Section 2. Les difficultés de mise en oeuvre de
la remise en liberté
Dans les poursuites pénales internationales, les
accusés sont souvent arrêtés dans un pays et
transférés pour être jugés dans une autre
juridiction territoriale113. Il s'ensuit que la juridiction
concernée aura sans doute des difficultés pour trouver à
l'acquitté libéré un territoire d'accueil, car des fois
l'accusé peut se trouver, par son arrestation et sa détention,
séparé ou méme coupé avec son pays d'origine ou sa
famille. Cette situation est très différente des poursuites
pénales nationales dans le cadre desquelles il est très facile
pour l'accusé acquitté de regagner sa résidence habituelle
après sa libération car dans la plupart des cas, il est poursuivi
et jugé par la juridiction du lieu de sa résidence. Il importe
alors de saisir ce phénomène (§.1) et les
solutions possibles au TPIR (§.2).
§.1. L'état de la question
La mise en oeuvre de la remise en liberté de
l'acquitté du TPIR se heurte à des obstacles liés d'abord
à son séjour limité sur le territoire du pays hôte
(A) ensuite à l'identification du pays d'accueil
(B).
A. Le séjour limité en Tanzanie
La personne poursuivie devant le TPIR dont le siège
principal est basé à Arusha ( en République unie de
Tanzanie) arrive dans ce territoire étranger à la faveur d'un
transfert au siège du Tribunal, suivant un mandat d'arrêt et de
dépôt délivré par le Tribunal114.
Lors de sa libération suite à l'acquittement,
son séjour sur le territoire étranger doit prendre fin car il ne
lui est accordé que quinze (15) jours à partir de sa remise en
liberté pour quitter le territoire tanzanien115.
113 Puisque les personnes poursuivies devant les tribunaux
pénaux internationaux (tels que le Tribunal Militaire de Nuremberg, le
Tribunal Militaire de Tokyo, TPIR, le TPIY et le Tribunal Spécial pour
le Sierra Leone) sont souvent arrêtées dans leurs pays de
résidence ou dans les différents pays où elles ont
trouvé l'asile et transférées dans les pays où ces
tribunaux ont leurs sièges pour y être jugées.
114 Cfr. art. 57 du Règlement : « Après
l'arrestation de l'accusé, l'Etat concerné détient
l'intéressé et en informe sans délai le Greffier. Le
transfert de l'accusé au siège du Tribunal ou vers tout autre
lieu que le Bureau peut fixer, après consultation du Procureur et du
Greffier, est organisé par les autorités nationales
intéressées en liaison avec les autorités du pays
hôte et le Greffier. ».
115 Cfr. art. XX. 2 de l'Accord du 31 aoüt 1995
signé entre les Nations unies et la République unie de Tanzanie
concernant le siège du TPIR : « L'immunité visée au
présent article cesse lorsque l'intéressé, ayant
été acquitté ou autrement relâché par le
Tribunal et ayant eu l'occasion de quitter le territoire du pays hôte
dans les quinze (15) jours de sa remise en liberté, y est
néanmoins demeuré, ou qui, l'ayant quitté, y est
revenu.
Or, dans la pratique, à la différence du
TPIY116, il a été remarqué qu'à chaque
acquittement, l'acquitté du TPIR n'est pas en mesure de quitter le pays
dans les délais qui lui sont impartis par l'Accord de siège liant
le Tribunal à la Tanzanie. Il a fallu attendre encore quatre mois
après sa libération pour que la France accepte de recevoir le
premier acquitté du Tribunal Ignace BAGILISHEMA117. Emmanuel
BAGAMBIKI118, le quatrième acquitté et Jean
MPAMBARA119, le cinquième acquitté, ont respectivement
passé douze et trois mois pour que la Belgique accepte de les accueillir
sur son territoire, alors que deux autres acquittés sont toujours au
siège du Tribunal en attente de trouver un pays
d'accueil120.
Alors, il se pose la question de savoir dans quelle mesure
l'acquitté libéré serait capable d'exercer son droit
à la liberté obtenue en raison de l'acquittement s'il lui est
impossible de quitter la Tanzanie dans les limites légales qui lui sont
accordées.
Deux éléments de référence
semblent être importants pour donner la réponse. Selon l'article
XX III de l'Accord de siège signé entre les Nations unies et la
Tanzanie en vue de régler les questions relatives au fonctionnement du
TPIR121 interprété avec l'article XX. 2 122 du
méme Accord, il s'avère qu'à l'exclusion du personnel du
Tribunal et les témoins, ni les accusés ni les acquittés
n'ont le droit de circuler librement sur le territoire de la Tanzanie.
De méme, d'après la législation
tanzanienne en matière d'immigration, l'acquitté
(considéré comme un étranger en Tanzanie) qui s'est
trouvé sur le territoire tanzanien sans possession de documents de
voyage légalement reconnus n'est pas seulement interdit d'y circuler
librement mais aussi d'y résider pour quelque période que ce
soit123.
116 Voir infra note 133.
117 Cfr. supra note 112. Voy. aussi Le Procureur c.
Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-44C-T, Chambre de
première instance III, Requête en indemnité devant les
Nations unies, 28 jan. 2005, p. 25.
118 Voir supra note 112.
119 Ibid.
120 Ibid.
121 Cfr. art. XX III de l'Accord de siège,
précité, note 115 : « Toute personne visée aux
articles XIV, XV, XVII, XVIII et XIX du présent Accord dont le Greffier
a communiqué les noms et qualité au Gouvernement a le droit
d'entrer sur le territoire du pays hôte, d'en sortir et de s'y
déplacer en toute liberté, selon qu'il convient, aux fins du
Tribunal. Des facilités de voyage rapide lui sont accordées. Les
visas, autorisations d'entrée ou permis éventuellement
nécessaires sont délivrés gratuitement et aussi rapidement
que possible. Des facilités analogues sont accordées aux
personnes accompagnant les témoins dont le Greffier a communiqué
les noms et qualité au Gouvernement. » Précisons que les
articles ci dessus font exclusion des accusés et des
acquittés.
122 Voir supra note 115.
123 Cfr. arts. 15-27 de "The 1995 Tanzania immigration
act".
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