Section 2. LA COOPERATION DANS LE CADRE DES POURSUITES
DES CRIMES DEVANT LA CPI
Il importe de souligner que l'effectivité des
activités de la Cour Pénale Internationale nécessite une
coopération. Il s'agit, notamment de la coopération entre la CPI
et les Etats ; et de la coopération entre la CPI et les Organisations
Non Gouvernementales.
§1. LA NECESSAIRE COOPERATION ENTRE LES ETATS ET LA
CPI DANS LE CADRE DES ENQUETES
La mise en oeuvre des décisions de la Cour, parmi
lesquelles en premier lieu l'exécution des mandats d'arrêt,
requiert ainsi un soutien et une coopération importante des Etats. Cette
coopération prévue par le Statut de la CPI implique non seulement
l'arrestation et la remise de suspects, mais également le soutien dans
l'accès aux informations, le rassemblement de preuves, la protection de
témoins...
Les enquêtes de la cour pénale internationales ne
peuvent se réaliser effectivement que si les Etats acceptent de
coopérer avec elle.
Dans le même angle d'idée, nous allons passer en
revue certains contextes dans lesquels les Etats peuvent coopérer avec
la CPI, dans le cadre de la répression des crimes relevant de sa
compétence ainsi que les exceptions liées au principe de la
coopération entre les Etats et la CPI.
A. Les cadres ou les moyens d'expression de la
coopération entre les
Etats et la CPI
La Cour pénale internationale a besoin de la
coopération des Etats pour mener bien ses enquêtes et poursuites
judiciaires contre les auteurs des crimes internationaux. Elle ne dispose, en
propre, de forces de police lui permettant une totale autonomie dans ses
fonctions. C'est pourquoi le Statut de la Cour consacre un chapitre(Chapitre
IX) à cette nécessaire coopération des Etats à son
action, en prévoyant, à l'article 86 intitulé «
obligation générale de coopérer »
que les Etats Parties coopèrent pleinement avec la Cour dans
les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant
de sa compétence.
Cette obligation générale nécessitera,
pour les Etats parties, d'adapter leur législation
nationale afin de pouvoir répondre aux demandes de
coopération formulées par la Cour (article 88), et en particulier
de prévoir dans leurs législations pénales,
l'incrimination et l'imprescriptibilité des crimes relevant de la
compétence de la CPI.
Les formes que revêt cette coopération sont
variées et s'apparentent en bien des points au contenu des
coopérations judiciaires en matière pénale,
instaurées soit dans le cadre d'accords bilatéraux, soit en
application de conventions internationales. Le Statut précise ainsi que
les demandes de coopération lancées par la Cour pénale
internationale aux Etats peuvent viser l'arrestation et la remise de
personnes, ou encore l'autorisation de transit sur
leur territoire d'une personne transférée à la Cour. Ces
demandes peuvent également être liées aux
enquêtes et aux poursuites menées par la Cour et
concerner l'identification d'une personne, le rassemblement de preuves
ou l'interrogatoire de personnes poursuivies, le transfèrement
temporaire d'un détenu pour recueillir son témoignage, etc. D'une
façon Claire, il ressort que les Etats peuvent coopérer avec la
CPI dans les hypothèses suivantes10 :
v' En cas d'arrestation ou de remise de la personne
inculpée
Un Etat qui reçoit une demande d'arrestation ou de
remise prend des mesures immédiates pour faire arrêter la personne
ou livrer la personne recherchée par la cour.
10 CNC-CPI, « s'engager ensemble pour la Cour
Pénale Internationale », PP26-27
S'agissant de l'arrestation, l'Etat à qui la demande a
été faite, transfert la personne à l'autorité
judiciaire compétente pour déterminer la régularité
de l'arrestation.
Pendant la privation de liberté, on doit respecter les
droits du détenu, lequel peut même bénéficier de la
liberté provisoire.
