II Le langage et l'image
Les possibilités d'internet et des plateformes
numériques ont modifié la nature même du flux de
l'information. De nouvelles modalités sont apparues, et de nouveaux
besoins de la part de l'utilisateur. Mais pour l'instant, nos outils pour
naviguer au sein du flux de l'information ne prennent pas en compte ce
changement de paradigme. Hors, « la nature et la configuration des message
dépendent des appareils qui le transmettent »37.
Autrement dit, si nous n'adaptons pas nos outils pour mieux nous repérer
et mieux représenter l'information, alors celle-ci risque de baisser en
pertinence et en accessibilité. Internet nous offre de nouvelles
possibilités, mais nous devons nous y adapter pour exploiter au maximum
les potentialités de transmission que ce média nous offre. Car
une multitude d'informations ne sert à rien si on ne peut les
assimiler.
Mais alors, comment transmettre de l'information?
36 Le MEMEX est un ordinateur analogique théorique
décrit par le scientifique Vannevar Bush dans l'article As We May
Think publié en 1945 dans la revue The Atlantic Monthly.
Il est a posé les fondations de l'hypertexte à l'origine du World
Wide Web.
37 Le canal de la communication est constitué d'une triple
dépendance : il dépend du stimuli, et donc du support qui va
permettre la transmission du message, des caractéristiques de l'appareil
qui les a émis, et de ses caractéristiques. La nature et les
caractéristiques d'un message dépendent donc de ces appareils
transmetteurs. Cf. Précis de sémiotique
générale, de Jean-Marie Klinkerberg, 1997.
II - 1 Les mécanismes du langage
Pour cerner ce qui est nécessaire à une bonne
transmission de l'information, revenons à l'origine de la transmission :
le langage. Le langage est un outil pour transmettre un message, une
information. Il permet de véhiculer le message d'une personne à
une autre. Pour bien restituer l'information, la maîtrise du langage est
donc nécessaire.
Généralités
Le langage est quelque chose qui nous semble naturel et
inné, il nous sert à communiquer des messages, informations,
idées. Mais bien que celuici semble être une chose intuitive, les
mécanismes qui la composent sont nombreux et complexes, régis par
des règles encrés en nous de manière inconsciente.
Si le mot « langage » nous renvoie d'emblée
au langage verbal, n'oublions pas qu'il existe un nombre incalculable de
langages. Citons par exemple le langage écrit, le langage visuel,
gestuel. Mais aussi d'autres types de langages, comme le langage des fleurs, le
langage des pictogrammes, celui des vêtements, le langage
architectural... Dés qu'il y a communication, il y a langage.
On peut donc aussi parler de langages machine, puisqu'elles
communiquent entre elles.
Comprendre le fonctionnement du langage est nécessaire
pour savoir de quelle manière bien communiquer une information, savoir
sur quels éléments porter une attention plus particulière,
maîtriser ceux capables de lui nuire et de l'avantager.
En schématisant les mécanismes de la communication,
on peut distinguer six grand facteurs qui le constituent :
1. L'émetteur, instance théorique,
2. et le destinataire, sont les deux facteurs sur lesquels se
base la communication.
3. Le message est l'idée qui doit être transmise,
ou communiquée, de l'émetteur au destinataire.
4. Le contexte qui donne un sens au message.
5. Le code, qui doit être commun à
l'émetteur et au récepteur. La langue par exemple est un code.
6. Et enfin le canal, par où transite l'information.
Illustration 5: Réadaptation du schéma de la
communication de Jakobson
Mais si ce schéma38 résume bien en
mettant en valeur les divers éléments en présence, la
nature et les relations entre ces divers instances sont loin d'être
uniques et singulières.
L'émetteur, instance théorique39,
peut être une personne ou une chose, c'est ce qui est à l'origine
de la transmission, et donc, ce qui véhicule un message. Le message est
émis de manière involontaire par l'objet, mais cela peut aussi
être le cas d'une personne : on peut par exemple transmettre son
stress.
