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UNIVERSITE DE PAU ET DES PAYS DE L'ADOUR U.F.R.
Lettres, Langues et Sciences Humaines
Institut de Recherche sur les Sociétés et
l'Aménagement
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L'habitat informel dans les villes d'Afrique
subsaharienne
francophone à travers l'exemple de Niamey
(Niger)
MEMOIRE DE MASTER II de Géographie
Rédigé sous la direction de
M. le
Professeur Dominique BADARIOTTI
par
Hamadou ISSAKA
TABLE DES MATIERES
SIGLES ET ABREVIATIONS 4
EPIGRAPHE 5
REMERCIEMENTS 6
AVANT-PROPOS 7
INTRODUCTION 8
PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE ET APERÇU
BIBLIOGRAPHIQUE 9
Chapitre premier : Le contexte général de
l'habitat informel 11
1.1 La problématique générale 11
1. 2. Les objectifs de l'étude 13
1.3 L'approche méthodologique 14
1.4 L'état de l'art 15
1.4.1 L'habitat informel à travers le monde 16
1.4.1.1 En Europe 16
1.4.1.2 Dans les pays en voie de développement
16
1.4.1.2.1 En Asie 17
1.4.1.2.2 En Amérique du Sud 17
1.4.1.2.3 En Afrique du Nord 18
1.5 L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne
francophone 18
1.5.1 Les causes 18
1.5.2 Les conséquences des pratiques informelles sur le
dynamisme urbain 20
1.5.3 Quelques solutions envisagées 21
1.5.4 Enseignements tirés de l'état de l'art 22
Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone
et leur planification urbaine 23
2.1 L'historique des villes d'Afrique subsaharienne
francophone 23
2.2 La planification urbaine dans les villes d'Afrique
subsaharienne francophone 24
2.3 Le processus d'urbanisation en Afrique subsaharienne
francophone face à celui des
autres régions du monde 27
2.4 La ségrégation résidentielle dans les
villes de l'Afrique subsaharienne francophone 28
2.5 Les systèmes de droits et statuts d'occupation dans
les villes d'Afrique subsaharienne
francophone 29
2.5.1 L'organisation du régime de la
propriété foncière 30
2.5.2 Les filières coutumières de production et
d'attribution du sol urbain et les
occupations irrégulières 31
Chapitre III : Niamey : description et caractérisation
de la problématique 33
3.1 Notes générales sur le Niger 33
3.1.1 L'évolution institutionnelle 33
3.1.2 L'administration 35
3.1.3 L'organisation territoriale 35
3.2 Niamey : le milieu naturel 36
3.2.1 Les conditions physiques 37
3.2.2 Les caractéristiques démographiques 40
3.2.3 L'évolution politique et administrative de Niamey
41
Chapitre IV : Le foncier à Niamey 44
4.1 Le système précolonial 44
4.1.1 Le droit du chef de terre et sa lignée mâle
: l'abusus 44
4.1.2 La cession des terres en guise de remerciement ou de bon
voisinage : l'usufruit 45
4.2 Le droit foncier colonial 45
4.3 Le droit foncier post-colonial 46
4.4 La gestion foncière telle que prévue par les
textes 46
4.4.1 Les acteurs publics 46
4.4.2 Les acteurs semi-publics 47
4.4.3 Les acteurs privés 47
4. 5 La procédure de lotissement telle que
prévue par les textes 48
4. 5.1 La constitution du dossier de création d'un
lotissement 48
4.5.2 L'instruction locale du dossier 49
4.5.3 L'instruction au niveau central 49
4.5.4 L'approbation du lotissement 50
4.6 Le lotissement dans la pratique à Niamey 50
DEUXIEME PARTIE : HABITAT INFORMEL A NIAMEY : JEU ET ENJEUX 53
Chapitre V : L'accès à l'habitat à Niamey
54
5.1 La filière officielle de production de parcelle
54
5.2 La filière informelle 56
5.2.1 L'habitat informel sur domaine coutumier 56
5.2.1.1 Comment s'effectue le lotissement ? 57
5.2.1.2 Comment s'organise la vente des parcelles informelles
? 57
5.2.2 L'habitat informel sur domaine privé 58
5.2.2.1 le domaine privé de l'Etat 58
5.2.2.2 Le domaine privé des particuliers 60
5.2.3 Le domaine public 60
5.2.3.1 Les rues 61
5.2.3.2 Les espaces verts 61
Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question urbaine
ou question sociale ? 63
6.1 Origine et évolution de l'habitat informel à
Niamey 63
6.1.1 Origine de l'habitat informel 63
6.1.2 Les facteurs d'évolution de l'habitat informel 65
6.1.2.1 Les migrations intra-urbaines 65
6.1.2.2 Les migrations extra-urbaines 66
6.1.2.3 L'atermoiement des autorités 66
6.2 Le squattage à Niamey : nécessité ou
stratégie urbaine ? 68
6.3 Stratification de l'habitat informel à Niamey
69
6.3.1 L'habitat informel de bas standing 69
6.3.2 L'habitat informel de moyen standing 72
Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la
pauvreté 76
7.1 Le squat : expression spatiale de
ségrégation 76
7.2 L'habit informel à Niamey: un espace de
relégation 76
7.2.1 L'angoisse du lendemain incertain 77
7.2.2 Le sous-équipement des quartiers 78
7. 3 L'origine géographique des squatters 80
7.4 Habitats informels, cités sensibles et ghettos :
éléments de comparaison 82
Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et perspectives
86
8.1 L'habitat informel dans un contexte de démocratie
et de décentralisation 86
8.2 Quel avenir, quelles solutions pour l'habitat informel
à Niamey ? 88
8.2.1 Une politique de l'échec et du paradoxe
guidée par les intérêts des nantis 88
8.2.2 Des constats aux suggestions 89
8.2.2.1 Les constats d'une gestion mafieuse du foncier
90
8.2.2.2 Des suggestions pour un habitat pour tous 90
CONCLUSION 96
Notice bibliographique 99
LEXIQUE 102
TABLE DES CARTES 103
TABLE DES FIGURES 104
TABLE DES TABLEAUX 106
ANNEXES 107
SIGLES ET ABREVIATIONS
CNUH : Commission Nationale d'Urbanisme et
d'Habitat CPC : Commission du Permis de Construire
CPCT : Caisse de Prêt aux
Collectivités Territoriales CTUH : Comité
Technique d'Urbanisme et d'Habitat CUN : Communauté
urbaine de Niamey
F CFA : Franc de la Communauté
Financière d'Afrique INS : Institut National de la
Statistique
IRSH : Institut de Recherches en Sciences
Humaines Ha : hectare
NIGELEC : Société
Nigérienne d'Electricité ONU : Organisation des
Nations Unies
PC/CUN : Président du Conseil de la
Communauté Urbaine de Niamey
PO : Permis d'Occuper
PP/CUN : Préfet/Président de la
Communauté Urbaine de Niamey PRI-U : Projet de
Réhabilitation des Infrastructures Urbaines PUH :
Permis Urbain d'Habiter
RGP/H : Recensement Général de la
Population et de l'Habitat SAT : Sociétés,
Aménagement, Territoire
SDUH : Service Départemental de
l'Urbanisme et de l'Habitat SMIC : Salaire Minimum de
Croissance
SONAGIM : Société Nationale de
Gestion Immobilière
SONUCI : Société Nigérienne
d'Urbanisme et de Construction Immobilière SPEN :
société des Patrimoines des Eaux du Niger
SPOT : Système Probatoire d'Observation
de la Terre UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
UPPA : Université de Pau et des Pays de l'Adour
EPIGRAPHE
« Dis-moi où tu habites, je te dirai ce dont
demain ton fils sera fait » ; proverbe arabe de la fin du
XIVème siècle.
REMERCIEMENTS
Un travail d'Etude et de Recherche ne saurait être
conduit à bien sans le soutien de plusieurs personnes. Au terme de cette
étude, nous tenons donc à exprimer notre reconnaissance et notre
profonde gratitude à l'endroit de tous ceux qui d'une manière ou
d'une autre nous ont aidé dans l'aboutissement de ce travail. Nous
pensons en premier lieu à notre directeur de mémoire le
Professeur Dominique BADARIOTTI, qui a bien voulu nous encadrer. Sa
disponibilité permanente et ses conseils nous ont été
déterminants. Nous sommes reconnaissant envers l'Institut de Recherches
en Sciences Humaines (IRSH) de l'Université Abdou Moumouni de Niamey qui
finance nos études. Nous remercions Monsieur Abdou BONTIANTI Chef du
département de Géographie et Aménagement de l'Espace, le
Professeur Hamidou Arouna SIDIKOU, le docteur Abdoulaye MAGA et Issa ABDOU
(collaborateur technique à l'IRSH) pour leurs multiples soutiens. Que
l'ensemble du corps professoral trouve ici l'expression de notre
déférente reconnaissance. Nos remerciements vont à nos
amis, à nos compatriotes Djibrilla Idé Alpha et Assamaou
Mahamadou Doby étudiants à l'UPPA pour leur soutien moral. Nos
remerciements s'adressent aussi à tous nos camarades de la promotion
avec une mention particulière envers François SALDAQUI et Jeremy
HINCHY. Comment clôturer cette liste sans penser à Viviane
MUSCIANISI, secrétaire du Master SAT, dont la disponibilité et le
soutien nous ont été constants.
Que ceux que nous n'avons pas pu citer nommément
sachent que nous nous souvenons de ce qu'ils ont fait et à tous ceux que
nous avons cités qu'ils sachent que nous leur rendons un hommage
sincère bien au-delà de l'exercice un peu formel que semblent
constituer ces quelques mots.
AVANT-PROPOS
Ce travail d'étude et de recherche vise à
approfondir nos connaissances en matière d'habitat informel. Il
constitue un prolongement de notre sujet de mémoire intitulé
les espaces d'occupation spontané à Niamey : contribution
à l'analyse des pratiques urbaines en milieu sahélien. Au
cours de ce travail, nous avons récolté une masse d'informations
que le temps et les contraintes académiques ne nous ont pas permis
d'exploiter certains aspects.
Le présent travail portant sur l'habitat informel
dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone à travers l'exemple
de Niamey constitue pour nous le prolongement du précédent
en mettant en exergue ce problème de logement informel qui attire de
plus en plus les Niaméens de différentes
catégories socioprofessionnelles. L'étude de ce
phénomène ne saurait se dissocier d'une analyse de la production
foncière qui est la cheville ouvrière de l'accès à
la parcelle et donc au logement. Or plusieurs acteurs sont en jeu et chacun
développe une stratégie pour tirer son épingle du jeu. Ce
travail constitue un exercice peu aisé du fait que l'étude du
foncier et de l'habitat n'est pas un domaine spécifique aux
géographes. Elle se situe au carrefour du droit, de la sociologie, de
l'urbanisme. C'est pourquoi, les concepts et outils de ces disciplines ont
été empruntés. Cette recherche a été nourrie
par les travaux existants et par notre expérience de terrain.
INTRODUCTION
L'Afrique subsaharienne s'est engagée récemment
dans un processus d'urbanisation qui a commencé à prendre de
l'ampleur après la deuxième guerre mondiale. La création
des villes visait un double objectif à savoir servir de port maritime
pour faciliter l'acheminement des matières premières à
destination de l'Europe pour les unes et de centre administratif pour les
autres. La rapidité du développement des villes a vite abouti
à une inadéquation entre les structures d'accueil et les besoins
des citadins dont beaucoup n'ont pas accès aux lotissements officiels.
Ainsi, il en résulte une crise du logement née de l'insuffisance
notoire de l'offre des parcelles par les administrations foncières
publiques. La spéculation foncière liée aux enjeux que
constitue le sol urbain rend inaccessible à la majorité des
citadins les logements répondant aux normes de l'urbanisme.
Au Niger, le problème de logement n'a pas tardé
à surgir dès les premières années de l'accession du
pays à l'indépendance. Le problème est d'autant plus grave
que Niamey, la capitale accueille chaque saison de migrants ruraux
paupérisés qui fuient leurs villages à cause des mauvaises
conditions de vie. Pour accueillir cette migration de la
pauvreté aucune infrastructure n'est disponible. Les migrants sont
logés d'abord par des parents ou des connaissances avant de chercher
à s'installer définitivement. Pour cela, il leur faut une
parcelle. Or, l'accession à la parcelle comporte tellement
d'écueils que rares sont les couches moyennes qui arrivent à les
franchir. C'est pourquoi, beaucoup de candidats préfèrent suivre
la filière informelle de production foncière dont la
procédure semble plus souple et surtout moins discriminatoire que la
filière dite officielle. La conséquence de cette situation est la
prolifération d'un habitat informel qui prend de l'ampleur au fil des
ans. Jadis toléré pour des raisons sociales, le laxisme face
à cette violation des règles de l'urbanisme s'explique
aujourd'hui par des raisons politiques. Le squat abrite une population
cosmopolite et l'aggravation des conditions de vie incite les couches moyennes
à recourir à cette solution naguère
considérée comme l'alternative des plus démunis. Le plus
inquiétant est que contrairement aux autres villes d'Afrique
subsaharienne francophone, Niamey n'arrive pas à contenir cet habitat
dans des secteurs déterminés au point que tous les paysages de la
ville comportent leurs squats. La décentralisation
considérée comme la panacée tarde à donner des
résultats. Il se pose un réel problème
d'aménagement auquel les autorités doivent apporter des solutions
adaptées. Après avoir décrit le cadre de l'étude en
donnant un aperçu bibliographique, nous traiterons des jeux et enjeux de
l'habitat informel à Niamey.
PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE ET APERÇU
BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre premier : Le contexte général de
l'habitat informel
Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone et
leur planification urbaine
Chapitre III : Niamey : description et caractérisation de
la problématique Chapitre IV : Le foncier à Niamey
Chapitre premier : Le contexte général de
l'habitat informel
En Afrique subsaharienne francophone, le
phénomène d'urbanisation est récent et date
véritablement de la période coloniale. Cette période
allant de 1870 à 1960 était toutefois marquée par un
faible taux d'urbanisation en Afrique tropicale par rapport à d'autres
parties du monde. Alors que l'Europe et la Chine avaient des taux
dépassant les 10% durant cette période, l'Afrique subsaharienne
était à un taux 4% (COUR J-M., 1995). Mais le timide processus
d'urbanisme enclenché au cours des années 1950 connaîtra un
essor sans précédant après les indépendances.
1.1 La problématique générale
Le problème de gestion de l'espace urbain qui concerne
tous les pays du tiers-monde a, du fait de son ampleur, fait l'objet de
plusieurs rencontres internationales au cours desquelles les différents
Etats s'étaient engagés à trouver des solutions visant
à améliorer les conditions de logement des citadins
démunis. C'est dans ce cadre que s'est tenue la conférence des
Nations Unies sur les établissements humains à Vancouver au
Canada en 1976. Une décennie après, au regard du non respect des
engagements pris par les différents gouvernements, l'Organisation des
Nations Unies a décrété l'année 1987 année
des sans-abri et une stratégie globale du logement fut
élaborée l'année suivante. Néanmoins, ces
initiatives n'ont eu que peu d'effet et le problème persiste puisque
près d'un milliard de personnes habitent de logements indécents
ou irréguliers et parmi eux six cent millions vivent dans une situation
préjudiciable à leur santé selon PEROUSE J-F. (1993). Face
aux inquiétudes qu'elle suscite, la question urbaine a constitué
aussi le thème central de la deuxième conférence des
Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II) tenue à
Istanbul (Turquie) en 1996.
En Afrique subsaharienne l'urbanisation est un
phénomène récent. En effet, même si des villes ont
existé bien avant la pénétration coloniale dans cette
partie du continent, il n'en demeure pas moins que le véritable
processus d'urbanisation s'est enclenché après la deuxième
guerre mondiale. Plus tard, l'accession des Etats à
l'indépendance va accélérer la croissance urbaine.
D'environ 22 millions en 1950, la population urbaine passe à 249
millions en 19951 soit une multiplication par 11 en 45 ans. Cette
croissance rapide pose du coup le problème de l'accès au logement
pour tous les citadins. L'occupation de l'espace met en jeu plusieurs acteurs
aux intérêts contradictoires dont les actions transforment la
ville. Il s'engage
1DUBRESSON A. (1999), in : les grandes villes
africaines : trois questions sur le futur urbain du continent, pp. 66-82
ainsi une concurrence entre les différents intervenants
dont chacun cherche à tirer le maximum de profit en élaborant
parfois des tactiques ou même des stratégies pour assouvir ses
besoins. Ces logiques et stratégies transforment le paysage urbain en
une multitude de secteurs fortement contrastés.
A Niamey (capitale du Niger), ville fondée par les
français en 1903, les bases du contrôle du foncier ont
été fondées par l'administration coloniale qui au terme
des textes réglementaires s'était attribuée toutes les
terres sur lesquelles s'étendait la croissance spatiale de la ville.
Dans cette perspective, des terrains ont été gratuitement offert
aux habitants (à condition de construire avec des matériaux
durables) afin d'accélérer la mutation de ce village anonyme. Il
en est résulté une croissance rapide de la ville tant du point de
vue démographique que spatiale. En effet, selon SIDIKOU (1980) la
population est passée de 1800 habitants en 1905 à 1886 habitants
en 1921. Trente ans plus tard (1951), cette population a été
multipliée par 6,2 atteignant ainsi 11 790 habitants. A cette date
Niamey rattrape les grandes villes précoloniales et en 1960 avec une
population estimée à 33 816 habitants2, elle regroupe
plus du tiers de la population citadine du pays. En 1977, suite aux
sécheresses du début des années 1970, l'afflux massif des
ruraux a fait que Niamey totalise 108 000 habitants en 1972 et concentre ainsi
40% de la population citadine du pays avec une croissance annuelle de 11,5%.
Parallèlement, le prix des terrains ne fait que flamber passant de 30
000F CFA en 1960 à 60 000F en 1975 et à plus de 900 000 F CFA
(soit 1 372 euros) en 2002 pour une parcelle de 600 m2. En 1988,
avec 397 437 habitants, Niamey ne concentre plus que 32% de la population
citadine du Niger. Au même moment la ville ne fait que s'étendre
puisqu'en 25 ans la superficie a été multipliée par 2,5
passant de 4 400 ha en 1977, à près de 11 000 ha en 2002 alors
qu'elle n'était que de 1367 ha en 1970.
En 2005, selon l'Institut national de la statistique, avec une
population estimée à 808 313 habitants, Niamey concentrait 6,4%
de la population du Niger et 39,3% de la population urbaine. Elle se classe
ainsi très loin devant Zinder et Maradi deuxième et
troisième villes du pays dont les taux de population urbaine varient
respectivement entre 14,1% et 13,3%.
La rapide croissance démographique et spatiale de
Niamey s'effectue dans une situation économique difficile où
rares sont les citadins qui peuvent s'acheter une parcelle officielle. En
effet, selon une enquête nationale sur le budget et la consommation
réalisée en 1993, 42% des Niaméens sont
qualifiés de pauvres avec un revenu inférieur à 75 000 F
CFA et 18% sont extrêmement pauvres c'est-à-dire qu'ils ont un
revenu annuel de 50 000 F CFA. Ces pauvres
2BRUNEAU (J-C), GIRAUT (F.), MORICONI-EBRARD (F.) :
Villes nigériennes. L'émergence d'une armature urbaine nationale
en pays sahélien, in Revue de Géographie alpine N° hors
série, vol. I, 1994, pp. 241-257.
et très pauvres ne peuvent donc pas s'offrir une
parcelle régulière ; mais ils ne sont pas les seuls. La
procédure d'attribution des parcelles officielles est tellement lente et
ségrégative que la plupart des citadins sans connaissance
à la Mairie préfère s'abstenir. L'offre est toujours
insuffisante et entourée de clientélisme. En 1960, la
moitié des demandes avait été satisfaite ce qui a conduit
à la naissance du premier quartier informel de la ville en 1966. Cette
insuffisance de l'offre continue en s'aggravant puisque selon SEYBOU I (2005)
entre 1972 et 1993, sur plus de 15 000 demandes de parcelles
enregistrées au service des affaires domaniales de la Communauté
Urbaine de Niamey, seules 4 061 parcelles ont été
théoriquement produites soit un taux de 27,1%. Confrontés
à cette pénurie de parcelles officielles et à son
inaccessibilité pour les couches moyennes et populaires, ces citadins se
retournent vers les propriétaires fonciers coutumiers. Ces derniers
concurrencent efficacement l'administration foncière par leurs offres
immédiates et relativement moins chères. Les citadins très
pauvres qui ne peuvent s'offrir aucun des services précités
occupent tout simplement les espaces publics et certains interstices de la
ville
Dans cette situation, on est en droit de se demander comment
les individus arrivent-ils à s'imposer aux pouvoirs publics et à
modifier les formes de gouvernance de la ville ? A cette question principale,
peuvent s'ajouter les interrogations suivantes :
- quelles sont les raisons qui poussent les
citadins à occuper illégalement l'espace urbain ? - Qui sont les
acteurs fonciers et de quelles compétences disposent-ils ?
- Les enjeux fonciers à Niamey peuvent-ils être
liés à la forte demande de parcelles et de logements qui serait
à l'origine des types d'offres qui sont en cours ?
1. 2. Les objectifs de l'étude
- Objectif général
L'objectif global de cette étude est de rendre compte
du rôle des acteurs fonciers dans le développement de l'habitat
informel à Niamey et montrer les enjeux autour de l'occupation de
l'espace.
- Objectifs spécifiques
* Déterminer les conséquences urbanistiques de
l'habitat informel sur la morphologie urbaine; * S'interroger sur les raisons
du laisser-faire des autorités municipales.
Ces objectifs reposent sur trois hypothèses :
- L'habitat informel est une réponse face à la
crise économique qui sévit sur les citadins et à
la
crise institutionnelle qui paralyse l'administration foncière incapable
de satisfaire les
demandes en parcelles. Depuis le début des
années 1960, l'offre des parcelles a toujours été
insuffisante par rapport à la demande. Il reste à savoir si
l'offre est réellement insuffisante ou si c'est la distribution qui est
mal organisée au point que la majorité des citadins se sent
exclue et se lance dans l'informel.
- Les enjeux fonciers sont le résultat des rapports de
force entre les différents acteurs urbains. Si au cours de la
période coloniale et sous les régimes militaires les
propriétaires coutumiers ne pouvaient se contenter que de ce que
l'administration leur octroie en guise de dédommagement, aujourd'hui,
cette procédure est anachronique car les coutumiers défendent
leurs droits et s'opposent aux lotissements intempestifs en exigeant un taux de
dédommagement qu'ils jugent juste.
- l'anarchie dans la gestion foncière profite à
tous les acteurs.
Dans une ville où la gestion est sensée
être réglementée, la prolifération de l'habitat
informel est inexplicable. On assiste en effet, à des
déguerpissements réguliers des revendeurs qui occupent des
trottoirs alors qu'ils paient la patente auprès des autorités.
Quant aux squatters, ils ne sont pas inquiétés outre mesure comme
si en les laissant faire l'autorité cachait quelque chose.
1.3 L'approche méthodologique
Dans le cadre de cette étude, nous avons adopté une
démarche en trois étapes : la recherche documentaire, la
cartographie et l'exploitation des résultats d'enquêtes.
La recherche documentaire
Elle s'est déroulée principalement à la
bibliothèque de l'UPPA. D'autres documents ainsi que des sites web ont
été aussi consultés.
La cartographie et la photographie
La cartographie est le moyen le plus efficace de mettre en
relief notre objet d'étude qui est l'habitat irrégulier. Pour ce
faire, nous avons repris le travail de localisation que nous avons fait en 2004
(à l'aide du logiciel de dessin Adobe Illustrator). Nous avons
utilisé le logiciel Arcview pour reprendre le travail de localisation en
y ajoutant des espaces ainsi que des cours
d'eau qui ne figuraient pas sur notre travail
précédent. Nous avons fait recours à des images SPOT pour
compléter ce travail. Cependant, nous ne nous sommes pas hasardé
à calculer la superficie occupée par l'habitat informel à
cause de son hétérogénéité mais surtout du
fait que notre travail précédent était plus un travail de
localisation qui ne donne que l'emplacement précis des squats et non la
superficie réelle occupée. Par contre, pour montrer
réellement l'ampleur de certains squats, nous avons utilisé une
image de Google Earth. En outre, des photos ont servi de support pour mieux
illustrer la typologie de l'habitat.
L'exploitation des résultats
d'enquêtes
Elle concerne des données recueillies lors de notre
travail d'étude et de recherche de maîtrise que nous n'avons pas
pu exploiter dans le cadre dudit travail. Des résultats d'autres
enquêtes ayant eu lieu après les nôtres sur des
thèmes similaires ont été aussi mis à
contribution.
1.4 L'état de l'art
L'habitat irrégulier est une caractéristique de
l'urbanisation qui affecte quasiment tous les continents. Si l'on peut trouver
des variantes à travers le monde, le phénomène traduit un
malaise, une marginalisation que l'on se presse à attribuer aux pauvres.
Cependant, une analyse du phénomène permet de comprendre
qu'au-delà des pauvres, les couches moyennes sont également
concernées. La caractéristique commune de l'habitat
irrégulier est la précarité du statut foncier. Sinon, la
constitution d'un quartier spontané varie parfois d'une ville à
une autre, voire d'un continent à un autre. C'est pourquoi, une
multitude d'expressions est utilisée pour désigner le
phénomène d'occupation illégale de l'espace. C'est dans
cette optique que BLANC, B. et DANSEREAU, F. (1995), proposent de faire la
distinction entre les notions d'habitat informel, irrégulier,
illégal, clandestin ou spontané ou encore de quartier
sousintégré, de taudis et de bidonville. Tous ces termes sont
plus ou moins confusément utilisés comme synonymes
évocateurs d'une réalité unique alors qu'ils recouvrent
des situations infiniment diverses. L'illégalité des
établissements, l'absence d'infrastructures officielles et
l'encombrement constituent probablement des éléments communs de
base mais la forme et le degré des écarts sont susceptibles de
variations très grandes.
Nous allons aborder succinctement la situation sur les
différents continents avant de nous appesantir sur le cas de l'Afrique
subsaharienne.
1.4.1 L'habitat informel à travers le monde
Bien que de nature différente, l'habitat informel se
retrouve quasiment sur tous les continents.
1.4.1.1 En Europe
Selon BARNET Y. (2003), le phénomène de
bidonvilisation a connu deux phases en Europe : la révolution
industrielle et la seconde guerre mondiale. Au cours de la révolution
industrielle, les habitants des bidonvilles étaient des ouvriers venus
en ville pour servir de main d'oeuvre dans l'industrie en expansion. Ils se
sont installés non loin des usines situées à la
périphérie des villes. Face à l'ampleur du
phénomène, politiciens et patrons se réunirent pour
trouver une solution à ce problème et c'est ainsi que des
logements sociaux furent bâtis aux ouvriers ainsi que des aides au
logement apportées à ceux qui en ont besoin.
La seconde vague consécutive à la guerre
était constituée principalement de maghrébins fuyant leurs
territoires pour venir s'installer en Europe. Il faut ajouter à ces
immigrants, les sinistrés de la seconde guerre mondiale. Là, ce
sont les terrains vagues situés à la périphérie des
agglomérations qui sont squattés. En France, par exemple, ce
phénomène se situe autour de 1953-1962 où plusieurs
dizaines de milliers de familles vivaient dans ce qui fut le plus grand
bidonville de France à quelques mètres des logements sociaux et
qui mettait face à face le confort et la désolation : le
bidonville de Nanterre.
1.4.1.2 Dans les pays en voie de
développement
Ces pays caractérisés par une urbanisation
récente, ont commencé à voir se développer les
quartiers informels au cours des années 50 et 60. Deux facteurs
expliquent le phénomène : d'une part, la paupérisation
des campagnes suite aux programmes étatiques axés plus sur un
désir d'industrialisation. Cette priorité accordée
aux villes au détriment des campagnes a provoqué une migration
importante des ruraux pauvres vers les villes. Une fois arrivées en
ville, ces petites gens construisent des baraques près des foyers
d'emploi et ainsi se développe l'habitat spontané et insalubre
où habite une main d'oeuvre bon marché. D'autre part, la famine
et le désoeuvrement dans les campagnes constituent l'autre raison.
Le phénomène concerne quasiment l'ensemble des
pays du tiers-monde à l'exception de la
Chine, du Sri Lanka et de la
Birmanie qui ont su éviter la bidonvilisation de
leurs
agglomérations car ils ont conservé une politique ne
dévaluant pas le travail des
agriculteurs3. En épargnant leurs
ruraux de la faim, ils ont su les garder dans leurs campagnes, évitant
ainsi les fortes migrations vers les villes avec leur cortège de
squats.
