UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES
Mémoire présenté par M.
Moumouni GUINDO pour l'obtention du Diplôme
d'Université de 3e Cycle Les Droits Fondamentaux
(D.U.D.F)
sous la direction de M. Roland
ADJOVI (Université Paris II Panthéon-Assas)
Programme réalisé en partenariat avec l'Agence
Universitaire de la Francophonie, l'Université Paris II Panthéon
Assas, l'Université Paris X et l'Université Paris XII Valle de
Marne
mai 2003
A feu mon grand-père Ansowè Baba, feu
mon père Ousmane Sodiougo, feue ma grand-mère Yacoundia
Antimé, A ma mère Hawa Ansowè
REMERCIEMENTS
Mes plus chaleureux remerciements :
- A tous ceux qui, à un titre quelconque, m'ont
apporté une aide dans l'élaboration de ce mémoire ;
- A mon tuteur Roland ADJOVI, qui de ses conseils
éclairés, m'a guidé au long de ce mémoire ;
- A MM. Djibril KANE, Hamèye Founè MAHALMADANE et
Yacouba C. KEITA, Magistrats ; - Au Ministère malien des
Télécommunications et de la Communication,
- A la Mission de l'Informatique et des Nouvelles Techniques de
Communication (Mali), particulièrement M. Ousmane BAMBA
Que tous trouvent ici l'expression de ma gratitude.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
PREMIERE PARTIE : LA DUALITE DE L'INFLUENCE DU RESEAU
INTERNET SUR LES DROITS DE L'HOMME 12
CHAPITRE I : L'INFLUENCE NEGATIVE : LES MENACES
13
Section I: Les atteintes de nature civile 14
Section II : Les menaces aux Droits de l'Homme par les
infractions commises sur Internet. 24
CHAPITRE II : L'INFLUENCE POSITIVE : LE RENFORCEMENT DES
DROITS DE L'HOMME 27
Section I : L'épanouissement de la liberté
d'expression 27
Section II : L'amélioration de la jouissance du droit au
développement 30
DEUXIEME PARTIE : LES EFFORTS DE SAUVEGARDE DES DROITS DE
L'HOMME ... 35 CHAPITRE I : La diversité de la
réponse de la communauté internationale 36
Section I : La recherche de solutions techniques 36
Section II : La difficile quête de solutions
institutionnelles 41
Chapitre 2 : Les limites des solutions actuelles
46
Section I : Le caractère parcellaire des solutions
actuelles 46
Section II : La nécessité de renforcer la
coopération internationale 49
CONCLUSION GENERALE 52
INTRODUCTION
Les Droits de l'Homme sont les droits et libertés
reconnus et garantis à l'homme en vue de lui assurer un bien-être
moral, économique, social et culturel. Ce sont des droits
naturels1. Ils sont d'une diversité croissante quand bien
même, selon la formule consacrée, ils demeureraient
interdépendants, indivisibles et universels. De fait, « il n'existe
pas à proprement parler une définition satisfaisante des droits
de l'homme » comme l'admet Kéba MBAYE2. Des auteurs
comme W. LAQUIER et B. RUBIN3 illustrent parfaitement cette
difficulté en s'abstenant de toute tentative de définition et en
se limitant à en dégager le contenu et les
caractéristiques. Aussi préférerons-nous convenir avec
Kéba MBAYE que « les droits de l'homme se présentent comme
un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux qui
s'appliquent partout dans le monde tant aux individus qu'aux peuples et qui ont
pour but de protéger les prérogatives inhérentes à
tout homme et à tous les hommes pris collectivement en raison de
l'existence d'une dignité attachée à leur personne et
justifiée par leur condition humaine4 ».
Outre les textes fondateurs de l'Organisation des Nations
Unies (O.N.U.) et tout le « droit international
recommandatoire5 », ils trouvent leur légitimité
consacrée par les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs l'un aux
droits civils et politiques, et l'autre aux droits économiques, sociaux
et culturels. Si les droits civils et politiques renvoient principalement aux
libertés individuelles et publiques du citoyen, les droits
économiques, culturels et sociaux tendent eux vers
l'épanouissement personnel de l'individu et collectif des peuples en
mettant en relief leur bien-être par la prise en compte de
l'amélioration croissante de leurs conditions matérielles de vie,
de travail et d'entreprise.
