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Valorisation de la médecine traditionnelle en contexte africain: expérience de "la maison de la feuille " à  Porto Novo au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par Daleb Abdoulaye Alfa
Université d'Abomey-Calavi (Bénin ) - Maitrise 2011
  

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DEUXIEME PARTIE :

PRESENTATION ET INTERPRETATION DES

DONNEES

CHAPITRE I : PRATIQUES ET REPRESENTATIONS MEDICALES

Afin de montrer la spécificité des pratiques et représentations médicales, dans le centre, nous allons exposer dans ce chapitre les orientations thérapeutiques de cette structure. Nous allons aussi présenter les itinéraires thérapeutiques des malades, les rapports entre tradithérapie et médecine moderne, les dimensions socio-culturelles de la médecine traditionnelle dans ce centre.

1. Les orientations thérapeutiques

Elles s'inscrivent dans les préoccupations et objectifs du centre concernant les

méthodes de soins mais aussi dans ce qu'on pourrait appeler la «philosophie» médicale du centre.

A ce niveau, notons que la phytothérapie constitue la base de la tradithérapie dans le centre. En effet, les médications employées par le centre sont issues de plantes médicinales mais aussi de compositions diverses. Cela se traduit dans les propos d'un des tradithérapeutes qui affirmait que : « ici, notre atout est que nous savons associer les plantes ».

Par ailleurs, toutes les méthodes thérapeutiques ne sont pas avalisées par l'établissement. Ainsi, à l'intérieur du centre, l'utilisation de médicaments modernes est strictement proscrite pour conserver l'aspect endogène de la cure. Cette option qui procqde d'une quête de revendication identitaire est perceptible dans les propos d'un des membres de la direction qui affirmait : « nous voulons rester nous-mêmes ».

Il y a lieu également de souligner que le règlement du centre interdit tout sacrifice, toute pratique incantatoire dans les soins . Le centre tient à préserver le respect des croyances religieuses étant donné qu'il est un centre laïc.

Les pratiques rituelles sont aussi bannies comme méthodes thérapeutiques. C'est ainsi que le directeur général du centre affirme : « nous évitons tout ce qui est mystique, parce que ce sont des choses que nous ne connaissons pas. Si un

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tradipraticien à des connaissances mystiques, il peut les utiliser mais en dehors du centre ».

Sur le plan nosologique, seules les maladies (naturelles» sont officiellement reconnues dans le centre, la catégorie du surnaturel n'étant pas prise en compte dans la classification des affections. Cependant, il faut noter que la plupart des guérisseurs disent accorder une importance au surnaturel dans leurs pratiques. Un des tradipraticiens enquêtés affirme même employer la « divination » au niveau de la phase diagnostique.

2. Les itinéraires thérapeutiques des malades

Malgré une prédominance des chrétiens (81%) et des gouns (45%), les patients du centre sont d'origines religieuse et ethnique diverses.

La prédominance de ce groupe socio-culturel pourrait s'expliquer par la présence du centre sur leur territoire. Quant au taux élevé des chrétiens, il serait lié au caractère officiel laïc de la maison qui évite tout ce qui est mystique dans le traitement.

En plus, alors qu'aucun malade enquêté n'a moins de 17ans, les plus de 40 ans représentent 50%. Un tradithérapeute explique cette situation en ces termes (les personnes âgées sont plus réceptives à la médecine traditionnelle alors que les jeunes, à cause de l'école ont le mépris de la tradition».

Les malades interrogés ont des itinéraires thérapeutiques diverses. En effet ils sont tous passés par des hôpitaux modernes ou / et des tradipraticiens avant d'aller à l'hôpital traditionnel «la maison de la feuille''. Ainsi, un tradithérapeute affirme, parlant des malades : (personne n'est venue ici directement».

Le tableau 6 présente la fiche signalétique des malades enquêtés

Tableau 6 : Fiche signalétique des malades enquêtés

Malade

 

Effectif

Pourcentage

Religion

Chrétien

18

81,81

Musulman

04

18,19

Sexe

Masculin

15

68,18

Féminin

7

31,82

Ethnie

Goun

10

45,46

Fon

6

27,28

Yorouba

3

13,63

Adja

2

9,09

Toffin

1

4,54

Source : Enquête de terrain, Juillet 2011

Par rapport à l'itinéraire thérapeutique proprement dit, quatorze (14) malades sur vingt deux (22) ont d'abord essayé la médecine moderne avant de se tourner vers le centre. Six (6) malades sont passés par des hôpitaux modernes, puis par des tradipraticiens avant de recourir à `'la maison de la feuille'' de Porto-Novo. C'est pourquoi, un membre de la direction dit des malades de «la maison de la feuille'' : «ce sont des découragés des hôpitaux ».

