L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone à travers l'exemple de Niamey (Niger )( Télécharger le fichier original )par Hamadou ISSAKA Université de Pau et des pays de l'Adour - Master 2 de géographie 2007 |
CONCLUSIONL'habitat informel est l'un des problèmes qui parvient à résister face à toutes les politiques que l'Afrique à initier depuis les indépendances. L'ampleur du phénomène et le risque qu'il entraîne ont amené les partenaires extérieurs à appuyer les Etats et même à les contraindre à adopter une véritable politique face au récurrent problème de logement. Des institutions internationales comme la Banque Mondiale, ont dans ce cadre aidé les différents pays à améliorer les conditions de vie des squatters en initiant des programmes d'amélioration de cet habitat insalubre. Ces institutions ont par ailleurs fait pression sur les Etats pour qu'ils mettent fin à la destruction systématique des quartiers spontanés. Cette politique conduite dans les années soixante-dix a permis l'intégration de certains secteurs dans le paysage urbain. Mais, elle n'a pour autant pas constituer la réponse définitive à la question car l'occupation irrégulière de l'espace urbain est loin d'être terminée. A Niamey, le phénomène avait été contenu dans des proportions moindres jusqu'au début de la décennie 70 avant de connaître une expansion extraordinaire avec les sécheresses 1972-1973 et surtout du fait de l'affaiblissement de l'autorité de l'Etat à partir des années 1990 avec l'ouverture démocratique assimilable à l'anarchie. La crise urbaine se poursuit dans un contexte de paupérisation de la majorité des citadins. La baisse du pouvoir d'achat fait que même la classe moyenne est sujette à se réfugier dans cet abri de désolation. La ségrégation résidentielle héritée de l'époque coloniale a pris un élan nouveau avec l'impossibilité pour la majorité des Niaméens d'accéder à la parcelle officielle. Celle-ci dont la répartition a de tout temps été décriée devient de plus en plus rare et coûteuse au point qu'une minorité seulement peut y postuler. Toutefois, le problème ne se situe pas uniquement au niveau de l'accès de la parcelle. En effet, lors de l'opération « parcelles contre arriérés de salaire », la majorité des parcelles mises à la disposition des agents de l'Etat s'était retrouvée entre les mains des hommes d'affaire et des politiciens. Pourtant l'idée d'octroyer une parcelle à chaque fonctionnaire aurait été bonne si elle avait été conçue dans une véritable politique d'accès au logement. Il aurait fallu par exemple négocier des crédits pour l'habitat afin que ces fonctionnaires puissent être à l'abri des spéculateurs prêts à faire des offres alléchantes pour acquérir les parcelles. Tout se passe comme s'il n'existait aucune politique étatique en matière de logement. Pire, avec la faillite de la banque de l'habitat et le gel des avoirs de la caisse de prêt aux collectivités territoriales, la classe moyenne n'arrive plus à mobiliser les fonds pour construire. De plus, les parcelles officielles ne sont plus viabilisées immédiatement lors des lotissements comme prévu par les textes entraînant ainsi de longues années d'attentes avant leur mise en valeur. Face à toutes ces difficultés imputables dans une certaine mesure à l'inertie d'une administration aux procédures longues et compliquées, les modifications successives de statut de la capitale n'ont rien apporté. Pourtant, il va falloir trouver une réponse capable au moins d'assurer la sécurité des squatters et parfois de leurs voisins. Les maisons sont construites sur des sites parfois accidentés ou marécageux ou sur des réserves foncières destinées aux équipements d'utilité publique. La terre est occupée ou lotie illégalement et souvent les maisons ne répondent pas aux normes de construction et de salubrité. Bâtis sur un domaine sans programmation, les établissements ne respectent ni le zonage encore moins les plans directeurs. L'essentiel pour les squatters étant de ne pas payer le loyer ou à moindre coût. C'est pourquoi, contrairement au reste de la ville où la majorité est locataire, dans l'habitat informel nos enquêtes ont montré une forte proportion de propriétaires (79,5%) contre près de 14% de locataires. Le reste est constitué des personnes logées gratuitement soit par des parents ou des leaders politiques ou religieux. La satisfaction d'être « chez soi » cache mal dans certains secteurs la forte densification de l'occupation, le problème de promiscuité, la précarité des conditions d'hygiène ainsi que l'absence de lisibilité de la trame. L'habitat informel constitue des enclaves de la pauvreté où le manque d'infrastructures donne l'image d'espaces de relégation. Il est indéniable que les squatters ont un apport à la ville notamment à travers les activités qu'ils exercent ; c'est pourquoi, il faut trouver un moyen leur permettant de vivre dans la dignité. Cela n'est possible qu'avec un changement