Faculté des Affaires Internationales
Mémoire de Master II Droit de la mer et des
activités portuaires
Le Pilotage maritime dans l'Union
Européenne
Statuts, organisations et responsabilités civiles des
pilotes en 2010
Bien qu'il existe de fortes disparités de statut
professionnel des pilotes en Europe,
quelles sont les caractéristiques communes des
pilotes et, dans quelle mesure leur mission est-elle
reconnue de service
public obligatoire ?
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Face aux risques de l'activité, dans quelle mesure,
l'État, ou une organisation en charge du service de pilotage, peut-il
voir sa responsabilité engagée en cas de dommage lors d'une
opération de pilotage. Quel est le statut de responsabilité
civile actuel des services en Europe ?
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d'abord à remercier Mme Le
Bihan-Guénolé, Directrice du Master II de droit de la mer et des
activités portuaires, ayant consentie à ce que je puisse suivre
le master II proposé par l'Université du Havre tout en continuant
à naviguer comme officier dans la Marine Marchande, ainsi que l'ensemble
de l'équipe enseignante pour la qualité de leur enseignement.
De la même manière, je remercie Le
Président de la Fédération de Pilotage, Monsieur Moncany,
ainsi que Cécile Lemberski, juriste à la FFPM, mon tuteur de
mémoire, et Camille Moncany, juriste et assistante à la FFPM,
pour le temps et l'intérêt consacrés pendant mes
recherches.
Ensuite, je remercie tout particulièrement le
Commandant François Laffoucrière, pilote au Havre et Captain
Andrew Bishop, pilote au port britannique de Newhaven, pour la communication
d'informations essentielles dont je me suis servi tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
Pour les mêmes raisons, je remercie l'avocat londonien
Barrie Youde, et enfin, j'adresse un remerciement tout particulier à
Juha Tulimaa, Michael Hartmann, Hugo Tiberg, Miguel Vieira de Castro et Roby
Maggi, pour leur collaboration.
Présentation générale des
structures associatives de pilotes maritimes en Europe
Au niveau national, européen, ou international, il
existe différentes structures associatives regroupant les pilotes. Leur
but est de veiller à la bonne application des textes de lois nationales
en vigueur au sujet du pilotage, au sein d'un État, mais
également de veiller à l'application des normes internationales
régissant dans ce domaine. Grâce à ces structures,
maintenant ainsi leur cohésion, les pilotes entendent défendre
leurs intérêts. Ces organisations, présentes dans toute
l'Europe, disposent en général d'un service juridique qui leur
est propre et qui traitera les litiges émanant d'une activité de
pilotage de navire. L'adhésion à l'Association Internationale des
Pilotes Maritimes1 et à l'Association Européenne des
Pilotes Maritimes2 permet les échanges d'informations entre
pays, et la création d'une base de données de contacts
auprès des diverses associations nationales.
· La FFPM : Fédération
Française des Syndicats Professionnels de Pilotes Maritimes
La Fédération Française des Syndicats
Professionnels de Pilotes Maritimes située à Paris, dont le
siège se trouve 74, rue du Rocher dans le 8ème arrondissement
parisien, est la structure associative française, dont la permanence est
assurée par un président et son secrétaire
général.
Cette association représente en France environ 340
pilotes et leurs personnels, répartis dans 32 stations de pilotage, ( 23
en Métropole, 5 dans les départements français
d'outre-mer, 3 dans les pays et collectivités territoriales d'outre-mer
et une coopérative de pilotes hauturiers),
La FFPM est composée de deux collèges :
Le Premier Collège regroupant :
- Les syndicats professionnels des stations de pilotage de France
métropolitaine
- Les syndicats professionnels des stations de pilotage des
départements et territoires d'outre-mer Le Deuxième
Collège regroupant :
- les syndicats professionnels de pilotes maritimes
habilités qui exercent leur activité en dehors des stations
précitées.
1 IMPA : The International Maritime Pilots'
Association
www.impahq.org
2 EMPA: European Maritime Pilot's Association
www.empa-pilots.org
· L'EMPA : European Maritime Pilot's
Association
L'EMPA, dont la présidence siège à
Anvers, fut créée en 1963, à l'initiative d'un pilote
français, M. Antoine MARCANTETTI, de la station de pilotage de
Marseille-Fos. En 2009, l'EMPA représente 26 pays ( Roumanie, Russie,
Ukraine, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France,
Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte,
Norvège, Pologne, Portugal, Slovénie, Espagne, Suède,
Pays-Bas, Turquie, Royaume-Uni). Son objectif est de faciliter l'échange
des informations entre ses membres dans le but d'améliorer les divers
aspects de la vie professionnelle des pilotes de la Communauté
Européenne et des pays associés, et de promouvoir et
défendre les intérêts de la profession sur le plan
international.
English summary
Pilotage is one of the oldest, and least-known maritime
profession, but it is one of the most important link in maritime safety.
Nowadays, the actual economic and environmental risks, involving large ships,
make the role of the pilot really essential.
A pilot is an mariner adviser who guides a ship through
dangerous waters, fairways, harbours and river approaches. His role is to
assist the master by bringing local expertise, and pieces of advice during the
ship's passage at arrival, anchorage, or departure. The pilots provide a local
knowledge to make the safe passage of the ship safe, and to protect the
environment. They have an overall review of local regulations, port activities,
customs of the harbour and effect of the current or sounding. Also, they
provide communications with port authorities, Vessel Trafic System, tugs, and
other piloted ships.
Nowadays, in order to protect the environment and to improve the
safety of life at sea, pilotage services are mostly regulated in all the
European countries.
Firstly, pilotage is widely compulsory, each state being
entitled to define the limit of ships which need to be piloted. Most maritime
countries have areas designated as compulsory pilotage districts where ships
are not allowed to navigate unless licensed pilot. The reason of such a
decision is based on the needs of national public interest, keeping the safety
level and environment protection at his maximum.
Secondly, safe and efficient marine pilotage requires that
marine pilots operate in an independant environment which allows them to
exercise their professional judgement in an independant manner, without
competition or arrangements with shipowners.
Lastly, most jurisdictions in the European Union, have
concluded that the public interest, the marine safety and the necessity to
protect the environment and nearby populations, are best served through
pilotage services being provided on an exclusive basis, by a single group of
pilots, which take advantage of a monopolize position, in any given compulsory
area.
In order to exercise their functions, pilots may be
self-employed, or employed by a port, with different degrees of privatization,
or may be employed by a state, as public servants. But all the time, pilots are
organized as independant economic entities, grouping together in association,
or partnership, and are always subject to the government control.
However, the pilot is legally, only an advisor, as the master
remains in legal, overriding command of the vessel, keeping the ultimate
responsibility of the ship.
But the pilot executes the pilotage on his own civil
liability, as defined in the national pilotage legislation, called Pilotage
Act, but, according to the same principle, as the possibility for the
shipowners to limit their own liability, in accordance with LLMC 76 Convention,
the Pilotage Acts usually give the right to limit their civil liability. In
such a case, the civil pilot liability is largely limited to a certain amount
of money, because of the mere reason that a pilot has personal limited
resource, he may not be able to support the financial consequence of an
accident, and couldn't recover the large amounts of money incurred today.
Nevertheless, pilot limitation or exemption of liability are
waived when the court evaluate that there is a intent or gross negligent from
the pilot, but the burden of the proof rests on the person who attributes legal
consequences to these acts.
Consequently, the claims are mainly engaged against
organizations employing the pilots, or against the shipowner himself. Speaking
about the pilot civil liability, regarding the institution organizing the
pilotage service, some few problems may happened.
It is in the public interest for pilots to be able to not
commence, or to stop an unsafe operation without apprehension of adverse
consequences to their careers or livelihood, but their decision may affect
their relation with the organization employing them, leading sometimes to
severe reprimand.
Also, some few court cases shown the last years that the
harbour authority is not liable for the negligence of a pilot because a pilot
is a independent professional who navigates as a principal and not as the
servant or agent of his general employer
On the contrary, in some countries, some few cases of pursuit
were engaged against the state regulating the pilot services employing the
pilots, the claimers performing the pursuit as the pilot is an only a servant
of his general employer.
Last but not least, According to the Pilotage Acts, the liability
limits are some times so high, (as in Spain, or Italy) that pilots are obliged
to be insured against civil claims.
Le pilotage maritime dans l'Union Européenne
Présentation générale des structures
associatives de pilote maritime en Europe 4
English summary 6
Introduction 10
Partie I : Activité reconnue obligatoire
à statuts professionnels différents 14
Chapitre I) Mission d'intérêt
général reconnue et consacrée par l'obligation de pilotage
14
I) La qualification de service public
14
A) En France
i) Définition du pilotage maritime en droit
Français
ii) Une activité qualifiée de service public de
pilotage
B) Une activité reconnue d'intérêt
général en Europe
II) Obligation de pilotage consacrée par la
Commission Européenne 18
A) Obligation de pilotage en France
B) Obligation de pilotage en Europe
Chapitre II) Des organisations professionnelles
différentes face à des impératifs identiques 21
I) Un statut de monopole voué à la
sécurité 21
A) Le monopole intracommunautaire
i) Le monopole du pilotage Français
ii) Le monopole en Europe : applications des principes
communautaires
B) La position des pays non Européens
II) Organisations professionnelles différentes
27
A) L'organisation juridique de la station de pilotage en
France
i) La collectivité des pilotes et la station de
pilotage
ii) Le syndicat des pilotes
B) Les statuts des pilotes en Europe
1) Analyse de l'organisation professionnelle du pilote
2) Statuts dans les principaux pays Européens
i) Modèles privés de type corporatif
ii) Modèles publics à gestion directe de l'Etat
iii) Les systèmes mixtes
C) Recrutement
Partie II: La responsabilité civile du pilote
et des organisations de pilotage 52
Chapitre I) Responsabilité civile liée
à son rôle et à sa qualification 52
I) La qualification du pilotage 52
A) Le pilote européen, conseiller du capitaine ?
B) L'absence de convention internationale sur la
responsabilité civile
II) Les responsabilités civiles
résultant de l'organisation du pilotage 59
A) Cas de responsabilité de l'autorité
compétente organisatrice du service
i) Les problèmes émanant d'un contrat de travail
conclu avec une autorité compétente
ii) Les pilotes, des professionnels à
l'indépendance juridique reconnue
iii) La responsabilité de l'État
B) Autres types de responsabilité
Chapitre II) Limitation de responsabilité et
assurance 76
I) La limitation de responsabilité, solution
réaliste et justifiée 76
II) Les assurances responsabilité civile 81
Conclusion 84
INTRODUCTION
En droit maritime français, le capitaine du navire,
garant de l'expédition nautique, est tenu, sauf en cas
d'impossibilité manifeste, de conduire personnellement son navire
à l'entrée et à la sortie des ports, des canaux ou des
rivières3. Pour autant, aucun capitaine de navire ne pourrait
prétendre connaître tous les dangers d'une zone de navigation, les
courants, les feux, les us et coutumes portuaires, et les
spécificités locales du port dans lequel son navire
évoluera. Il s'appuie sur les conseils avertis du pilote maritime, sans
que pour autant sa présence ne le dispense des obligations de
commandement et de conduite du navire.
Le statut actuel du pilote maritime s'est édifié
sur une histoire maritime très ancienne en se construisant autour du
développement des échanges de marchandises dans le bassin
méditerranéen. Le terme « pilote » est apparu
très tôt, dès le VIème siècle av. J.-C. dans
le livre D'Ezekiel4 où le terme de « pilote guide »
du navire est utilisé à plusieurs reprises. Des traces
d'existence de l'ancêtre du pilote maritime existent aussi dans les
écrits d'Homère et de Virgile : en parlant de « Thestor le
pilote » Homère a écrit dans le premier livre de
Iliade5 : « celui qui a guidé les navires de Achaens
à Llion ».
Assurément, l'incontestable ancêtre du pilote
maritime se trouve dans « Le périple de la mer
Érythrée6 » daté de la première
moitié du premier siècle après J-C. En effet, ce
récit maritime grec décrivant la navigation et les
opportunités commerciales depuis les ports romano-égyptiens, le
long de la côte de la mer Érythrée (actuelle mer Rouge),
ainsi que le long de l'Afrique orientale et de l'Inde, pourrait effectivement
être l'ancêtre des instructions nautiques actuelles, qui sont nos
actuels recueils d'informations spécialisés sur les ports et
leurs approches. Bien que les auteurs de ce périple soient inconnus, on
ne peut douter un seul instant que ces marins connaissaient parfaitement les
courants et les dangers des sites qu'ils fréquentaient, en d'autres
termes, ils sont aux origines du pilote maritime contemporain.
3 Loi N°69-8 du 03/01/1969 relative à
l'armement des navires
4 Le terme pilote apparaît au chapitre 27 du
livre d' Ézéchiel, livre du Tanakh et de l'Ancien Testament
écrit par le prophète Ézéchiel parmi les
exilés de Babylonie
5 Iliade et l'Odyssée -VIe siècle av.
J.-C
6 Le Périple de la mer Érythrée,
nom latin Periplus Maris Erythraei est une expédition maritime,
rédigée en grec et décrivant la navigation et les
opportunités commerciales rencontrées depuis les ports
romano-égyptiens, le long de la côte de la mer Rouge, alors
appelée mer Érythrée, et d'autres le long de l'Afrique
orientale et de l'Inde.
Ensuite, les Arabes furent sans aucun doute les plus actifs
dans le domaine du pilotage. En 1275, le premier voyage de Marco Polo en Orient
a été réalisé grâce à l'aide des
pilotes Arabes. Deux siècles plus tard, Vasco De Gama au Portugal
employa des pilotes Arabes lors de son voyage du cap de Bonne-Espérance
à Calicut (Inde): « Lorsque Vasco de Gama7 eut atteint
Malindi sur la côte orientale d'Afrique en 1498, il put s'y procurer un
pilote, qui le conduisit directement à Calicut ». Le fait est
brièvement rapporté dans le journal de bord rédigé
par un des marins de l'expédition, et certains récits donnent
même le nom du pilote, y ajoutant la nécessité de recourir
à leur expertise.
Plus tard, dans les années 1600, il est fréquent
de lire dans les manuels d'histoire que la défaite de l'invincible
Armada Espagnole aurait été causée par
l'impossibilité d'embarquer les pilotes au large de Dunkerque.
Pendant des siècles, l'individu qui a dirigé un
navire dans l'océan, l'amenant d'un port à un autre, a
porté la double casquette du capitaine et de pilote du navire.
A la suite de l'insuffisante familiarité des capitaines
avec certaines régions qu'ils devaient fréquenter pour le
commerce, avec l'ouverture des marchés et des transports internationaux,
il a été reconnu que le pilotage exigeait la connaissance locale
de pilotes rattachés à une zone maritime connue d'eux.
Selon Jean-Pierre Vieuxbled, « le petit cabotage,
organisé dés le bas Moyen-âge sur l'ensemble des
côtes européennes, conduit peu à peu à une bonne
connaissance des rivages. Les manoeuvres répétées, les
multiples voyages permettent d'identifier rapidement les dangers ainsi que les
marques nécessaires pour les éviter8 ».
Des distinctions claires sont ensuite perçues entre les
pilotes des voyages, devenus aujourd'hui pilotes hauturiers, et le pilote
portuaire, connus comme le « loci manens », l'homme du
lieu.
Selon A.Marcantetti9, les premières traces
de présence de pilotes maritimes en Angleterre remontent au XVème
siècle en Écosse et en Angleterre : « c'est autour de guilde
de marin, à vocation semi-religieuse dans un but de protection mutuelle
que l'embryon du pilotage se mit en place dans le Royaume ».
7 Le pilote arabe de Vasco de Gama et les instructions
nautiques des arabes au XVe siècle Gabriel Ferrand, Annales de
Géographie, Année 1922 Volume 31 Numéro 172, p 289-307
8 Jean-Pierre Vieuxbled, «Les aides à la
navigation» 2004 D.E.S.S. Droit maritime et des transports
Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix - Marseille
III
9 Antoine Marcantetti, thèse sur le pilotage
maritime en Europe, page 370
Dans le nord de l'Europe, les Hollandais sont
considérés comme les premiers meneurs dans le
développement du pilotage. En 1633, la Compagnie des Indes
Néerlandaises déploya ses propres pilotes à Balasore,
à environ 60 miles de l'entrée de la rivière Hugli. A
cette époque, le pilote était, soit un membre de
l'équipage, soit déjà un employé d'une station de
pilotage à terre. Leurs tâches ne se limitaient pas uniquement
à piloter des navires, mais souvent, ils étaient éditeurs
de cartes marines et compilateurs de données de navigation.
En Europe, depuis le début du 17ème
siècle, le pilotage est maintenant réglementé dans tous
les pays par des lois nationales, communément appelées Pilotage
Act, et par les règlements sur l'organisation des ports, fixant ainsi
les statuts professionnels des pilotes dans chaque pays. En France, les
fondements de la réglementation française du pilotage furent
adoptés en 1554 sous Henri III, en prévoyant le contrôle de
cette activité sous la tutelle de l'Amirauté. Plus tard,
l'Ordonnance de Colbert de 1681 a défini les grands principes du droit
du pilote et du capitaine de navire. Ces grands principes sont aujourd'hui
repris par les textes de lois régissant le pilotage français.
Des nos jours, cette profession est peu connue du grand public
mais se trouve pourtant au coeur des échanges commerciaux maritimes.
Afin de préserver l'environnement et de garantir la
sécurité de la navigation et la sauvegarde de la vie humaines en
mer, le pilotage maritime est réglementé dans tous les pays
d'Europe ayant une façade maritime. Le pilote maritime, malgré
des statuts professionnels différents est devenu obligatoire,
étant basé presque partout sur le principe de l'obligation et du
monopole des stations. Compte tenu des risques inhérents à
l'activité, le pilotage peut entraîner à la fois
d'importants recours en responsabilité civile du pilote ou bien des
services organisateurs.
Ce bref rappel historique montre la diversité des
systèmes de pilotage et leur inscription dans des traditions
différentes, il n'y a donc pas de statut professionnel unifié du
pilote même si, sous l'influence de la réglementation
internationale ces disparités ont tendance à s'estomper en ce qui
concerne la qualification juridique de conseiller de ce dernier. Il est
cependant difficile de cerner de manière univoque le statut du pilote,
ce qui renforce la méconnaissance relative dont il est l'objet
auprès du grand public.
Dans une première partie essentiellement descriptive
nous rappellerons les différentes traditions d'organisation du pilotage
entre privé et public, associatif et corporatif, chacun apportant sa
spécificité dans un cadre d'intérêt
général voué à la sécurité.
Dans notre seconde partie, nous verrons comment le statut
juridique du pilote est perçu en Europe, et comment les problèmes
de responsabilité contraignent les organisations de pilotage à de
nécessaires évolutions dont il n'est pas facile aujourd'hui
d'anticiper les conséquences tant les difficultés qui surgissent
font intervenir des causalités complexes.
Partie I : Activité reconnue obligatoire à
statuts professionnels différents
Chapitre I) Mission d'intérêt
général reconnue et consacrée par l'obligation de
pilotage
I) La qualification de service public
A) En France
i) Définition du pilotage maritime en droit
Français
En droit Français, c'est au Moyen-âge que les
principes de l'activité de pilotage commencent à être
fixés. Les « Jugements » ou « Rôles d'Oléron
», recueil de lois maritimes datant du XIIème
siècle10, mentionnent déjà le « lodeman
» chargé d'amener les nefs affrétées pour le commerce
« jusqu' au port à sauveté » pour y être
déchargées. Ce lodeman risque la peine de mort en cas de perte du
bateau qu'il conduit. Des dispositions très proches se retrouvent
également dans le « Consulat de la mer », autre recueil de
lois daté du XIIIème siècle. Le XVIème
siècle est marqué par l'apparition de règlements locaux
concernant des ports d'importances comme Dunkerque, Le Havre ou Rouen. A cette
époque, le pilote lamaneur et le pilotes hauturier se confondent
toujours sur le territoire, et ce n'est que plus tard, en 1681, que
l'ordonnance de Colbert11 fera la différence en
précisant les droits, et devoirs de ces deux professionnels. Ce n'est
finalement qu'au début du XIXème siècle que furent
décrites les premières organisations de pilotage par le
décret-loi de Napoléon du 1er du 12 décembre 1806.
Quelle que soit l'époque, le pilote maritime a toujours
suscité les plus grands intérêts des législateurs
Français. La législation actuelle est passée par de
nombreuses chartes ou réglementations successives qui ont finalement
menées les législateurs à promulguer au Journal Officiel,
le 31 mars 1928, la loi sur le « Régime du pilotage dans les eaux
maritimes ».
Ce texte fondamental toujours en vigueur, remplace l'ancien
texte datant du 12 décembre 1806, et est consolidé par le
décret du 19 mai 196912. Selon la loi, « le pilotage
consiste dans l'assistance donnée aux capitaines par un personnel
commissionné par l'État pour la conduite des navires à
l'entrée et à la sortie des ports, dans les ports, rades et eaux
maritimes des fleuves et des canaux ».
10 Ce document, s'inspirant des "Coutumes de la mer
du Levant", a été rédigé à la demande de la
Duchesse Éléonore d'Aquitaine (1122-1204), de retour de Terre
Sainte pour servir de lois maritimes dans le Ponant. Il prit le nom de
Rôles d' Oléron, en l'honneur de l'île alors possession
d'Éléonore et fut complété par son fils Richard
Coeur de Lion. (D'après Clairac, "Us et coutumes de la Mer", Bordeaux,
1661).
11 Ordonnance de Colbert dite Ordonnance de la Marine
du mois d'Août 1681
Ainsi, la tâche du pilote est de concourir par l'aide
qu'il pourvoit au capitaine, à la conduite du navire au passage des
difficultés créées par une arrivée ou un
départ, afin que celui ci termine ou débute son expédition
en toute sécurité.
ii) Une activité qualifiée de service
public de pilotage
L'article 2 de la loi du 28 mars 1928 sur le régime du
pilotage dans les eaux maritimes modifiée par le Décret
n°69-515 du 19 mai 1969 - art.1 dispose que « le capitaine d' un
bâtiment soumis à l'obligation du pilotage est tenu de payer le
pilote, même s' il n'utilise pas ses services, quand celui-ci justifie
qu'il a fait la manoeuvre pour se rendre au-devant du navire ». En France,
l'obligation de pilotage est reprise localement par un arrêté,
définissant ainsi les limites accordées par zone portuaire
considérée13.
