C- POLITIQUE MONÉTAIRE
a) Politique monétaire de la BRH (2000 -
2004)
La Banque de la République
d'Haïti (BRH) a été créée en 1979 et elle
a pour mission première de mener la politique monétaire du pays
en vue d'y créer un environnement monétaire stable encourageant
le développement de véritables activités
économiques.
Durant l'année fiscale 2000-2001, la politique
monétaire de la BRH était la réduction du financement du
déficit public de 2.3% à 0.8% du PIB dans la volonté d'un
processus visant une croissance de la production de 2.5% avec un taux annuel
d'inflation compris dans l'intervalle de 12% et 14% avec une masse
monétaire autour de 33.5 milliards de gourdes au sens de M3. En outre,
le premier trimestre de l'année fiscale a été
dominé par une grande augmentation du déficit budgétaire,
soit 934 millions de gourdes dus à la baisse des entrées fiscales
et aux dépenses pour les élections de novembre 2000 et
l'installation des nouveaux élus.
Avec un tel déficit, le gouvernement central faisait un
emprunt de 798.5 millions de gourdes pour le financer, soit un chiffre
supérieur aux prévisions du programme-relais tablant sur 750
millions de gourdes pour la totalité de l'exercice fiscal. Le
deuxième trimestre de l'année fiscale a démarré
sous une baisse des activités économiques a présagé
des contraintes empêchant l'accomplissement des prévisions de
croissance basant sur l'aide internationale pour financer certains projets
d'investissements publics. Et les recettes fiscales pour le premier trimestre
de cette année ont représenté 76% des projections.
À cause de la baisse des activités
économiques et des faiblesses de l'administration fiscale, les recettes
collectées par le Trésor public ont accusé à la fin
de l'année fiscale un écart de 21% en tenant compte des
prévisions. En outre, le déficit budgétaire de
l'État a engendré un financement rapide de la BRH qui est autour
de 1.5 milliard de gourdes à la fin du premier trimestre de
l'année fiscale et a comptabilisé 2 317.1 MG au 30 septembre
2001. Ainsi, dans l'esprit de limiter les avances au Trésor public, la
BRH et le Ministère de l'Économie et des Finances (MEF) ont
paraphé un accord de cash management.
Dans la volonté de diminuer la quantité de
liquidités excédentaires circulant dans le système, la BRH
a augmenté le taux d'intérêt sur les bons BRH de 7, 28 et
91 jours à 16.0%, 16.2% et 26.7% respectivement pour arriver à la
fin de l'exercice fiscal. Avec de pareils taux, nous voyons un coût
d'opportunité faible dans une perspective de taux d'inflation
modéré, d'embarras économique et de contraintes aux
activités de loyers de l'argent (de crédit), ce qui a conduit
l'encours des bons à 1 478 MG en mois de mars 2001, soit une
augmentation de 27% par rapport au mois d'octobre de l'année
précédente et à 2 777 MG en fin de l'année fiscale.
Pour l'année fiscale 2003 - 2004, la BRH a signé
avec le FMI deux programmes économiques et financiers : le premier
voulait couvrir la période de douze mois allant du mois d'avril 2003 au
mois de mars 2004. Au fait, il a été la continuité du
programme relais discuté dans l'exercice fiscal précédent.
Par ailleurs, ce programme visait la réduction du taux d'inflation,
l'augmentation des réserves nettes de change et la stabilisation du taux
de change.
Cependant, vu les problèmes sociopolitiques du pays,
les déficits des finances publiques et du financement monétaire
du déficit budgétaire par la BRH les résultats d'un pareil
programme n'ont pas été excellents. Au premier trimestre de cet
exercice fiscal, le déficit budgétaire représentait 2.1%
du PIB corrigé par les blanches à billet de la Banque centrale,
mais le deuxième trimestre de l'année fiscale a été
distingué par un grand changement.
Ce changement a visé l'équilibre
budgétaire par des visions claires et nettes en rapport avec la ligne du
programme-relais du FMI. Enfin, l'arrivée des nouvelles autorités
monétaires à la BRH et au MEF ont changé les
résultats du deuxième trimestre de l'exercice fiscal 2004 suite
à une politique monétaire ayant engendré une diminution de
l'inflation par l'arrêt du rythme de progression de la base
monétaire à 5.6% contre plus de 11% au trimestre
précédent. Elles ont pu assainir les finances publiques avec un
meilleur taux d'intérêt sur les bons BRH et elles ont
accepté de mettre en circulation une quantité de liquidité
raisonnable pour ne pas accroître l'inflation dans le pays.
b) Évolution des agrégats
monétaires haïtiens pour l'année 2004
L'année fiscale 2004 est
dominée par une croissance modérée des grands
agrégats monétaires du pays. Sous la conséquence d'une
modeste progression de la quantité de monnaie en circulation,
l'agrégat monétaire M1 a connu un rythme d'accroissement ralenti.
En outre, il est arrivé à 12.34%, soit une baisse de 13.66 points
de pourcentage par rapport à l'année fiscale
précédente.