Consécutivement à la Charte des Nations Unies et
à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les grandes
régions du monde ont adopté au moins une Déclaration ou
une Charte des Droits de l'Homme. Parallèlement aux structures -
judiciaires ou non - de mise en oeuvre, de contrôle et de garantie de ces
droits mises en place dans le sérail de l'O.N.U., chaque région
s'est dotée de ses propres structures de protection des Droits de
l'Homme. Outre les instances de règlement des litiges, existent de
nombreuses Institutions spécialisées à l'image de la
Commission des droits de l'Homme et, sur les plans nationaux, des
1 Déclaration française des droits de
l'homme et du citoyen du 27 août 1789
Voir W. LAQUIER et B. RUBIN: Anthologie des droits de
l'homme, Nouveaux Horizons, p. 25
2 K. MBAYE: Les droits de l'homme en Afrique,
Paris, éditions A. Pedone, 1992, 312 pages
3 W. LAQUIER et B. RUBIN, op. cit., pages 25 à
34
4 K. MBAYE, Op. Cit., page 25
5 Ensemble des recommandations et déclarations
des instances, organes et institutions spécialisées de
l'Organisation des Nations Unies. Voir par exemple : K. MBAYE, op. cit., page
193
commissions et observatoires des Droits de l'Homme. Le tableau
continue de s'étendre avec les associations nationales et
internationales des Droits de l'Homme comme la Fédération
Internationale des Droits de l'Homme, Amnesty International et Human Rights
Watch et leurs représentations locales.
Il apparaît ainsi que les droits de l'homme sont au
coeur des préoccupations de notre temps, particulièrement des
dernières décennies du 20e siècle et du
début de ce 21e siècle. Leur sauvegarde participe
d'une priorité essentielle. Toute entrave à leur
épanouissement est combattue avec vigueur et tout stimulant est
développé et soutenu avec ferveur et engouement, au moins par les
structures internationales de protection des Droits de l'Homme. Le
développement technologique, qui ne cesse de se diversifier, complique
d'ailleurs la tâche de ces structures. En effet, les atteintes se
diversifient elles aussi. Le développement des moyens de communication
et de l'information comme le téléphone, la
télévision, la presse et les structures informatiques
installées en réseau facilitent grandement la circulation de
l'information. Ces moyens de communication sont quelquefois des vecteurs de
dissémination rapide et massive d'informations ayant un caractère
attentatoire aux Droits de l'Homme. Il est vrai que le bénéfice
est tout aussi élevé s'il s'agit d'informations susceptibles de
renforcer la protection des Droits de l'Homme.
La diversité des moyens de communication et
d'information s'est renforcée avec l'essor des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, particulièrement le réseau
Internet dont il est admis qu'il se singularise par sa fugacité et son
caractère incontrôlable et transfontière6.
L'internet, au-delà de ses innombrables aspects
positifs, influence certainement la protection des Droits de l'Homme.
Caractérisé par une rapidité inégalée
à quadriller le monde du fait même de son mode de fonctionnement
et de son expansion, il est susceptible de nuire aux Droits de l'Homme ou de
contribuer à leur renforcement. La Communauté internationale
(Etats, Organisations internationales, Associations de défense des
Droits de l'Homme) s'y intéresse donc activement autant pour son
développement technique que pour la gestion de ses conséquences
sur les Droits de l'Homme.
L'internet est certainement le plus gigantesque réseau
de communication de nos Temps. Aux confluents de la
téléphonie, de la télévision, de la radiodiffusion,
de la presse et de techniques nouvelles structurées sur le
numérique comme l'adressage électronique, le
6 Lamy de l'informatique et des réseaux, 2001,
page 1362.
