5.2. Les facteurs de la consécration
résidentielle
Il s'agit pour nous, de faire ressortir dans cette partie les
facteurs qui sont à l'origine de
la consécration résidentielle des enfants des
citadins des cases. Ce sont entre autres, le mariage, l'école, le
commerce informel, les activités professionnelles, et les associations
ou organisations de bienfaisance.
5.2.1. Le changement matrimonial
Le changement matrimonial, notamment le mariage est le principal
facteur à l' origine
de la consécration résidentielle. Elle concerne
surtout les filles qui, en cas de mariage, quittent le logement familial pour
celui du mari. Or, les résultats de nos investigations
révèlent qu'en majorité le logement d'accueil est en banco
ou en dur. On dénote alors une évolution ascendante de la courbe
résidentielle suite au passage de l'habitat en case pour le banco ou le
dur. Cependant, le fait le plus important qu'il faut souligner est que
même si les filles restent aussi longtemps au domicile familial avant le
mariage, leur situation résidentielle change le plus souvent dès
qu'elles se marient. Donc, les filles ont plus de facilité pour
accéder à un logement décent que les hommes.
5.2.2. Commerce et activités professionnelles
En effet, ce sont les premières portes de sortie pour les
enfants des citadins occupant les
cases. Ces activités varient du commerce informel en
passant par l'exercice d'emplois divers tels que la mécanique et le
gardiennage. Elles représentent 36% de la consécration
résidentielle. Ainsi, les enfants issus des habitats de case bien que
provenant des milieux défavorisés arrivent à
travers ces activités à accéder à un logement en
dur ou en banco. Le statut d'occupation varie de la location à la
propriété.
5.2.3. L'école facteur d'ascension sociale
Encadré 5 : exemple d'ascension sociale par
l'école à travers le parcours de monsieur B
Monsieur Boubacar est né en 1978 à Niamey au
quartier Foulan Koira (ancien site sis à l'emplacement actuel du stade
Général Seyni kountché). Il vivait alors avec ses parents
dans des paillottes dans ce quartier. A l'âge de 7 ans il est inscrit au
C I à école Foulan koira ou il passa 2 ans ; donc jusqu' au CP.
En 1986 suite au déguerpissement du quartier Foulan Koira pour la
construction du stade Général Seyni Kountché ; il se
retrouva avec sa famille à Foulan koira Tégui. Il continua son
cursus scolaire jusqu' à l'obtention de CFEPD. Il fut alors
orienté au C E G lazaret et obtint son BEPC en 1997. Il se retrouva au
Lycée Kassey de Niamey ou il obtint le baccalauréat, série
A4 en 2000. Il s'inscrivit à l'université ABDOU MOUMOUNI en 2001.
Il s'installa à partir de ce moment au campus universitaire durant
l'année académique et pendant les vacances dans les paillottes
à Koira Tégui Foulan koira. En 2005, il quitta
l'université avec une maitrise en anglais. Il est affecté la
même année au CES/RD en tant qu'enseignent contractuel. Il prit un
logement en dur en location au quartier Banga Bana au 5eme Arrondissement. Il
passa 2 ans dans ce logement avant de le quitter pour un autre en dur dans le
même quartier. Après 8 mois, il quitta ce logement pour un autre
en dur et se maria. A la date de notre passage, il continue à vivre dans
ce logement avec sa femme et sa fille bien que depuis avril 2012 ; il est
recruté à la fonction publique.
Dans une société où les chances
d'ascension sociale sont réduites l'école apparait comme la seule
alternative dans la distribution des places dans la société. Elle
est un facteur essentiel de développement d'une société.
C'est aussi un outil silencieux de promotion sociale et d'égalité
des chances. Conscients de ce fait, les citadins des cases choisissent
d'inscrire leur progéniture à l'école pour qu'ils
profitent des chances que celle ci offre. Ainsi, certains arrivent à
tirer les bienfaits de l'école car 6% des consécrations
résidentielles dans ce milieu sont imputables à elle. C'est
à dire que ce sont des enfants, qui grâce à la
scolarisation, accèdent un emploi qui leur permet d'avoir un logement
décent.
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Aujourd'hui, en dépit de la prise de conscience de ces
parents sans ressources des bienfaits de l'école, il faut souligner la
réduction progressive de cette porte de sortie. En effet, depuis les
années 1990, au Niger, le diplôme ne rime plus avec emploi. Cette
situation est la résultante de la politique d'ajustement structurelle
(PAS) qui a eu pour conséquence la réduction de la
capacité de création d'emplois de l'Etat qui est le principal
moteur dans ce domaine face à un secteur privé quasi
inexistant.
A cela, il faut ajouter les difficultés auxquelles fait
face le secteur de l'éducation depuis les années 1990. Cette
situation se traduit par une baisse des fonds alloués par l'Etat au
secteur de l'éducation, des grèves répétitives des
enseignants et des scolaires. Ce qui a pour conséquences la
privatisation progressive des écoles publiques, leur dé
crédibilisation au profit des écoles privées. Tout ceci,
conduit à l'accentuation des difficultés que les enfants des plus
démunies ont pour accéder à une formation de
qualité et à leur exclusion du système éducatif. A
cela s'ajoute, le caractère très sélectif du
système éducatif nigérien qui conduit à l'exclusion
précoce de certains enfants.
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