De plus, un message peut être transmis par plusieurs
émetteurs en même temps, le cas d'un journal est flagrant : le
message véhiculé par un article provient du journaliste, du
rédacteur, du maquettiste, etc... L'émetteur n'est donc pas
forcément une entité simple, mais peut être la
réunion de plusieurs entités.
Le message est aussi influencé par l'émetteur :
par exemple le crédit accordé à un auteur aura une
influence sur la véracité perçue du message.
En résumé, l'émetteur peut être
volontaire ou involontaire, unique ou multiple et plus ou moins influent.
Le destinataire peut, comme l'émetteur, être une
personne ou un objet : il est possible de recevoir une information d'un objet
ou d'une machine, tout comme il est possible qu'un objet et une machine
communiquent entre eux40, de la même manière, un humain
peut communiquer avec une machine. Le destinataire peut être lui aussi
unique ou multiple(dans de cas d'une communication de diffusion), et peut ne
pas être en contact direct avec le message, c'est à dire le
recevoir bien après sa production.
38 Ce schéma est inspiré de celui de Roman
Jakobson, présent dans tous les livres scolaires, il décrit de
manière simple les processus de communication.
39 L'émetteur est une instance théoriques puisque :
il n'est pas forcément humain. Par exemple, une machine peut
émettre un message. Autre exemple : dans le cas du langage
vestimentaire, la manière dont une personne sera habillée nous
communique des informations sur cette dernière. Cf.
Précis de sémiotique générale, op.
cité.
40 Lorsqu'une machine lit un code barre par exemple, on peut
parler de communication entre un objet et une machine.
Le destinataire et l'émetteur sont
inter-dépendants. Ainsi, l'émetteur adaptera son message en
fonction du destinataire qu'il suppose avoir devant lui, adaptera son langage,
voir utilisera un code différent. Le message sera également
différent suivant que l'émetteur envisagera le destinataire comme
une personne en particulier ou s'il s'adresse à toute personne dans la
capacité de recevoir le message.
Le destinataire peut donc être un individu ou un objet,
unique ou multiple, distinct ou plural, et a toujours une forte influence sur
la forme du message, le canal et le code utilisés.
Connaître la nature du destinataire est donc la
première chose à faire lorsque l'on veut transmettre un message :
tous les autres facteurs de la communication doivent s'y adapter pour que le
message soit retranscrit de la meilleure manière possible à
commencer par le référent.
Le référent ou contexte est ce à propos
de quoi on communique. Pour que l'émetteur et le destinataire se
comprennent, ils doivent faire appelle aux mêmes référents.
Par exemple, si l'émetteur parle d'une pomme, il fait appel à
divers référents tels fruit, nourriture, rond, etc... Le
destinataire pour qui la pomme fait appel aux mêmes
référents visualisera la pomme de la même manière
que l'émetteur. Si encore l'émetteur montrera une image de pomme,
alors dans sa forme, elle fera référence au fruit, mais seulement
si le destinataire reconnaît en l'image la référence de
l'objet.
Il est essentiel de bien spécifier le contexte
employé lors de la diffusion d'un message puisqu'il peut prendre une
signification complètement différente suivant ce contexte. Par
exemple le dessin d'une vache n'aura pas le même signification s'il se
retrouve chez un boucher, sur un panneau de la route ou sur un
abécédaire.
Le message en soi ne peut être considéré
comme un facteur, mais plutôt comme à la fois le mobile de la
communication et la somme des autres facteurs. Pour Jean-Marie Klinkenberg,
« le message c'est au fond une portion de référent
transformée par un code et dans lequel se noue l'interaction des
partenaires de la communication, ce qui la rend transmissible par un canal
»41.
On peut en tous cas distinguer six grandes fonctions au
message.
1. La fonction émotive ou expressive, qui est
centrée sur l'émetteur. Ce type de message met en évidence
la condition de l'émetteur au moment où il le produit. Un cri de
douleur ou le grésillement d'une ampoule sur le point de tomber en panne
sont des exemples de messages à fonction expressive.
