UNIVERSITE MOHAMED V
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET
SOCIALES
RABAT - AGDAL.
MEMOIRE
En vue de l'obtention du Diplôme de Master Es -
sciences économiques
Préparé par
:
Younes El Menyari
Sous la direction de l'équipe
pédagogique du Master Econométrie
ANNEE UNIVERSITAIRE
2007 - 2008
RESUME
Ce travail se propose une modélisation des
déterminants du salaire pour l'économie marocaine. La
méthode d'estimation consiste à utiliser plusieurs techniques
économétriques compte tenu de degré d'intégration
et de stationnarité des variables. En effet, l'équation du taux
de salaire, retenue dans le cadre de cette étude, indique une
sous-indexation des salaires sur les prix à la consommation de l'ordre
de 0,72. Cette équation montre également que le taux de salaire
moyen du secteur industriel dépend positivement de la
productivité apparente du travail et négativement du taux de
chômage.
Par ailleurs, nous avons montré, à l'aide
d'une régression, qu'une augmentation du SMIG aura un effet positif et
statistiquement significatif sur le salaire moyen du secteur
industriel.
Mots-clés : formation des salaires,
causalité, cointégration, indexation.
Table des matières
INTRODUCTION 3
I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE 4
1. La courbe de Phillips originelle 4
2. L'explication de Lipsey 5
3. La critique de la courbe de Phillips 6
3.1 La vision des monétaristes 6
3.2 La nouvelle école classique (NEC) 8
4. La spécification de Wage Setting (WS) 8
II : EVOLUTION DES SALAIRES AU MAROC 9
III : ETUDE EMPIRIQUE 12
1. La spécification empirique des équations 12
2. Choix des variables et présentation des données
13
3. L'étude des propriétés statistiques des
séries 15
4. Modélisation du salaire 17
4.1. Effet du SMIG 18
4.2. L'équation de salaire 19
4.2.1 La détermination du nombre de retard « p
» 19
4.2.2 Résultats du test de cointégration 20
4.2.3 Estimation d'un VECM : résultats et
interprétations 20
5. Analyse de causalité 23
CONCLUSION 24
BIBLIOGRAPHIE 26
ANNEXES 28
INTRODUCTION
La question de la détermination des salaires et de leur
évolution au cours du temps est au centre de nombreuses théories
macro-économiques. Cette détermination repose sur deux
spécifications alternatives : une relation de Phillips augmentée,
expliquant le taux de croissance des salaires par celui des prix et par le taux
de chômage, ou bien une relation de WS (wage Setting), inspirée
des modèles de négociation salariale, liant le niveau des
salaires réels par le taux de chômage et éventuellement
d'autres variables.
Notre étude constitue une tentative de
réconciliation de ces deux approches. Elle sera appliquée
à l'économie marocaine pour la période allant de 1980
à 2006.
En effet, La formulation de l'équation du salaire
permet d'apporter des éléments d'explications à plusieurs
questions pertinentes en termes de politique économique. Quel est le
degré d'indexation des salaires sur les prix à la consommation ?
Quel est l'impact des gains de productivité sur le niveau de
rémunération et donc de l'emploi ? Et Quel est le rôle du
taux de chômage dans la formation des salaires au Maroc ?.
Parallèlement à l'estimation de
l'équation du salaire, nous allons essayer de répondre à
la question suivante : Le salaire minimum contribue-t-il à relever
d'une manière significative le niveau du salaire moyen dans le secteur
industriel ?.
La méthode d'estimation consiste à utiliser
plusieurs techniques économétriques compte tenu de l'ordre
d'intégration et de stationnarité des variables. Si les
séries sont cointégrées selon le test de Johansen, nous
effectuerons un modèle vectoriel à correction d'erreurs
(identifié par le sigle VECM, de l'expression Vector Error Correction
Model) qui permet la prise à la fois du court et de long terme.
L'avantage de ce modèle est de mettre en évidence les
comportements de long terme qui gouvernent la dynamique des salaires en les
différenciant des ajustements de court terme.
Enfin, nous appliquerons le test de Granger afin de
répondre à la question cruciale : Existe-t-il une relation de
causalité dans les deux sens entre les prix à la consommation et
les salaires au Maroc ?.
Notre article s'articule autour de trois axes : Le premier
passe en revue le cadre théorique de l'étude, le deuxième
examine l'évolution des salaires au Maroc. Enfin, le troisième
axe est réservé à l'analyse empirique de la formation des
salaires au Maroc.
I. LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
1. LA COURBE DE PHILLIPS ORIGINELLE
Dans un article publié en 19581, A. W.
Phillips établit une relation inverse et non linéaire entre la
variation des taux de salaires nominaux et le taux de chômage. Cette
relation s'est fondée sur un travail statistique portant sur
l'économie anglaise pendant environ un siècle (1861- 1957).
Phillips obtient une relation empirique de la forme suivante :
°
|
W
|
=
|
a b
+
|
u
|
-
|
c
|
|
°
W
|
w
|
|
|
(1)
|
Où W Le taux d'accroissement des salaires.
u Le taux de chômage exprimé en
pourcentage.
Il est intéressant de noter que l'existence de la
courbe de Phillips a été établie sans cadre
théorique précis. Ce n'est que plus tard que des efforts ont
été entrepris en vue de fournir une explication théorique
au phénomène. Ceci est plutôt inhabituel en
économie, car la démarche normale est de commencer par
spécifier une théorie, puis d'utiliser les méthodes
économétriques dans le but de la confronter à la
réalité. La théorie sera alors peut être
réfutée par le travail empirique. Dans le cas contraire, on ne
pourra pas en conclure que la théorie est exacte, mais simplement
qu'elle est conforme à la réalité. C'est le cheminement
inverse qui a été suivi dans le cas de la découverte de la
courbe de Phillips2.
1 A. w. Phillips, « The relation between Unemployment and
the Rate of change of Money Wage Rates in the United Kingdom, 1861-1957 »,
Economica, 1958.
2 La courbe de Phillips est un bel exemple du succès de
l'induction statistique, où l'observation précède la
théorie.
2. L'EXPLICATION DE LIPSEY
La plus importante contribution à l'explication de la
courbe de Phillips nous vient de Lipsey3(1960). La courbe de
Phillips est déduite de l'analyse du marché du travail. Une
variation en hausse ou en baisse des taux de salaire traduit un
déséquilibre entre l'offre et la demande de travail : lorsque la
demande excède l'offre, le taux de salaire augmente, à un rythme
d'autant plus élevé que l'excédent de demande est grand.
