2008 : 86, 90).

La Banque mondiale publiait en 2010 un dossier sur le financement de l'éducation supérieure en Afrique (2010). Les priorités accordées à l'enseignement supérieur semblent répondre aux défis de la mondialisation en réponse à des pénuries de main d'oeuvre au Nord (Charlier, 2010-2011). Pour ces mêmes raisons en Europe, un « dispositif de l'enseignement supérieur » sous l'appellation Processus de Bologne a été progressivement mis en place durant les années 2000. Les pays du Sud n'ont d'autres alternatives que de suivre (Charlier et Croché, 2009 : 8).

1.3. La capacité, le role et les dilemmes des Etats

La dépendance financière des Etats

En faisant référence à une publication de M.-F. Lange en 1998, J.-E. Charlier écrit « Plus aucun pays de la zone n'a la possibilité de financer ses politiques éducatives sur ses propres ressources, « les conditions auxquelles les organismes financiers internationaux subordonnent l'octroi d'aide apparaissent dès lors comme des contraintes indépassables et difficilement négociables » (Charlier, 2004a : 170). Cette réflexion reste plus que jamais d'actualité.

33 Banque mondiale, Afrique subsaharienne - Education, Site internet consulté le 3 février 2011, mis à jour en 2011, http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/0,,contentMDK:21 448405~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:488775,00.html

Or pour J.Y. Martin, << l'existence d'Etats disposant d'une autorité légitime et s'appuyant sur des appareils efficaces est pourtant nécessaire pour définir, conduire et faire évoluer les politiques éducatives >> (Martin, 2006 : 152). Selon J.-E. Charlier, c'est surtout vrai dans les pays ou régions où il n'y a pas de culture locale d'éducation et aujourd'hui, on assiste à une décentralisation des politiques d'éducation et à une intervention croissante du secteur privé (2010-2011).

L'affaiblissement de l'Etat dans la gestion des systèmes éducatifs

La décentralisation de l'enseignement, pour répondre aux exigences de meilleure gestion imposée par les organisations internationales, a eu pour effets de donner << un clair droit de cité à une multitude de dispositifs >> et << de procédures de régulation>> (Charlier, 2004b : 40, 52). L'offre éducative a augmenté mais la préservation de la qualité de l'enseignement s'en trouve compromise. A titre d'exemple, au Mali, pour accueillir l'enseignement, des entités territoriales et des communautés rurales sous forme démocratique ont été créées. La difficulté est que les personnes élues sont illettrées en français, elles ont tout au plus fait l'école coranique, ils ne savent donc pas comment fonctionne une école. D'où la question posée : <<Est-ce bien raisonnable de confier la responsabilité à des personnes qui ne connaissent pas le système, d'autant plus que cela n'a pas réellement fonctionné de manière centralisée ? >>. La responsabilité est donnée aux plus pauvres (Charlier, 2010-2011).

<< Le secteur éducatif ne parvient, tant bien que mal, à répondre à la demande que parce que les offres se sont multipliées... l'enseignement privé, sous toutes les significations que le terme peut prendre, s'est mis à proliférer >> (Charlier, 2004 : 170). Le rapport 2010, pour l'Afrique, d'évaluation des progrès relatifs à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement relève que l'enseignement primaire privé augmente significativement même dans les pays où l'enseignement primaire public est gratuit et garanti par la Constitution. Il représente entre 30% et 40% de l'offre au Mali, au Tchad et au Togo. En visant le taux net de scolarisation, le rapport mentionne qu'<< Il est clair qu'une plus large diffusion de l'enseignement privé est un facteur positif d'accélération des progrès eu égard à cet indicateur >> (CEA & al., 2010 : 22).

Alphabétisation de la population versus économie de la connaissance

En lien avec ce qui a été mentionné au point précédent, les Etats, face à la double injonction de la communauté internationale, sont aujourd'hui confrontés au double rattrapage de l'alphabétisation et de la connaissance (Henaff, 2006). Les quelques pourcentage repris dans le tableau ci-dessous et du rapport RDH 2010 illustrent bien l'état général dans lequel se trouve les systèmes d'éducation de l'Afrique subsaharienne et des pays à << faible développement humain » comparativement à la situation des pays de l'OCDE qui semblent performer dans les trois niveaux.

