La mise en oeuvre du règlement portant charte des investissements de la CEMAC dans les états membres: contribution à la réflexion sur l'intégration communautaire en zone CEMAC( Télécharger le fichier original )par Joseph Serge EKANI EBO'O Université de Douala - Diplome d'études approfondies (DEA ) en droit public 2005 |
CONCLUSION GENERALELe sujet qui a fait l'objet de notre étude nous a permis de mettre en exergue dans une première partie, l'exposé des contours relatifs à la mise en oeuvre dudit règlement dans les Etats membres. Dans une seconde partie, nous avons développé les limites de l'harmonisation du régime des investissements en zone CEMAC. Mais, ce qu'il faudrait noter est que le règlement no : 17/ 99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la Charte des investissements de la CEMAC a été adopté par le Conseil des ministres à N'djamena le 17 décembre 1999. Son adoption et sa mise en oeuvre au sein des différents Etats membres ont été consolidées par les dispositions de ladite charte qui stipulaient que sa signature comporte l'engagement pour chaque Etat de mettre en oeuvre toutes ses dispositions dans le délai le plus court et au plus tard dans les cinq (5) ans277(*). Cet idéal visé par l' article 32 de la charte des investissements de la CEMAC plus de dix ans après son adoption, reste toujours sans suite. Par ailleurs, à la question de savoir : comment s'effectue au-delà des velléités souverainistes la mise en oeuvre du règlement No : 17/99/CEMAC-020-CM-03 du 17 décembre 1999 portant charte des investissements de la CEMAC dans les Etats membres? Notre étude sur la mise en oeuvre du règlement portant charte des investissements de la CEMAC qui est en grande partie une contribution à la réflexion de l'intégration communautaire dans cette sous - région nous a montré tout au long de son développement que cette mise en oeuvre s' est faite à travers des receptions spécifiques à savoir l' incorporation dans les Chartes et Codes des différents Etats membres des dispositions de ladite Charte, et à travers la réception par effet direct. Ces différents modes de réception se heurtent cependant à des limites qui sont liées entre autre aux dispositions mêmes du règlement et aux règles liées à l'environnement juridico - social de la CEMAC. La charte des investissements constitue le cadre général commun regroupant l'ensemble des dispositions destinées à améliorer l'environnement institutionnel, fiscal et financier des entreprises dans le but de favoriser la croissance et la diversification des économies des pays membres, sur la base d'une meilleure définition du rôle de l'Etat et d'un développement harmonieux du secteur privé à travers des investissements d'origine nationale ou étrangère278(*). Les années 90 marquent l'ancrage de la CEMAC dans la mondialisation néolibérale279(*) et les idées véhiculées par la charte communautaire apparaissent comme une voie porteuse d'espoir pour le développement de cette sous - région. Le paysage juridique des investissements en zone CEMAC se compose d'une charte des investissements et de plusieurs chartes et codes sur les investissements de chaque Etat membre. En droit international, le problème de la mise en conformité des politiques communautaires280(*) avec celles nationales a toujours fait l'objet de beaucoup de résistances dans le monde en général et en zone CEMAC en particulier. Pour le cas de notre charte, cette logique de confrontation mérite de s'inverser en une logique de collaboration pour que la socialisation des projets intégrateurs se fasse. De même, les limites observées au niveau de certains pays membres de la CEMAC sont palpables. Prenons le cas du Cameroun pour ce qui est des investissements, au cours de la 101ème assemblée générale du GICAM, ce groupement a parcouru les différents indicateurs qui ont permis de classer la Cameroun à la 130ème position sur 155 pays étudiés pour leurs capacités à être propices aux investissements281(*). Cette situation propre au Cameroun n'est pas différente de celle de la plupart des cinq autres