1.4.1.2.1 En Asie
Comme dans d'autres villes du tiers-monde, certains
bidonvilles asiatiques s'étendent plus rapidement que la ville
légale. A Bombay par exemple, la croissance du bidonville est deux fois
plus rapide que celle du reste de la ville de 1950 à 2002 avec une
croissance annuelle de 8% contre 4%4. Ce bidonville compte un peu
plus d'un million d'habitants en 2002. Ce n'est plus un regroupement de
baraques mais des structures qui recouvrent plusieurs centaines d'hectares.
1.4.1.2.2 En Amérique du Sud
Qu'il s'agisse du Pérou, de la Bolivie ou des autres
pays, l'occupation irrégulière de l'espace urbain est une
réalité. Au Pérou, s'observent le plus souvent des
invasions d'espace qui font naître des véritables quartiers
spontanés appelés les barridas. Ces invasions
étaient encadrées au début des années 50 par des
étudiants et ingénieurs qui planifient l'opération. Selon
BARNET (2003) une zone particulière était choisie à
l'avance parmi les terrains publics puis l'invasion se produisait. La nuit bien
sûr puisque le jour les forces de l'ordre s'y seraient opposées.
Pour éviter des affrontements entre forces de l'ordre et squatters,
les autorités mises devant le fait accompli ne feront que constater
l'opération.
En Colombie, face à l'insuffisance des logements
sociaux produits par l'Etat, les habitants de Bogota se sont lancés dans
l'autoconstruction. A titre d'exemple, l'occupation illégale qui ne
concernait que 20% de la superficie de la ville dans les années 60,
atteint 50% au début des années 90. Contrairement à de
nombreuses grandes villes d'Amérique Latine, l'invasion
c'est-à-dire l'occupation de terrains non mis en valeur sans le
consentement du propriétaire, pour y établir un quartier, demeure
minoritaire dans le processus d'occupation illégale de terrains à
Bogota (en 1992, à Bogota, 14% seulement des quartiers
sous-équipés résultaient d'une invasion, alors que cette
proportion était de plus de 40% à Cali et dans d'autres villes de
Colombie). Dans cette ville l'occupation irrégulière se fait
à travers les lotissements pirates effectués soit par des
propriétaires terriens ou tout simplement par des individus qui en
3 BARNET Y. (2003)
4 idem
agissant ainsi apportent des solutions à la crise de
logement en permettant au grand nombre d'y accéder. C'est ainsi que
selon DUREAU F. et HOYOS M.C (1995), deux quartiers ont été
créés par un lotisseur pirate bien connu, qui n'était en
aucune façon propriétaire du terrain ; il a donc commencé
par occuper les terres en organisant une invasion collective, avant de les
diviser et vendre des lots de ces terrains acquis illégalement). En
dehors de ces individus, des associations communautaires ou politiques
participent à l'encadrement des squatters en leur enseignant la vie
communautaire et les stratégies pour faire pression sur les
autorités en vue d'obtenir une régularisation.
1.4.1.2.3 En Afrique du Nord
Le terme bidonville qui de manière grossière
désigne l'habitat irrégulier aurait été
utilisé au Maroc au cours des années 30 pour qualifier l'habitat
précaire fait de bidons d'huile d'olive dépliés.
L'occupation illégale de l'espace se fait de façon pacifique.
Contrairement au Pérou et à la Colombie, ce sont surtout les
habitants des quartiers centraux saturés qui se retrouvent dans les
bidonvilles de la périphérie. En Algérie, malgré
l'option socialiste du régime qui a fait que l'Etat a construit des
tours d'habitat collectif pour loger les citadins, les recensements de la
population et de l'habitat de 1966 et 1977 ont montré un décalage
entre l'offre de logements et la population urbaine. Les structures officielles
font montre d'une ségrégation dans l'attribution des logements
à des différences près : la commune procède
à une politique plus « sociale » de l'habitat, alors que la
Wilaya (le Gouvernorat) retient une quantité importante de logements
pour ses cadres et son personnel HAERINGER PH. et DAVID J.C. (1986). C'est
ainsi que s'est développé à côté de cet
urbanisme officiel mafieux, un urbanisme sauvage, illicite dont l'origine
remonte dans certains cas à la guerre d'indépendance.
1.5 L'habitat informel dans les villes d'Afrique
subsaharienne francophone
L'habitat informel est présent dans toutes les capitales
des pays d'Afrique subsaharienne francophone avec des ampleurs et des
localisations diverses.
1.5.1 Les causes
Analysant la production de l'espace, ses qualités et ses
faiblesses dans les villes d'Afrique
noire francophone, LE BRIS, OSMONT,
MARIE et SINOU (1987), constatent en milieu
urbain, un antagonisme
d'intérêts entre les différents acteurs urbains ce qui
crée des alliances
et des rivalités qui s'opposent au quotidien. Pour LE
BRIS, la boulimie d'espace est imputable à la crise
économique qui frappe les citadins et au désir culturel du
chez soi. Il note une pluralité d'acteurs dans le jeu foncier
avec des stratégies différentes. L'accès au sol urbain
nécessite le contournement des normes officielles pour beaucoup de
citadins. La pluralité d'acteurs fait dire à SINOU qu'il faut
remettre en question la notion de quartier spontané étant entendu
que tout le monde participe à la prolifération du
phénomène. A la périphérie de Bamako (Mali) par
exemple, il fait remarquer que les notables traditionnels, riches
commerçants, hauts fonctionnaires, procèdent à des
lotissements analogues à ceux des quartiers lotis de manière
à légitimer leurs implantations vis-à-vis de
l'administration.
A Ouagadougou (Burkina Faso), OUATTARA A. (2001) impute le
phénomène à la croissance rapide de la population et
surtout à l'insuffisance des terrains produits. Il note à titre
illustratif que seules 20 300 parcelles loties étaient mises à la
disposition des 89 000 ménages de la ville en 1985. Face à cette
situation, les citadins ont réagi en occupant de manière
anarchique la périphérie de l'espace urbain en y bâtissant
des quartiers spontanés. Ces derniers, couvraient 70% du territoire
urbain en 1980 et abritaient 60% de la population. Il faut aussi souligner que
les sécheresses répétitives avaient drainé des
milliers de ruraux vers la ville ce qui a accru la pression foncière.
Les causes de l'occupation informelle de l'espace urbain sont
nombreuses. Outre, le désir d'avoir son propre domicile, l'habitat
informel procure à ceux qui en disposent en grand nombre, un moyen
financier à travers la location. Du coup, il est aisé de
comprendre que les squatters ne sont pas nécessairement les moins nantis
de la ville encore moins des néo-ruraux déracinés.
Selon GAPYISI E. (1989), l'occupation irrégulière du sol
pour bâtir sa maison relève d'une tactique de mise devant les
faits accomplis, stratégie qui semble efficace face aux pouvoirs publics
dont les représentants sont parfois complices sinon même des
acteurs officieux de la situation agissant derrière les
propriétaires coutumiers. C'est pourquoi, le rythme de croissance des
quartiers spontanés est plus rapide que celui des quartiers
réguliers. La prolifération des quartiers spontanés serait
liée d'une part à l'insuffisance des parcelles viabilisées
du fait de pratiques informelles qui ne favorisent pas l'accès au
logement au plus grand nombre et d'autre part à la procédure
administrative lente et compliquée que certains citadins rechignent.
Selon CANAL P. DELIS P, GIRARD C (1990) l'occupation
irrégulière du sol urbain en Afrique subsaharienne n'est pas un
phénomène spontané. En effet, contrairement à
certaines parties du monde (Asie et Amérique latine notamment) on
n'assiste pas à des invasions de terre par des néo-citadins en
Afrique au Sud du Sahara. Les squatters sont pour la plupart des
citadins victimes de déguerpissement de leurs sites
placés sous contrôle des administrations foncières. Ces
auteurs lient en partie le squattage au manque d'information des citadins par
rapport au droit foncier moderne et à ses procédures
compliquées. Les propriétaires fonciers coutumiers ne
reconnaissent pas l'aliénation de leurs terres par l'administration et
font appel à ses agents (géomètres) pour procéder
au lotissement de leurs domaines. Or selon ces auteurs, une bonne organisation
administrative de la gestion foncière impliquant les
propriétaires coutumiers pourrait les amener à s'acquitter
volontairement de leur devoir vis-à-vis de l'administration.
La gestion opaque de l'espace urbain à Niamey a
été décrite par SIDIKOU (1980). Il note que la
fièvre de la spéculation foncière à Niamey
remonte à la fin de la deuxième guerre mondiale où une
série de textes va venir réglementer l'accès au sol urbain
: c'est le droit français. Ce droit moderne vient non pas pour abolir le
droit coutumier préexistant, mais pour se superposer à ce dernier
ouvrant la voie à toutes les interprétations possibles ; les unes
aussi légitimes que les autres. Cette confusion semble profiter à
toutes les parties et principalement à l'administration dont les offres
en parcelles sont toujours insuffisantes et dirigées vers une
poignée d'individus. SIDIKOU souligne que l'accession à la
propriété comporte bien des écueils que franchissent
seulement quelques rares privilégiés, toujours les mêmes,
qui accaparent les terrains à bâtir alors que la très
grande majorité des Niaméens sont condamnés à
être des éternels locataires aux conditions très difficiles
voire humiliantes... Les exclus du système officiel se tournent
alors vers les propriétaires coutumiers, eux-mêmes
mécontents du mode de dédommagement suite aux expropriations
abusives de leurs terres sans la juste et préalable
indemnisation prévue par la loi instituant l'expropriation pour
cause d'utilité publique. Dans son analyse de la situation
foncière à Niamey, BELKO GARBA M. (1985) décrit l'attitude
des propriétaires coutumiers en la comparant à une situation
météorologique en ces termes : « à la
manière des fronts cycloniques, chaque avancée du front urbain,
provoque une tempête foncière du système traditionnel qui
lui impose des stratégies ». Ces stratégies ne sont
autres que le lotissement informel au profit des demandeurs de parcelles.
1.5.2 Les conséquences des pratiques informelles sur
le dynamisme urbain
L'habitat irrégulier se développe dans la plupart
des cas sur des sites déclarés inconstructibles
par les
administrations foncières. Il s'agit le plus souvent des zones
escarpées ou inondables,
des sites à fort risque
d'éboulement. Les lotisseurs privés ne se soucient pas des
conséquences
sanitaires liées à l'occupation d'un secteur
pollué ou inondable et il appartient aux autorités
administratives de trouver tôt ou tard des solutions aux problèmes
posés par l'occupation de ces sites. L'habitat illégal
s'étend plus rapidement que l'habitat régulier avec toutes les
conséquences sanitaires qui en découlent à savoir les
immondices en putréfaction, les eaux usées non canalisées,
les voies sinueuses et impraticables, bref un ensemble de facteurs favorables
à la propagation des maladies rendant le cadre de vie urbain
désagréable et indécent. L'intégration de ces
secteurs au tissu urbain nécessite des coûts financiers
importants. C'est pourquoi, les autorités préfèrent
régulariser les quartiers informels situés dans des zones moins
accidentées. Si l'autoconstruction associée aux occupations
illégales de terres constitue une solution de logement à moindre
coût pour les familles les plus pauvres, c'est au prix d'un coût
social considérable, la logique du système voulant que cet
habitat se développe dans les zones les plus coûteuses à
viabiliser et équiper, et présentant un risque majeur permanent
pour les populations résidentes (DUREAU F. ; HOYOS M.C 1995).
A Niamey par exemple cette urbanisation
incontrôlée résultant des conflits entre les
différents acteurs fonciers a pour conséquence une multiplication
des quartiers informels en attente d'intégration au système
urbain : c'est le cas de Koubia, Zarmagandey, Pays-Bas, Golf, etc.
1.5.3 Quelques solutions envisagées
Jusqu'au début des années 70, la solution
qu'apportaient les autorités politiques à l'habitat informel
était la destruction. Face à l'inefficacité de cette
mesure et sous la pression des Institutions financières internationales
dont la Banque Mondiale, les bulldozers ont été abandonnés
au profit d'une intégration concertée de l'habitat informel au
tissu urbain avec la participation financière des squatters.
Certains dirigeants ont pensé pouvoir résoudre
l'occupation illégale de l'espace urbain en instituant des politiques
audacieuses. C'est dans cet ordre d'idée que JAGLIN S. (1995) loue les
mérites du régime de Thomas SANKARA à travers les mesures
énergiques prises afin d'atténuer le phénomène.
Dans cette optique, il a été décrété
qu'à compter de décembre 1984, il n'y aura plus de construction
nouvelle dans la ville de Ouagadougou. Dans la foulée, les transactions
immobilières avaient été suspendues. Les constructions
nouvelles et les transactions immobilières ne pourront se faire que sur
des terrains lotis avec autorisation préalable du ministère de
l'intérieur. De plus, le logement est rendu gratuit pour l'année
1985 pour permettre aux petites gens de faire l'économie du prix du
loyer afin de bâtir leurs propres maisons. En outre, les autorités
avaient nationalisé la terre afin de créer un domine foncier
national et avaient doté les services compétents
d'instruments de contrôle de l'espace urbain pour éviter toute
forme de spéculation. Les mesures dissuasives tendant à
détruire l'habitat irrégulier sont selon GAPYISI E. (1989) des
pratiques irréalistes car les autorités savent pertinemment que
la population urbaine ne peut pas rester sans logement quelque soit le statut.
Aussi, préconise t-il aux décideurs et techniciens de l'urbain
d'être plus réalistes en tenant compte de la réalité
socioéconomique des citadins car avant tout la ville est construite pour
ses habitants et pour cela il faudrait tenir compte de leurs moyens.
1.5.4 Enseignements tirés de l'état de
l'art
Une réponse au problème de logement pour la
majorité des citadins des villes du tiers-monde passe par une
approche systémique et dynamique de la ville, la question
environnementale doit donc y être intégrée.
L'intérêt accordé à ce secteur par le capitalisme
mondial, qui depuis le milieu des années soixante-dix réclamait
son intégration dans le système urbain participe de cette
volonté d'atténuer une crise grave qui risque de créer une
déstabilisation politique. C'est pourquoi, DUREAU F. ; HOYOS M.C (1995)
affirment que : tirer les enseignements des interrelations entre pratiques
de mobilité des individus et des ménages et transformations
urbaines, devrait être une préoccupation centrale pour la
définition de toute politique urbaine : seulement ainsi pourrait-on
prétendre agir sur la dynamique urbaine, et non plus uniquement subir
les conséquences des pratiques résidentielles des citadins.
C'est en agissant sur la dynamique urbaine qu'on peut envisager apporter
une solution durable à la crise urbaine dans les villes des pays en
développement.
Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne
francophone et leur planification urbaine
Le modèle urbain actuel de l'Afrique subsaharienne est
une pâle copie de celui de la période coloniale dont les objectifs
visaient avant tout à satisfaire les besoins d'administration et surtout
de transit des matières premières en partance pour l'Europe.
C'est ce qui selon SERGIO (2002) explique que sur 33 villes de plus de 1
million d'habitants, 18 sont créées dans la zone du
littoral. Après les indépendances, les nouveaux
Etats n'ont pas pu créer un dynamisme interne pour faire de ces villes
des vecteurs de développement en planifiant leur croissance. Au
contraire, les villes sont devenues des réceptacles de populations
diverses dont la majorité est mal préparée à
s'intégrer à une vie urbaine parfois austère.
2.1 L'historique des villes d'Afrique subsaharienne
francophone
Timide à ses débuts, le processus d'urbanisation
en Afrique subsaharienne a commencé à prendre de l'ampleur au
lendemain de la deuxième guerre mondiale (vers 1950) pour atteindre un
seuil effarant dans les années 1980. L'entrée de l'Afrique dans
l'économie de marché, la migration des ruraux et la forte
croissance démographique sont autant de facteurs qui ont favorisé
ce phénomène. A titre d'exemple, en Afrique occidentale, la
population est passée de 40 millions d'habitants en 1930 à 87
millions en 1960 pour atteindre 194 millions en 1990 et près de 220
millions à la fin du siècle, soit un doublement tous les 25
à 30 ans (COUR J-M. 1995).
Cette croissance exponentielle observée au niveau
global est encore plus poignante quand on la rapporte au niveau urbain. En
effet, alors que la population africaine a triplé de 1950 à 1997,
celle des villes a été multipliée par 11 passant de 22
à 250 millions. Des villes comme Abidjan, Kinshasa ont connu des taux de
croissance de 10% dans les années 1970 et d'une manière
générale le taux de croissance urbaine était
supérieur à 6% au cours des années 60 et 70 alors que ce
taux était de 3, 8% pour l'ensemble des pays
sous-développés (SERGIO, 2002). L'urbanisation rapide en Afrique
subsaharienne est un phénomène inéluctable et
inquiétant. En 1960, selon FARVACQUE C ; LUCIEN GODIN (1997)5
plus de 80% de la population étaient rurales mais l'ampleur de la
croissance fait que les capacités locales de
5CATHERINE FARVACQUE-VITKOVIC LUCIEN GODIN (1997)
L'avenir des villes africaines : Enjeux et priorités du
développement urbain LE DEVELOPPEMENT EN MARCHE, Washington, 177p
gestion, d'absorption et de financement sont vite
dépassées. Cela pose d'énormes défis qu'il va
falloir relever urgemment car les chiffres parlent d'eux-mêmes : 50
millions de personnes vont émigrer vers les villes d'Afrique de l'Ouest
d'ici ces dix prochaines années, 80 000 hectares de terrains seront
nécessaires pour répondre à cette demande. D'ici 2020, 63%
de la population habitera en ville (figure n°1).
Figure n°1 : Perspectives de population
urbaine en Afrique subsaharienne francophone en 2020
Pop. millien
100000
40000
20000
90000
80000
70000
60000
50000
30000
10000
0
Pop. Urb. 1990 Pop. Totale 2020 Pop. Urb. 2020
Source :
http://www.fao.org/DOCREP/003/X6988F/x6988f06.htm
Selon les statistiques de l'ONU le taux moyen d'urbanisation
en Afrique subsaharienne francophone qui était d'environ 30% en 1990
passerait à un peu plus de 47% en 2020. Pour la même
période, le taux moyen de croissance annuelle de la population urbaine
serait de 4,8. La Mauritanie et le Burkina Faso sont les deux extrêmes
avec 3,8 pour le premier et 7 pour le second. Même si les projections
sont parfois contradictoires, elles montrent une nécessité de
planification de la croissance urbaine afin d'éviter les formes de
violence et troubles sociaux qu'occasionnent les disparités.
2.2 La planification urbaine dans les villes d'Afrique
subsaharienne francophone
Le rythme de la croissance urbaine en Afrique subsaharienne
n'a pas permis aux autorités de mettre en place les
éléments nécessaires à la maîtrise du
développement, de la gestion et de la planification urbaine. Ainsi se
développent des villes incapables d'offrir à un nombre croissant
de citadins les avantages de la ville d'où la naissance d'un urbanisme
de rattrapage
fait de ségrégation sociale et spatiale
remarquable à travers le paysage urbain constitué de quartiers
anciens surpeuplés, dégradés et paupérisés,
des quartiers résidentiels de haut standing et une
périphérie constituée parfois d'habitat de fortune.
FARVACQUE-VITKOVIC C. et GODIN L. (1997) soulignent que les
villes d'Afrique subsaharienne ont été planifiées des
années 70 à 90 selon trois repères :
- Années 70 : dès les années 60, les
nouvelles autorités s'étaient rendues compte qu'elles ne
pouvaient pas accéder à la demande de tous les citadins en
logement. Face à ce constat accablant, la stratégie
adoptée au cours de la décennie 70 consistait à rendre
accessible l'habitat au plus grand nombre et à lutter contre la
pauvreté urbaine. Le message était simple et clair et peut se
résumer en ces termes :
* la puissance publique n'a pas les moyens de construire
un logement pour chaque ménage et devrait consacrer plutôt ses
ressources à l'aménagement de terrains pour l'autoconstruction, *
les quartiers spontanés ou sous-équipés ne doivent plus
être détruits, mais améliorés et
réhabilités,
* les coûts doivent être recouvrés pour
assurer la replicabilité des opérations.
- Années 80 : cette décennie débute avec
une crise économique et financière ayant conduit à
l'ajustement structurel de l'économie de quasiment tous les pays
d'Afrique subsaharienne francophone. Les projets urbains ne sont plus une
priorité des Etats et la Banque Mondiale qui intervenait dans plusieurs
projets montrait moins d'engouement. On ne retrouve plus la
progressivité qui marquait les premiers projets et qui cherchait
à enrichir l'expérience d'un projet sur l'autre.
- Années 90 : Cette période était
marquée aussi par la dévaluation de 50% du franc CFA contribuant
à exclure la majorité des citadins à l'accès
à l'habitat urbain avec l'augmentation de 50% du coût des
matériaux de construction importés ; les prix des
matériaux locaux ont été majorés alors que les
revenus n'ont pas connu une amélioration. Au même moment est
apparue l'ouverture démocratique qui s'est traduite par un
affaiblissement du pouvoir central qui a eu des répercussions sur le
tissu urbain.
C'est avec ce balbutiement que l'Afrique subsaharienne est
entré dans le nouveau millénaire avec une urbanisation mal
maîtrisée et pernicieuse.
Confrontés aux difficultés d'obtention des
titres fonciers ou même des actes de cession, certains de citadins
occupent le sol urbain de manière irrégulière. On assiste
à une ruralisation de la ville ou du moins de certains quartiers dans
lesquels les populations pratiquent des activités agricoles et
consomment l'eau des puits malgré le risque lié à la
contamination de certaines nappes phréatiques.
2.3 Le processus d'urbanisation en Afrique
subsaharienne francophone face à celui des autres régions du
monde
Bien que d'ampleur aujourd'hui inquiétante, l'explosion
urbaine en Afrique n'est pas un cas atypique et on pourrait dire qu'elle se
déroule selon un processus analogue à celui d'autres continents.
Ce qui fait la particularité du contexte africain, ce sont les
conditions de son évolution faites de pauvreté quasi
généralisée et de déliquescence des Etats
d'où les inquiétudes légitimes des observateurs. En Europe
par exemple, l'urbanisation a pris de l'ampleur avec l'industrialisation. Cette
dernière aurait été le facteur déterminant de la
migration des populations rurales qui se sont retrouvées dans les villes
pour servir comme ouvriers augmentant ainsi les populations urbaines. En Grande
Bretagne, foyer de l'industrialisation, au début du
XIXème siècle, 20% de la population vivaient dans des
villes de plus de 10 000 habitants. Cent ans plus tard, on en dénombrait
64% et la population de Londres a été multipliée par 7
passant de 1,1 million en 1800 à 7,5 millions au début du
XXème siècle selon MORICONI EBRARD (1993). Il est
aisé de constater que l'urbanisation en Europe s'est
déroulée de façon progressive dans le temps en
accompagnant l'industrialisation. Mieux, les patrons des industries
s'étaient impliqués dans la planification urbaine en oeuvrant
pour l'amélioration des conditions d'habitat des ouvriers
installés non loin des sites industriels.
L'Asie et l'Amérique Latine eurent aussi des
croissances urbaines dépassant 6% entre 1840 et 1860. Il en fut de
même pour les Etats-Unis d'Amérique où selon COUR J.M
(1995), contrairement aux autres parties du monde, des citadins
s'étaient déplacés avec leurs capitaux et savoir-faire
pour se retrouver dans d'autres villes. Des mesures sévères ayant
conduit à l'extermination de la culture voire même de la
population autochtone, ont été prises. La planification urbaine a
été rationalisée et des modèles urbains de type
« cité jardin » ont été mis en oeuvre (SERGIO
2002). Selon le même auteur, l'urbanisation en Amérique Latine est
liée à la migration des ruraux fuyant la
désintégration des systèmes de production avec
l'imposition des monocultures et l'éviction des agriculteurs par les
grands propriétaires terriens (Latifundios).
L'Amérique Latine est aujourd'hui une des régions du monde
qui compte plus de population urbaine et où il y a les plus grandes
mégalopoles. Bien que ses villes soient plus anciennes et aient de
meilleures infrastructures et services que celles de l'Afrique, elles montrent
aussi la hiérarchisation sociale, avec des zones résidentielles
très luxueuses et une majorité des quartiers
dégradés, insalubres et sans les conditions minimums
d'habitabilité.
Avec 13 des 23 mégalopoles mondiales d'au moins 8
millions d'habitants, l'Asie est un contient où l'urbanisation
s'accélère à un rythme vertigineux sous l'effet de la
migration rurale.
Figure n° 2 : Pourcentage de la population urbaine 1970,
1995, 2020
Source : COUR J-M. (
http://www.urbanisme.equipement.gouv.fr)
En Asie comme en Afrique on assiste à une forte
migration des ruraux paupérisés mais contrairement à
l'Afrique où les ruraux sont déversés dans les villes sans
perspectives d'intégration pour la majorité, en Asie,
l'urbanisation s'est effectuée dans un contexte de développement
du secteur industriel manufacturier en particulier au cours des
décennies 80 et 90 correspondant aux années d'atermoiement dans
la gestion urbaine en Afrique subsaharienne francophone.
2.4 La ségrégation résidentielle
dans les villes de l'Afrique subsaharienne francophone
En général, les villes d'Afrique subsaharienne
francophone se sont développées à partir des anciens
noyaux sur lesquels se sont superposés des nouveaux ceinturant le centre
colonial administratif. Ces villes se caractérisent par leur typologie
variée qui dégage deux traits principaux : les tissus
aménagés, siège de l'administration et du commerce formel
; c'est dans cette partie que se trouvent l'habitat de haut et moyen standing,
et où résident les classes sociales aisées. L'essentiel
des infrastructures urbaines est orienté dans cette partie de la ville.
L'autre est constitué de tissus non aménagés : c'est le
domaine des classes paupérisées caractérisé par
l'absence des services urbains de base.
Cette configuration donne à la ville un aspect dual
fruit en partie du passé colonial. Si pendant la colonisation la ville
était divisée suivant un critère racial avec d'une part la
ville indigène et de l'autre la ville blanche les deux
séparées parfois par un obstacle naturel, la période
postcoloniale est marquée par une ségrégation
économique. Toutefois, on n'assiste pas à un véritable
apartheid car à l'intérieur des deux « villes », se
trouve un habitat qui ne respecte pas le zonage. SERGIO (2002) souligne que la
majorité des quartiers se sont développés comme des
îlots isolés en fonction des besoins et des intérêts
des habitants. Cela a entraîné un véritable problème
d'aménagement urbain qui a suscité l'intervention des partenaires
extérieurs dont notamment la Caisse Centrale de Coopération
Economique de la France qui a permis des financements de l'habitat urbain dans
les villes des pays francophones jusqu'au milieu de la décennie 70.
C'est le cas par exemple au Niger où elle a participé au capital
du Crédit du Niger (la banque de l'habitat) jusqu'en 1975 où elle
a mis fin à ses subventions. La décennie 70 a été
marquée aussi par l'engouement de la Banque Mondiale pour la
réhabilitation des quartiers spontanés et le financement des
projets de trame d'accueil à travers la réalisation
d'équipement minimum allant de la desserte en eau à la
réalisation des caniveaux. Les difficultés de mobilisation de
financement de logement ont conduit les pays Africains à créer en
1982 une société panafricaine de financement de l'habitat
dénommée Schelter-Afrique.
2.5 Les systèmes de droits et statuts
d'occupation dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone
En Afrique subsaharienne francophone, coexistent deux
systèmes de droit foncier relevant de logiques et de
légitimités différentes qui, dans bien des cas, se sont
superposés contribuant à entretenir une confusion juridique dont
les différents acteurs essaient de tirer profit. Ce
syncrétisme juridique en milieu urbain a conduit à ce
que DURAND-LASSERVE A. (1993) a appelé un imbroglio-foncier
très complexe. Il résume la difficulté
foncière à trois niveaux :
- les conditions d'application des textes hérités
de l'époque coloniale qui organisent et réglementent le
régime de la concession foncière.
- l'usage de ces textes par les différents pays
après leur accession à l'indépendance.
- la résurgence du droit coutumier précolonial au
cours des décennies 70 et 80 en violation de la loi.
2.5.1 L'organisation du régime de la
propriété foncière
Dans le souci d'assurer et de garantir des droits réels
sur le sol, il a été mis en place dans l'ancien empire colonial
français un système juridique reposant sur l'immatriculation des
immeubles au livre foncier. Quoique facultatif, c'est l'immatriculation qui
donne droit à un titre foncier inattaquable. Ce caractère
facultatif, la complexité de la procédure et la
possibilité de son contournement ont fait que peu de domaines ont
été enregistrés sur le livre foncier même en milieu
urbain.