Le pilotage obligatoire pourrait être perçu comme
une contrainte pour les armateurs qui se voit obligés d'embarquer un
pilote, et de payer une redevance. Mais la source même de cette
contrainte semble se trouver dans la préoccupation essentielle de
maintien de la sécurité de la navigation en général
et doit être prise dans la sens d'un atout pour la protection du domaine
public maritime et de conservation du littoral.
La mission de service public, qui par définition
devrait être un service organisé dans une intention
d'intérêt général, est confortée par la
jurisprudence et par la qualification de « service public de pilotage
» affirmée en Conseil d'État le 2 juin 197214 :
« Il appartient également à l'autorité
administrative , en vue d'assurer la police de la circulation dans les ports,
et dans la mesure où la sécurité de la circulation
l'exige, de subordonner le droit de circulation des navires dans les ports
à la possession d'un brevet spécial par leur capitaine ou
à l'appel au service public de pilotage ».
12 Auxquelles s'ajoutent des textes internes de
droit maritime : loi du 3 janvier 1969 relative à l'armement et à
la vente des navires/ arrêtés et décrets qui ont
modifiés, et renforcés la réglementation de 1969 :
décret N°706207 du 9 mars 1970 relatif au pilotage des bateaux,
convois et autres engins flottants fluviaux qui effectuent une navigation en
mer, dans les ports et rades et espaces dépendants du domaine public
maritime ou en aval du premier obstacle à la navigation de mer ;
décret N°2000-455 du 25 mai 2000 relatif au régime de
pilotage dans les eaux maritimes ; arrêté du 1er juillet 1999
fixant le montant du cautionnement des pilotes maritimes.
13 Par exemple : Arrêté du 8
août 2008 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins
fluviaux qui effectuent une navigation dans les limites de la station de
pilotage de Marseille-Fos ou bien Arrêté du 19 septembre 2007
relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins flottants fluviaux
qui effectuent une navigation dans les limites de la station de pilotage du
Havre-Fécamp.
14 CE [sect] 2 juin 1972, REC.CE; p.407, AJDA
1972.II.90, p 646 conclusions de Mr Rougevin-Baville qui lui affecte la
responsabilité de conservation du littoral et de sécurité
maritime
Cette affirmation du Conseil d'État, ne fit que confirmer
l'avis du Commissaire du gouvernement Josse donné en 1949,
déclarant que les pilotes « assurent un service public15
».
La loi française est très claire à ce sujet,
l'article 16 du décret de 1969 qualifiant de tutelle le rapport existant
entre la station de pilotage et l'État français :
« Le fonctionnement des stations de pilotage est
exercé sous la tutelle du ministre des transports. Celui-ci peut imposer
aux stations des règles adaptées du plan comptable
général ».
Plus récemment, Robert Rézenthel qualifiait, en
1988, le pilotage maritime comme « une activité
d'intérêt général16. L'activité,
pourtant très peu connue du grand public, doit donc s'entendre plus
largement, comme une activité menée pour l'intérêt
de tous, et qui profite à la population de manière
bénéfique.
Cette qualification de service public prend racine dans le
fait que les pilotes sont très largement contrôlés par
l'État français, qui les commissionnent. De par la qualité
du concours qui conditionne leur recrutement, de leurs autorisations d'exercer,
nommés ou radiés par le ministère de l'Écologie, de
l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, et au regard de
l'obligation de continuité du service imposée par la loi, les
pilotes sont donc considérés comme des agents du service public
continu de pilotage. Ils collaborent, en ce sens, « à
l'exécution d'un service public sous le contrôle du ministre
chargé des services de la Marine Marchande17».
15 CE 17 juin 1949, Rec. CE, p293
16 Robert Rézenthel, DMF 1988, page 335, Le
Pilotage dans les eaux portuaires.
17 CE, 13 déc.1929, Exbrayat : Rec. CE; p 1113.
Conclusion Josse
B) Une activité reconnue d'intérêt
général en Europe
En France, comme l'a écrit Jacques Truau18,
« les obligations exorbitantes du droit commun, la nature même de la
commission qu'il reçoit des pouvoirs publics et la tutelle permanente
que l'État exerce sur son activité, ont conduit le Conseil
d'État à conférer au pilote la qualité d'agent de
service public ».
Par ailleurs, les pilotes ont une obligation, incluse par une
directive européenne dans le contrôle des navires par
l'état du port. Il faut souligner l'importance de cette obligation dans
l'articulation des réglementations nationales de pilotage.
Internationalement, tous les états n'exercent pas avec la même
rigueur, loin sans faut, les contrôles de sécurité sur les
navires battant leur pavillon. Signé à Paris le 26/01/1982,
l'accord du Mémorandum de Paris, « mémorandum d'entente sur
le contrôle des navires par l'état du port », entré en
vigueur le 01 juillet 1982, est venu renforcer internationalement la
volonté des états à coopérer, s'accordant à
contrôler au moins 25% des navires qui font escale dans leur port. Le
Mémorandum of Understanding reprend cette obligation, et la transpose
sur le pilote, qui, à l'instar d'un inspecteur de la
sécurité maritime, doit signaler toute anomalie dont il prendrait
connaissance, constituant un danger à la navigation ou à
l'environnement marin. Réalité du monde moderne, nombreux sont
les armateurs qui utilisent des sociétés de gestion
d'équipage, sous payant régulièrement ceux-ci, et qui
limitent les coûts de formation, et de maintenance de leurs navires, au
bénéfice du profit maximum, et créant des flottes de
qualités douteuses.
Cette obligation sera reprise plus tard par la directive
Européenne 93/75/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, le pilote ayant
l'obligation de signaler tout défauts ou anomalies susceptibles de nuire
à la sécurité à la navigation :
« Article 8: Les pilotes intervenant pour
l'accostage, l'appareillage ou la manoeuvre d'un navire informent sans tarder
l'autorité compétente chaque fois qu'ils ont connaissance de
défauts susceptibles de nuire à la sécurité de la
navigation du navire».
Enfin, et surtout cette notion est reprise en droit
européen par la directive 95/21/CEE du Conseil, du 19 juin 1995
concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la
Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États
membres, des normes internationales relatives à la
sécurité Maritime, à la prévention de la pollution
et aux conditions de vie et de travail à bord des navires :
18 Jacques Truau, Le pilotage maritime IMTM, Annales
1989, p. 93.
Article 13 Rapports établis par les pilotes et
les autorités portuaires
« 1. Les pilotes des États membres chargés
du lamanage des navires dans un port ou engagés sur des navires faisant
route vers un port situé dans un État membre informent
immédiatement les autorités compétentes de l'État
du port ou de l'État côtier, selon le cas, des anomalies
éventuelles qu'ils constatent dans l'exercice normal de leurs fonctions
et qui risquent de compromettre la sécurité de la navigation ou
de constituer une menace pour le milieu marin ».
Au sein de l'Union Européenne, il est prévu que
les pilotes maritimes, qui sont les seuls intervenants portuaires à
monter à bord du navire « en route », rendent compte à
l'État du port d'escale si les navires présentent un risque pour
l'environnement ou par la sécurité. Si tel est le cas, des fiches
de non conformités peuvent être émises par les pilotes, et
peuvent avoir à termes des lourdes conséquences pour les
armateurs, dont le navire peut être interdit d'appareillage, ou contraint
à effectuer les réparations obligatoires, conduisant
inévitablement les pilotes à travailler dans
l'intérêt de tous, sans aucun acharnement concurrentiel. Sa
mission d'intérêt général ne pourrait exister sans
une objectivité absolue des pilotes dans le contrôle des navires
(contrôles qui seront transmis au Centre de Sécurité des
Navires des pays d'Europe, et alimenteront des bases de données).
II) O bligation de pilotage consacrée par la
Commission Européenne
A) Obligation du pilotage en France
La loi du 28 mars 1928, dans son titre 1, appelé «
Obligation du pilotage », et le décret de 196919, dans
l'article 3, établissent explicitement l'obligation de pilotage aux
navires français ou étrangers dans les limites
géographiques identifiées pour chaque port par le
règlement de la station de pilotage :
Article 3 décret de 1969 : «
Le pilotage est obligatoire pour tous les navires français et
étrangers, sauf les cas visés ci-après, dans les limites
déterminées pour chaque port par le règlement local de la
station de pilotage de ce port ».
19 Le Décret de 1969 modifié par les
Décret 74-332 1974-04-26 art. 1 JORF 27 avril 1974, et Décret
78-976 1978-09-18 art. 1 JORF 28 septembre 1978, et Décret 86-663
1986-03-14 art. 1 JORF 20 mars 1986.
La zone de pilotage obligatoire ne correspond pas en
réalité, aux limites physiques propres au port, mais
s'étend bien au delà des jetées du port, ou bien des
bouées d'entrée du chenal d'accès.
En France la zone de pilotage obligatoire est
déterminée par le règlement local de la station de
pilotage. Ce règlement local de station étant
rédigé en collaboration entre les pilotes et le préfet de
région, qui délègue cette responsabilité aux
Affaires Maritimes ; l'état Français demeure donc impliqué
dans le contrôle décentralisé de la détermination
des limites de pilotage obligatoire par le biais du Directeur Régional
des Affaires Maritimes.
Le pilotage en France est obligatoire pour tous les navires
français ou étrangers mais des dispenses peuvent être
accordées suivant les conditions prévues par le Décret de
1969 modifié.
Sont affranchis de l'obligation de prendre un pilote :
· « Quel que soit leur tonnage, les navires
affectés exclusivement à l'amélioration, à
l'entretien et à la surveillance des ports et de leur accès ainsi
qu'au sauvetage ; les navires du service des phares et balises ; les
bâtiments de guerre à l'entrée et à la sortie des
ports militaires, lorsqu'ils sont appelés, pour ce faire, à
pénétrer dans la zone de pilotage obligatoire d'un port non
militaire ».
· « Les navires d'une longueur inférieure
à un certain seuil fixé pour chaque station, en
considération des conditions locales d'exécution de
l'opération de pilotage.
Ce seuil, qui ne pourra être inférieur
à une valeur correspondant aux règles applicables avant
la
date d'entrée en vigueur du présent décret, sera
fixé par le directeur des affaires maritimes».
· « Pour un port ou une partie de port
considéré, les navires dont le capitaine est titulaire de la
licence de capitaine pilote ».
B) L'obligation du pilotage en Europe
Pendant longtemps l'Europe n'a pas considéré de
manière suffisante le domaine du pilotage maritime portuaire.
Très sommairement, le Traité de Rome, article 84 alinéa 2,
prévoit que des dispositions appropriées pourront être
prises pour la navigation maritime20, sans traiter durablement la
question du pilotage. Par l'adoption au niveau international des conventions
SOLAS, MARPOL 73/78, et faisant surtout face à d'importants dommages
pour pollution, la commission européenne s'est enfin
décidée à entériner des textes de droit mentionnant
le pilotage maritime, appréhendant enfin l'activité des pilotes
comme une activité d'intérêt général,
renforçant la sécurité maritime.
20 D'après l'article 84, §1 du
Traité, les dispositions du titre IV -transports- ne s'appliquent qu'aux
« transports par chemin de fer, par route et par voie navigable ». Le
paragraphe 2 de cet article précise que « le Conseil, statuant
à l'unanimité pourra décider si, dans quelle mesure et par
quelle procédure, des dispositions appropriées pourront
être prises pour la navigation maritime et aérienne ».
D'après Pierre Ortolan, « en raison de l'exigence
de sécurité de ces missions, l'organisation du pilotage dans tous
les pays de la CEE est basée sur le double principe de l'obligation de
pilotage et du monopole des stations21 ».
Dans toute l'Europe le pilotage est réglementé,
et obligatoire, chaque état choisissant librement les tailles minimales
des navires à piloter. Une telle obligation est reprise en droit
communautaire par la Directive 93/75/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993,
relative aux conditions minimales exigées pour les navires à
destination des ports maritimes de la Communauté ou en sortant et
transportant des marchandises dangereuses ou polluantes, et est statué
par l'article 5 de cette directive :
« Article 5 »
5. Les navires entrant dans un port situé dans un
État membre ou en sortant doivent, conformément à la
réglementation nationale de cet État membre :
a) utiliser les services fournis par les services locaux
d'aide au trafic maritime (VTS), lorsqu'ils existent ;
b) recourir aux services de pilotage.
Jacques Bolopion22 précise qu'il n'y a
« jamais en Europe (et dans le monde) de ports de quelque importance sans
un pilotage obligatoire ». Il ajoute également que, «
profession indispensable au transport maritime, le pilotage doit concilier deux
exigences :
· la sécurité et la protection de
l'environnement dans les voies d'accès aux ports ;
· la productivité portuaire impliquant un
écoulement rapide du trafic au moindre coût possible»
Notons que les états autorisent des capitaines de
navires à bénéficier de certificat d'exemption de pilotage
( Pilotage Exemption Certificate), connu habituellement sous le nom de licence
de Capitaine Pilote en France23, et permettant au navires de
commerce de ne pas embarquer de pilotes si le capitaine touche suffisamment
régulièrement un port d'escale, à condition d'avoir rempli
un certains nombre d'entrées et de sorties, et d'avoir réussi un
examen théorique contrôlant ses connaissances locales
Néanmoins cette étude a montré que la Bulgarie n'offre pas
cette possibilité au navire de commerce.
21 Le pilotage dans la CEE communication de M. Pierre
Ortolan, présidant de la FFPM, 1990
22 Jacques BOLOPION, Le pilotage maritime dans les
pays de la CEE, Journal de la marine marchande, 1992, p752-754.
23 Article 7 du décret modifié du 19
mai 1969 : Une licence de capitaine pilote peut être
délivrée au capitaine titulaire du brevet requis pour exercer les
fonctions de capitaine d'un navire donné, en tenant compte de ses
caractéristiques, de son équipement et de ses qualités
manoeuvrière, et pour un port ou une partie de port
considéré, en tenant compte des conditions locales de navigation
et des difficultés techniques de l'opération de pilotage. La
licence de capitaine pilote est délivrée au capitaine ayant
réussi avec succès, un examen devant une commission locale dont
la composition est fixée par arrêté du ministre
chargé de la marine marchande.
Chapitre II) Des organisations professionnelles
différentes face à des impératifs identiques
I) Un statut de monopole voué à la
sécurité
A) Le monopole du pilotage intracommunautaire
i) Le monopole du pilotage français
En France aucune entreprise privée de pilotage ne
pourrait mettre en place un service de pilotage des navires. Le pilotage est en
effet protégé par un monopole d'état, basé sur
l'article 16 de la loi du 28 mars 1928 qui punit de sanctions pénales
toutes personnes qui entreprendrait un pilotage sans en être
officiellement commissionné par l'état :
« Est punie d'une amende de 3 750 euros, et de huit
à quinze jours de prison, ou de l'une de ces deux peines seulement, et
du double en cas de récidive, toute personne qui, sans une commission
régulière de pilote de la station, aura entrepris ou tenté
d'entreprendre la conduite d'un navire en qualité de pilote
commissionné ».
La Loi punit sur le plan pénal toute personne qui
tenterait d'usurper ce caractère exclusif des
pilotes.
Par un arrêt daté du 2 juin 1972, le Conseil d'
État a statué sur cette position exclusive des pilotes : «
le service du pilotage dans les ports constitue un service public qui s'exerce
sur le domaine public de l'état ; il appartient à
l'autorité administrative d'organiser ce service en vue d'assurer la
meilleure utilisation du domaine ; qu'à cette fin elle est en droit,
lorsqu'une concurrence serait de nature à compromettre
l'efficacité de ce service, de n'en confier la gestion qu'à une
seule entreprise ».
Non seulement, l'arrêt du Conseil d' État vient
confirmer la qualification déjà exprimée
précédemment de service publique de pilotage, mais vient
également ajouter la notion de monopole légitime de la station de
pilotage française.
Toutefois, ce monopole des pilotes est restreint par la
délivrance des licences de capitaine pilote.
ii) Le monopole en Europe : application des principes
communautaires et pilotage
La profession de pilote maritime peut faire l'objet de vives
critiques car elle engendre des frais obligatoires pour les armateurs (environ
7/8 % des coûts d'escale), mais aussi par ailleurs, parce qu'elle
détient largement un statut de monopole exclusif en Europe, qui pourrait
être discuté au regard des principes de libre concurrence et de
libre prestation de service.
Pendant de nombreuses années, en Europe, en France et
même dans le monde, le pilotage maritime était une pratique
concurrentielle, dans laquelle les pilotes couraient au devant des navires
à servir. Au même titre qu'une activité commerciale de
transport maritime, le principe de libre prestation de service pourrait
s'appliquer au service de pilotage maritime au sens du Règlement CEE
n°4055/86 du Conseil du 22 décembre 1986, portant application du
principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre
États membres et, entre États membres et pays tiers. Faisant
suite au Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes paru en
décembre 1997, qui prévoyait la mise en place d'un nouveau cadre
communautaire pour l'accès au marché des services portuaires, et
donnant effet aux règles du Traité sur les grandes
libertés et la concurrence dans le domaine spécifique des
services portuaires, le Parlement a ouvert le débat des « Paquets
portuaires 1 et 2 ».
Le 13 février 2001, afin d'améliorer la
qualité des services dans les ports maritimes, la commission
Européenne a soumis le paquet portuaire I, première proposition
de directive visant à reformer les services portuaires. Après
deux années de tentative de conciliation, le projet de directive est
présenté lors de sa séance plénière du 20
novembre 2003, et est finalement rejeté. Au cours de cette
première lecture, le Parlement Européen avait
décidé d'exclure le service de pilotage du champ d'application de
la directive, au motif que « du fait de leur rôle dans la
sécurité du trafic maritime, ils ne pourraient être
regardés comme des services de nature commerciale devant être
soumis à la concurrence24 ».
Si le modèle initial avait été suivi, le
pilote serait devenu un employé d'une concession de pilotage en
concurrence directe avec d'autre sociétés, qui aurait sans doute
négocié ses prix avec les armateurs ; par ailleurs, dans le cadre
du contrôle par l'état du port, le pilote ayant perdu son
indépendance, et dans un but purement lucratif et commercial, serait
tenté de perdre son impartialité, et son objectivité quant
au signalement des navires défectueux.
24 Rapport d'information déposé par
la délégation de l'assemblée Nationales pour l'Union
européenne, sur la proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil concernant l'accès au marché des services
portuaires (COM [2004] 654 final / E 2744), présenté par M.
CHRISTIAN PHILIP, Député.
En mars 2005, une nouvelle proposition qui reprend
quasi-totalement l'ancienne version, est rapportée, mais en y incluant
des solutions à certaines interrogations importantes soulevées
précédemment. Notamment, le Parlement avait demandé le
retrait du service de pilotage des « services techniques nautiques »
(pilotage, lamanage, et remorquage) couverts par le champ d'application de la
directive. Le Conseil avait proposé d'accorder aux Autorités
Nationales compétentes la possibilité d'assurer elles-mêmes
les services de pilotage ou de les confier à un fournisseur de services,
notamment pour des raisons de sécurité, et donc de limiter les
effets d'une libre prestation des services.
La libre prestation des services est considérée
comme une liberté fondamentale partout dans l'Union européenne
pourtant, la Commission décide, le 8 mars 2006, de retirer ces
propositions de réforme rappelant qu'il est possible que la libre
prestation des services soit limitée, pour des motifs «
objectifs», qui pourraient diminuer la qualité du service de
pilotage, et surtout pour des raisons de sécurité et de
protection de l'environnement tenant compte du fait que des pressions
commerciales sur cette profession nuiraient considérablement à la
prestation.
Entre 2001 et 2006, la commission européenne a
tenté par deux fois de libéraliser les services portuaires,
(pilotage, lamanage, et remorquage) et le 18 janvier 2006, pour la
deuxième fois consécutive, le projet Paquet portuaire II visant
à ouvrir à la concurrence les services portuaires de l'Union
européenne, a été rejeté.
Pour Robert Rezenthel, « il ne paraît pas
concevable d'admettre le libre exercice du pilotage au sein de la CEE, car une
concurrence effrénée pourrait mettre en péril le
fonctionnement du service public25 ». Le rôle de cette
exclusivité est donc de contrôler le service public rendu, mais
aussi d'assurer un niveau maximal de sécurité de la navigation.
La notion de sécurité de la navigation, de protection de
l'environnement et de protection des populations riveraines exigent que les
pilotes maritimes puissent travailler dans un environnement leur permettant
d'exercer leur jugement professionnel de manière indépendante.
L'application des règles commerciales de libre concurrence dans ce
domaine seraient un retour en arrière.
Qu'ils aient un statut privé, ou qu'ils soient
fonctionnaires d'état, organisés nationalement,
régionalement, ou régie localement par une autorité
portuaire ou une municipalité, dans tous les états membres, le
service de pilotage est fourni de manière totalement exclusive par des
structures qui conservent le monopole de la profession.
Pour des raisons de contrôle public et de maintien du
plus haut niveau de sécurité, l'institution actuelle, de type
unipolaire est largement préférable à une libre
concurrence de l'activité, qui amènerait sans aucun doute une
baisse de la qualité du pilotage, créant des obstacles à
la continuité du service.
25 Robert REZENTHEL, op. cit, p. 362.
B) La position des pays non européens
A ce sujet un tour d'horizon, au delà des
frontières de l'Europe semble être intéressant :
Aux États-Unis, chaque État réglemente
individuellement le pilotage dans sa zone, sans qu'aucune pratique
concurrentielle n'interfère entre eux. Il existe plus d'une vingtaine de
lois de pilotage distinctes. Certaines zones de pilotage obligatoire se
trouvant entre deux États, le pilotage y est organisé par la loi,
de manière à offrir conjointement le service, en participant
à la rotation des pilotes de manière équitable. Certains
états ont néanmoins déjà expérimentés
un régime de pilotage concurrentiel. En Floride, par exemple, une loi a
été adoptée pour interdire la concurrence entre les
organisations de pilotes. La conclusion d'une étude commandée par
la législature de l'État de la Floride en 1986 était sans
aucune ambiguïté ( traduction) :
« Il existe un conflit d'intérêts entre
les besoins économiques d'un armateur et l'intérêt public
inhérent à une navigation sécuritaire. Les
intérêts du public sont mieux servis lorsque, en pilotant un
navire, le pilote peut exercer son jugement indépendamment des
considérations économiques qui importent à l'armateur. Si
les pilotes doivent rivaliser entre eux pour obtenir des affectations, il est
alors probable qu'un pilote fasse des compromis sur le plan de la
sécurité afin de ménager les intérêts
financiers de l'armateur, parce qu'en agissant ainsi il aura un avantage
concurrentiel sur un autre pilote ».