Tableau 3.10. : Déploiement de l'éducation par niveau d'éducation

 

OCDE

Pays à IDH faible

Afrique subsaharienne

Enseignement primaire Taux d'abandon scolaire pour la période 2006-2008

2,9%

40,4%

36,5%

% de la population ayant atteint au moins le niveau secondaire en 2010

73,8 %

14,3%

Non connu

Taux net d'inscription dans le secondaire pour la période 2001-2009

91,8%

30,9%

29,5%

Taux brut d'inscription dans l'enseignement supérieur pour la période 2001-2009

71,4%

6%

5,5%

(Source : Nations Unies, RDH 2010, p. 220)

1.4. Les limites de la théorie du capital humain

Pour J.-E. Charlier, la théorie du capital humain a été définie aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale pour répondre aux besoins en mains d'oeuvre qualifiées et permettre aux entreprises d'évoluer vers des modes de production plus rentables. Elle atteste de rendements privés et sociaux élevés. Malgré les nombreuses critiques, << cette théorie a gardé une prégnance inouïe dans les organisations internationales et est utilisée pour justifier ou non de l'investissement dans l'enseignement » (Charlier 2010-2011). Il pose la question suivante : << Si cette théorie est valable dans les pays développés du fait de l'existence d'un marché du travail, qu'en est-il dans les pays en développement ? Dès l'instant où il y a la certitude d'avoir un emploi sans faire des études, cette théorie ne tient plus. Dès l'instant où il n'y a pas de marché de l'emploi, cette théorie ne tient plus non plus sauf pour que les enfants se rendent compte qu'il est bon de faire des études » (Charlier 2010-2011). Ainsi, les écoles formelles issues de la colonisation << ont

commencé à être critiquées au moment où le ralentissement des recrutements dans la fonction publique a étranglé ses débouchés naturels >> (Charlier, 2004a : 167).

Pour J. R. Minnis (2006), l'augmentation des niveaux d'éducation requis pour occuper certaines fonctions est la conséquence d'une compétition entre groupes sociaux et non la conséquence d'une augmentation des connaissances technologiques et intellectuelles requises pour occuper certains emplois. L'éducation des jeunes filles et des femmes est essentielle pour le développement économique des pays en développement mais s'il n'y a pas d'opportunité d'emplois dans le secteur formel, il n'y a aucune raison que les parents envoient leurs filles à l'école.

Comme déjà mentionné plus haut, l'école publique coloniale permettait l'insertion vers des postes de la fonction publique. Cette situation n'est plus vraie aujourd'hui. L'exemple récent des diplômés demandeurs d'emploi de l'Afrique du Nord est un autre exemple de la nécessité de faire évoluer conjointement éducation et marché du travail.

2. PERSPECTIVE SOCIO-HISTORIQUE

Pour comprendre les enjeux liés au déploiement des systèmes d'éducation, nous souhaitons, dans cette section, pointer quelques repères clés de l'histoire de l'éducation.

2.1. Bref rappel historique de l'histoire de l'éducation

Des origines de l'éducation

Dans son livre J. Vial rappelle au chapitre premier consacré à << L'éducation <<primitive>>>> que << la fonction éducative est ce qui caractérise le mieux l'espèce humaine : le moyen de transmettre aux générations ultérieures les acquis du moment>> (Vial, 1995 : 5). A cette époque, l'éducation est étendue à toute la vie, elle est naturelle, dégagée de toute contrainte, déterminée par les nécessités sociales. Elle vise l'adaptation étroite de l'individu à la société, elle se fait par le jeu, l'imitation, la participation à la vie collective et l'initiation. Il aura fallu des millénaires pour l'invention d'un outil extraordinaire, le langage. Pour adaptative qu'elle soit, cette forme d'éducation n'en reste pas moins fermée sur elle-même, << ce qui congédie à la fois la personne et le reste de l'univers >> (1995 : 6).

Des formes d'éducation plus structurées apparaissent dès l'Antiquité, au IVème et IIIème millénaires avant J.-C.. L'éducation dans la vallée du Nil a pour objectifs << dans un ordre social rigide, ... de conduire à un métier>> ou d'enseigner la science et la religion, étroitement liées, aux prêtres, architectes, médecins et scribes. << Ce privilège de la culture (durera) jusqu'à l'époque moderne >> (Vial, 2010 : 9). L'éducation en Perse était réservée à la noblesse, elle était militaire, étatique et morale. L'éducation en Chine ancienne basée sur le respect de la tradition, de l'Etat et de la famille... est influencée, << au moment où se dessine une certaine émancipation de la masse populaire et par deux grands philosophes : Lao Tseu et Confusius >> (Vial, 2010 : 12), le premier dans le but de lutter contre l'ignorance, le deuxième dans le but d'enseigner une morale basée sur le bonheur du peuple (Vial, 2010 : 12).

