B. L'entrepreneur à travers l'histoire
économique.
Dans une thèse de doctorat des Sciences de gestion,
Kamavuako-Diwavova Justin illustre les différentes formes
d'entrepreneuriat à travers les théories économiques. Au
XVIIème et XVIIIème siècle, l'activité
économique est essentiellement dominée par les marchands et les
commerçants. Ce sont les grandes compagnies de commerce qui se
développent avec les colonies et les comptoirs coloniaux.
L'entrepreneur est un parfait négociant qui tient les
marchés et l'entrepreneuriat se réduit au seul comportement qui
consiste à faire naître le profit de l'échange des
produits et de la circulation de la monnaie : c'est le «
capitalisme marchand ». Dans cette phase du développement
économique, l'entrepreneur (donc le commerçant) est un
preneur de risque car il engage ses capitaux dans un métier
où les achats se font à des prix certains mais les ventes, les
recettes, donc le profit sont par contre aléatoires.
L'évaluation de l'état de marché (savoir fixer
les prix convenables pour ses marchandises et acceptés par les
acheteurs) constitue dans ce contexte un acte essentiel de l'entrepreneur
(Cantillon, 1755 cité par Tounes, 2004).
A côté des marchands, Jean-Baptiste Say
théorise au début du XIXème siècle l'entrepreneur
industriel. Celui-ci réunit et harmonise les facteurs de production pour
créer pour son compte, à son profit et à ses risques un
produit quelconque : « c'est le capitalisme industriel ».
Dans la pensée de Say (1803), diriger et organiser d'une
part,
prendre des risques, d'autre part, sont les deux
traits les plus caractéristiques de l'activité de
l'entrepreneur. En distinguant marchandises et richesses, il souligne que
la production (l'activité de l'ingénieur-entrepreneur)
est avant tout création des richesses, donc d'utilité et soutient
que le bien-être d'un pays repose sur sa population active et sur le
dynamisme de ses entrepreneurs.
Avec l'industrialisation et avant la crise des années
1970, on observe une diminution progressive et relative, du degré de
maîtrise de l'entrepreneur sur son outil de production et son
système de distribution, lesquels dépendent, dans une large
mesure, des données techniques et de l'évolution rapide des
marchés. « Le développement du capitalisme s'appuie sur le
mythe de la grande entreprise, hiérarchisée,
bénéficiant des avantages liés à la grande
dimension (les économies d'échelle) et à la
diversification des activités (les économies d'envergure) »
(Julien et Marchesnay, 1996, p. 9). Dans un tel contexte, il vaut mieux que les
entreprises existantes croissent, plutôt que de créer de nouvelles
entreprises. Le centre d'intérêt et d'étude se
déplace, en conséquence, de l'entrepreneur vers l'entreprise.
S'ouvre alors, l'ère des managers qui supplantent progressivement les
entrepreneurs individuels : « c'est le capitalisme managérial
». La petite entreprise subsiste, mais elle est
présentée très souvent comme un sous-traitant ou
un partenaire de la grande entreprise industrielle et
financière.
La crise des années 1970 a conduit à renverser
petit à petit la proportion pour mettre au premier plan l'importance de
la création d'entreprise. Cette position correspond à la
nécessité de trouver de nouveaux emplois, essentiellement dans
les services, pour remplacer les emplois disparus (dans l'agriculture et dans
l'industrie), mais aussi pour répondre à des technologies
nouvelles et des besoins nouveaux. « On a donc vu apparaître des
politiques industrielles, pratiquement dans tous les pays du monde,
axées sur la promotion d'entreprises nouvelles ou de petites tailles,
à l'aide d'incitations financières et fiscales, de soutiens
matériels et technologiques, pour l'essentiel ». L'entrepreneur
devient donc le personnage-clé de la dynamique capitaliste dans la
mesure où il assume les risques inhérents au fonctionnement du
marché : « c'est le capitalisme entrepreneurial ».
« De nos jours, l'entrepreneuriat dépasse le simple
phénomène de mode. Au-delà de la seule observation des
pratiques de gestion
individuelle d'unités de petite taille, force est de
constater l'émergence d'une société et d'une
économie entrepreneuriales, suscitant l'attention des politiques, en
termes notamment de dispositions législatives destinées à
accompagner, puis à encourager la création d'entreprises »
(Hernandez et Marchesnay, 2008, p. 83-84)7.
Au regard des analyses précédentes, de
l'observation de la société sénégalaise, et
à travers les niches investies par les entrepreneurs qui sont entre
autres, les activités artisanales liées à la
transformation, la préparation et la distribution des produits
alimentaires, les services, il apparaît que les différentes formes
d'entrepreneuriat jadis évoquées sont d'actualité au
Sénégal. Il s'est développé même d'autres
dimensions de l'entrepreneuriat dans les pays du tiers monde en réponse
au contexte économique difficile dont la vitalité et le dynamise
dans le processus de développement méritent une grande
attention.
Ce qui nous amène à examiner le poids de
l'entrepreneuriat dans ce que nous avons coutume de désigner par les
secteurs formel et informel.
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