Le cadre général de l'organisation de la
propriété foncière s'articule autour du droit coutumier
constituant la situation initiale et le code civil avec l'attribution de
concessions. De la période coloniale aux indépendances,
l'attribution officielle de droit d'usage sur les terrains repose sur trois
procédures : la concession foncière, le permis d'habiter et le
permis d'occuper.
- la concession foncière est un
contrat passé entre l'administration chargée de la gestion du
domaine privé de l'Etat et une personne privée, au terme d'une
procédure dite de lotissement. Les obligations de la puissance
concédante sont entre autres le lotissement de la partie du domaine
privé, la délimitation des parcelles, la définition de
leur destination et l'attribution d'un numéro d'identification. Ce titre
est provisoire et donne droit selon les pays à une « concession
définitive » semblable à un titre foncier ou à un
droit réel immobilier (emphytéose ou droit de superficie). Pour
obtenir la concession définitive il faut remplir un certain nombre de
conditions à savoir : l'occupation et la jouissance de la parcelle
conformément aux textes, la mise en valeur effective du terrain et
l'accomplissement des formalités foncières. Selon cette
procédure, le concessionnaire ne devient propriétaire qu'à
condition de détenir un titre foncier, lequel a été
établi avant son transfert au nom de la collectivité publique
concédante. Le concessionnaire succède donc au concédant.
L'Etat fonde et prépare l'appropriation foncière privée.
En outre, l'Etat n'est que l'instrument politique de légalisation de
l'extension des emprises foncières des personnes et des capitaux
dominants dont il autorise le déploiement sauvage.
- Le permis d'habiter c'est une
autorisation administrative donnée à titre gratuit, mais
conditionnelle et révocable : l'Etat garde la propriété du
sol ; le « permissionnaire » ne peut l'utiliser à des fins
autres que d'habitation et doit se conformer à des règles
minimales s'il construit ; s'il quitte le pays, la parcelle revient à
l'Etat ; celui-ci se réserve d'ailleurs à tout moment le droit de
reprendre la parcelle (DURAND-LASSERVE A. 1993). Après les
indépendances, ce permis ne s'octroie qu'après le paiement d'une
taxe ou contribution spéciale à l'autorité publique.
Cependant, ce titre révocable peut être transformé en
titre
effectif de propriété car le permissionnaire
peut demander que le terrain qu'il a mis en valeur lui soit vendu.
- le permis d'occuper est un simple
« droit » donné à un individu de s'installer sur le
domaine privé de la collectivité publique pour une durée
déterminée. Contrairement au permis d'habiter, avec le
permis d'occuper le permissionnaire ne peut en aucune manière devenir
propriétaire de la parcelle même après la mise en valeur.
C'est une autorisation précaire et révocable qui autorise
à s'installer le plus souvent sur un terrain non loti.
2.5.2 Les filières coutumières de production
et d'attribution du sol urbain et les occupations
irrégulières
Trois modes de fonctionnement existent au niveau des
filières coutumières des villes d'Afrique subsaharienne
francophone :
- un terrain domanialisé ou non, sur lequel un
groupe revendique un droit au nom de la coutume, est subdivisé en lots
et cédé à des personnes privées
étrangères au groupe (et au lieu). Usant de leur droit
coutumier, les propriétaires coutumiers vendent des terrains. Cette
procédure est considérée comme illégale par les
autorités administratives qui, dans certains cas, procèdent
à la régularisation de l'occupation à la demande de
l'acheteur. La régularisation se matérialise par l'obtention d'un
document administratif de valeur allant de la concession provisoire au titre
foncier.
- un terrain qu'un groupe revendique en prétextant son
droit coutumier en dépit de l'immatriculation du terrain au nom de
l'Etat ou d'une collectivité locale. L'Etat ou la collectivité
alloue au groupe soit une somme d'argent, soit une partie du terrain à
titre de mesure compensatoire. La compensation sous forme de terrains (qui est
la mesure la plus fréquente) se fait avant ou après le
lotissement. Si elle se fait avant, les propriétaires coutumiers
procéderont eux-mêmes au lotissement sur la partie du terrain qui
leur a été rétrocédée. Malgré cela
les acquéreurs de parcelles produites dans ces conditions doivent
régulariser leur situation auprès de l'Administration.
- la troisième filière informelle d'occupation
du sol est le squattage qui consiste à occuper un terrain appartenant
aux domaines public ou privé de l'Etat, des collectivités et
quelques fois des propriétaires coutumiers par un groupe sans l'accord
des propriétaires ou possesseurs de terrains.
La superposition de systèmes de droits et de pratiques
revendiquant chacun une légitimité
aboutit à une
contradiction qui se reflète dans la gestion foncière des villes
d'Afrique
subsaharienne francophone. Il s'en suit des litiges continus
concernant l'identité du légitime
propriétaire ou les
limites de la parcelle. Ces litiges concernent aussi les acquéreurs
d'une
parcelle attribuée à plusieurs demandeurs : un cas
fréquent dans la filière informelle de la
plupart des villes d'Afrique subsaharienne francophone à
l'exception de Niamey oül'organisation de la vente ne permet
pas une telle arnaque.
L'entrée récente de l'Afrique subsaharienne
francophone dans le processus d'urbanisation constitue une source de
préoccupation d'autant qu'elle pose de nombreux défis auxquels
les autorités n'arrivent pas à faire face. Contrairement aux
autres parties du monde, l'urbanisation en Afrique subsaharienne francophone
s'opère dans un contexte de paupérisation générale.
Les tentatives de maîtrise du foncier et d'accès au logement pour
le plus grand nombre offrent un bilan mitigé. On assiste à une
ségrégation résidentielle compliquée par des
systèmes de droits contradictoires qui se superposent. Le Niger,
ancienne colonie française, n'échappe pas à cette
règle et Niamey la capitale est le territoire sur lequel se traduisent
ces contradictions interminables.
Chapitre III : Niamey : description et
caractérisation de la problématique
Avant d'entamer la présentation de Niamey, il est
impératif de présenter le territoire dont elle constitue
aujourd'hui la principale ville et regroupe l'essentiel des activités
administratives et économiques. L'instabilité politique et
économique qui a caractérisé le pays est remarquable
à Niamey où elle se lit en partie sur le paysage urbain.
3.1 Notes générales sur le Niger
Pays sahélo-saharien, le Niger est situé
à mi chemin entre l'Afrique du nord et l'Afrique sud saharienne. Ce
territoire qui s'étend entre 11°37' et 23°33' de latitude nord
et entre 0°06' et 16° de longitude Est couvre une superficie de 1 267
000 km2. Avec une population estimée à 12 628 241
habitants en 2005, la densité moyenne est de 9,9 habitants au
km2. Cette densité cache des fortes disparités. En
effet, désertique au 3/4, l'essentiel de la population se concentre sur
la bande sud où les densités varient entre 13,5 dans la
région de Zinder à 2 776,3 à Niamey. Rurale à 83%,
la population nigérienne se caractérise aussi par sa jeunesse
puisque les jeunes de moins de 15 ans représentent 48,4% (INS :
RGP/H/2001). Avec un taux d'accroissement de 3,3% (l'un des plus
élevés au monde) la population nigérienne a
été multipliée par 2,16 en 24 ans.
3.1.1 L'évolution institutionnelle
De son accession à l'indépendance en 1960
à 1974, le Niger a été dirigé par régime
civil dirigé par Diori Hamani. Cette première République a
été renversée par un coup d'Etat instaurant un
régime d'exception dirigé par Seyni Kountché de 1974
à 1987 puis de 1987 à 1991 par Ali Saïbou. Ce dernier
transforma le régime d'exception en parti unique (deuxième
République). Comme la plupart des pays d'Afrique subsaharienne
francophone, le Niger entame un processus démocratique dans un contexte
de crises multiformes. La crise économique a commencé à
sévir à partir de 1982 suite à la chute drastique des
cours de l'uranium (principale ressource d'exportation du pays). Le Niger finit
par conclure un accord avec les institutions de Bretton Woods. Les mesures
impopulaires en vue de l'obtention de ces accords ont provoqué des
remous sociaux qui ont contribué à affaiblir l'économie et
l'autorité de l'Etat. Les mobilisations multisectoriales contraignent le
gouvernement du parti unique à accepter le multipartisme et
l'organisation d'une conférence nationale souveraine à partir
de
juillet 1991. Celle-ci met en place un gouvernement de
transition qui élabora une constitution de type semi présidentiel
adoptée en décembre 1992. Lors des élections
générales de 1993, la coalition dite Alliance des Forces du
Changement (AFC) remportera les élections et Mahamane Ousmane devient
président de la République. Les contradictions entre les
démocrates finiront par faire éclater la coalition.
L'assemblée nationale a été dissoute et l'opposition
réunie autour de l'ancien parti unique rejoint par les transfuges de
l'AFC, remporte les élections législatives et contraint le
Président à nommer un gouvernement dirigé par
l'opposition. Cette cohabitation provoque un blocage au niveau de l'Etat.
L'armée intervient en janvier 1996 et met fin au processus
démocratique en suspendant la constitution. Le chef d'état-major
le colonel Ibrahim Baré Maïnassara devient chef de l'Etat. Une
nouvelle constitution de type présidentielle est adoptée le 12
mai 1996. Le chef de la junte militaire se porte candidat et remporte les
élections présidentielles suite à des fraudes massives.
L'opposition qui a refusé de participer aux élections
législatives s'est organisée au sein d'un Front pour la
Restauration et la Défense de la Démocratie (FRDD). Rejoint par
les syndicats mobilisés contre les mesures draconiennes imposées
par le gouvernement avec la diminution de 30% des salaires, la réduction
de l'âge de la retraite, le FRDD parvint à déstabiliser le
pouvoir à travers l'organisation de multiples manifestations. Pour
décrisper la situation le pouvoir organise des élections
municipales le 7 février 1999 conformément au schéma de
décentralisation. Ces élections remportées par
l'opposition ont été annulées par le gouvernement creusant
une fois de plus le fossé entre le pouvoir et la majorité de la
population. Finalement, l'armée intervient pour mettre fin à
cette quatrième République en assassinant le Chef de l'Etat le 9
avril 1999. Le commandant de la garde présidentielle, Daouda Mallam
Wanké devient chef de l'Etat, promet un retour rapide à une vie
constitutionnelle normale dans neuf mois. Une nouvelle constitution (celle de
la 5ème République) est adoptée le 18 juillet 1999. Avec
l'élection présidentielle du 24 novembre 1999, Tanja Mamadou est
élu Président de la République. Il sera
réélu 5 ans plus tard.
3.1.2 L'administration
L'administration est placée sous le contrôle du
pouvoir exécutif dont il est l'instrument de mise en oeuvre des
politiques publiques. A l'instar de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne
francophone, la fonction publique nigérienne se caractérise par
un emploi permanent permettant de faire carrière jusqu'à la
retraite. Cette pratique a été mise à rude épreuve
avec la crise économique débutée au début des
années 80. Le recours aux institutions
financières internationales est conditionné par
la réduction des dépenses publiques. La fonction publique
absorbait 60% du budget sous forme de salaires alors qu'elle ne
représente que 0,5% de la population. Près de 47%6 des
agents sont concentrés à Niamey. Les difficultés
financières ont conduit les gouvernements successifs à accumuler
des arriérés de salaire provoquant des grèves dans
l'administration et augmentant la corruption des agents. Le rabattement des
salaires décidé en 1996 sous prétexte de pouvoir en
assurer la régularité n'a pas été la
panacée. Au contraire, il a renforcé les pratiques de
détournement et la corruption. Dans la perspective d'une gestion
efficace de l'Etat, une reforme a été introduite au niveau du
système judiciaire qui est en partie un héritage du
système colonial qui aménage la coexistence de deux
systèmes pour le moins incohérents : le droit moderne issu du
code napoléonien et le droit coutumier. Ce système juridique
peine à trouver des solutions justes et définitives aux conflits
fonciers avec des magistrats formés sur les principes du code civil et
souvent démunis en face du droit coutumier et des influences politiques.
Or depuis l'avènement de la démocratie, les chefs coutumiers
tentent d'obtenir des réparations pour le pillage de leur patrimoine
foncier sous le régime d'exception. Plusieurs requêtes ont
été déposées dans ce sens depuis 1990 pour des
faits remontant aux années 70-80. Si la plupart de ces requêtes
ont été rejetées, la Chambre administrative a admis une
requête formulée plus de dix ans après l'acte
incriminé (Arrêt 96-04/A du 17 janvier 1996), dans une affaire
d'expropriation faite en violation des procédures légales, le
plaignant ayant invoqué "le fait du prince" SORY B.7.
3.1.3 L'organisation territoriale
La centralisation du pouvoir ayant été
considérée comme l'un des facteurs d'inertie de l'administration,
le Niger s'est engagé dans un processus de décentralisation
véritable à partir de 1990. Un nouveau redécoupage
administratif a vu le jour. Désormais, le pays comporte 8
régions, 36 départements, 265 communes dont 52 urbaines (parmi
lesquelles 4 Communautés urbaines : Niamey, Tahoua, Maradi et Zinder) et
213 rurales.
Il faut noter qu'au Niger les villes sont peu nombreuses et
numériquement peu développées8. Quatre types de
centres urbains se distinguent :
- les petits centres (population inférieure à 10
000 habitants) ;
- Les centres moyens (ayant une population comprise entre 10 000
et 100 000 habitants) ;
6
http://www.etat.sciencespobordeaux.fr/institutionnel/niger.html
7www.etat.sciencespobordeaux.fr/institutionnel/niger.html
8 DONAINTP. , François LANCRENON F. 1972,
Le Niger, Paris, PUF, 128p (collection SQJ)
- les grands centres (d'une population comprise entre 100 000 et
500 000 habitants) ; - la métropole nationale (avec une population
dépassant les 500 000 habitants).
Lors du recensement de la population et de l'habitat
effectué en 2001, la caractéristique principale de la population
urbaine nigérienne est que 57,1% de celle-ci vit dans trois villes sur
les 40 que compte le pays. 40% de la population urbaine vit dans les villes
moyennes qui constituent 73% des centres urbains alors que seuls 3% de citadins
vivent dans les petites villes qui représentent 20% des centres urbains.
Niamey la capitale concentre 39,4% des citadins9. Cependant, la
population urbaine croit rapidement du fait du croit naturel mais surtout de
l'exode rural qui draine des milliers de ruraux vers les centres urbains. Parmi
ces centres, Niamey est incontestablement celui qui reçoit le plus grand
contingent du fait que depuis quelques décennies il joue le double
rôle de capitale politique et économique du pays. La population
urbaine est estimée à 2 054 453 habitants soit 16,3% de la
population en 2005 (INS). Les conditions naturelles ne permettent pas à
la majorité des Nigériens (les jeunes principalement) d'avoir une
activité tout au long de l'année. C'est pourquoi, dès la
fin de la saison des pluies, la plupart des jeunes quittent leurs villages pour
les villes nigériennes et côtières.
3.2 Niamey : le milieu naturel
Ville coloniale, Niamey tire son importance de sa situation
géographique. Elle apparaît à la suite des grandes missions
de reconnaissance du début du vingtième siècle. Selon HAMA
B.10 , Niamey apparaît entre les années 1924 et 1925
comme le carrefour des routes terrestres et aériennes de l'Afrique
Centrale, tandis que sa position à l'extrémité d'un bief
navigable au Niger la relie naturellement aux territoires côtiers. Cette
situation exceptionnelle a beaucoup pesé dans le choix de son site pour
abriter la capitale du territoire militaire qui lui valut les premières
réalisations dans le domaine de l'urbanisme bien avant la seconde guerre
mondiale.
3.2.1 Les conditions physiques
L'agglomération de Niamey est située entre
2°01'43»et 2°14'05»de longitude Est et
13°25'45»et 13°36'16» de latitude Nord. Elle couvre une
superficie de 239,263 km2 et s'étend d'Est en Ouest sur 14 km
et du Nord au Sud sur 10 km, avec l'annexion des villages
périphériques. La ville doit beaucoup sa réputation et
son statut actuel à des considérations
9 Note de présentation des résultats
définitifs du recensement 2001.
10 HAMA B, (sd), Projet d'un article, 9p.
d'ordre stratégique jugées
intéressantes dans le contexte de conquête militaire du
début du 20ème siècle dans le cadre de la
progression d'Ouest en Est, de l'Atlantique vers le Lac Tchad, des troupes
coloniales françaises11.
Le climat est caractérisé par une courte saison
humide et une longue saison sèche (7 mois). Les températures sont
variables selon les saisons. Ainsi, durant la saison sèche et
fraîche les températures minimales moyennes sont
inférieures à 20°C. A l'inverse, les températures
moyennes minimales sont de l'ordre de 40 à 45°C au cours de la
saison sèche et chaude. Avec une altitude variant de 180 à 250 m,
Niamey est divisée en deux parties par le fleuve Niger qui constitue le
principal élément du réseau hydrographique et dont la
forme a beaucoup guidé la croissance spatiale de la ville. C'est ainsi
que la croissance de la ville s'est, durant toute la période coloniale,
étendue sur la rive gauche. L'autre rive était d'ailleurs un
moment rattachée à la colonie de Haute-Volta (actuel Burkina
Faso) avant de revenir à la colonie du Niger en 1927. Ce n'est
qu'après la mise en service en 1970 du pont Kennedy qui relie les deux
rives que la rive droite connut un gain d'intérêt auprès de
la population.
La plus grande partie de la ville est donc localisée
sur la rive gauche, un vaste plateau d'une altitude moyenne de 260 m. Sur cette
rive plus propice à l'urbanisation existent cependant de petites
vallées sèches dont celle du Gountou Yéna servait de
frontière entre l'ancienne ville dite européenne et la ville dite
indigène. La rive droite se situe sur une plaine alluviale inondable en
de nombreux endroits d'une altitude inférieure à 185 m. Dans
cette partie de la ville, en dehors des bras morts de fleuve qui constituent
des mares temporaires et par conséquent inconstructibles. En outre des
buttes dénommées les trois soeurs s'étendent sur une bonne
partie amoindrissant ainsi l'espace urbanisable. L'espace constructible au
niveau de la rive droite serait inférieure à 1000 hectares dont
une bonne partie est occupée par les infrastructures d'enseignement et
de recherche comme l'université et le Centre
Agro-hydroMétéorologique (71 hectares) ainsi que la Douane Rive
Droite.
11 SIDIKOU A.H., BONTIANTI A., et al, (2004), La
gestion des déchets urbains à Niamey, Documents et Archives
des Etudes Nigériennes/Nouvelle Formule N°1, 81p.
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années
3.2.2 Les caractéristiques démographiques
Niamey est l'exemple type de ville coloniale qui connut une
évolution timide aux premières heures de la colonisation. La
ville est cosmopolite dès sa fondation. La population est
constituée de Maouri, Zarma, Peul, Sonraï et dans une moindre
mesure de Bella venus nombreux à la suite de la création du
Village-Liberté en 1905 (SIDIKOU et al, 2004).
Selon BOUBOU H. le recensement effectué en 1953 fait
passer Niamey au premier rang des villes du Niger avec une population de 18129
habitants dont 1298 européens. La faible présence
européenne s'expliquerait par les conditions climatiques
particulièrement rudes et économiques peu favorables.
Néanmoins, ce recensement montre que la population a augmenté de
5000 habitants en trois ans et cette croissance sensible fut à l'origine
de la création d'une organisation municipale ayant permis à
Niamey d'accéder au statut de Commune Mixte le 1er janvier
1954.
L'évolution démographique est devenue
irréversible et Niamey accueille des populations d'autres origines. Il
s'agit d'abord des Haoussa du Nigeria, ensuite des Béninois, des
Togolais, des Maliens, des Sénégalais, etc. Le fait remarquable
est que la position géographique qui a présidé au choix de
son site pour abriter la capitale de la colonie puis de l'Etat
indépendant du Niger, fait qu'aujourd'hui Niamey est devenue un centre
de transit pour les populations d'Afrique centrale et orientale (Cameroun,
Tchad, Comores, etc.) en partance pour l'Europe via l'Afrique du Nord.
Figure n°3 : Evolution démographique Niamey de 1905
à 2005
La figure n°3 qui présente l'évolution de
la population de 1905 à 2005 est construit sur la base des recensements
et autres dénombrements effectués au cours de la période.
L'évolution démographique a commencé à être
significative à partir de l'indépendance en 1960 où le
taux d'accroissement moyen atteint 10% par an. Après cette
période de forte croissance, le taux d'accroissement moyen fluctuera
entre 4,76% pour la période 1977-1988 et 4,15% entre 1988 et 2001.
La croissance exceptionnelle de la décennie 60 au
milieu de la décennie 70 s'expliquerait d'abord par l'accession du pays
à l'indépendance qui encouragea beaucoup de Nigériens
à s'installer à Niamey et ensuite par l'effet de la
sécheresse du début des années 70. A titre d'exemple, en
1973, 16 000 personnes paupérisées se sont ajoutées aux
132 000 habitants de Niamey soit une augmentation de 12,12%. Ce sont toujours
les périodes de sécheresse qui correspondent aux moments de forte
croissance démographique. Ainsi, en 1984, près de 18 000
personnes se sont réfugiées à Niamey pour faire face
à la famine. Niamey connaît donc une croissance
démographique rapide du fait du croît naturel relativement
élevé et de l'exode rural. En effet, durant la saison morte
(d'octobre à mai), des milliers de ruraux de quasiment toutes les
régions du pays et même de pays voisins (Burkina et Mali
notamment) se retrouvent à Niamey. Ces derniers exercent des
activités diverses allant de l'artisanat à l'horticulture en
passant par les travaux domestiques et le petit commerce. En 2005, Niamey
abrite 6,4% de la population nigérienne et 39,3% de la population
urbaine du pays.
3.2.3 L'évolution politique et administrative de
Niamey
De toutes les villes actuelles du Niger, Niamey est celle qui
a connu l'évolution la plus étrange forgée par le destin
incroyable qu'a constitué le choix du site de ce petit village
d'agriculteurs et de pêcheurs pour abriter un poste militaire
français le 15 mai 1902. Un an après le village sans rayonnement
local devint le siège du territoire militaire du Niger et ce, jusqu'au
1er janvier 1911 date à laquelle Zinder, centre important
situé plus à l'Est et frontalier avec les villes
nigérianes sous colonisation britannique, lui ravi ce titre. Le statut
des colonies évoluant, le territoire militaire devint territoire civil
autonome en décembre 1920 puis colonie du Niger pour compter du 13
octobre 1926. Ce transfert ne dura que 16 ans car dès le 28
décembre 1926, Niamey retrouvera définitivement son rôle de
capitale. Cinq ans plus tard Niamey accéda au statut de canton. Par
arrêté n°1248/API du 14 février 1954, elle devient
commune mixte de premier degré, puis commune de plein exercice à
partir du 18 novembre 1955. Il fut organisé pour la première fois
des élections municipales à Niamey le 18 novembre
1956 et le premier maire élu fut Djibo Bakari. A
partir de 196712, Niamey accède au statut de ville ayant une
emprise sur 74 250 hectares dont 1 300 hectares seulement étaient
effectivement bâtis (SIDIKOU 2004). Niamey sera divisée en 17
arrondissements en janvier 1974 puis restructurée en cinq districts en
1979. Ce n'est qu'en 1988 qu'elle devient Communauté Urbaine avec rang
de région. Cette huitième région du pays se voit attribuer
un territoire un territoire d'une superficie de 23 900 hectares avec l'annexion
de plusieurs villages périphériques en 1996. Au terme de la loi
n°2002- 012 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux
de la libre administration des régions, des départements et des
communes ainsi que leurs compétences et leurs ressources, Niamey reste
Communauté Urbaine dans ses frontières de 1996. Toutefois le
nombre de communes est passé de 3 à 5, elles-mêmes
subdivisées en 99 quartiers :
- la commune de Niamey I : 20 quartiers ;
- la commune de Niamey II : 17 Quartiers ;
- la commune de Niamey III : 17 quartiers ;
- la commune de Niamey IV : 17 quartiers ;
- et la commune de Niamey V : 28 quartiers
Chacun de ces quartiers a à sa tête un chef
considéré comme un chef coutumier nommé à cette
fonction en application des dispositions de l'ordonnance n° 93-02 du 15
avril 1993 portant statut de la chefferie traditionnelle au Niger. Les chefs de
quartiers sont des auxiliaires de l'administration. Ils ont officiellement la
responsabilité de la collecte des impôts et taxes auprès
des populations de leurs quartiers respectifs. Dans les faits, leur
responsabilité est plus étendue car ils mobilisent les
populations pour les travaux d'intérêt public, s'occupent de la
sécurité des populations à travers le contrôle des
milices de protection contre les voleurs appelées Yam banga. De
plus, ils sont courtisés en vue de la mobilisation des populations en
faveur de tel ou tel parti politique.
Désormais, c'est le Gouverneur de la région de
Niamey qui est le représentant de l'Etat. Il dirige les services
déconcentrés et veille à l'exécution des lois et
règlements de la République. Il a l'autorité sur tous les
agents de l'Etat dans la limite du territoire de la CUN à l'exception
des cours et tribunaux. La loi n°98-32 du 14 septembre 1998
déterminant le statut des communautés urbaines stipule que la
communauté urbaine est un établissement public à
caractère administratif doté d'une autonomie financière.
Par conséquent, pour la réalisation de ses objectifs, elle
dispose d'un budget, d'un personnel et des domaines propres. Elle est
gérée
12 Conformément à la loi, toute
agglomération d'une population de 25 000 habitants pourrait être
considérée comme ville.
par un conseil de la Communauté Urbaine composé
de membres élus. Les différentes modifications de statuts et de
redéfinition territoriale qu'a connu Niamey ne sont que le reflet de
l'atermoiement des autorités face à la gestion harmonieuse de la
ville. En effet, le dernier changement consacrant la décentralisation a
fait l'objet de nombreuses controverses suite auxquelles les autochtones, forts
de leur lobbying ont fini par imposer une subdivision administrative
basée sur les terroirs coloniaux ce qui du coup renforce leur poids
politique sur les communes à travers notamment la forte
représentation des grandes familles au sein des conseils communaux.
Aussi, les cinq communes ne sont-elles que la représentation des
terroirs des premiers habitants de Niamey comme l'a souligné MOTCHO
K.H13 (2006) qui en a fait la subdivision clanique suivante :
- la commune I est établie sur le terroir du clan de
Goudel,
- la commune III sur celui des Kalley,
- la commune II sur celui des Maouri,
- la commune IV sur celui de Gamkallé et Saga,
- la commune V revenant au clan des Peul de Lamordé.
Si cette nouvelle subdivision administrative basée sur
le terroir répond à la volonté de grandes familles, elle
constitue une contrainte pour la bonne gouvernance qui semble être le
critère invoqué par les autorités politiques qui, il est
vrai, n'ont accepté cette déconcentration qui amenuiserait leur
pouvoir que sous pression.
Capitale d'un jeune Etat qui a connu une instabilité
politique notamment au cours de la décennie 90, Niamey est le
siège de toutes les contradictions politiques et économiques qu'a
connu le pays au cours de son histoire. Les modifications successives de
statuts traduisent les difficultés de gestion de la ville. La nouvelle
politique de décentralisation basée sur le principe de la libre
administration de la ville qui devrait instaurer un nouvel état d'esprit
ainsi que de nouvelles méthodes de gestion contraires à celles du
passé semble mal partie. En effet, en allégeant le pouvoir de
l'administration centrale jugée inefficace, la décentralisation a
entraîné l'émergence du pouvoir des grandes familles qui
sont surreprésentées dans les instances de décision. En
faisant échec au plan conçu par les techniciens du Haut
Commissariat à la Reforme Administrative et à la
Décentralisation, les autochtones sont parvenus à maintenir leur
contrôle sur la ville et notamment la production foncière.
13
http://www2.polito.it/ricerca/cctm/wp/WP16.pdf
Chapitre IV : Le foncier à Niamey
La terre est l'habit qui ne se déchire jamais.
Cet adage nigérien montre toute l'importance sociologique que les
populations nigériennes attachent au foncier.
Pour traiter de la problématique foncière à
Niamey, il nous faut la situer dans son contexte historique afin de mettre en
évidence les difficultés actuelles qui entravent la gestion
foncière.
4.1 Le système précolonial
La terre appartenait à l'ancêtre fondateur du
village qui la transmettait à ses héritiers mâles. La
quête des terres se faisait par le défrichement. Toute
étendue défrichée appartenait à celui qui l'a mise
en valeur jusqu'à ce qu'elle atteigne une autre étendue
appropriée par quelqu'un d'autre : ainsi s'est effectué le
processus d'occupation des terres. Or le système communautaire de
l'époque fit que toutes les terres sont occupées sur instruction
d'un chef de clan, maître des terres qu'il transmet par héritage
à sa lignée mâle. Il peut conclure des contrats avec
d'autres chefs de clan résidant ou non sur son terroir. La terre
étant à l'époque un bien qui ne se vendait pas, le droit
foncier traditionnel fonctionnait selon un modèle qui bien
qu'inéquitable permet à chacun d'exploiter un champ pour gagner
le moyen de subsistance.