lie la formation des élites en Europe à la démocratisation de l'enseignement

En réponse aux besoins des cités grecques et de l'Empire romain, l'école est vouée, à cette époque, à l'instruction des élites politiques et administratives. Au Moyen Âge, << la croissance des activités commerciales a aussi créé une demande d'alphabétisation >> ainsi, l'instruction est mise à portée des plus pauvres (Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 11). Il faudra attendre l'époque de la renaissance, au 16ème siècle, à la faveur de la création de l'imprimerie et en appui à la montée en puissance des Etats et à la construction des identités nationales, pour qu'un réel essor de l'éducation primaire se réalise (Charlier, 2010-2011 ; Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 13). Cependant, deux processus d'extension de l'école restent de mise, l'éducation des élites avec les universités et l'éducation de la population avec l'école primaire. Il faudra attendre la fin du 18ème siècle à la faveur de la révolution et le début du 19ème siècle pour que plusieurs lois relatives à l'éducation publique et à l'éducation primaire gratuite et obligatoire soient adoptées en France. Du point de vue des savoirs enseignés, les disciplines sont l'orthographe, les poids et les mesures et leurs visées concernent la constitution d'une identité nationale, les valeurs de la République et la diffusion de modes de pensées rationalisés en uniformisant les normes linguistiques, commerciales et techniques sur tout le territoire. Il s'agit également << d'inculquer l'esprit de méthode et de précision indispensable à la main d'oeuvre des nouvelles entreprises industrielles >> (Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 32-34). Ce n'est qu'au 20ème siècle, après la seconde guerre mondiale, que la démocratisation de l'enseignement aux différents niveaux s'installe

progressivement avec l'avènement des mathématiques et des disciplines scientifiques en réponse au besoin de former des cadres scientifiques et techniques nécessaires à l'affirmation militaire et industrielle du pays comme le souligna le général de Gaulle (Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 24, 37).

L'éducation en Afrique subsaharienne

Avant la période coloniale, l'éducation en Afrique au Sud du Sahara est assurée par la société toute entière, elle est globale et communautaire. Les savoirs sont transmis oralement au quotidien par la famille et la collectivité locale en liaison avec les besoins directs de la société. L'esprit communautaire, le maintien d'un équilibre, la religion et le sacré imprègnent l'éducation. Les enfants sont rapidement associés à la production et aux activités des adultes. Le programme d'éducation est en phase avec la structure sociétale locale, il « donnait à l'apprenant un sentiment d'appartenance à une collectivité, d'identité et d'accomplissement » (Bah Diallo, 2008 : 5). Deux formes d'éducation formelles coexistent. D'une part, sous l'influence de l'Islam, des écoles coraniques sont créées au XVIIème, XVIIIème siècles dans le but de dispenser des cours de théologie. D'autre part, des maisons d'initiation implantées dans des bâtiments désignés à cet effet permettent la pratique des rituels initiatiques dont la vocation est de former « aux moeurs sociales et culturelles de la tribu » (Uduku, 2004 : 2).

A partir du XIXème siècle, l'école calquée sur le modèle occidental s'installe en Afrique durant la période de la colonisation et est organisée au départ par les sociétés missionnaires. Implantées principalement dans les régions pauvres, les objectifs poursuivis sont le développement socio-économique par la conversion au christianisme des populations et la dispense de soins médicaux. Avec le déploiement des gouvernements coloniaux au XXème siècle, l'Etat renforce progressivement son contrôle sur la politique éducative. De nombreux établissements scolaires sont construits et ouverts en théorie à l'ensemble de la population indépendamment de la confession et de l'origine sociale. Dans les faits, la politique éducative répond à des objectifs stratégiques politiques. Ainsi, les écoles sont construites dans des zones moins isolées, une éducation faite pour les élites destinées à l'administration coloniale y est dispensée. Les programmes, déterminés par cette même administration coloniale, sont dépourvus de contenu africain et les enseignants sont des expatriés. Les prestigieux bâtiments scolaires, moins intégrés à la vie communautaire, incarnent la puissance

coloniale. En termes de résultats, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon la Banque mondiale, le taux d'analphabétisme est supérieur à 90 % et le taux brut de scolarisation primaire est de 36 % mais avec des fortes disparités sous-régionales et entre zones urbaines et rurales.