Les deux premiers articles du texte de loi de l'État de
Floride26 sur le pilotage stipulent que :
1. « Le pilotage est un service essentiel d'une
importance si primordiale que l'État doit s'efforcer d'en assurer
l'existence continue et qu'il ne doit pas être laissé aux
aléas des marchés concurrentiels »
2. « Étant donné que la
sécurité est l'objectif premier de la réglementation du
pilotage par l'État et compte tenu des économies d'échelle
significatives liées à la prestation de ce service, de la
nécessité d'investir des capitaux importants en vue d'offrir les
services requis, et du fait que les pilotes fournissent des services
considérés essentiels pour l'économie et le
bien-être du public, il a été déterminé
qu'une réglementation économique servira au mieux les objectifs
de la santé, de la sécurité et du bien-être publics,
et ce plutôt que la concurrence du marché».
26 Florida Ports And Harbors Code Section 310.0015 -
Pilots, Piloting, And Pilotage - Piloting regulation; general
provisions. Title XXII PORTS AND HARBORS/ Chapter 310 PILOTS,
PILOTING, AND PILOTAGE
En Alaska, en raison de l'augmentation des escales des navires
de croisière dans cette zone, et de l'essor des industries de
pêcheries, la concurrence entre les pilotes a été
introduite dans les années 1980, perturbant l'arrangement en vigueur
stipulant qu'une seule association de pilotage par district assurerait le
service. Suite au naufrage du navire de croisière Nieuw Amsterdamen en
1997, un rapport du gouvernement de l'Alaska a révélé que
« la concurrence entre les associations de pilotes a eu des
répercussions très négative sur la sécurité
du public ». Par ailleurs, les conséquences de la concurrence ont
été clairement résumées dans un rapport
intitulé « Alaska's Marine Pilotage System Revisited27
», 1994, affirmant que :
« La concurrence [...] a sérieusement
compromis la [...] capacité à maintenir des normes
professionnelles élevées » ; Ce rapport établit entre
autres que :
- « [...] il a été
rapporté que des pressions concurrentielle afin d'obtenir une part du
marché ont entraîné une accélération du
processus habituel de formation, alors que des stagiaires peu qualifiés
ont été admis dans le programme, ainsi que d'autres pratiques
douteuse » ;
- « L'intérêt public inhérent au
maintien d'un service de pilotage sécuritaire et efficace est devenu
l'otage de contestations judiciaires et de considérations politiques
liées à des groupes d'intérêt particuliers
».
En Australie, des services de pilotage en concurrence et non
obligatoire, le long de la grande barrière de corail existaient
jusqu'à ce que les naufrages successifs du porte-conteneurs Bunga
Teratai Satuen 2000, et du vraquier Doric Chariots, face aux craintes
exprimées au sujet des dommages à la grande barrière de
corail, ne viennent accélérer la construction d'une
réglementation adaptée.
Le cas argentin reste peut être le plus
révélateur puisque dix-huit accidents maritimes majeurs sont
considérés comme directement imputables à la concurrence
dans les services de pilotage après que celle-ci y est été
introduite dans le droit maritime Argentin en 1997 - contre aucun au cours des
vingt années qui avaient précédé cette
initiative28.
27 Alaska's Marine Pilotage System Revisited, 1994
produit par le Bureau de Gestion et des Budgets de l'État.
28 Source provenant de l'Association Canadienne de
pilotage
Il y a donc un véritable conflit d'intérêt
existant entre les aspirations économiques d'un armateur, courant
toujours vers le profit maximum, et ceux représentés par
l'intérêt public général au cours d'une
activité de pilotage de navire. Pour ne pas compromettre la
sécurité, le pilote doit être libre de toute assignation ou
rapport avec un armateur car il pourrait être tenté d'agir en
portant des considérations économiques à sa mission afin
de dégager certains intérêts financiers profitables avec un
armateur.
Le pilotage en Europe mais également dans le reste du
monde profite donc d'une exception très largement et légitimement
reconnue du domaine maritime, qui leur permet d'échapper aux
règles de libre prestation de service et de libre concurrence, compte
tenu de leur activité, qui requiert des marins très
expérimentés, formés par la transmission du savoir et des
connaissances des anciens, qui agissent dans l'intérêt
général et qui ne doivent donc pas se soucier de quelconque
activité à logique commerciale ou lucrative. Leurs rôles
essentiels restent, et resteront la sécurité de la navigation,
des personnes, et la préservation de l'environnement, et du domaine
public.
II) Organisations professionnelles différentes
A) L'organisation juridique de la station de pilotage
en France
Jadis, il existait deux modes de régie des stations de
pilotage française. Le décret de 180629 en France a
officialisé ces deux méthodes d'administration des biens de la
station. Le premier mode de régie place tous les pilotes de la station
en concurrence, chaque pilote gardant la totalité de son salaire mais
devant en contre partie réparer et entretenir le matériel de la
station et rémunérer les matelots qui y travaillent. Dans le
deuxième cas, les pilotes font bourse commune. Ce dernier
système, toujours en place en France a permis de cesser d'aiguiser les
ardeurs de certains pilotes qui imposaient leur service, et de ce fait
percevaient des salaires supérieurs à leurs collègues, les
pilotes courant au devant des navires.
En France, tout pilote est obligatoirement rattaché
à une station de pilotage. Les stations de pilotage françaises
ont une structure très spécifique, qui s'est
façonnée autour du statut du pilote, marin professionnel
indépendant exerçant sous la tutelle de l'état le service
public continu de pilotage.
Tout d'abord, permettant au Préfet de région de
se faire une opinion éclairée sur les aspects économique
du pilotage, l'assemblée commerciale des pilotes, fixée par le
décret du 19 mai 196930, et modifiée par
l'arrêté du 5 juin 2000, se réunit annuellement et approuve
les conditions de tarifications de la station pour un ou plusieurs ports. Le
fonctionnement de l'assemblée ainsi que son organisation sont des
dispositions contenues dans le décret de 1969 modifié en 2000, et
dans l'arrêté du 5 juin 2000. Cette assemblée est un organe
consultatif, qui se prononce par exemple sur les propositions d'augmentations
des droits de pilotage, et dont la composition est fixée par le
décret de 1969. Lors de sa consultation, elle regroupe des
représentants du port, des armateurs, des pilotes.
Ensuite, chaque zone de pilotage possédant localement
ses propres caractéristiques, une station de pilotage est unique, et
doit être considérée comme un cas particulier. Tenant
compte de l'intensité du trafic portuaire, de la configuration du port,
des limites des zones obligatoires de pilotage, des effectifs en personnel, de
la qualité et de la composition du matériel, est
rédigé un règlement local de pilotage approuvé par
le Directeur Régional des Affaires Maritimes. Ce règlement
édicte les seuils d'obligation ainsi que les conditions prévues
pour la délivrance des licences de capitaine pilote.
29 décret-loi du 12 décembre 1806
30 décret n° 69-515 du 19 mai 1969
Enfin, permettant de délivrer les licences de capitaine
pilote, et de donner des avis motivés sur les navires qui pourraient
être affranchis de l'obligation de pilotage, le décret du 19 mai
1969 pose le principe de la commission locale. La commission locale est un
comité d'experts techniques en ce qui concerne la sécurité
de la navigation et les intérêts maritimes. Elle est
composée du directeur des Affaires Maritimes locales, du directeur du
port, d'un officier de port, d'un capitaine de navire et d'un pilote
désigné par le Directeur Départemental des Affaires
Maritimes.
Malgré leurs dissemblances géographiques, les
stations de pilotage françaises possèdent des traits communs, en
raison de leur organisation administrative et juridique, et du statut du
pilote. Les trois principaux organes coexistant au sein d'une station de
pilotage sont toujours la collectivité des pilotes, le syndicat des
pilotes et la station de pilotage :
i) La collectivité des pilotes et la station de
pilotage
La collectivité rassemble tous les biens communs de la
station de pilotage, qu'ils soient meubles (voitures,
hélicoptère, vedettes) ou immeubles (bureaux, bâtiments).
Elle est la propriétaire de ces biens pour tous les pilotes appartenant
à la station.
Cela signifie que tous les pilotes sont copropriétaires
du matériel de la station, chaque pilote détenant un pourcentage
du total du montant des biens de la collectivité. Lors de sa venue au
sein de la collectivité, chaque nouveau pilote doit verser une part de
cette collectivité, fixée par le règlement local de la
station, et qui lui sera reversée lors de son départ en retraite,
la collectivité lui rachetant alors sa part lors de son départ.
Il appartient donc à la collectivité de décider des
investissements nécessaires et du renouvellement des biens, en
copropriété. Pendant la durée de leur carrière
comme pilote, ces derniers ne peuvent disposer de leur part de
collectivité, et ne possède pas non plus le droit de
l'hypothéquer. Ce régime permet de garantir l'affectation du
matériel de la station au service public seulement.
La loi de 1928 fixe également les conditions de
rémunérations des pilotes Français :
Art 22 loi de 1928 : « Dans les stations
où le service se fera au tour de liste, les salaires des pilotes seront
mis en commun et le règlement local déterminera les conditions de
partage des salaires entre les pilotes ».
Les pilotes reçoivent donc un salaire qui est le
résultat du partage équitable de la bourse commune, dite «
masse partageable », qui est en fait le résultat net de la station,
c'est à dire le résultat de la station après y avoir
soustrait les charges d'exploitation, les impôts, et les frais du
personnel.
ii) Le syndicat des pilotes
La loi du 28 mars 1928 dans son article 22 stipule que :
« Dans les stations où le matériel du
pilotage est la propriété des pilotes, ceux-ci
peuvent, dans un délai de six mois à dater
de la promulgation de la présente loi, et ultérieurement, sur
l'autorisation du ministre chargé de la marine marchande, en
entreprendre l'exploitation à titre collectif sous le régime des
dispositions de la loi du 21 mars 1884, modifiée par la loi du 12 mars
1920 »,
Ne donnant pas de personnalité morale à la
station de pilotage, mais exigeant « d'entreprendre l'exploitation
à titre collectif » des biens et du matériels de la station,
les pilotes ont regroupés leurs matériels sous un organisme
appelé « collectivité », qui se trouve
gérée et rattachée à un syndicat professionnel des
pilotes. En effet, la loi du 12 mars 192031 à laquelle la loi
de 1928 fait référence, donne aux syndicats la
personnalité morale, le droit de gestion, et de propriété.
Le syndicat est donc le gérant légal de la station de pilotage.
La collectivité est le propriétaire des biens de la station,
confiant leur gestion au syndicat.
Cette préférence du législateur,
d'utilisation collective du matériel répond d'une volonté
d'utilisation et de gestion commune de l'outil de travail, afin de garantir
l'efficacité et la continuité du service.
Son rôle est donc de gérer, par le biais du
président du syndicat des pilotes, les recettes et dépenses de la
collectivité (achats, ventes, fournitures et consommables,
répartition de la masse partageable), et d'en assurer la gestion des
biens. Le président du syndicat, pour le compte du syndicat, est en
quelque sorte l'employeur des pilotes.
Pour conclure, le pilote français gère donc un
service public sans pour autant prendre la qualité de fonctionnaire, et
bénéficie d'un monopole consacré juridiquement par la
jurisprudence dans la gestion de son service. Il exerce ses fonctions en toute
indépendance, conservant son autonomie de gestion, au service de
l'armateur. La réglementation générale pour toutes les
stations est organisée par le ministère du transport, alors que
la réglementation par station est organisée par l'administrateur
des affaires maritimes et le préfet de région. Enfin localement,
la réglementation interne à la station est organisée par
les stations elles mêmes.
Les pilotes français agissent à leur compte, ils
sont armateurs indépendants, tout en étant des agents de droit
public dans la mesure où ils sont commissionnés par
l'État.
31 la loi du 12 mars 1920 sur l'extension de la
capacité civile des syndicats professionnels
B) Les statuts des pilotes en Europe
1) Analyse de l'organisation professionnelle du pilote
Parmi les 27 états membres de l'Union
Européenne, plus de la moitié sont des pays ayant une
façade maritime; 90% des échangent commerciaux, importations et
exportations maritimes européennes transitent par voie maritime.
Aujourd'hui, dans les ports européens, plus de 5000 pilotes assurent
avec efficacité le guidage des navires dans les ports, rivières
et voie d'accès maritimes et fluviales.
A l'échelle de l'Europe, nous l'avons vu, le droit du
pilotage s'est construit laborieusement, et très lentement en tenant
compte d'un Droit Communautaire pour le peu absent en la matière ; en
effet ni le traité de Rome, ni celui de Maastricht, n'évoque la
question du pilote maritime. Le droit du pilotage s'est donc sculpté,
dans chaque pays, à partir des grandes Conventions Internationales
maritimes qui abondent depuis ces dernières décennies, mais
surtout autour des jurisprudences européennes, laissant le statut du
pilotage maritime dans un certain « flou juridique32 ». Le
pilote est resté pendant longtemps loin des préoccupations de la
Commission. Seulement deux directives existaient, l'une datant de 1979,
concernant le régime du pilotage hauturier33, et l'autre, le
Contrôle par l'état du port des navires transportant des
marchandises dangereuses ou polluantes en vrac.
Rappelons qu'en 1923, La Convention Internationale de
Genève du 9 décembre 1923 laisse à chaque état
l'ayant ratifiée, le soin d'organiser le service de pilotage de son
pays, et de fixer eux mêmes les tarifs de ce service34.
Dans la plupart des pays d'Europe, les services de pilotage
sont fournis par des entités économiques spécialement
crées et dédiées à cette pratique, et dans un seul
but, servir au mieux les intérêts de toutes les parties : le port,
l'armateur avec leurs impératifs commerciaux, le capitaine et
l'état avec leurs impératifs de sécurité.
32 Thèse sur le pilotage maritime Martin NDENDE
Gaëlle Gueguen-Hallouet juin 2002.
33 Directive n°79/115/CEE du Conseil du 21
décembre 1978, relative au pilotage des navires par des pilotes
hauturiers opérant dans la mer JOCE L 033 08/02/1979 p.32 du Nord et
dans la Manche
34 Convention Internationale de Genève du 9
décembre 1923, article 11 : chaque État contractant se
réserve le droit d'organiser ou de réglementer le pilotage comme
il l'entend.
Dans le cas où le pilotage est obligatoire, les tarifs et
les services rendus seront soumis aux dispositions des art. 2 et 4, mais chaque
État contractant pourra exempter de l'obligation ceux de ses nationaux
qui rempliraient des conditions techniques déterminées.
Dans tous les états membres, le service de pilotage est
fourni de manière exclusive par des structures conservant le monopole de
la profession et le caractère obligatoire du pilotage, néanmoins,
leur statut et leur organisation diffèrent, leur donnant parfois un
statut privé, ou de fonctionnaires d' état, organisés
nationalement, ou déconcentrés régionalement, ou bien ils
sont parfois gérés plus localement par une autorité
portuaire ou une municipalité.
D'une part, cette étude permet de se rendre compte,
qu'en France, Espagne, Italie, et aux Pays Bas, l'indépendance de la
profession vis à vis de l'autorité publique, concernant la
gestion du service, est largement reconnue ; les organisations de pilotage
gardant la gestion totale du service de manière indépendante,
agissant tel une société privée, de manière
autonome et distincte vis à vis de l'état dans l'exercice de son
activité, de l'entretien et l'utilisation du matériel. Les
administrations publiques dans ces pays ne sont pas ou peu impliquées
dans le fonctionnement d'une station de pilotage, celle ci revenant
naturellement aux pilotes, agissant de manière individuelle.
Néanmoins, dans certains pays, cette privatisation est
affaiblie, tel qu'en Bulgarie, ou en Allemagne où, le matériel,
les bateaux pilotes et les bâtiments sont la propriété de
l'état, mais qui n'en gardera pas pour autant la gestion.
Au contraire, en Suède, Finlande, Portugal, et Estonie,
le métier se caractérise par une forte intervention publique, le
pilote devenant agent public, fonctionnaire. Le service, les investissements,
les ventes, sont alors, en général, directement
géré par un département du Ministère chargé
du transport maritime de la Marine Marchande et des ports.
Enfin, on retrouve des systèmes mixtes, marquant une
exception en Europe au principe de monopole pur, parce qu'ils divisent
légalement le pilotage. Par exemple, en Belgique, celui-ci sera
effectué soit par des pilotes appartenant à des
sociétés privées comme dans les Docks d'Anvers, ou bien
par des pilotes fonctionnaires dans les eaux maritimes belges.
Le statut des pilotes, et les structures de leurs
organisations, modelées autour du principe de monopole de la profession
et d'obligation, se sont donc construit nationalement; la loi nationale,
appelée pilotage act et les lois nationales des ports, le
définissant, et fixant les principes de leurs différentes formes
d'administration, et de son articulation avec les pouvoirs des États.
Au niveau de l'organisation du pilotage, bien qu'il n'existe pas
de lien direct entre la structure du pilotage et le type d'administration
nationale des ports d'un pays, il est possible de montrer que,
dans certains cas, l'organisation du pilotage dépend de
l'organisation portuaire en général, donc du statut juridique des
ports maritimes d'un pays. Dans les pays d'Europe du nord
particulièrement, au Pays bas et en Allemagne par exemple, les communes
jouent un rôle essentiel dans la gérance d'un port, et le pilotage
s'y trouvera très largement géré localement, au niveau
municipal (Hambourg et Brème), ou régional (land), les pilotages
y étant organisés de la même manière. A l'inverse le
Royaume-Uni se distingue nettement des autres pays, puisque la privatisation y
a été encouragée, en 1991 par « les Ports Acts
», transférant la gestion des ports à des organismes
privés : les pilotes anglais, sont soit indépendant ou bien
dépendent directement ou indirectement de ces organismes portuaires
privés.
Au niveau des structures organisatrices, conséquence
d'un niveau plus ou moins important de privatisation, les pilotes en Europe
s'organisent eux mêmes, soit en syndicat ou corporations, ou bien,
lorsqu'il sont agents publics d' État, ils font partie intégrante
d'une chambre d'un ministère dédiée à la mer, qui
en aura la gestion exclusive.
Souvent, lorsqu'ils sont organisés sous modèle
corporatif, le pilote est en général propriétaire d'une
participation dans la station, tel un actionnaire d'une société
privée, partageant les bénéfices, et les frais encourus,
comme c'est le cas en France et en Italie.
Pourtant, dans tout les cas, les organisations
professionnelles de pilotage sont, en Europe, soumises au contrôle de
l'État, celui ci intervenant à des niveaux différents
selon les pays. Et, malgré ces ressemblances, l'organisation
professionnelle des pilotes dans chaque Etat membre est différente. La
complexité des régimes de statut professionnel des pilotes au
sein de la communauté, dépend clairement du niveau d'intervention
de l'autorité publique de l'état au sein des organisations de
pilote.
Cette étude, après avoir fait ressortir des
points communs marquant du statut juridique du pilote, travailleur
contrôlé et commissionné par l'état, marqué
par le monopole de la profession, et le caractère obligatoire du
pilotage, a fait apparaître que des distinctions peuvent être
faites entre certains pays en raison du degré d'intervention de la force
publique, à des niveaux plus ou moins importants, allant d'une
organisation quasi privée, à des régimes à forte
intervention publique.
2) Statuts dans les principaux pays Européens
i) Modèles privés de type corporatif
Le modèle corporatif est le modèle le plus
répandu en Europe. Dans les modèles corporatifs, les pilotes sont
volontairement regroupés en sociétés, associations ou
syndicats, dans lesquels les pilotes sont tous actionnaires de leur entreprise,
qui fournit la prestation de service dans le cadre d'une activité
d'entreprise. Les Administrations gardent tout de même dans la plupart
des cas, le pouvoir de fixer les tarifs, et de délivrer les
autorisations de piloter. Ce modèle est celui que l'on retrouve
notamment en Espagne, en France, en Hollande ou en Italie.
· L'Espagne : pilotage de droit privé,
« self employed »
Historiquement, au 20ème siècle, en Espagne, les
corporations de pilotes étaient sous la responsabilité du
capitaine du port, officier de marine militaire, et les pilotes, avant cette
date, avaient un statut proche de celui du fonctionnaire. La Loi des Ports de
l'État et de la Marine Marchande du 24 novembre 1992 ( LPEMM) est venue
transférer cette responsabilité aux autorités portuaires,
et cette obligation est maintenant reprise par le règlement du 1er mars
1996, appelé « Règlement Général du Pilotage
».
Le service de pilotage en Espagne a été
longtemps réglementé dans le détail, par le
Règlement Général sur le pilotage approuvé par le
décret du 4 Juillet 1958, qui, dans le cadre de ce service, a
établi une uniformité des règles applicables dans tous les
ports espagnols. Mais, intégrant le pilotage comme lien vital dans la
réalisation des objectifs de la politique de la Marine Marchande
espagnole établie par la loi 27/1992 (LPEMM), les points suivants furent
réglementés par la nouvelle loi du 1er mars 1996 :
- accès à la profession (tests d'aptitudes,
qualifications professionnelles nécessaires, tests de
compétence)
- principe de gestion de la collectivité de pilotage, et
fixation des redevances
- condition d'obligation, exemption de pilotage et licence de
capitaine pilote
- conditions de formation, de recyclage et sanctions
disciplinaires
Cette loi abroge l'ancienne loi sur le pilotage du juillet
1958 sur le pilotage qui gouvernait dans tous les ports nationaux, et aussi le
décret 1018/1968 du 11 mai, en matière de pilotage dans les ports
et les docks.
La réglementation espagnole provient donc aujourd'hui :
· des articles 102 à 104 de la Loi des Ports de
l'État et de la Marine Marchande du 24 novembre 1992 (LPEMM)
· du Règlement Général du
Pilotage35 , 1er mars 1996comme application de la
LPEMM
Au sens de l'article 4 et 5 de ce règlement, le
pilotage espagnol est un service portuaire assuré sur tous les ports qui
dépendent de l'Administration Générale de l'État,
et est géré par l'autorité portuaire compétente.