4.1.1 Le droit du chef de terre et sa lignée
mâle : l'abusus14
Le patriarcat était le régime social en vigueur
dans les sociétés Zarma et Peul à qui appartenaient les
terres sur lesquelles s'étend la communauté urbaine de Niamey.
Ainsi, chaque garçon à partir de sa maturité peut demander
sa portion d'espace qui lui revient et sur laquelle il peut exercer son droit.
Il a sur cette terre l'abusus en terme de droit romain. Il doit veiller sur
cette terre qui lui est ainsi affectée et qu'il doit transmettre lui
aussi à sa descendance. En cas de décès sans enfant
mâle, cette terre retourne dans le patrimoine familial ou clanique. Sa
femme et ses filles héritent de tous les biens sauf la terre.
Cependant, le chef de terre peut octroyer une portion de
terre à ses neveux si ces derniers n'en disposent pas suffisamment ou
s'ils sont de pères étrangers. C'est le cas à Niamey
où des
14 Mot latin désignant l'un des
attributs du droit de propriété, le droit de disposer
(disposition juridique par l'aliénation ou disposition matérielle
par la destruction). Lexique des termes juridiques, DALLOZ,
15ème édition, 2005.
princes de Goudel donnèrent des terres aux
Kallé et Maouri qui leur sont liés par le lien de mariage. Ce don
de terre leur confère le même droit que celui des héritiers
c'est-à-dire l'abusus. Autrement dit, ils peuvent laisser ces terres
à leurs héritiers hommes, ou même concéder une
partie des terres à des personnes qui leur sont proches.
4.1.2 La cession des terres en guise de remerciement ou de
bon voisinage : l'usufruit15
La période précoloniale était
marquée par des conflits intermittents entre les différentes
tribus ou principautés. Des alliances sont nouées afin de
garantir la sécurité des personnes et des biens. A
l'époque le bien le plus prisé était le bétail et
dans une moindre mesure les hommes qui sont réduits en captivité.
Dans le cadre de ces alliances, des terres peuvent être
cédées aux habitants d'un finage voisin soit à titre
irrévocable et dans ce cas, ils ont l'abusus sur le domaine qui leur est
concédé, soit la terre peut leur être affectée sous
forme de prêt leur conférant ainsi le fructus. Ainsi, les
bénéficiaires de ce prêt mettent en valeur les champs en
respectant les haies mitoyennes (usus16). Ils disposent des
récoltes et dividendes (fructus) mais ils doivent verser une
fiscalité à ceux qui leur ont prêté le
champ afin que leurs descendances sachent qu'ils exploitent une terre sur
laquelle ils n'ont autre droit que l'usus et l'abusus. Le non versement de cet
impôt foncier constitue une violation du pacte et pourrait amener au
retrait du champ par le propriétaire. C'est ce droit coutumier dont
l'islam n'a pas changé le principe notamment pour ce qui est de
l'héritage (dont la femme devrait avoir le tiers de la part de l'homme)
que la colonisation va bouleverser en sapant le principe sacro-saint de la
non marchandisation de la terre.
4.2 Le droit foncier colonial
La colonisation a introduit des changements dans tous les
domaines de la vie économique et sociale dont celui du foncier a
été l'un des plus affectés.
Dans le souci d'assurer l'administration du territoire, il est
introduit un nouveau droit qui,
sans annuler le droit dit coutumier qui lui
est préexistant, est venu se superposer à ce
dernier
entraînant des équivoques dont la levée s'est
effectuée au moyen de la dissuasion. Un décret
15 Droit réel principal,
démembrement du droit de propriété, qui confère
à son titulaire le droit d'utiliser la chose et d'en percevoir les
fruits, mais non celui d'en disposer, lequel appartient au
propriétaire. Lexique des termes juridiques, op.cit. p.41
16 Droit d'utiliser un bien, d'en jouir sans le
transformer.
Wikipedia.org
est ainsi pris le 29 septembre 1928 pour réglementer
le domaine public ainsi que les servitudes d'utilité publique en Afrique
Occidentale Française. Désormais, la propriété se
matérialise par l'immatriculation et la concession comme le confirme le
décret du 26 juillet 1932 portant sur l'organisation de la
propriété. Ce nouveau droit introduit la propriété
privée et pose de ce fait des problèmes de compréhension
dans les nouveaux territoires. Ces textes ont ouvert la voie à
l'administration autonome pour confirmer cet acquis de la possession des terres
à travers des textes réglementaires. Dans ce cadre, fut
promulguée l'ordonnance n°59- 113 du 11 juillet 1959 portant
réglementation des terres du domaine privé de la
République du Niger au nom de l'Etat.
4.3 Le droit foncier post-colonial
L'ordonnance n°59-113 précité servit de
base à la gestion foncière actuelle. Un an après
l'indépendance, intervint le décret 61-30 du 19 juillet 1961 qui
fixe la procédure de confirmation et d'expropriation des droits
coutumiers. Cette loi dont le fondement remonte à la période
coloniale établit la propriété de l'Etat sur toutes les
terres vacantes et sans maître, thèse difficilement
soutenable dans une bonne partie du Niger où l'espace était
entièrement colonisé par des tribus ou des clans. Mais en
matière de gestion foncière c'est la loi n° 61-37 du 24
novembre 1961 réglementant l'expropriation pour cause d'utilité
publique et l'occupation temporaire, appelée loi foncière, qui
est la plus citée par l'administration municipale puisqu'elle constitue
la base juridique de son accès aux terres coutumières bien
qu'elle viole l'esprit de cette loi. En effet, l'utilité publique et la
juste et préalable indemnisation sont toujours sujettes à
caution. De façon générale, plusieurs textes dont
l'application aurait permis une gestion harmonieuse du foncier existent en
dépit de leur caractère parfois contradictoire.
4.4 La gestion foncière telle que prévue
par les textes
La gestion foncière implique principalement trois
catégories d'acteurs : publics, semi-publics et privés.
4.4.1 Les acteurs publics
Les acteurs publics sont au nombre de quatre à savoir
:
- Le Ministère de l'urbanisme, de l'habitat et du
cadastre qui conduit la politique nationale d'aménagement urbain
(planification urbaine, urbanisme opérationnel et prévisionnel,
réglementation et utilisation du sol).
- Le Ministère de l'Economie et des Finances
gère le domaine national et le cadastre. C'est également à
lui qu'incombe la conservation foncière, l'évaluation de la
valeur locative des propriétés ainsi que la fixation de
l'assiette des contributions foncières et taxes assimilées.
- La Communauté Urbaine de Niamey : elle devrait
programmer et planifier le développement urbain et produire des actes de
disposition de son domaine privé conformément au décret
n° 71-33 MF/ASN du 16 février 1971.
- Enfin, interviennent les ministères techniques comme
celui de l'éducation, de la santé, de la culture, de
l'enseignement supérieur, des sports.
4.4.2 Les acteurs semi-publics
Les acteurs semi-publics se repartissent en deux
catégories. La première est constituée par l'unique
promoteur immobilier attitré qui est la Société
Nigérienne d'Urbanisme et de Construction Immobilière (SONUCI)
dont les réalisations sont destinées à la
commercialisation. La seconde catégorie est composée de
promoteurs occasionnels qui effectuent des réalisations pour leurs
agents. Il s'agit généralement des sociétés d'Etat
ou d'économie mixte, des banques ou de certaines organisations
internationales.
4.4.3 Les acteurs privés
Les acteurs privés deviennent incontournables dans la
production foncière à Niamey et se repartissent en deux groupes
:
- Les propriétaires coutumiers qui sont
propriétaires des terrains nécessaires à la mise en oeuvre
des plans d'urbanisme initiés par la puissance publique. Autrefois
méprisés, ils sont maintenant des acteurs incontournables dans
l'aménagement urbain.
- Les cabinets privés d'architecture et de
géomètres sont pour la plupart des prestataires de services et
apportent leur concours aux différents acteurs précités. A
Niamey, ces prestataires de services participent aux études de
lotissement17.
17 SEYBOU I. (2005), Production et gestion
foncière dans la CUN.
4. 5 La procédure de lotissement telle que
prévue par les textes
Pour une bonne planification urbaine le Niger s'est doté
d'un cadre juridique à travers notamment l'ordonnance n°97-005 du
17 janvier 1997 qui institue à la fois :
- les documents d'urbanisme prévisionnel et
opérationnel
- les outils de contrôle de l'utilisation des sols
urbains.
L'objectif assigné aux premiers (documents
d'urbanisme) est d'assurer une planification stratégique au moyen d'une
orientation de l'aménagement des espaces à moyen et long termes.
Les documents d'urbanisme doivent veiller à la traduction
concrète sur le terrain des actions prévues suivant les
orientations définies par les différents schémas
(schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme, schéma de
secteur) et plans (plan urbain de référence, plan d'occupation
des sols). Quant aux seconds (outils de contrôle), ils vérifient
la conformité des réalisations aux règles d'urbanisme. Ces
outils sont le certificat d'urbanisme, le permis de construire et le certificat
de conformité.
En 1997 a été prise l'ordonnance n°97-005
du 17 janvier 1997 lors du toilettage des textes sur l'urbanisme dont
l'essentiel remonte à l'époque coloniale à l'image de
celui instituant le lotissement qui date de 1959. Pour clarifier la
procédure, il a été pris le décret n° 97-
306/PRN/ME/I du 8 août 1997 fixant les modalités
d'établissement, d'approbation et de mise en oeuvre des plans de
lotissement. L'Etat demeure le principal acteur du processus de lotissement, se
faisant aidé au besoin par des structures consultatives comme le
précise le décret n°97-304/PRN/ME/I du 8 août 1997. Le
lotissement comporte quatre phases.
4. 5.1 La constitution du dossier de création d'un
lotissement
La demande de création d'un lotissement peut
être le fait d'une personne privée (propriétaire foncier,
aménageur/constructeur) ou d'une personne publique (la
commune).18 Le lotisseur a l'obligation d'élaborer un dossier
technique comportant une note de présentation de l'opération, un
projet de réglementation et des documents graphiques. Le traitement du
dossier est beaucoup plus compliqué pour les propriétaires
privés, alors que pour les personnes publiques, il est moins
contraignant. Une personne privée doit d'abord s'adresser à la
commune et au Service Départemental de l'Urbanisme et de l'Habitat
(SDUH) pour que son projet ne soit pas en contradiction avec la politique
locale d'urbanisme. Si la conformité
18PRI-U, (2000), Etude de base pour la maîtrise
des eaux pluviales. Site :
www.enpc.fr/cereve/RapportsActivite/cereve00.pdf
de son plan avec la politique locale est avérée
alors il dépose sa demande d'autorisation de lotir auprès du SDUH
qui lui délivre un certificat d'urbanisme.
La commune n'a pas besoin de ce certificat d'urbanisme. Sa
demande d'autorisation de lotir n'est toutefois possible que si elle est
propriétaire des terrains concernés ou si elle les a
préalablement acquis par voie amiable ou par expropriation.
4.5.2 L'instruction locale du dossier
Le demandeur (privé ou public) adresse son dossier
complet au service départemental de l'urbanisme et de l'habitat
chargé de l'instruction des dossiers au niveau local. Là
également une différence de traitement s'observe. En effet, si le
demandeur est une personne privée, un exemplaire de son dossier doit
être soumis à l'approbation du maire pour avis. Le dossier est
ensuite transmis par le responsable du SDUH au Préfet du
département. Ce dernier convoque alors la Commission
départementale d'urbanisme et d'habitat composée des
représentants des différents services déconcertés
de l'Etat et des opérateurs publics intervenant dans le domaine de
l'eau, de l'électricité et des télécommunications.
Cette structure consultative est chargée d'examiner et d'adopter le
projet. En cas d'adoption, un délai d'un mois est accordé pour
mener l'enquête publique.
4.5.3 L'instruction au niveau central
La troisième étape du traitement du dossier est
son examen au niveau du Comité Technique d'Urbanisme et d'Habitat (CTUH)
sur instruction du ministre de l'urbanisme et de l'habitat après les
avis, délibérations et enquête publique de l'étape
précédente. Le CTUH est présidé par le Directeur de
l'urbanisme et de l'habitat. Il regroupe des agents des différentes
directions ministérielles (aménagement du territoire,
environnement, domaine, cadastre, construction, travaux publics, ...), et
d'autres ministères (santé, éducation nationale), des
représentants des sociétés nationales gestionnaires de
l'eau (SPEN) et de l'électricité (NIGELEC), ainsi qu'un
représentant de l'Institut Géographique National du Niger. Si le
dossier est jugé conforme à la procédure, il est transmis
à la Commission Nationale d'Urbanisme et d'Habitat (CNUH),
présidée par le ministre en charge de ces questions, qui exerce
le contrôle définitif du projet.
4.5.4 L'approbation du lotissement
La dernière phase consiste à soumettre le
projet au ministre chargé de l'urbanisme et de l'habitat pour son
approbation définitive sur la base des observations du CTUH et de la
CNUH. Un arrêté ministériel d'approbation du lotissement
est alors pris et publié au journal officiel. Cet arrêté
impose au lotisseur l'exécution des travaux d'aménagement et
d'équipement des terrains (voirie, réseaux divers, plantations,
etc.) avant la mise en vente des parcelles. Constatant l'ignorance des
lotisseurs de ces travaux d'aménagement préalables rendus
obligatoires par une circulaire de 1971, un décret
(n°97-306/PRN/ME/I du 8 août 1997) est venu renforcer cette
obligation. Un délai de 20 mois est accordé au lotisseur pour
répondre à cette obligation, faute de quoi, l'autorisation
devient caduque.
4.6 Le lotissement dans la pratique à
Niamey
La procédure officielle n'est jamais appliquée.
Selon SEYBOU I (2005) les lotissements sont ouverts souvent sans dossier et
donc sans autorisation et sont par conséquent illégaux c'est le
cas des lotissements tels que Cité des Députés ou Zam
Koira. La communauté urbaine régularisera la situation
après le lotissement mettant les instances réglementaires devant
le fait accompli. Pour rendre plus opaque la vente des parcelles, la commission
d'attribution a été dissoute en 1991. L'objectif visé
à travers cette dissolution est atteint parce qu'elle a permis
l'installation d'une véritable oligarchie dans la gestion
foncière à la Communauté urbaine de Niamey où les
parcelles sont vendues de gré à gré si bien que seules les
personnes ayant leurs entrées à la Communauté Urbaine de
Niamey sont mises au courant.
Face à ce népotisme et conscients des nombreuses
embûches, les personnes privées c'est-àdire les
propriétaires coutumiers ne se hasardent pas à lotir. Ils
préfèrent alors attendre que la Communauté urbaine engage
la procédure de lotissement pour revendiquer leurs droits. D'ailleurs,
les propriétaires coutumiers savent qu'ils ne pourront pas engager un
lotissement pour plusieurs raisons :
- la mairie ou du moins la CUN empêche ce rôle
même aux communes à plus forte raison à des particuliers
;
- Etant tous des agriculteurs, ils n'ont pas les moyens
financiers conséquents pour faire un lotissement ;
- Ils seront bloqués systématiquement par la
mairie dont l'avis favorable permet au dossier de parvenir à la
deuxième étape ;
- Le décret n°97/306/PRN/ME/I n'est toujours pas
appliqué et d'ailleurs comment peut-il l'être étant
étendu que les parcelles sont vendues le plus souvent pendant que le
dossier est en instruction. Ce sont les acquéreurs aisés qui
prennent à leur charge l'installation des réseaux (en particulier
électricité et eau potable) au niveau de leurs parcelles. Les
riverains qui s'y raccordent participent généralement aux frais
engagés. Cette pratique constitue un transfert des charges des communes
vers les propriétaires privés. Et c'est parce que le lotissement
n'est jamais respecté selon la procédure légale que
beaucoup de problèmes se posent aujourd'hui à la
Communauté Urbaine de Niamey qui assure par ailleurs la maîtrise
d'ouvrage des projets de développement urbain au détriment des
cinq communes. Elle procède le plus souvent aux lotissements dans le but
de s'assurer des ressources financières qui ne vont plus dans le fonds
d'édilité mais dans le fonctionnement de la
collectivité.
Des pratiques spéculatives sont courantes et
contrairement aux règles fixées par les textes, la
Communauté Urbaine de Niamey accorde plusieurs parcelles à un
seul demandeur moyennant le versement d'une somme supérieure au prix
officiel. La différence va à celui qui a mené la
transaction. Ces acquéreurs « en gros » spéculent ainsi
sur l'augmentation de la valeur foncière, sous l'effet de la
raréfaction de l'offre de parcelles disponibles à la construction
qu'ils espèrent ainsi provoquer en « gelant » ainsi leurs
biens19. Le lotissement ne repose sur aucune stratégie
de planification. Seuls les quartiers les plus anciens de Niamey sont
aujourd'hui entièrement occupés. La périphérie de
la ville est constituée de lotissements avec des parcelles encore vides
que l'on ne cherche pas nécessairement à combler avant de lancer
une nouvelle opération. Selon le PRI-U (2000), les quartiers de Koira
Kano initial, Koira Kano extension, puis Koira Kano Nord, ont été
successivement mis en oeuvre alors que le premier site n'était pas
encore saturé. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.
Le manque de moyens et sans doute de volonté de l'Etat pour assurer le
contrôle de légalité, tant auprès des
autorités locales (vérification de la viabilisation des terrains
avant d'engager la réalisation du lotissement, contrôle du respect
du plan de lotissement approuvé) que des usagers (vérification de
la conformité des travaux au permis de construire accordé),
tendant à faire perdurer ces pratiques dont les impacts sont visibles
sur le terrain.
Les terrains non mis en valeur sont occupés par les
gardiens qui s'y installent en attendant que
les propriétaires soient
en mesure de les mettre entièrement en valeur ce qui parfois
avoisine
la décennie. Lors de la vente d'une parcelle, le
propriétaire reçoit un acte de cession qui lui
19 PRI-U op. cit. p.47
précise qu'il a cinq ans pour sa mise en valeur.
Passé ce délai, la collectivité peut retirer la parcelle
au propriétaire et la revendre en réalisant ainsi une plus value.
C'est une pratique rare car les propriétaires ayant compris cette
disposition, érigent un mur d'enceinte pour matérialiser le
début de mise en valeur qui évite l'expropriation.
Le système foncier traditionnel qui a su
résisté au droit islamique (en empêchant l'accès de
la femme à la propriété foncière) introduit avant
la colonisation a connu une mutation profonde avec l'avènement du droit
Napoléonien. Avec la colonisation, émerge une nouvelle conception
du droit basée sur l'immatriculation et la propriété
privée. C'est surtout l'Administration qui a profité de ce
système en s'octroyant à travers les textes le droit d'exproprier
les terres pour cause d'utilité publique. La gestion foncière
fait intervenir des acteurs aussi bien publics que privés qui ne
soucient guère du respect des textes. La procédure de lotissement
est longue et compliquée et ne satisfait qu'une minorité de
demandeurs compliquant ainsi l'accès à l'habitat pour la
majorité des citadins.
DEUXIEME PARTIE : HABITAT INFORMEL A NIAMEY : JEU ET
ENJEUX
Chapitre V : L'accès à l'habitat à
Niamey
Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question
urbaine ou question sociale ?
Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la
pauvreté
Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et
perspectives
Chapitre V : L'accès à l'habitat
à Niamey
Pour accéder au logement à Niamey, deux
procédures contradictoires mais complémentaires existent : il
s'agit de la procédure officielle et du recours aux propriétaires
coutumiers dont l'offre parvient à pallier en partie l'insuffisance ou
du moins la mauvaise distribution des parcelles mises à la disposition
des demandeurs par le service domanial de la Communauté Urbaine de
Niamey (CUN). A côté de ces deux grandes voies, s'est
développée une autre consistant à occuper l'espace public.
Quelles sont les filières de production de logement à Niamey ?
5.1 La filière officielle de production de
parcelle
C'est le service des affaires domaniales devenu par
arrêté n°0038/PPCUN du 19 mars 2001 Direction de la Gestion
Foncière et de l'Aménagement Urbain qui s'occupe de la production
et de la gestion des parcelles au niveau de la Communauté Urbaine de
Niamey. Pour obtenir une parcelle au niveau de cette direction
l'acquéreur doit au préalable adresser une demande manuscrite au
Président du Conseil de la Communauté Urbaine de Niamey (PC/CUN)
qui l'adresse à la commission pour instruction. Une Commission
d'attribution des parcelles de la CUN dirigée par le PC/CUN est mise sur
pied pour choisir les bénéficiaires. Cette commission devrait
être composée comme suit :
- Le Président du Conseil de la CUN ou son
représentant ;
- Le Secrétaire général de la CUN ;
- Les Maires des communes ;
- Les Chefs des Services Techniques de la CUN ;
- Les Chefs de quartiers ;
- Les Juges des communes.
Au niveau de cette commission, les opérations se
déroulent théoriquement comme suit : - Examen des demandes puis
approbation et affichage des noms des candidats retenus ;
- Paiement du prix de la parcelle au mètre
carré (m2) selon la superficie par arrêté du
Maire et 45 000 F CFA de frais d'acte de cession, le tout mentionné sur
une fiche dénommée fiche d'acquisition de parcelle ;
- Satisfaction des demandes dans la limite du nombre de
parcelles disponibles selon les critères de sélection
définis de commun accord ;
- Enfin l'acte rédigé et approuvé par le
PC/CUN est remis à l'acquéreur.
Lors de la création de cette commission en 1988
beaucoup de Niaméens avait nourri l'espoir de voir enfin une
distribution de parcelles dans un cadre démocratique qui permettrait aux
candidats sans connaissance à la CUN de pouvoir bénéficier
de parcelle. C'était sans compter sur le népotisme qui
règne dans ce milieu. Trois ans après sa création, les
autorités ont cessé de la convoquer afin que leurs
protégés soient les seuls bénéficiaires des
parcelles produites. Ces protégés de la CUN qui acquièrent
chaque fois les parcelles sont devenus des spéculateurs qui se chargent
de revendre les parcelles aux candidats malheureux à un prix nettement
supérieur à celui de la Mairie. Ainsi, une parcelle acquise
à 400 000 F CFA à la mairie peut être revendue plus tard
à au moins 700 000 F CFA si le quartier est relié au
réseau d'eau et d'électricité (ISSAKA H. 2004).
Une fois la parcelle obtenue, l'acquéreur doit,
conformément à l'ordonnance 59-113/PCN du 11 juillet 1959 et son
décret d'application n°64-133/MTP/M /U du 03 juillet 1964 portant
réglementation du permis de construire dans la ville de Niamey, adresser
une demande de permis de construire au Président du Conseil de la
Communauté Urbaine de Niamey. Le dossier de demande de permis de
construire doit comporter les pièces suivantes :
- La photocopie de l'acte de cession enregistrée,
timbrée et contresignée par le chef section foncière au
service des domaines accompagnée du plan de situation au 1/2000 ;
- Trois copies du plan de construction avec coupes et
façades au 1/100 ou 1/50 ; - Trois copies du devis estimatif ;
- Trois copies d'une note descriptive et estimative ;
- Trois copies d'une note sur les branchements (eau,
électricité, téléphone, égouts) ; - Trois
copies du plan de masse de 1/500 à 1/200.
La Commission du Permis de Construire (CPC) instruit les
dossiers dans un délai de 45 jours à trois mois et donne une
autorisation valable pour six mois. Ce sont les représentants de la
direction des domaines, du cadastre, de l'urbanisme et de l'habitat, de
l'architecture, de l'hygiène, des mines, de la protection civile et de
la gestion foncière de la Communauté Urbaine de Niamey qui
composent la CPC. Pour obtenir le permis de construire, le demandeur
doit payer 400 F CFA/m2 s'il s'agit d'un bâtiment à
usage d'habitation et 500 F CFA/m2 pour les commerces. Beaucoup de
Niaméens ignorent ce document. Pour preuve note SEYBOU I.
(2005), tout au long de l'année 2002, le Service Aménagement
Urbain et Réglementation foncière n'a délivré que
274 autorisations de construire sur 361 dossiers parvenus alors que les
parcelles produites la même année dépassent à elles
seules le millier. Une fois la
construction terminée, les services techniques doivent
vérifier la conformité de la construction au permis de
construire. Si c'est le cas, il est délivré un certificat de
conformité.
Il faut dire que le titre de propriétaire a
évolué avec le temps :
- C'est à partir de 1946 que l'administration a
commencé à délivrer pour les terrains non lotis, des
autorisations annuelles précaires et révocables appelées
Permis d'Occuper (PO) signés par le Gouverneur. Avec ce titre
d'occupation, il n'est autorisé que des installations temporaires et
démontables sur le terrain. Ce titre précaire peut être
transformé en concession urbaine ou en permis urbain d'habiter lorsque
l'espace aura été loti. ABDOU H. et al (2005).
- De 1962-1964, il est délivré dans les zones
loties d'habitat traditionnel un Permis Urbain d'Habiter (P.U.H) signé
par le Maire. Le P.U.H n'est pas en soi une vente mais une allocation
foncière que la collectivité accorde à une personne qui ne
peut pas supporter les frais et charges du système de concession pour
lui permettre de se loger « légalement » sans autorisation de
construire. Le détenteur du P.U.H peut le transformer en concession
définitive en mettant en valeur sa parcelle et en complétant les
formalités d'immatriculation.
- A partir de 1964, la concession urbaine remplace d'office le
P.U.H et est accordée dans les zones loties à titre provisoire
d'abord. C'est un titre personnel accordé pour un temps limité
qui empêche d'avoir un autre titre sans l'obtention du titre
définitif du premier qui n'interviendra qu'après une mise en
valeur définitive et légalement constatée.
5.2 La filière informelle
L'accession à la parcelle officielle relève
d'un parcours de combattant qui dissuade beaucoup de candidats. Pour contourner
cette procédure longue, fastidieuse et peu sûre (les parcelles
officielles sont toujours insuffisantes par rapport à la demande), une
procédure parallèle et illégale a vu le jour et
concurrence efficacement la filière officielle de plusieurs
manières les unes plus illégales que les autres.
5.2.1 L'habitat informel sur domaine coutumier
Le domaine coutumier est constitué de l'ensemble des
terres qui ne sont pas encore soumises
à une enquête publique
en vue d'une expropriation pour cause d'utilité publique. Le
territoire
de Niamey étant une zone à vocation agricole,
l'ensemble de l'espace est subdivisé en champs
appartenant à des familles dont chacune connaît
les limites exactes de ses terres depuis des générations et sur
lesquelles s'étend son droit coutumier.
Ce domaine foncier est de plus en plus exproprié par
l'Etat au nom de son droit d'expropriation, une procédure douloureuse
que les propriétaires coutumiers n'ont jamais cautionnée
volontairement. Pour montrer leur désapprobation de cette pratique et
surtout pour mieux profiter de leurs patrimoines fonciers, ils se sont
lancés dans des opérations de lotissement dont la plus
célèbre reste celle de Talladjé entreprise en 1966.
5.2.1.1 Comment s'effectue le lotissement ?
Le propriétaire coutumier dont le champ est à
la limite du lotissement officiel ou qui pressent la menace d'un lotissement
prochain, préfère prendre le devant en faisant parfois appel
à des géomètres pour imiter le plan officiel ce qui
évitera trop de casses en cas de restructuration. Ainsi, les parcelles
sont produites avec souvent de piquets de fer ou de bois servant de bornes. Il
ne procède à aucune viabilisation du site. Le lotissement est
porté à la connaissance des demandeurs de parcelles par les
démarcheurs.
5.2.1.2 Comment s'organise la vente des parcelles
informelles ?
Le candidat au terrain à bâtir s'informe
auprès des démarcheurs ou des habitants du quartier. Avec le
démarcheur ou une connaissance du lotisseur, le candidat prend
rendez-vous avec le propriétaire pour constater la situation des
parcelles disponibles. S'il est intéressé par les parcelles
disponibles, le marchandage s'engage. Les prix ne sont pas les mêmes pour
tous car les liens sociaux interviennent pour influencer souvent le prix
préalablement arrêté. C'est d'ailleurs pourquoi le candidat
s'informe d'avance sur le propriétaire coutumier en vue de se faire
accompagner par quelqu'un qui peut influencer le prix ou aider à avoir
un échéancier plus souple pour le versement du montant convenu.
Une fois le marché conclu, l'heureux acquéreur fait
délimiter sa parcelle avec ses piquets. La vente est effectuée en
présence d'au moins un héritier du vendeur. L'acquéreur
peut verser l'intégralité du prix convenu ou avancer une partie.