Au moment de l'indépendance, les pays africains ont hérité << de systèmes éducatifs inadaptés à leurs réalités » (Bah Diallo, 2008 : 6).

2.2. Les enseignements de l'histoire de l'éducation

Les controverses autour des finalités de l'éducation

J.-E. Charlier rappelle que les systèmes éducatifs mis en place au 19ème siècle tant en Europe que dans les pays colonisés répondaient à des objectifs de moralisation et d'éducation de la masse, des populations pauvres ou indigènes. Il n'y avait aucune sensibilité à la culture ouvrière et aux cultures périphériques. Le modèle, c'était l'homme blanc, urbain, la culture occidentale (2010-2011). Il rappelle que :

« Dans l'histoire de l'homme, l'élargissement de l'enseignement n'a pas été fait par humanisme mais pour d'autres raisons plus terre à terre. La démocratisation de l'enseignement et la lutte contre l'illettrisme sont apparues aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale pour des raisons toutes pragmatiques. Il s'agissait, d'une part, de mettre le système d'enseignement américain au niveau de celui de l'Union soviétique où l'école était gratuite et d'autre part, de répondre aux besoins en compétences scientifiques nécessaires au déploiement de l'économie. Ce mouvement est à rapprocher de l'histoire de Jomtien et de Dakar qui vise à tout prix que tout le monde passe par l'enseignement. L'éducation pour tous a été décrétée au même moment où les trois blocs économiques se font une course à la technologie... au moment où on aura des déficits de scientifiques de plusieurs millions de personnes notamment dans l'Union européenne » (2010-2011).

Dans un autre contexte, Oxfam dans son rapport dresse le même constat : << Les politiques et les pratiques d'aide se trouvent à la croisée des chemins. Les donateurs sont face à une alternative : promouvoir une aide efficace et indépendante qui contribue au bien-être et à la sécurité des populations victimes de conflits et de crises, ou accroître et institutionnaliser le recours à l'aide pour servir leurs propres objectifs militaires et sécuritaires, au détriment de l'efficacité et de la rentabilité de l'aide » (Oxfam, 2011 : 27).

A chaque moment de l'histoire, les systèmes d'éducation se sont déployés et les finalités de l'éducation ont été définies en fonction de priorités des sociétés dans lesquelles elles s'inscrivent. Il pouvait s'agir de reproduire des conditions de vie, d'inculquer des valeurs morales et religieuses, de provoquer des changements majeurs dans l'organisation des sociétés ou de répondre à des logiques de pouvoir. A partir de la DUDH adoptée en 1948, l'éducation est devenue un droit fondamental. Plus récemment, la finalité économique est devenue prédominante et elle s'inscrit dans une logique de globalisation. A. Azam (2004) parle de service économique et Ch. Laval de marchandisation de l'éducation (2004). En opposition à la conception utilitariste, le concept de << bien public mondial » a émergé (Kern, 2005 : 8) ainsi que la << conception patrimoniale » (Hugon, 2005 : 25).

De l'accès et de la qualité de l'enseignement

L'enseignement pour tous en Occident s'inscrit dans le long terme. << Il a fallu 2 siècles pour amener 60% des enfants allemands à l'école primaire ; ce chiffre dédouane les retards d'autres parties du monde aujourd'hui » (Charlier, 2010-2011). Parallèlement, nous pouvons mentionner la jeunesse de l'enseignement primaire universel. La DUDH reconnaissant l'enseignement primaire comme droit fondamental a été adoptée récemment, en 1945 et après la seconde guerre mondiale.

En Belgique, la question de la création d'écoles sur tout le territoire n'a pas été résolue avant les années 50 et les bonnes écoles se trouvaient dans les villes. L'élargissement de la gratuité trouvait son origine dans la volonté de répandre la culture à toute la société. Les principaux bénéficiaires ont été les classes moyennes, les femmes, les zones éloignées. Les différences dans les niveaux d'instruction ont effectivement diminué sauf pour le groupe des plus faibles socio-économiquement (Charlier, 2010- 2011).

Les études de l'INED dans les années 60 ont mis en exergue le facteur déterminant de la localisation. L'inégalité de qualité de l'enseignement tient à la résidence. Pour les pays du Sud, cette question est prédominante. La qualité, c'est-à-dire celle qui donne accès aux réseaux internationaux, se trouve dans les grandes villes. Au plus on s'en éloigne, au plus la qualité diminue y compris celle de la capacité d'enseigner de l'enseignant (Charlier, 2010-2011).