Etats membres de la CEMAC qui devraient se donner plutôt la main afin de surmonter les obstacles au processus d'intégration dans cette sous - région. Dans la même logique, l'existence des problèmes sociologiques de la quasi-totalité desdits Etats fait en sorte que l'exigence communautaire soit bridée. L'existence d'obstacles institutionnels à la mise en oeuvre de la charte communautaire mérite aussi qu'on s'y attarde un peu. Ces derniers vont de la contradiction entre volonté politique exprimée des différents Etats de la CEMAC à la faible mise en oeuvre de l'intégration. L' idéal ici reste donc la mise en oeuvre de la volonté politique des Etats de la CEMAC qui s'est déjà manifestée dans certaines circonstances. Pour preuve, les Etats de cette communauté ont adoptés et mis en application de façon immédiate et concertée deux directives en mars 2006, la première portant application du système LMD dans les universités et établissements d'enseignement supérieur de l'espace CEMAC282(*) et la seconde portant organisation des études universitaires dans l'espace CEMAC dans le cadre du système LMD283(*). Le principe de la libre circulation des biens et des personnes 284(*) qui trouve dans les faits de cette sous région une opposition criarde de certains Etats ne favorise pas ainsi l'applicabilité totale de ladite charte. La partie réservée aux contours de la mise en oeuvre du règlement portant charte des investissements de la CEMAC dans les Etats membres nous aura permis de voir que la charte est un instrument d'harmonisation du régime des investissements en zone CEMAC. Harmonisation qui présente en un mot la quintessence des garanties et incitations accordées aux investisseurs nationaux et étrangers dans cette sous région. Ce qui est à relever est que la charte communautaire obéit aux canons internationaux de promotion et des garanties des investissements en ce sens qu'elle adhère aux dispositifs de plusieurs organisations285(*). De même, les pays membres s'engagent à accepter et adhèrent aux principaux dispositifs internationaux de garantie des investissements, y compris ceux relatifs aux procédures des cours arbitrales internationales, à la reconnaissance et à l'exécution de leurs sentences286(*). Aussi, au-delà de tout ceci, il faut noter que la charte présente un inconvénient majeur, elle n'unifie pas véritablement les codes et chartes des investissements des six pays concernés. En plus, elle conduit chaque Etat à adopter sa propre charte des investissements accompagnée des codes sectoriels et diverses autres institutions287(*). Au vu de tout ceci, on serait en même de nous poser cette question : est- ce que la charte des investissements de la CEMAC trouvera un jour son application totale et favorisera par la suite le processus d'intégration axé sur les investissements en zone CEMAC? La réponse est par l'affirmative si certaines conditions nécessaires sont respectées. Car de façon plus simple, la charte des investissements de la CEMAC sera mise en oeuvre dans sa totalité et l'intégration sous - régionale en zone CEMAC effective dans sa globalité si et seulement si les exigences textuelles d'une véritable intégration sont prises en compte d'une part et si la dépassement des insuffisances du passé seront relevés d' autre part. Car la mission essentielle de la communauté est de promouvoir un développement harmonieux des Etats membres288(*). Ces Etats 289(*), à l'image du Cameroun « sont des pays à revenu intermédiaire bas »290(*). Et comme exigences textuelles, il sera question d'un coté de faire converger tous les codes et chartes des investissements des différents Etats membres en une seule et même charte fédératrice291(*). Et d'un autre coté, de faire converger de façon textuelle les politiques socio-économiques des Etats de la CEMAC292(*). Sous un autre angle, la recherche d'une nouvelle dynamique de l'intégration en Afrique centrale293(*) devrait ainsi s'appuyer sur le dépassement des insuffisances du passé afin que les décisions prises soient appliquées rapidement. La politique de