Le versement intégral du prix de la parcelle donne droit à une
attestation de vente signée par le propriétaire coutumier et
contresignée par le chef de quartier. En fonction des relations de
confiance entre vendeur et acheteur, le paiement peut se faire à
tempérament. En cas de non respect de l'engagement de payer le prix
selon les échéances, le propriétaire coutumier peut
retirer son terrain.
De plus, lors de l'achat le candidat s'engage à
construire en matériaux durables et en un temps relativement rapide.
Ainsi, s'étend l'habitat informel sur le domaine coutumier. Il faut dire
que la production des parcelles était à ses débuts plus
une oeuvre sociale qu'une véritable opération économique.
En effet, pendant le régime d'exception où le taux de
dédommagement n'excédait guère 6% des parcelles produites,
les propriétaires coutumiers n'hésitaient pas à offrir
gracieusement des parcelles à leurs connaissances. Pour les candidats
ordinaires le prix variait entre 30 000 et 50 000 F CFA. Mais depuis
l'avènement de l'ère démocratique (1992) où le taux
de dédommagement est revu à la hausse (passant de 6 à 25%)
après une lutte âpre des propriétaires coutumiers, une
nouvelle donne est apparue. Le prix du Shara ka zamna20 ne
fait que flamber variant entre 150 000 F CFA et 200 000 F CFA pour la demi
parcelle c'est-à-dire une parcelle de 300 m2.
5.2.2 L'habitat informel sur domaine privé
Contrairement au domaine précédent où
construire en matériaux durables est une obligation, là, l'usage
des matériaux précaires est la règle
générale.
5.2.2.1 le domaine privé de l'Etat
A Niamey, l'un des cas le plus flagrant d'occupation du
domaine privé de l'Etat est celui des Cases Allemandes, un
véritable village dans la ville et qui plus est au quartier Plateau,
c'est-àdire le quartier le mieux équipé de la ville. C'est
un terrain composé de 39 parcelles appartenant à l'Ambassade
d'Allemagne qui y avait construit des bungalows (d'où l'appellation de
Cases Allemandes) pour abriter les coopérants Allemands résidant
à Niamey. Lors du départ de ces derniers, l'Ambassade a vendu le
terrain à l'Etat du Niger qui l'a cédé aux
enseignants-chercheurs de l'Université de Niamey. Lors d'une
grève des enseignantschercheurs, le Chef de l'Etat de l'époque,
furieux de leur mouvement a tout simplement retiré le terrain
situé non loin du palais présidentiel. L'espace est
retourné au domaine privé de l'Etat et reste vacant. Constatant
cette disponibilité de terrain, les gardiens du Plateau ont
commencé à bâtir peu à peu des paillotes. Plus tard,
ils seront rejoints par des artisans, des prostituées, etc.
Les multiples tentatives de déguerpissement ont
échoué. Lors de l'incendie du 17 février 2003
qui a
ravagé 204 paillotes, le Préfet-Président de la
Communauté Urbaine de Niamey
20 Expression par laquelle les
Niaméens désignent les parcelles coutumières et
qui signifie « aménage pour t'installer » en
référence à l'insalubrité qui caractérise
généralement le site.
nouvellement nommé a pensé réussir
là où ses prédécesseurs ont échoué en
profitant de l'incendie pour déguerpir les squatters. Les
autorités de la CUN s'étaient alors rendues sur le terrain pour
constater l'ampleur du sinistre et le PP/CUN a donné un ultimatum de
trois jours à ceux qui n'ont pas été victime de l'incendie
pour quitter les lieux. Pour montrer sa détermination, des policiers ont
été placés afin d'empêcher toute reconstruction.
Mais c'était sans compter sur la détermination et l'organisation
des squatters.
Figure n° 4 : Localisation de Tchana-Carré et des
Cases Allemandes au quartier Plateau
Source : Google Earth [2007]
Mobilisés autour de leur chef de quartier,
ils ont vite engagé des négociations avec les autorités
politiques afin que la décision du PP/CUN ne soit pas appliquée.
Aussi, le même jour, ont-ils rencontré l'une des épouses du
Président de la République afin qu'elle intercède en leur
faveur. Le lendemain, déjà la reconstruction des paillotes a
repris.
Pour accéder aux Cases Allemandes, la procédure
est simple, il faut identifier un espace nécessaire à la
construction d'une paillote et informer le Chef du quartier qui
avertit les voisins. La seule condition est de ne pas troubler l'ordre pour
donner un prétexte aux autorités pour justifier un
déguerpissement. Les premiers arrivants ont accumulé tellement
d'espace que certains ont construit des paillotes destinées à la
location. C'est le cas d'un ancien
militaire qui a quitté le quartier Boukoki pour venir
s'y installer et louer des paillotes aux nouveaux arrivants.
5.2.2.2 Le domaine privé des particuliers
Pour illustrer ce cas d'occupation illégale de
l'espace ou du moins d'habitat informel, nous allons présenter deux
exemples qui sont représentatifs de ce type de squattage.
D'abord nous abordons le cas de Tchana-Carré.
Situé à quelques encablures des Cases Allemandes, c'est un
ensemble de 9 carrés21 appartenant à un
opérateur économique surnommé Tchana réputé
pour sa générosité envers les démunis. Lors de la
famine de 1984 qui a drainé des milliers d'affamés vers Niamey,
Tchana a mis ces parcelles clôturées à la disposition des
pauvres dont certains dormaient dans les rues de Niamey notamment aux alentours
des marchés et des grandes maisons de commerce. A la limite des places
disponibles, tout démuni peut bâtir sa paillote.
L'opérateur économique est décédé en 1986
mais ses héritiers continuent de laisser les petites gens occuper ces
parcelles gelées. Au cours de nos enquêtes, nous avons
remarqué que la plupart des 30 ménages qui y résidaient,
étaient des gardiens du Plateau. Les conditions d'accession sont
restées les mêmes : identifier un espace disponible, et s'engager
à ne pas semer de troubles.
A quelques kilomètres de Tchana-Carré, se
trouve au Nord-Est, un autre espace que nous désignons le Campement
de Zakou. Il s'agit d'un espace attribué à un leader
religieux pour construire une école privée franco-arabe.
N'arrivant pas à mobiliser les fonds nécessaires pour même
clôturer le terrain, Hama Kiota (le leader religieux) a engagé
Zakou comme gardien afin d'éviter que l'espace ne soit squatté.
Les mois passent et le gardien accumule les arriérés de salaire.
Constatant que son employeur lui doit 760 000 F CFA (1 158,6 €) pour ses
trente huit mois d'arriérés de salaire (en raison de 20 000 F CFA
par mois), Zakou décide de se faire justice. Au lieu d'empêcher
que les petites gens occupent l'espace, il s'est mis à les encourager en
percevant un droit d'occupation auprès de chaque nouvel arrivant ce qui
lui permet d'une part de se faire de l'argent et d'autre part de se constituer
une base pour affronter son employeur.
21 Appellation courante de la parcelle à
Niamey
5.2.3 Le domaine public
Le domaine public squatté à Niamey concerne les
rues et les espaces verts dont les stratégies et l'ampleur d'occupation
sont variables.
5.2.3.1 Les rues
L'occupation des rues est surtout perceptible dans les
nouveaux quartiers situés en zone péricentrale (carte n°3
p.63). A Niamey, la construction d'un bâtiment à usage
d'habitation est une opération qui prend généralement
plusieurs années du fait de la faiblesse des ressources
financières de la plupart des Niaméens. Pour éviter un
retrait de la parcelle par la municipalité pour défaut de mise en
valeur, certains acquéreurs préfèrent la faire occuper par
un démuni qui fait office de gardien en y construisant une paillote
avant ou après que le propriétaire eut construit le mur
d'enceinte. Le gardien y restera aussi longtemps que dureront les travaux de
construction. Durant ces années, il profite pour faire la connaissance
des voisins et participe généralement aux
cérémonies qu'ils organisent. Une fois les travaux
achevés, il déplace sa paillote de l'intérieur de la
parcelle à un angle d'une rue non bitumée, s'il n'a pas une autre
parcelle pour s'installer. Les voisins ne se montrent pas gênés et
la Municipalité qui doit le déguerpir ne réagit pas car
elle mettra des années pour bitumer la voie.
5.2.3.2 Les espaces verts
La ceinture verte est de loin l'espace le plus
célèbre par son étendue 2 500 ha (carte n°3 p.63).
Cet espace long de 25 km et large d'1km a été classé par
les autorités dans les années 1960. Des margousiers y avaient
été plantés pour servir de ceinture végétale
en arc de cercle autour de Niamey. Cette opération devrait
protéger la ville du vent sec du Nord (harmattan) et maintenir un grand
poumon vert à proximité de la capitale (Le Monde, du 2
février 2007). Lors du classement de cet espace, les
propriétaires coutumiers n'avaient pas été
dédommagés et ils continuaient à le cultiver chaque
année. A partir de 1984, peu à peu l'espace a commencé
à être squatté jusqu'au lotissement du quartier Banizoumbou
II (début des années 1990) où les squatters ont
été déguerpis. Ils ont alors occupé la ceinture
verte situé non loin et depuis lors cet espace est devenu la plus grande
concentration de paillotes de Niamey. Pour s'installer, il faut l'aval des
propriétaires coutumiers à qui il faut payer au moins 2 000 F CFA
par an et par case en guise de location de l'espace.
D'autres espaces verts sont également squattés
à l'intérieur de la ville. Il en est ainsi de 2ème Forage
situé au quartier Yantala ou du grillage Toumounani de Banifandou et de
bien d'autres. Contrairement à la ceinture verte convoitée
à la fois par la CUN et les squatters et qui soulève de
polémique entre la Municipalité et le Ministère de
l'environnement assurant la tutelle, les espaces verts du centre ville sont
progressivement morcelés et vendus. Depuis 2006, à la place des
paillotes de 2ème Forage, des immeubles de luxe ont
été bâtis. Le Grillage Toumounani (Figure n°5) a
été déguerpis en mars 2007. Dans ces espaces verts de la
ville, les squatters s'installent sans payer un sou à personne ce qui
facilite l'occupation. Toutefois, leur emplacement au coeur de la ville rend
l'occupation plus précaire car, ils peuvent être morcelés
à tout moment et les occupants déguerpis sans
ménagement.
Figure n°5 : Les squatters déguerpis pour une cause
illégale
La police de Niamey a procédé le mercredi
dernier au déguerpissement des habitants du « grillage Toumounani
» au quartier Banifandou. Accompagnée de
prisonniers, la police a d'abord détruit la case du chef avant de
l'embarquer et d'intimer aux femmes et enfants de détruire leurs cases
avant que les forces de l'ordre n'interviennent. Cette opération a fait
des nombreux sans abri ; les femmes et les enfants ont dormi à la belle
étoile sans savoir où aller. L'opération en tant que telle
est salutaire car la ville a besoin d'être assainie mais il aurait mieux
fallu chercher d'abord là où caser ces personnes avant d'engager
une telle action qui s'est déroulée sans aucun respect des droits
humains.
Les habitants du « grillage Toumounani »
déguerpis par la police, extrait du journal L'EVENEMENT
N°187 du 27 Mars 2007
Source :
http://www.nigerdiaspora.net/journaux/even.pdf,
[mars 2007]
En somme, les textes réglementant l'occupation de
l'espace s'ils étaient respectés par tous auraient permis un
aménagement tout au moins progressif de l'espace. Les ordonnances
59-113/PCN et 59-114/PCN du 11 juillet 1959 qui régissent les titres
d'occupation au Niger en général et à Niamey en
particulier avaient été conçues dans un contexte
d'encouragement de l'urbanisation en tenant compte du niveau de vie des
citadins. Mais la mise en avant des intérêts égoïstes
des uns et des autres a provoqué une sorte de confusion dans laquelle
les responsabilités se mêlent donnant l'impression d'un complot
dans lequel chacun trouve son compte.
Chapitre VI : Le squattage à Niamey : question
urbaine ou question sociale ?
L'une des particularités de Niamey est
incontestablement la présence de l'habitat informel dans tous les
quartiers. Contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne francophone
où ce type d'habitat se localise généralement à la
périphérie, à Niamey, l'observation de la carte de
localisation montre une image assez atypique. Quelle est l'origine de cet
habitat ? Pourquoi cette présence de squats dans tout le paysage urbain
?
6.1 Origine et évolution de l'habitat informel
à Niamey
L'histoire de l'habitat informel à Niamey remonte
à la période coloniale et se poursuit inexorablement
défiant tous les régimes qui se succèdent et ce n'est pas
apparemment le contexte actuel qui arrivera à bout de ce
phénomène.
6.1.1 Origine de l'habitat informel
A Niamey, l'habitat informel est aussi vieux que la ville.
Lors de la création de la ville, l'administration coloniale qui
s'était lancée dans un processus d'aménagement de la ville
en élaborant un premier plan d'urbanisme de la ville dès 1905
(BERNUS S.), avait cependant dérogé aux règles de
l'urbanisme en permettant l'installation aux abords de la ville des
éleveurs peuls qui alimentaient la ville en lait de vache. Ainsi naquit
Foulan-Koira22. Ce village d'éleveurs toléré
par l'administration coloniale connaîtra une série de
déplacements au rythme de l'évolution spatiale de la ville pour
se stabiliser aujourd'hui à environ 10 km de son site initial suite
à son huitième déplacement et devient Kouara-Tédji
(nouveau village).
Plus tard, d'autres populations pauvres d'ethnies
différentes vont affluer vers Niamey créant ainsi des quartiers
irréguliers que l'autorité a parfois aidé à
s'installer en leur indiquant un site ce qui, même si c'est de
façon provisoire, constitue un agrément tacite. C'est le cas par
exemple de Zarmagandey dont la population composée majoritairement des
originaires du Zarmaganda (région du Chef de l'Etat de l'époque).
A leur arrivée suite à la famine de 1984, ces populations
s'étaient installées sur le domaine universitaire. Il leur avait
été demandé de quitter ce terrain pour s'installer un peu
plus à l'ouest à Karadjé sur des terrains inondables
à de nombreux endroits et donc inconstructibles.
22 Village des peuls en langue Sonraï
Carte n°3 : Localisation de Phabitat informel a Niamey
S ISE.E1 .517.EE.E1 uS 1 ZE.E I. .517,0E.E1 Sk6Z.E1
.517.2.Z.E1 S1.9Z.E L
|
TM" 745" 2°1'30" 2°2'15"
2°3'00" 2°3'45" 2°4'30" 2°51 5" 2°8130" 2°8'45"
2730" 2°8'15" 2°9'00" 213'45"
|
2°10.30"2"111
|
5"2"121:0"2"12.45"2"13'30"2°141
|
5"215'00"215'45"
|
13'35'15" 13°33'45" 13°32'15" 13°30'45"
13°29'15" 13°27'45" 13°2615"
1
|
|
1 1 1 1 1 1 1 1
|
1 1
·
0
|
1 1 1 1
2 4 Km
|
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01111111'
Tir · ·
kali& Talladje
A
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I
I
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2
|
|
|
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|
-- Principaux villages urbains
Zone lotie de 1930 a 1989 A/ Principales
voies
Fleuve Niger et rivieres
|
Iles du fleuve
|
Zone boisoe
|
I
|
|
|
I 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
2
TOO" 2°45" 2°1'30" 2°2'15" 2°3'00"
2°3'45" 2°4'30" 2°51 5" 2°8'00" 2°8'45"
2730" 2131 5" 2°9'00" 2°9'45"
|
1 1
2°10.30"2"111
|
1 1 1 1
5"2"121)0"2"12.45"2"13'30"2°141
|
1 1
5"215'00"215'45"
|
6.1.2 Les facteurs d'évolution de l'habitat
informel
Plusieurs facteurs expliquent la naissance et le
développement de l'habitat informel dans la capitale
nigérienne.
6.1.2.1 Les migrations intra-urbaines
Ces migrations concernent les mouvements des populations
établies à Niamey depuis plusieurs années et qui
finalement finissent par disposer de leurs propres parcelles dans le domaine
foncier coutumier. Il s'agit généralement des populations
habitant le centre ville ou les villages urbains comme Gamkallé, Goudel,
Saga dont les grandes familles détiennent l'essentiel du domaine foncier
à Niamey. Le premier mouvement d'ampleur considérable a
été enclenché en 1966 lorsque les populations de Saga ont
morcelé et vendu des terrains qu'ils ont lotis en imitant le plan en
damier de l'administration. Mieux, dans ce lotissement clandestin, il a
été prévu des réserves foncières
destinées à accueillir des infrastructures d'intérêt
général. De plus, les constructions étaient
réalisées nuitamment et il était interdit de construire en
paillotes. La forte mobilisation de la population de ce quartier autour de son
chef a permis de déjouer toutes les tentatives des autorités
municipales de les déguerpir. Finalement Talladjé situé
à l'Est de la ville sur la route de l'aéroport est reconnu comme
un quartier par les autorités qui craignaient que cet exemple ne fasse
jurisprudence au niveau des propriétaires coutumiers et des
Niaméens en quête de logement sans complication
administrative.
Face à cet exploit des habitants de Saga, les autres
propriétaires coutumiers ne sont pas restés en simples
spectateurs. Ils sont également entrés dans le jeu. C'est ainsi
que les propriétaires coutumiers de Goudel ont procédé au
morcellement de leurs champs atteints par le front de l'urbanisation au
Nord-Ouest de la ville. Leurs morcellements ont permis la création de
Koubia informel. Sur la rive droite, les propriétaires coutumiers de
Lamordé et de Kirkissoye ont aussi compris la leçon et se sont
montrés aussi entreprenants en morcelant une partie de l'espace sur
lequel s'étend leur droit coutumier en dépit du caractère
souvent contraignant du site. Cette zone est en effet inondable et
possède de nombreuses dépressions dans lesquelles stagnent les
eaux des pluies. Mais ni les squatters encore moins les propriétaires ne
semblent être inquiétés par cette contrainte. L'essentiel
pour les chefs de famille étant d'avoir à bon prix un terrain sur
lequel ils peuvent bâtir leurs maisons pour se loger et se mettre
à l'abri de la location qui constitue une hantise pour les
Niaméens. A travers ces lotissements
clandestins, c'est tout le territoire de la communauté
urbaine de Niamey qui est en proie à l'habitat informel qui ne fait que
prendre de l'ampleur au fil des ans.
6.1.2.2 Les migrations extra-urbaines
La croissance spectaculaire de Niamey s'est
opérée par vagues successives suite aux différentes
migrations des populations rurales. Selon GILLARD P. (2003), ces migrations
sont le fait des famines dont les plus marquantes ayant modifié le
paysage urbain de la capitale nigérienne furent celles de :
- 1901-1903 : marée humaine
- 1913-1915 : 2ème vague de migrants
- 1931-1932 : arrivée massive des populations rurales
- 1965-1966 : création du quartier Bandabari
- 1972-1973 : arrivée de migrants Nigériens et
Maliens
- 1984-1985 : début d'occupation de la ceinture verte.
Quasiment toutes ces dates ont laissé leur empreinte
sur la ville à travers les quartiers spontanés qui en sont issus.
En effet, après chaque grande famine, il y a un groupe de
réfracteurs qui préfèrent s'accommoder à la vie
urbaine. C'est ainsi qu'en 1981, sur une population de 241 000 habitants, 107
000 étaient des migrants23 soit 44,3%. La famine de 1984
aurait fait augmenter la population de Niamey d'un tiers. Bien avant cette
famine, la pénurie alimentaire de 1931-1932 appelée Doa
jiiré (année des criquets) a drainé près de 23
000 habitants vers Niamey et fut à l'origine de la création du
quartier Boukoki (ensemble de cases). Selon ALPHA GADO B. (1998), l'afflux
massif de migrants entraîna un accroissement rapide de la population de
Niamey et serait à l'origine de la création d'une chefferie
administrative pour administrer la population flottante. Ces migrants
étaient attirés par l'aide alimentaire qu'accordaient les
autorités coloniales.
6.1.2.3 L'atermoiement des autorités
S'il y a un domaine dans lequel la violation de la loi est plus
ou moins acceptée c'est bien
dans le domaine de l'occupation du sol
urbain. Alors que les revendeurs qui paient chaque
23 ALPHA GADO B. (1998), Environnement et
pauvreté au Niger : crises écologiques, migrations et
pauvreté urbaine, In : Annales de l'UAM, pp.63-78, In : Annales de
l'Université Abdou Moumouni, 272 p.
jour des patentes à la municipalité sont
pourchassés et les biens confisqués par la police municipale, les
squatters sont dans la plupart des cas tolérés. La carte de
localisation de l'habitat informel montre bien que plusieurs voies non
bitumées larges de 50 m sont squattées et ce
phénomène dure depuis plus de 10 ans pour certaines sans que
l'autorité municipale ne réagisse. Ce laisser-faire à
Niamey transcende tous les régimes. La colonisation a permis la
reconnaissance tacite de Foulan Koira, la première République a
vu la reconnaissance du quartier Talladjé tandis que sous le
régime d'exception sont apparus Cases Allemandes, Tchana Carré,
Zarmagandey, etc. Depuis l'avènement de la démocratie, Pays-Bas,
Koubia, Losso-Goungou sont venus renforcer le quota de squatters à
Niamey. Cette bienveillance des autorités de la Communauté
Urbaine de Niamey trouve sa justification en partie dans la gestion peu
orthodoxe à laquelle elles se livrent dans la gestion foncière
à Niamey. En effet, des opérations irrégulières de
morcellement des espaces publics non clôturés comme les
écoles (figure n°6), les centres de santé, les espaces verts
et même certaines voies sont courantes avec l'amenuisement des ressources
foncières.
Figure n°6 : L'exaspération de la population face aux
agissements illégaux de la CUN
Certaines choses qui se produisent dans ce pays sont
franchement effarantes. Elles le sont d'autant plus qu'elles mettent en cause
l'autorité de l'Etat, et donc la responsabilité de certaines
personnes qui sont sensées faire respecter la loi et l'ordre dans la
cité. Ce qui est arrivé à l'école primaire
Médine III de Niamey doit interpeller la conscience des Nigériens
en général et des tous premiers responsables politiques de ce
pays en particulier. En effet, par deux fois, des individus (dont
l'identité n'a semble til pas été
déterminée), sont venus nuitamment placer des bornes dans la cour
même de l'école, une manière de dire que le terrain ainsi
délimité leur appartient. Alerté, le maire de la commune
III est allé sur les lieux, et a instruit ses services pour
déterrer ces bornes, étant entendu que la cour d'une école
ne peut faire l'objet de vente. Malgré tout ces mêmes personnes
sont revenues placer les mêmes bornes dans la cour de l'école.
Conscients du fait que s'ils ne réagissent pas à temps, cette
école risquerait de perdre sa cour, les parents d'élèves,
les élèves et même les enseignants de la dite école
ont observé un sit-in pour montrer leur désapprobation par
rapport à cette honteuse situation. Il est impardonnable que ce genre de
«crime» contre l'école nigérienne soit
toléré par les autorités. On apprend aux dernières
nouvelles, que le Président du Conseil Régional de la
Communauté urbaine de Niamey, Monsieur Aboubacar Ganda, aurait promis de
remettre l'école Médine III dans ses droits. Dans tous les cas,
il est du devoir de l'Etat de chercher et de châtier toutes les personnes
qui ont trempé dans cette affaire de morcellement du terrain d'une
école publique.
Ils veulent voler le terrain de l'école
Médine III, extrait du journal L'EVENEMENT
Source :
http://www.nigerdiaspora.net/journaux/even.pdf,
[janvier 2007]
Ces genres d'opération font qu'on se perd avec le plan
de la ville établi sur la base des travaux
de la commission
d'urbanisme. Une fois le projet de lotissement adopté, les espaces
destinés à
accueillir des infrastructures
d'intérêt général sont empiétés d'une
partie de leur superficie au
profit de la CUN. Pire, la vente des espaces de ce genre a
atteint ses limites car les écoles commencent à être
protégées par les parents d'élèves et les
enseignants. Suite à la rareté des réserves
foncières aucun espace vacant n'est à l'abri des autorités
municipales (Cf. annexe I : vente de rond-point)
6.2 Le squattage à Niamey :
nécessité ou stratégie urbaine ?
Face à l'envergure que prend l'occupation
irrégulière de l'espace et aux questions qu'elle suscite, il
serait important de savoir les raisons qui poussent les
Niaméens à devenir des squatters. Il est
indéniable que beaucoup d'habitants de la capitale nigérienne
vivent dans des conditions économiques difficiles. Cette
précarité économique s'accompagne d'une augmentation
continue de prix du mètre carré de la parcelle officielle. A
titre d'exemple le mètre carré qui se vendait à 50 F CFA
en 1959 est vendu à 2 000 F CFA à partir de 2002. Cette hausse du
prix de la parcelle s'effectue dans un contexte de paupérisation. Si
l'on s'en tient aux résultats de l'enquête sur le budget et la
consommation (1993) qui considère 42% des Niaméens comme
pauvres, il faut à ces derniers 6 à 8 ans de privation absolue
pour accéder à une parcelle de 300 m2 en zone
traditionnelle (SEYBOU I. 2005).
Cependant, l'étude que nous avons menée en 2004
montre que les squatters ne sont pas de la même catégorie
socioéconomique. En effet, selon nos enquêtes 43% des chefs de
ménages disposaient d'un revenu mensuel supérieur à 50 000
F CFA24. Cette enquête confirme une étude
effectuée en 200225 selon laquelle le revenu mensuel moyen
des chefs de ménage est de 54 800 F CFA pour les squatters, alors qu'il
était de 45 400 F CFA pour ceux des villages urbains, de 65 100 F CFA
pour ceux du centre ville contre une moyenne générale de 82 900 F
CFA pour l'ensemble de la ville. Ces chiffres montrent que loin d'être
des démunis, certains squatters ont des revenus leur permettant de vivre
dans la ville légale. Qu'est-ce qui pousse alors les gens à
revenu intermédiaire à vivre dans l'habitat informel ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées dont :
- le désir d'avoir un espace rapidement sans
complication administrative : pour accéder à une parcelle
officielle il faut faire une demande, payer avant le lotissement et attendre au
moins 5 ans.
24 ISSAKA H. 2004, Les espaces d'occupation
spontanée à Niamey
25 OLVERA L D, PLAT D, POCHET P (2002),
Etalement urbain, situation de pauvreté et accès à la
ville en Afrique subsaharienne. L'exemple de Niamey. In BUSSUIERE Y., MADRE
J.-L., (Eds) 2002, Démographie et transport : Villes du Nord et
villes du Sud, Paris, L'Harmattan, 2002, pp.147-175
- Il n'y a pas une grande différence entre les quartiers
informels et certains quartiers traditionnels puisqu'il manque cruellement les
infrastructures d'hygiène et d'assainissement.
- En ayant vite sa parcelle dans la zone informelle, on peut
construire sans délai et profiter pour bâtir quelques maisons
à louer ce qui améliore le revenu mensuel.
- En construisant dans un lotissement coutumier, le squatter
est sûr que maintenant il ne joue plus à la loterie comme au temps
du régime d'exception où un bulldozer peut venir détruire
les maisons sans dédommagement et sans perspective de trouver un nouveau
site. Depuis le début des années 90 avec la
démocratisation de la vie politique les dirigeants négocient avec
les squatters avant toute opération de restructuration. Ainsi, aucun
déguerpissement n'est possible sans l'identification au préalable
du nouveau site.
Comme on le voit le squattage à Niamey relève
à la fois d'un manque de moyens pour certains, mais pour d'autres c'est
une stratégie visant à prendre le devant sur les autorités
pour bénéficier d'une assise foncière qui participe
à l'amélioration de la situation économique du
ménage car de loin l'habitat est le secteur dans lequel aucun
entrepreneur n'a fait faillite à Niamey.
6.3 Stratification de l'habitat informel à
Niamey
Deux types d'habitat informel se dégagent à Niamey
: l'un de bas standing, l'autre de moyen standing.
6.3.1 L'habitat informel de bas standing
Il s'agit de la paillote, un habitat fait de
seccos26 qui fut jadis le seul type d'habitat à Niamey ainsi
que dans toutes les régions avoisinantes de l'aire Sonraï-Zarma et
ce, jusqu'à l'installation coloniale. C'est un habitat dont la
construction est très rapide et ne nécessite
généralement pas d'engager une main d'oeuvre. Une
demi-journée suffit pour sa réalisation et son coût
malgré les progressions notables reste bas par rapport à
l'habitat en banco. Ainsi, nous avons remarqué que son coût moyen
de 69 250 F CFA soit 105,5 € (en 2004) n'était que de 37 900 F CFA
en 1993 soit une inflation de près de 183%27.
26Sortes de canisses en paille, tressée ou en
tiges de mil ou d'Andropogon Gayanus, servant à faire des
palissades, des cloisons mobiles, des toits de hangars, des abris, etc.