L'examen des itinéraires thérapeutiques montre que la plupart des malades ont déjà eu à expérimenter un traitement, avant de venir au centre. Le centre est donc en quelque sorte un dernier recours au patient qui n'arrive pas à trouver une issue pour sa maladie.

Hôpital

 

Guérisseur

 
 
 
 

Hôpital

 
 
 
 
 
 
 

2 malades

6 malades

14 malades

Guérisseur

`'La maison de la
feuille''

Graphique : Itinéraires thérapeutiques des malades interrogés (dernier épisode de la maladie)

Source : Enquête de terrain, juillet 2011

Tableau 7 : Niveau de fréquentation de la médecine traditionnelle des malades.

Malades

Effectif

Pourcentage

Sollicitent la médecine traditionnelle
pour la première fois au centre

4

18,18

Ont déjà sollicité la médecine
traditionnelle dans leur vie avant le
centre

18

81,82

Total

22

100

51

Source : Enquête de terrain, juillet 2011.

La plupart des patients interrogés pensent que la médecine traditionnelle à `'la maison de la feuille'' présente des spécificités par rapport à d'autres pratiques endogènes. Pour justifier ces spécificités les malades avancent les arguments suivants : « ce n'est pas cher, c'est plus sûr, c'est plus efficace, c'est plus moderne ».

Les malades, dans leur majorité, semblent satisfaits des soins qu'ils reçoivent dans le centre comme le témoigne le tableau 8.

Tableau 8 : Niveau de satisfaction des malades par rapport au centre.

Malades

Effectif

Pourcentage

Accepteraient de recommander le centre à d'autres patients

19

86,36

Refuseraient de recommander le centre à d'autres patients

0

0

Ne savent pas s'ils feraient la publicité du centre

3

13,64

Total

22

100

Source : Enquête de terrain, juillet 2011

La plupart (86%) des patients enquêtés affirme qu'ils accepteraient de recommander le centre à d'autres malades. Seulement 13% ne savent pas s'ils feraient la publicité du centre et la justification qu'ils donnent, c'est qu'au moment de l'enquête, c'était leur premier jour de contact avec le centre, ils ne pouvaient donc pas, donner leur avis sur la structure. Ce qui est remarquable, c'est que lors des investigations empiriques, aucun patient interrogé n'a décrié ouvertement le centre ou avoué sa déception.

Les malades interrogés sont venus d'un peu partout du territoire national. Ceux
qui sont de Porto- Novo et dans les environs disent avoir connu le centre par les

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émissions radio que les tradithérapeutes font par rapport à certaines pathologies. Ceux qui viennent de très loin ; c'est la minorité, disent avoir connu le centre à travers la bouche à oreille.

L'itinéraire thérapeutique d'un malade dont nous avons recueilli l'opinion, est révélateur du profil général des patients du centre.

Encadré 1

«Je souffre d'une maladie du ventre [.. .], je suis d'abord parti à l'hôpital moderne. Là-bas on ne m'a rien dit de clair. On m'a prescrit des ordonnances que je ne parvenais pas à acheter la plupart du temps, à cause des prix élevés. C'est ensuite qu'on m'a conseillé de me tourner vers la médecine traditionnelle car il se pourrait que je sois victime d'une «agression mystique».

Tout en explorant la médecine traditionnelle, je n'avais pas pour autant
abandonner les traitements modernes. C'est devant la persistance de la maladie

qu'un ami m'a recommandé `'la maison de la feuille». Depuis que je viens ici, je rends grace à Dieu, mon état s'est beaucoup amélioré. Pour moi, c'est la médecine du noir qui peut guérir la maladie du noir ». Patiente, 35 ans.

Si les prix élevés des médicaments modernes et l'insatisfaction des patients dans les soins expliquent le transit de certains de la médecine «occidentale» vers l'hôpital traditionnel «la maison de la feuille'', d'autres malades par contre évoquent des problèmes de communication avec les professionnels de la santé pour justifier le changement d'alternative thérapeutique. Dans cette perspective, un patient s'exprime ainsi :

Encadré 2

«Je ne dis pas que la médecine moderne est inefficace mais elle est compliquée pour les analphabètes comme moi. Je ne parvenais à lire les notices des médicaments que les médecins me prescrivaient et ces derniers ne prennent pas le temps d'expliquer les traitements dans les détails à des personnes pauvres comme moi. C'est pour ces raisons que j'ai choisi de me soigner désormais au centre. Ici au moins, je peux parler le goun avec les guérisseurs et ils respectent mon âge.» Patient, 62 ans.

L'argument du retour à la tradition est également avancé par des patients interrogés pour expliquer leur recours au centre. Un autre malade s'exprime ainsi :

Encadré 3

« Il est actuellement impossible d'être en bonne santé parce qu'on mange trop d'huile et d'engrais. Seul le retour à notre tradition dans notre façon de vivre, de nous soigner, peut nous sauver ». Patient, 49 ans.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon