CHAPITRE IV. RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE
PROTECTION JURIDIQUE DES ENFANTS INFECTES OU
AFFECTES PAR LE VIH/SIDA.
SECTION I. L'ELABORATION D'UNE LEGISLATION PROTEGEANT
LES DROITS DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH/SIDA ET DE LEURS
FAMILLES.
La nécessité d'adopter une loi ayant pour but de
protéger les droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et leurs
familles mais non de protéger les droits des seuls enfants se fait
sentir avec acuité. En effet, à notre avis, il n'est pas bien
indiqué de prévoir une loi ayant pour but de protéger les
seuls droits des enfants dans le contexte du VIH/SIDA. Ceci pour deux
raisons.
La première est qu'une telle loi aurait des
résultats opposés au but visé, qui est orienté dans
trois directions à savoir la protection des droits des enfants
touchés par cette épidémie, la réduction de son
impact négatif sur leur vie et la promotion d'un environnement juridique
et social habilitant pour eux. Ainsi, cette loi pourrait avoir au contraire
l'effet d'isoler et de marginaliser davantage les enfants touchés par
cette pandémie dans la mesure où ils seront
considérés comme une catégorie à part des autres
victimes de cette terrible maladie.
La deuxième raison qui milite en faveur d'une
protection légale de toute personne vivant avec le VIH/SIDA est que,
comme déjà souligné, les droits des enfants sont
inextricablement liés avec ceux des adultes. C'est ainsi que la
violation des droits d'un parent qui vit avec la maladie du SIDA a des
conséquences directes sur ses enfants. Ainsi pour protéger
efficacement les droits d'un enfant touché par le VIH/SIDA, il faut
également protéger les droits de ses parents.
Toutes ces raisons nous amènent à formuler des
recommandations allant dans le sens d'élaborer une législation
portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Cependant, cette législation doit comprendre une partie
qui traite des droits des enfants affectés ou infectés par
VIH/SIDA eu égard à leur vulnérabilité et au fait
qu'ils ont des droits qui leur sont spécifiques.
De même, le SIDA étant une maladie ayant des
conséquences socio- économiques et juridiques aux multiples
facettes, cette législation doit aborder toutes les situations possibles
dans lesquelles cette pandémie contraint à vivre ses victimes.
D'un autre côté, pour ce qui concerne les enfants, elle doit viser
toutes les catégories d'enfants qui en sont victimes tout en mettant un
accent particulier sur leurs droits les plus violés et les plus
fondamentaux en relation avec cette pandémie.
SECTION II. DE LA NECESSITE DE PRENDRE EN COMPTE LES
CATEGORIES D'ENFANTS TOUCHES PAR LE VIH/SIDA DANS LA PROTECTION DE LEURS
DROITS.
Trois catégories des enfants sont
particulièrement touchées par les conséquences du VIH/SIDA
sur les individus et sur les familles. Il s'agit des enfants infectés
par le VIH, les enfants des parents malades et enfin, des orphelins du SIDA.
La violation des droits liée au VIH/SIDA touche les
enfants à des degré divers selon ces catégories. Ainsi la
protection des droits de ces enfants doit tenir compte des besoins
spécifiques pour chaque catégorie d'enfants visés et
porter une attention particulière à la protection des droits les
plus pertinents pour cette catégorie tout en ne perdant pas de vue les
autres droits des enfants les plus communément violés dans le
contexte du SIDA.
Néanmoins, la protection contre la discrimination doit
être au premier plan dans chaque cas, dans la mesure où celle-ci
constitue la violation des droits la plus commune à ces trois
catégories et qu'en outre la discrimination est- directement ou
indirectement- à l'origine de la violation des autres droits.
§1. De la protection de l'enfant vivant avec le
VIH/SIDA
La protection des droits des enfants infectés par le
VIH/SIDA doit être orientée en premier lieu vers la
réalisation du droit à la santé tel qu'il est
proclamé par le PIDESC et la CDE ainsi que la
protection contre la discrimination.