Inversement, dans le cas d'un excès de l'offre, le salaire diminue, et
selon un rythme d'autant plus élevé que cet excès d'offre
est grand. En première approximation, la mesure de l'excès de
demande (ou d'offre) peut être donnée par le taux de
chômage.
Appelons Nd la demande de travail qui comprend ceux qui
sont déjà employés (L) et les postes
susceptibles d'être vacants (V) : Nd = L
+ V (2)
Et No l'offre de travail, comprend donc ceux qui sont
déjà employés (L) et ceux qui sont au
chômage (U) : No = L + U
(3)
Toutefois, l'équilibre signifie que le nombre de postes
offerts est égal au nombre de chômeurs, mais il ne signifie pas
que tout le monde sera employé.
On peut définir la demande de travail comme la
différence entre V et U :
En effet, Lipsey propose une première explication
basée sur le fait que le salaire varie avec l'écart entre la
demande de travail (les emplois nécessaires aux entreprises) et l'offre
de travail (la population active se présentant sur le marché de
travail), soit :
- °
N
N° )
avec (5)
f , ~ 0
°
W
d
f N
(
3 D. L. Phan « Un aperçu de la littérature
théorique sur la courbe de Phillips » Revue économique,
(1971).
On a :
Nd
- °
N
N°
= avec (6)
g , ~
g(U) 0
D'où la relation donnant la courbe de Phillips :
°
W = f[ g ( U ) ] =
F(U )
|
avec (7 )
F , ~ 0
|
Où U est le chômage.
3. LA CRITIQUE DE LA COURBE DE PHILLIPS
3.1 La vision des monétaristes
Selon l'argument avancé par Friedman-Phelps (1968), on
peut concevoir une courbe de Phillips à condition que les travailleurs
s'attendent à un autre salaire réel que celui anticipé par
les entrepreneurs, c'est-à-dire les anticipations des travailleurs
à l'égard du niveau général des prix sont
différentes de celles des entrepreneurs. Dans ce cas, on suppose
généralement que les entrepreneurs ont des anticipations de prix
plus justes et plus correctes puisque ce sont eux qui les fixent.
L'interprétation de la courbe de Phillips par Friedman
et Phelps parvient donc à un résultat différent de
l'interprétation faite par Lipsey. Dans ce dernier cas, nous obtenons le
fondement théorique d'une seule courbe de Phillips qui n'est pourtant
pas cohérente puisque les agents économiques effectuent leurs
calculs sur la base du salaire nominal. Dans le premier cas, nous obtenons
plusieurs courbes de Phillips (c'est-à-dire une relation de Phillips
instable), mais qui, par contre, sont cohérentes avec la théorie
économique puisque les agents économiques orientent leurs plans
selon des variables réelles - à savoir le taux de salaire
réel anticipé.
De ce fait, la (les) courbe (s) de Phillips selon la version de
Friedman - Phelps4 s'écrit (s'écrivent) :
dp dt
1dw 1
wdt
f
U ,
p
(8)
( )
U
a
W = +
Ð f
où
Où le terme de gauche représente le taux de
variation soit des salaires, soit des prix.
La relation (8) représente ce qu'il convient d'appeler
dans la littérature macroéconomique la courbe de Phillips
augmentée des anticipations d'inflation. Cette formulation a deux
principales implications :
· Première implication : La relation entre le
taux de variation du salaire et le taux de chômage n'est pas stable
à court terme. Cette relation dépend en effet de la formation des
anticipations et pourrait correspondre à une famille de courbes «
paramétrées » par des niveaux différents de
l'inflation anticipée Ða t .
· Deuxième implication : A long terme, la position
d'équilibre de la courbe de _
Phillips correspond à celle où U U
=
|
. Cela signifie qu'il n'existe pas de choix
|
|
possible entre la hausse des salaires (ou l'inflation) et le
chômage. Le taux de
_
chômage serait égal au taux de chômage
naturel5, soit U U
= et la courbe de
Phillips serait verticale.
4 M. Friedman « Prix et théorie économique
», Economica., (1983).
5 Selon Friedman, Le taux de chômage naturel est «
le taux qui découlerait du système Walrasien des équations
d'équilibre général si y étaient
intégrées les caractéristiques structurelles effectives
des marchés des biens et du travail, y compris les imperfections de
marché, la variable aléatoire des offres et des demandes, le
coût de collecte de l'information sur les emplois vacants, les
coûts de mobilité, etc. ».
3.2 La nouvelle école classique (NEC)
En 1981, Lucas remis en cause l'idée d'un arbitrage
entre inflation et chômage même à court terme. En effet, si
les anticipations sont rationnelles, alors les hausses des salaires
reflètent à tout moment les hausses de prix, et la courbe de
Phillips est verticale dès le court terme. Formellement,
l'hypothèse d'anticipation rationnelle signifie que les agents ne
commettent pas d'erreur systématique dans leurs prévisions,
étant donné l'ensemble des informations It dont ils
disposent. Si E(.) désigne l'opérateur de l'espérance
mathématique, on aura ainsi :
(9)
(1 0)
E
a
pt
pt
It
La nouvelle relation de Phillips s'écrit alors :
Ä p
E I
t
t
+ f (U)
Ä wt
On retrouve une expression analogue à la relation (17)
du modèle des monétaristes qui supposent des anticipations
adaptatives. La différence provient de l'indexation du taux de
croissance des salaires sur l'anticipation de l'inflation courante. Cette
nouvelle formulation de la courbe de Phillips implique qu'il n'y a aucun
délai d'ajustement du taux de croissance des salaires sur
l'espérance conditionnelle du taux d'inflation.
4. LA SPÉCIFICATION DE WAGE SETTING (WS)
Dans les années quatre-vingt et au début des
années quatre vingt-dix, les partisans des modèles dits Wage
Setting / Price Setting (WS/PS), dont l'ouvrage de Layard, Nickell et Jackman
(1991) est la référence, rejettent de façon plus radicale
la courbe de Phillips principalement pour son manque de fondements
théoriques et pour son incapacité à expliquer la
persistance du chômage en Europe. Le cadre d'analyse est celui d'un
modèle d'équilibre général avec imperfections des
mécanismes concurrentiels sur les marchés du travail et des
biens. Selon ces auteurs, la formation des salaires porterait sur le niveau du
salaire réel et non sur le taux de croissance du salaire nominal. Ils
proposent de remplacer la courbe de Phillips par la courbe WS qui
établit un lien en niveau entre le salaire réel et le taux de
chômage.
