7.2 Limites de la recherche
La recherche que nous avons menée ne sÕest
basée que sur une mission particuliére avec un focus sur un chef
de mission, ce qui, a priori, peut poser certaines limites quant à la
Ç tranférabilité È (Lincoln & Guba, 1985) de
ses résultats à toutes formes de missions de MSF et à
toutes formes dÕorganisations humanitaires. Si nous avons pu traduire
une des paroles de MSF, celle dÕune mission du Nord-Kivu, par
lÕidentité quÕun de ses représentants lui donnait,
implicitement et explicitement, on peut cependant penser que des effets
similaires de representation existent dans dÕautres contextes MSFiens,
ce que démontre dÕailleurs dÕautres etudes menées
par lÕéquipe de
recherche du LOG (Langage Organisation Gouvernance) sur d'autres
missions de cette organisation (publications à venir).
Par ailleurs, le fait que notre étude sur la question
identitaire ait pour cadre d'analyse, l'humanitaire d'urgence, avec MSF,
amène une dimension particulière. En effet, l'humanitaire est un
domaine organisationnel particulier car il est peut-être, plus que les
autres domaines organisationnels, emprunt de passion et accompagné d'une
forte dose d'émotions. Aussi, ceux qui travaillent dans des
organisations comme MSF, donc l'humanitaire médical d'urgence,
travaillent dans des conditions difficiles et ils les acceptent, car ils ont
généralement choisi ce domaine pour la cause que cela
représente. Cela nous indique alors qu'il y a une forte notion
d'engagement à prendre en compte dans ce type de domaine
organisationnel.
Ainsi, si nous avions réalisé la même
étude, mais dans un autre domaine organisationnel, les résultats
auraient peut-être été différents. Ajoutons aussi
parmi les limites de cette recherche, notre propre regard, certes scientifique
mais avec un certain attachement pour la cause humanitaire. De facon plus
générale, sur le regard extérieur porté aux ONG,
Quéinnec (2004) dit : Ç Le concept d'accountability
place ici les ONG dans une situation apparemment confortable. Peu
d'activités sont aussi peu soumises à un jugement externe
invalidant que celles qu'elles mettent en ÏuvreÈ (p. 80).
7.3 Les voies futures de recherche
organisationnelle d'une manière plus dynamique et plus
interactionnelle. L'idée serait donc de poursuivre et de pousser cette
réflexion. En effet, ne serait-ce que sur le corpus que nous avons
exploité, il reste encore beaucoup de données et donc une
richesse à exploiter, mais aussi d'autres terrains à investiguer
et d'autres manières de présenter d'autres organisations. De
plus, le fait de mener une recherche dans le cadre d'une organisation
humanitaire médicale d'urgence comme MSF est très riche en terme
de communication. Il pourrait donc être intéressant d'envisager
une recherche sur les émotions dans les interactions, étant
donné que la nature même de cette organisation est fortement
chargé d'émotions, car elle implique au centre de son action
l'être humain. L'organisation repose donc sur une charge
émotionnelle qui se répercute dans son être, son
identité, cela même si ses actions, son faire, peuvent être
qualifiées de raisonnable, avec une recherche constante de normalisation
de son action dans des terrains difficiles et de crises.
Notre recherche a aussi montré implicitement que le
rTMle du chef de mission est important dans la construction de
l'identité organisationnelle de MSF, aussi cette question pourrait faire
l'objet d'une étude plus approfondie dont nous avons
décelé quelques pistes que nous allons présenter. En
effet, nous nous sommes rendue compte que Max était une sorte d'homme
orchestre avec des qualités de leadership endossant plusieurs rTMles et
présentifiant l'identité de son organisation à plusieurs
titres. Ainsi, il est apparu que le chef de mission pouvait avoir plusieurs
rTMles qui impliquaient certaines actions: (1) un rTMle de protection et de
collecteur d'informations (gérer l'inattendu, entretenir des relations
cordiales avec l'environnement, aller à la Çpêche à
l'informationÈ comme outil de protection de l'organisation et de ses
membres sur le
terrain), (2) un rTMle de prédication et d'information
(comme porte-parole avec un travail d'information pour influencer et
négocier l'adhésion d'autrui, ainsi qu'un travail d'interface
entre le dedans et le dehors), (3) un rTMle de formation (comme porte-parole
implicite de l'expérience de l'organisation, de son savoir, qui est
enseigné et transmise par le biais de la narration) et pour finir (4) un
rTMle de décisionnaire (rTMle qui est relatif car l'esprit associatif
règne solidement chez MSF avec des décisions du collectif prises
au siège, mais pour les aspects locaux, il est le chef et doit
être capable de prendre des décisions pour
l'opérationnalité des missions en cours).
Il serait aussi souhaitable de poursuivre la recherche que
nous avons entreprise en s'attachant plus précisément à
voir les perceptions de l'identité organisationnelle de MSF à
l'extérieur de l'organisation et sa participation à son
être. Les différences culturelles ou le choc des
identités serait une piste intéressante à exploiter, dans
le sens oü MSF par son action est amenée à rencontrer et
à interagir avec de nombreuses cultures, cela en plus d'avoir cette
multiplicité culturelle au sein même de son organisation, avec des
membres issus de tous les continents. Ajoutons, qu'au même titre que l'on
parle d'un travail de face ou de figuration, d'après Goffman, on se rend
compte qu'on peut aussi parler de face organisationnelle et ceci pourrait
être à explorer. En effet, dans nos analyses, nous nous sommes
rendue compte de l'importance chez MSF du regard qu'elle pose sur l'autre et
qu'autrui peut porter sur l'organisation, cela en ne voulant pas Çcasser
le systèmeÈ dans ses interventions et respecter l'autre. Ces
éléments pourraient donc s'apparenter aux principes de garder la
face et celui de préserver la face de l'autre d'Erving Goffman, mais au
niveau organisationnel.
avoir, tant de recherches à mener lorsque l'on
s'intéresse à la sphère MSF. Cette organisation, son
fonctionnement, son identité, sa raison d'être, ses
idéologies, ses actions et ses a cteurs sont une mine d'informations
pour un chercheur. Cependant, nous pourrions aussi envisager pour le futur une
recherche sur la construction de l'identité organisationnelle d'une
autre ONG que Médecins Sans Frontières. Il serait aussi stimulant
de s'in téresser aux représentations de l'organisation dans le
cadre de son identité, en poussant cette idée dans la dynamique
de ce que l'on appelle aujourd'hui le monde du web 2.0. Les chercheurs de
l'Ecole de Montréal et les autres ont donc encore de nombreuses
réflexions à mener.
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