En réalité, en 2003, la quantité de
monnaie en circulation s'était augmentée de deux (2) milliards de
gourdes. Nous voyons qu'elle s'est accrue seulement de 242.5 MG pour arriver
à 8 685.16 MG pour l'année 2004. Ceci est dû à la
diminution de l'activité économique et à l'apport
décroissant du Trésor public à la création
monétaire.
Cette situation a pour conséquence la diminution de
l'impact de la variation rapide des dépôts à vue qui
étaient chiffrés à 7 972.89 MG, soit une augmentation de
26.32%. Cependant, nous pouvons parler d'un recul en terme réel de
0.63%, dans une situation dominée par la baisse continue du coût
d'opportunité de rétention de la monnaie pour chaque semestre.
Au fait, la masse monétaire M2 a augmenté de
13.72%, soit une tendance deux fois moins rapide que l'année fiscale
2003. Ainsi, nous voyons qu'elle est arrivée à 34 508.8 MG, soit
24.65% du PIB, suite à l'augmentation modérée de ses deux
agrégats monétaires, la quasi-monnaie et M1. En fait, en
dépit de la diminution des taux d'intérêt
créditeurs, la masse monétaire M2 a pu varier de 16 186.5 MG en
2003 à 18 602.75 MG en 2004, sous le résultat de l'accroissement
des dépôts d'épargne, soit 7.04% contre 32.96% et des
dépôts à terme, soit 27.45% contre 31.52%.
Il y a une taxe d'inflation qui a conduit le niveau
réel des dépôts d'épargne et des dépôts
à terme respectivement à 3 433.66 MG et 2 575.4 MG. Pourtant, les
dépôts à terme réels ont connu une baisse de 15.8%,
contre une tendance à la hausse de 0.02% en 2003 et les
dépôts d'épargne se sont accrus légèrement de
0.26%, après avoir reculé de 1.06% en 2003. En outre, nous
devons remarquer que la structure de la quasi-monnaie s'est
légèrement modifiée au profit des dépôts
à terme qui en représentent 42.86%, contre 38.65% une
année avant, malgré la force dominante de plus de 50% des
dépôts d'épargne dans l'économie haïtienne.
Parallèlement, les réserves en dollars qui sont
changées en gourdes ont subi un effet très
généralisé. Elles ont accru de 2.63% pour arriver à
22 252.16 MG. Pourtant, elles avaient presque triplé pour l'année
2003. Cette augmentation moins évidente a traduit l'appréciation
de la gourde par rapport au dollar. Ainsi, les réserves en dollars pour
l'année 2004 ont été autour de 604.30 millions de dollars
américains et elles ont connu une augmentation rapide de 17.13%, contre
11.31% en 2003. Sous le résultat harmonieux de la croissance
modérée de M2 et des dépôts en dollars, nous avons
remarqué un ralentissement de l'accroissement de la masse
monétaire M3.
Au sens large, cette dernière a augmenté de
9.10% par rapport à l'année 2003 pour arriver à 56 760.96
MG, soit 40.55% du PIB. Avec un tel rythme de croissance, nous constatons que
la masse monétaire M3 est certainement quatre fois plus faible que celle
de l'année précédente et elle est inférieure de
11.5 points de pourcentage aux projections du programme-relais paraphé
entre le FMI et les autorités monétaires du pays au commencement
du second semestre. Tout ceci est prévisible si nous tenons compte de
l'assainissement financier du gouvernement et du marasme de l'activité
économique dans le pays. Ce ralentissement s'est fait graduellement, la
masse monétaire du pays ayant accru de 12.30% au premier semestre pour
connaître une contraction de 2.85% au semestre suivant.
c) Politique monétaire d'Haïti en
situation de la ZLEA
La ZLEA sera un vaste marché de
libre-échange commercial entre les trente-quatre (34) pays des trois
Amériques à l'horizon 2006. Haïti, par une véritable
politique monétaire, devrait arriver à une politique de relance
des activités économiques en encourageant la création de
véritables entreprises dans l'économie pour empêcher
d'importer trop de produits internationaux car l'importation va engendrer
certainement des sorties de devises dans l'économie, ce qui va peser
très lourd sur la balance des paiements (B.P.) du pays.
Ainsi, les autorités monétaires du pays
devraient mener une politique d'ouverture qui part à la recherche des
grands capitaux nationaux et internationaux. Pour y arriver, la BRH devrait
reformer le secteur financier en contrôlant le coût du
crédit pour que le pays arrive à augmenter le PIB et le nombre
d'emplois, le taux de base bancaire, le taux d'inflation dans
l'économie, contrôler le déficit public et le taux de
change afin que le pays puisse améliorer sa balance courante, dynamiser
le système financier du pays en encourageant les gens à
épargner, ce qui va augmenter la capacité du crédit dans
le pays, transformer les bons BRH* en
bons du Trésor* et canaliser les
capitaux de services d'assurance dans des secteurs productifs de
l'économie pour qu'il y ait une grande circulation des capitaux dans
l'économie nationale et augmenter le budget national à plusieurs
centaines de milliards de gourdes. Avec de pareilles mesures, il va
naître en Haïti une ère d'investissements et de richesses.