Aujourd'hui encore, les pays occidentaux ne sont pas épargnés par des problèmes de qualité dans leurs systèmes éducatifs. Le rapport PISA 2010 reconnaît les limites des politiques éducatives tout en signalant que certains systèmes sont plus performants que d'autres << Le désavantage socio-économique est un phénomène aux multiples facettes, dont la politique de l'éducation ne peut seule atténuer l'impact, surtout à court terme >> (OCDE, 2010 : 10).

Un phasage historique toujours plus concomitant entre politiques d'éducation au Nord et politiques d'éducation au Sud (Charlier, 2010-2011)

Les systèmes d'éducation, à l'échelle mondiale, se sont déployés en trois grandes phases historiques auxquels correspondent des référentiels spécifiques (Charlier, 2010- 2011).

Durant la période des 18... à 1945, l'obligation scolaire répondait au référentiel de moralisation. Il s'agissait dans les pays occidentaux et colonisés de <<moraliser>> la population pauvre ou indigène et de répondre aux besoins en main d'oeuvre des Etats et de l'industrie.

Durant la période des années 1945 - 1985, la priorité a été donnée au référentiel de démocratisation et à la promotion de l'égalité de traitement pour tous. Au Nord, les efforts financiers réalisés ont en grande partie bénéficié à la classe moyenne mais ils n'ont pas permis d'atteindre les résultats escomptés auprès de la population socioéconomiquement la plus faible. Cette période se solde pour les pays du Sud par le surendettement des Etats.

Depuis 1985, les référentiels d'efficience et de différentiation (lutte contre l'exclusion avec la recherche d'une équité plus grande entre les individus) orientent les politiques tant au Nord qu'au Sud. En 2000, les Objectifs du Millénaire pour le développement sont adoptés pour les pays du Sud alors que l'Europe adoptait, en parallèle, sa stratégie Education & Formation 2010 et le processus de Bologne de réforme de l'enseignement supérieur était lancé.

Les dernières orientations de politiques éducatives confirment ce constat. En 2010, l'Europe a adopté la stratégie Europe 2020 à laquelle se rattache la stratégie Education & Formation 2020. Parallèlement, la Banque mondiale débutait les travaux relatifs à l'élaboration d'une stratégie pour le secteur de l'éducation à l'horizon 2020 (Banque

mondiale, 2010). En introduction, nous pouvons lire ceci : « Les perspectives de développement d'un pays tiennent à la qualité de sa population - c.-à-d. la compétence et la créativité de sa population active, la capacité de ses dirigeants à gouverner et à gérer ses ressources, et la capacité de sa population adulte à élever des enfants instruits et en bonne santé. L'éducation est le meilleur investissement qui puisse se faire pour obtenir cette qualité ». En complément, les thèmes des rapports EPT de l'Unesco illustrent les priorités de chaque époque : celui de 2009 était consacré à la gouvernance, celui de 2010 à l'atteinte des marginalités, celui de 2011 aux conflits armés et celui de 2012 sera consacré aux compétences.

Actuellement, un nouveau référentiel semble émerger, celui de la durabilité (Charlier, 2010-2011).

3. CONCLUSIONS

Parler de pertinence sans parler d'ancrage dans le milieu dans lequel la politique s'inscrit handicape l'atteinte des objectifs escomptés. Au contraire, les politiques d'éducation actuelles y gagneraient en qualité et en impact sur le développement. Il s'agit bien de réduire l'écart entre idéologie ou doctrine et réalisme ou pragmatisme.

A ce titre, l'Objectif d'éducation primaire pour tous devrait davantage intégrer la notion d'adéquation. En matière d'éducation, la diversité semble être la règle et la prise en compte de la demande des acteurs principaux, des stratégies et des contraintes des familles est nécessaire. L'inscription de l'éducation dans la culture locale, le contexte social et économique local est une nécessité avec un encadrement d'instances publiques. Dans cette lignée, il y a tout un champ de l'éducation qui semble oublié, celui des connaissances liées aux métiers et qui est dans nos systèmes d'enseignement occidentaux l'apanage de l'enseignement secondaire.