La détermination des salaires peut donc être
représentée par l'équation suivante, notée (WS)
pour « Wage Setting6 » :
(11)
Le coin fiscalo-social (cfs )7, les termes
de l'échange intérieur(pc - p), la
productivité (e) et le taux de chômage (u) exercent une pression
sur les salaires à long terme.
En effet, la détermination des salaires induit une
relation inverse entre le salaire réel, et le taux de chômage :
plus le taux de chômage est élevé, plus le salaire
réel choisi lors de la négociation est bas.8
L'intuition est simple : plus le chômage est fort, moins les travailleurs
ont de pouvoir de négociation, et donc plus les salaires réels
sont faibles.
II. EVOLUTION DES SALAIRES AU MAROC
La dynamique des salaires conditionne, en parallèle
avec l'évolution des prix, le partage du résultat des
activités productives et se répercute de façon directe sur
le pouvoir d'achat et le niveau de vie. L'examen des tendances des revenus
salariaux peuvent être approchées à travers les indicateurs
de taux de salaire moyen déduits des données sur les frais de
personnel dans le secteur industriel et des données de la masse
salariale des entreprises affiliées à la CNSS. Ces deux
indicateurs doivent être complétés par les tendances qui
découlent des revalorisations successives du salaire minimum.
Le salaire moyen brut dans le secteur industriel (rapport
entre le montant global des frais de personnel à l'effectif total des
employés) a enregistré une progression assez
régulière depuis les années quatre vingt jusqu'à
l'année 2006 (graphique 1). Ce salaire a connu un accroissement
au rythme de 5,2% en valeur nominale, contre 0,49% en terme réel au
cours de ces vingt sept années.
6 L'équation de WS est déduite à partir
de l'application du critère de Nash généralisé.
Cette équation correspond au jeu de négociation salariale entre
syndicat et entreprise. Voir, en plus de détails, Horty et Sobczak
« Identification de la courbe de salaire et déterminants du
chômage d'équilibre dans un modèle de négociation
salariale », 1996.
7Le coin fiscalo-social caractérise
l'écart entre le coût nominal du travail et le salaire nominal net
de tout prélèvement. Il dépend du taux de cotisations
sociales employeur, du taux de cotisations sociales salarié et du taux
d'impôt sur le revenu.
8 Le salaire est choisi par les syndicats et les entreprises
s'il y a négociation collective, par les travailleurs individuels et les
entreprises s'il y a négociation bilatérale, ou par les
entreprises seules dans le cas d'emplois « à prendre ou à
laisser ».
Graphique 1 : le salaire moyen dans le secteur
industriel
-10
-20
40
20
30
10
0
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
salaire moyen nominal salaire moyen réel
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Le salaire moyen qui ressort des données de la CNSS
(graphique 2) présente, quant à lui, des
évolutions similaires mais avec des rythmes relativement plus
marqués. Cet indicateur, qui concerne les salariés de plusieurs
secteurs d'activités, est estimé au montant annuel moyen de 33362
DH en 2006 contre 13041 DH en 1980, soit un accroissement annuel moyen de 4%.
Cette progression nominale implique une perte de pouvoir d'achat de 0,7% par
an, compte tenu de l'évolution parallèle de l'indice du
coût
de la vie.
Graphique 2 : Le salaire moyen des salariés
affiliés à la CNSS
-10
-15
30
25
20
15
10
-5
5
0
salmcnss nominal salmcnss réel
En ce qui concerne, le salaire minimum (Graphique 3),
on observe que l'évolution temporelle n'est pas régulière,
certaines périodes n'enregistrent aucune augmentation, alors qu'à
d'autres moments elles sont conséquentes.
Ainsi, le SMIG a enregistré un accroissement de 10,5%
par an en valeur nominale et 3% en termes réels (déflaté
par l'indice des prix à la consommation) durant la période de
1980 à 1990. Ce rythme devait connaître un net ralentissement
entre 1990 à 2006 avec une hausse moyenne de 3,5% en valeur nominale et
0,5% en valeur réelle.
En effet, cette tendance irrégulière est la
conséquence d'une détermination exogène du
salaire minimum, au sens où les décisions de relèvement
sont « administrées »9, discrétionnaires et
effectuées de manière quasi-indépendante des conditions du
marché du travail.10
Graphique 3 : SMIG, réel et nominal
-10
25
20
15
10
-5
5
0
SMIG, réel et nominal
SMIG nominal SMIG Réel
9 Au Maroc, une augmentation du salaire minimum doit
intervenir lorsque la commission centrale des prix constate que l'inflation,
telle qu'elle est mesurée par l'indice du coût de la vie (ICV), a
subi une augmentation au moins égale à 5% par rapport à
l'indice de référence.
10 D'après le travail de la direction de l'emploi «
le salaire minimum au Maroc 2001 ».
III. ETUDE EMPIRIQUE
Nous commencerons notre étude empirique par la
formulation des équations à tester, ses avantages et ses
inconvénients. Un second point traitera du choix des différentes
variables, tandis qu'un troisième point analysera les
propriétés statistiques de ses variables. Un quatrième
point présentera la modélisation de l'équation du salaire.
Un dernier étudiera l'analyse de la causalité entre les prix
à la consommation et les salaires au Maroc.
1. LA SPECIFICATION EMPIRIQUE DES EQUATIONS
Comme nous l'avons signalé dans le cadre
théorique, la modélisation empirique des salaires repose sur deux
spécifications alternatives : La spécification en taux de
croissance (courbe de Phillips augmentée) et la
spécification en niveau (courbe WS).
La courbe de Phillips augmentée est présente dans
la plupart des modèles macroéconomiques, notamment de
l'économie française11. Elle s'écrit sous la
forme12 :
Ä = Ä + Ä +
smi ipc pdl tcho x
á â ë + ó Ä
(12)
Oü
x : ce terme représente l'ensemble
des variables susceptibles d'influencer les salaires (notamment le SMIG ou le
taux de syndicalisation). Théoriquement, á >- 0,0
-< â -<1 (les salaires bénéficient d'une
partie des gains de productivité) et ë -< 0 (l'effet de
Phillips). Tandis que la spécification en niveau de l'équation de
salaires, ou ce qu'on appelle la courbe WS, s'écrit comme suit :
smi = áipc+ âpdl+
ëtcho+ óx (13)
Le choix entre les deux approches (courbe de Phillips et Wage
Setting) est important pour l'évaluation d'un niveau mais aussi des
déterminants d'un taux de chômage
11 Le modèle France de l'OFCE ,2002.
12 Nous considérons ici uniquement le long terme. Nous
omettons les termes retardés, les indices temporels et les aléas
économétriques.
d'équilibre, compatible avec une inflation stable.