Conséquence de l'apparition de la loi du 24 novembre
1992, transférant la responsabilité de la compétence du
pilotage aux autorités portuaires plutôt qu'à l'
administration maritime, supprimant le statut public de fonctionnaire du
pilote, le service de pilotage en Espagne est maintenant assuré par des
pilotes indépendants « self-employed », habilités par
l'Administration Maritime et désignés par l'autorité
Portuaire, dont le service est à régime de gestion indirecte par
les pilotes qui se rassemblent en Corporation. C'est la Corporation ou
Corporaciones de Praticos, qui a la responsabilité de gestion du service
de pilotage.
Pour l'exercice du service, la corporation a besoin d'une
autorisation d'exercer délivrée par l'autorité portuaire.
Cette autorisation est appelée : licence de prestation de service et est
accordée à un prestataire de service unique pour une zone
portuaire donnée.
L'autorité portuaire établit les conditions
d'attribution du service disponible, les tarifs facturés aux navires, et
a le pouvoir d'imposer des sanctions prévues par le Ley de Puertos del
Estado y de la Marina Mercante (LLPM92).
L'autorité portuaire va déterminer le nombre de
pilotes nécessaires au service de pilotage afin d'assurer la
sécurité de la navigation et la gestion du trafic dans les eaux
du port, et comme dans de nombreux pays, les pilotes se sont aussi
regroupés au sein d'une fédération nationale : « La
Federation de Practicos de Puerto de España ».
35 Décret du 1er mars 1996 393/1996 pour
l'approbation du règlement général du pilotage espagnol en
conformité avec la loi des ports et de la marine marchande.
· Les Pays-Bas : pilotes «
self-employed » organisés en partenariats
privés
A l'instar de l'Italie et de la France, le pilotage
hollandais est, depuis 1988, effectué par des partenariats
privés, mais qui compte tenu de leur obligation de service public, sont
dans certaines mesures soumis à un contrôle de l'état, par
la tutelle du Ministère des Transport et de la gestion de l'eau («
Ministerie van Verkeer en Waterstaat »). Avant 1988, le service de
pilotage était organisé de manière exclusive par le
gouvernement Hollandais.
Son organisation : La « Dutch Pilotage
Organisation »
- Les partenariats de pilotes : Nederlands Loodswezen B.V (
NLBV)
Les pilotes hollandais sont autonomes et indépendants,
unis régionalement dans trois partenariats de pilotes appelés
Nederlands Loodswezen B.V, dans lesquels les pilotes sont les actionnaires et
les partenaires non dirigeants de leur organisation. Ces partenariats sont
financièrement indépendants du gouvernement. Les trois
partenariats sont : Amsterdam-IJmond
Rotterdam-Rijmond- Noord
Scheldemonden
Les pilotes certifiés sont actionnaires des «
Loodswezen Materieel B.V » qui est la société
détenant les bateaux-pilotes. Au même titre qu'en France, les
pilotes détiennent donc une part des matériels de la station. Au
sein de chaque partenariat sont gérés les plannings les rotations
et les transports des pilotes.
Aujourd'hui l'organisation du pilotage hollandais
représente 450 pilotes professionnels et 430 sont employés des
partenariats de supports privés.
Les associations :
- L'association nationale :
La « Nederlandse Loodsencorporatie » (NLC) est
l'association qui regroupe l'ensemble des pilotes certifiés et est
dirigée par un Président élu par l'ensemble des pilotes.
Tous les pilotes certifiées en font partie. Les rôles de
l'association sont de :
- fournir la formation générale des
élèves pilotes;
- augmenter, tester les performances et aptitude
professionnelles
- fournir une formation continue et/ou un entraînement
Les pilotes sont réunis également en 4
associations régionales (RLC), chacune présidées par un
président d'association (Amsterdam-Ijmond, Rotterdam-Rijmond,
Scheldemonden, Noord).
· Italie : pilotes self-employed, et
actionnaires de leur corporation
Le pilotage y est réglementé par le Code de la
Navigation de 1952, par les articles 86 à 96 du Code de Navigation
(maritime et aérienne) de 1942, concernant le pilotage maritime, par la
loi n°84- 1996 et par diverses réglementations locales des ports
qui résultent d'un accord entre les pilotes, la Capitainerie du port,
les usagers du port et l'autorité portuaire, et approuvées par le
Ministère des Transports.
De nombreuses similitudes apparaissent entre le pilotage
français et italien. La station de pilotage, appelée «
Corporazione » est un organisme, dont le fonctionnement est similaire
à une entreprise, nommée par décret présidentiel,
et détenant donc le monopole du service de pilotage dans le port
où elle rend ses services de pilotage ; comme en France, les pilotes
sont tous actionnaires de la société, travaillant en
collectivité, de manière indépendante, et chacun d'eux est
propriétaire d'une part des biens meubles et immeubles de la
Corporazione. La Corporazione est gérée par un chef pilote
directement nommé par le directeur du port. La Corporazione est sous la
tutelle du Ministère des transports et de la navigation par le biais de
la Capiteneria, dirigée par son capitaine de port.
· Pilotage des docks d'Anvers : la
société privée Belge BRABO
Le pilotage maritime belge est essentiellement différent
des autres pilotages par le fait qu'il est composé de deux structures
juridiques différentes.
Les lois applicables en Belgique sont : - La loi du 3 Novembre
1967 sur le pilotage des navires de mer, complétée par la loi du
30 août1988
- Le décret flamand du 19 avril 1995.
Il existe deux types de pilotage en Belgique :
- Les pilotes des Docks, ou des bassins
intérieurs des ports de Anvers, de Zeebrugge, qui sont
employés par une société privée, appelé
BRABO (compagnie CVBA BRABO), constituant une exception dans les ports de la
CEE.
- Le pilotage flamand composé des pilotes maritimes
et de rivières, fonctionnaires, formant des corporations de pilotes
dont la réglementation est édictée par le gouvernement de
la province Flamande ( ce type de pilotage sera traité
ultérieurement).
L'exception des pilotes privés du CVBA BRABO
/ principe de la concession portuaire.
Entité privée du pilotage belge
créée en 1931, la société propose aujourd'hui des
services de lamanage, et de pilotage dans le port d'Anvers, qui en est
d'ailleurs le principal actionnaire, en possédant 55% du capital de la
société ; les 45% restant étant partagés entre les
pilotes, les lamaneurs, et le personnel technique et administratif. Les pilotes
des Docks d'Anvers sont recrutés parmi les lamaneurs ayant de
l'ancienneté dans la compagnie et sur décision du conseil
d'administration de la compagnie. La société fournis
également des services aujourd'hui diversifiés dans les domaines
des travaux de nettoyage et d'entretien portuaire, ou fourniture
d'équipement de lutte contre la pollution.
Profitant du décret du 2 mars 199936
portant sur la politique et la gestion des ports maritimes, le port d'Anvers
délègue, contre redevance, le service de pilotage à la
société privée BRABO par le biais d'une concession de
service de pilotage, les pilotes n' ayant le droit d'exercer qu'à
l'intérieur des bassins portuaires, et des écluses du ports
d'Anvers.
Dès lors qu'une société privée
possède le droit de gérer totalement une activité de
pilotage, d'autres fournisseurs de service de pilotage pourraient être
tenté de s'y s'installer. Pour fournir un service de pilotage de
qualité, en toute transparence sans qu'il puisse être
considéré comme activité commerciale, il est
nécessaire qu'il conserve son statut de monopole à
l'intérieur de la Régie portuaire. Le service de pilotage BRABO
est géré complètement par une entité privée
lors d'une concession portuaire, mais reste contrôlé par la
régie portuaire d'Anvers permettant de ne pas mettre en péril les
principes importants de sécurité maritime ou de protection de
l'environnement que les pilotes cherchent à maintenir, et laissent ainsi
l'autorité nationale contrôler la qualité du service, son
fonctionnement et son niveau, pour ne pas engendré de baisse de la
qualité ,ou de pratique concurrentielle.
La société possède des droits,
renouvelables, jusqu'au 31 décembre 2010.
36 Décret flamand sur les ports du 2 mars 1999
Art 16 et 17 : Art. 16. § 1er. Sans préjudice des
compétences attribuées à d'autres autorités, les
régies portuaires peuvent fournir tous les services propres au port,
qu'elles jugent nécessaires, aux usagers du port. § 2. La
régie portuaire peut transférer ces services propres au port
à des personnes morales privées ou publiques, soit par une
concession, soit par d'autres moyens. Art. 17. La régie portuaire fixe
les règles et les conditions d'utilisation en matière des
services propres au port.
ii) Modèles publics à gestion directe
de l'état
· Estonie :
La loi applicable en Estonie est la réglementation sur
le pilotage No. 102, « Regulations on Pilots », émise par le
cabinet du ministère le 7 février 2006, et basée sur les
conventions OMI, la résolution A960 et sur la résolution A918. La
loi estonienne de l'administration maritime et de la sécurité
maritime, « the Latvian Law of Maritime Administration and Maritime Safety
» affirme qu'il appartient à l'administration de gérer les
pilotes et les exploitant de VTS (Vessel Trafic System), de conduire leur
formation, entrainement, délégués aux autorités
portuaires selon la Loi des Ports ( Law of Ports).
La compagnie publique « Eesti Loots As » est
fondée par le décret No.921 K du gouvernement de la
République d' Estonie depuis le 20 novembre 2000. Avant cette
création, le service de pilotage était fourni par le centre de
gestion du trafic maritime mais il fut dissous par la loi No. 86 du
ministère des transports des communications à partir du 31
Octobre 2000. Le propriétaire des part de la société Eesti
loots est la République d'Estonie elle même, et son gestionnaire
est le ministère des Affaires Économiques et des Communications
d'Estonie, l'État gérant lui même le service en gestion
directe.
Ces activités sont de fournir les services de
pilotage, dans les zones de pilotage obligatoire, de fournir des conseils pour
toutes les questions attenantes à l'activité, d'assurer les
services portuaires et la formation des pilotes, leurs qualifications,
d'entretenir les bateaux pilotes. Elle emploie 114 employés, dont 44
pilotes et 46 membres d'équipage.
· La Suède : Pilotes fonctionnaires de
l'État
Les lois applicables en Suède sont le « SJOFS 2008:6
», ainsi que la « Pilotage Ordinance (Lotsförordningen) de 1989
» et « Regulation and guidelines regarding pilotage SJÖFS2005:13
» dite Lotsningsföreskriften de 2005.
En Suède tous les pilotes sont des fonctionnaires
d'états, employés du gouvernement par le biais de
l'administration maritime suédoise, la Swedish Maritime Administration
(SMA), située à Norrköping. La Swedish Maritime
Administration est une entreprise publique qui a la responsabilité de la
gestion des voies navigables, du pilotage, de l'information sur le trafic
maritime, des brises glaces, des relevés hydrographiques, des
opérations de recherches et de sauvetage, et également du service
des gens de mer. Il y a environ 221 pilotes employés par la Swedish
maritime Administration, et ils y sont
organisés en 7 districts ; les tarifs de pilotage sont
fixés après négociation par l'administration, et les
pilotes sont payés au navire.
La SMA est une agence gouvernementale, mais le
département du pilotage suédois est totalement financé par
les redevances de pilotage et également par les taxes portuaires sur les
navires et par les taxes pour passage des voies navigables. L'arrêt 1999
: 215, à propos de la loi sur les droits de pilotage en Suède
confirma que l'administration est chargée de fixer le montant des droits
et d'en assurer le recouvrement. L'armateur et l'opérateur du navire
sont tenus solidairement responsables de leur paiement.
Le pilotage y est obligatoire et les pilotes Suédois,
sont tous membres de l'association nationale appelée Swedish
Pilots'Association ou Svenska Lotsförbundet-Membership.
· La Belgique : le pilotage
Flamand
Les lois applicables en Belgique sont :
- La loi du 3 Novembre 1967 sur le pilotage des navires de mer,
complétée par la loi du 30 août1988 - Décret flamand
du 19 avril 1995.
Nous l'avons vu, il existe deux types de pilotage en Belgique
:
- Les pilotes des Docks, des ports de Anvers, de
Zeebrugge, qui sont employés par une société
privée, appelée BRABO, déjà détaillée
au chapitre précédent, concernant les pilotes privés.
- Le pilotage flamand composé des pilotes maritimes
et de rivières, fonctionnaires, formant des corporations de pilotes
dont la réglementation est édictée par le gouvernement de
la province Flamande. Les pilotes de rivière et de mer sont
compétents pour piloter dans 4 régions : la rivière
Scheldt, le canal de Ghent Terneuzen, l'estuaire de la Schelt, et dans tous les
ports côtiers Belges.
Les pilotes maritimes et fluviaux sont des fonctionnaires
employés par le gouvernement flamand au sein du Département de la
mobilité et des travaux publics. Le pilotage est considéré
comme un service public organisé par l'état dans
l'intérêt de la navigation, et les pilotes dépendent donc
très largement de l'administration. L'organisation, et les aspects
opérationnels du pilotage flamand sont réglementés par le
décret sur le pilotage du 19 avril 1995, et les règles du
pilotage sur l'Escaut entrée en vigueur en octobre 2002. Ces deux
réglementations mettent en vigueur une application plus stricte du
pilotage obligatoire, et réglementent entre autres les exemptions de
pilotage, les redevances, le pilotage par hélicoptère, ou le
pilotage à distance (shore based pilotage). Le pilotage flamand
regroupent les services de pilotage sur l'estuaire de l'Escaut, la zone
d'approche de Dunkerque, l'amont de l'Escaut jusqu'à Temse (y compris
Rupel et Wintham), le canal Gand-Terneuzen et les
quais de Gand. Il couvre une zone de 400 miles de voies
navigables, 5 zones portuaires, 10 écluses maritimes et plusieurs zones
de mouillage, et est organisé par une agence gouvernementale
appelée « DAB Loodswezen », qui existe depuis le 1er janvier
2001. Cette agence fournit des services de pilotages, qu'ils soient fournis par
pilotines, par hélicoptère ou par service de guidage à
distance, et à vocation de service public.
Le pilotage est divisé en 4 districts correspondant
à des types de pilotage différents : - les pilotes de
rivières - « river pilots » (Anvers);
- les pilotes des canaux - « canal pilots » (Gand);
- les pilotes maritimes - « sea pilots »
(exerçant depuis Flessingue);
- les pilotes côtiers - « coastal pilots »
(exerçant depuis Zeebrugge).
Par ailleurs, un cas particulier, traité par la loi de
1967 et par un traité appelé « Règlement de
l'Escaut37» conclu entre les Pays Bas et la Belgique, permet de
réglementer le pilotage sur l'Escault, fleuve qui traverse à la
fois la Belgique et les Pays Bas.
· La Finlande :
La loi applicable en Finlande est la « Pilotage Act »
entrée en vigueur le 1er janvier 2004.
Les pilotes finlandais sont tous des fonctionnaires,
employés de la « Finnpilot Company », qui s'occupe aussi de la
formation des apprentis pilotes et des bilans médicaux. Les pilotes sont
aussi membres d'une association locale, elle-même membre d'une
association nationale « Luotsiliitto - Lotsförbundet ».
Il existe 9 stations de pilotage avec 7 stations
supplémentaires sur la côte et 5 sur les lacs. Chaque station de
pilotage dispose d'un responsable, chef de station, appelé «
Ålderman ».
On distingue 3 types de pilotesen Finlande :- les pilotes
côtiers- « coastal pilots »
- les pilotes sur les lacs- «Lake pilots»
- les pilotes sur les canaux «canal pilots»
37 Traité entre le Royaume de Belgique la
région flamande et le Royaume des Pays-Bas portant révision du
règlement sur l'exécution de l'article IX du traité du 19
avril 1839 et du chapitre II, section 1 et 2, du traité du 5 novembre
1842, modifiés, relatif au pilotage et à la surveillance commune,
dit règlement de l' Escault.
· Le Portugal :
Les premières opérations de pilotage au
Portugal sont apparues il y a environ trois cents ans par les guidages des
navires par des pécheurs locaux, pratiques des zones et qui ont
créés la première corporation de pilotes en 1878, laissant
peu à peu leur place à des marins de commerces venus du long
cours.
La réglementation actuelle est fournie par deux
décrets concernant le régime juridique des services
portuaires38 et par le décret-loi N° 166/89 appelé
« Règlement des services de pilotage des ports et
rades39 », et est complétée par deux ordonnances
les modifiant40, qui établissent des règles
d'application du Règlement général des services de
pilotage.
Le pilotage au Portugal est fourni par l'administration
portuaire comme un service public de l'État, le pilote ayant le statut
d'agent public, dépendant de l'Institut National du Pilotage Portuaire
dont le siège social se trouve à Lisbonne. ( INPP Intituto
Nacional de Pilotagem dos Puertos).
Il existe 8 régions de pilotage sur le continent (Viana
do Castelo, Douro e Leixões, Aveiro, Figueira da Foz, Lisboa,
Setúbal, Sines and Faro), trois régions aux Iles des
Açores, et une seule région à Madère, pour un total
de 108 pilotes Portugais certifiés. Les pilotes sont payés avec
des salaires fixes, provenant des redevances de pilotages.
Chaque port national possède un département du
pilotage, qui gère le personnel par le biais d'un organe consultatif et
qui est propriétaire des pilotines et du matériel de pilotage.
Les services en charge du pilotage dans les ports détiennent la
responsabilité de l'entretien du matériel.
Doté de personnalité juridique et d'une
autonomie financière et administrative, l'institut est sous la tutelle
du Ministère de La Marine Marchande. L'INPP est contrôlé
par un organisme central, le Conseil National de Gestion, qui nomme les chefs
des départements de pilotage de chaque port national. Il gère
aussi le domaine public maritime de l'État associé au service de
pilotage.
38 Decreto-Lei n° 151/90: Estabelece o regime
jurídico da operação portuária Decreto-Lei n°
298/93: Estabelece o regime de operação portuária
39 N°166/89 Decreto-Lei: Aprova o Regulamento Geral
do Serviço de Pilotagem dos Portos e Barras. Revoga o Decreto- Lei n°
360/78, de 27 de Novembro
40 Portaria n° 238-A/97 : Estabelece normas relativas
à aplicação do Regulamento Geral do Serviço de
Pilotagem dos Portos e Barras, aprovado pelo Decreto-Lei n° 166/89, de 19 de
Maio
Portaria n° 409/98: Altera a Portaria n° 238-A/97, de 4 de Abril
aprovado pelo Decreto-Lei n° 166/89, de 19 de Maio
Les recettes de L'INPP comprennent des redevances de
pilotages, les rémunérations pour prestations rendues en dehors
d'un service de pilotage mais utilisant les biens de la station, les ventes ou
plus valus, et sont perçues par les Départements du pilotage de
chaque port. Le pilotage portugais est un service public organisé,
possédant cependant son autonomie financière et administrative
mais qui dépend exclusivement de L'INPP
iii) Les systèmes mixtes
· La Bulgarie : gestion indépendante de
matériel public
L'association BMPA Bulgarian Maritime Pilots Association, a
été crée en 1992, comme une association à but non
lucratif, regroupant les 60 pilotes exerçant en Bulgarie. Les
organisations professionnelles de pilotage sont partout en Europe soumises au
contrôle de l'état, la Bulgarie n'est pas une exception dans ce
domaine. Les services sont régis par le Code de la Marine marchande, et
par l'ordonnance sur le pilotage. Il est fourni par des pilotes
indépendants, « self-employed ». Selon les articles de
l'ordonnance, une seule et unique station n'est autorisée à
fournir le service, marquant ainsi la volonté de ne pas amener de
concurrence dans le service.
La réglementation applicable en Bulgarie est le code
de la marine marchande, amendé en 2002, et la pilotage act de 2001.
Selon ce code, afin de maintenir au plus haut niveau le service, l'État
a mis en place un système concurrentiel, mettant en concurrence les
candidatures de différentes stations de pilotage souhaitant s'implanter
sur la zone à piloter. Chaque station pourra être autorisée
pour une durée de trois ans, et détiendra alors le monopole du
service. Les stations sont la propriété de l'agence Bulgare de
l'administration maritime, la gestion et la maintenance du matériel
restant sous la responsabilité des pilotes.
Le service est fourni, en Bulgarie, dans deux stations, celle de
Varna et Bourgas.
· Danemark : ouverture partielle à la
concurrence de sociétés privées
Fortement marquée par la configuration
géographique des côtes danoises, constituées de
détroits difficiles, parsemées d'îles et de dangers
à la navigation, le pilotage danois est effectué, à la
fois et logiquement par des pilotes de transit appelés « transit
pilot », et localement par des pilotes portuaires appelés «
local pilot », pilotant le navire dans les chenaux d'accès et les
ports. Les pilotes de transit sont en quelque sorte des pilotes hauturiers
comme les pilotes de la manche et de la mer du Nord. Jusqu'en 2006, les pilotes
danois étaient tous des pilotes fonctionnaires de l'état.
L'autorité de tutelle du pilotage danois, est, dans les
deux cas, appelée Administration de la Navigation et d'Hydrographie du
Royaume de Danemark ( « Farvandsvaesenet »), qui est en fait un
département du Ministère de la défense et
exerce son contrôle et sa gestion via l'autorité danoise des
pilotes : la « Danish Pilotage Authority ».
L'activité de pilotage est depuis 2006
réglementée par le « Danish Pilotage Act », qui a
introduit la concurrence dans le pilotage portuaire des « local pilots
» seulement, qui étaient jusqu'alors tous des employés
gouvernementaux. Il est donc désormais possible à tous
ressortissant d'un pays de l'Union Européenne d'établir sa propre
compagnie privée de pilotage portuaire de type « Local Pilots
», à condition de respecter le « Danish Pilotage Act ».
Le pilotage de transit est pour le moment encore protégé de la
concurrence par une obligation datant de 1857, obligeant le gouvernement danois
à fournir un service de pilotage à tous les navires qui peuvent
en avoir besoin. Actuellement, deux compagnies seulement se sont
créées :
- la « Danish Pilot Service » qui compte 16 pilotes
dont 9 retraités du pilotage gouvernemental
- une compagnie à Frederikshavn qui compte 3 pilotes dont
2 retraités du pilotage gouvernemental.
· Royaume -Uni : pilotes indépendants,
ou sous contrat avec une autorité portuaire
En 1983, les lois de pilotage en Angleterre n'ayant jusque
alors jamais réglementé les conditions d'emploi des pilotes, il a
été décidé que les autorités portuaires
compétentes, appelées CHA avaient dorénavant le pouvoir
d'employer les pilotes. Avant cette date, les autorités portuaires
étaient généralement réticente à employer
des pilotes parce qu'elles n'avaient aucune envie d'être rendues
responsable ( en qualité d'employeur) d'une négligence d'un
pilote, dont les conséquences et les montants pourraient trop facilement
être importants. Depuis, il existe des pilotes qui travaillent sous
contrat avec un CHA, et des pilotes qui travaillent toujours de manière
indépendante.