A contrario, l'éducation primaire n'échappera pas à son inscription dans le global pour des raisons financières et d'époque mais aussi pour d'autres raisons liées aux aspirations des personnes et à l'accessibilité aux savoirs universels. Les contraintes financières des Etats du Sud sont aussi telles qu'il leur est impossible de ne pas s'inscrire dans les orientations des politiques internationales actuelles qui tendent vers

une uniformisation globale. Cela pose aussi la question de la viabilité des systèmes hors financements internationaux. Par contre, il est clair que le référentiel d'efficience actuel mène à trop de rigidité ou, a contrario, à trop d'ouverture.

L'histoire de l'éducation nous enseigne que, fondamentalement, l'éducation, au sens large, a toujours existé et émerge en relation avec ou en appui à une forme d'organisation sociale, sociétale. Les finalités de l'éducation peuvent être universelles comme répondre au droit à l'éducation, et d'ordre local. Favoriser la rencontre entre les deux n'est pas impossible. Dans cette lignée, les questions à poser aujourd'hui pourraient être : Quels contenus ? Quelles modalités ? Pour répondre à quels besoins ? C'est toutefois dans le long terme, à l'instar de ce qui s'est passé en Europe, que l'objectif d'éducation primaire pour tous pourrait être atteint.

V. Pistes d'amélioration du lien entre l'objectif OMD 2 et le développement

Eu égard aux avancées et aux difficultés rencontrées dans l'atteinte de l'Objectif 2 des Objectifs du Millénaire pour le développement, quelles sont les pistes d'amélioration possibles?

Dans les pays à faible revenu, des orientations plus fines pourraient être réfléchies en accordant une attention plus équilibrée entre l'offre de services éducatifs et la demande d'éducation, << la vérité est entre les deux » (Vandenberghe, 2010-2011). Nous en citons quelques unes ci-après.

Apporter de la souplesse dans la définition et la réalisation de l'objectif OMD 2

La pertinence n'est pas que globale, elle est aussi locale. Le déploiement des systèmes éducatifs méritent plus d'attention accordée à la qualité par le biais d'un rééquilibrage entre l'équité d'accès et l'équité de résultats basée sur des seuils minimaux d'acquis d'apprentissage afin de se donner les moyens d' << Instruire plutôt qu'inscrire » (Duflo, 2010 : 21). La question posée est dès lors : quels sont les facteurs déterminants d'une meilleure qualité de l'éducation ? (N. Altinok, 2006).

L'adéquation locale est essentielle et passe par une stratégie pédagogique renforcée (organisation des systèmes et de l'école, formation et motivation des enseignants, méthodes et supports pédagogiques...) à côté d'une stratégie de gestion.

Il s'agit aussi de considérer l'environnement dans lequel les systèmes s'inscrivent. << The implication, therefore, of a poor past aggregate payoff from increased cognitive skills in a perverse policy environment is not <<don't educate » but rather <<reform now so that investments (past and present) in cognitive skills will pay off» » (Pritchett, 2001 : 388). La stratégie 2020, en cours d'élaboration, prévoit des approches différentiées suivant le niveau de développement des pays (Banque mondiale, 2010). C'est un premier pas même s'il s'agit à nouveau d'une approche définie par le haut.

L'objectif OMD 2 pourrait aussi être reformulé en fonction de ces constats et des moyens disponibles. D. Filmer, A. Hasan and L. Pritchett (2006), tout en reconnaissant l'utilité de l'objectif d'éducation pour tous pour avoir pointé le déficit d'éducation, recommande que chaque pays opère une transition« from MDG to «MDG with quality»

to MLG34» (2006 : 38). << The question of the past was «can we get all children in school?» while the question now is «are youth emerging from the educational system adequately equipped for their future?» » (2006 : 41).

Inscrire l'objectif OMD 2 dans une approche systémique locale

En référence à J.-Ph. Peemans (2010) et à F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003), l'investissement éducatif pourrait aussi davantage s'inscrire dans un projet de développement endogène ou territorial.

En référence à J.-E. Charlier (2010-2011) et à J.-Y. Martin (2006), une plus grande autonomie de mise en oeuvre pourrait être laissée aux Etats ou à des systèmes de gouvernance locale en référence à F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003). L'opportunité de l'émergence d'un référentiel de durabilité pourrait aussi être saisie afin de réinscrire l'école dans le long terme (Charlier, 2010-2011).

