5.2. Prospective
Il existe un grand besoin d'information et de formation sur
les principes et les méthodes de résistance civile et de l'action
non-violente. La résistance doit conquérir son droit de
cité dans notre culture et dans notre histoire. Il est temps qu'elle
cesse d'être clandestine pour devenir sujet d'études et de
débats. Une relecture de la résistance civile permettra
d'envisager quelle forme lui donner aujourd'hui. Par souci de maintenir la
justice, la paix et l'harmonie dans nos sociétés, notre travail
se veut une modeste contribution aux mécanismes de résistance
à la violence ; mécanismes à mettre en place pour
épargner le peuple des malveillances de la violence et de
l'arbitraire.
Alors qu'en l'homme il y a toujours une part de lui-même
qui l'incline à la violence, pourquoi souscrire à la non-violence
? A la suite de Jacques Sémelin, nous répondons : << C'est
parce qu'elle est porteuse d'une morale politique ; non pas une morale de
pureté mais une morale d'efficacité. Elle repose sur
l'idée que les moyens de l'action politique ne sont pas neutres, que
l'on ne peut utiliser n'importe quel moyen pour construire véritablement
un monde de paix et de justice108 ».
<< Les maux de ce monde proviennent en partie du penchant
de l'homme à dissocier les
conséquences de ses actes du moment des objectifs qu'il
leur assigne dans le futur. Il en résulte une vision assez
schizophrénique de l'existence où l'on prétend
défendre la
108 Jaques SEMELIN, Pour sortir de la violence, Paris, Les
Editions ouvrières, 1983, p.198.
paix par la violence, conquérir la liberté en la
supprimant aux autres. Dès lors, les moyens l'emportent sur une fin qui
n'est plus que formellement affichée.109 »
Il faut alors veiller à ce que la juste logique du
droit d'opposition ne se dérègle pas et ne conduise pas à
la sédition ou même au terrorisme. Il y a un grand risque d'une
dénaturation de ce droit qu'un mauvais usage pervertit. Utilisé
à mauvais escient ou avec mauvaise foi, il peut conduire à des
tragédies.
A ce niveau, il convient de dépasser John Locke pour
qui, il semble difficile, à la limite inconcevable, de résister
à la force et à la violence sans donner des coups110.
En effet pour lui, l'état de guerre qui s'installe en cas d'abus de
pouvoir, rend les parties égales entre elles. C'est une sans doute une
déclaration à placer dans son contexte. Aujourd'hui, plusieurs
procédés non-violents peuvent être appliqués. En
entrant dans la logique de la violence, on finit par se lancer dans une course
effrénée aux armements en instaurant ainsi la logique de la
vengeance dans le seul désir de maltraiter et d'humilier son ennemi.
Depuis plus de deux siècles, les peuples se sont
efforcés de se libérer de l'esclavage, du colonialisme, du
totalitarisme. Cette quête de la liberté et de la justice est bien
loin d'être achevée à en juger par la multitude des
dictatures dans le monde. La lotta continua, peut-on dire. La
liberté est à conquérir infiniment. La lutte à
poursuivre doit tenir compte du fait que la violence a connu d'importantes
mutations avec la présence des dispositifs de guerre capables des
destructions massives. Cela oblige à un nouveau combat : celui
consistant à préserver la vie contre les risques d'une mort
collective.
Il est alors urgent de mettre en oeuvre des formes et des
systèmes de défense qui, tout en permettant aux hommes de
préserver ou de conquérir leurs droits, leur évitent de
courir à leur perte, de s'acheminer plus ou moins malgré eux vers
le suicide nucléaire. Pour sa part, la non-violence est au carrefour de
cette double préoccupation des fondements assez solides pour relever le
défi propre à notre modernité111.
Tout en déclarant légitime la résistance
civile après John Locke et tant d'autres, il nous semble important de
laisser ouvert d'autres champs d'investigation. Pourquoi ne mènerait-on
pas par exemple une réflexion qui aurait pour visée principale
d'étudier la possibilité de rendre effectif le droit de
résistance ? En effet, force est de reconnaître que la
proclamation des droits universels de l'homme et, tout particulièrement
de ce droit d'opposition, peut fort bien, au gré de l'hypocrisie de
certains gouvernements, ne correspondre à aucune effectivité
109 Jacques SEMELIN, op. cit., p. 199.
110 Second Traité, § 235, p. 319.
111 Jaques SEMELIN, Pour sortir de la violence, Paris, Les
Editions ouvrières, 1983, p.200.
concrète. Dès lors, à quoi servent les
déclarations solennelles de droits si, en fait, ceux-ci ne sont ni
respectés, ni reconnus et pour tout dire, sont bafoués. Cette
difficulté entre théorie et pratique peut bien faire l'objet
d'une étude approfondie. Actuellement des questions d'abus de pouvoir,
de résistance à l'oppression, surtout des droits de l'homme, font
de plus en plus partie de multiples débats et études. Nous
espérons que les luttes continuellement menées pour la
liberté, la justice et la paix produiront des résultats
escomptés.
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