langage HTML7, la cryptographie..., Internet
passionne et mobilise les Etats, les particuliers et les associations. Loin
d'être l'apanage de quelques privilégiés et confiné
dans un ésotérisme érudit, il est à la
portée de la plupart des habitants de la planète Terre pour peu
qu'ils puissent accéder à un terminal branché à un
des réseaux connectés8. C'est donc un instrument
plutôt démocratisé, en tout cas en voie de grande
vulgarisation. C'est un monde de virtualité dans un univers bien concret
constitué de personnes physiques assises derrière des
ordinateurs, de sociétés commerciales réelles et
d'intermédiaires réels. La diversité de ses applications
et les immenses facilités qu'il offre pour communiquer et informer sont
parfois sources d'inquiétudes. Cette diversité s'allie à
celle des acteurs, qui peuvent etre regroupés autour de quatre
catégories : les internautes que sont les utilisateurs finaux
installés derrière leur ordinateur ; les fournisseurs
d'accès que sont les professionnels permettant aux utilisateurs, grace
à un abonnement, d'accéder au réseau ; les fournisseurs
d'hébergement (ou de service) que sont les exploitants des serveurs et
les opérateurs de télécommunication qui assurent le
transport des faisceaux. Chaque intervenant est susceptible de porter atteinte
aux Droits de l'Homme et ainsi d'engager sa responsabilité.
Le gigantisme du réseau Internet trouve des
explications dans son origine historique. Internet est, en effet, un produit de
la guerre froide, initialement une riposte des Etats-Unis d'Amérique
à la mise en service par l'Union Soviétique du premier satellite
artificiel. Les Américains projetaient de mettre en place, pour leur
Armée, un tentaculaire système informatique capable de survivre
à une attaque nucléaire, fonctionnant sans noeud central. Le
réseau actuel en tient son caractère décentralisé.
Conçu à des fins militaires, ses premières applications
furent cependant civiles à l'usage d'un cercle restreint
d'universitaires, de chercheurs et de scientifiques. Le réseau actuel
n'a véritablement existé qu'à partir de 19869.
Son caractère décentralisé et transfrontière pose
à présent de nombreuses difficultés juridiques relatives
notamment à la compétence territoriale des
juridictions10, l'identification et la localisation du responsable
des agissements répréhensibles, l'applicabilité des lois
nationales...
Les services de l'internet sont variés et peuvent etre
regroupés en services de communication en différé ou en
direct et en services d'accès à ses ressources11.
La
7 Hypertext Markup Language
8 A condition d'tre desservis en
électricité et en téléphone et de disposer d'un
terminal connecté à l'un des réseaux
9 C'est la genèse généralement
admise. Contrairement à une idée répandue, le
réseau interconnecté a bien été pensé pour
l'Armée mais ses premières applications n'ont pas
été militaires (Voir par exemple le Rapport de Christian Paul
« Du Droit et des Libertés sur Internet », mai 2000)
10 J. -C. BURKEL, op. cit., page
11 Classification adoptée par l'Agence pour la
Francophonie dans le CD-rom de formation « Découvrir Internet
»
Communication en différé renvoie au courrier
électronique, à la liste d'envoi (ou de diffusion) et au forum de
discussion. La communication en direct concerne des applications telles que les
canaux IRC, la visioconférence et le téléphone. Les
services d'accès aux ressources d'Internet sont les plus connus et ont
tendance à se confondre à l'internet lui-meme. Il s'agit, en
effet, du web (WWW : World Wide Web), du FTP (File Transfer Protocol, transfert
de fichiers) et de Telnet (exécution de tâches par un ordinateur
situé ailleurs).
Le web12 est assurément le service le plus
étendu, le plus connu et le plus dense13. C'est « un
outil de navigation, de recherche et de récupération
sophistiqué14 », une « gigantesque collection de
pages d'information15 ». C'est le service qui le plus influence
les Droits de l'Homme. Il se présente en effet comme un lieu de
rencontre où les citoyens du monde viennent s'informer et se former,
consulter des bibliothèques virtuelles, parcourir des sites divers
à la recherche d'informations spécialisées ou baguenauder
au gré des clics, s'arrêtant sur tel titre aguichant.
Les sites du web se rapportent à des disciplines les
plus diverses. Les activités les plus saines se déroulent dans la
même enseigne que des opérations scabreuses susceptibles de
heurter la sensibilité ou la pudeur générales en portant
atteinte à la dignité humaine, à l'image et à
l'honneur d'un individu ou groupe d'individus, à la vie privée ou
à la sécurité.