En effet, les enfants infectés par le virus du SIDA
ont une santé fragile ce qui fait qu'ils ont le plus besoin des soins
médicaux et d'un traitement appropriés. Or, dans la plupart des
cas, ces enfants n'ont pas accès aux structures de soins et aux
médicaments anti-SIDA, à cause notamment du manque des moyens
mais également de la discrimination liée au VIH/SIDA qui
sévit dans le secteur de la santé. De plus, souvent, leurs
parents ont eux aussi la maladie du SIDA ce qui fait que, souvent, ils ne sont
plus en mesure de leur procurer des soins nécessaires.
Cette situation nous amène à formuler des
recommandations aux pouvoirs publics et aux autres intervenants en
matière de prise en charge des victimes du SIDA allant dans le sens de
mettre un accent particulier sur la protection du droit à la
santé de ces enfants mais également de leurs parents.
Néanmoins, comme la réalisation de ce droit
surtout dans le contexte du SIDA exige la mise en oeuvre de moyens importants
qui ne sont pas toujours à la disposition d'un pays pauvre comme le
Burundi, nous recommandons de procéder progressivement à la mise
en place d'un système permettant l'accès aux services de soins et
de traitement du SIDA pour toutes les personnes vivant avec le VIH/SIDA tout en
commençant d'abord par les enfants. En effet, les enfants étant
parmi les plus vulnérables des personnes touchées par le
VIH/SIDA, ils doivent recevoir une priorité.
De même, il faut tenir compte du fait que les personnes
vivant avec le VIH/SIDA risquent d'être confrontées
régulièrement et de manière constante, à une
dégradation de leur santé. Ainsi, il faut organiser un
système de soins qui vont vers les patients au lieu du schéma
classique du patient vers soins de santé.
A cet effet, nous recommandons d'organiser et de
développer le système des soins de santé à domicile
et un système de soins médicaux mobiles en faveur des enfants
séropositifs et autres enfants à santé fragile dans leurs
communautés.
Cependant, pour organiser un système de soins
accessibles à toutes les populations touchées par le VIH/SIDA,
plus particulièrement les enfants qui en sont infectés, une
série de mesures s'imposent.
C'est ainsi qu'il faut concevoir et développer des
mécanismes de sécurité sociale adaptée à la
situation de dénuement dans laquelle se trouvent les victimes du
SIDA.
Pour ce faire, il convient de développer le
système de caisses de solidarité qui a été mis en
place dans certaines entreprises et sociétés privées ou
parapubliques, comme la BRARUDI, l'INSS, la BRB, etc. qui ont
déjà donné lieu à des résultats concrets.
Dans le milieu rural, il faudra revaloriser le système
des cartes d'assurance maladie afin de permettre à tous les malades du
système informel d'avoir accès aux soins de santé à
moindre coût.
Enfin, il faut encourager des conventions passées entre
les pouvoirs publics ou les autres intervenants en matière des soins,
d'une part et les structures de soins d'autre part et ayant pour objet d'amener
ces dernières à donner des soins gratuits ou au moindre
coût aux personnes vulnérables, plus particulièrement les
enfants ayant le VIH ; en contrepartie des subventions et subsides leurs
versées par les premiers.
Concernant l'accès aux ARV, nos recommandations
à l'Etat vont dans le sens de profiter des développements
internationaux récents en faveur de l'accès à ces
médicaments comme les arrangements issus de la Déclaration de
Doha sur les ADPICs et la Santé publique et de s'approvisionner
à des marchés les moins chers par le système
d'importations parallèles et l'achat des médicaments
génériques.
En outre, il faut augmenter les dotations aux Fonds National
de Solidarité thérapeutique et amener la Mutuelle de la Fonction
publique à inscrire les ARV sur la liste des médicaments qu'elle
subventionne.
D'un autre côté, il est nécessaire de
protéger le droit à la confidentialité et de prendre des
mesures visant à combattre la discrimination dans le milieu des soins.
Dans ce sens, il est recommandé de faire usage le cas
échéant du droit administratif et même du droit
pénal afin de sanctionner les comportements contraires à la
déontologie médicale et qui, souvent, mènent à des
actes discriminatoires.
|