27 ISSAKA H. (2004), Les espaces d'occupation
spontanée à Niamey
Figure n°7 : Les étapes de la construction d'une
paillote
Source : Corinne et Laszlo, MESTER DE PARAJD, Regard sur
l'habitat traditionnel au Niger cité par ISSAKA H. (2004).
C'est le type d'habitat le mieux adapté à la
chaleur torride qui prévaut à Niamey sur une grande partie de
l'année et surtout de février à Juin où les
températures avoisinent 45°C à l'ombre. Cet habitat est un
excellent isolant thermique et la fraîcheur qui règne à
l'intérieur pendant la période de chaleur torride en fait un
habitat prisé. Cependant, il a de nombreux inconvénients dont sa
très grande vulnérabilité. En effet, il ne résiste
ni aux termites encore moins aux animaux. De plus, il faut le renouveler tous
les 4 ans en moyenne. Ses dimensions varient entre 3,5 et 4 m de
diamètre et 4 à 5 m de hauteur. Mais son inconvénient
majeur est qu'il est très inflammable. En outre, s'il est très
prisé en période de chaleur, pendant la saison froide, un froid
terrible y règne à l'intérieur ce qui contraint les
occupants à allumer du feu de
bois pour s'échauffer. La moindre inattention peut
être fatale du fait que le froid est accompagné par des vents qui
facilitent la propagation des incendies fréquents durant la saison
froide entraînant la perte de centaines de paillotes et des biens acquis
difficilement et dont le renouvellement n'est pas aisé. Il en est ainsi
en février 2003 aux Cases Allemandes où un incendie a
consumé 204 paillotes et baraques en tôle attenantes aux
paillotes. Au secteur du Golf chaque saison froide s'accompagne d'au moins un
incendie d'envergure. En terme de dispersion, c'est l'habitat informel le plus
présent dans la capitale nigérienne et il est présent sur
tous les paysages. Mais le plus notable est sa présence au quartier
Plateau où il n'existe aucun habitat de moyen standing. Ainsi, deux
grandes concentrations de paillotes sont implantées dans ce quartier
jadis qualifié de ville blanche où ne résidaient que les
blancs et quelques cadres africains.
Lors de nos enquêtes, nous avons constaté que
dans cet habitat de bas standing, les revenus ne sont pas uniformes. Sur les
115 chefs de ménages que nous avons interrogés, près de
62% avaient un revenu mensuel inférieur à 50 000 F CFA (76,22
€), alors que près de 25% affirment ne disposer d'aucune source de
revenu mensuel. Les nantis représentent 13% et justifient d'un revenu
mensuel compris entre 50 000 et 100 000 F CFA. Cela n'est pas surprenant de la
part de ceux qui habitent Cases Allemandes et dans une moindre mesure
Tchana-Carré qui pour la plupart sont employés par les
coopérants et bénéficient d'un salaire supérieur
à celui du cadre moyen de l'administration. Ils habitent ces lieux pour
s'approcher de leurs postes de travail. Les occupants des paillotes ne sont pas
tous des néo-citadins contrairement à une idée
répandue. En effet, seuls 11,5% des chefs de ménages que nous
avons interrogés ont moins de 5 ans à Niamey. Par contre, 56,5%
d'entre eux sont à Niamey depuis au moins 20 ans.
Vus par les autres comme des mal logés, les occupants
des paillotes ne semblent pas se préoccuper outre mesure de la nature de
leur habitat. Le plus important pour eux est que la vie à Niamey leur
permet d'améliorer leurs conditions de vie. Ils sont en effet 72, 2%
à affirmer que leurs conditions de vie se sont améliorées
en s'installant à Niamey contre 7,8% qui estiment qu'ils sont dans des
mauvaises conditions. De plus, les chefs de ménages vivant dans les
paillotes ont de nombreuses personnes à leur charge. Ils sont 37,4%
à entretenir entre 5 et 10 personnes. Ceux qui ont une famille de moins
de 5 personnes ne représentent que 15,6% alors que 47% ont au moins 10
personnes à charge. C'est donc des véritables cas sociaux avec
lesquels l'administration est parfois obligée de composer car leur poids
électoral en fait des gens à craindre. Ajouté à ce
poids démographique, le taux d'analphabétisme qui est très
développé chez ces squatters dont près de 48% ne savent ni
lire ni écrire dans aucune langue.
Tableau n° 1: Niveau d'instruction des occupants des
paillotes
Niveau de scolarisation
|
Effectifs en (%)
|
Aucun
|
47,8
|
Alphabétisation arabe
|
39,1
|
Primaire
|
8,7
|
Secondaire (collège)
|
4,4
|
Total
|
100
|
Source : ISSAKA H. enquête (2004)
Ceux qui ont fréquenté l'école primaire
totalisent 8,7% contre un peu plus de 4% ayant obtenu le Certificat de fin
d'étude du premier degré. C'est dire que même avant la
crise économique, ces gens ne pouvaient exercer que des activités
moins rétribuées.
6.3.2 L'habitat informel de moyen standing
L'habitat informel de moyen standing regroupe la catégorie
dite habitat urbain c'est-à-dire les maisons construites en
matériaux définitifs, et qui se repartissent en trois groupes
:
- les maisons en banco : le banco est une sorte de
pisé fait de glaise mélangé à de la paille et
formant de briques séchées au soleil. Les constructions en
banco sont prédominantes dans les villages urbains. Elles constituent le
modèle évolué d'habitat exigé par l'administration
coloniale après l'incendie qui ravagea les paillotes de Niamey en
1935.
- Les maisons en semi dur : Ce sont les constructions faites
de banco sur lequel est fixé du ciment sur un grillage
lui-même solidarisé au banco par des pointes
métalliques. Contrairement au banco où la toiture est faite
généralement de terrasse constituée de poutres de
rônier ou d'Eucalyptus recouvertes de branchages et de seccos ou parfois
de tôles de récupération ou de tonneaux
dépliés sur lequel on coule du banco, la toiture des semis durs
est généralement faite de tôles ondulées. C'est une
imitation du dur mais qui est moins résistante. - Les maisons en dur :
c'est l'habitat des classes aisées, symbole de réussite
économique et sociale. Nous l'avons classé dans le moyen standing
pour le simple fait que malgré la nature de la construction, dans les
zones informelles, il n'y a en général pas les commodités
accompagnant ce type d'habitat : eau courante, électricité, ou
dans le meilleur des cas la présence de l'une ou de l'autre.
De prime abord, on peut dire que les occupants de cet habitat
de moyen standing sont les
squatters à revenus moyens. Certes pour
bâtir une maison en banco de deux pièces
communément appelée
célibatorium28, il faut au moins 200 000 F CFA
(environ 305 €), mais cette réalité en cache une autre :
c'est le statut de l'espace qui détermine beaucoup à Niamey la
nature de l'habitat informel. Beaucoup de gens qui occupent les paillotes ont
le moyen de construire en banco mais ils ne le peuvent pas parce qu'ils savent
le risque qu'ils courent d'engager des frais importants pour
bâtir une demeure qui sera détruite tôt ou tard. Par contre,
ceux qui construisent en matériaux définitifs le font pour deux
raisons principales. D'abord, les terrains sur lesquels ils construisent leur
ont été vendus et ils disposent d'une attestation de vente
signée par le propriétaire coutumier et le chef de quartier.
Disposant donc
Figure n°8 : un exemple de construction en banco, le
quartier Pays-Bas.
Source : ISSAKA H (2007), cliché ABDOU I.
de cette légitimité, ils estiment qu'ils courent
moins de risques en construisant en matériaux définitifs car ils
espèrent être confirmés dans leur droit après une
opération de restructuration. Ensuite, lors de l'achat il leur est
exigé de construire en matériaux définitifs pour mieux
renforcer la capacité des habitants à lutter contre toute
tentative de déguerpissement pour taudification que les autorités
avancent comme prétexte pour déguerpir l'habitat informel. Mais
au vu des résultats de notre enquête, il faut aussi dire que la
présence de 34% de
28 Il s'agit en fait d'une maison composée
d'une pièce et d'une véranda.
squatters sans revenu s'explique par le fait que certains
commerçants, leaders politiques ou religieux construisent des maisons
dans ces zones et les font occuper par des parents ou des disciples ou encore
des militants. Par contre, 32% des chefs de ménage de l'habitat de moyen
standing ont des revenus qui leur permettent de faire un tel investissement
comme le prouve la figure ci-dessous.
Figure n°9 : Revenu des squatters habitant les lotissements
coutumiers à Niamey
Revenu en F.CFA
Effectifs en (%) ('
34 34
23
5 4
30
25
20
15
10
5
0
40
35
Aucun revenu Moins de 50 000
50 000 - 100 000
100 000-150 000 Plus de 150 000
Source : ISSAKA H. enquête (2004)
Cette figure montre que 9% des squatters habitant l'habitat de
moyen standing font partie de la classe moyenne car pour
bénéficier d'un revenu mensuel de 100 000 F CFA, il faut
être un cadre dans l'administration. 32% des chefs de ménage ont
donc au moins un revenu mensuel de 50 000 F CFA et sont loin des
critères de pauvreté établis par l'enquête nationale
sur le budget et la consommation. Dans cet habitat de moyen standing, se
retrouve une population cosmopolite constituée aussi bien de
lettrés 66,7% (dont 2% ont des diplômes universitaires) que
d'analphabètes (33,3%). Contrairement à ceux qui habitent les
paillotes, les squatters vivant dans l'habitat de moyen standing ont moins de
personnes à charge. Par exemple, la proportion des chefs de
ménage ayant au moins 10 personnes à charge varie de 44,8%
à 47%. A un niveau plus élevé, l'écart
d'élargit. En effet, 31,3% des chefs de ménages habitant les
paillotes ont plus de 15 personnes à nourrir contre 20,1% de ceux qui
habitent les maisons en matériaux durables. La paillote est le reflet de
la vie villageoise où le communautarisme est plus
développé.
Les squatters constituent une population contrastée
appartenant à des catégories sociales diverses. On y trouve aussi
bien des pauvres que des gens à revenu moyen. Parmi eux ce sont les
artisans qui sont les plus nombreux 34% (ISSAKA H. 2004). Ils sont
secondés par les revendeurs (19%) et les cultivateurs 10%. Si toutes ces
catégories ont des revenus aléatoires, il faut souligner la
présence de salariés parmi lesquels des fonctionnaires (environ
3%), des chauffeurs (4%), des forces de défense et de
sécurité (2%) mais aussi des gardiens (9%). Par contre, les
éleveurs qui sont à l'origine de la création du premier
squat autorisé depuis la période coloniale représentent
une infime proportion (1%). Comme on peut le constater même s'ils ne sont
pas tous de la classe moyenne, certains squatters ont les moyens de vivre dans
les zones d'habitat traditionnel si les conditions d'accès à la
parcelle officielle étaient équitables.
Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la
pauvreté
Si ailleurs on fait état de crise des
banlieues, à Niamey, il serait plus judicieux de parler de crise de
logement qui elle-même n'est qu'une facette de la crise urbaine en
général. L'habitat informel à Niamey n'est pas
situé sur un espace homogène. Il se localise aujourd'hui partout
à travers la ville en dépit du sentiment de marginalisation voire
de relégation dont les squatteurs peuvent se sentir victimes.
L'hétérogénéité de cet habitat et des
catégories socioprofessionnelles qui l'occupent rend l'analyse peu
aisée. Cependant, le sentiment unanime des squatters est qu'ils sont
pauvres et ne bénéficient pas entièrement des avantages de
la ville. En outre, ils doivent faire face constamment à
l'hostilité des autorités municipales.
7.1 Le squat : expression spatiale de
ségrégation
A l'instar de beaucoup de villes coloniales d'Afrique
subsaharienne francophone, Niamey était ségrégée
avec d'un côté le Plateau (ville blanche) et de l'autre la ville
indigène. Ces deux parties de la ville étaient
séparées à la fois par un obstacle naturel : la
vallée du Gountou-Yéna (mare aux eaux fraîches), et les
camps militaires. Cette ségrégation était basée sur
un critère racial. Aujourd'hui, le critère racial a
cédé la place au critère économique. Le Plateau est
habité par les hauts cadres Nigériens et par quelques
expatriés travaillant dans le cadre de la coopération
internationale. Cependant, cette nouvelle forme de séparation à
base économique ne parvient pas à créer des zones
homogènes comme durant l'époque coloniale où le clivage
était net. A l'intérieur du Plateau par exemple, se trouve le
campement Cases Allemandes avec ses paillotes contrariant ainsi le zonage.
Toutefois, cette présence physique n'est pas synonyme
d'intégration ou de mixité. En effet, alors que les habitants du
Plateau vivent dans des villas somptueuses avec tous les avantages liées
à la ville (eau courante, électricité, système
d'assainissement, etc.), leurs voisins des Cases Allemandes sont loin de ce
luxe. Dans quasiment tous les foyers il n'y a ni eau courante ni
électricité.
7.2 L'habit informel à Niamey : un espace de
relégation
Dans la plupart des cas, la création des zones d'habitat
informel n'est que l'expression d'une
forme d'exclusion. Or, les pratiques
ségrégationnistes conduisent inexorablement à la
frustration, à l'indignation provoquant ainsi un sentiment
de rejet voire de mépris qui aboutit à la résistance
(figure n°10) et même dans la plupart des cas à la
révolte.
Figure n°10 : Les squatters revendiquent leur droit de vivre
à Niamey
Les habitants des quartiers périphériques de la
communauté urbaine de Niamey, à savoir ceux de Pays-bas, de la
Ceinture verte, [ ] menacés de déguerpissement par les
autorités municipales se sont retrouvés en assemblée
générale dans le cadre des activés de la deuxième
édition du Forum Social Nigérien qui se tient au palais des
sports du 3 au 6 novembre.
Depuis quelques mois de peur d'être déguerpies,
ces populations ne dorment plus que d'un oeil. "Chaque jour que Dieu fait, mon
esprit est partagé entre le marché et ma maison. Je quitte ma
concession le matin avec la peur de la retrouver démolie", a
confié à l'assistance, Assoumana, un habitant de Pays-Bas. "Tu
n'es pas le seul dans cette situation, moi et ma famille la vivent en
permanence", renchérit Saloufou du quartier Golf. Le Forum Social
Nigérien étant un espace de recherche de solutions alternatives
pour le bien être des populations, les délégués des
"exclus" de la ville de Niamey se sont succédés pour proposer et
donner des pistes alternatives à cette question de
déguerpissement. Pour beaucoup d'entre eux, la seule voix possible est
de rappeler aux autorités municipales qu'eux aussi sont des
Nigériens et que l'on ne peut pas les chasser sans pour autant leur
trouver un site aménagé avec un minimum d'infrastructures comme
les fontaines d'eau, l'école et un dispensaire."Même avec un
nouveau site, notre problème ne sera pas réglé, parce que
là bas aussi ils peuvent nous chasser", craint Moussa, habitant d'un
quartier périphérique se trouvant sur la route de
Filingué. Comme pour se justifier, il continue son raisonnement en
disant ceci : "Au début, nous avions des cases au quartier Sabongari,
d'autres parmi nous étaient au quartier Bandabarari vers Soneizé.
Les autorités municipales d'antan nous ont amenés dans la
brousse. Aujourd'hui comme l'endroit est devenu un quartier bon à vivre,
ils veulent nous chasser et vendre les parcelles aux nigériens
aisés. Pour plus de 200 familles, ils ne nous proposent que 30
parcelles". Le débat au cours de cette assemblée
générale a été de bout en bout démocratique.
"Tout le territoire appartient à l'Etat. Ce dernier peut même
démolir une maison lotie, à plus forte raison des maisons vendues
par des personnes ne relevant pas de la municipalité", a laissé
entendre un participant. Un autre lui répond en ces termes : "Même
si tout le territoire appartient à l'Etat, le déguerpissement
doit se faire dans le respect des droits humains car nous aussi nous sommes des
Nigériens et la constitution nous garantit beaucoup de droits y compris
celui d'un domicile".
Les populations menacées de déguerpissement
se concertent, extrait de newspapers,
|
Source : http : //
www.tamtaminfo.com/newspapers/forum.pdf,
[novembre 2006]
7.2.1 L'angoisse du lendemain incertain
Les squatters vivent constamment avec la hantise de l'avenir
de leur habitat. Cette crainte est d'autant plus fondée que les
autorités ne délivrent plus de titre temporaire d'occupation aux
squatters afin que les bénéficiaires ne le considèrent pas
comme un acte de cession. Ainsi, les occupants de l'habitat informel ne
justifient pas d'une légitimité opposable aux autorités.
Pour
ceux qui occupent les espaces privés par exemple, une
décision du propriétaire ou du responsable chargé de la
gestion de leur espace peut faire en sorte qu'ils se retrouvent du jour au
lendemain dans un autre lieu pour lequel ils ne se sont pas
préparés. Avec un déguerpissement, il faut reprendre une
nouvelle vie en créant de nouvelles relations, avec dans certains cas la
perte substantielle de leur revenu car la plupart des squatters se livrent
à des petites activités (revente d'articles de consommation
courante, artisanat) quand ils sont logés à côté des
nantis.
Cette angoisse est d'autant plus perceptible que même
dans les zones de lotissement coutumier, les squatters en dépit des
investissements importants réalisés avec la construction
en matériaux définitifs, savent que tant qu'ils n'ont pas l'acte
de cession délivré par les autorités municipales, le
certificat de vente attribué par les Chefs de quartier n'est pas
opposable aux autorités. Pourtant, ces chefs de quartier sont,
conformément au statut régissant la chefferie traditionnelle au
Niger, des auxiliaires de l'administration et gèrent les
communautés dont ils sont les chefs et dont ils sont les
intermédiaires vis-à-vis de l'administration. Dès qu'un
enquêteur se présente dans ces quartiers, c'est la
panique, tout le monde veut savoir si ce n'est pas une enquête de la
Mairie en vue de les déguerpir. Il faut faire appel aux lettrés
et leur expliquer que c'est un travail universitaire pour voir les squatters
retrouver la sérénité. Ce sentiment est entretenu par les
autorités qui brandissent le déguerpissement des squats laissant
planer l'épée de Damoclès sur les squatters. C'est peut
être une manière de dissuader d'autres candidats mais qui en fait
ne produit pas cet effet recherché. Des appels provocateurs du genre
on va préparer un lotissement pour les gens [ ] ; ceux qui ne
pourront pas payer retourneront au village sont quotidiennement
lancés aux squatters qui rétorquent qu'on ne peut contraindre
quelqu'un qui a fui la misère à y retourner s'il sait que rien
n'a changé (Le Monde du 2 février 2007). Actuellement, tels
sont les propos que s'échangent les autorités et les 30 000
squatters de la ceinture verte de Niamey.
7.2.2 Le sous-équipement des quartiers
Etablis en ville, les squatters ont souvent les mêmes
problèmes que les ruraux. Les équipements primaires font
défaut. En dehors des écoles qui semblent faciles d'accès
pour 46,9% des personnes interrogées, les centres sanitaires sont loin
de la plupart des zones informelles. D'après nos enquêtes, ils
sont seulement 17% des squatters à affirmer être près d'un
centre de santé. La sinuosité des voies et le caractère
accidenté de certains sites font que ces secteurs sont mal desservis par
les taxis et autres véhicules de transport.
Tableau n°2 : L'accessibilité facile aux
équipements
Equipement Habitat
|
Ecole
|
Centre de santé
|
Marché
|
Borne fontaine
|
Autres services publics
|
Total
|
Paillotes
|
108
|
53
|
29
|
32
|
34
|
256
|
Maisons
|
50
|
4
|
7
|
18
|
2
|
81
|
Total
|
158
|
57
|
36
|
50
|
36
|
337
|
Fréquence (%)
|
46,9
|
17
|
10,7
|
14,8
|
10,6
|
100
|
Source : ISSAKA H. enquête (2004)
Il est vrai que dans le domaine de la santé et de
l'éducation, des efforts ont été faits par certains
organismes en vue d'aider les démunis. Aux Cases Allemandes par exemple,
le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) a construit une école
primaire à l'image du campement pour les enfants des 503
ménages29 habitant l'espace.
Figure n°11 : Ecole aux Cases Allemandes
Source : ISSAKA H (2004)
Les habitants de Zarmagandey ont été les plus
chanceux dans le domaine des équipements. Grâce à
l'organisation non gouvernementale internationale Vision Mondiale, ils ont
bénéficié de la construction d'une école primaire
et d'un centre de santé en matériaux définitifs entre 2004
et 2005. Par contre, l'accès à l'eau potable reste un
problème majeur pour la majorité des squatters (cf. tableau
n°2). Aux quartiers Pays-Bas et à Zarmagandey, certains habitants
s'approvisionnent aux puits (malgré le risque de contamination de la
nappe phréatique). Dans
29 GILLARD P (2003)
les autres quartiers informels, on s'approvisionne soit chez
les voisins des quartiers lotis ou dans les écoles. Près de 85%
des personnes interrogées trouvent que l'accès aux bornes
fontaines est difficile en dépit des efforts fournis par le Projet
Sectoriel Eau pour faciliter l'accès à l'eau potable aux
populations urbaines.
Le problème d'eau ne constitue pas le seul souci des
squatters comme en témoigne le manque de latrines dans 84,3% des
concessions en paillotes et dans 23% des maisons. Il faut soit utiliser les
latrines d'un voisin ou aller dans la « brousse » c'est-à-dire
dans l'espace non encore mis en valeur. Ce phénomène est surtout
fréquent dans la ceinture verte où la plupart des habitants ne
disposent pas de latrines et à Zarmagandey.
7. 3 L'origine géographique des squatters
A Niamey, les squatters sont de catégories
socioprofessionnelles et d'origines diverses. C'est ainsi que parmi les
habitants de l'habitat informel, se retrouvent aussi bien des Nigériens
que des ressortissants d'autres pays. Contrairement à certaines villes
africaines comme Douala au Cameroun où les propriétaires fonciers
refusent de vendre leurs terres aux gens d'autres ethnies, à Niamey tout
candidat peut accéder à l'habitat informel. Parmi les
nationalités étrangères ce sont les Maliens qui
constituent la plus grande communauté avec 6,3% de l'effectif total des
squatters et 56,25% des squatters étrangers à Niamey. En dehors
des Maliens, il y a des Burkinabé (32% des squatters étrangers),
des Béninois (8%) et des Togolais (4%), (ISSAKA H. 2004).
Bien que l'accession à l'habitat informel ne se fasse
pas sur une base ethnique, les Maliens qui sont pour la plupart des
Sonrhaï et donc partageant la même langue que les originaires de
Niamey bénéficient plus de facilité d'intégration
dans la communauté nigérienne d'où leur forte proportion
dans les effectifs de squatters. Par contre, les ressortissants des pays
côtiers sont moins nombreux parmi les squatters. A titre d'exemple, les
Togolais et les Béninois ne représentent même pas la
moitié des Burkinabé.
Pour les Nigériens, ce sont les ressortissants des
régions de Tillabéri et de Dosso qui représentent la plus
grande communauté de squatters. A elles seules, ces deux régions
totalisent 67% des squatters. Au moins deux raisons peuvent expliquer ce
phénomène : ce sont les régions les plus proches de Niamey
et d'ailleurs la capitale nigérienne est enclavée
Carte n°4 : nrigine geograrktoe dei
Equatterg
7..
LIZ
dans la région de Tillabéri. A cette
première explication peut s'ajouter le facteur ethnique donc des liens
familiaux car ces deux régions sont les foyers à partir desquels
s'est effectué le peuplement de Niamey, d'où la forte proportion
des squatters parmi les Zarma-Sonraï (47,3%). Quant aux Haoussa, premier
groupe ethnique au Niger, ils totalisent 26,4% des squatters. Mais les
Niaméens eux-mêmes ne sont pas exclus et
représentent 11,6% des squatters. Ces derniers vivent principalement
dans les secteurs de Koubia et de Pays-Bas. Plus on s'éloigne de Niamey,
plus la proportion des squatters diminue. A titre d'exemple, aucune des quatre
régions situées plus à l'Est ne dépasse 5% de
l'effectif des squatters. Diffa, située à plus de 1 300 Km de
Niamey ne compte aucun squatter. Cela s'explique par le fait qu'il est
difficile pour un démuni de cette région de venir à Niamey
compte tenu du coût du transport. Les habitants de cette région
sont plus tournés vers les villes du Nord du Nigeria qui sont plus
proches d'eux et avec lesquels, ils sont culturellement apparentés.
7.4 Habitats informels, cités sensibles et
ghettos : éléments de comparaison
Il serait difficile de faire une comparaison entre l'habitat
informel de Niamey, les cités sensibles françaises et
les ghettos américains compte tenu de l'évolution sociopolitique
et économique des pays. Cependant, des éléments communs
d'appréciation existent. La politique de zonage qui de fait
entraîne une séparation entre les catégories
socioprofessionnelles ou du moins entre les riches et la classe moyenne et
pauvre est un phénomène qui existe même dans les grandes
démocraties. Ce processus aboutit à une séparation entre
les différentes catégories et conduit à la
relégation. Il en est ainsi des EtatsUnis d'Amérique par exemple
où selon STEBE J.M (2002), il a été
développé une politique de zonage dans le but de séparer
les populations aisées des pauvres, et qui a fini par aboutir à
l'exclusion raciale. Toutefois, en citant SCHELLING, STEBE note que les
populations peuvent constituer involontairement des ghettos dans le seul souci
de rapprochement entre individus partageant certaines affinités. Aussi,
l'agrégation spatiale d'individus partageant certaines valeurs (ethnie,
région, etc.) conduit-elle ipso facto à la naissance
d'un ghetto sans jamais qu'il n'aie existé dans l'esprit des habitants
d'en créer. Cette conception du ghetto est remarquable à Niamey
au niveau du secteur informel du Golf où la séparation entre les
communautés est très marquée. En dehors des
éleveurs et des non éleveurs dont la répartition
géographique est nette à travers le secteur, les trois
communautés dominantes ont chacune un chef de communauté. Il
existe ainsi, un chef Zarma, un chef Haoussa et un chef Peul. Ces
trois chefs sont en fait des sous-chefs car le chef de
quartier est celui du quartier Banifandou qui est celui reconnu par la
Communauté Urbaine de Niamey. Les autres servent d'intermédiaires
entre leurs communautés et ce chef de quartier qui est censé les
défendre au niveau de l'administration. De ce point de vue, le secteur
de Golf peut être considéré comme un ghetto car il remplit
les critères énumérés par STEBE pour en être
qualifié. Il est en effet, sous la tutelle d'une autorité
extérieure, il est géographiquement délimité et
regroupe des communautés partageant une même identité
culturelle. C'est également une microsociété
constituée d'un ensemble diversifié économiquement,
socialement et professionnellement. En outre, c'est un espace
déconsidéré par l'image humiliante que la
puissance dominatrice et même certains habitants de la ville
répandent à son sujet.
Selon le même auteur, on ne peut pas comparer les
ghettos américains aux quartiers défavorisés des
périphéries des villes françaises dont la
précarité est le seul critère commun pour les occupants.
Cette situation est la même que celle qui prévaut à Niamey
où les squatters appartiennent à des communautés et
à des cultures différentes. Ils se sont retrouvés dans des
espaces où la faiblesse du niveau de vie semble être le seul
élément commun. Cependant, contrairement aux ghettos
américains, l'habitat informel de Niamey constitue non pas
l'étape nécessaire dans le processus d'insertion mais
plutôt une phase ultime d'insertion dans la vie citadine. Les chefs de
ménage ne sont pas des néo-citadins contrairement à une
assertion largement répandue. En effet, la durée moyenne de
séjour des chefs de ménage dépasse la décennie. Ils
sont en effet, 68,3% à vivre à Niamey depuis au moins 15 ans et
77,2% des squatters résident à Niamey depuis au moins 10 ans
(ISSAKA H. 2004).
Le resserrement communautaire dont parle STEBE
s'organise au niveau des villages urbains comme Goudel, Gamkallé, Saga,
etc. Après avoir passé des années dans ces villages
où la vie ressemble à celle de la campagne, les ruraux nouent des
alliances avec les habitants de ces villages et finiront par faire des
économies avec lesquelles ils finiront par acheter un lopin de terre
auprès des propriétaires coutumiers. Derechef, les ghettos
américains sont situés au coeur des villes et
peuplés d'ouvriers alors qu'à Niamey, dans les quartiers centraux
comme Maourey, Banizoumbou, Kalley etc., on ne trouve principalement que les
Niameyzés (originaires de Niamey) qui considèrent les
habitants des périphéries (qu'ils soient en zone lotie ou
informelle) comme des Kawi-izés (campagnards) ou
Tché-kanda (étrangers). Mais depuis le début de
l'année 2000, le centre est en train d'être acheté par ceux
qui sont appelés les nouveaux riches qui sont en train de
construire des buildings à la place des maisons en banco transformant le
centre ville en un véritable centre d'affaires et culturel avec les
banques, les instituts privés, etc.