d) Le mécanisme de la politique
monétaire
Baisse des reserves des banques
Vente de bons BRH par la BRH
Contraction de la masse monétaire
Baisse du credit
(prêts)
Baisse du prix des bons BRH
Hausse du taux de rendement des bons BRH
Hausse des taux d'intérêt
Interprétation : En
vendant des bons BRH, la BRH diminue la quantité
monétaire dans l'économie haïtienne. Ainsi, la banque
centrale du pays fait baisser leur prix. Les acheteurs de bons
bénéficient, par cet avantage, d'un taux de rendement accru. Pour
rester compétitives, les banques relèvent la totalité de
leurs taux d'intérêt. En outre, puisque c'est
généralement aux banques que la BRH vend des bons en
échange de réserves, ces dernières voient leurs
réserves diminuer. Moins de réserves disponibles du
côté des banques, des investisseurs ou emprunteurs potentiels
refroidis par la hausse des taux d'intérêt et tout ceci parvient
à stopper le crédit et l'expansion de la masse monétaire
dans l'économie haïtienne.
____________________
· Bons du Trésor : Ce
sont des titres de créance à court terme sur le Trésor. En
outre, c'est donc une forme d'emprunt à court terme de l'État
contracté auprès du public ou auprès des banques, ce sont
alors des « bons en compte courant ». Lexique
Économique, page 78.
· Bons BRH : Ce sont
l'instrument, depuis leur introduction en novembre 1996,
privilégié de la politique monétaire de la BRH pour
éponger la liquidité monétaire dans l'économie,
soit sur les bons à 91, 28 et 7 jours.
e) Les conséquences d'une politique
monétaire expansionniste
Baisse des taux d'intérêt
Hausse du crédit
Sorties de capitaux
Offre de la devise
Baisse du taux de change
Hausse de l'inflation
Hausse de la masse monétaire
Hausse de la production
Hausse des exportations/Baisse des
importations
Baisse du chômage
Interprétation : Avec la
baisse des taux d'intérêt, nous pourrions relancer
l'économie haïtienne et le nombre d'emplois. En
réalité, sur le plan intérieur, cette baisse va encourager
le crédit et engendrer une expansion de la masse monétaire.
L'expansion du crédit encourage l'augmentation des dépenses de
consommation et d'investissement, favorise la production et l'emploi dans
l'économie et, des fois, crée une situation inflationniste dans
l'économie. Sur le plan extérieur, la diminution des taux
d'intérêt peut occasionner une sortie de capitaux due à la
volonté des investisseurs étrangers qui recherchent de rendements
plus intéressants. Lorsque les investisseurs étrangers vendent
des titres haïtiens, cela a pour cause de faire diminuer le taux de
change. La diminution du taux de change encourage les exportations de produits
nationaux et ralentit l'importation de produits internationaux. Enfin, il va en
résulter une augmentation de la production nationale et une relance de
l'emploi dans l'économie. En outre, la diminution du taux de change
pourrait avoir des conséquences directes sur le taux d'inflation.
f) Problématique du taux de change en
Haïti
Le taux de change est la « valeur de
la monnaie nationale exprimée en monnaie
étrangère ». En outre, il est au
centre du commerce international parce que les offres de devises viennent des
exportations et des entrées des capitaux de l'étranger,
c'est-à-dire la transformation de devises en monnaie locale et les
demandes viennent des importations des agents économiques et des sorties
de capitaux, c'est-à-dire la transformation de la monnaie locale en
devises.
Ainsi, en Haïti la question du taux de change est un
sujet de préoccupations très sérieuses que les
autorités monétaires du pays devraient analyser minutieusement
dans l'idée de définir un horizon qualitatif de débat.
Car, lorsque nous analysons l'évolution de la valeur du dollar
américain par rapport à la gourde, nous constatons que la gourde
s'apprécie par rapport au dollar US, les exportations du pays diminuent
et le pouvoir d'achat de nos frères qui reçoivent des transferts
de la diaspora baisse également parce qu'ils ont moins de gourdes dans
une économie où les prix ne cessent de grimper et
l'appréciation de la gourde par rapport au dollar est profitable
seulement au secteur des importations parce que les agents économiques
de ce secteur ont besoin de moins de gourdes pour pouvoir acheter le dollar,
c'est-à-dire ils peuvent importer une plus grande quantité de
biens et services avec une même quantité de gourdes avant
l'appréciation.
Et, quand le dollar s'apprécie par rapport à la
gourde, les exportateurs en bénéficient mais les consommateurs en
font encore les frais parce que les prix vont augmenter à tous les
niveaux. C'est pourquoi, nous parlons de la problématique du taux change
en Haïti. Enfin, dans une économie où la capacité de
production est très faible et la majorité des biens et des
services proviennent des importations, le taux de change est un instrument que
les autorités monétaires devraient contrôler à bon
escient pour ne pas pénaliser les consommateurs à faible pouvoir
d'achat vivant dans le pays.
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