Par de tels portails se glissent les atteintes aux Droits de
l'Homme ou s'installent les piliers de leur protection.
L'utilisation du courrier électronique est
également source potentielle de violation des Droits de l'homme, la
notion de secret de la correspondance subissant des atteintes certaines. Les
autres services peuvent, à des degrés divers, représenter
une menace à l'exercice de certains droits fondamentaux.
Des inquiétudes ont ainsi pu titre nourries sur les
apports négatifs d'Internet aux droits fondamentaux de
l'Homme16. Ces inquiétudes se sont amplifiées avec
l'avènement des premiers cas d'atteinte aux droits de l'homme via
Internet17.
12 Le world wide web (www, ou W3 ou plus couramment
web) a été développé en 1991 et 1992 par le CERN de
Genève (Source : J. C. BURKEL : « Le vieux continent et la
révolution de l'information », mai 2002, p. 79, citant le Rapport
du Conseil d'Etat de 1998 sur « Internet et les réseaux
numériques »)
13 Le site
www.google.fr indique qu'en 2003,
3.307.998.701 pages sont disponibles sur le web. Le volume du web était
estimé à 800 millions de pages en 2000, d'après O.
GIACOMO, in Justice dans le monde, revue de La Fondation de la Justice
(Union Internationale des Magistrats), numéro 5, juin 2000.
14 CD-rom « Découvrir Internet » de
l'Agence pour la Francophonie, op. cit.
15 idem.
16 Voir Rapport Braibant
17 Exemples: Affaires Yahoo inc., Linda L. que nous
évoquerons ultérieurement
Au même moment cependant, certains sites et initiatives
célèbrent les Droits de l'Homme et leur assurent une promotion
facilitée par la vulgarisation croissante d'Internet, de plus en plus
accessible à de nombreuses personnes.
En toute occurrence, les Etats et les organisations
internationales ont vite réalisé les menaces induites par le
Réseau Internet. Des rencontres internationales18 ont ainsi
été organisées pour promouvoir le réseau et, par la
meme occasion, identifier les menaces qu'ils portent pour les Droits de
l'Homme. Les acteurs du réseau eux-m8mes s'en sont
préoccupés et des actions d'autorégulation ont
été initiées par des groupes d'intervenants réunis
en associations professionnelles ou des sociétés agissant
isolément. Des Etats se sont impliqués à la recherche de
solutions aux problèmes juridiques posés par le Réseau. Au
plan interne, la jurisprudence stimulée et soutenue par la doctrine et
des efforts de législation ont permis à certains Etats
d'identifier les problèmes posés et d'y trouver au moins une
ébauche de solutions. Sur le plan international, des chartes et des
traités ont été signés ou sont en cours
d'élaboration. Quelques Etats19 ont même engagé
de larges consultations et sollicité des avis d'experts pour
répondre à des questions comme l'applicabilité du droit
positif au réseau Internet, ses implications sur les règles de
droit préexistantes, les modalités les plus appropriées
pour la régulation et la limitation du contenu illicite d'Internet ou la
sécurité des transactions en ligne. Les efforts se sont
diversifiés et ont eu des échos au sein de certaines instances
internationales. Ainsi, par exemple, les Etats du Conseil de l'Europe ont
adopté une convention contre la cybercriminalité20.
Il apparaît donc que la sauvegarde des Droits de
l'Homme, outre les nombreux écueils, devra compter avec les obstacles
résultant du développement de l'internet. Pourtant, d'un autre
point de vue, Internet semble être une chance pour les Droits de l'Homme.
Son universalité, sa facilité d'accès en termes de
disponibilité et de faiblesse (même relative) de coût, sa
pluridisciplinarité sont autant d'atouts pour son utilisation en faveur
des Droits de l'Homme. L'accès à l'Internet n'est-il pas
lui-même un droit de l'homme, le sacre de la liberté d'opinion et
d'expression ? Il s'agit, en tout cas actuellement, d'un instrument
privilégié d'expression et de communication. Quelle est donc
finalement l'influence du réseau Internet sur l'effectivité des
Droits de l'Homme ? Cette influence peut être positive ou
négative. En effet, les intervenants du réseau Internet ne sont
pas animés des mêmes intentions. D'aucuns y mènent des
activités saines mais d'autres agissent avec malveillance ou ont des
activités de
18
En 2000 a été organisée à Bamako
(Mali) une rencontre internationale dénommée « Bamako 2000
» sous l'égide d'un réseau d'associations consacrées
aux Nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette
rencontre s'inspire de la Rencontre mondiale sur les NTIC qui a lieu à
Genève (Suisse) tous les quatre ans depuis 1995.
19 Ce fut le cas de la France avec la mission
confiée au député Christian Paul
nature à troubler l'ordre public ou à porter
préjudice même non intentionnellement. Le fonctionnement technique
et la technologie mêmes de l'internet peuvent être sources de
nuisance aux Droits de l'Homme21. L'influence négative
l'emporte-t-elle cependant sur les aspects positifs, comme on le redoute assez
souvent ?
Il est important de répondre à ces questions si
l'on considère l'effervescence née de l'avènement du
réseau Internet du point de vue des Droits de l'Homme. Les effets
négatifs ont été les premiers mis en relief mais à
l'analyse on s'aperçoit des formidables aspects positifs de l'internet
pour la promotion et la protection des Droits de l'Homme. Il apparaît
ainsi que son influence sur les Droits de l'Homme est double (première
partie). Il est cependant important d'évaluer les solutions
jusque-là envisagées ou mises en oeuvre pour atténuer et
encadrer les menaces portées par le réseau Internet
(deuxième partie).
20 Conseil de l'Europe - STE no. 185 - Convention sur
la cybercriminalité Budapest, 23.11.2001
21 Nous pouvons, à cet égard, citer, en
attendant d'approfondir la question ultérieurement, les cookies
ou le prélèvement des données à caractère
personnel
PREMIERE PARTIE : LA DUALITE DE L'INFLUENCE DU RESEAU
INTERNET SUR LES DROITS DE L'HOMME
L'Internet relie en temps réel22 des
individus se situant aux antipodes comme le téléphone, ou
transporte d'un bout du monde à l'autre des sons et des images
animées d'une scène23 comme la
télévision. Il se distingue cependant du téléphone
et de la télévision (et de tous les moyens de communication de
masse qui l'ont précédé) par son interactivité, son
dynamisme, sa permanence et surtout sa capacité inégalée
de stockage24. En plus, les informations en ligne sur l'internet
peuvent être consultées à tout moment - assez souvent
gratuitement - contrairement à la télévision assujettie
à la programmation des éléments diffusés et au
téléphone qui n'a aucune vocation au différé.
Cette particularité, sans être l'explication
principale, rejaillit sur les impacts du réseau. Les questions de
sécurité, d'atteinte à l'honneur et à la
dignité des citoyens, de violation des droits fondamentaux recouvrent
des relents différents lorsqu'elles se posent par rapport à
l'internet. La faculté de propagation est immense et le préjudice
multiplié. Une photographie représentant un individu en une
attitude impudique, si elle a été publiée dans les
colonnes d'un journal même des plus répandus au monde, sera
portée à un nombre réduit de personnes en comparaison avec
la mise en ligne de la même photographie sur un site du web. Cette
photographie sera instantanément disponible à Bamako comme
à Taipei ou à Ottawa. La capacité de nuisance du
réseau Internet est donc très forte.
Si, par contre, au lieu d'une photographie qui fait scandale,
il s'est agi de la publication du texte d'un jugement de condamnation d'un acte
de violation des Droits de l'Homme, de la même manière que la
photographie, il aurait aisément fait le tour des continents, portant
ainsi de loin en loin le triomphe des Droits de l'Homme. Les retombées
positives pour la promotion et la protection de ces Droits seront donc
immenses. Il apparaît dès lors que, même si à un
moment donné, l'attention s'est cristallisée sur les menaces
qu'il induit sur les Droits de l'Homme (chapitre 1er), l'internet
exerce sur ces Droits une influence positive certaine en contribuant notamment
à leur renforcement (chapitre 2).
