SECTION II : LA PROBLEMATIQUE DES INSUFFISANCES
DE L'EXISTANT NORMATIF EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
S'il est vrai que le dispositif normatif applicable au
Sénégal est assez étoffé, il n'en demeure pas moins
qu'il rencontre quelques obstacles qui sont de nature à biaiser la
protection des droits de propriété littéraire et
artistique. En effet, celles-ci sont liées à des
difficultés d'application des textes y relatifs (Paragraphe I) et
à la transposition pas encore effective des conventions internationales
en droit positif interne (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFICULTES D'APPLICATION
DU DISPOSITIF EN VIGUEUR EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
à chercher bien loin. En effet, une approche des
acteurs du droit de la propriété littéraire et artistique
permet d'en cerner les contours et d'en comprendre les origines. Il existe
ainsi un défaut de décrets d'application de la loi en vigueur
(A), ce qui entraine un flou juridique considérable (B).
A-LE DEFAUT DES DECRETS D'APPLICATION DE LA LOI
2008-09
En effet, depuis sa promulgation le 25 Janvier 2008, aucun
décret d'application n'a été pris en application de la Loi
N°2008-09, son applicabilité est donc sujette à caution,
elle est rangée dans les tiroirs du Ministère de la Culture et
tarde à être appliquée. Ce qui n'est pas du goût des
acteurs culturels dont la plupart estime que cette situation n'est pas pour
redorer l'image du Sénégal littéraire et artistique.
Ainsi, pour la Directrice du BSDA, Mme Abibatou YOUM SIBY, les
lois sont là, mais c'est leur effectivité qui pose
problème. En effet, au plan des textes, les artistes sont reconnus,
l'environnement a été assaini et les oeuvres
protégées mais c'est l'application des textes qui
reste.8
Cette situation inédite conduit inéluctablement
à se poser la question suivante : qu'est-ce qui bloque l'application de
la Loi N°2008-09 du 25 Janvier 2008 portant sur le Droit d'Auteur et les
Droits voisins ? La réponse à cette question intéresserait
tous les acteurs culturels dont les oeuvres sont aujourd'hui pour la plupart
menacées par l'apparition du phénomène de la piraterie,
l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication qui favorisent les téléchargements illégaux,
et bouleversant la propriété littéraire et artistique.
Aussi, la réponse à cette question peut se retrouver dans les
assertions suivantes : une mauvaise volonté politique culturelle et une
mauvaise compréhension de l'importance de l'application de ladite loi.
L'attente devient trop longue et il n'est pas vraiment intéressant de
voter une loi sans l'appliquer, d'autant plus que ladite loi contient les
dispositions nécessaires à la protection et s'avère
être un texte très indiqué quant aux préoccupations
des titulaires des droits d'auteurs et des droits connexes.
Contrairement à la loi de 2008, la Loi n°73-52 ne
prend pas en compte tous les aspects de la propriété
littéraire et artistique. Aussi, elle ne se préoccupe pas des
droits voisins dont les titulaires ne bénéficient pas de la
protection qu'elle offre. Fort heureusement, comme nous l'avons vu dans une
partie précédente de ce travail de recherche, la nouvelle loi met
en oeuvre l'ensemble des doléances présentées pas les
acteurs sénégalais de la propriété
littéraire et artistique, mais son inapplication totale reste
problématique. C'est cela qui a sûrement poussé le
secrétaire de
8 Youssou SOUMARE, chef du contentieux au BSDA, DROIT
D'AUTEUR AU SENEGAL : Chronique d'une mort annoncée ou promesses de
lendemains meilleurs pour le respect d'un principe sacro-saint et
universellement reconnu ?
l'association des métiers de la musique, Monsieur
Guissé PENE à s'exprimer en ces termes : « Si nous
devons juger la musique sénégalaise du côté de
l'accompagnement et de la législation, elle est au point mort...
»9
Par ailleurs, pour ce qui est de la gestion des revenus et des
droits des acteurs de la propriété artistique, principalement du
domaine musical, Monsieur PENE déclare: « aucun investissement ne
peut être fait à cause de la contrefaçon... cette loi a
été promulguée en Janvier 2008, voilà 3 ans et demi
qu'elle n'est pas appliquée ; c'est comme si c'est la plus belle femme
du monde, mais elle est nue ». Il semble assez aisé de comprendre
l'amertume qui habite le secrétaire de l'association des métiers
de la musique et à travers lui, tous les protagonistes de la
propriété littéraire et artistique évoluant au sein
de l'espace culturel sénégalais.
Ainsi, les dispositions de la loi 2008-09 susceptibles de
décrets d'application sont les suivantes : l'article 50 concernant les
modalités d'exercice du droit de suite par les auteurs et les titulaires
de droits connexes. L'article 117 portant sur l'agrément des
sociétés de gestion collective de droits d'auteur en ce qui a
trait à leur constitution. Il y a également la disposition
portant sur le contrôle des associés des sociétés de
gestion collective et les modalités d'exercice de ce droit prévu
à l'article 123. Un contrôle administratif sous la forme d'une
commission permanente de contrôle de cinq membres pour une durée
de cinq ans est également prévu à l'article 124. Son
organisation et son fonctionnement doivent être précisés
par décret. Enfin, l'article 129 concernant la preuve de la
matérialité de toute violation d'un droit reconnu par la loi
2008-09 sur le droit d'auteur et les droits voisins doit être
précisé également par décret.
Telles sont les dispositions susceptibles de faire l'objet de
décret d'application par le gouvernement sénégalais, cela
n'est pas encore le cas mais devrait fortement l'être à l'heure
qu'il est. Cette situation cocasse s'accompagne également d'un flou
juridique, ce qui n'est pas pour rendre service aux acteurs de la
propriété littéraire et artistique.
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