4.2 Méthodologie
Mondada (2006) a écrit:
D'une manière générale, les travaux
développés en AC [Analyse de conversation] et EM
[Ethnométhodologie] montrent que la parole-en- interaction est une
ressource centrale pour l'exercice de nombreuses tâches professionnelles
(résolution de problèmes, prise de décision,
négociation, élaboration collective de solutions, co-conception,
coordination des équipes,
offre de service, etc.). (p. 14)
Il semble donc aux vues de ces informations que notre
étude s'intègre et se justifie en se positionnant à la
suite des précédentes recherches qui ont suivi la
méthodologie d'analyse de conversation dans un contexte organisationnel.
Nous allons maintenant présenter la facon dont nous avons
collecté nos données, puis fait un choix parmi celles-ci, pour
enfin les traiter.
4.2.1. Collecte des données
D'ores et déjà, il est nécessaire de
stipuler que les données que nous avons utilisées pour notre
recherche sont de type secondaire. En effet, les données - des
enregistrements vidéo - ont été collectées par
Francois Cooren, en 2005, au cours d'un terrain d'une dizaine de jours en
République Démocratique du Congo, en pleine zone de conflits. Le
chercheur qui est aussi un des directeurs de recherche de cette présente
étude avait pour but de suivre le travail d'un chef de mission MSF sur
le terrain dans ses activités et déplacements, de devenir en
quelque sorte son ombre. L'analyse secondaire est le terme utilisé pour
désigner l'analyse de données produites par quelqu'un d'autre -
on peut aussi parler de recyclage (Thorne, 1992). Le fait que les
données que nous avons collectées soient de type secondaire pose
déjà une des limites de cette recherche. Cependant, étant
donné que le chercheur qui les a collectées est l'un de
directeurs de cette recherche, cela a facilité notre
compréhension et la recontextualisation de celles-ci, nous permettant
ainsi de limiter les éventuelles erreurs d'interprétation.
La méthode qui a été utilisée est
celle de l'observation directe. Notons que, comme nous le dit Peretz (2004), ce
qui est intéressant avec l'observation directe des personnes dans leurs
activités quotidiennes, c'est que cela permet au chercheur de
découvrir les categories quÕelles utilisent dans
les situations et face aux individus pour caractériser ceux-ci selon
leur propre perspective. Peretz (2004) dit aussi que lÕobservateur a
quatre t%oches à accomplir : (1) etre sur place parmi les personnes
observées et sÕadapter à ce milieu, (2) observer le
déroulement ordinaire des événements, (3) enregistrer ceux
-ci en prenant des notes ou par tout autre moyen, (4) interpreter ce
quÕil a observe et en rediger un compte-rendu.
La collecte des données a été
effectuée en suivant lÕapproche du shadowing, encore
appelé filature en francais (Bruni, 2005 ; Bruni et al. 2004 ; Cooren et
al., 2005 ; Kostera, 2007 ; McDonald, 2005 ; Wolcott, 1973). Le shadowing est
une pratique qui consiste à suivre quelquÕun en le filmant avec
une camera video, tout au long de sa journée de travail, dans le
quotidien de son action. Par consequent, elle donne une dimension visuelle et
orale de lÕinteraction, donnant ainsi un maximum de details de celle-ci.
On peut néanmoins, face à un tel outil, se poser la question de
lÕinfluence de la camera sur le naturel des personnes et situations
filmées. En effet, la camera sÕavére etre un acteur de la
recherche au même titre que le chercheur present sur le terrain.
Néanmoins, même si au début une attention lui est
généralement portée, trés rapidement, la
réalité du travail et du quotidien reprennent le dessus et ces
deux acteurs deviennent ainsi presque invisibles, la gene sÕestompant
progressivement.
La base de données fut ainsi mise
généreusement à notre disposition par Francois Cooren,
nous permettant ainsi dÕaccéder aussitTMt à des
données relativement brutes mais nous exemptant par la même
occasion de lÕexpérience de terrain. Mais, il est à noter
que pour le type de recherche et dÕanalyse que nous souhaitons faire,
les enregistrements video qui reproduisent des interactions quotidiennes de
lÕorganisation sont assez riches en informations. De plus, ce type de
données nÕest
pas facilement collectable, étant donné
quÕelle se trouve sur un terrain fortement instable et dangereux pour le
chercheur, tout comme le personnel de MSF sur place. Notons aussi, afin de nous
remettre dans le contexte de la collecte initiale, que pour le chercheur et
directeur de recherche, lÕobjectif de cette collecte était
dÕenregistrer le plus fidelement possib le la réalité du
quotidien dÕune mission humanitaire. Des son arrivée, le
chercheur a été accueilli par le chef de mission (Max, un
pseudonyme) que nous verrons plus tard dans les analyses et il lÕa suivi
tout au long de son périple. Cette filature a donc eu pour principal
focus le chef de mission dans ses activités et déplacements, mais
par la même occasion, elle a permis de faire la rencontre de
différents acteurs de MSF et de partenaires locaux. LÕensemble de
la mission filmée correspond à environ 42 heures
dÕenregistrements video dÕinteractions entre les membres de MSF
eux-mêmes, avec leurs partenaires, les acteurs de leur environnement,
aussi nous y trouvons des reunions formelles et dÕautres informelles,
ainsi que quelques entrevues.
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