Néanmoins, l'objet de cet article n'est pas l'estimation d'un
chômage d'équilibre via celle d'une boucle Prix-salaires mais
celle de la seule formation des salaires.
La spécification retenue dans ce travail est très
proche de celle estimée dans plusieurs travaux. Elle se présente
comme suite :
Ä smi ipc pdl
= Ä + Ä
á â +
t t t
|
ë (
tcho smi ipc pdl tcho
+ ã - +
- ) å
+ +
ó
t t - 1 t - 1 t - 1 t - 1
t
|
|
(14)
L'équation (14) permet d'intégrer les deux
approches de court et de long terme de l'équation de salaire. En effet,
la relation de cointégration (entre parenthèses)
représente le long terme « WS » et la courbe de Phillips
augmentée représente, quant à elle, le court terme.
Le terme « ã » dans
l'équation (14) est appelé la force de rappel vers la valeur
cible de long terme donnée par la relation de cointégration. Ce
terme doit avoir un signe négatif, sinon il n'existe pas de
phénomène de retour à l'équilibre.
Toutefois, le choix de la spécification a
été déterminé par des considérations
économétriques, notamment la nature statistique des
différentes séries utilisées.
2. CHOIX DES VARIABLES ET PRESENTATION DES DONNEES
L'ensemble des estimations est réalisé sur des
données annuelles marocaines couvrant la période 1980 à
2006, soit 27 observations. Les sources principales de nos données sont
«le Ministère de l'industrie », « la Direction de la
Statistique » et « la Direction de l'emploi ».
Toutes les séries d'origine ont été
transformées en logarithme népérien (sauf pour le cas du
taux de chômage urbain). Cette spécification a l'avantage
d'éviter les problèmes
d'hétéroscédasticité. Ainsi, les notations des
différentes données utilisées dans le cadre de cette
étude sont les suivantes :
LN_SMI désigne le logarithme du taux
de salaire moyen dans le secteur industriel : frais de personnel par
employé dans le secteur industriel, (source : enquête
annuelle sur la production, l'emploi et les frais personnel du Ministère
de l'industrie).
LN_IAGR désigne le logarithme du taux
de salaire moyen des industries agroalimentaires, (source : enquête
annuelle sur la production, l'emploi et les frais personnel du Ministère
de l'industrie).
LN_ITEX représente le logarithme du
taux de salaire moyen des industries de textiles et du cuir, (source :
enquête annuelle sur la production, l'emploi et les frais personnel du
Ministère de l'industrie).
LN_ICHM représente le logarithme du
taux de salaire moyen des industries chimiques et parachimiques, (source :
enquête annuelle sur la production, l'emploi et les frais personnel du
Ministère de l'industrie).
LN_IMEC représente le logarithme du
taux de salaire moyen des industries métalliques et mécaniques,
(source : enquête annuelle sur la production, l'emploi et les frais
personnel du Ministère de l'industrie).
LN_IELT représente le logarithme du
taux de salaire moyen des industries électriques et
électroniques, (source : enquête annuelle sur la production,
l'emploi et les frais personnel du Ministère de l'industrie).
LN_SMCNSS désigne le logarithme du
taux de salaire moyen des salariés immatriculés à la CNSS
: rapport masse salarial sur salariés déclarés,
(source : CNSS).
LN_SMIG désigne le logarithme du
salaire minimum garanti dans l'industrie (source : Direction de
L'emploi).
TCHO représente le taux de
chômage urbain : indicateur de tension sur le marché du travail,
(source : enquête de l'emploi réalisée par la
Direction de la Statistique).
LN_IPC est le logarithme de l'indice des prix
à la consommation ou bien de l'indice du coût de la vie,
(source : Direction de la Statistique).
Il convient de préciser que le choix de ces variables
est justifié par deux considérations importantes : d'une part, la
disponibilité des données du taux de salaire dans le secteur
industriel, secteur qui se rapproche le plus des concepts de production et de
productivité. Et d'autre part, l'existence d'un marché du travail
segmenté13 dans un pays comme le Maroc nécessite
d'étudier les spécificités de chaque secteur dans la
formation des salaires.
En plus, le choix des variables mesurant l'inflation ou les
tensions sur le marché du travail conditionne le type d'influences qui
passent par son canal. Ainsi, par exemple pour le cas du Maroc, la prise en
compte de l'indice de coût de la vie (ICV) comme
indicateur de l'inflation est sujet à discussion en raison même de
la nature du panier qu'il est censé mesurer. Ce panier qui comporte 385
articles comprenant 768 variétés de produits (en 1989) ne
concerne que la population moyenne urbaine. Par conséquent, les points
d'observation de l'indice du coût de la vie ont été choisis
dans 11 grandes villes du Royaume. Les prix de 385 articles sont relevés
à l'aide d'une enquête auprès d'un échantillon fixe
de points de vente, par lecture directe des prix affichés sur les
produits ou en interrogeant le vendeur lorsque les prix ne sont pas
affichés. Sur le plan technique ICV est
fréquemment révisé, ce qui introduit des ruptures au
niveau des observations et rend, de ce fait, le travail de modélisation
relativement difficile.
3. L'ETUDE DES PROPRIETES STATISTIQUES DES SERIES
Une bonne spécification des modèles de
régression requiert que toutes les variables soient
intégrées du même ordre afin d'éviter les
problèmes de régression fallacieuse (dans l'optique d'une analyse
de la cointégration, cette condition est indispensable). C'est pourquoi
il convient d'effectuer des tests de stationnarité qui permettent de
voir si une série temporelle est stable dans le temps, étant
entendu qu'une série relativement invariante est utile à la
prévision. Pour travailler avec des séries qui ne sont pas
stationnaires, on recourt généralement à la
différenciation ou à la régression sur trend, de
manière à les rendre stationnaires. Il est donc important de
déterminer la stationnarité ou non des séries avant
d'appliquer une méthode d'estimation.
13 Agénor P. R. et K. El Aynaoui (2003). «
Politiques du marché du travail et chômage au Maroc : une analyse
quantitative » Banque Mondiale.