Au Royaume-Unis, le pilotage dépend
énormément du statut portuaire, très différents des
autres membres de l'Union européenne. En effet, les ports anglais
peuvent être soit municipaux, gouvernementaux, ou bien, le plus souvent,
appartiennent à des sociétés privées, anglaises ou
étrangères, à but lucratif qui en conservent la gestion.
Le pilotage portuaire dépend du besoin individuel de ces ports selon
leur importance et leur développement, et ils influent sur les
conditions d'emploi des pilotes. Par exemple, les pilotes d'un port de taille
modeste seront employés par une autorité portuaire, souvent
à mi-temps, ayant des fonctions diverses au sein des ports, travaillant
pour le VTS, ou comme Capitaine de port. Dans des ports plus grands, à
Liverpool par exemple, les pilotes sont à leur compte, regroupés
en une petite association, et travaillent au contrat.
Aujourd'hui, les pilotes anglais, peuvent donc exercer, soit
à leur compte, ( « self-employed »), regroupés en
général en petites associations en tant que pilotes
indépendants, soit salariés d'un CHA, et peuvent alors occuper
d'autres activités au sein de l'autorité portuaire. Les pilotes
des CHA se voient verser un salaire fixe dans la plupart des cas. Dans le cas
d'un service de pilotage rendus par un pilote indépendant, le pilotage
fait l'objet d'un contrat avec l'autorité portuaire.
Les autorisations de pilotage sont délivrées aux
candidats pilotes par les autorités portuaires « Competent Harbour
Authority » CHA ( Partie 1 Section 3 du « Pilotage Act »
Autorisation des pilotes ).
Il appartient à l'autorité portuaire de fixer
les conditions de recrutements et les critères de qualification des
pilotes en regard de leur âge, santé et état physique,
temps de service à la mer, connaissance locale, comportement ou de tout
autre choses qui pourraient affecter les capacités des futurs
candidats.
Notion de CHA
Le pilotage est placé sous la tutelle du
secrétariat d'état aux transports qui déconcentre ses
pouvoirs aux autorités portuaires locales, appelées CHA (
Competent Harbour Authority). Les ministres aux transports sont des membres du
parlement, ainsi, le parlement anglais garde tout de même un
contrôle permanent sur les clauses de pilotage. Selon le pilotage act
section I article 1, le CHA signifie toute autorité portuaire qui a la
charge du contrôle du trafic et de la sécurité maritime
dans sa zone d'exercice, et dont le port tombe totalement ou partiellement sous
son contrôle.
Chaque port d'Angleterre, dont l'importance du trafic justifie
la présence d'un service de pilotage propre, est compétent pour
organiser le service de pilotage dans la limite de sa zone d'intervention
portuaire. Selon le pilotage Act de 1987, Partie 1 une autorité
portuaire qui n'est pas un CHA peut demander au secrétariat
d'état de le devenir ou d'être considérer comme tel.
De plus, toujours selon le pilotage act, le secrétariat
d'état a l'obligation de maintenir à jour la liste des CHA
décrite selon l'article 1 de celle loi.
· Allemagne : système mixte, pilotage
privatisé avec infrastructures publiques
Le pilotage Allemand est soumis à la législation
de la loi fédérale de 1854, dite « Seelotsegesetz »,
amendée à plusieurs reprises (en 1984, 1986, 1994 et 1997),
allouant la possibilité de s'organiser, soit régionalement en
districts de pilotage, soit individuellement, laissant alors au port la
possibilité de gérer exclusivement leurs service de pilotage. Il
existe encore en Allemagne deux ports qui conservent la gestion exclusive de
leur pilotage : Bremerhaven, et Hambourg.
Le pilotage en Allemagne est un système globalement
privatisé, mais qui possède certains caractères publics
d'importance. Contrôlé sous la tutelle du gouvernement
fédéral d'Allemagne, par le biais du ministre des transports de
la République Fédérale41. Le pilotage Allemand
est très particulier puisqu'il est privé mais il emploie des
infrastructures et équipements nationaux, fournis par la
République Fédérale d'Allemagne ; les matériels
utilisés par les pilotes, les bateaux-pilotes, ainsi que les biens
immeubles sont la propriété de la République
Fédérale, et sont affrétés par le gouvernement,
même si les pilotes ont la responsabilité de leur entretien.
Environ 860 pilotes y sont gérés de manière privés,
utilisant des infrastructures publiques.
Il existe deux types de pilotes en Allemagne, les pilotes dits
fédéraux, et les pilotes de port ( Bremerhaven et Hambourg).
Des décrets fédéraux réglementent
localement le pilotage fédéral par districts. Il en existe 7
districts en Allemagne (voir annexe 2) formant chacun une corporation de
pilotes : les corporations de pilotes font partie intégrante de la
chambre fédérale des pilotes, placée sous la tutelle du
ministre des transports. La chambre fédérale des pilotes est une
organisation professionnelle de pilotes qui représente les 7 districts
de pilotage.
Les redevances de pilotages sont fixées par
l'administration allemande et se composent :
- d'une taxe de pilotage qui est versée au
gouvernement, qui en remet une partie aux corporations, budgétée
tous les 2 ans, afin de pourvoir aux besoins de la station, d'entretenir le
matériels, et de renouveler les installations.
- d'une prime de pilotage, qui est versée aux pilotes,
leurs permettant de recevoir un salaire.
41 Ministre des transports de la République
Fédérale : Bundesministerium Fûr Verkehr
C) Le Recrutement et la formation des pilotes i) Le
recrutement et la formation en France
· Recrutement :
L'accès à la profession de pilote maritime
portuaire en France se fait par voie de concours public ouvert par
décision du Directeur régional des affaires maritimes, sur
proposition de l'administrateur des affaires maritimes du quartier de la
station concernée, et tenant compte des besoins de la station de
pilotage. Ce concours comporte des épreuves orales et écrites,
portant sur des connaissances générales de la navigation ainsi
que sur les connaissances particulières de la zone de pilotage. Comme
dans la plupart des pays d'Europe, les pilotes français sont
recrutés parmi les officiers de la Marine Marchande de moins de 35 ans,
possédant un brevet de commandement du plus haut niveau et ayant au
moins navigué 72 mois dans la marine marchande ou sur des
bâtiments de l'État, dont 48 mois dans le service pont ( à
ce jour, un décret pourrait venir modifier les conditions de recrutement
en France, abaissant le nombre de mois de navigation requis de 72 à 66
mois, augmentant l'âge maximum de 35 à 36 ans, et exigeant du
temps de navigation au cabotage international).
Les dispositions relatives aux programmes et à
l'organisation du concours de pilotage sont établies par
l'arrêté du 26 septembre 1990. Les candidats pilotes doivent,
entre autre être âgé de 24 ans au moins et de 35 ans au plus
à la date du concours, et doivent répondre aux conditions
d'aptitude physique des capitaines de la marine marchande ( arrêté
du 16 avril 1986), et par ailleurs à des normes sensorielles plus
exigeantes fixées par l'arrêté du 08 avril 1991. Le
programme des connaissances particulières de la zone est annexé
au règlement local de la station.
Le jury d'admission est, selon l'art. 5 de l'arrêté
du 26 septembre 1990, composé comme suit : - d'un officier
supérieur de marine, président
- d'un inspecteur de la navigation et du travail maritimes ou un
technicien expert du service de la sécurité de la navigation
maritime ou à défaut un capitaine de navire
- d'un capitaine de navire, titulaire d'un brevet au moins
égal à celui requis pour les pilotes de la station où le
concours est ouvert;
- de deux pilotes désignés parmi les plus anciens
pilotes en activité de la station.
- Le président du jury est nommé par le
préfet maritime sur la demande du chef de quartier qui désigne
les autres membres du jury.
- Les membres du jury ne doivent être ni parents ni
alliés des candidats.
- Le jury des épreuves de langue étrangère
se fait assister par un professeur, ou par un courtier-interprète, ou un
officier de marine breveté interprète.
· Formation
Les candidats reçus sont immédiatement
nommés pilotes par le préfet de région42 et
commencent une période de formation de plusieurs mois pendant lesquelles
les pilotes débutants accompagnent les pilotes sur tous les types de
navires qu'ils seront amenés à piloter. Au terme de cette
formation (la durée et les modalités de cette formation
dépendant du règlement local de la station), le pilote deviendra
autonome, et se verra confier le pilotage de navire de taille croissante tout
au long de sa carrière, avant de devenir pilote « apte toute
tonnage » au bout d'environ cinq années d'exercice. Les pilotes
français, sont régulièrement formés à la
manoeuvre sur simulateurs, et sur maquettes au 1/25 ème au centre de
Port-Revel, en Isère qui accueille également des pilotes
étrangers.
ii) Les conditions de recrutement et de formation en
Europe 1) La résolution A960 de L'OMI
L'Organisation Maritime Internationale a anciennement
adopté une résolution relative à la formation des pilotes
maritimes dans le monde (autres que pilotes hauturiers), à la
délivrance des brevets, et aux procédures opérationnelles,
appelée A 485 XII, révisée en décembre 2003,
devenant la Résolution A.960 encore en vigueur aujourd'hui.
Cette résolution prévoit qu'il appartient
à l'état ou à une autre autorité compétente
(régionale ou locale) d'établir les conditions de recrutement, de
formation, et de certification des pilotes maritimes.
La résolution A 960 de l' OMI définit que les
autorités compétentes doivent mettre en place les normes de
contrôles sur les conditions d'admission requises et normes d'obtention
d'un certificat ou d'un brevet de pilotage, les aptitudes physiques
nécessaires pour devenir pilote maritime, les programmes de formation et
les remises à niveau.
Plus précisément, l'annexe 2 de la
résolution A960 définit des recommandations sur les
procédures opérationnelles concernant les pilotes maritimes, afin
d'améliorer la sécurité lors des opérations de
pilotages. Les recommandations portent sur les échanges d'informations
entre le capitaine, le pilote, les services portuaires, la langue
utilisée, et définit également les normes de construction
des échelles d'embarquement.
42 Article 19 du décret de 1969 modifié
par le décret du 1er août 1980 et du 21 juillet 1982
2) Recrutement des pilotes européens
De manière très générale, les
pilotes maritimes portuaires européens sont des marins, officiers de
marine marchande ou parfois militaire, possédant un brevet d'officier
supérieur ( Capitaine ou Second Capitaine) et qui ont exercé
suffisamment de temps à la mer pour avoir atteint un niveau de
compétence et d'expérience satisfaisant pour appréhender
le métier de pilote.
En Europe, les pilotes ont la possibilité
d'accéder à la profession, soit par voie de concours, soit par
sélection classique, après un entretien. Dans tous les pays
d'Europe, des critères de santé sont retenus pour accéder
à la sélection, et certains pays comme par exemple, la France, la
Norvège, l'Espagne, l'Italie ou Malte retiennent des critères
d'âges. Les périodicités de visite médicale varient
selon les pays entre 1 an à 5 ans.
En Angleterre, le recrutement se fait par entretien parmi un
lot de candidature ; les critères retenus pour se présenter ayant
été fixés localement par l'autorité portuaire
compétente de la zone, en tenant compte de l'expérience
demandée pour la fonction.
Les critères de nationalité sont peu retenus
pour la sélection des pilotes en Europe. Néanmoins le Portugal a
incorporé l'obligation d'avoir la nationalité du pays pour se
présenter à une place de pilote. Dans d'autres pays, comme en
Belgique, cette discrimination n'implique pas directement la nationalité
du candidat mais ces derniers doivent détenir un certificat de
compétence en langue néerlandaise/flamande, ce qui limite
très fortement les possibilités d'emplois d'officiers
étrangers.
· Les méthodes de sélection :
- La méthode par voie de concours :
Cette méthode est utilisée en France, en
Espagne, la Belgique ou encore à Malte. En général le
concours est ouvert, et les candidats déposent leur candidature s'ils
remplissent les conditions minimales demandées par l'autorité
compétente (voir tableau récapitulatif en annexe 1).
Cette voie de concours permet de recruter le candidat qui aura
la meilleure connaissance théorique du lieu et possède les
meilleures connaissances dans différents domaines d'évaluation
théorique.
- La méthode par voie d'entretien
La méthode la plus courante de sélection en
Europe reste celle par laquelle le candidat subis un entretien, évaluant
les motivations de sa candidature, et son curriculum vitae, son dossier de
navigation.
La méthode est utilisée en Angleterre, où
les critères de sélection fixés par l'autorité
compétente diffèrent suivants les ports, et leurs
complexité, mais on la retrouve aussi au Danemark et en Allemagne
où les pilotes candidats sont choisis parmi une liste selon leurs
expériences, puis subissent un entretien devant les pilotes de la
station.
Les pays qui recrutent les pilotes de cette manière
tiennent donc essentiellement compte du dossier de navigation du candidat, de
son CV et de ses références, c'est à dire sur les
expériences maritimes du candidat.
Cette méthode est aussi utilisée dans certains
pays où le statut du pilote se rapproche d'avantage de celui du
fonctionnaire, comme en Suède ou en Hollande. Au Pays-Bas, le pilote,
après avoir été choisi pour son curriculum vitae subira un
examen seulement après avoir suivi une formation théorique d'une
durée de deux mois. Dans le cas d'une réussite à l'examen,
l'élève pilote continuera sa formation pendant 8 à 10
mois, localement, dans la région dans laquelle il exercera le
pilotage.
3) Formation initiale et continue et certification des pilotes
après sélection
La formation et l'entraînement des pilotes dans les
états membres ont grandement évolué au cours des
dernières décennies même si les critères basiques
d'accession à la profession sont très proches entre les pays.
La formation des pilotes devient de plus en plus intensive,
quelle soit pratique ou théorique, incluant au cursus de formation, des
épreuves sur simulateur ou sur maquette, des périodes
d'apprentissage local dans la région dans laquelle le pilote est
amené à travailler, qui durent entre 2 à 8 mois. Le point
de vue de l'EMPA est d'ailleurs très clair à ce sujet puisque la
fédération européenne pense qu'un accès plus facile
à la profession ne serait qu'un moyen de réduire
considérablement les standards de service fournis, et risquerait
d'allonger le temps de formation global des pilotes.
Après avoir été promus au rang
d'apprentis, dans tous les pays d'Europe, le pilote suivra une formation
progressive qui lui permettra d'atteindre graduellement la possibilité
de piloter des navires sans limitation de taille, ou de tonnage. Il faut
aujourd'hui entre 5 et 8 ans pour qu'un pilote soit homologué sans
limitation de tonnage en Europe. Il appartient à l'autorité
compétente de l'État de définir les normes de formation et
de délivrance des certificats ou des brevets. Ces normes devraient
être suffisantes pour permettre aux pilotes de
s'acquitter de leurs tâches en toute sécurité et
efficacement. Ces normes de formation initiales sont conçues de
manière à permettre aux pilotes stagiaires de développer
les aptitudes et connaissances jugées nécessaires par
l'autorité de pilotage compétente pour obtenir un certificat ou
un brevet de pilote.
Le pilotage est organisé de manière
différente dans les pays européens, mais il est dans tous les cas
contrôlé par le gouvernement. Il appartient toujours à
l'administration maritime de contrôler les services de pilotage de leur
pays, de déterminer les qualifications requises pour travailler, et
d'uniformiser les conditions de formation dans le pays. Le pilotage obligatoire
en Europe est la meilleure et certainement l'unique manière d'être
certain de protéger à la fois les intérêts
privés et publics qui pourraient être directement liés aux
conséquences dramatiques d'évènements de mer, et par la
même occasion, permet, en régulant le trafic, de participer
activement aux enjeux commerciaux
des grands ports européens.
Finalement, bien que l'on retrouve des pilotes
indépendants, dit self-employed, privés, fonctionnaires,
dépendant des administrations, ou d'un état, les services de
pilotage en Europe profitent dans tous les cas d'une entité
économique exclusive, ou bien d'un département administratif
spécifique d'un ministère leur permettant de s'organiser
individuellement.
Les systèmes de pilotage européens, qui
profitent très largement d'un monopole consacré par l'Europe,
servent au mieux les intérêts de l'armateur et des assureurs, (
fiabilité, sécurité, sûreté,
ponctualité des mises à quai, ou appareillage, réduction
des coûts d'assurance), celui des ports ( enjeux commerciaux), celui des
états ( échanges maritimes mondiaux, prévention de la
pollution, rôle en cas d'assistance au navire).
Partie II: La responsabilité civile du pilote et
des organisations de pilotage
Chapitre I) Responsabilité civile liée
à son rôle et à sa qualification
I) La qualification du pilotage
A) Le pilote européen, conseiller du capitaine ?
Il est indiscutable que la gestion de la navigation d'un
navire en plein océan, requiert moins de compétence et surtout
d'expérience que le pilotage d'un navire lors d'un atterrissage à
la côte, ou bien lors d'une navigation en eaux resserrées, voies
navigables, ou au sein d'un port. Dans des eaux resserrées, la charge de
travail augmente à la passerelle, le temps et les marges d'erreur sont
réduites, l'activité portuaire et le trafic intense, et les
conséquences d'un incident ou d'une erreur de jugement seraient
considérables. Des connaissances spécialisées dans la
manoeuvre des navires à l'approche des ports sont requises.
Quand le pilote arrive à la passerelle d'un navire, la
phrase « aux ordres du capitaine, sur les conseils du pilote »
devrait être inscrite au journal passerelle. Cette phrase devrait suffire
à décrire le lien qui uni le capitaine au pilote et
réciproquement.
Pourtant, le pilote n'occupe pas, dans les esprits, toujours le
même rôle à bord.
En parlant de l'autorité et de la responsabilité
du capitaine, Cpt Roger Clipsham écrit « qu'une bonne
décision d'un officier chef de quart ou d'un capitaine devrait utiliser
les connaissances combinées, l'expérience, et la qualification,
à la fois des officiers professionnels, et des pilotes
maritimes43»
D' une part le pilote tiendrait dans les mentalités une
place de conseiller, et de conseiller seulement du capitaine, lui apportant sa
connaissance locale du site dans lequel le navire évoluera.
43 Examen de la responsabilité personnel et des
responsabilités du Capitaine de navire R.Clipsham, Secrétaire
général IFSMA, International Federation of Shipmasters'
Associations London 21ST & 22ND, septembre 2000, partie 1
Une définition moderne, datant du 24 novembre 1992 (
LPEMM44), du pilote en Espagne est fournie par l'article 102 de la
loi45: « le pilotage étant compris comme les services de
conseil pour les capitaines de navire, et des objets flottants, à propos
des manoeuvres, afin de faciliter l'entrée et la sortie des navires dans
de bonnes conditions de sécurité ».
Il peut y avoir débat sur la question du rôle du
pilote, et sur sa qualification de conseiller et de conseiller seulement du
capitaine, car il prend dans la pratique souvent et complètement la
manoeuvre du navire. Cependant, le commandant devrait reprendre le
contrôle total de la manoeuvre s'il est nécessaire de le faire, ou
s'il juge que la manoeuvre ne s'effectuera pas en toute
sécurité.
D'autre part, outre Atlantique le « rapport de la
Commission Royale sur le Pilotage46 » contient une analyse
détaillée du statut de la définition anglaise et
canadienne du terme « pilote ». Pilote signifie : « n' importe
quelle personne n'appartenant pas à un navire mais qui en a la conduite
». Cette définition du pilote est d'ailleurs également
reprise en droit australien, dans la Section 6 de la « Navigation
Act47 de 1912 ».
Et, requalifiant ensuite la signification du mot «
conduite », ce rapport en a retenu la définition suivante :
« avoir la charge et le contrôle de navigation autrement dit, le
contrôle des mouvements du navire. De le même manière, si
quelqu'un est utilisé comme un conseiller, et ne se voit pas confier la
navigation à proprement parler du navire, il n'est pas le pilote de ce
navire ».
La Commission Royale, après examen des pratiques
actuelles à bord des navires a finalement conclu : « le pilote
n'agit pas comme un conseiller du capitaine, mais conduit en
réalité le navire ».
Dans cette intention, le Capitaine deviendrait alors, au
contraire mais jusqu'à un certain degré, un conseiller du pilote
pendant sa manoeuvre, quand celui-ci lui indique les particularités du
navire, tant techniques que manoeuvrière.
44 La Loi des Ports de l'État et de la Marine
Marchande du 24 novembre 1992 (LPEMM)
45 Servicio de practicaje Artículo 102 : «
Definición y régimen de gestión. Se entiende por
practicaje el servicio de asesoramiento a los Capitanes de buques y artefactos
flotantes, para facilitar su entrada y salida a puerto y las maniobras
náuticas dentro de éste, en condiciones de seguridad y en los
términos que se establezcan en esta Ley».
46 Report of the royal commission on pilotage part 1.
page 22 et suivantes.
47 Section 2 of that Act provides that
«pilot» shall mean any Person not belonging to a Ship who has the
conduct thereof.
Leur relation ne serait qu'une question de sémantique,
et, on le voit, le pilotage n'est pas pour tout le monde
considéré comme un service de conseil de navigation donné
du pilote vers le capitaine, mais pour certains l'inverse. Ainsi, comme le
pense G. K. Geen, l'auteur de « The Law of pilotage48 »,
il peut exister dans la relation de ces deux personnes, l'apparition d'un
double commandement, qu'il qualifie de « divisum imperium», ou
commande divisée, et qui, d'après le Dr.Lushington sera à
l'origine de nombreuses confusions et d'incidents dont celui du navire la
PEERLESS en 1860.
Pourtant, malgré ces questions d'usage, et
malgré de nombreux débats lancés au sujet des termes
« conduite ou commandement49 » du navire, la qualification
juridique du pilotage est énoncée dans les lois nationales (
Pilotage Act) réglementant ce service. Au niveau européen, qui
reste le sujet de ce mémoire, ces définitions, malgré
leurs différences, renvoient toujours aux notions de conseils
donnés par le pilote.
Les états sont libres de définir eux même
les limites de ce qui est appelé opération de pilotage, et les
notions d'expertise, d'assistance dans la manoeuvre, ou de conseils dans la
navigation, y sont toujours abordées dans les réglementations
européennes. En droit français, comme en droit
portugais50 ou maltais51, la définition du
pilotage, contenue dans l'article 1er de la loi du 28 mars 1928 dispose que :
« Le pilotage consiste dans l'assistance donnée aux capitaines
par un personnel commissionné par l'État pour la conduite des
navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les
ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux52
».