La remise de la personne arrêtée à la cour
diffère de l'extradition, laquelle est le fait du traité. Les
Etats parties ont donc l'obligation de remettre la personne
arrêtée en application du statut, qu'en bien même elle
serait leur ressortissante.
Les Etats sont ainsi invités à alléger,
à simplifier les procédures nationales d'arrestation et de remise
pour permettre à la CPI de procéder à, des enquêtes
et poursuites en toute diligence et sans lenteur.
A chaque étape de la procédure, les
autorités judiciaires et de police doivent respecter les droits de la
personne arrêtée.
En cas des demandes concurrentes, l'une émanant de la
CPI, l'autre d'un Etat en vertu d'un traité d'extradition, la
priorité sera accordée à la demande de la CPI si l'Etat
requérant est partie au statut de Rome. Il en sera de même si
l'Etat requérant n'est pas partie au statut de Rome ou si l'Etat requis
n'a aucune obligation internationale d'extrader la personne
recherchée.
En somme, il faut d'emblée souligner que le statut de
Rome portant création de la Cour Pénale internationale a
préféré utiliser la terminologie « remise » que
l l'expression ou le vocable « Transfert ». Dans le contexte de notre
étude, nous devons faire remarquer qu'il n'existe pas une nette
différence entre les deux vocables : la remise et le transfert. En
effet, le transfert est la procédure par laquelle une juridiction
pénale internationale se fait remettre par un Etat une personne qu'elle
souhaite voire comparaitre devant elle.11
Par ailleurs, la différence qui reste importante
à souligner est celle qui existe entre la remise et l'extradition.
A la lumière du Statut de Rome, spécialement, aux
termes de l'article 102, il ressort que la remise est le fait pour un Etat
de livrer une personne à la cour en application
11 H. ASCENSO, E. DECAUX, et A. PELLET, Droit
international pénal, Paris, Ed. A. PEDONE, 2000, 969 P.
du présent statut, l'extradition quant à elle,
c'est le fait pour un Etat de livrer une personne à un autre Etat en
application d'un traité, d'une convention, ou de la législation
nationale.
Comme nous venons de le signaler, nous allons, dans le cadre
de la présente étude nous atteler sur la remise ou transfert
entendu, ici, comme une relation qui ne lie pas les Etats entre eux
(extradition), mais qui soumet des Etats aux demandes d'une juridiction
pénale internationale, à l'occurrence la cour Pénale
Internationale.
Nous allons ainsi examiner, dans les lignes qui suivent, la
question de savoir par qui l'émission de la demande de transfert ou de
la remise doit être faite, en suite, nous chercherons à comprendre
comment la demande de transfert ou de remise doit se faire. Tout ceci nous
renvoie, effectivement, à la notion de la coopération entre le
Etats et la Cour Pénale Internationale.
a. Qui doit émettre la demande de transfert ou de
remise ?
A cette question, il nous revient de préciser quel est
l'organe compétent, au sein de la Cour Pénale Internationale, qui
doit en principe émettre la demande de transfert d'une personne mise en
cause, c'est-à- dire d'une personne présumée être
responsable d'un ou des crimes internationaux relevant de la compétence
de la CPI.
Pour la Cour Pénale Internationale, la
compétence d'émettre la demande de transfert est partagée.
C'est au procureur qu'il revient de prendre l'initiative d'une requête
tendant à la remise d'une personne à la CPI, mais c'est aux juges
d'en décider.
L'article 58 du Statut de Rome prévoit, à ce
sujet, qu'à tout moment après l'ouverture d'une enquête, la
chambre préliminaire délivre, sur requête du procureur, un
mandat d'arrêt contre une personne si, après examen de la
requête ou des éléments de preuve ou autres renseignements
fournis par le procureur, elle est convaincue :
+ Qu'il ya des motifs raisonnables de croire que cette
personne a commis le crime relevant de la compétence de la cour ; et
+ Que l'arrestation de cette personne apparaît
nécessaire pour garantir :
· Que la personne comparaitra ;
· Qu'elle ne fera pas obstacle à l'enquête
ou à la procédure devant la cour, ni n'en compromettra le
déroulement ; ou le cas échéant, qu'elle ne poursuivra pas
l'exécution du
crime dont il s'agit ou d'un crime connexe relevant de la
compétence de la Cour et se produisant dans les mêmes
circonstances.
b. comment doit se faire la demande de transfert
?