Tout d'abord, un simple examen graphique met clairement en
évidence le fait que les séries étudiées sont a
priori non stationnaires. Les processus générateurs
correspondants ne semblent pas satisfaire, en effet, la condition d'invariance
de l'espérance, et il en va de même pour la
variance14.
La première étape de notre analyse consiste
ainsi à tester si nos diverses séries contiennent ou non une
racine unitaire. A cette fin, nous nous proposons d'appliquer les tests de
Dickey-Fuller simples et augmentés (1979, 1981), Phillips-Perron (1988)
sur les séries loglinéarisées (hormis le taux de
chômage urbain). Les résultats figurent dans les tableaux 1 et 2
ci-après. Rappelons que le test de Phillips-Perron est une alternative
au test de Dickey-Fuller au cas où les résidus ne
présentent pas les « bonnes » propriétés
statistiques. Phillips et Perron (1988) introduisent en effet une correction
non paramétrique ayant pour objet de tenir compte d'une
éventuelle autocorrélation et/ou
hétéroscédasticité des résidus. Notons
également que le test de Phillips-Perron requiert le choix du nombre de
retards à prendre en compte dans le calcul de l'autocorrélation
des résidus. Cependant, si les résultats des tests ADF et PP sont
en opposition, nous adoptons le test de DF-GLS, généralement
jugé plus puissant, comme confirmation ou infirmation des
résultats obtenus.
On a les résultats15 suivants :
Tableau 1 : Les tests de Dickey et Fuller simples et
augmentés
Variables
|
Test ADF en niveau
|
Test ADF en différence
première
|
Retards retenus
|
Résultats
|
|
Avec constante sans trend
|
sans constante ni trend
|
Avec constante et trend
|
Avec constante sans trend
|
sans constante ni trend
|
|
-2.306832
|
-0.212995
|
3.759735
|
-3.790456**
|
-3.943836***
|
-2.155121**
|
2
|
I(1)
|
ipc
|
-2.369853
|
-7.248069***
|
6.210014
|
-3.704058**
|
-2.757215*
|
-2.127870**
|
0
|
I(1)
|
tcho %
|
-2.872189
|
-2.848406*
|
-0.024312
|
-5.865041***
|
-5.730120***
|
-5.838012***
|
0
|
I(1)
|
pdl
|
-1.448253
|
-1.537480
|
3.975193
|
-4.482673***
|
-4.080962***
|
-1.962928**
|
3
|
I(1) +c
|
smig
|
-1.761866
|
-5.249729***
|
4.381362
|
-4.297095**
|
-3.051636**
|
-2.518675**
|
0
|
I(1)
|
smcnss
|
-1.969707
|
-2.605982
|
2.390856
|
-6.176255***
|
-5.640740***
|
-4.758877***
|
0
|
I(1)
|
|
Note : Dans cette étude,
nous poserons un nombre de retard maximum de 3 périodes.
14 Voir l'évolution des principales variables en annexe
1.
15 Le logiciel que nous utilisons est E-views 5.
Tableau 2 : Le test de Phillips et Perron
Variables
|
Test PP en niveau
|
Test PP en différence
première
|
Résultats
|
|
Avec constante sans trend
|
sans constante ni trend
|
Avec constante et trend
|
Avec constante sans trend
|
sans constante ni trend
|
|
-3.567719*
|
-1.443448
|
3.636336
|
-5.161148***
|
-5.180579***
|
-3.649280***
|
I (1)
|
ipc
|
-2.235142
|
-6.600323***
|
3.252002
|
-3.704058**
|
-2.730510*
|
-2.175039**
|
I (1) +t
|
tcho %
|
-2.872189
|
-2.848406*
|
0.061080
|
-5.910296***
|
-5.730120***
|
-5.838012***
|
I (1)
|
pdl
|
-6.285962***
|
-3.160655**
|
2.305190
|
-5.366679***
|
-5.911270***
|
-4.672915***
|
TS
|
smig
|
-1.754041
|
-5.030634***
|
2.865336
|
-4.297095**
|
-2.956311*
|
-2.441860**
|
I (1)
|
smcnss
|
-1.947017
|
-2.973156*
|
2.569517
|
-6.187104***
|
-5.642689***
|
-4.765218***
|
I(1)
|
|
Avec t : tendance c : constante
* : Significativité à 10% - ** :
Significativité à 5% - *** : Significativité à
1%.
L'application des tests de Dickey-Fuller et de
Phillips-Perron conduit à des résultats similaires. On constate
que pour la majorité des séries sont non-stationnaires et
intégrées d'ordre 1 « I(1) ». On notera cependant
quelques exceptions, notamment en ce qui concerne (pdl, ipc,), les
résultats donnés par les différents tests ne sont pas tous
concordants et ne permettent pas de trancher entre un processus DS ou TS :
ceux-ci divergent à la fois selon le nombre de retards introduits pour
blanchir les résidus et selon le test de racine unitaire
utilisé.
Afin d'affiner ces premiers résultats, nous avons
re-tester les variables en utilisant les tests de Elliott - Rothenberg - Stock
(DF-GLS). Il en ressort que les variables sont bien intégrées
d'ordre 1.
Donc, ces résultats autorisent à tester le
nombre de relations de cointégration dans l'équation de salaire,
du fait que l'ensemble des variables ont le même ordre
d'intégration (sont intégrées d'ordre un
I(1))16.
4. MODELISATION DU SALAIRE
Dans ce qui suit, nous allons dans un premier temps
étudier l'impact d'une hausse du SMIG sur le taux de salaire moyen avant
de présenter dans une seconde étape les résultats
d'estimation de notre équation de salaire.
16 Dans cette étude, toutes les séries
différenciées seront précédées de la lettre
D.
4.1. EFFET DU SMIG
Le salaire minimum est un élément important du
marché du travail car il empêche de fixer les salaires en dessous
d'un certain seuil. À ce titre, il a un impact sur la formation des
salaires.
Les revalorisations du SMIG affectent la croissance des
salaires au moins par deux canaux. Tout d'abord, elles augmentent
mécaniquement le salaire de tous les salariés concernés
par le SMIG. Cet effet dit « comptable » est d'autant plus important
que les salariés rémunérés au SMIG sont nombreux.
De plus, les revalorisations du SMIG augmentent les salaires par un effet de
« diffusion », les hiérarchies et les grilles salariales
étant en général respectées après la hausse
du salaire minimum.