2. La fonction conative ou impérative est
centrée sur le destinataire. Un message à fonction conative
cherche à avoir une influence sur le destinataire, que ça soit en
motivant une action de sa part, en cherchant à modifier ses actes ou ses
connaissances. Une recette de cuisine, un ordre, ou un cours de
géographie sont à fonction conative.
41 Voir Précis de sémiotique
générale p. 53, op cité.
3. La fonction référentielle est centrée
sur le référent. Le message est orienté vers le sujet. Un
panneau « chutes de pierres » est par exemple
référentiel. Cette fonction est vouée à
diffusée une information objective.
4. La fonction phatique ou de contact est centrée sur
le canal. Elle ne véhicule pas, à proprement parler,
d'information. Elle vise soit à créer ou à conserver le
contact entre l'émetteur et le destinataire. Le « Allo? »
d'introduction dans une communication téléphonique est un message
de ce type.
5. La fonction métasémiotique est
centrée sur le code. C'est l'utilisation du langage pour parler du
langage. Les définitions du dictionnaire sont un parfait exemple de
métasémiotique.
6. La fonction poétique ou rhétorique est
centrée sur le message luimême. C'est la manière dont le
message est formulé qui compte. Un jeu de mot par exemple est un message
à fonction poétique ou rhétorique. Cette fonction ne
s'applique pas qu'à la langue. Un pas de danse par exemple a fonction
poétique : il s'agit de détourner la fonction primaire du pas,
aller d'un point A à un point B, pour transmettre un message.
Mais ces fonctions ne doivent pas être
considérées comme fixes et rigides : la frontière entre
celles-ci est souvent confuses. La plupart du temps, le message transporte une
information. Hors, véhiculer une information revient en quelque sorte
à modifier les connaissances du destinataire, ce qui renvoie à la
fonction conative.
On peut donc dire que plusieurs fonctions existent dans une
communication.
La multiplicité des codes et des canaux de
diffusion
Les deux autres facteurs importants de la communication sont
le canal et le code. La diffusion sur support numérique implique de
maîtriser ceux-ci de manière plus particulière et
spécifique.
Le canal est le moyen physique par lequel le message est
transmis. Le langage peut ainsi avoir divers canaux possible, oral, visuel,
auditif... Ces canaux ont chacun leur typologie, et certains sont à
privilégier par rapport à d'autres suivant le message qui doit
être transmis.
Le canal est défini par trois facteurs :
· il dépend des stimuli, c'est à dire de
la nature des ondes transmises (ondes sonores, électriques, lumineuses,
etc...), et donc du support qui va permettre cette transmission (comme l'air
qui est le support des ondes sonores).
· De la nature de l'appareil émetteur (la bouche,
le corps, etc...)
· De la nature de l'appareil récepteur (les yeux,
les oreilles, etc...) La puissance du canal dépend donc directement des
capacité d'émission
mais aussi de réception, autrement dit de la vitesse
et la faculté de traitement des stimulus.
Les canaux énumérés
précédemment sont des canaux dits naturels, c'est à dire
présents chez l'homme. Mais quand deux individus sont
éloignés, il peuvent tout de même communiquer en utilisant
des intermédiaires, c'est à dire des canaux artificiels de
communication, comme le téléphone, le télégramme,
ou l'ordinateur : ce sont des interfaces physiques. Ces canaux peuvent aussi
servir à la conservation de l'information, autrement dit à la
mémorisation (le livre est donc un canal de communication
artificiel).
Certains canaux sont ainsi plus puissants que d'autres : par
exemple, le canal auditif permet de traiter peu d'informations à la
fois. La plupart du temps, la transmission par le son s'effectue de
manière linéaire, une information après l'autre : elle
dépend du temps. Le canal visuel, quant à lui, permet le
traitement simultané d'un nombre important d'informations, il
dépend de l'espace. Ecouter les informations à la radio et les
lires dans un journal admettent des modalités de lectures totalement
différentes : dans le premier cas il faut écouter toutes les
informations avant d'atteindre celle qui nous intéresse, alors que dans
le deuxième cas, on peut aller directement à l'information cette
dernière.