En Finlande, d'après la Pilotage Act 940/2003, le
pilotage est considéré comme « une activité
directement liée à la manoeuvre du navire, pendant laquelle le
pilote est un expert local de la navigation dans la zone », et en
Norvège, la définition donnée par le pilotage act de 1989
précise que toutes opérations de pilotage est un guidage de
navire dans la manoeuvre ou la navigation, donné par un pilote
détenant une licence de pilotage.
48 The Law of pilotage, GEEN. G.K., LLOYD'S
OF LONDON PRESS, 1977
49 Conduct or command
50 Capitulo I Disposições gerais Artigo
1.o Serviço de pilotagem
1-actividade de pilotagem é o serviço
público que consiste na assistência técnica aos comandantes
das embarcações nos movimentos de navegação e
manobras nas águas sob soberania e jurisdição nacionais,
de modo a proporcionar que os mesmos se processem em condições de
segurança.
51 Malta pilotage service means the act, carried
out by a licensed pilot, of assisting the master of a ship in navigation and
manoeuvring when entering, leaving or shifting in a port or the approaches
thereto, and includes the provision of the pilot launch».
52 Loi du 28 mars 1928 : régime du pilotage
dans les eaux maritimes
Aux Pays-Bas, les limites de l'exercice de la fonction du
pilote, données par l'article 2 de la pilotage act sont de «
donner des conseils au commandant du navire dans la navigation et la
manoeuvre du navire rendant le trajet jusqu'à sa destination, le plus
sure possible53 ».
Et cette notion de conseil du capitaine, se retrouve
également en droit allemand, dans le paragraphe §.1 de la Maritime
Pilotage Act et dans la réglementation lettonienne54.
Il est intéressant de préciser que certains pays
dont l'organisation du pilotage présente des particularités
marquantes, lorsqu'il existe par exemple à la fois un pilotage de
transit des navires dans les eaux territoriales, et aussi un pilotage
portuaire, la réglementation définit différemment ces deux
types de services. C'est le cas au Danemark, où les « transit Pilot
» gouvernementaux coexistent avec les pilotes régionaux : « d'
après la pilotage Act 567 du 09/06/2006, en vigueur, « un
pilote de transit est un pilote qui n'est ni un pilote hauturier, ni un pilote
régional, et un pilote régional est un pilote qui travaille
à la journée, ou pour une partie de journée seulement dont
le service commence ou se termine dans un port danois ».
Par ailleurs, la définition juridique de l'acte de
pilotage s'éntend dans certains pays plus largement que les conseils
donnés au capitaine à bord des navires. En effet, les
législateurs danois ont inclus dans la « Pilotage Act » des
clauses étendant l'acte de pilotage au guidage des navires utilisant
tout moyens de communications par des pilotes, depuis la terre ou depuis un
autre navire :
« Conseils donnés par une personne pilotant le
navire en mer, dans les détroits ou en manoeuvre, sans tenir compte du
fait que les conseils soit rendus à bord du navire ou en utilisant des
moyens de communications depuis un autre navire ou depuis la terre ».
(Traduction)
Cette notion d'assistance à distance est aussi reprise
en droit espagnol dans le Décret Royal 393/1996 du 1er mars incluant
dans l'opération de pilotage, tous service rendus pour « les
instructions données par les pilotes à partir du moment où
il quitte la station de pilotage ». La naissance du contrat de
pilotage est dans ce cas le moment où le pilote prend contact avec le
navire pour la première fois.
Comparant les lois de pilotage de l'Europe Continentale avec
celles de la Grande-Bretagne et de d'Amérique du Nord, l'observation
suivante a été faite par DAVID J. BEDERMAN55 : «
Un pilote, bien qu'exigé, conformément à la loi,
n'était considéré que comme un simple conseiller, et
n'aurait jamais prétendu outrepasser l'autorité du capitaine
».
53 Art 2 : Dutch pilot act « De loodsenwet 1988
»
54 The Regulation No.102, "Regulations on Pilots"
née de la volonté du cabinet du ministère le 7
Février 2006.
55 Compulsory Pilotage public policy and the early
private international law of torts. David J. Bederman. VOL 64. Tulane law
review .1060
Aussi, reprenant cette notion, le fondement juridique de la
relation entre le capitaine et le pilote est maintenant énoncé
clairement dans le Code STCW 1995, spécifiant ainsi que le pilote
maritime agit en tant que conseiller du Capitaine, qui reste seul «
maître à bord ». L'Annexe I du présent code
établit que « la présence à bord d'un pilote ne
relève pas le capitaine de ses fonctions et obligations en
matière de sécurité du navire ». Dans tous les
cas, le capitaine garde la responsabilité de la conduite du navire,
l'autorité légale du capitaine est conservée, même
si les pilotes conduisent parfois eux mêmes les navires, « mains sur
les manettes ».
En définitive, le Capitaine, l'officier de quart et le
pilote doivent être capable et travailler ensemble pour la conduite du
navire dans les meilleures conditions de sécurité.
Dans toute l'Europe, le rôle du pilote est de conseiller
le capitaine du navire à l'approche des zones dangereuses crées
par les approches portuaires, à la fois en phase finale de voyage mais
aussi en phase initiale, à l'appareillage des navires. Ces zones
à risques demandent une parfaite connaissance des lieux (courants,
sondes, effets de berges, natures des fonds, effets des marées) et des
installations portuaires, le pilote participant donc activement au
fonctionnement d'un port de commerce. Par ailleurs, ces hommes du lieu,
pratiques de la zone où ils exercent, sont les seuls à pouvoirs
informer les capitaines des usages et coutumes d'un port, ou à pouvoir
communiquer clairement avec les services de lamanage ou de remorquage, tout en
adaptant continuellement leur pilotage aux conditions
météorologiques et aux caractéristiques des navires
pilotés.
Les ports sont aujourd'hui gérés comme des
entreprises commerciales, et ils sont tous internationalement en concurrence
entre eux. Il y a donc de grosses raisons d'augmenter à la fois la
taille des navires, et le trafic dans les ports. Les pilotes, ont, aujourd'hui
le défi de manoeuvrer des navires de plus en plus gros, dans des voies
navigables identiques, pendant des laps de temps parfois réduits et
imposés par des cadences portuaires extrêmement soutenues ; les
risques de l'activité du pilotes augmentent en conséquence.
Dans le cadre de sa prestation, qui de part sa nature, n'est
pas un contrat de travail, mais un contrat de pilotage conclu pour service
rendu, entre l'armateur et le pilote, le pilote peut engager sa
responsabilité à plusieurs niveaux. Bien qu'au niveau
international, aucune réglementation ne traite en particulier la
responsabilité civile du pilote, celui-ci l'engage tant civilement que
pénalement et cela pendant toute la durée du pilotage, envers
l'armateur, mais aussi devant les tiers.
Faces aux risques de l'activité, dans quelles mesures
le pilote, l'État, ou une organisation en charge du service peut il voir
sa responsabilité engagée en cas de dommage lors d'une
opération de pilotage. Quel est le statut actuel de
responsabilité civile des services de pilotage ?
B) Absence de convention internationale sur la
responsabilité du pilote
Il n'existe pas pour le moment de dispositions ou Convention
internationale ou communautaire fixant les principes de responsabilité
des pilotes maritimes. Cependant quelques unes des grandes Conventions
internationales de droit maritime traitent la question de la
responsabilité civile du pilote vis à vis de l'armateur.
Tout d'abord, rappelons que la Convention STCW 78/95, sur les
normes de formation, de délivrance des brevets, et de veille des gens de
mer56, qui prévoient que : « nonobstant les
tâches et obligations qui incombent au pilote, sa présence
à bord ne décharge pas la capitaine ou l'officier chargé
du quart des tâches et obligations qui leur incombent » sur le
plan de la sécurité du navire, devant « coopérer
étroitement avec le pilote et vérifier de manière
précise la position et les mouvements du navire » ; si
l'officier de quart « éprouve des doutes quant aux manoeuvres
ou aux intentions du pilote, l'officier chargé du quart à la
passerelle doit obtenir des éclaircissements auprès de celui-ci
et si le doute persiste, il doit en aviser immédiatement le capitaine,
et prendre toutes les mesures nécessaires avant l'arrivée du
Capitaine ».
Par ailleurs, la Convention SOLAS 74, Convention sur la
Sauvegarde de la Vie Humaine en mer57, établie dans le
chapitre V « Sécurité de la navigation », les
règles minimum de sécurité du pilote, précisant les
normes applicables aux échelles de pilote, et aux dispositifs de
hissage.
Encore, la Convention de Genève58 sur le
statut des ports maritimes du 9 décembre 1923, pose le principe (art 2
et 11), de l'égalité de traitement entre états, chaque
pays étant libre « d'organiser et de réglementer le
pilotage comme il l'entend ».
56 Convention STCW 78/95 Standard Training
Certification and Watchkeeping
57 SOLAS 74 Safety of life at sea, Convention sur la
sauvegarde de la vie humaine en mer
58 Convention internationale dite « Convention et
statut sur le régime international des ports maritimes et protocole de
signature », faite à Genève le 9 décembre 1923
Ensuite, la Convention internationale sur la
responsabilité civile pour dommages par pollution59, CLC 1992
instaure dans son article III.4 ( b ) le principe selon lequel il n'est pas
possible de réclamer de dommages et intérêts pour pollution
au pilote ou à tout autre personne qui, sans être membre de
l'équipage, rend des services au navire, sauf si le dommage de pollution
résulte d'un acte ou d'une omission personnelle commis avec l'intention
de provoquer un tel dommage ou avec imprudence et avec conscience qu'un tel
dommage en résulterait probablement.
En vertu de l'application de cette convention, tout recours
par l'armateur, pour pollution, contre le pilote serait envisageable en cas de
faute avérée du pilote. Il appartient à l'armateur de
démontrer l'acte de négligence ou d'imprudence, ou bien
l'intention du pilote de créer de tels dommages.
D' autre part, la Convention de Bruxelles du 23 septembre
191060 pour l'unification de certaines règles de droit
relatives à la collision entre navires prévoit dans son article 5
que le régime de responsabilité des armateurs dans les cas d'un
abordage fautif, ou fortuit subsiste même si le navire se trouvait
être piloté, ou dans les cas où la collision est
causée par la faute du pilote, et ce même si le navire se trouve
dans une zone de pilotage obligatoire.
59 International Convention on Civil Liability for
Pollution Damage
60 Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910,
complétée par la Convention internationale pour l'unification de
certaines règles relatives à la compétence civile en
matière d'abordage du 10 mai 1952
II ) Les responsabilités civiles résultant de
l'organisation du pilotage
La responsabilité civile est par définition
l'obligation légale de réparer le préjudice causé
à autrui dans l'exercice d'une action, par inexécution d'un
contrat ou de toute action dommageable commise par soi même, ou par une
personne qui dépend de soi, ou par une chose dont on a juridiquement la
garde61. Elle vise à réparer, non à
sanctionner.
Le capitaine restant maître incontesté de son
navire, encore faut-il comprendre dans quelle mesure le pilote, ou son
employeur, qu'il soit l'État par voie directe, ou qu'il dépende
d'une organisation exclusivement dédiée au service,
pourraient-ils voir leurs responsabilités recherchées en cas de
dommage.
En effet, même si le pilote est largement reconnu comme
travailleur indépendant en Europe, mais restant néanmoins
très largement sous tutelle de l'État pour sa nomination, cela a
entraîné, légitimement, non seulement des recherches des
responsabilité du pilote provenant des tiers, mais aussi, plus
étonnamment, des tentatives de recours contre les structures
organisatrices du pilotage ou l' état qui certifie les pilotes ou qui
les emploie.
A) Cas de responsabilité de l'autorité
compétente organisatrice du service
D'une façon générale, en Europe, en
raison de leur statut d'agents publics d'états ou de fonctionnaires
reconnu dans certains pays, ou tout simplement par le lien qui lie un pilote
à son employeur, la recherche de responsabilité en cas de dommage
pourrait introduire la responsabilité soit de l'état lui
même, ou de son représentant, ou d'un employeur privé, dans
les opérations de pilotage. En effet, parce que dans la plupart des pays
d'Europe, nous l'avons vu, l'administration de l'état détient le
pouvoir d'autoriser des pilotes à exercer leur métier, et parce
que, dans quelques uns de ces pays, les pilotes sont directement
employés par l'administration, ou parfois même par des
sociétés, ou des autorités portuaires, la
responsabilité des autorités ayant certifiées,
formées et autorisées à exercer, peut être
soulevée.
61 La garde juridique est le pouvoir de
contrôler et d'utiliser à ses fins une choses que l'on utilise.
En premier lieu, et nous allons le voir, des cas de litiges
ont été rencontrés et jugés en Angleterre, au sujet
des obligations des pilotes vis à vis de leur employeur
général, dans un pays où les pilotes sont
liés62 à une autorité portuaire (du type CHA),
par un contrat de travail.
i) Les problèmes émanant d'un contrat de
travail conclu avec une autorité compétente
En Angleterre, en octobre 1988, la dernière version de
la loi sur le pilotage datant de 1987 est adoptée, transférant
l'organisation du pilotage aux autorités portuaires des ports anglais,
les CHA.
Abrogeant, les anciennes dispositions de la loi de 1913, elle
complète les modalités sur les conditions d'emploi des pilotes,
stipulant (article 4) que les pilotes d'un port peuvent être
autorisés à exercer par l'autorité portuaire du CHA, et
exercer soit directement employés par un CHA ou exercer comme
travailleurs indépendants, si les pilotes le décident à la
majorité lors d'une élection obligatoire.
Cependant, ces dernières années, plusieurs
décisions ont mis en lumière la nature parfois
considérée comme oppressive de certaines obligations
exigées à des pilotes qui se trouvent soumis à un contrat
d'emploi avec un CHA. L'un de ces cas a fait jurisprudence en Angleterre,
renforçant la loi de 1987.
Le 11 décembre 2001, (voir annexe 3 Case TGWU v
Associated British Ports No A2/2001/2505 Court of Appeal Civil Division) la
division civil de la Cour d'appel a confirmé dans le paragraphe 11, pour
le cas des pilotes de la Tamise, que ces derniers peuvent être
employés soit par le CHA ou être des travailleurs
indépendants, et qu'ils sont, en vertu de l'application de l'article 4
de la pilotage act 1987, tout à fait libres de refuser une offre
d'emploi même permanente, proposée par un CHA et, le cas
échéant, travaillent comme des travailleurs autonomes, par le
biais d'une coopération entre pilotes « self-employed » si ils
le désirent.
62 Pilot mag N° 290 traduction : « Tout
récemment, en Décembre 2001, la Cour d'appel a confirmé
que les pilotes peuvent soit être employés par le CHA pertinent
ou, alternativement, être des travailleurs indépendants. En vertu
de l'article 4 de la loi, après l'accord de la majorité des
pilotes d'un port, le CHA n'a aucune obligation d'offrir des conditions de
l'emploi. Lorsqu'une telle coopération existe le pilote n'est pas
lié par un contrat de travail, et donc cela évite des situations
périlleuse telles que celles connues au sud du Pays de Galles, ou sur la
rivière Clyde.»
La loi anglaise donne la possibilité à
l'autorité du port d'autoriser un pilote à exercer, mais la
délivrance de cette autorisation ne se limite pas seulement aux pilotes
qui sont employés par cette autorité portuaire.
Selon Barry Youde, dans le cas de pilotes qui travaillent sous
contrat avec un CHA, « il y a eu au moins six cas récents dans
lesquels il fut considéré que des pilotes avaient commis des
infractions, simplement à cause du fait qu'ils auraient
outrepassés les termes de leur contrat de travail avec un CHA, à
terre, sans même qu'un navire piloté ne soit impliqué. Ces
cas d'infractions connus furent tous classés comme grave
désobéissance relative aux termes du contrat de travail, alors
qu'ils n'avaient qu'osé mettre en doute les requêtes d'une
autorité portuaire ».
Dans ces cas, le pilote a contesté la demande d'un
agent du CHA pour des raisons de sécurité, l'officier du CHA ne
détenant aucune qualification ni d'expérience dans le pilotage,
et dans aucun des cas jugés, il n'a été
suggéré que l'incompétence, affectant sa capacité
à piloter, ou la faute du pilote ne puissent être retenues.
Non seulement le pilote peut être tenu responsable
civilement et pénalement, mais, choisissant la prudence et limitant la
prise de risque, il s'exposerait ainsi à de graves sanctions, pouvant
lui causer des déboires financiers, alors même qu'il voulait se
prémunir de certain risque d'accident qui aurait pu lui causer de
lourdes mises en cause devant un tribunal civil; et d'après Kevin Austen
( Barlow, Clyde & Gilbert), « il prend alors le risque de se retrouver
face à des sanctions disciplinaires prises par son employeur, le CHA,
qui lui seront certainement bien plus préjudiciable personnellement que
s'il n'avait répondu de ses actes lui même en
responsabilité civil pour des dommages causés ».
Pourtant, dans ces cas, les tribunaux ont conclu que, en vertu
du contrat de travail, le pilote est obligé d'accepter la parole d'un
agent du CHA ; que le pilote avait rompu les termes du contrat et que la
révocation du pilote par la CHA était donc appropriée
vertu de l'article 3 (5) de la loi sur le pilotage de 1987.
Les raisons de telles difficultés entre l'employeur et
les pilotes proviennent du remaniement de la loi de pilotage Anglaise en
1987.
Les pilotes devraient sans aucun doute être
traités différemment des autres employés, en cas de refus
d'obéissance, en raison des risques engagés, et des
conséquences de dommages possibles, encourus lors de manoeuvres
délicates.
L'indépendance du pilote reste donc primordiale, de par
son jugement, son professionnalisme et surtout son expérience
maritime.
Cependant cela ne semble pas être l'avis de certaines
autorités portuaires. Récemment, trois pilotes ont
communiqués une lettre avertissant le CHA de leur refus d'amarrer un
navire qui était surchargé, ne permettant donc pas d'entrer dans
le port en respectant les minimums requis de clair sous quille conclus entre
les pilotes et le port. Quand l'un des pilotes a protesté,
alléguant que son jugement professionnel était remis en question
par l'un des fonctionnaires du CHA, celui-ci répondit que « les
règles disciplinaire d'un CHA s'appliquent à tous les
salariés sans que les pilotes ne fassent exception63
».
Selon Dr A.G.Corbet, de l'Université de Galles à
Cardiff, « il y a aussi des risques de perdre son gagne pain, car
outre le fait de perdre son autorisation à travailler comme pilote, il
détient aussi un brevet de capitaine ou d'officier, qu'il risquerait de
perdre par la même occasion. Le pilote perdrait donc sa deuxième
chance de travailler comme naviguant ».
Dans ce sens, ce que les autorités d'un port peuvent
omettre d'apprécier serait que le pilote est justement un employé
différent des salariés de la société, notamment
parce qu'il engage sa responsabilité civile une fois qu'il est à
bord, que les dommages, avaries, et pertes conséquentes à un
incident maritime seront importantes, et qu'il peut aussi et surtout être
emprisonné64 ou punis de sanctions disciplinaire65
prévues par la loi nationale de son pays pour ses actions ou omissions
alors qu'il se trouve à bord.
Bien qu'il existe peu pour le moment, hormis en Angleterre, de
cas connus de telles sanctions, appliquées pour
désobéissance d'un pilote, ce qui vraisemblablement ne peut
advenir qu'en cas de danger à la navigation, d'impossibilité
notoire de piloter en toute sécurité, à cause de
circonstances exceptionnelles liées à la hauteur d'eau
disponible, aux conditions météorologiques, ou à
l'état de navigabilité d'un navire, dont seuls les marins
professionnels, pilotes, et capitaines ne peuvent prétendre
connaître les détails, et qui surtout, seuls en subiront les
conséquences.
63 Source Barrie Youde
64 Selon la Pilotage Act 1987 c. 21 17 une personne
qui commet des fautes disciplinaires telles que celles contenus dans la dite
loi seront soumis à des peines de prison allant de 6 mois à 1 an
maximum, à des peines d'emprisonnement ou aux deux
65 Selon F. Laffoucrière : « La
responsabilité disciplinaire est l'obligation de répondre des
comportements fautifs commis par des personnes au sein d'un groupe de personnes
ayant la même qualité ».
D'une façon générale, si de tels cas se
réitèrent, il pourrait être nécessaire de recevoir
l'avis d'autres pilotes professionnels, avant d'en tirer trop tôt des
mesures disciplinaires que le pilote pourrait subir alors même qu'il
souhaitait se prémunir d'un danger.
Outre les rapports qu'un pilotes peut avoir avec son employeur,
il conviendrait alors de réétudier les obligations normales du
pilote, vis à vis du navire qu'il va servir.
Selon Dave Devey, pilote à Liverpool, « Quand un
pilote est à bord un navire il cesse d'être un employé du
CHA, mais devient l'employé de l'armateur, le CHA devenant son employeur
général66».
Cette situation soustrait alors les obligations normales du
pilote employé d'une entreprise au profit d'une certaine
indépendance du travailleur, responsable totalement de ces actes, comme
le serait un médecin du travail, employé d'une
société, mais qui agit en toute « indépendance
technique et morale67».
Aucun autre salarié d'une organisation en charge du
pilotage ne pourrait détenir cette position unique. Certains pilotes
pourraient donc être tentés d'un revirement de situation, un
retour en arrière, vers l'indépendance du pilote vis à vis
des autorités portuaires.
Mais, toutefois, les pilotes pourraient intenter des actions
en justice. Mais le retour en arrière pourrait certainement être
refusé par les tribunaux depuis le catastrophe du Sea
Empress68 si, par exemple, un jeune pilote qui remplacerait le
pilote souhaitant son indépendance, manque d'expérience au regard
de celle du pilote déjà autorisé et employé par
l'autorité portuaire.
66 Dave Devey concerned ret. Liverpool Pilot
67 La médecine dans l'entreprise par
Christophe De Brouwer « Le concept trouve son origine dans la
recommandation 111 de 1959 de L'OIT, sans pour autant être
explicité. La loi de protection des médecins du travail est
charpentée autour de cette notion. Ce sont des travailleurs
protégés (...) que leur statut soit indépendant,
salariés, ou statutaire. La protection s'exerce vis à vis de
l'employeur qui rémunère le médecin du travail. Un
employeur ne peut se séparer d'un médecin du travail s'il y a
atteinte à l'indépendance technique et morale du médecin
du travail».