La présente section consiste à étudier
l'effet d'une revalorisation du SMIG sur les salaires moyens dans plusieurs
secteurs industriels de l'économie marocaine entre 1985 et 2006. En
effet, la méthode économétrique consiste à
étudier pour chaque secteur la relation entre le SMIG et le salaire
moyen par la méthode des moindres carrées ordinaires après
s'être assuré de la stationnarité de nos variables.
L'estimation17 fait apparaître, un impact
significatif du SMIG sur le salaire moyen nominal. Une hausse de 5% du SMIG
induit une hausse de 2,8 % du salaire moyen brut du secteur industriel,
toutes choses égales par ailleurs. Le SMIG exerce donc une
pression positive dans les secteurs structurés. Néanmoins,
l'indexation du salaire moyen sur le SMIG est imparfaite.
Nous avons tenté de modéliser l'effet du SMIG
sur le salaire à long terme notamment avec la méthode d'Engle et
Granger. Toutefois, cet effet ne ressort pas économétriquement.
De plus, les revalorisations du SMIG ont été fortes dans les
années quatre vingt mais plus faibles par la suite. Leur effet à
long terme est donc plus difficile à capter.
17 Voir annexe 2.
4.2. L'EQUATION DE SALAIRE
Nous allons présenter maintenant une estimation de
l'équation de salaire intégrant à la fois des ajustements
du court et du long terme. De ce fait, il convient d'examiner
l'éventuelle existence de relations de cointégration entre les
variables. La détermination de ces relations se fait dans le cadre d'un
modèle VECM multivarié selon la procédure de Johansen.
L'estimation d'un modèle VECM nécessite une
première étape essentielle qui est celle de la
détermination du nombre de retard « p » du
modèle (en niveau) selon les critères d'information. Ensuite,
nous nous intéresserons à la détermination du nombre de
relations de cointégration.
4.2.1. La détermination du nombre de retard
« p »
L'estimation de notre équation de salaire passe en
premier lieu, par la recherche d'un retard optimal entre les variables. Pour
cela, on va retenir les critères d'information LR18,
FPE19, AIC20, SC21 et HQ22 pour des
retards allant de 1 à 4 - nous avons choisi cette fourchette de retards
compte tenu du faible nombre d'observations -.
Nous avons obtenu pour chacun des critères la
structure des retards récapitulée en annexe 3.
Il ressort de ce tableau que les résultats de
l'analyse du nombre de retards maximum de la représentation VAR
permettent de retenir un retard optimal de 4 en se basant sur le minimum des
critères AIC, SC et HQ. Nous allons donc procéder au test de
Johansen sur un modèle VAR(3).
18 LR: sequential modified LR test statistic (each
test at 5% level)
19 FPE: Final prediction error
20 AIC: Akaike information criterion
21 SC: Schwarz information criterion
22 HQ: Hannan-Quinn information criterion.
4.2.2. Résultats du test de
cointégration
Nous testons le nombre de relations de cointégration
à l'aide des tests proposés par Johansen et Juselius (1990). Les
résultats sont reportés en annexe 4. Ces tests analysent la
possibilité qu'une ou plusieurs relations de cointégration
existent entre le taux de salaire du secteur industriel, les prix à la
consommation, la productivité apparente du travail et le taux de
chômage urbain. Le test de la trace indique l'existence d'une relation de
cointégration à un seuil de 1%. Le test de la valeur propre
maximale indique le même résultat. On conclut donc naturellement
à l'hypothèse de l'existence d'une seule relation de
cointégration.
Ce résultat nous conduit à l'étape
suivante de l'estimation des solutions de long et de court terme de
l'équation de salaire dans le cadre d'un modèle vectoriel
à correction d'erreur (VECM).
4.2.3. Estimation d'un VECM : résultats et
interprétations
Bien que nous ayons trouvé trois spécifications
de l'équation du salaire23, nous n'avons retenu que la
relation qui semblait interprétable sur le plan économique et
dont le coefficient de détermination est le plus élevé. En
effet, la spécification retenue n'inclut pas une constante dans la
relation de long terme.
L'estimation de la cible de long terme, s'écrit :
LN_SMI = 0,72LN_IPC + 0,62LN_PDL - 0,03TCHO
L'estimation d'un modèle à correction d'erreur
fait apparaître un coefficient significativement différent de
zéro et négatif pour la cible de long terme. A noter que ce
coefficient est assez élevé (0,40), ce qui indique que
l'ajustement vers l'équilibre se réalise assez rapidement.
L'étude des résidus estimés issus des
relations vectorielles de ce modèle montre qu'ils sont tous
stationnaires (d'après la Q-statistique de Ljung-Box, voir annexe 6).
Cette
23 Le tableau en annexe 5 représente l'ensemble des
spécifications de l'équation du salaire.
constatation nous confirme donc la bonne spécification
et la stationnarité de cette modélisation VECM.
De plus, les coefficients de détermination sont tous
assez élevés. Ce résultat nous indique que le pouvoir
explicatif du modèle est très fort.
En outre, la présence de la variable DUM dans
ce modèle est justifiée par le test de Cusum qui indique les
dates d'éventuelles ruptures de comportements. Cette variable est
statistiquement significative pour l'année 2001 (Annexe 7).
A court terme les résultats ne sont pas conformes aux
attentes. Le coefficient du taux de chômage est positif à court
terme. Ceci trouve son explication dans l'analyse des imperfections du
marché du travail et l'absence d'un système d'indemnisation du
chômage pour le licenciement économique qui peuvent intervenir
pour changer les résultats théoriques. En effet, le marché
du travail urbain marocain connaît beaucoup d'imperfection. La
présence du secteur informel rend la collecte de données
statistiques très difficile.
Il convient de rappeler que le développement de
l'emploi informel (constitue environ 17% du PIB marocain) peut lui seul
expliquer le résultat de court terme que nous obtenons. Ainsi, lorsque
des travailleurs sont licenciés ou lorsque des diplômés ne
trouvent pas de poste à pourvoir, ils sont automatiquement
orientés vers le secteur informel. Ce comportement automatique, d'aller
vers le secteur informel, trompe les statistiques officielles concernant le
nombre de chômeur dans le pays et baisse, à court terme, l'offre
d'emploi dans le secteur formel.
En ce qui concerne la productivité du travail, le
signe négatif à court terme est une nouveauté par rapport
aux estimations antérieures du Maroc [notamment, CMC, 2001] où on
observait un signe positif. L'interprétation du résultat à
court terme reste difficile dans la mesure où la question de la place de
la productivité dans une équation de salaire surtout à
court terme reste assez controversée et n'est pas résolue
à ce jour dans la littérature.