Pour qu'un message soit émis correctement, il faut
donc prendre en compte de la force du canal, mais aussi de la
disponibilité des appareils qui vont recevoir le message et la
viabilité du support de transmission. En cas de dysfonctionnement d'une
des composantes du canal, les informations transitant le long du canal risquent
d'être détériorées. Ces facteurs de
dysfonctionnement se nomment le bruit. Dans le cas d'une transmission par le
canal auditif, si des hauts-parleurs sont défectueux, alors il y a
dysfonctionnement de l'appareil émetteur, si le message est émis
dans un environnement bruyant, c'est un dysfonctionnement du support de
transmission, et enfin si le destinataire est mal-entendant, alors il s'agit
d'un dysfonctionnement de l'appareil récepteur.
Le code est un ensemble de règles permettant
d'attribuer une signification particulière aux éléments du
messages qui sont transmis. Autrement dit, le code permet de traduire les
stimulus (les ondes transmises par le canal de la communication, vu plus haut)
en éléments porteurs de sens, suivant une convention bien
précise.
Si le canal définit comment le message sera transmit,
alors le code définit comment il sera transmit.
Pour que la communication se fasse, émetteur et
destinataire doivent disposer du même code. Dans les langages machine
c'est le cas : pour que deux programmes puissent communiquer entre eux, ils
doivent forcément disposer du même code. Mais entre humains, les
codes utilisés ne sont pas forcément les mêmes, ils varient
souvent d'une personne à l'autre, de la même manière que le
référent.
Les exemples de codes sont aussi variés que le sont
les exemples de langage : il y a le code de la route, le code pénal les
codes gestuels, les codes
vestimentaires, les codes gestuels, le code du morse, etc...
Mais l'emploi du code et du canal dans la communication ne
s'arrête pas à une relation simple et linéaire : ils
s'entrelacent, co-existent, se répètent, le soutiennent et
interagissent entre eux. Dans une conversation, il est fréquent de voir
plusieurs codes co-exister, l'usage de la parole étant par exemple
souvent appuyé par des gestes. De même, un dialogue peut utiliser
à la fois des codes linguistiques et sociaux.
Le message est souvent diffusé plusieurs fois en
même temps, avec différents codes et différents canaux,
c'est ce qu'on appelle la redondance.
Il existe plusieurs types de redondance :
· l'intracodique, qui utilise plusieurs fois le même
code.
· l'intercodique, lorsque des codes différents sont
employés.
· celle utilisant le même canal.
· celles sur un canal différent.
Pour éviter qu'un message ne soit
détérioré par du bruit, le message peut être
répété sur d'autres canaux, en utilisant la redondance.
Dans certains lieus par exemple, le feu du passage piéton est
indiqué à la fois de manière visuelle et sonore. Pour
autant, pour un non-voyant, il n'y a pas redondance puisque celui-ci ne peut
apercevoir que l'information qui transite par le canal auditif.
Mais la redondance n'existe pas seulement pour palier eux
éventuels problèmes de bruit. Elle est là aussi pour
appuyer le message et le rendre plus évident. Certains objets par
exemple communiquent leurs fonctions sur différents canaux
simultanément, et avec des codes différents. C'est le cas des
pièces de monnaie : on les reconnaît à la fois par le biais
du canal visuel, dans la forme, la taille, la couleur, le dessin, et les
indications écrites, puis par le canal sensoriel, dans la froideur du
métal, les reliefs, le poids.
Le passage du code d'un canal à un autre impose une
phase de transformation. Il ne faut pas oublier que la nature du canal impose
un champ d'action imposé : on ne peut transmettre un son par le canal
auditif. Le code doit donc être adapté. Cette adaptation se nomme
le transcodage. Le transcodage permet d'adapter facilement un code aux
variations qu'imposent le destinataire, ou encore de le cas où le canal
deviendrait défectueux. Le cas de l'écriture en braille est un
parfait exemple de transcodage : il s'agit en effet d'adapter l'écriture
du canal visuel au canal du toucher. Le transcodage désigne aussi le
fait de faire passer un message sur un canal artificiel, sur un ordinateur par
exemple.
Le transcodage permet d'utiliser les canaux de manière
optimale et de relever le niveau de redondance des énoncés. Cela
signifie que pour faire passer un message, l'émetteur peut utiliser
à volonté un canal plutôt qu'un autre. Un automobiliste par
exemple, peut signaler sa présence aussi bien par un coup de phare que
par un coup de klaxon.
Comme dans le cas de la pièce de monnaie, on observe
aussi que le transcodage peut être utilisé pour passer d'un code
à un autre code sur un
même canal. Pour en revenir aux canaux artificiels, le
passage d'un code informatique à un autre est aussi une forme de
transcodage.
Le transcodage permet également de transmettre un
message avec un objectif différent : le passage de la transmission orale
- qui permet seulement un échange entre des partenaires en contact -
à l'écrit permet non seulement de mémoriser l'information,
mais aussi de continuer à la transmettre même si l'émetteur
du message n'est plus présent. L'imprimerie a justement permis
d'augmenter les performances de cette technique, en la rendant encore plus
rapide, plus efficace, et surtout plus accessible.
Le canal peut donc être employé de
manière multiple pour transmettre un message, mais il peut aussi
être employé dans les deux sens. La plupart du temps, la
communication ne se limite pas à envoyer un message à un
destinataire. L'orateur observe la réaction de son auditoire et adapte
son discours en fonction de cette dernière. C'est ce qu'on appelle le
feed-back. Cela signifie qu'au moment même où le
destinataire reçoit un message il en transmet un autre, et a donc une
influence indirecte sur la nature même du message.
Le signe
Pour communiquer un message, nous utilisons des signes. Le
signe est le substitut d'un objet ou d'une chose, permettant de les
désigner, de les manipuler en leur absence. Le signe est donc
différent de la chose et n'a pas le mêmes propriétés
: la différence entre une lampe et l'image d'une lampe est que cette
dernière ne peut éclairer, l'image d'une poule ne peut pondre des
oeufs, etc...
En conséquence, le signe induit une distance : c'est
une représentation, une abstraction. Il peut se présenter sous la
forme d'une une image, d'un mot, etc... Un chèque par exemple est un
signe puisqu'il est le substitut de l'argent liquide qu'il représente.
De la même manière, le billet de banque est un signe puisqu'il est
le substitut des biens que l'on peut obtenir avec. Le signe est donc une
instance immatérielle, abstraite, qui remplace des objets.
Le signe permet donc, de par sa nature, de communiquer sur des
choses dont on a pas l'expérience directe. Une carte peut bien
représenter des pays que l'on a jamais visité, tout comme une
photographie d'ailleurs. Il est aussi possible d'utiliser des signes pour
représenter des objets irréels, qu'il s'agisse de pensées,
de sensations, ou bien de créatures imaginaires.
Le signe nous permet donc de manipuler plusieurs
réalités différentes de la même manière, car
c'est grâce à la substitution qu'il opère que l'on peut
transmettre toutes sortes d'idées sur un même code et un
même canal de communication.
Mais pour faire le lien entre le signe et l'objet auquel il
renvoie, il faut utiliser et connaître des codes. Les codes
établissent les correspondances entre l'objet et son substitut : en
confrontant le signe avec un objet déjà connu, autrement dit en
établissant une comparaison, on peut se représenter le signe
mentalement. C'est à dire faire le parallèle avec son
équivalent en
tant qu'objet ou chose. Le code donne donc son statut au
signe.
Pour comprendre à quoi un signe fait
référence, il est donc nécessaire d'établir
diverses comparaisons.
En faisant ce lien, nous établissons les
réalités qui nous entourent. Le signe ne nous sert alors plus
seulement de substitut : il sert aussi à nous représenter les
choses dans leur ensemble, à structurer et catégoriser le monde.
Les comparaisons nous permettent ainsi de déterminer des échelles
sur lesquelles les signes vont ensuite se positionner : lorsque l'on parle de
hauteur, on implique les notions de haut et de bas.