Pour faire simple, nous allons nous baser sur les cinq
critères établis par WACQUANT L. cité par STEBE (2002)
afin de comparer les trois types d'habitat qui évoluent dans des
conditions sociopolitiques et économiques pour le moins inégales
:
- la taille, c'est un élément de comparaison qui
fait des ghettos américains une spécificité : le ghetto du
West Side à Chicago comptait 300 000 habitants alors que la Cité
de 4000 à La Courneuve, l'une des plus importantes cités
sensibles françaises n'accueillait que 14 500 personnes réparties
dans 3 600 logements. A Niamey, la ceinture verte est la plus grande
concentration de paillotes dans la ville sur une bande de près de 250
à 700 m de large sur 8 km de long et abrite près de 30 000
habitants soit environ 4% de la population totale de Niamey en 2005.
- L'homogénéité ethnique ou raciale des
mal logés constitue le deuxième critère de comparaison.
Sur ce plan, une certaine exclusivité de la population noire s'observe
dans les ghettos américains. Par contre en France les banlieues
défavorisées se caractérisent par leur
hétérogénéité avec par exemple plus de 80
nationalités à Sarcelles dans la banlieue parisienne (STEBE
2002). C'est presque le même phénomène à Niamey
où les squatters sont de plusieurs ethnies et nationalités.
Quasiment toutes les ethnies du Niger sont représentées avec bien
entendu des proportions liées à la proximité de Niamey.
- La crise économique a frappé distinctement la
population américaine et les Noirs ont été le plus
victimes en se retrouvant majoritairement au chômage et sans protection
sociale. Comme aux Etats-Unis, aucune forme de protection sociale officielle
n'existe au Niger contrairement à la France où le système
de couverture sociale et les minima sociaux constituent pour les ménages
des garanties de ressource.
- L'abandon des territoires urbains
ghettoïsés a été planifié aux Etats-Unis
précipitant ces espaces dans la décadence. A Niamey, il n'existe
aucun bâtiment collectif pour les démunis et seul le quartier
informel de Talladjé a bénéficié d'une
restructuration avec le concours des partenaires extérieurs.
- Enfin, la violence semble être la première
image qu'on retient des ghettos américains avec parfois des
scènes de fusillades entre gangs rivaux. Dans les banlieues
françaises, ce sont plutôt des vols ou des rixes entre voisins qui
s'observent. A Niamey, l'habitat informel constitue un espace où
règne un calme troublé des fois par des bandits de la ville qui
s'y réfugient après des forfaits.
Les mal logés du Nord comme ceux du Sud semblent partager
des signes communs. Ils sont tous des exclus, des marginaux, victimes d'une
relégation dont le facteur économique
constitue de nos jours l'élément
déterminant. Par ailleurs, des efforts sont faits pour certains plus que
pour d'autres. En France par exemple, le système social semble plus
favorable qu'au Niger où les squatters ne bénéficient au
mieux que d'un système social coutumier qui est loin d'être une
réponse à la détresse que vivent les plus démunis
dans un pays où le SMIC est à 18 500 F CFA30 soit
moins de 30 €. Le problème de Niamey est d'autant plus
préoccupant que la paupérisation des couches populaires ne fait
que s'accentuer, la vie devient de plus en plus chère, les
sécheresses répétitives avec les flux des ruraux qu'elles
drainent vers Niamey. Or, l'un des problèmes majeurs auquel les
autorités communales doivent faire face est bien celui de l'espace car
l'extension de la ville n'est plus possible dans certaines directions (le nord
et le sud-est par exemple), cette raréfaction d'espace entraînera
le renchérissement du prix des parcelles et inévitablement la
constitution de nouveaux habitats informels.
30 Gillard P. (2003)
Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et
perspectives
Comme évoqué dans les chapitres
précédents, l'habitat informel à Niamey est aussi vieux
que la ville. Tolérée pour des raisons sociales et/ou politiques,
cette infraction aux règles de l'urbanisme tend de plus en plus à
se légitimer. Naguère marginaux et moins organisés, les
squatters sont devenus des acteurs incontournables dans la gestion urbaine. Si
dans certaines capitales d'Afrique subsaharienne francophone le squattage a pu
être contenu dans des proportions « acceptables » à
travers notamment la relégation des squatters à la
périphérie urbaine ; à Niamey, l'habitat informel
constitue un sujet de préoccupation du fait de son ampleur grandissante
liée à la situation générale de
paupérisation dans laquelle vit la majorité des
Niaméens et du contexte sociopolitique actuel qui n'incite
guère à l'optimisme. La ville tend à occuper l'espace
attribué par le décret fixant les limites du territoire de la
CUN, et le contexte actuel de décentralisation rend les communes
avoisinantes plus exigeantes pour le respect des frontières
communales.
8.1 L'habitat informel dans un contexte de
démocratie et de décentralisation
Tous les régimes qui se sont succédés au
Niger ont toléré le squattage dans la plupart des cas pour des
raisons sociales. Avec la démocratisation du régime, un facteur
non moins négligeable est venu renforcer et conforter les squatters : le
poids électoral. Les squatters constituent une base électorale
convoitée par tous les politiciens et chacun use de son influence pour
conquérir leurs voix. La gestion foncière étant politique,
chaque leader essaie d'avoir une base électorale et le recrutement se
fait au niveau des quartiers populaires. La constitution de la base
électorale permet au leader politique d'émerger et de s'imposer
face à ses collègues et aux squatters d'avoir un appui politique.
Aussi, politiciens et squatters peuvent se permettre de faire des pratiques peu
orthodoxes. L'on retient surtout, la gestion cahoteuse qui a
caractérisée le mandat du premier Préfet/Président
nommé après les premières élections
démocratiques de 1993. En arrivant au pouvoir, les
démocrates ont vite montré leurs vrais visages en se
livrant à une prédation sans précédent du
patrimoine foncier de Niamey. Des lotissements et morcellements
systématiques ont été opérés pour
répondre au besoin boulimique de nouveaux dirigeants en
parcelles. Le népotisme avait atteint son summum avec la distribution
gratuite de parcelles à l'élite politique au détriment des
propriétaires coutumiers et des couches populaires. Ses successeurs lui
ont emboîté le pas en procédant à
des morcellements abusifs des réserves
foncières. A titre d'exemple, note SEYBOU I. rien qu'en 2004
(année de l'arrivée à la tête de la CUN de nouvelles
autorités élus) les îlots 3210 Aéroport, 1771
Yantala, 5 776 Talladjé, 6 014 Sary Koubou, 6 324 Niamey 2000, 2 721
Koira Kano. La réserve de Yantala (communément appelée
2ème Forage) qui était squattée par des petites
gens a été morcelée en 20 parcelles vendues aux hommes
d'affaire et aux commerçants. Officiellement, la parcelle de 400
m2 a été cédée à 800 000 F CFA
mais en réalité aucune parcelle n'a été vendue
à moins de 3 000 000 F CFA (SEYBOU I. 2005).
Il convient de noter que la CUN ne dispose d'aucune
infrastructure d'accueil pour les démunis. Les pauvres sont
laissés à eux-mêmes. Mais la décentralisation impose
des contraintes à la CUN en l'obligeant à se limiter à
l'espace qui lui est attribué par le décret fixant sa
création. Durant la période du parti unique, des
différends territoriaux ont opposé le Préfet du
département de Tillabéri à celui de Niamey accusé
d'empiéter sur le territoire du premier. Avec la
décentralisation, la commune rurale de Liboré située au
sud-est de Niamey et rattachée à la région de
Tillabéri s'inspirant de l'exemple du passé, a refusé
d'être la sixième commune de Niamey et a procédé au
lotissement des terres situées à la limite avec la CUN pour
empêcher l'annexion de ses terres. Or, cette partie est la zone la plus
favorable en terre constructible. Vers Ouallam (plus au Nord) la ville a
déjà atteint les limites du territoire de la CUN. La commune V
est aussi presque entièrement occupée parce que l'essentiel de la
partie restante est constitué de buttes et dépressions
inconstructibles. Face à cette situation, les autorités sont
obligées d'adopter une nouvelle stratégie qui consiste à
gérer au mieux le peu d'espace restant. C'est dans ce cadre, qu'elles
ont initié l'attribution de parcelles de petite dimension (200
m2 à 300 m2) pour inciter ceux qui ont les moyens
à construire en hauteur. Mais cette politique a vite été
contrariée par le gouvernement qui n'a trouvé mieux que de
procéder à des lotissements pour payer les arriérés
par des parcelles. Dans ce cadre, 13 464 parcelles qui s'étendent sur
403,9 ha ont été attribuées aux fonctionnaires à
Niamey. La décentralisation intervient dans un contexte de
raréfaction de ressources foncières pour la CUN qui ne peut plus
se permettre les lotissements d'envergure. Les rares parcelles issues des
lotissements sont tellement convoitées au point qu'une nouvelle forme de
spéculation a vu le jour à la CUN : il s'agit de la vente des
numéros des parcelles mises en oeuvre par les agents municipaux en 2004
suite aux lotissements Extension Nord Faisceau II, Extension Banizoumbou III.
Il faut débourser au moins 400 000 F CFA pour obtenir un simple
numéro d'une parcelle de 400 m2 alors que celle-ci
coûte officiellement 830 000 F CFA. Cette arnaque organisée fait
passer le prix à 1 230 000 F CFA au lieu de 830 000 F CFA. La
même
parcelle est immédiatement vendue à plus de 1 500
000 F CFA. Dans ce contexte, seuls les hommes d'affaire et les politiciens
peuvent accéder à la parcelle officielle.
8.2 Quel avenir, quelles solutions pour l'habitat
informel à Niamey ?
Dans l'évolution sociopolitique actuelle, beaucoup
d'indicateurs sont réunis pour dire que la question de l'habitat doit
être une préoccupation majeure pour les autorités
municipales si elles ont envie de gérer la ville selon les normes de
l'urbanisme en vigueur. La solution à l'habitat informel s'inscrira dans
une logique de résolution de problème de l'habitat d'une
manière générale. Or, sur ce plan subsistent beaucoup de
problèmes auxquels il va falloir trouver des réponses
appropriées.
8.2.1 Une politique de l'échec et du paradoxe
guidée par les intérêts des nantis
La gestion urbaine est caractérisée par un
paradoxe. Alors que les citadins vivent dans des conditions économiques
difficiles avec un SMIC à 18 500 F CFA (28,2 €), les textes
réglementant l'urbanisme sont des copies d'un urbanisme des pays
développés en l'occurrence la France dont les
réalités sont très différentes de celles du Niger.
En effet, il n'y a jamais eu une véritable politique de l'habitat pour
le plus grand nombre au Niger. Les quelques rares habitats à loyer
modéré construits au cours des années 60 par la SONUCI ont
été mis à la disposition des cadres de l'administration.
Dans bien de secteurs des indemnités de logement sont accordés
aux agents de l'Etat pour supporter le coût du loyer. La majorité
de la population est laissée à elle-même d'où le
recours à l'habitat informel. Contrairement à l'Europe où
les dirigeants des entreprises avaient contribué à lutter contre
l'habitat informel en construisant des logements pour les ouvriers non loin des
usines, à Niamey, c'est lors de l'installation des premières
unités industrielles que le squattage a commencé à prendre
de l'ampleur avec la création du quartier informel de Talladjé
non loin de la zone industrielle. Or, les insuffisances de la promotion
immobilière sont décriées même dans les documents
officiels. A titre d'exemple, la loi 98-54 du 29 décembre 1998 portant
adoption d'une politique nationale en matière d'habitat note qu'en 24
ans (1974 à 1998), l'Etat et ses démembrements n'auraient pu
produire qu'un millier de logements soit près de 42 logements par an
alors que les besoins sont estimés à 5 000 par an. Il faut
noter aussi l'inefficience de certains instruments de la politique de l'habitat
tels que le Crédit du Niger et la SONUCI.
Face à cette incapacité de l'Etat à faire
face au problème de logement, des acteurs privés se sont
lancés dans la production de logements destinés à la
location. Contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne, le loyer
semble bon marché à Niamey. Pour le célibatorium (une
maison à une pièce plus véranda) en dur, le prix moyen
mensuel est de 15 000 F CFA, alors que pour le banco, il varie entre 7 500 et
10 000 F CFA. A la périphérie de la ville, les prix sont encore
un peu plus bas et y habiter procure un peu d'économie. Pour
réglementer les relations entre ces bailleurs privés et les
locataires, l'Etat a initié à travers le ministère de
l'urbanisme un code de baux à loyer à travers l'ordonnance
n°96-016 du 18 avril 1996. Cette ordonnance abroge le décret
n°52-764 du 30 juin 1952 portant réglementation des loyers des
locaux d'habitation en Afrique occidentale. C'est dire que la base juridique
existe bien avant les indépendances et que comme dans beaucoup de
domaines, le suivi a fait défaut.
D'ailleurs les dispositions pratiques de cette ordonnance
notamment la Commission nationale et les commissions locales de tarification du
loyer attendent encore d'être mises en place. Bailleurs et locataires
continuent avec leurs contrats verbaux et c'est toujours l'Etat qui perd car
les bailleurs s'entendent avec les locataires pour faire une fausse
déclaration du montant du loyer dont 12% devrait revenir à l'Etat
sous forme de taxe sur les revenus de la location. L'offre en logement est
tellement limitée qu'aujourd'hui le locataire est contraint d'être
le complice du bailleur. Avant de quitter sa maison pour raison d'affectation
ou autres, il remet la clef à une connaissance en prenant le soin de se
porter caution morale auprès du bailleur. Depuis le gel des avoirs du
Crédit du Niger au trésor national pour arriérés
d'impôt, les salariés qui pouvaient prétendre à ce
crédit pour l'habitat sont bloqués dans leur tentative d'avoir un
logement. En outre, les voiries et réseaux divers ne sont plus
assurés dans les lotissements depuis que la Caisse de Prêt aux
Collectivités Territoriales (CPCT) créée par la loi
n°70-7 du 17 mars 1970, a vu ses fonds bloqués au trésor
national en 1993 pour arriérés d'impôt. Or, cet
établissement public avait pour mission de soutenir
financièrement les efforts d'équipement des collectivités
territoriales qui sont tenues à ce titre de verser le produit de la
vente de parcelles sous forme de dépôt en avoir dont l'usage est
strictement réservé à la production de terrains à
bâtir et à l'équipement des centres urbains.
8.2.2 Des constats aux suggestions
Pour l'instant, la décentralisation n'a apporté
aucune solution pour le problème du logement en général et
l'habitat informel en particulier. Ce nouveau contexte risque d'être plus
propice au squattage du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs
favorables.
8.2.2.1 Les constats d'une gestion mafieuse du
foncier
Les lotissements intempestifs dans le seul but d'avoir de
l'argent pour régler des dettes (à l'image de l'opération
gouvernementale de parcelles contre arriérés de salaire ou des
lotissements opérés par la CUN pour payer ses agents) sont autant
des facteurs qui ont contribué à réduire de façon
drastique la disponibilité en terre à Niamey. A titre d'exemple,
pour apurer les prestations de GANO SERVICE (entreprise privée
liée à la CUN par un contrat de nettoyage et de balayage des
rues) qui s'élèvent à 18 000 000 F CFA pour l'année
2003, la CUN n'a trouvé mieux que de lui octroyer des parcelles. Il en
est de même de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale qui
a acquis 118 parcelles dans le lotissement Nord-Est Sary Koubou en contrepartie
des 3 080 000 F CFA que lui doit la CUN au titre des cotisations de ses agents.
Cette prédation a été systématisée à
partir de 1990. Ces agissements excessifs ont entraîné une
croissance spatiale spectaculaire avec la production de 52 469 parcelles de
1990 à 2000 contre 51 341 pour la période allant de 1946 à
1990. C'est dire qu'en dix ans, la CUN a produit autant de parcelles que les
cinquante années précédentes faisant de Niamey l'une des
villes les plus étalées d'Afrique subsaharienne comparativement
à sa population31. Lotir est une occasion de s'enrichir et de
faire profiter ses proches au point que tout Préfet/Président
tient à avoir le plus tôt possible au moins un lotissement
à son actif. C'est ainsi qu'en quatre ans 8 lotissements ont
été effectués par les quatre
Préfets/Présidents de la CUN (2000-2004). Ce sont les
lotissements Zam Koira Nord-Est, Sary Koubou, Nord-Est Niamey 2000, zone
d'équipement, les extension Nord Faisceau II et Banizoumbou II,
Tchangarey, extension Koira Tégui II, extension Talladjé II
(SEYBOU I. 2005). La conséquence de ces lotissements irraisonnés
c'est l'amenuisement du capital foncier de Niamey. La compétition pour
l'accès à la parcelle risque d'être plus âpre au
cours des prochaines années ce qui conduira inévitablement les
populations à développer de nouvelles stratégies pour se
loger.
8.2.2.2 Des suggestions pour un habitat pour tous
Pour faire face au problème de logement d'une
manière généralement et à celui de
l'habitat
informel en particulier, il nous semble important d'envisager des
pistes à court et moyen
31 N'djamena (Tchad) avec plus d'un million
d'habitants s'étend sur 7 120 ha ; il en est de même pour la ville
de Dakar au Sénégal qui avec plus d'un million d'habitants occupe
une superficie de 8 250
ha. Wikipédia.org [2007]
termes. Ces pistes sont des suggestions globales et
spécifiques. Pour les premières il s'agira à court
terme de :
- Interdire tout nouveau lotissement à Niamey pendant
au moins 5 ans, le temps que les lotissements antérieurs puissent
être effectivement mis en valeur. Au bout de cette période, toutes
les parcelles non mises en valeur doivent retourner à la
propriété privée de la collectivité
conformément aux textes. Par ailleurs, toutes les paillotes
situées dans les interstices de la ville doivent être
déguerpies. Les autorités doivent contenir l'habitat informel
dans des proportions des secteurs limités comme à Ouagadougou au
Burkina Faso (carte n°5). - Adopter une véritable politique de
l'habitat à travers la création d'une banque de l'habitat et
l'encouragement de la création des cités à travers une
garantie de l'Etat ou des collectivités auprès des banques. Dans
cette nouvelle politique, les urbanistes, les architectes et les dirigeants
doivent être plus réalistes en se convaincant du fait la ville
doit être conçue en tenant compte des réalités
socioéconomiques des citadins. Il ne sert à rien d'édicter
des normes technicistes que personne ne respecte. La ville doit refléter
la réalité locale. C'est pourquoi, au lieu d'interdire
systématiquement la paillote dans les textes et être incapable
d'empêcher sa propagation dans tous les paysages de la ville, il serait
plus réaliste de permettre à ceux qui n'ont pas assez de
ressources de bâtir des cases. Celles-ci ont l'avantage d'avoir le bas en
banco et seul le toit est en chaume et donc moins exposé au risque
d'incendie. Mais la case doit être vue et acceptée comme une
étape transitoire pour beaucoup avant d'arriver à la maison en
banco, puis en dur si les conditions économiques le permettaient. Niamey
est une ville pauvre et l'habitat des pauvres doit être respecté :
c'est une question de bon sens vu qu'on ne peut pas expulser les pauvres de la
ville, ni leur offrir un logement répondant aux normes urbaines.
- Faciliter l'accès à la parcelle pour les
démunis. Cela est possible à travers une vente de parcelle
à prix modéré32 (comme dans les
opérations de recasement) pour permettre la mixité sociale ou du
moins géographique des citadins et éviter le sentiment de rejet
et de frustration qu'occasionne la relégation. Il est
démontré qu'à Niamey le statut foncier détermine
dans une large mesure la nature de l'habitat. En outre, comme dans tous les
lotissements, il a été convenu entre les autorités et
l'association islamique que sur 100 parcelles produites, une soit
réservée à la construction d'une mosquée, il serait
plus intéressant que 32 autres soient mises à la disposition des
pauvres même si elles n'auront pas la même dimension que les
autres.
32 Dans les opérations de restructuration
par exemple, l'acquéreur paie 1/3 du prix officiel pour obtenir l'acte
de cession. Il est possible de ramener ce montant à 1/4 pour permettre
à un grand nombre de citadins d'avoir une parcelle.
Carte n°5 a : Niamey (2006) Carte n°5 :
Ouaga
·ougou (1993\
ource :
http://www.mgm.fr/PUB/Mappemoncle/M196/Prat.pdf,
simplifie par ISSAKA H. (Mai 2007)
Espace bad Espace non bad
Zone d'habitat spontane Zone bois6e
mmiVillage urbain Zone marecageuse
Zone lotie avant 1990 Zone lotie aptis 1990 Zone
administrative
=I Zone industrielle
pZone commerciale
Zone militaire Aeroport
Cours et retenue d'eau lie
Route principale
Carte n°5 : Occupation de l'espace a Niamey (Niger
et a Ouagadougou (Burkina-Faso)
A moyen terme :
- les différents textes doivent être
adaptés aux réalités locales ce qui ne suppose pas un
refus de la modernité. Mais, les textes doivent tenir compte des
réalités socioéconomiques du pays. Tous les documents
d'urbanisme doivent être popularisés.
- L'Etat doit acquérir toutes les zones inondables
(bras morts du fleuve, rivières) pour les mettre à la disposition
de ceux qui voudraient y pratiquer le jardinage. C'est une manière
d'éviter leur occupation par les squatters et une prévision
contre les inondations. Ces genres d'espace qui ont été
déjà occupées doivent être déguerpis. Mais
avant, les squatters doivent bénéficier d'un espace favorable
où l'eau et l'électricité seront mises à leur
portée. Des parcelles leur seront cédées à un prix
tenant compte de leur moyen et l'argent devrait servir à aménager
leur site. Ceux qui seraient incapables de payer l'argent pourront être
engagés dans les opérations d'aménagement pour rembourser
ce qu'ils doivent. Pour éviter toute transaction de ces parcelles, elles
resteront la propriété de l'Etat, les occupants n'ayant qu'un
permis d'habiter, ils pourront y rester autant d'années mais ne pourront
en aucune manière vendre ces terrains ou les louer à des tiers.
Un déménagement entraîne un retour du terrain à la
propriété effective de la collectivité qui sera seule
habilitée à l'octroyer à quelqu'un d'autre de même
statut que le précédent.
- La SONUCI vue de la mauvaise gestion qui la
caractérise (cf. annexes II et III) doit être dissoute et
remplacée par une Agence autonome de production et de gestion
immobilière. Cette agence aura pour mission : les études
techniques pour la construction des zones d'habitat, l'établissement des
plans de lotissement et leur réalisation ainsi que la gestion
d'immeubles qu'elle aura à construire, et qui seront destinés
à la location simple ou à la location vente. Elle doit
bénéficier d'une subvention de l'Etat mais sera astreinte au
paiement d'impôt sur son chiffre d'affaire comme toute
société commerciale33. Ses cadres doivent être
des fonctionnaires détachés de leur structure d'origine mais qui
continueront d'être payés par l'Etat. Pour les quartiers
spontanés actuels, elle procédera à leur restructuration
en percevant une taxe d'aménagement foncier par ménage d'un
montant de 60 000 F CFA. Auparavant, elle doit dresser un état des lieux
pour dresser la liste des propriétaires. A l'image de la
Société Nationale de Gestion Immobilière du Bénin,
elle doit établir un plan de lotissement rationnel dans lequel seront
prévus les emplacements des infrastructures nécessaires. Les lots
seront subdivisés en parcelles numérotées de taille
variable. L'établissement des voies de circulation et des
réserves foncières ampute l'espace disponible d'une superficie
dont le
33 N'BESSA B. OKOU C. TOSSA J. et al (1989)
Formation de l'espace urbain et intervention de l'Etat : le paradoxe
béninois. Pp 77-88, In : La péri-urbanisation dans les pays
tropicaux. Espaces tropicaux n°1, Bordeaux, 1989, 384 p. VENNETIER P.
(sous la dir.)
rapport à la surface totale constitue un coefficient de
réduction applicable à toutes les parcelles qui seront
redistribuées (par exemple 5% ou 10%). Elle travaillera sous forme de
Forum hybride où se retrouveront pour la production des
parcelles par exemple, outre les représentants des collectivités
territoriales, ceux des propriétaires coutumiers ainsi que les
délégués des candidats aux immeubles (bâti ou non)
dont la liste est préalablement portée à la connaissance
de tous pour éviter toute usurpation de titre et que les textes sur
l'attribution des parcelles soient respectés notamment la mise en valeur
effective de la première parcelle. Celui qui a une parcelle ne pourra
prétendre à une seconde qu'à condition qu'il n'y ait aucun
candidat à une première parcelle.
- L'Agence doit introduire un système de
référencement de l'habitat existant à l'aide d'un
système d'information foncière (S.I.F) afin de limiter
l'accès au foncier aux privilégiés dont certaines
disposent de plusieurs dizaines de parcelles à Niamey alors que d'autres
citadins courent toujours derrière une hypothétique parcelle. Ce
S.I.F permettra au-delà de la limitation des parcelles aux
spéculateurs, de permettre aux services des impôts de recouvrer la
taxe foncière. La mauvaise distribution de parcelles qui se pratique
actuellement est inacceptable. On ne saurait en effet comprendre que dans une
ville de 674 950 habitants en 2004, 93 700 parcelles aient été
produites soit en moyenne une parcelle pour 7 habitants. Or, rares sont les
concessions abritant les ménages mono familiales : c'est dire que
l'essentiel des parcelles est concentrée entre les mains de quelques
individus. C'est pourquoi, le respect des textes doit être une
priorité notamment le respect du délai de 5 ans prévu
entre les lotissements et la vérification de l'effectivité de
l'occupation des anciens lotissements avant d'entreprendre un nouveau
lotissement.
A long terme
Il s'agira de créer des centres urbains secondaires
pour décongestionner Niamey à l'instar de certaines villes
d'Afrique subsaharienne francophone comme Ouagadougou, Cotonou, etc.,. Cela est
possible à travers le développement du réseau routier et
l'orientation des compagnies de transport sur les différents axes afin
de permettre à tous ceux qui ont leurs activités à Niamey
de pouvoir les mener sans contrainte majeur notamment au niveau du coût
du transport et de la disponibilité des véhicules en temps
opportun. Déjà la Société des Transports Urbains de
Niamey et Halem Transport (une compagnie privée) desservent les
localités situées à des dizaines de kilomètres de
la ville au prix de la course de taxi entre certains quartiers de la ville (300
à 400 F CFA). Dans cette perspective, le développement des villes
satellites s'avère une solution, et qui finira par s'imposer
étant entendu que bientôt Niamey ne disposera plus d'espace pour
lotir. La commune de Liboré qui a refusé d'être la
sixième commune de Niamey, située à une
vingtaine de kilomètre serait indiquée. Il en est de même
de la ville de Kollo (chef lieu de département et situé à
une trentaine de kilomètre de Niamey). Plus tard, des communes comme
Kouré, Torodi, Say, Karma, etc. situées toutes à moins de
70 km de Niamey pourraient prendre le relais.
Les suggestions spécifiques concernent les acteurs
actuels de l'habitat informel. La résolution du problème de
squattage passe par l'application de mesures strictes allant dans le sens d'une
vraie justice sociale. Pour ce faire, il convient d'agir du côté
de tous les acteurs impliqués dans le phénomène.
Les acteurs officiels (techniciens et dirigeants
politiques)
Avant de créer la nouvelle agence dont nous avons fait
cas, il faudrait faire un état de lieu de la situation actuelle afin de
situer les responsabilités dans la gestion calamiteuse du foncier urbain
à Niamey, mauvaise gestion qui explique en partie le
développement de l'habitat informel. Les populations commencent à
agir dans le sens de respecter les lois notamment à travers les
mobilisations pour empêcher les morcellements des cours d'école.
Pour éviter de telles pratiques, il faudrait mettre à la
disposition de la justice tous ceux qui sont impliqués dans les
malversations foncières (déclassements irréguliers,
distribution gratuite de parcelles aux parents et connaissances,
détournement des fonds de la vente de parcelles, etc.).
Les propriétaires coutumiers
La situation que vivent les propriétaires coutumiers
constitue un drame pour eux-mêmes mais surtout pour leurs descendants.
