3.2. Un processus d'acculturation
Nous n'avons pas une conception négative de
l'acculturation. Cette notion traduit pour nous les emprunts à la
médecine occidentale ou les synthèses entre tradithérapie
et médecine moderne dans ce centre.
A ce niveau Olivier De Sardan (1995, p.65), en voulant montrer
l'adaptation des guérisseurs africains à la modernité
fait remarquer que, "les itinéraires thérapeutiques
préconisés par ces tradipraticiens (quelle que soit leur
"efficacité"
: ce n'est pas là le problème), comme les
savoirs sur lesquels ils s'appuient, n'ont pour une bonne part rien de
"traditionnel". Sans être pour autant "occidentaux", ils ont
considérablement évolué depuis le XIXe
siècle et la conquête coloniale. Ils ont intégré (et
transformé) tout une série d'éléments
matériels et symboliques liés à la médecine
européenne".
Dans le centre, des produits comme l'alcool
réputé en médecine moderne et chimie sont empruntés
à la médecine occidentale et utilisés dans les
préparations médicamenteuses.
Au plan symbolique, notons que la place accordée au
guérisseur dans le centre est similaire à celui d'un
médecin moderne dans un hôpital. En effet, son autorité
s'exerce surtout au niveau de la cure, elle est légitimée par ses
compétences objectives et non par un quelconque pouvoir mystique, alors
qu'en médecine endogène classique, le praticien est souvent
assimilé à un prêtre, il a un pouvoir quasi-religieux.
Cependant, à `'la maison de la feuille», le guérisseur
acquiert un statut, il est respecté et considéré comme un
détenteur de connaissances, c'est pourquoi il est appelé
« azongb ëtë ».
En plus, le centre s'approprie parfois les progrès
scientifiques de la médecine moderne pour les intégrer à
ses propres préoccupations. Concernant le SIDA par exemple, les
tradipraticiens de la structure ont d'abord pris connaissance des explications
données par les médecins de l'action du VIH sur l'organisme
humain, avant de bâtir leur propre stratégie de lutte contre cette
maladie. Dans cet établissement, les éléments
empruntés à la médecine occidentale sont associés
aux savoirs médicaux endogènes et non appliqués tels
quels.
L'élaboration d'une manière inédite de
pratiquer la médecine traditionnelle n'est possible dans le centre que
du fait de la valorisation. En effet, l'utilisation de produits comme l'alcool
dans la préparation des médicaments n'est effective dans cet
hôpital que parce que certains membres du personnel de la direction ont
une connaissance exacte des propriétés de ces produits et des
vertus de leur
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association avec des plantes médicinales. En
réalité tout processus d'acculturation nécessite ce que
Bastide appelle des intermédiaires. A l'hôpital traditionnel
«la maison de la feuille'', on peut considérer les membres de la
direction comme les "intermédiaires, chargés de faire passer
l'exogène dans l'endogène, d'intérioriser d'abord en eux
la culture du groupe donneur pour la répandre ensuite au sein du groupe
receveur" (Bastide R., 1971, p.87).
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