développement doit être plus ambitieuse294(*) au sein de la communauté et cette ambition passe entre autres par la mise en oeuvre du règlement portant charte des investissements de la CEMAC dans les Etats membres. Mais au-delà de tout ceci, ce que nous ne devons pas perdre de vue est que tout projet intégrateur comme de l' institution du règlement portant charte des investissements de la CEMAC nécessite l'aménagement de mécanismes juridiques et financiers complexes et souvent, des dispositifs qui vont bien au-delà et dont le champs d'application couvrirait tout un secteur d'activité295(*). En plus, la réalisation de tels projets, et perspectives de gains partagés, comporte cependant des contraintes qui s'évaluent en termes de sacrifices ou d'opportunités à ne pas manquer. Aussi, convient -il de réaliser une répartition équilibrées des coûts encourus et des avantages retirés par chacun des pays membres et de développer les moyens susceptibles d'y mener à une intégration réelle, lesquels sont essentiellement de caractère institutionnel et réglementaire et font normalement appel à des techniques contractuels et à des mécanismes juridiques et financiers eux-mêmes évolutifs. Comme l'économie Camerounaise qui a besoin d'un nouveau souffle et départ296(*), le règlement no : 17/99/CEMAC-020-CM-03 portant charte des investissements de la CEMAC mérite que les Etats de la CEMAC, pour son applicabilité générale revoient toutes les réalités propres à chacun qui bloquent le processus d'intégration dans cette sous - région en générale et la mise en oeuvre effective dudit règlement en particulier. Car comme l'aide au développement conditionné par le respect des droits de l'homme297(*) le développement de la zone CEMAC et son arrimage à la mondialisation passe inéluctablement par la mise en oeuvre des différents processus d'intégration dans cette communauté. Par ailleurs, la décision commune des Etats de la CEMAC d'instituer « une journée CEMAC »298(*) qui a été célébrée pour la première fois le 16 mars 2009299(*) et qui le sera tous les 16 mars, est une avancée considérable dans la processus d'intégration de cette sous région300(*) , processus qui permettra aussi de façon physique de mettre fin aux barrières et frontières virtuelles en Afrique centrale et d'instaurer dans un autre plan l'Etat de droit en Afrique centrale301(*). A ce propos, le Président en exercice de la CEMAC François Bozizé pense que cette première édition doit être « l'occasion : de susciter, de créer et de promouvoir l'esprit communautaire dans la conscience collective ; d'exalter l'intérêt et les bienfaits de l'intégration ; et de faire une plus large diffusion des informations relatives aux acquis et aux projets communautaires. » 302(*) Pour le commissaire de la CEMAC en charge des politiques économiques, monétaire et financière303(*) et pour le représentant résident de la CEMAC au Cameroun304(*), tous deux pensent que c'est une bonne initiative. Cependant, si la célébration d'une « journée CEMAC » tous les 16 mars a été décidé de façon concertée par tous les Etats de la CEMAC et que la première édition s'est déroulée sans anicroches305(*), pourquoi est ce que le même engouement ne peut pas être mis pour ce qui est de l'application des textes juridiques communautaires en générale et pour ce qui est du règlement no : 17/99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la charte des investissements de la CEMAC en particulier ? L'évolution récente du droit communautaire de l'Afrique centrale306(*) ces dernières années montre que des avancées considérables sont faites à ce sujet. Mais au-delà de tous ces aléas, ne serait- il pas plus important que les relations internationales africaines307(*) aient pour supports inconditionnels la volonté politique inébranlable des différents Etats et l'adhésion de toutes les populations afin que l'idéal communautaire sous régional puisse atteindre ses lettres de noblesse? * 277 - Voir article 32 du règlement portant charte des investissements de la CEMAC. * 278 Il s'agit ici des dispositions