En revanche, l'équation du VECM confirme l'impact
positif et significatif du SMIG sur le salaire moyen dans le secteur
industriel, avec une élasticité de 0,44, toutes choses
égales par ailleurs. On peut donc établir une fourchette
allant de 0,44 à 0,56.
Globalement, la spécification de la dynamique de court
terme de l'équation du salaire n'est pas satisfaisante. La
majorité des coefficients n'ont pas le signe attendu et parfois ne sont
pas significatifs. Cependant, l'estimation des relations de long terme entre
les variables a été privilégiée au détriment
de la spécification de la dynamique de court terme. En effet, les signes
des coefficients de la relation de long terme sont conformes à la
théorie et toutes les variables sont statistiquement très
significatives.
Le degré d'indexation des salaires sur les prix
à long terme est de l'ordre de 0,72. Donc, l'indexation des salaires sur
les prix n'est pas unitaire, ce qui rend compte d'un arbitrage
inflation/chômage à long terme. Par ailleurs, les prix à la
consommation n'apparaissent pas avec le signe attendu à court terme dans
le modèle du VECM (notamment pour le retard 3). En effet, pour mesurer
plus précisément l'effet des prix à la consommation sur la
dynamique des salaires, nous avons procédé à une
estimation d'un modèle VAR d'ordre 1 [Voir Annexe 8] (l'ordre est retenu
selon les critères de Akaike et de Schwarz pour des retards allant de 0
à 2). Ce modèle montre lui aussi une sous-indexation de l'ordre
de 0,73 (significative au seuil de 10%). Toutefois, la désindexation
estimée impliquerait clairement une plus grande rigidité à
la hausse des salaires pris au sens du salaire moyen du secteur industriel. Les
salaires réels peuvent en conséquence subir temporairement des
pertes de pouvoir d'achat. De fait, la perte du pouvoir d'achat pourrait jouer
en faveur d'une extension des conflits entre groupes sociaux.
A long terme, on constate aussi que le niveau du taux de
chômage exerce une pression significative à la baisse sur la
croissance des salaires. Une hausse d'un point du taux de chômage urbain
diminue la croissance du salaire nominal de l'ordre 3,1%24,
toutes choses égales par ailleurs. En effet, la hausse
négociée des salaires est d'autant moins grande que la situation
du marché du travail se dégrade et affaiblit le pouvoir de
négociation des salariés. Il convient de noter, toutefois, que le
coefficient relatif au taux de chômage urbain a une valeur plus faible
que certaines estimations faites sur données françaises (Cotis,
Méary et Sobczak indique une élasticité de 5,8%, Bonnet et
Mahfouz ou L'Horty et Sobczak présente une élasticité de
5,5%). Dans le modèle MESANGE,
24 Dans l'estimation, le taux de chômage est
exprimé en points de pourcentage. L'élasticité
donnée se réfère à un taux de chômage
exprimé en décimal.
l'estimation indique une élasticité de 4% qui
n'est pas statistiquement très différente de notre estimation.
A long terme, une augmentation de la productivité
permet une progression des salaires. L'élasticité des salaires
par rapport à la productivité s'élève à 0,62
selon nos estimations, toutes choses égales par ailleurs. Notre
estimation est assez proche de celle du CMC (2001) qui indique une
élasticité de 0,68. Donc, l'indexation des salaires sur les gains
de productivité n'est pas unitaire. Cela veut dire que l'entreprise dans
le secteur industriel profite des gains de productivité et conserve le
droit de gérer.
5. ANALYSE DE CAUSALITE25
Les résultats du test de Granger (schéma 1)
indiquent qu'il existe une causalité unidirectionnelle de
l'indice des prix à la consommation vers le salaire moyen du secteur
industriel. Ainsi, l'hypothèse selon la quelle IPC ne
cause pas le salaire moyen du secteur industriel est rejetée (le seuil
de significativité est inférieur à 10%). Par ailleurs, le
test de Granger montre bien l'absence de causalité de salaire moyen du
secteur industriel vers les prix à la consommation.
En outre, on constate une absence de causalité entre le
salaire moyen des salariés déclarés à la CNSS et
l'indice des prix à la consommation.
En général, on peut dire qu'au Maroc, une
hausse des prix (inflation) est répercutée en hausse de salaire
moyen du secteur industriel par le jeu de négociations salariales alors
qu'une hausse des salaires n'exerce pas une pression directe sur les prix
à la consommation.
Cependant, on remarque l'existence d'une causalité
bidirectionnelle entre le SMIG et
IPC, on parle donc d'une boucle rétroactive (feedback
effect) entre ces deux variables.
25 Voir annexe 9 le test de causalité. Sur le concept de
causalité voir : Chamberlin (1982) et Bruno (1996).
SMI
IPC
SMIG
Schéma 1 : Le sens des
causalités
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif de modéliser la
formation des salaires pour l'économie marocaine. Ladite
modélisation prend en considération à la fois des
ajustements du court et du long terme. L'estimation a été faite
principalement dans le cadre d'un modèle VECM multivarié selon la
méthode de Johansen. Nos résultats empiriques indiquent une
indexation partielle des salaires sur les prix à la consommation de
l'ordre de 0,72. En effet, la connaissance du degré d'indexation permet
d'orienter plus efficacement la politique économique. Ainsi, la
désindexation des salaires sur les prix est confirmée par le test
de causalité (causalité au sens de Granger) qui montre
l'existence d'une causalité unidirectionnelle de l'indice des prix
à la consommation vers le salaire moyen du secteur industriel. Donc, le
rejet de l'indexation unitaire et l'existence d'une causalité dans un
seul sens, semblent écarter le risque d'une spirale inflationniste ou
d'effet de second tour.
De même, nos résultats montrent qu'à long
terme le taux de salaire moyen du secteur industriel dépend positivement
de la productivité apparente du travail et négativement du taux
de chômage.
En parallèle de l'estimation de l'équation du
salaire, nous avons également tenté d'estimer l'impact d'une
revalorisation du SMIG sur le salaire moyen de toutes les branches du secteur
industriel. Nos résultats empiriques indiquent que toute augmentation du
SMIG a un effet positif et statistiquement significatif sur les salaires
moyens.
En guise d'extension de ce travail, on peut recommander son
application aux données trimestrielles offrant ainsi une taille
d'échantillon plus grande et la possibilité de vérifier la
robustesse des résultats. Une estimation du taux de chômage
d'équilibre serait également intéressante. Ce taux de
chômage constitue pour toute Banque centrale une information importante
dans la conduite de la politique monétaire.
