1.2.2- Les origines du changement
Suivant les travaux de Vas (2002), nous avons opté pour
une revue de littérature sélective, structurée autour de
quelques types de changement pouvant survenir dans une organisation expliquant
ainsi son origine. Le changement politique, procédural, chaotique et
planifié. Ces modèles génériques ont
émergé d'une étude simultanée de la
littérature portant sur les processus de prise de décision, de
formulation de la stratégie et d'innovation.
1.2.2.1- Le changement politique et le changement
procédural
Nous présenterons d'abord le changement politique,
ensuite le changement procédural.
- Le changement politique
Il est défendu par des auteurs comme (Crozier, 1963)
cité par Vas (2002) qui présentent l'organisation comme un
ensemble de joueurs dotés d'objectifs et d'intérêts
propres, qui contrôlent des ressources multiples (autorité, temps,
hommes, argents, informations, ..). Dans cette conception de l'organisation, le
changement peut émerger ou au contraire être stoppé au
cours d'un processus conflictuel opposant des intérêts divergents.
Pfeffer (1981) cité par Vas (2002) défend l'idée que les
objectifs, les résultats des programmes de changement sont avant tout
déterminé par les luttes de pouvoirs plutôt que par un
processus de construction d'un consensus émergeant d'un processus de
décision rationnel. Il met en avant, comme plusieurs auteurs,
l'idée d'un processus de changement de nature politique. Le processus de
changement est caractérisé par des jeux de pouvoirs dans lesquels
les acteurs utilisent avec plus ou moins d'habilité des ressources dont
ils disposent. Les effets d'influence, la constitution de coalitions,
l'utilisation de ruses sont des éléments normaux du processus de
changement politique. Les porteurs du changement sont chargés de rallier
les supporters et d'éviter les opposants par une gestion symbolique du
processus en utilisant des symboles, des mythes, le langage qui
légitimeront certaines positions et en délégitimeront
d'autres (Quinn, 1980, Pettigrew, 1985).
- Le changement procédural
Soutenu par Cyert et March (1991), il défend
l'idée selon laquelle les choix organisationnels sont routinisés.
Pour eux, le changement dans l'organisation est présenté comme un
processus de choix entre différentes routines organisationnelles
existantes. Plus les routines sont utilisées, plus elles sont
répétées et adaptées à de nouvelles
situations organisationnelles. Les routines se présentent comme des
« schémas de comportement » stables qui caractérisent
les actions et réactions des membres de l'organisation. Le dirigeant de
l'organisation a la capacité politique de modifier le comportement des
autres membres de l'organisation à travers des directives, des sanctions
ou des récompenses. Si les résultats d'une routine existante sont
évalués positivement par le dirigeant, il aura tendance à
la répéter de plus en plus. C'est ainsi que les performances
passées de l'organisation contiennent des informations
considérées comme pertinentes par les dirigeants pour prendre des
décisions sur les orientations futures. En effet, les résultats
attendus par l'exploitation des compétences existantes sont souvent
meilleurs et moins risqués que les résultats attendus par
l'exploration de nouvelles opportunités (March, 1991). Plus les
succès s'enchaînent aux yeux des dirigeants, plus les routines se
formalisent et se fixent dans les comportements des membres de l'organisation.
Les tenants du courant évolutionniste (Nelson et
Winter, 1982) cités par Vas (2002), quant à eux,
considèrent que le changement émerge des interactions entre les
différentes routines organisationnelles. L'impossibilité
d'adapter les routines organisationnelles mobilisées, risque de
transformer des compétences fondamentales en rigidités
fondamentales.
1.2.2.2- Le changement planifié et le
changement chaotique
Nous présenterons d'abord le changement
planifié, ensuite le changement chaotique.
- Le changement planifié
Les tenants du changement planifié (Tessier et
Tellier, 1973 ; Child, 1972) lus par Dion, (1994) présentent le
changement non pas comme une caractéristique naturelle des
systèmes organisés mais, comme le produit de l'action
volontariste et délibérée des hommes en charge de les
conduire. La notion de changement planifié s'est rapidement
assimilée au courant du Développement Organisationnel
(Organizational Development ) ou OD, qui s'est concentré sur
l'amélioration du fonctionnement des grandes entreprises
américaines dans le courant des années 70.