Une réflexion autour des savoirs à enseigner en primaire est particulièrement importante. Il s'agit d'une part, des savoirs de base universels ou pas, et d'autre part, des savoirs empiriques, des savoirs liés à l'amélioration du bien-être quotidien en termes de santé et de ressources.

Une réflexion autour des finalités locales de l'éducation et de la diversification de l'offre serait aussi utile. La diversification de l'offre comprend divers degrés se référant au niveau d'interactivité entre l'école et la société. Le degré de diversification s'élève lorsque se manifeste une interactivité administrative et politique, une interactivité économique, une interactivité pédagogique et culturelle (Martin, 2006 : 155). Dans cette même lignée, M.-F. Lange remarque, que << du fait que l'éducation participe au fonctionnement des sociétés et peut influencer leur dynamique, qu'il est essentiel que les politiques éducatives accordent davantage d'intérêt aux représentations et pratiques éducatives des familles, et qu'elles parviennent à associer élèves et parents d'élèves dans le développement de l'éducation scolaire » (2006 : 181).

Déjà en 1987, A. Vinokur mettait en avant que << La seule démarche alternative, difficile, est l'analyse de chaque système éducatif dans la dynamique de ses rapports

34 Millennium Learning Goal

avec les structures économiques, sociales, politiques et idéologiques, à la recherche d'une rationalité qui n'a de sens que globale, dans une perspective de la maîtrise des conditions propres du développement de chaque société » (1987 : 934).

Se départir de trop de technocratie et respecter les engagements pris

En référence à J.-E. Charlier, nous pouvons dire que le risque lié au pilotage par les indicateurs réside dans l'éloignement dans l'action de la question des finalités. Bien que l'évaluation puisse être fortement critiquée à l'instar de ce que relève Y.-Ch. Zarka << L'idéologie de l'évaluation est une des grandes impostures de notre époque parce qu'elle prétend à une objectivité fondée sur le calcul, la quantification, le chiffrage »35, elle permet aussi de prendre du recul et de se donner l'opportunité d'une réorientation. A titre d'exemple, nous citons les évaluations réalisées par E. Duflo basées sur le principe des essais cliniques (2010).

L'analyse de l'objectif OMD 2 d' <<Assurer l'éducation primaire pour tous » nous enseigne aussi de l'importance de dépasser les injonctions quelques fois contradictoires des organisations internationales et de maintenir un équilibre entre l'impatience ou l'exigence de résultats à court terme et l'instauration d'un cadre de qualité payant sur le long terme.

Par ailleurs, les financements restent une priorité absolue à respecter.

Et enfin, reconnaître les efforts et les progrès réalisés et dédramatiser

... pour ralentir la course à l'atteinte d'un objectif improbable en un délai aussi restreint. Comme le rappelle J.-E. Charlier, << Il aura fallu deux siècles pour amener les enfants allemands à l'école... » (Charlier, 2010-2011).

En conclusion, l'amélioration potentielle de l'impact de l'éducation primaire ou de base sur le développement requiert une approche de long terme en relation avec des priorités qualitatives et un questionnement sur les finalités de l'éducation en relation avec son ancrage territorial. La vraie question serait dès lors : << L'école, pour quel savoir et pour quel développement ? » (Peemans, 17 janvier 2011).

35 Le Soir, Qui veut prendre le pouvoir sur le savoir ?, Propos recueillis par W. Bourton, le 16 mars 2011

VI. Conclusion générale

Le mémoire avait pour objectif de se questionner sur les effets de l'éducation de base sur le développement. Cette analyse a été circonscrite aux effets de l'éducation primaire sur le développement à un niveau macro à partir de la mise en oeuvre de l'Objectif OMD 2 d' <<Assurer l'éducation pour tous » dans les pays en situation d'extrême pauvreté et particulièrement en Afrique subsaharienne.

Deux hypothèses de départ ont été formulées. La première hypothèse relevait le caractère inapproprié de l'objectif pour les pays et les populations en situation d'extrême pauvreté. Elle a été partiellement vérifiée car l'impact potentiellement positif est contrecarré par de nombreuses pressions inhérentes à la réalisation même de l'objectif et à des facteurs externes. La deuxième hypothèse conditionnait les effets de l'éducation primaire sur le développement à la nécessité d'atteindre des niveaux minimaux de qualité. Elle s'est révélée particulièrement pertinente.

