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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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1.4. Le pouvoir comme obligation et comme fonction

Pour Locke, le pouvoir sans le droit, c'est bien là le désordre fondamental, puisqu'il constitue la négation de ce pourquoi Dieu a donné aux hommes leurs pouvoirs35.

En passant de l'état naturel à l'état politique, l'homme ne cesse jamais d'ailleurs de vivre dans un état d'obligation. Mais il passe de l'obligation d'obéir à la loi de nature dont chacun est arbitre, garant et légitime défenseur, à l'obligation d'obéir à une loi de nature redoublée et explicitée par l'obligation d'obéir aux lois civiles que désormais seul le magistrat a le droit d'édicter, de garantir et d'imposer par la contrainte. Loin de s'opposer, ces deux formes d'obligation se concilient entre elles, puisqu'elles règnent sur des domaines différents et puisque la loi de nature, qui est leur commune source, oblige de surcroît les hommes, quel que soit l'état de leur choix, à vivre en société36.

Ce passage de la société naturelle à la société politique s'explique parfois du fait que les hommes se sentent comme obligés de vivre au sein d'une société civile. Il y va de leur bien, de leur protection, de leur désir de s'accomplir sur terre. Ainsi, comme le présente Raymond Polin, c'est comme par devoir que les hommes se mettent en société avec d'autres. « C'est un devoir de l'homme par rapport au genre humain et par rapport à son humanité en tant que telle ( telle que Dieu a voulu qu'elle soit )37 . »

L'adhésion à une société politique émane d'un choix libre ainsi que d'un consentement et d'un engagement personnel. Et dès le moment où l'on s'est engagé librement à vivre dans un corps politique estimant y partager le confort, la sécurité et la paix avec d'autres, on se lie à une sorte d'obligation. On est obligé de travailler pour la consolidation et la prospérité de ce corps. C'est pourquoi, il importe que le consentement à la vie politique soit exprès. « S'il s'exprime par une déclaration explicite, le consentement entraîne une perpétuelle et inaltérable paix, sauf au cas où l'on s'en trouverait délié par la dissolution du corps politique ou par quelque acte public approprié38 ». Ici, remarquons que John Locke ne

35 Raymond POLIN, La politique morale de John LOCKE, Paris, PUF, 1960, p. 183.

36 Idem.

37 Ibid., p. 186.

38 Second Traité, §§120-122., pp. 234-236.

demande pas une soumission sans réserves à un pouvoir absolu et arbitraire. D'ailleurs, les restrictions qu'il apporte au caractère éternel de l'obéissance civile le montrent fort bien.

L'accent mis sur le consentement est très important. Ce consentement dont il est question est bien le consentement d'un libre pouvoir ; lui seul compte pour assurer à la société civile un fonctionnement parfaitement légitime. Car ce consentent ne peut être libre que s'il est raisonnable et parce que, au fur et à mesure qu'il est éclairé par la raison, il se comprend comme obligation et exprime la loi de nature. Naissant d'une obligation morale et raisonnable, il se tourne de lui-même en obligation morale. C'est une liberté qui s'engage, mais elle s'engage comme pouvoir de liberté. Elle ne consent à s'engager que pour se sauvegarder comme liberté.

Qu'en est-il des obligations des dirigeants ? Le pouvoir de gouverner consiste à sauvegarder le droit et la propriété de chacun. L'épée du souverain ne lui est pas donnée pour défendre son seul bien, mais pour protéger le bien commun. Et cela est une obligation pour lui.

Les liens qui assurent l'unité de la communauté politique doivent être avant tout juridiques et moraux ; ils sont de l'ordre du consentement, de la promesse, de l'engagement, de la confiance, en un mot, de l'ordre de l'obligation39. Tout pouvoir, pour être politique doit être juste. La notion de justice montre simplement le sérieux avec lequel les gouvernants sont appelés à prendre leur tâche comme relevant de la confiance du peuple. De ce fait même, ils sont obligés d'être justes. Il faut respecter les règles du jeu. C'est la seule manière de satisfaire tous ceux qui sont engagés dans la société.

L'idée de pouvoir, telle qu'elle se développe chez Locke, n'est jamais, ni tout à fait l'idée de quelque chose que l'on possède, comme une faculté ou un instrument, comme quelque chose de matériel dont on aurait la propriété, ni tout à fait l'idée d'un système de relations entre deux ou plusieurs hommes et qui serait susceptible de se résoudre en rapports d'actions et de relations. Locke ramène l'idée de pouvoir à l'idée d'une fonction qui absorberait et dépasserait les deux idées précédentes.

C'est pourquoi, tout pouvoir comporte des lois de fonctionnement, au double sens d'une règle constante et d'une obligation ; et cette loi fournit au pouvoir fonctionnel son expression la plus adéquate. Le pouvoir est donc une tâche à accomplir, un service à rendre et pour lequel on est obligé, dès lors qu'on a accepté librement la direction et la gestion de la chose publique. Ainsi, le pouvoir d'un homme exprime sa fonction et son obligation par

39 Raymond POLIN, La politique morale de John LOCKE, Paris, PUF, 1960, p.196.

rapport à d'autres hommes, mais il définit l'homme lui-même en le situant et en marquant son rôle dans l'ordre téléologique naturel40.

Une fonction est à son tour inséparable de la fin qui définit son sens. Un pouvoir, en tant que fonction, est toujours un pouvoir d'accomplir une certaine action, une certaine oeuvre, un pouvoir pour...un pouvoir de...Tout pouvoir étant donné ou s'établissant en vue d'atteindre une certaine fin, se trouve défini, mais aussi limité par cette fin même. Le pouvoir est limité pour ne pas aller au-delà de ce que sa fonction implique ; surtout si c'est à l'encontre des fins poursuivies par la société.

Il importe bien d'obéir à quelque loi car tout refus de faire référence à des lois ne contribue qu'à l'établissement du désordre, de l'anarchie qu'on a évitée en quittant l'état de nature. En d'autres termes, habité par le souci d'assurer sa sécurité et de vivre en paix, on est obligé d'obéir à quelque loi raisonnable. La notion d'obligation est donc un impératif catégorique. Les hommes sont liés aux lois parce qu'il en va de leur sécurité, de leur paix et de leur bien être.

En acceptant librement de vivre dans une société politique, on est obligé de respecter ses lois et d'assumer avec responsabilité toutes les fonctions qu'on se voit confier par la société, pour le bien de tous. Dieu a donné aux hommes le pouvoir de conserver leur vie, le pouvoir de s'ériger en maîtres de la nature, le pouvoir d'assurer la paix et de protéger leur propriété. Quiconque obéit à la loi de nature, ensuite à la loi positive, adhère à une communauté politique dans laquelle il assume une fonction, librement, mais par laquelle il se sent obligé vis-à-vis de la société.

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