68 « En 1999, devant la Haute Cour, suite à la
catastrophe du Sea Empress à Milford Haven de 1996, l'Autorité
Harbour CHA de Milford Haven a plaidé coupable pour pollution, pour la
raison qu'elle avait engagé dans une opération de pilotage un
pilote qui avait reçu une formation insuffisante et dont
l'expérience qu'il possédait ne lui aurait pas permis
d'exécuter la tâche de pilotage qu'on lui demandait ».
ii) Les pilotes, des professionnels à
l'indépendance juridique reconnue
La loi a traditionnellement considéré le pilote
maritime comme un employé de l'armateur, employé le temps de son
service de pilotage à bord.
A ce sujet l'OMI, est très clair, retenant que le
capitaine reste maitre de son navire tout au long du pilotage ; la
résolution69 IMO A.920 (23), adoptée le 5
décembre 2003, déclare en Annexe 2, que :
« Malgré les responsabilités et
obligations du pilotage, la présence d'un pilote à bord d'un
navire ne relève pas le commandant ou l'un de ses officiers en charge du
quart à la passerelle de leurs responsabilité et obligation pour
la sécurité du navire ».
La résolution déclare également que le
pilote peut à tout moment refuser le pilotage quand le navire à
piloter présente un danger à la sécurité de la
navigation ou à l'environnement.
Au cours des années, le niveau d'indépendance du
pilote et la nature de la relation légale, entre l'armateur et le pilote
a fait l'objet de nombreuses délibérations devant les
tribunaux.
Des cas ont fait jurisprudence, dont notamment en Angleterre,
et ont solidairement établis qu'un employeur ne pourrait avoir à
supporter les dépenses admises suites à une négligence du
pilote. Deux cas font jurisprudence outre-manche :
En Angleterre, en 1989, la Chambre des Lords a rendu un
arrêt se prononçant sur les rapports de responsabilité d'un
pilote employé par une autorité portuaire anglaise. L'arrêt
rendu concerne l'affaire entre le ESSO Bernicia contre Russell Hall. Cet
arrêt est unique en son genre. En effet, à cet époque, la
plupart des pilotes anglais étaient indépendants, «
self-employed ». Le navire Esso Bernicia, était à ce moment
piloté par un pilote employé par un CHA. Le propriétaire
de l'appontement endommagé par le pétrolier intenta une action
contre l'armateur, qui s'est directement retourné contre le CHA qui
employait le pilote pour présomption de responsabilité à
l'encontre du pilote pour négligence. Cet arrêt, aussi connu sous
le nom « the Sullum Voe case » a mis en évidence le fait que
même lorsqu'un pilote est employé par une autorité
portuaire, l'autorité ne sera pas tenue pour responsable des
négligences commises par celui-ci;
69 IMO A.920 (23) « Recommendations on
Operational Procedures for Maritime Pilots other than Deep Sea Pilots
l'armateur considérant que le recouvrement du montant
des dommages importants causés au quai serait beaucoup plus facile en
les réclamants au CHA plutôt qu'au pilote. L'arrêt rendu par
la Chambre n'a pas retenu de responsabilité contre l'administration
portuaire, affirmant qu'un pilote « est un professionnel
indépendant qui conduit le navire seul et comme préposé de
employeur ».
En 1993, en Angleterre aussi, une nouvelle tentative a
été menée afin qu'une autorité portuaire anglaise
soit considérée responsable de négligence d'un pilote
qu'elle emploie. C'est le cas du gazier Cavendish. Les demandeurs ont fait
valoir le fait que les demandes exprimées pour le Bernicia Esso avait
pris naissance avant l'introduction de la nouvelle de loi de 1987 ( pilotage
act 1987) et que l'introduction de cette loi modifia la situation juridique du
pilote, parce qu'il appartient désormais à l'autorité
portuaire de délivrer les autorisations de pilotage, c'est à dire
de certifier les pilotes ; la Haute Cour a retenu que la loi de 1987 n'avait
pas modifié la situation juridique de celui-ci et donc que le pilote
reste un professionnel indépendant et qu'il n'est pas le
préposé ou mandataire de quelqu'un70.
Le principe de responsabilité du pilote chez les
anglais n'est autre que celui de la Bible71, bien plus qu'une
doctrine religieuse, incorporé au droit maritime du pilotage anglais,
son fondement provenant du fait que personne ne pourrait dépendre de
deux employeurs à la fois, ne pouvant travailler à la fois pour
le compte d'une autorité portuaire, et pour le navire qu'il pilote :
« No man can serve two masters ».
Cette décision a, pour la jurisprudence anglaise, fait
directement devenir l'armateur comme employeur unique du pilote à partir
du moment où celui ci est monté à bord du navire. Le juge
a déclaré qu'une fois ce principe établi, un
employé ne pouvant prétendre avoir deux employeurs, écarte
la possibilité d'être aussi considéré comme
employé de son employeur général, c'est à dire le
CHA, le pilote devenant un employé, et un employé seulement de
l'armateur.
70 Source pilot mag N°293
71 La Bible Gospel / St Matthieu, Chapitre 6 verset
24
La court a finalement retenu que selon cette même
section 2 de la loi de 1987, l'autorité portuaire doit fournir un pilote
compétent mais n'est pas responsable du pilotage en lui même,
cette dernière responsabilité étant supportée par
le pilote lui même.
Ce statut de travailleur indépendant n'est pas unique
à l'Angleterre.
A ce propos, en Hollande, il est reconnu que tout faute
commise par une autorité administrative engage des indemnités, et
que cette obligation est reprise en droit privé pour les entreprises et
les personnes privées : « As far as damage concerned,
administrative autorities are subjected to the same rules as private persons
and companies72 ». La logique voudrait donc que l'organisation
du pilotage, qui est dans ce pays privatisée73, engage sa
responsabilité. Au contraire, en 2005, la cour du district de Rotterdam
a confirmée l'indépendance des pilotes après qu'un navire
en route de sortie pour le canal de la mer du Nord sous la supervision d'un
pilote, ait subie des dommages. Le propriétaire du navire a
exercé un recours auprès de Nederlands loddswezen B.V parce qu'il
avait commandé son pilote auprès de cette compagnie, mais la
court a retenu que, malgré l'existence de cette compagnie privée,
les pilotes agissent comme des professionnels « indépendants et
autonomes » mettant en jeu leur propre responsabilité pour tous
dommages qu'ils peuvent créer74.
Au sujet de cette indépendance, rappelons qu'en France,
la décision de la cour d'appel de Rouen dans l'affaire « Le Squire
C/ synd. Pilote de seine », considère le pilote comme une
personnalité indépendante, hors de tout lien de subordination vis
à vis du capitaine ; le pilote étant à la disposition du
capitaine, mais conservant son indépendance : il n'est ni un
subordonné, ni un préposé75.
Les pilotes européens exercent une fonction dont la
position est singulière et inhabituelle, et dont les
réglementations actuelles sur la question posent le principe de non
redevabilité envers un quelconque employeur. Les pilotes disposent d'une
indépendance de jugement professionnel absolument incompatible avec des
contraintes de résultats, faces aux engagements ou aux obligations
générales liées à l'obéissance qui serait
normalement due d'un employé envers son employeur.
72 C Goorden « Algemeen bestuursrecht compact
» 4 editie Elsevier Den Haag 2003 page 41/43.
73 Les pilotes Hollandais sont devenus des
professionnels indépendants, par privatisation en 1988.
74 Supreme court 04 février 2000, NJ 2000/429
Navire Solon
75 CA Rouen, 29 avril 1966, le squire C/synd. Pilote
de seine, Cie ch.Schiaffino et Enim, DMF 66, p426.
iii) La responsabiité de
l'État
Pour ce qui est de la responsabilité de l'État
dans des litiges liés à une activité de pilotage, il est
généralement reconnu que dans les pays d'Europe où
l'état agit comme organisateur du service, aucune recherche de
responsabilité contre celui-ci ne pourrait être retenue.
Cependant, un examen de la jurisprudence dans le domaine montre dans certains
pays une réelle évolution et d'importantes modifications
récentes de la loi.
En Espagne, avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992
sur la loi des ports et de la Marine Marchande, des demandeurs espagnols ont
obtenus gains de cause, et on réussit à ce que le jugement de la
court suprême considère finalement l'autorité portuaire
responsable des faits de négligence du pilote, tenant compte du fait que
les anciennes lois de 1958 sur le pilotage, maintenant remplacées par la
LPEMM de 1992 et par le Règlement Général du Pilotage du
1er mars 1996, faisaient référence à des pilotes
fonctionnaires d' État, et donc directement soumis à
l'autorité nationale du pays ( en Espagne, les lois de 1992 ont
réorganisé le pilotage, bâti maintenant sur le
modèle Français, Italien ou Hollandais, et engageant des pilotes
« self-employed, indépendants », organisés en
structures privées).
Auparavant, avant la modification de la loi espagnole, le
Belgique avait aussi retenu une décision marquante établissant la
responsabilité de l'État pour faute commise par ses pilotes dans
le cas du navire Ore Prince, dit cas de l'Escault76. Mais la loi a
connu en Belgique un revirement de situation important, car en effet, une loi a
été adoptée le 30 août 1988 afin de contrer les
effets de cette jurisprudence, loi qui a été modifiée en
2001 afin de supprimer son effet rétroactif. La cour de Cassation belge
mettant en cause la responsabilité de l'État, celle-ci pouvait
craindre les conséquences désastreuses d'une telle
décision pour les finances du pays, les législateurs ont
logiquement souhaité modifier la loi.
76 Cas de l'Escault DMF 1985, N°12 MS Ore Prince
Suite à la jurisprudence « Ore Prince », la
loi du 30 août 1988 a prévu que la responsabilité de
l'administration ne puisse plus être mise en cause. Elle dispose que
« l'organisateur d'un service de pilotage ne peut être rendu,
directement ou indirectement, responsable d'un dommage subi ou causé par
le navire piloté, lorsque ce dommage résulte d'une faute de
l'organisation elle-même ou d'un membre de son personnel agissant dans
l'exercice de ses fonctions, que cette faute consiste en un fait ou une
omission ».
En Espagne et en Belgique, bien que ces deux pays ne
possèdent pas le même statut du pilote, le premier étant de
type indépendant, proche du modèle français, le
deuxième étant fonctionnaire, ont tous deux subis
récemment une modification de leur réglementation afin
d'éviter des recours contre l'administration. Contrairement à
l'Angleterre, qui est un pays de tradition de droit du Common Law, l'Espagne et
la Belgique sont des pays de droit de tradition civiliste, qui accordent bien
plus d'importance à la loi qu'aux jurisprudences. Alors qu'outre-manche,
la création des principes juridiques est laissée aux tribunaux
par leurs décisions, les pays romano-germanique comme l'Espagne et la
Belgique ont préféré réviser la loi.
Le pilote ne devrait donc pas être
considéré comme un employé classique d'un service public.
En ce sens, cela s'applique aussi à ses responsabilités, il
supporte les responsabilités de son activité, au même sens
qu'une personne indépendante. Et, plus que tout, il convient aussi
d'ajouter que les parties qui subissent les dommages, les navires ou des tiers,
ne pourraient pas non plus être traitées de la même
manière qu'une victime classique d'un service publique77,
rappelant que ces personnes, disposent d'un droit maritime qui leur ait propre,
dont les risques sont couverts par des assurances, et qui peuvent à tout
moment invoquer des limitations de responsabilités, notamment, les
propriétaires des navires.
En Belgique la loi exonère complètement
l'État de toute responsabilité, car la loi insère un
article 3 bis dans l'ancienne loi, et institue le fait que :
77 Olivier De Schutter, Sébastien Van Drooghenbroeck,
extrait du livre page 440 droit international des droits de l'homme devant le
juge national, collection : les grands arrêts de la jurisprudence belge,
Arrêt N25/90, Pilotage des bâtiments de mer, modification
rétroactive des régimes de responsabilité, par Olivier De
Schutter,Sébastien Van Drooghenbroeck.
« L'organisateur de service pilotage ne peut
être rendu responsable, de quelque manière que ce soit, d'un
dommage subi ou causé par le navire piloté, lorsque ce dommage
résulte d'une faute :
a) de l'organisateur du service pilotage lui
même
b) d'un membre de son personnel agissant dans l'exercice de
ses fonctions, et peu importe que la faute consiste en un fait ou une omission
».
Par ailleurs, l'exemption de responsabilité de
l'État belge concerne aussi les dommages qui résultent «
d'une défaillance ou d'un vice des appareils destinés à
fournir des informations ou des directives aux bâtiments de mer ».
Dès lors, l'État est exempté de responsabilité en
cas de défaillance d'un service de guidage des navires par radars.
La Belgique est donc très largement exemptée de
toute responsabilité en cas de dommage intervenant au cours d'un
pilotage. Le législateur s'est évertué à mettre
à néant les effets pécuniaires de la jurisprudence Ore
prince.
Certains autres pays, dans lesquels le pilotage possède
un niveau important de gestion de l'État, prennent des dispositions
équivalentes. Au Danemark, aucune demande de réparation ne pourra
être demandée auprès du trésor public danois.
De la même manière, l'État Suédois,
selon le code ( Skadeståndslagen 1972:207) ne pourra pas être tenu
responsable pour faute ou négligence dans le pilotage, le pilote
étant considéré comme un employé temporaire de
l'armateur78.
78 Göteborg 19 aout 1998 ND 1998 Navire Birta
: En aout 1998, un pilote de canal, pilotant sur la rivière Gota a
été poursuivi parce qu'il n'avait pas emporté suffisamment
d'eau de refroidissement des moteurs dans les ballasts du navire, causant des
problèmes de propulsion et ayant failli causer une collision grave,
chronique de droit maritime suédois, 1998- 1999, par Hugo Tiberg.
L'incident fut classé sans appel, la cour ayant
jugé que cette obligation m'incombait pas au pilote, mais donc bien au
capitaine.
Peu de jurisprudence existant à ce sujet, il
paraît néanmoins incertain, alors que la plupart des pilotes
d'Europe sont considérés comme travailleurs indépendant le
temps de l'exécution du contrat, que de telles actions ne soient
engagées contre l'État, marquant une certaine impunité des
pouvoirs administratifs organisateurs de pilotage.
Cependant, en Norvège, même si la loi
établit clairement que l'État ne peut pas non plus être
tenu pour responsable d'une faute de l'un de ces pilotes79, une
jurisprudence récente est venu compléter ce principe, la
responsabilité de l'État étant recherchée pour
avoir fourni un pilote jugé pas assez qualifié par la court
suprême de Norvège80. Et selon Hugo
Tiberg81, de telle décision pourrait faire jurisprudence pour
la Suède aussi si une nouvelle affaire se présentait.
79 Ch 3 section 9 de la loi 1972 : 207 relative
à la responsabilité civile ( Skadeståndslagen)
80 Nordiske Domme ND 1972 page 93
81 Professeur émérite de
l'université de Göteborg, Droit des transports, et droit des
exportations.
B) Autres types de responsabilités
A propos des responsabilités civiles des pilotes eux
mêmes, deux cas peuvent se présenter. En effet, en cas de dommages
provoqués par un navire piloté, deux types de victimes pourraient
exercer un recours contre le pilote. Les tiers, tels que des
propriétaires de quais, d'appontements, de grue, ou bien d'autres
navires, ou toutes autres personnes qui n'est pas propriétaire du navire
piloté, chercheront à prouver les responsabilités du
navire piloté pour les dommages que celui-ci leur a fait subir. Ensuite,
dans le cadre du contrat de pilotage, l'armateur propriétaire du navire,
pourra, lui aussi, tenter une action en justice pour responsabilité
contractuelle contre le pilote pour les dommages que son navire a subi par
exemple, puisqu'elle résulte d'une « mauvaise »
exécution d'une convention, qui est le contrat de pilotage.
Tout d'abord, en France selon l'article 18 alinéa 1 de
la loi de 1969 le pilote n'est pas responsable envers les tiers des dommages
causés au cours des opérations de pilotage, et le pilote
« doit contribuer à la réparation dans ses rapports avec
l'armateur du navire piloté, dans la mesure où celui ci
établit que le dommage est du à une faute du pilote ».
Les tiers devront donc exercer un recours contre l'armateur du navire
piloté pour recouvrer leurs créances. En cas de sinistre au cours
d'une opération de pilotage, la loi du 3 janvier 1969 institue le
principe de la présomption de responsabilité à l'encontre
de l'armateur du navire piloté, c'est à dire qu'il appartient
à l'armateur d'établir la faute du pilote.
Après l'étude des différentes lois sur le
pilotage des principaux pays européens, cette doctrine de non
responsabilité des pilotes envers les tiers, bien qu'elle admette des
limites, notamment dans la qualification de faute du pilote, est
présente à peu près partout.
D'après F.Laffoucrière82, « en
Allemagne et en Italie comme en France, le pilote n'est pas responsable
civilement envers les tiers mais seulement envers l'armateur. Que ce soit en
Irlande, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce, au
Portugal ou au Danemark, le pilote est soit exonéré, soit il voit
sa responsabilité limitée », comme nous le verrons dans le
Chapitre II.
82 La responsabilité civile du pilote maritime,
mémoire de Master 2 Droit de la mer, Université des Affaires
Internationales, Le Havre, année 2006/2007 F.Laffoucrière.
Naturellement, celui qui crée un risque, ou un dommage
par l'utilisation d'une chose dont il a la garde, ou l'utilisation d'une
personne qu'il habilite pour, devrait en supporter les conséquences
pécuniaires en cas de sinistre.
Il est donc cohérent de penser que toute entreprise,
dont l'activité lui procure un certain avantage économique,
réparera les dommages qu'elle pourrait occasionner. De nos jours, dans
les cas de litiges financiers, les juristes ont d'avantage tendance à
penser aux réparations monétaires qui permettront de
dédommager les victimes, plutôt qu'à l'allégation
simple de la faute. Cette théorie du risques crée, et
développée par Saleilles et Josserand83, serait
difficilement applicable juridiquement aux pilotes européens, faisant
reposer des compensations financières considérables à des
personnes physiques qui ne pourrait pas les recouvrer.
Selon ce principe, le commettant, pour qui le
préposé, le pilote, exerce une activité, lui fournissant
ainsi des revenus, doit supporter les risques inhérents à cette
activité, dégageant totalement le pilote de responsabilité
vis à vis des tiers.
Or nous l'avons vu, il est de nos jours peu probable que la
responsabilité d'un organisateur de pilotage ou d'un État soit
recherchée, en raison de la qualification de travailleur
indépendant accordée à la profession. Les demandeurs
seraient alors tentés de rechercher les fautes du pilote lui même,
et d'exercer un recours contre lui. Plusieurs questions se sont posées
pour le législateur. Souhaitant évidement permettre aux tiers de
recouvrer les dépenses admises en réparations de dommages subis,
les juristes se sont vus opposer l'insolvabilité du pilote, le pilote
considéré alors comme personne physique.
Ensuite, nous l'avons vu, n'étant pas un
préposé de l'autorité organisatrice des services de
pilotage, pourrait il exister comme préposé du capitaine. A ce
sujet, F. Laffoucrière84, retiens qu'il ne semble pas
approprié de qualifier le pilote comme « préposé
de l'armateur, la qualification du lien juridique qui unit le pilote au
capitaine a fait l'objet d'hésitations et de nombreux revirements de
jurisprudence », et au sujet de la qualification du pilote vis
à vis du capitaine, « il est heureux que ce dernier ne soit pas
responsable à l'égard des tiers sous couvert de recherche
d'équité, cette responsabilité aurait pu avoir des
conséquences dommageables à la fois pour les tiers et pour
l'armateur».
83 Théorie du risque-profit
élaborée par la doctrine de la fin du XIXème siècle
par Labbé, Raymond Saleilles ou Louis Josserand. Elle consiste à
dire que celui qui tire profit d'une activité doit en supporter les
charges, englobant l'indemnisation des dommages qu'elle provoque.
84 La responsabilité civile du pilote maritime,
mémoire M2 Droit de la mer, Le Havre, année 2006/2007
F.Laffoucrière
Le pilote, dans de nombreux pays pourtant, est
considéré comme un employé temporaire de l'armateur. C'est
le cas notamment en Angleterre85, où le pilote est, depuis la
jurisprudence Cavendish, mais aussi au Portugal et en Italie, largement
traité comme un membre d'équipage momentané du navire.
L'armateur sera tenu pour responsable des pertes ou dommages causé par
son navire dans le cas de la négligence du pilote même dans le cas
d'un pilotage obligatoire, l'armateur retenant donc logiquement la
possibilité d'exercer alors un recours contre l'administration, dans le
cas d'un pilotage accomplie par des agents d'États, ou contre une
autorité portuaire en charge du service.
En Allemagne, les pilotes, comme leurs homologues, ne sont pas
non plus responsables des dommages envers les tiers sauf en cas de
négligence prouvée, c'est à dire qu'ils ne seront pas tenu
pour responsables des dommages, sauf dans le cas d'une négligence grave,
ou d'une conduite fautive volontaire86.
En Hollande, envers les tiers, l'armateur propriétaire
du navire peut être tenu pour responsable des dommages qu'il a
créé même si ceux ci proviennent d'une faute de pilotage,
erreur du pilote selon l'article 8/547 du code civil Hollandais. Aussi, le code
civil hollandais, insère et reprend la convention de Bruxelles, dans
l'article 8/547 en affirmant qu'en cas de collision, l'armateur du navire
fautif, donc son capitaine, reste responsable des dommages causés au
tiers , même dans le cas d'une faute du pilote et même si le
pilotage y est obligatoire. En Hollande, le recours de l'armateur pour ces
propres dommages et les dommages au tiers sont régis par l'article 3 de
la Dutch pilot act87, ce dernier énonce dans l'article 3 que
le pilote, s'il agit dans l'exercice des pouvoirs et des obligations
spécifiées à l'article 2, ne répond que des
dommages causés intentionnellement ou par négligence
grossière. Et cette doctrine est aussi reprise en droit suédois,
le pilote n'étant responsable personnellement des dommages qu'il
créé dans le cas d'une faute grave ou d'un acte volontaire.
85 En Angleterre, la section 16 du pilotage act de
1987 établit que : « le fait qu'un navire est en navigation dans
une zone où le pilotage est obligatoire ne devra pas remettre en cause
la responsabilité de son propriétaire ou capitaine pour toute
perte ou dommages causés directement par le navire ou par la
manière dont il est piloté. (Traduction)
86 Gross negligence and wilful misconduct, Sec. 21
Para 3 German Pilotage Act. «
87 « De loodsenwet »
Peu de cas de jurisprudence existe, pourtant, depuis le
jugement du 04 février 2000 dans le cas du navire Solon, la court
suprême des Pays Bas a retenu que la faute grave telle que décrite
dans l'article 3 de la Dutch Pilot Act ne sera retenue que si il peut
être établit que le pilote a agit volontairement ou avec
conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement.
En règle générale, les pilotes
européens sont donc très largement exemptés de
responsabilité, ou bien celle-ci se voit limitée et ils ne seront
généralement tenus pour responsable que pour des dommages
provenant d'une faute grave ou avec intention volontaire de la créer.
Cependant, la responsabilité du pilote pourrait
être trouvée par les tribunaux si le pilote, par l'ordre de barre
qu'il donne, se trouve à l'origine d'un dommage : en Italie, le 20
janvier 1994, le navire Zim Osaka88 pilote à bord, larguait
ses amarres au port de Gènes, assisté de deux remorqueurs ; la
manoeuvre étant effectuée en marche arrière puisque le
navire était accosté proue vers la terre. Nonobstant l'ordre de
faire « machine avant » donné, par le capitaine et le pilote (
le premier « en avant toute », le second « en avant lente
»), le navire heurta un bloc de ciment immergé de la digue,
subissant d'importants dommages sur son gouvernail. En 2003, le tribunal de
Gènes condamna solidairement un pilote et sa « Corporacion »,
définissant l'exercice du pilotage comme louage d'ouvrage, c'est
à dire comme un contrat par lequel une personne s'engage à faire
quelque chose pour une autre personne en lui laissant la jouissance
complète d'une chose pendant un certain temps. Pour le motif que le
contrat de pilotage peut être considéré comme un louage
d'ouvrage, le pilote ayant la jouissance du navire, donc la
responsabilité de la manoeuvre. Dans ce cas, le tribunal de gênes
a observé que la présence de blocs était connue du pilote,
constituant une faute du pilote ; les tribunaux italiens ont retenus ici le
fait que l'activité exercée par le pilote, même s'il
assiste professionnellement le capitaine n'est pas subordonnée à
ce dernier, mais serait complètement autonome.
88 Pilotage Italien / obligation de prendre le
pilote / manque de coordination entre le pilote et la capitaine du navire par
Georgio Berlingieri, paru dans la DMF N° 653 du 01/11/2004, chronique de
droit maritime italien, rubrique droit maritime étranger Le pilote a
été condamné solidairement avec sa corporacion, le
tribunal rappelant que le capitaine a l'obligation de recourir au pilotage
(code de la navigation italienne art 87, et que le capitaine a aussi
l'obligation de conduire personnellement son navire à l'entrée et
à la sortie du port., et en toute circonstance lorsque la manoeuvre est
difficile ( art 298 code la navigation Italienne
La doctrine est donc que le capitaine n'est investi d'aucune
autorité à l'égard du pilote. Nous l'avons vu, ce dernier
opère comme un conseiller seulement, lequel, en l'absence de lien de
subordination ne peut être considéré comme
préposé du capitaine. En revanche, si l'on se place du
côté du pilote, ses conseils peuvent être assimilés
à des ordres lorsque le capitaine les approuve. Lorsque le respect de
ces ordres aboutit à la réalisation d'un préjudice, la
« faute » du pilote en est à l'origine. Dès lors, la
responsabilité du pilote en Europe pourrait donc être
engagée.
Chapitre II) Limitation de responsabilité et
assurance
I) La limitation de responsabilité, solution
réaliste et justifiée
Le pilote maritime devait initialement réparer
l'intégralité du préjudice que sa faute a pu créer.
Nous l'avons vu, la responsabilité de l'État, organisateur, ou
garant des autorisations d'exercer, est peu retenue pour négligence ou
faute de l'un de ses pilotes. Et, considérant les tailles des navires,
et la marchandise qu'ils transportent, les montants des réparations sont
de plus en plus élevées.
De façon totalement exorbitante par rapport au droit
commun, une exception maritime, la convention LLMC 1976, sur la
responsabilité civile de l'armateur, introduite en droit
français, et ratifiée par la plupart des pays du continent
européen, donne la possibilité à l'armateur de limiter le
montant de sa responsabilité civile au regard de certaines
créances. Cette règle est l'héritière de celle sur
l'abandon du navire, et, d'après Pierre Bonassies, elle « est
certainement l'institution la plus originale du droit
maritime90».
Cette possibilité laissée à l'armateur
fut la source d'inspiration de la limitation de responsabilité civile
dont profitent aujourd'hui aussi les pilotes maritimes européens. En
effet, la responsabilité du pilote étant prouvée, ses
fautes établies, ce dernier pourra néanmoins profiter de la
possibilité de limiter le montant de sa réparation au civil.
En France, l'arrêt rendu par la cour de
cassation91 le 12 juin 1934 condamna un pilote à recouvrer
l'intégralité des dommages causés par le navire
piloté, créant beaucoup d'agitation au sein de la
communauté des pilotes
En France, les mécanismes de responsabilité
civile applicables au pilote sont maintenant posés par la loi du 03
janvier 1969, très favorable au pilote. Le cadre réglementaire de
1935 fut mis en place suite à l'échouement du navire Guitton. En
effet, le 02 février 1931, la Cour d'appel de Bordeaux92
condamna le pilote à réparer l'intégralité des
dommages causés par sa faute, pour avoir communiqué des
informations erronées au Capitaine, et dégageant ce dernier
totalement de responsabilité.
90 Scapel, p263§ 402 Bonassies
91 Gaz Pal 1934, 2, 402 cf. annexe 5 Bignault Louise
Adelaïde
92 Cour d'appel de Bordeaux, 2 février 1931,
navire: « Guiton », D.M.F. 1931, 105. La Cour condamne le pilote
à réparer l'intégralité des dommages causés
par sa faute lourde, et dégage la responsabilité du capitaine.
De ce fait, dès 1935 en France, et dès 1936 en
Angleterre, pour des raison objectives, le législateur souhaitant
très logiquement permettre aux victimes de recouvrer plus
aisément leur créances, le pilote disposant bien évidement
de ressources monétaires moindre par rapport à l'armateur du
navire piloté, ce dernier peut limiter sa responsabilité. Cette
possibilité est reprise aujourd'hui, en droit Français, par la
loi du 3 janvier 1969 disposant maintenant que :
« Tout pilote doit fournir un cautionnement
93.
Les modalités de ce cautionnement sont fixées par
décret, et sont application par les articles 20 à 23 de la loi
:
Art 21 loi du 3 janvier 69 : « Le pilote, par
l'abandon de ce cautionnement, peut s'affranchir de la responsabilité
civile résultant des articles précédents, sauf dans le cas
où la faute par lui, commise constitue une infraction à l'article
79 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. »
Cette possibilité réaliste et justifiée,
est offerte presque partout en Europe à cette profession à
risques en raison des préjudices monétaires importants pouvant
être entraînés par un pilotage ( pollution, abordage, heurt
avec un quai, échouement, destruction de cargaison, atteintes au domaine
public maritime, rupture d'amarrage) et dépassant largement les
capacités financières d'un pilote, sur la base que
l'étendue des dommages causés par erreur est si vaste qu'il
serait irréaliste de s'attendre à ce que le pilote puisse en
supporter la perte, ou même de faire face au coût de
l'assurance.
Cette spécificité est offerte au pilote en analogie
avec le régime du propriétaire du navire, qui profitent par
ailleurs d'assurances maritimes.
Jacques Bolopion rappelle que parmi les
caractéristiques communes à toutes les organisations
européennes de pilotage, ces dernières « comportent toujours
des aspects de service public et des limitations de
responsabilité94 ».
93 art 20 loi du 3 janv. 1969 L 69-8 du 3 janvier 1969
Relative à l'armement et aux ventes maritimes
94 Jacques BOLOPION, op. Cit.
Concrètement, les pilotes européens voient leur
responsabilité soit limitée jusqu'à un montant
défini, soit devront abandonner un cautionnement, prévu à
cet effet. Dans certains cas, le montant est défini pour un dommage ou
bien sera calculé au prorata de la jauge du navire.
En Angleterre, la « pilotage act » introduit
également la limitation de responsabilité mais sans cautionnement
ou exception possible. La responsabilité du pilote pour toute perte ou
dommage causé de son fait ou par négligence ne dépassera
pas 1,000 £ et le montant de la redevance du navire piloté à
l'instant dommageable95.
Aux mêmes fins, afin de ne pas faire supporter de trop
lourdes charges sur les pilotes en cas de dommages aux navires, comme dans les
autres pays d'Europe, et en vertu de l'article 2 de la loi de 1988, les pilotes
belges bénéficient d'une exemption de responsabilité. Ils
bénéficient d'une limitation de responsabilité,
jusqu'à 20.000 € par évènement dommageable, sauf dans
les cas où il y a une faute intentionnelle, ou de cas de
négligence grave.
En Espagne, l'article 24 du chapitre 6 de la loi du 1er mars
1996 traite la responsabilité civile du pilote maritime, celle-ci ne
pouvant dépasser la somme de deux milles ancien pesetas, soit 12 euros
par tonne de GT, ne dépassant pas un maximum 601 012 euros. Le pilote
espagnol sera « responsable des ses actes, causés au navire,
à son propriétaire, et au tiers, pour inexactitude, faute ou
omission, dans les conseils donnés, des caps ou des manoeuvres nautiques
nécessaires afin de veiller à la sécurité de la
navigation » (traduction). Dans tous les cas si un capitaine qui ne
tient pas compte des conseils du pilote, cela n'entrainera pas de
responsabilité du pilote.
La pilotage act Norvégienne n'introduit aucune notion de
montant de limitation de responsabilité civile.
De manière générale, un dommage
créé à la suite d'une activité ouvre droit aux
victimes à réparations intégrales pour les dommages subis
et cette solution semble tout à fait raisonnable, augmentant de ce fait
la position des réclamants, sans se faire opposer l'insolvabilité
du pilote.
95 UK pilotage act 1987 part II sec 22
Par ailleurs, dans certains pays comme l'Allemagne, le pilote
est exempté de responsabilité sauf dans les cas prouvé
d'actes intentionnels, ou de négligence lourde. En
Allemagne96, la responsabilité du pilote est limitée
à ces deux cas, permettant une exemption du pilote, et là aussi
il appartient à l'armateur de prouvé l'absence d'agissement
volontaire du pilote. Il n'existe donc pas de montant de limitation en
Allemagne, le pilote pourrait donc se trouver confronté à de
lourdes réparations monétaires, si l'armateur parvient à
prouver une négligence. Dans le cas contraire, l'armateur, et/ou ses
commettants doivent supporter les compensations financière envers les
tiers.
Aussi ce système est retrouvé au Portugal, ainsi
qu'au Pays-Bas, les pilotes étant fonctionnaires d'états. En
effet, actuellement les pilotes portugais ne disposent pas pour le moment de
limitation de responsabilité civile, à cause du changement
récent des nouvelles lois des ports, « Lei dos Portos ». Ils
sont employés par l'administration portuaire, et, bien qu'il n'existe
pas de jurisprudence en droit portugais, dans ce domaine, leur
responsabilité sera couverte, en théorie, par cette
dernière.
En Norvège, le pilote n'a pas d'autorité reconnue,
et aucune responsabilité ne pourrait lui être reconnue vis
à vis des tiers.
Au Pays Bas, le système de responsabilité civile
des pilotes est régit par le Dutch Pilot Act («Loodsenwet»),
articles 2 et 3, et il n'existe pas non plus de limitation de
responsabilité. L'article 3 dispose que « dans
l'accomplissement des tâches de pilotage, le pilote autorisé peut
être tenu pour responsable des dommages qui ont été
causés par un acte intentionnel ou une négligence
grave». La faute du pilote, ou la négligence grave du pilote,
gross negligence est une notion difficile à évaluer. Elle fut
néanmoins retenue dans le cas du navire « Solon » dans un
arrêt de la Cour Suprême du 4 février 2000 ( NJ 2000/429
Solon), la cour retenant qu'il est nécessaire de prouver que le pilote a
agit avec l'intention de provoquer un dommage, ou avec imprudence et avec
conscience qu'un dommage en résulterait probablement.
Comme l'écrit Jacques Truau, dans les annales de l'IMTM
1989, la volonté du législateur a semble t-elle été
guidé par le fait que la mise en application de tel jugement aurait
conduit les pilotes à souscrire à des assurances
responsabilité civile pour couvrir les effets de leurs actes,
très onéreuses conduisant inévitablement une augmentation
des redevances de pilotages.
96 Sec. 21 para 3 German Pilotage Act.
Il existe en Europe des cas où les pilotes peuvent
s'exempter de responsabilités par exemple dans les cas où les
capitaines du navire piloté refuse de suivre les instructions du pilote
et que, par conséquent, le navire subis des dommages, la
responsabilité civile du pilote ne pourra être
recherchée.
Pour conclure, les justifications de la limitation de
responsabilité et des exemptions accordées aux pilotes prennent
leur source dans le fait que le pilote a un rôle de conseiller du
capitaine, et valorisent aussi la position des demandeurs; cette solution
semble être la plus réaliste, tenant compte des ressources
financières limitées d'un pilote.
Cette possibilité de limiter sa responsabilité,
n'emporte pas reconnaissance de responsabilité, mais ne fait
qu'atténuer la portée des préjudices monétaires. Il
est donc une fausse idée que de penser que les pilotes ne supportent
aucune responsabilité. Les pilotes Européens restent responsable
civilement des actes commis intentionnellement ou avec conscience qu'un tel
dommage en résulterait, ou en cas de négligence de leur part. On
rencontre toujours, soit une exemption de responsabilité soit une
limitation, mais cette limite est parfois tellement haute que les pilotes
doivent s'assurer, comme en Italie, ou en Espagne.
II) Les assurances responsabilité civile
Pour des raisons évidentes, le pilote étant une
personne physique à ressources personnelles financières
limitées, nous avons vu que la responsabilité des pilotes,
à l'échelle européenne, était soit limitée
soit ils sont exemptés de responsabilité envers les tiers et
l'armateur. Cependant, selon le rapport Rh & H Consult Report de 1995, les
limites peuvent être tellement importantes, comme en Espagne ou en
Italie, que les pilotes doivent s'assurer.
En conséquence, lors d'un événement le
contact direct entre les pilotes et les assureurs est un
événement assez rare.
En Italie, par exemple, ces dernières années
plusieurs incidents engageant la responsabilité des pilotes, les ont
conduits à posséder leur propre assurance. Ceux-ci sont
assurés par le Lloyds de London, à hauteur de 500 000 euros par
évènement dommageable.
D'autre part, certains pays obligent aujourd'hui leurs pilotes
à être assurés civilement pour avoir le droit d'exercer.
C'est le cas notamment au Danemark: les fournisseurs de service de pilotage
sont enregistrés sur un registre tenu par la « Danish Pilotage
Authority » et ils doivent remplir certaines conditions pour y être
enregistré en tant que compagnie de pilotage97:
1) être domicilié dans un pays membre de
l'Union Européenne ou de l'Espace Économique Européen
;
2) avoir souscrit une police d'assurance dommages couvrant
civilement les pilotes
3) ne pas avoir de dette impayée envers l'État
(DKK 50.000 ou plus).
L'autorisation d'exercer du fournisseur de service de pilotage
peut être supprimé du registre s'il ne remplit plus les conditions
pour être inscrit ou s'il n'a pas respecté ses obligations
(notamment concernant la souscription d'assurance).
Dans certaines juridictions où les pilotes n'ont pas
d'immunité reconnue envers leur responsabilité, une assurance
responsabilité civile peut être un moyen de protéger le
pilote. Et, les pilotes qui ne souscrivent pas aux assurances pourraient se
voir exposer potentiellement à de grosses et ruineuses contraintes en
cas d'évènements dommageables.
97 Danish Pilotage act section 24 part 11 subsection
6
Néanmoins, dans certains pays comme au Portugal, il
n'existe pas d'assurance souscrite individuellement par les pilotes. La
responsabilité des pilotes est couverte par leur employeur, ceux ci
étant considérées comme fonctionnaires de l'État.
Au Portugal, la situation actuelle est due à la publication de la
nouvelle loi «Lei dos Portos». Les pilotes Portugais n'ont pas de
limitation ni d'assurance, c'est l'autorité du port qui couvre leur
responsabilité civile.
En outre, il existe déjà, grâce à
l'action des P&I, des assurances de responsabilité couvrant les
dommages au tiers, les dommages pour pollution, les frais d'assistance, et les
blessures personnelles aux équipages. Or ces assurances ne couvrent pas
le pilote, et ne couvrent pas non plus les frais de recours, ou les frais
engagés suite à des sanctions disciplinaires qu'il pourrait se
voir infliger, ni les pertes de salaires causées par des sanctions, ou
par la perte de sa licence, donc de son travail. Il existe donc des assureurs
privés qui se sont spécialisés dans le domaine de
l'assurance pour responsabilité personnelle du pilote, et pour les
accidents du travail des pilotes.
Par exemple, en Angleterre, pour être membre de
l'Association Nationale des Pilotes, la UKMPA oblige à souscrire
à une assurance annuelle qui inclue une couverture responsabilité
civile et perte de salaire ( voir en annexe 4 les détails de la
couverture d'assurance).
Il existe plusieurs type de police d'assurance des pilotes
couvrant civilement98, l'une est fourni par la Royal & Sun
alliance en Angleterre, l'un des plus gros assureurs du monde, et est unique
sur le marché de l'assurance en Angleterre, car elle couvre les pertes
de salaires survenant à la suite d'un incident de pilotage, et tous les
couts légaux, qui peuvent survenir le temps de récupérer
le licence de pilotage, et la troisième partie de cette police couvre en
général les plaintes de tiers.
Par ailleurs, il peut exister une police de couverture
optionnelle, couvrant pour les accidents corporels.
Le problème de ces assurances est qu'elles augmentent
de ce fait les coûts du pilotage, se faisant ressentir sur les armateurs.
La meilleure des solutions serait certainement qu'ils supportent ces frais avec
les P&I.
98 Pilot mag N°294
En France, pour Frédéric Moncany,
Président de la fédération française des pilotes
maritimes, « les compagnies d'assurance rencontrent des difficultés
à évaluer le montant des primes d'assurances, dans une profession
ou la sinistrabilité est faible mais les coûts d'un sinistre
élevé [...], les assurances proposent donc des primes dont le
montant nous parait trop élevées ».
Cette situation de l'assurance responsabilité pourrait
faire prendre à tous les pilotes une assurance onéreuse pour
couvrir ces risques et répercuter ces coûts sur les tarifs de
pilotage, proposé aux armateurs. Et, pour le moment, comme de coutume
dans le domaine maritime, le juriste prenant en compte le danger
inhérent au pilotage l'utilisation de la limitation de
responsabilité y prend toute sa crédibilité.
Conclusion
En conclusion, les pilotes Européens ont très
largement des statuts d'agents qui remplissent un service public obligatoire,
et contribuent à la protection des intérêts
généraux des États.
Leur exercice s'organise autour de structures corporatives ou
associatives, qui ont su parfaitement se moderniser, délaissant
certaines anciennes gérances militaires rigides, la
réglementation s'adaptant aux nouvelles contraintes imposées par
l'augmentation du trafic commercial au cours de ce siècle, laissant
d'avantage de liberté aux organisateurs et réalisateurs du
service. Les pilotes sont regroupés, soit de manière totalement
privée, en société, soit ils travaillent
indépendamment, se regroupant en partenariat, soit ils sont
fonctionnaires d'États, mais profitent globalement d'un monopole
consacré par l'Europe, tenant compte des exigences du secteur maritime,
et du fait que profit et concurrence acharnés ne pourraient permettre
d'assurer une qualité de service et de sécurité
suffisant.
Pourtant leur activité se trouve toujours sous le
contrôle gouvernemental en ce qui concerne la délivrance des
brevets, le contrôle des aptitudes, ou la fixation des tarifs.
Malgré ces différences structurelles, les
pilotes maritimes européens ont des objectifs communs: le maintien de la
sécurité de la navigation, et la protection environnementale ; et
d'après Fréderic Moncany, Président de la
Fédération Française des Pilotes Maritimes, « se
veulent avant tout les serviteurs de l'État en mer ».
Cette activité n'est cependant pas sans risque, pouvant
engendrer des dommages aux biens, aux personnes, à l'environnement.
Le Commandant étant la personne en charge du navire, le
pilote Européen remplit sa fonction de conseiller du capitaine, et
supporte durant cette activité sa propre responsabilité civile en
cas de dommage au navire, ou aux tiers. La base des questions de
responsabilité du pilote en Europe prend en considération la
faute du pilote, ou sa négligence mais la preuve de la faute appartient
très largement à la personne qui attribuera les
conséquences juridiques du dommage.
Cependant, les exercices en recours contre les pilotes sont
souvent inefficaces, car les pilotes n'ont pas les ressources
financières suffisantes pour permettre aux victimes de recouvrer leurs
dommages, et leurs conséquences. De ce fait, les poursuites sont le plus
souvent intentées contre les
sociétés qui emploient les pilotes, contre
l'État, ou contre l'armateur qui a utilisé les services d'un
pilote.
A l'instar de la possibilité offerte par la Convention
LLMC 76, exception du droit maritime, donnant le droit aux responsables d'un
fait dommageable de limiter leur responsabilité par la constitution d'un
fond de limitation, les pilotes européens peuvent limiter leur
responsabilité civile à hauteur d'un montant
prédéfini, ou d'une caution abandonnée, sauf en cas de
faute prouvée, ou d'un acte commis témérairement.
Mais dans certains pays, lorsque la limitation de
responsabilité est très haute, les pilotes s'assurent. Le
problème est que la couverture civile des pilotes coûte cher, et
augmente de ce fait les coûts de pilotage.
Moins d'argent serait certainement dépensé si
les P&I, agissant initialement pour le compte des armateurs, pouvaient
couvrir et prendre en charge individuellement, la responsabilité civile
des pilotes, ou bien si les polices d'assurance maritime étaient
modifiées pour prévoir des dispositions particulières
à l'erreur de pilotage, ou bien encore, peut être qu'un jour une
convention de l'OMI distincte sera t-elle rédigée pour tenter de
régler la situation.