Beckhard (1975) cités par Vas (2002) définit
l'OD comme une action planifiée, concernant l'organisation dans son
ensemble, géree par le sommet de la hiérarchie, visant à
améliorer l'efficacité de la santé de l'organisation
grâce à des interventions programmées (ou
planifiées) dans les processus de l'organisation, en utilisant l'apport
des sciences du comportement. Cette définition met en avant le
caractère volontariste, planifié et systémique del'OD.
Ainsi, la tâche essentielle dans le processus de changement repose sur la
planification et le passage par des étapes obligées.
Les résultats obtenus par les interventions de l'OD,
ont suscité de nombreuses critiques. Pettigrew (1985) présente
une critique historique. Ainsi, même si les théoriciens de l'OD
défendent une conception systémique du changement, elle est,
selon Pettigrew, très superficielle. Dans les interventions de l'OD,
l'efficacité de l'action volontaire repose sur l'hypothèse d'un
déroulement linéaire et prévisible des enchaînements
action-réaction, sur l'ensemble des sous-systèmes qui composent
l'organisation. Les théoriciens de l'OD semblent rester prisonniers d'un
modèle normatif. Kanter et al. (1992) rejettent le processus de
changement présenté comme un phénomène
planifié, composé de phases bien définies, pour proposer
un processus émergeant, au cours duquel les étapes
s'enchevêtrent et s'interpénètrent.
- Le changement chaotique
Comme le montre Brunet (1999), ce changement considère
les organisations comme des systèmes complexes qui ont leurs propres
lois de cause à effets. Ce courant présente la
réalité organisationnelle non pas comme un milieu de
cohérence et de stabilité mais comme un système
imprévisible et incertain dont le devenir dépasse la
volonté des acteurs le constituant. La théorie du chaos ou dite
des catastrophes remet en cause l'hypothèse d'immanence du changement,
défendu par les tenants du courant développementaliste.
Baumol et Benhabib (1989) montrent que, pour les tenants de la
théorie du chaos, une tension permanente s'installe au sein des
organisations entre l'ordre volontairement rechercher afin de clore le
système trop complexe pour des acteurs limités, et le chaos
inhérent à la nature dynamique et non linéaire des
organisations. L'analyse systémique nous invite également
à considérer l'organisation comme un ensemble complexe de
sous-systèmes (technologie, système d'information, hommes,
structure) qui sont reliés entre eux par des liens formels et informels.
L'interdépendance des différents éléments va faire
naître des liens d'interactions qui seront la source de l'action
collective. Crozier et Friedberg, (1977) lus par Vas (2002) insistent sur le
fait que, pour qu'il y ait changement, il faut que tout un système
d'actions se transforme. Le processus de changement doit être
appréhendé dans sa dimension systémique c'est à
dire contingent au système d'action qui l'élabore et auquel il
s'applique.
Le changement dans l'organisation peut avoir plusieurs
origines : elles peuvent provenir soit de la volonté des dirigeants
de s'adapter à l'environnement ou d'atteindre de nouveaux objectifs
définis, soit des contraintes naturelles, soit d'une lutte de pouvoir
opposant les intérêts divergents des dirigeants, soit sur des
routines organisationnelles basées sur des routines ou encore des
imprévues et des incertitudes dont le devenir dépasse la
volonté des acteurs la constituant.
L'individu dans une organisation est l'élément
central du changement car, c'est lui qui est chargé d'appliquer le
changement la politique adoptée. Ainsi, son comportement
préoccupe plusieurs dirigeants dans la conduite de ce changement. Le
changement dans une organisation a un début et aussi une fin qui
dépend ou non de la conduite des managers. Quelle est la
stratégie efficace pour réussir l'accompagnement d'un changement.
C'est ce point que nous développerons à la section suivante.
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