N'ayant pour la plupart que l'agriculture comme activité principale,
l'expropriation de leurs champs les placent dans la situation de sans emploi
à vie. La vente des parcelles reçues en guise de
dédommagement n'est pas une source durable de revenu. Pour permettre aux
propriétaires coutumiers et à leurs héritiers de vivre en
profitant de l'expropriation de leurs biens fonciers, l'Etat devrait faire en
sorte que dans le cadre d'un programme général de l'habitat,
l'Agence immobilière ou la banque de l'habitat puisse aider les
propriétaires coutumiers. Cette aide consiste à financer la
construction d'immeubles de plusieurs niveaux sur au moins 15 des 25% des
parcelles qu'ils reçoivent en guise de dédommagement. La
construction doit se faire avec l'intervention d'un huissier et un
échéancier doit être établi pour permettre à
l'Organisme de recouvrer ses droits et permettre au propriétaire et
à ses héritiers de disposer effectivement des immeubles. Durant
cette période de recouvrement des frais, 40% du montant de la location
doivent revenir au propriétaire coutumier afin de subvenir aux besoins
de sa famille. Cette procédure constituera certainement un moyen
d'éviter les lotissements clandestins qui seront sans
intérêt pour les propriétaires coutumiers.
Les squatters
Il est indéniable que c'est la paupérisation
liée au manque ou à la faiblesse de revenu qui explique en partie
l'habitat informel à Niamey. Or, aucune forme officielle d'aide au
logement n'existe à Niamey. Le système social traditionnel qui
consiste à héberger des proches ne constitue pas la solution
à l'accès au logement d'où le recours à l'habitat
informel. Cependant, cet habitat informel n'est pas le seul fait des petites
gens. Certaines personnes construisent uniquement pour la location. Pour
limiter la proportion de l'habitat informel, il faut recenser tous les
squatters afin d'avoir une liste nominative et fiable des ménages. Sur
cette liste, il sera précisé le statut d'occupation du squatter
(locataire, logés gratuitement ou propriétaires) afin qu'aucun
ménage ne puisse bénéficier de plus d'une parcelle au
moment de la régularisation et aucun propriétaire externe,
disposant déjà d'une parcelle en zone lotie ne pourra
bénéficier d'une parcelle en cas de régularisation. Il
faut à tout prix éviter le scénario de la
régularisation de Boukoki où certains squatters ayant
bénéficié des parcelles au prix recasement
c'est-à-dire 165 000 F CFA au lieu de 615 000 F CFA (le prix officiel),
ont vite vendu leurs parcelles et sont partis s'installer dans le quartier
informel de Koira-Tédji. Ceux qui tenteront de tricher doivent
être poursuivis en justice.
Le réel problème qui se pose est celui d'un
aménagement foncier à Niamey comme le souligne Belko Maïga
(G.)34, « les causes des échecs des opérations
d'aménagement foncier sont à rechercher dans la violation des
règles d'appropriation des terrains ; le refus de l'obligation des
règles de prospects ; le manque de transparence dans la gestion des
opérations ; le développement d'une spéculation
foncière administrative nourricière de la spéculation
privée. Le manque de justice dans les procédures d'allocation et
de cession de terrain, l'utilisation des ressources provenant de
l'aménagement foncier pour les besoins de fonctionnement, la confusion
dans les procédures d'allocation et les escroqueries foncières
(attribution d'un même terrain à plusieurs personnes). La vente
par anticipation des parcelles d'un aménagement foncier non
réalisé ».
34 Belko Maïga (G.), Les Professionnels de
l'aménagement foncier, étude du cas du Niger, In
Aménagement foncier urbain et gouvernance locale en Afrique
sub-saharienne. Enjeux et opportunités après la conférence
Habitat II. Rapport du colloque régional des professionnels africains.
Ouagadougou Burkina Faso du 20 au 23 avril 1999.
CONCLUSION
L'habitat informel est l'un des problèmes qui parvient
à résister face à toutes les politiques que l'Afrique
à initier depuis les indépendances. L'ampleur du
phénomène et le risque qu'il entraîne ont amené les
partenaires extérieurs à appuyer les Etats et même à
les contraindre à adopter une véritable politique face au
récurrent problème de logement. Des institutions internationales
comme la Banque Mondiale, ont dans ce cadre aidé les différents
pays à améliorer les conditions de vie des squatters en initiant
des programmes d'amélioration de cet habitat insalubre. Ces institutions
ont par ailleurs fait pression sur les Etats pour qu'ils mettent fin à
la destruction systématique des quartiers spontanés. Cette
politique conduite dans les années soixante-dix a permis
l'intégration de certains secteurs dans le paysage urbain. Mais, elle
n'a pour autant pas constituer la réponse définitive à la
question car l'occupation irrégulière de l'espace urbain est loin
d'être terminée. A Niamey, le phénomène avait
été contenu dans des proportions moindres jusqu'au début
de la décennie 70 avant de connaître une expansion extraordinaire
avec les sécheresses 1972-1973 et surtout du fait de l'affaiblissement
de l'autorité de l'Etat à partir des années 1990 avec
l'ouverture démocratique assimilable à l'anarchie. La crise
urbaine se poursuit dans un contexte de paupérisation de la
majorité des citadins. La baisse du pouvoir d'achat fait que même
la classe moyenne est sujette à se réfugier dans cet abri de
désolation. La ségrégation résidentielle
héritée de l'époque coloniale a pris un élan
nouveau avec l'impossibilité pour la majorité des
Niaméens d'accéder à la parcelle officielle.
Celle-ci dont la répartition a de tout temps été
décriée devient de plus en plus rare et coûteuse au point
qu'une minorité seulement peut y postuler. Toutefois, le problème
ne se situe pas uniquement au niveau de l'accès de la parcelle. En
effet, lors de l'opération « parcelles contre
arriérés de salaire », la majorité des parcelles
mises à la disposition des agents de l'Etat s'était
retrouvée entre les mains des hommes d'affaire et des politiciens.
Pourtant l'idée d'octroyer une parcelle à chaque fonctionnaire
aurait été bonne si elle avait été conçue
dans une véritable politique d'accès au logement. Il aurait fallu
par exemple négocier des crédits pour l'habitat afin que ces
fonctionnaires puissent être à l'abri des spéculateurs
prêts à faire des offres alléchantes pour acquérir
les parcelles. Tout se passe comme s'il n'existait aucune politique
étatique en matière de logement. Pire, avec la faillite de la
banque de l'habitat et le gel des avoirs de la caisse de prêt aux
collectivités territoriales, la classe moyenne n'arrive plus à
mobiliser les fonds pour construire. De plus, les parcelles officielles ne sont
plus viabilisées immédiatement lors des lotissements comme
prévu par les textes entraînant ainsi de longues années
d'attentes avant
leur mise en valeur. Face à toutes ces
difficultés imputables dans une certaine mesure à l'inertie d'une
administration aux procédures longues et compliquées, les
modifications successives de statut de la capitale n'ont rien
apporté.
Pourtant, il va falloir trouver une réponse capable au
moins d'assurer la sécurité des squatters et parfois de leurs
voisins. Les maisons sont construites sur des sites parfois accidentés
ou marécageux ou sur des réserves foncières
destinées aux équipements d'utilité publique. La terre est
occupée ou lotie illégalement et souvent les maisons ne
répondent pas aux normes de construction et de salubrité.
Bâtis sur un domaine sans programmation, les établissements ne
respectent ni le zonage encore moins les plans directeurs. L'essentiel pour les
squatters étant de ne pas payer le loyer ou à moindre coût.
C'est pourquoi, contrairement au reste de la ville où la majorité
est locataire, dans l'habitat informel nos enquêtes ont montré une
forte proportion de propriétaires (79,5%) contre près de 14% de
locataires. Le reste est constitué des personnes logées
gratuitement soit par des parents ou des leaders politiques ou religieux. La
satisfaction d'être « chez soi » cache mal dans certains
secteurs la forte densification de l'occupation, le problème de
promiscuité, la précarité des conditions d'hygiène
ainsi que l'absence de lisibilité de la trame. L'habitat informel
constitue des enclaves de la pauvreté où le manque
d'infrastructures donne l'image d'espaces de relégation. Il est
indéniable que les squatters ont un apport à la ville notamment
à travers les activités qu'ils exercent ; c'est pourquoi, il faut
trouver un moyen leur permettant de vivre dans la dignité. Cela n'est
possible qu'avec un changement global de comportement des différents
acteurs dont principalement les autorités administratives dont les
agissements sont parfois irresponsables. Les déclassements
irréguliers des îlots, les détournements de terrain et le
favoritisme dans l'attribution des parcelles sont des pratiques
intolérables. Il est nécessaire que les candidats puissent avoir
les mêmes chances d'accès au bien immobilier. Dans cette
perspective, il est urgent que les textes soient respectés par tous. Le
bafouillage des outils de gestion a contribué à entretenir le
désordre dans la gestion urbaine en général et
foncière en particulier. La confusion entretenue semble profiter
à tous les acteurs et en premier lieu aux responsables municipaux. Une
nouvelle forme de gouvernance doit être appliquée en vue d'un
aménagement urbain véritable. Cela suppose la restructuration des
structures de production et de gestion de l'espace urbain et l'affectation des
cadres compétents. La mise à la disposition de la justice de tous
ceux qui sont à l'origine de la gestion catastrophique du foncier est un
préalable et un signe de changement d'orientation. La
décentralisation en vigueur permet au gouverneur représentant de
l'Etat de veiller à l'application de la loi et notamment les
règles d'urbanisme.
Il urge d'avoir une politique foncière pragmatique qui
puisse permettre à la majorité des citadins d'avoir accès
au foncier pour éviter les phénomènes des banlieues qui
s'observent ailleurs. L'Etat ne doit plus faire montre de laxisme dans le
respect des textes ; il y va de la cohésion sociale. Dans tous les cas,
la résolution du problème du logement pour le grand nombre
requiert un effort de réflexion, d'organisation, de financement mais
aussi de participation des différents acteurs. Or sur ce plan, les
squatters de Niamey font montre d'une disponibilité à participer
financièrement à l'amélioration de leur cadre de vie. Les
autorités doivent se convaincre que la gestion administrative suppose la
satisfaction des besoins de la majorité. Le fait de privilégier
un clan ou une minorité a toujours été une source de
frustration dont l'exacerbation conduit souvent à des solutions de
détresse. Les autorités en charge de la gestion de Niamey se
doivent de penser aux générations immédiates et futures.
La consommation d'espace à Niamey est sans commune mesure avec celle des
autres villes alors que c'est l'une des moins peuplées. L'observation de
la carte n°5 (page 91) montre un gaspillage inexplicable du foncier
à Niamey.
A l'allure où vont les choses, si les autorités
politiques se permettent d'étendre le territoire de la CUN, dans moins
d'un demi siècle, Niamey risque d'être l'une des villes les plus
étendues d'Afrique subsaharienne alors que dès maintenant,
l'insalubrité, l'insuffisance et le mauvais état de la plupart de
la voirie et des réseaux ont atteint un niveau inquiétant. Cette
inquiétude est d'autant plus fondée que la menace d'extension
démesurée de la ville est réelle au point que les communes
voisines comme Liboré ont déjà anéanti toute
tentative d'extension sur leur territoire. Or, la population ne fait que
croître dans un contexte de paupérisation, le nouvel enjeu qui se
pose reste et demeure celui de l'accès équitable au peu de
capital foncier qui reste à lotir. Face à ce nouveau défi
qui nécessite une nouvelle forme de gouvernance de la ville, il va
falloir inventer de nouvelles méthodes de gestion.
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LEXIQUE
Célibatorium : maison à une
pièce plus véranda généralement habitée par
les célibataires ou les couples à revenu
modeste.
Coutumiers ou propriétaires coutumiers
: ce sont les personnes à qui appartiennent les terres bien avant la
pénétration coloniale et qui usent de cette
légitimité pour morceler leurs terres pour les vendre aux
demandeurs de parcelles.
Foncier : « ensemble des manifestations
et des conséquences de la valeur marchande d'une étendue. Au sein
du foncier, la terre est transformée en terrain et en sol, bien certes
immeubles, mais reproductibles, amendables, extensibles et échangeables.
Il y apparition de la question du foncier parce que l'espace s'avère un
enjeu au sein d'un système de production, dans la mesure où il
constitue un objet essentiel en termes de fonctionnement économique, de
production de richesse, de contrôle des rentes et plus values ».
Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés,
Belin, 2003, 1036p
Habitat : « ensemble des conditions
matérielles, sociales et culturelles qui expriment un mode de vie. Plus
spécifiquement, en géographie, organisation des espaces de vie
des individus ». Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des
sociétés.
Habitat informel : il s'agit de l'ensemble
des maisons situées dans des espaces non lotis officiellement.
Cependant, à Niamey, on trouve des villages urbains dont la trame est
similaire à celle des quartiers spontanés mais ils ne sont pas
considérés comme des quartiers spontanés par
l'administration.
Logement : « bien matériel qui
constitue une unité résidentielle d'habitation. Le logement
s'inscrit dans l'habitat : il est une unité d'habitation. Donc, une
entité qui autorise l'action d'habiter stable. [ ] Le logement est
d'abord un objet et un bien matériel, qui va très tôt
devenir un enjeu politique en même temps qu'une catégorie
statistique et économique. Si la notion de logement semble simple, il
n'en reste pas moins qu'elle désigne un objet plus complexe, notamment
parce qu'il s'agit d'un bien transmissible qui fixe de très nombreuses
valeurs individuelles et sociales et qu'il s'est imposé comme un
problème politique majeur qui a contribué aux
développements de technologies sociales spécifiques. »
Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés,
Belin, 2003, 1036p
Lotissement : division d'une
propriété en lots destinés à recevoir la
construction de bâtiments. Dict. de la géo. Pierre George, Fernand
Verger, quadrige/PUF, 1970.
Quartier : fraction de l'espace urbain ayant
parfois une unité homogène et un chef nommé par
l'administration conformément au statut de la chefferie
traditionnelle.
Squat : immeuble ou maison occupés par
des squatters. (Dictionnaire universel)
Squatter : personne occupant sans titre un
logement, une terre. (Les Mots de la Géographie., Dict. critique, Roger
Brunet, R. Ferras, H. Théry, -Reclus- 1992).
A Niamey, le squatter n'occupe pas un appartement
abandonné mais une parcelle non lotie par l'autorité.
TABLE DES CARTES
Carte n°1 : Les pays d'Afrique subsaharienne francophone
p26
Carte n°2 : Situation géographie de Niamey p38
Carte n°3 : Localisation de l'habitat informel à
Niamey p63
Carte n°4 : Origine géographique des squatters p80
Carte n°5 : Occupation de l'espace à Niamey (Niger)
et à Ouagadougou (Burkina Faso) p91
TABLE DES FIGURES
Figure n°1 : Perspectives de population urbaine en Afrique
subsaharienne francophone en
2020 p24
Figure n°2 : Pourcentage de la population urbaine, 1970,
1995, 2020 ..p28
Figure n°3 : Evolution démographique de Niamey p39
Figure n°4 : Localisation de Tchana-Carré et de Cases
Allemandes au quartier Plateau p58
Figure n°5 : Les squatters déguerpis pour une cause
illégale p61
Figure n°6 : L'exaspération de la population face aux
agissements illégaux de la CUN p66
Figure n°7 : Les étapes de la construction d'une
paillote p68
Figure n°8 : Un exemple de constructions en banco, le
quartier Pays-Bas p72
Figure n°9 : Revenu des squatters habitant les lotissements
coutumiers à Niamey ..p73
Figure n°10 : Les squatters revendiquent leur droit de vivre
à Niamey p76
Figure n°11 : Ecole aux Cases Allemandes p78
TABLE DES TABLEAUX
Tableau n°1 : Niveau d'instruction des occupants des
paillotes p71
Tableau n°2 : L'accessibilité facile aux
équipements p78
ANNEXES
Annexe I : La CUN vend un rond point à Alpha
Sadou
Annexe II : Comment La SONUCI se meurt dans les bras de Jules
Ouguet
Annexe III : SONUCI : Le DCF et la caissière ont-ils
bénéficié d'un traitement de faveur ?
Annexe I : La CUN vend un rond point à Alpha
Sadou
C'est un scandale qui doit interpeller les urbanistes, et
même la population. Le président du conseil de la
communauté urbaine de Niamey, Abouba Ganda, a décidé de
vendre un rond point à Alpha Sadou, conseiller municipal,
opérateur économique de son état, et surtout militant du
MNSD Nassara (le parti au pouvoir).
C'est une parcelle sans références cadastrales,
donc inaliénable et impossible d'être morcelée (à
plus forte raison mise en vente) qui a été cédée
à Alpha. Cet espace n`est pas non plus une réserve
foncière susceptible d'être reversée dans le domaine
privé de la collectivité, qui en ce moment là pourrait au
besoin décider de la revendre après l'avoir morcelé Lors
du lotissement du quartier Route Filingué, en 1981, cet endroit avait
été prévu en tant qu'espace public, qui n'est pas du
domaine privé de la collectivité. En d'autres termes, aucun
président de conseil ou maire n'a compétence à mettre la
main sur cet espace pour le destiner à la vente ou à tout autre
usage autre que celui auquel il a été prévu. C'est
pourquoi, pendant 25 ans, aucun maire ou préfet-maire n'a osé
morceler ou vendre cet terrain. Il a fallu attendre 2006, avec l'arrivée
de l'intrépide Abouba Ganda à la tête de la
communauté urbaine de Niamey (CUN) pour que cet espace public de plus de
600 m2, situé en face du domicile du conseiller municipal Alpha Sadou
soit vendu. Le montant exact de la transaction n'est toujours pas connu. Mais
au regard de son emplacement, «ce délaissé de voirie»
comme l'appellent les spécialistes n'a certainement pas
été vendu pour un radis. On peut même imaginer qu'il a
été vendu à prix d'or au vu de son emplacement.
Le plus grave est que cet espace a été
prévu pour servir les intérêts des habitants du quartier en
tant qu'espace de loisirs ou lieu de rassemblement dans le cadre de certaines
réjouissances. En plus, même pour des raisons de
sécurité, il n'était pas indiqué de construire une
habitation dans cet espace. Un incendie serait arrivé dans ce quartier
qu'il serait impossible aux équipes des sapeurs pompiers de pouvoir
faire quelques manoeuvres que ce soit pour circonscrire la catastrophe.
Très vite, et comme pour couper l'herbe sous les pieds de tous ceux qui
sont attachés à l'orthodoxie dans la gestion de l'espace urbain,
le nouveau détenteur de l'espace, Alpha Sadou, a bâti sur le
terrain une villa, et une petite mosquée pour certainement mieux
légitimer son coup. Cette mosquée est bâtie dans le
voisinage immédiat d'une église. Il faut savoir que ledit espace
est géré par trois entités que sont : le Ministère
de l'Urbanisme, le Ministère des Finances et la Collectivité. Sa
vente est donc contraire à la loi. A tel point que selon certaines
sources, cette transaction illégale aurait attiré l'attention de
l'Inspecteur d'Etat, Djingarey Banakoye, qui travaille depuis plusieurs
semaines déjà sur la gestion de la Communauté urbaine de
Niamey. Ses investigations risquent d'alourdir les charges de mauvaise gestion
de l'espace urbain qui pèsent déjà sur le président
du conseil de la Communauté urbaine de Niamey, Abouba Ganda. On se
rappelle qu'il était déjà au centre d'une troublante
affaire de morcellement d'un terrain affecté à l'institution
militaire. Le morcellement en question aurait été fait hors
session de la commission d'urbanisme. Cette scabreuse affaire fait, depuis son
éclatement, des vagues, car on estime que près de 200 parcelles
ont été vendues, illégalement là aussi, à
des personnes privées. Certaines auraient revendu leurs parcelles
à d'autres acquéreurs. L'affaire fait d'autant plus de remous que
le président Tandja aurait ordonné l'annulation des actes de
cession indûment attribués. Ceux qui ont acquis les parcelles ou
racheté avec des tiers se retrouvent ainsi dans le pétrin. Il y a
lieu d'arrêter ces pratiques nuisibles à la gestion de l'espace
urbain, fondées sur l'informel, le copinage et la recherche
effrénée du gain facile. La capitale, Niamey, vitrine de notre
pays, pour être belle, doit disposer d'un plan d'urbanisme
cohérent, que les dirigeants de la ville se doivent de respecter
scrupuleusement.
L'EVENEMENT N°183 du 27 Février 2007 p.3
Source : L'EVENEMENT N°183, site :
http://www.nigerdiaspora.net/even/pdf
[février 2007]
Annexe II : Comment La SONUCI se meurt dans les bras
de Jules Ouguet.
On se rappelle la gestion de SONUCI avait
défrayé la chronique, il y a seulement deux ans. C'était
du temps de Mr Moumouni Yacouba. En vérité rien d'évident
ne noircissait vraiment les pages de la SONUCI. Pourtant on notait le
harcèlement d'un Inspecteur d'Etat omniprésent pour
déceler des indices de mauvaise gestion à la SONUCI qui ne
s'était d'ailleurs jamais mieux porté. Paradoxe, Moumouni Yacouba
fut évincé en plein jour pour des motifs qui restent encore
vagues. Puis ce fut le tour de Mr Issa Lamine. Il eu le temps de
réceptionner et pour son image personnelle les médailles
couronnant les efforts et les sacrifices de trois ans de gestion.
Quelques temps après Lamine passe député
National. Et ce fut alors le tour du providentiel Jules Ouguet. Ce dernier
confond allègrement la chose publique à un patrimoine familial ou
personnel. Cet enseignant (du primaire) de formation, qui se targue
d'être « l'ami du Président Tandja » se moque
éperdument des règles élémentaires de la
comptabilité publique. La SONUCI, pour lui c'est sa « chose »
et se comporte par conséquent comme un éléphant dans un
magasin de porcelaine au grand dam des autres travailleurs, qui observent
impuissants à la destruction pure et simple de la boîte. En moins
de quatre mois et pour des raisons fantaisistes la SONUCI n'est plus en mesure
de payer les salaires. Idée géniale, l'Administrateur jules
Ouguet hypothèque un immeuble auprès d'une banque de la place et
le tour est joué. Continuera t-il sur cette pente et pour combien temps
? Dans tous les cas, le chef du service Communication et Marketing a
décidé de prendre son courage à deux mains pour signifier
à son DG que trop c'est trop. [ ]
Le chef du Service Communication et
Marketing
A
L'attention du Directeur Général
J'ai l'honneur de vous faire part de mes observations pour une
meilleure gestion de la société dont vous êtes le premier
responsable depuis bientôt 5 mois. En ma qualité de chef du
Service Marketing et Communication j'ai le devoir de veiller à l'image
de la SONUCI et vous transmettre les préoccupations de nos clients. En
effet, Monsieur le Directeur Général, depuis votre prise de
service, certaines pratiques contraires aux méthodes de bonne gestion
ont très vite repris cours à la SONUCI sans que vous n'ayez pris
les mesures nécessaires pour les contrer.
Parmi ces pratiques je peux vous en citer quelques unes !
Dès votre arrivée, vous vous êtes empressé de passer
une commande de photocopieur à votre propre fils. Vous avez ensuite
juger qu'il fallait un véhicule imposant au DG de la SONUCI, et au lieu
de le commander à une maison de la place, c'est le véhicule de
votre épouse (une FORD américaine aux complications diverses) que
vous avez revendu à la SONUCI tout en vous arrangeant à faire un
dépassement budgétaire.
Puis, quelques temps après, vous avez estimé
qu'il fallait recruter un informaticien à la SONUCI. Vous passez alors
la commande d'un lot de matériel informatique à votre propre beau
frère que vous recruterez d'ailleurs par la suite au même poste.
Dans la même foulée vous attribuez à votre famille le
marché pour l'installation des câbles Internet. La salle
d'informatique était installée, vous décidez contre la
volonté du personnel que votre beau frère forme les agents
à l'informatique puisque la commande est déjà
consommée. Comme si cela ne suffisait pas vous contournez le service
marketing pour une commande de tee-shirt, sac et gadgets SONUCI que vous
enverrez à Ingall. Vous contournez à nouveau le service marketing
pour passer une commande des calendriers dans des conditions obscures. A cela
il faut ajouter un marché irrégulier d'agenda que vous avez
consenti à un blanc que vous avez
chargé de fouiller et remonter vos origines
françaises. Concernant la gestion et la vente des parcelles, dès
votre arrivée vous avez retiré aux soi-disant mauvais payeurs
leurs parcelles pour vous les attribuez vous même ainsi qu'aux membres de
votre famille. Mais cela ne vous satisfait pas. Vous arrachez les parcelles et
les revendez vous-même avec intérêt grâce aux
complicités que vous avez créées.
La plus petite commande d'encens pour agrémenter votre
bureau, vous la passez à votre famille sans compter les 3 litres de
Bridel que vous buvez chaque jour aux frais de la SONUCI.
Bref ! Depuis votre arrivée le service est
bloqué du fait de la réquisition abusive du véhicule pour
vos courses privées, genre alimenter vos vaches, ou transporter des
vivres pour votre épouse qui est devenue pour la circonstance un
fournisseur de la SONUCI. Le dernier gros marché que vous avez
attribué à votre famille, c'est votre propre fils que vous l'avez
concédé. Il s'agit comme on le sait de la construction de 2
villas type f4 à Baani Koubay.
Toutes vos pratiques jurent avec les principes de bonne
gestion et de transparence et ont, malheureusement, dangereusement terni
l'image de la SONUCI. Pourtant Monsieur le Directeur, vous vous êtes
souvent targué d'être mandaté par le Président de la
République. Et si vous continuez dans cette lancée, je ne pense
pas que vous lui rendiez service, lui qui s'est toujours soucié d'une
bonne gestion de nos entreprises.
Monsieur le Directeur Général, si j'ai tenu
à vous écrire pour vous parler de bonne gestion, c'est juste pour
éviter de patauger dans l'erreur à moins que vous ne choisissiez
de régulariser vite vos irrégularités avant qu'une
inspection d'Etat ne vous tombe dessus. Aussi par souci de transparence et pour
dégager ma responsabilité de vos erreurs, je vous prie
désormais de bien vouloir me transmettre pour avis tout ce qui à
trait à la communication et au marketing et donc qui touche directement
l'image de la SONUCI.
Voyez-vous, Monsieur le Directeur Général, en si
peu de temps, vous avez fait en mal ce qu'aucun de vos
prédécesseurs n'a fait depuis la création de la SONUCI.
Trop c'est trop ! Depuis votre arrivée aucune procédure
administrative ou financière normale n'a été
respectée. Là où le bât blesse, ce que vous vous
affichez comme un vieux sage qui a tout son avenir derrière lui alors
qu'au fond, vous êtes vraisemblablement venu à la SONUCI pour
assurer vos carrières.
Veuillez, monsieur le Directeur Général, m'excuser
pour cette démarche quelque peu insolite et recevoir l'expression de mes
sentiments respectueux.
Signé
M. Boussada Ben Ali
Source :
http://www.tamtaminfo.com/newspapers/sahelhorizon.pdf
[octobre 2006]
Annexe III : SONUCI : Le DCF et la
caissière ont-ils bénéficié d'un traitement de
faveur ?
Il y a de cela deux semaines, le conseil d'administration de
la SONUCI se réunissait afin de délibérer sur une
importante question relative à la dissipation des fonds de la
société par le Directeur Comptable et Financier (DCF) et la
caissière. A l'issue de cette délibération, il a
été demandé aux intéressés de s'acquitter
solidairement du remboursement de la somme de 3.600.000 F CFA. Il demeure
cependant que cette somme serait dérisoire par rapport au montant
réel détourné. En effet, cette affaire qui date des
années 2000 à 2002, ferait suite à une inspection d'Etat
diligentée à la SONUCI et à un audit commis par le
Directeur Général de la SONUCI de l'époque, M. Moumouni
Yacouba.
Les conclusions de l'inspection et de l'audit avaient
relevé de nombreuses irrégularités qui ont amené le
Directeur Général à adresser une lettre au directeur
comptable et financier et à la caissière, leur demandant de
procéder à des recherches dans leurs archives pour apporter les
pièces justificatives à un manquant de plus de neuf (9) millions
de francs constaté le 9 septembre 2002 à la suite de l'inventaire
de caisse fait par l'inspecteur d'Etat.
L'audit effectué pour affiner les comptes de 2000
à 2002 a aussi relevé que pour la période 2000 à
2001, 8.616.400 F CFA de recettes n'auraient pas été
enregistrés en 2001 sous réserve de retrouver deux quittanciers,
l'un du N°15051 au N° 15100 utilisé en 2000 et l'autre du
N°02851 au N° 02900 pour 2001.
En 2002, l'inventaire de caisse effectué le 8 octobre
faisait ressortir un écart de 11.092.769 F CFA qui reste à
justifier.
En faisant payer au directeur comptable et financier et
à la caissière la modique somme de 3.600.000 F CFA, l'on se
demande si les intéressés ont remboursé les montants
cités plus haut, à défaut d'avoir produit toutes les
pièces justificatives ainsi que les quittanciers qui n'ont pu être
trouvés pour exploitation. Affaire à suivre.
L'Enquêteur N° 289 du 30 Mai 2007 p.8
Source :
http://www.nigerdiaspora.net/journaux/enqueteur_niger.pdf
[mai 2007]