global de comportement des différents acteurs dont principalement les autorités administratives dont les agissements sont parfois irresponsables. Les déclassements irréguliers des îlots, les détournements de terrain et le favoritisme dans l'attribution des parcelles sont des pratiques intolérables. Il est nécessaire que les candidats puissent avoir les mêmes chances d'accès au bien immobilier. Dans cette perspective, il est urgent que les textes soient respectés par tous. Le bafouillage des outils de gestion a contribué à entretenir le désordre dans la gestion urbaine en général et foncière en particulier. La confusion entretenue semble profiter à tous les acteurs et en premier lieu aux responsables municipaux. Une nouvelle forme de gouvernance doit être appliquée en vue d'un aménagement urbain véritable. Cela suppose la restructuration des structures de production et de gestion de l'espace urbain et l'affectation des cadres compétents. La mise à la disposition de la justice de tous ceux qui sont à l'origine de la gestion catastrophique du foncier est un préalable et un signe de changement d'orientation. La décentralisation en vigueur permet au gouverneur représentant de l'Etat de veiller à l'application de la loi et notamment les règles d'urbanisme. Il urge d'avoir une politique foncière pragmatique qui puisse permettre à la majorité des citadins d'avoir accès au foncier pour éviter les phénomènes des banlieues qui s'observent ailleurs. L'Etat ne doit plus faire montre de laxisme dans le respect des textes ; il y va de la cohésion sociale. Dans tous les cas, la résolution du problème du logement pour le grand nombre requiert un effort de réflexion, d'organisation, de financement mais aussi de participation des différents acteurs. Or sur ce plan, les squatters de Niamey font montre d'une disponibilité à participer financièrement à l'amélioration de leur cadre de vie. Les autorités doivent se convaincre que la gestion administrative suppose la satisfaction des besoins de la majorité. Le fait de privilégier un clan ou une minorité a toujours été une source de frustration dont l'exacerbation conduit souvent à des solutions de détresse. Les autorités en charge de la gestion de Niamey se doivent de penser aux générations immédiates et futures. La consommation d'espace à Niamey est sans commune mesure avec celle des autres villes alors que c'est l'une des moins peuplées. L'observation de la carte n°5 (page 91) montre un gaspillage inexplicable du foncier à Niamey. A l'allure où vont les choses, si les autorités politiques se permettent d'étendre le territoire de la CUN, dans moins d'un demi siècle, Niamey risque d'être l'une des villes les plus étendues d'Afrique subsaharienne alors que dès maintenant, l'insalubrité, l'insuffisance et le mauvais état de la plupart de la voirie et des réseaux ont atteint un niveau inquiétant. Cette inquiétude est d'autant plus fondée que la menace d'extension démesurée de la ville est réelle au point que les communes voisines comme Liboré ont déjà anéanti toute tentative d'extension sur leur territoire. Or, la population ne fait que croître dans un contexte de paupérisation, le nouvel enjeu qui se pose reste et demeure celui de l'accès équitable au peu de capital foncier qui reste à lotir. Face à ce nouveau défi qui nécessite une nouvelle forme de gouvernance de la ville, il va falloir inventer de nouvelles méthodes de gestion. Notice bibliographique
- BARNET Y. Bidonvilles et architectes http://barnet.yann.free.fr/bidonvilles.htm [janvier 2007] - COUR J-M. (1995) Les enjeux de l'urbanisation dans les pays en voie de peuplement, OCDE-Club du Sahel Paris, http://www.urbanisme.equipement.gouv.fr - Niger (République du), PRI-U, étude de base pour la gestion des eaux pluviales, http://www.enpc.fr/cereve/RapportsActivite/cereve00.pdf - MORICONI-ÉBRARD F. (1993) L'urbanisation du monde depuis 1950, Économica Anthropos, Collection Villes, Paris, http://www.urbanisme.equipement.gouv.fr - MOTCHO Kokou Henri (2006) La réforme de la Communauté Urbaine de Niamey, http://www2.polito.it/ricerca/cctm/wp/WP16.pdf - ONU (1995), World urbanisation prospects - The 1994 revision, United Nations, New York, http://www.isted.com/pole-ville/cooperation_urbaine/coop_ch1.pdf - ONU : http://www.fao.org/DOCREP/003/X6988F/x6988f06.htm -PNUEH (Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains : http://www.unchs.org/ - SERGIO O.J. (2002) Assainissement d'écosystèmes urbains en zone tropicale humide Le cas de la ville de Yaoundé au Cameroun. Mémoire de fin d'études encadré par : Escuela Técnica Superior de Ingenieros de Caminos, Canales y Puertos de Barcelona Universitat Politècnica de Catalunya, Barcelone, mai, 112p. http : // www.isf.es/pfc/Documents/Mem_SOJ_EcoUrbains.pdf, [décembre 2006] SORY B. Situation institutionnelle, http://www.etat.sciencepobordeaux.fr/institutionnel/ niger.html [mars 2007] - wikipedia.org/wiki/Droit_de_propri |
|