du paragraphe 3 du préambule de la charte des investissements de la CEMAC. * 279 NGA NDONGO (V), « Les médias privés aux Cameroun et l'idée d'intégration en Afrique centrale : le cas de mutations de Yaoundé » in ABWA (D), ESSOMBA (J-M), NJEUMA (M-Z); DE LA RONCIERE (C-M), T2, Op. Cit.P. 535. * 280 Ibidem * 281 Mutations, no : 1661 du vendredi 26 mai 2006. * 282 Il s'agit de la directive no : 02/06-UEAC-CM-14 portant application du système LMD dans les universités et établissements d'enseignement supérieur de l'espace CEMAC, adoptée par le conseil des ministres en séance du 10 mars 2006 et signée le 11mars 2006 à Bata. * 283 Nous parlons ici de la directive no : 02/06-UEAC-019-CM-14 portant organisation des études universitaires dans l'espace CEMAC dans le cadre du système LMD, adoptée par le conseil des ministres en séance du 10 mars 2006 et signée le 11mars 2006 à Bata. * 284 A ce propos, voir la convention commune sur la libre circulation des personnes et le droit d'établissement signée en décembre 1972 par les Etats de l'UDEAC, les mêmes devenus Etats de la CEMAC par la suite. * 285 Pour ce qui est des organisations évoquées ici, ils s'agit des organisations suivantes : ORAN, OAPI, ISO, OHADA * 286 -Voir paragraphe 2ème du préambule du règlement portant charte des investissement de la CEMAC. * 287 MOUANGUE KOBILA (J), thèse de doctorat, Op. Cit. P. 133. * 288 - Article 1er du traité instituant la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale. * 289 Nous faisons allusion ici aux cinq autres Etats membres de la CEMAC qui comme le Cameroun sont des pays à revenus intermédiaires bas. Dans la plupart des cas leurs revenus sont encore plus bas que ceux du Cameroun. * 290Voir Cameroon tribune, no : 9244/5443 du jeudi 11 décembre 2008, P. 11. * 291 -voir à cet effet, MOUANGUE KOBILA (J) thèse de doctorat, Op. Cit. P. 55. * 292 MOUELLE KOMBI (N), « L'intégration régionale.... » Op. Cit. P. 226. * 293 MOUANGUE KOBILA (J) et DONFACK SOKENG (L) « La CEMAC : A la recherche d'une nouvelle dynamique de l'intégration en Afrique Centrale, annuaire Africain de droit international ; Vol 6, Op. Cit. P. 65. * 294 Cameroon tribune, no 9244 / 5443, Op. Cit. P. 27. * 295 Voir agence intergouvernementale de la francophonie & la conférence des nations unies sur le commerce et le développement, Op. Cit. P. 12. * 296Voir TOUNA MAMA, L'économie Camerounaise : pour un nouveau départ, édition Afrédit, Yaoundé, 472 P. * 297 Sous la direction de MOUGENEST (D) et POUGOUE ( P-G), Droits de l'homme en Afrique centrale , colloque de Yaoundé (9-11 novembre 1994) UCAC- karthala, Yaoundé, 1996, P. 234. * 298 L'idée d'une journée de la CEMAC est partie de la 9ème conférence des chefs d'Etat de la CEMAC tenue en juin 2008 à Yaoundé sur une nette détermination des chefs de l'Etat à renforcer le processus d'intégration régionale. * 299 -Voir Cameroon tribune, no : 9307/5506 du vendredi, 13 mars 2009, P.5. * 300 Ibidem. * 301 DONFACK SOCKENG (L), «L'Etat de droit en Afrique », OP. Cit. PP. 87-125. * 302 Cameroon tribune, no : 9308/5507 du lundi 16 mars 2009, P.5. * 303 Dans son interview accordé à Cameroon tribune no : 9308/5507 du lundi 16 mars 2009, Hassan Adoum Bakhit résume ses propos sur la célébration de la première « journée CEMAC » en affirmant que à travers elle, « Nos chefs d'Etat ont voulu marquer fortement la conscience collective ». * 304 Le représentant résident de la CEMAC au Cameroun Jean Claude Awamba, à propos de la première édition de la «journée CEMAC », pense que les autorités camerounaises ont tout mis en oeuvre pour la réussite de cet événement. * 305 Cameroon tribune, no: 9308/5507, Op. Cit. P. 5. * 306 DJEUKOU (J), « La CEMAC, rétrospectives et perspectives : Réflexion sur l'évolution récente du droit communautaire de l'Afrique centrale », juridis périodique, no : 47, juillet- août - septembre 2001, PP. 106- 116. * 307 GONIDEC (P-F), Relations internationales Africaines, Bibliothèque Africaines et Malgache, T 53, LGDJ, Paris, 1996, P. 2. |
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