A la question initiale << l'éducation produit-elle du développement ? », la pertinence de l'investissement éducatif dans les pays en situation d'extrême pauvreté n'est en soi pas à remettre en question au regard des nombreuses finalités liées à l'éducation et de ses effets potentiellement positifs pour chaque personne. Il s'agit plutôt d'y apporter davantage d'adéquation et d'efficience. Nous entendons par adéquation, un rapprochement entre l'offre de service et la demande d'éducation ainsi qu'une meilleure intégration dans le paysage local au niveau économique, culturel et social. Par efficience, nous entendons une équité qualitative renforcée autour de seuils minimaux d'acquis d'apprentissage. Un rapprochement significatif devrait ainsi être décidé entre une politique à visée universelle et la réalité quotidienne des populations. Cela passe par une réflexion pédagogique contextualisée au côté d'une stratégie de gestion et d'une conformité à un ordre global. Il s'agit aussi d'opérer un rééquilibrage entre l'équité, les moyens et les objectifs.

L'objectif 2 des Objectifs du Millénaire pour le développement pourrait être redéfini en fonction de ces différents éléments. Il ne s'agit donc pas de le supprimer mais de le réorienter. Il est difficile en effet, voire contreproductif, d'aller à l'encontre d'un déploiement de systèmes éducatifs en référence à des normes devenues internationales et de ne pas l'inscrire dans l'économie de la connaissance. Celle-ci est

déjà une réalité dans les pays les plus pauvres. Toutefois, le chemin pour y arriver, à titre individuel, comme au niveau d'un pays, devrait être plus flexible, plus qualitatif et diversifié. Il devrait impérativement s'inscrire dans le long terme.

En conclusion, ce premier état des lieux sur la problématique de l'éducation primaire en lien avec le développement et la pauvreté en Afrique subsaharienne, nous porte vers de nouvelles pistes de réflexion pour l'école africaine d'aujourd'hui et de demain.

A partir de la question posée par J.-Ph. Peemans (17 janvier 2011) « Quels savoirs pour quel développement ? », les pistes d'investigation pourraient s'orienter vers les thèmes suivants :

- les connaissances génériques et les savoirs locaux, le référentiel de durabilité en éducation (Charlier 2010-2011), le développement endogène / territorial (Peemans, 2002) et le développement socio-économique local;

- le capital humain africain et l'économie de la connaissance.

Toutefois, penser en ces termes n'est pas suffisant. De notre point de vue, il serait aussi nécessaire de se pencher sur la gouvernance des politiques. De cet état des lieux, deux autres grands constats ont aussi émergés : le manque de multidisciplinarité dans la définition des politiques de développement et d'éducation au niveau global ainsi que le besoin d'ouverture et de régulation des systèmes d'éducation à un niveau régional ou local pour une meilleure insertion ou évolution tout au long de la vie des bénéficiaires.

Enfin, force est de constater qu'au XXIème siècle, la démocratisation de l'accès à l'enseignement n'a pas encore été rendue possible pour tous. C'est pourquoi, à l'instar des effets de l'invention de l'imprimerie sur le déploiement des systèmes d'éducation au XVème siècle, il nous paraît nécessaire d'intégrer dans la réflexion le potentiel qui pourrait émerger d'un recourt accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

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Résumé:

Le mémoire a pour objectif d'explorer les effets sur le développement de l'objectif 2 «Assurer l'éducation primaire pour tous d'ici à 2015 » des Objectifs du Millénaire pour le développement dans les pays en situation d'extrême pauvreté, particulièrement en Afrique subsaharienne. Un premier bilan de l'efficacité et de l'efficience dans la mise en oeuvre des politiques d'éducation atteste des efforts réalisés mais aussi des difficultés de ressources et d'équité en termes d'accès et de seuils minimaux d'acquis d'apprentissage. L'analyse de la pertinence de l'éducation primaire en lien avec quatre grands courants du développement (la croissance et le progrès, le développement humain, la lutte contre la pauvreté et le développement endogène) montre le caractère relatif de cet investissement s'il n'est pas contextualisé et priorisé en fonction des besoins locaux. Le regard de sociologues met en exergue la nécessité d'opérer une meilleure adéquation avec la demande des parties prenantes et de se questionner au sujet des finalités de l'éducation. Quelques pistes d'amélioration sont proposées dans ce sens, dont celles relatives aux savoirs enseignés et à l'organisation des systèmes dans une approche systémique, plus flexible et diversifiée des politiques à l'échelle locale.

Mots dlés: Education primaire pour tous, politiques de développement, efficacité, efficience, pertinence, adéquation.






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus