C. Les Etats modernes
La Guerre de Trente ans (1618-1648) marqua l'apogée de
l'emploi des mercenaires. Devant le nombre de mercenaires employés dans
ce conflit et la masse de pertes subies, les gouvernements réagissent.
Le traité de Westphalie de 1648 vint mettre un terme au conflit et
favorisa l'avènement de l'Etat-Nation et de la notion du contrat social.
L'idée du peuple en arme se développe, atténuant
progressivement l'emploi de milices privées. Ainsi, les armées
nationales se développent massivement. En France, le cheminement est
plus long ; les mercenaires demeurent la norme dans les armées du Roy.
Le Duc de Choiseul, ministre de la Guerre de Louis XV, tenait se discours au
sujet du mercenaire : « L'acquisition d'un soldat étranger
équivaut à trois hommes : celui qu'on achète, celui qu'on
empêche l'ennemi
19 ROSI Jean-Didier, PRIVATISATION DE LA VIOLENCE,
Des mercenaires aux Sociétés militaires et de
sécurité privées, Paris, Editions L'Harmattan, 2009,
281 pages, p.28.
20 MACHIAVEL Nicolas, Le Prince, Chapitre XII :
Combien de sortes d'armées il y a, et des soldats mercenaires,
Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1980, p.141.
21 Albrecht Wenzel Eusebius von Wallenstein ou
Waldstein, né le24 septembre 1583 et mort le 25 février 1634, est
un homme de guerre de la noblesse tchèque. Il a été le
plus fameux condottiere au service de l'Empire pendant la guerre de Trente Ans,
devenu généralissime des armées impériales, duc de
Friedland et de Mecklembourg.
d'acheter et le Français que l'on conserve à
l'agriculture22. » En France, il faudra attendre la
révolution pour que la nation se consacre à son armée et
que le peuple tout entier soutienne l'effort de guerre. Au
XIXème siècle, le mercenaire perd
définitivement de son prestige et de son utilité. Il faudra
attendre les conflits post-coloniaux pour voir réapparaître
massivement le mercenariat. La notion de souveraineté de l'Etat a ainsi
supprimé le recours au mercenaire. Au XIXème
siècle, le soldat idéologique remplace le mercenaire. On se bat
à présent pour des idées, pour la défense de
valeurs et d'un pays, non plus par cupidité. Céline (voyage au
bout de la nuit).
D. Cas particulier de la Légion
Etrangère.
Créée en 1831 par Louis-Philippe, la
Légion Etrangère permet à la France d'augmenter
substantiellement ses capacités militaires, défensives et
offensives. Une seule restriction d'emploi est posée, ces forces
supplétives ne peuvent être engagées qu'en dehors de la
métropole. La Légion Etrangère est engagée pour la
première fois en Algérie en 1831 afin de mater l'insurrection (la
France venait d'annexer l'Algérie fin 1830). Cette troupe aguerrie se
bâti rapidement une réputation à la hauteur de son courage
et de son dévouement à la France. La Légion est
engagée une unique fois sur le territoire métropolitain en 1870,
alors que la France est en grande difficulté face à la Prusse.
Les légionnaires furent rapatriés d'Algérie puis
intégrés à l'armée française jusqu'à
l'armistice général de 187123. Le cas de la
Légion Etrangère pose un problème fondamental dans notre
cas d'étude. A la question : la Légion estelle une force
mercenaire ? Il ne peut y avoir de réponse tranchée. En effet,
tout dépend de la définition donnée au mercenaire. De nos
jours, les régiments « étrangers » sont une composante
de l'armée de terre française. Ces régiments sont sous
commandement opérationnel des brigades de l'armée de terre et
sont gérés par le Commandement des Forces Terrestres de la
même manière que les autres régiments français.
Toutefois, il existe un commandement de la Légion Etrangère
(...). En outre, les drapeaux de la Légion Etrangère arborent la
devise « Honneur et Fidélité », différente de la
devise « Honneur et Patrie » brodée sur tous les
régiments de la « régulière ». Il est
légitime de s'interroger sur le sens à donner à cette
devise. A qui la Légion est-elle fidèle ? A la France ? Les
légionnaires sont fidèles à leurs chefs. Ces chefs sont
des officiers français fidèles à la République
française. De manière
22 CHAPLEAU Ph. Ibid. p.33.
23 ROSI, J-D, Ibid. pp 41, 42.
purement logique, les légionnaires sont par
conséquent fidèles à la France. Mais, au sens des
principes républicains énoncés par Marat, à savoir
que la République est indivisible, la Légion peut
être considérée comme une force mercenaire,
détachée de la République et de la Nation. Toutefois, son
étroit contrôle par le politique et les efforts
d'intégrations consentis ont fortement atténué le
passé mercenaire de la Légion Etrangère.
Comme nous venons de le voir, le mercenariat a pris naissance
dans l'Antiquité. D'une force d'appoint, cette pratique a lentement
évolué en activité commerciale lucrative jusqu'à
devenir une norme dans les pays européens. Profondément
ancré en Europe à partir du XVIème
siècle, son emploi s'estompe progressivement avec les Lumières et
l'avènement de l'Etat-Nation.
En sommeil au XIXème siècle, le
mercenariat connaît un essor à partir des années 1960.
L'essor des « chiens de guerre »
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