Pour expliquer ce phénomène, Umberto
Ecco42 nous propose un exemple d la vie de tous les jours. Il s'agit
d'un patient qui va voir un médecin. Ce patient explique qu'il souffre
d'un « mal au ventre ». L'état « mal » suppose en
lui-même qu'il existe un état « non mal » tout comme
l'emploi du mot « ventre » suppose qu'on puisse « avoir mal
» à autre chose.
Les échelles crées par le biais des signes nous
servent à situer les diverses sollicitations qui nous viennent de notre
entourage, et aussi de les retranscrire.
Sans ces échelles, il serait impossible de
décrire ce qui nous entoure. Par exemple il est facile de savoir
à quoi renvoie la couleur rouge, mais en soi, le rouge n'est qu'une
longueur d'onde. C'est en attribuant un signe particulier (le mot « rouge
») à cette longueur d'onde qu'elle devient une couleur. L'emploi du
signe « rouge » renvoie alors directement à sa correspondance
dans la réalité. Dans la nature, de telles subdivisions
n'existent pas. C'est par cette attribution que nous découpons la
réalité en « unités discrètes ».
Séparées les unes des autres, les unités sont plus faciles
à distinguer et donc à désigner.
Les échelles sont communes à une culture,
autrement dit, elles renvoient à des conventions collectives. Le signe
« rouge » représentera la même chose pour quiconque
utilisera ces mêmes conventions : elles sont donc nécessaires
à la communication. On peut donc dire que le découpage de
l'univers n'est pas arrêté : il dépend à la fois des
connaissances, d'une culture, et des valeurs utilitaires définies par
celles-ci43.
Il existe des conventions explicites, c'est à dire
où la correspondance entre le signe et ce à quoi il renvoie est
clairement et préalablement établi (comme c'est le cas pour le
rouge). Et des conventions implicites, c'est à dire où les
règles de correspondances ne sont pas écrites mais inscrites de
manière inconsciente dans notre cerveau. Ce sont les habitudes qui
forgent ces dernières. Par exemple, le chant du coq présuppose
que le soleil est, ou est en train de se lever.
Les conventions explicites sont déterminées par
ce que l'on appelle la
42 Cet exemple est tiré du livre d'Umberto Ecco,
Le Signe, histoire et analyse d'un concept, paru pour la
première fois en 1971, dans lequel il explique les nombreuses
théories de la signification et du signe.
43 Par exemple, si le rouge a été défini
comme une unité, c'est parce qu'à un moment donné, on a
ressenti le besoin de le représenter.
« décision sémiotique »44.
C'est cette décision qui fait que l'on attribue un signe à une
signification, à un phénomène physique.
De même, une signification n'est établie qu'en
fonction du contexte où le signe est présent. Par exemple, le feu
rouge signifie qu'il faut s'arrêter mais uniquement pour une personne qui
se tient au volant.
Ensuite, on peut distinguer plusieurs types de signes en
fonction de leur motivation, c'est à dire en fonction de la
modalité abordée pour retranscrire l'objet :
· Les indices sont des signes motivés par
contiguïté. Il sont en quelque sorte une trace de l'objet,
l'indication de son existence, son produit. Par exemple, la fumée est un
indice de feu, l'odeur de nourriture indique un plat chaud...
· Les icônes sont des signes liés par
discontinuité. Ils sont crées par mimétisme à
l'objet, mais ne sont pas liés à celui-ci. Une photocopie, une
carte, l'imitation d'un cri d'oiseau sont des icônes.
· Les symboles sont des signes arbitrairement
crées par des découpages correspondants et non
découpables. Exemple : le noir est un symbole du deuil, la balance
symbolise la justice. Les symboles sont dépendants d'une culture
donnée.
Le signe remplace donc le ou les objet(s) qui sont
énoncés dans le message. L'assemblage (la syntagme45)
des signe dans un contexte précis insuffle la signification à un
message46. En langage, les signes sont des mots : le mot pomme est
un substitut de la pomme et permet d'énoncer celleci dans le message :
« j'ai mangé une pomme ». Le moyen le plus couramment
utilisé pour transmettre une information est le texte.
|