La demande de transfert obéit à certaines
règles de fond et de forme. Sur le fond, la requête ne peut
être sollicitée par le procureur que dans l'hypothèse
où il estime avoir à sa possession suffisamment
d'éléments à charge pour justifier la comparution d'une
personne.12
Formellement, la demande de transfert se traduira par une
requête écrite aux d'arrestation ou de remise. En sus, la
requête aux fins de transfert, accompagnée de la demande
d'arrestation, contient un certain nombre d'élément qui doivent
permettre l'identification et la localisation de la personne
recherchée.13Les dispositions de l'article 91 du Statut de
Rome indiquent clairement le contenu de la demande d'arrestation.
Parmi ces éléments, il ya lieu de dégager
certains:
v' En cas de transit des personnes remises à la
CPI à travers le territoire d'un Etat
Les Etats parties doivent autoriser le transport, en cas
d'atterrissage imprévu par exemple sur leur territoire d'une personne
remise à la cour.
Pendant son séjour sur ce territoire, l'Etat de transit
garde le détenu (art.89).
v' En cas d'assistance et coopération des Etats
dans les enquêtes initiées par la CPI
Les Etats parties doivent accéder, sauf
hypothèse prévue à l'article 72 sur la protection de la
sécurité nationale, aux demandes d'assistance et de
coopération avec des enquêtes et les poursuites que mène la
CPI.
A ce titre, un Etat peut être prié de fournir des
informations, de la documentation et même des preuves à la
cour. La cour peut par exemple demander à un Etat d'identifier
l'emplacement des biens à saisir, de recueillir les preuves (recevoir
une
12 H. ASCENSO, E. DECAUX, et A. PELLET, Op. Cit.
P971.
13 Idem, P972
déposition, procéder aux expertises,...) ou de
transmettre de type de document ou des dossiers...
La cour peut, dans le même cas, demander à l'Etat
de procéder au transfèrement temporaire d'une personne
détenue, prendre les mesures nécessaires pour protéger les
victimes et les témoins, etc.
L'Etat peut être sollicité à exécuter
les mandats, des ordonnances, des jugements de la CPI.
L'Etat doit permettre au procureur de la CPI d'enquêter
sur son territoire. Le procureur pourra entendre les témoins sur le
territoire d'un Etat partie, inspecter les sites sans entrave, reconstituer des
preuves physiques.
Au cas oil le procureur se heurterait à la
résistance des autorités nationales, la chambre
préliminaire pourra autoriser le procureur à prendre certaines
mesures sur le territoire de cet Etat partie. Cette décision de la
chambre préliminaire est susceptible d'appel.
v' Incrimination par les Etats parties des atteintes a
l'administration de la justice de la CPI
Les Etats, dans le cadre de la coopération avec la CPI,
doivent incriminer dans leurs législations nationales les atteintes
suivantes :
+ Le faux témoignage ;
+ La production des éléments de preuve faux et
falsifiés ;
+ Les représailles exercées contre un témoin
en raison de sa déposition ;
+ La destruction ou la falsification d'éléments de
preuve ou l'entrave au rassemblement de tels éléments ;
+ L'intimidation d'un membre ou agent de la CPI, entrave
à son action ou trafic d'influence afin de l'amener, par la contrainte
ou à la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne
pas les exercer comme il convient ;
+ Les représailles contre un membre ou un agent de la CPI
dans le cadre de ses fonctions officielles.
La cour a donc compétence pour juger les auteurs de ces
atteintes à son administration de la justice, au cas où l'auteur
a agi intentionnellement (art. 70). Les Etats doivent ainsi coopérer
avec la cour dans la répression de ces comportements.
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