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Les déterminants du salaire au Maroc 28
Annexes
Annexe 1 : Evolution des principales
variables
Indice des prix a la consommation La productivite
apparente de travail
Le taux de salaire moyen dans l'industrie Taux de
chômage urbain
SMIG
Annexe 2 : Effets du salaire minimum sur le salaire
moyen (industrie de transformation)
secteur
|
ln_smig
|
t_stat
|
DW
|
R_squard
|
Dln_SMI
|
0.564058
|
3.216107
|
1.990122
|
0.352494
|
Dln_IAGR
|
0.552213
|
2.583877
|
1.824599
|
0.260021
|
Dln_ITEX
|
0.415990
|
2.368883
|
1.855152
|
0.228007
|
Dln_ICHM
|
0.464955
|
3.102307
|
2.228706
|
0.336229
|
Dln_IMEC
|
0.598035
|
2.712773
|
1.781426
|
0.290197
|
Dln_IELT
|
0.530224
|
3.177487
|
2.048474
|
0.346999
|
Annexe 3 : Détermination des retards selon les
divers critères d'informations
Annexe 4 : Estimation du nombre de vecteurs de
cointégration (*)
(*) Absence d'une tendance linéaire dans les séries
et d'une constante dans les relations de cointégration.
Annexe 5: résultat de l'ensemble des
estimations
DLN_SMI\Spécifications
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
|
Coefficients
|
T stat
|
Coefficients
|
T stat
|
Coefficients
|
T stat
|
LN_IPC (-1)
|
-0.727265
|
[-4.46727]
|
-1.081571
|
[-3.53145]
|
-0.887847
|
[-3.01701]
|
LN_PDL (-1)
|
-0.622562
|
[-8.80599]
|
-0.087953
|
[-0.26946]
|
-0.335361
|
[-1.06930]
|
TCHO (-1)
|
0.031188
|
[3.22578]
|
0.040607
|
[3.23460]
|
0.038987
|
[3.23204]
|
C
|
|
|
-4.446119
|
[-1.86808]
|
-2.403800
|
|
Relation de court terme
|
|
|
|
ã
|
-0.404358
|
[-4.52444]
|
-0.443522
|
[-7.87781]
|
-0.500315
|
[-4.84840]
|
D(LN_SMI(-1))
|
-0.642705
|
[-2.28547]
|
-0.833734
|
[-2.79885]
|
-0.783882
|
[-2.43298]
|
D(LN_SMI(-2))
|
0.450816
|
[3.01264]
|
0.437857
|
[2.77958]
|
0.477725
|
[2.38165]
|
D(LN_SMI(-3))
|
0.353954
|
[2.63947]
|
0.411005
|
[2.93309]
|
0.427407
|
[2.50328]
|
D(LN_IPC(-1))
|
-0.005941
|
[-0.01136]
|
-0.067638
|
[-0.12955]
|
-0.056648
|
[-0.09831]
|
D(LN_IPC(-2))
|
0.718613
|
[1.61118]
|
0.324230
|
[0.70212]
|
0.422056
|
[0.81927]
|
D(LN_IPC(-3))
|
-1.227461
|
[-2.07543]
|
-1.915716
|
[-3.08312]
|
-1.786339
|
[-2.66044]
|
D(LN_PDL(-1))
|
-0.060295
|
[-0.41262]
|
0.182564
|
[1.13188]
|
0.087224
|
[0.50463]
|
D(LN_PDL(-2))
|
-0.685362
|
[-5.08600]
|
-0.520051
|
[-3.86519]
|
-0.586822
|
[-3.61640]
|
D(LN_PDL(-3))
|
-0.090416
|
[-0.93723]
|
-0.034353
|
[-0.36540]
|
-0.063099
|
[-0.61183]
|
D(TCHO(-1))
|
0.014250
|
[3.14782]
|
0.019397
|
[4.13226]
|
0.020522
|
[3.68701]
|
D(TCHO(-2))
|
0.007184
|
[1.76260]
|
0.012661
|
[3.08413]
|
0.013476
|
[2.91051]
|
D(TCHO(-3))
|
0.009187
|
[2.36132]
|
0.013000
|
[3.07678]
|
0.013008
|
[2.80188]
|
C
|
|
|
|
|
0.101443
|
[6.35770]
|
DUM01
|
0.114869
|
[2.18391]
|
0.116423
|
[2.08654]
|
0.115798
|
[1.82089]
|
Dln_SMIG
|
0.449651
|
[2.51353]
|
|
|
|
|
R-squared
|
0.921815
|
|
0.901054
|
|
0.895394
|
|
Adj. R-squared
|
0.784991
|
|
0.758131
|
|
0.712333
|
|
(1) Absence d'une tendance linéaire dans les
séries et d'une constante dans les relations de cointégration.
(2) Absence d'une tendance linéaire dans les
séries mais présence d'une constante dans les relations de
cointégration.
(3) Présence d'une tendance linéaire dans les
séries et d'une constante dans les relations de cointégration.
Annexe 6: Etude de l'autocorrélation des
résidus du modèle (Test de Ljung Box)
Annexe 7 : Test du CUSUM
Annexe 8 : Estimation de la relation entre le taux de
salaire du secteur industriel et les prix à la
consommation
Annexe 9 : Test de causalité au sens de Granger
entre les salaires et les prix à la consommation
Null hypothesis
DLN_SMI does not Granger Cause DLN_IPC
DLN_IPC does not Granger Cause DLN_SMI
DLN_SMI does not Granger Cause DLN_IPC
DLN_IPC does not Granger Cause DLN_SMI
DLN_SMCNSS does not Granger Cause DLN_IPC
DLN_IPC does not Granger Cause DLN_SMCNSS
DLN_SMIG does not Granger Cause DLN_IPC
DLN_IPC does not Granger Cause DLN_SMIG
Lags
|
Obs
|
F-statistic
|
Probability
|
1
|
25
|
3.0E-05
|
0.99571
|
|
|
3.29077
|
0.08333
|
2
|
24
|
0.29375
|
0.74879
|
|
|
2.66757
|
0.09527
|
1
|
25
|
1.21923
|
0.28144
|
|
|
1.14595
|
0.29600
|
1
|
25
|
8.75895
|
0.00724
|
|
|
3.31192
|
0.08241
|
Sample : 1980 2006
|