22 La liaison en temps réel est possible par
les interfaces de discussion comme les « Chats »
23 Possible sur le web mais en
différé
24 Voir note 13 supra
CHAPITRE I : L'INFLUENCE NEGATIVE : LES MENACES
Il est des aspects de la marche du réseau Internet qui
affaiblissent les valeurs et principes défendus par tout le
système (dans ou hors le cadre des Nations Unies) de la promotion et de
la protection des Droits de l'Homme, à savoir la sauvegarde de la
dignité humaine pour l'épanouissement de l'Homme. Les menaces du
réseau peuvent être dirigées contre un
individu25 ou un groupe d'individus26 identifiés
ou non par rapport à des critères proscrits comme la race,
l'ethnie, l'origine sociale ou nationale. Elles peuvent être le
résultat d'un comportement conscient tendu spécialement vers la
violation des droits fondamentaux de l'homme ou dériver d'un
comportement exempt de toute malveillance mais potentiellement attentatoire aux
droits et libertés.
La plupart des droits et libertés consacrés par
les instruments internationaux de protection des Droits de l'Homme sont
susceptibles d'atteinte sur ou par l'internet. La vie privée en ses
expressions diverses, consacrée en cascade par les textes
internationaux, régionaux et nationaux27, est la
sphère où les méfaits de l'internet ont été
commentés avec une certaine dose émotionnelle. Cependant, les
affaires de moeurs, mettant en cause le droit à la dignité,
à l'inviolabilité de la personne humaine et à la
sécurité, ont tout aussi ému les opinions et frappé
les esprits. La collecte d'informations à caractère personnel (ou
données personnelles) reste sensible, car elle pose la question de
l'équilibre à rechercher et à maintenir entre la
nécessaire protection de la vie privée et l'indispensable besoin
de poursuite des comportements répréhensibles28. En
effet, la commission sur l'internet de diverses infractions, facilitées
par les possibilités techniques offertes par l'informatique et
l'interconnexion des réseaux, a soulevé des inquiétudes
qui demeurent vives, car il s'agit bien d'une réalité
concrète. Ces inquiétudes ont été amplifiées
par la difficulté d'identifier physiquement, territorialement et
juridiquement les auteurs des indélicatesses.
Les atteintes aux Droits de l'Homme par ou sur l'internet sont
donc de nature civile (section 1ère), ou de nature
pénale (section 2).
25 Comme dans l'affaire Linda L oil une femme a vu
portées des atteintes à son droit au respect de sa vie
privée
26 Comme dans l'affaire de Yahoo inc où c'est
l'interdiction de la discrimination raciale qui était violée par
les organisateurs de la vente aux enchères publiques d'objets nazis ou
l'apologie par eux nourrie de l'antisémitisme
27 Article 19 de la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme du 10 décembre 1945; article 13 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen, article de
la charte africaine dans droits de l'homme et des peuples
Section I: Les atteintes de nature civile
La méconnaissance du droit au respect de la vie
privée (paragraphe 1er) et la collecte des données
personnelles (paragraphe 2) sont les atteintes de nature civile les plus
courantes sur l'internet.
Paragraphe 1er : Les atteintes à la vie
privée
Il est utile, meme compendieusement, d'illustrer la notion de vie
privée avant de s'appesantir sur les nuisances qu'elle subit du fait de
l'Internet.
I. La notion de vie privée :
A. Le fondement du droit au respect de la vie
privée
Le droit à la vie privée est consacré
par les textes internationaux des droits fondamentaux de l'Homme. La
Déclaration universelle des droits de l'Homme y consacre son article 8
qui indique que chacun a le droit à la protection de sa vie
privée. La convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et du Citoyen, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
et la convention interaméricaine des droits de l'Homme y consacrent au
moins une disposition. Il s'agit donc d'un droit fondamental de l'homme
universellement reconnu et défendu sur un pied d'égalité
avec les autres droits fondamentaux. C'est un attribut normal de la
dignité de la personne humaine. On comprend donc qu'au plan interne,
meme si certains Etats n'ont aucune disposition nationale y
relative29, la plupart des Etats aient érigé en
principe la protection de la vie privée30. Cette protection
vaut à l'encontre de toute forme d'agression. Elle est opposable
à l'Etat et aux citoyens qui, s'ils sont fautifs, s'exposent à
des sanctions consistant en une réparation civile sous la forme de
dommages et intérêts31.
B. Le contenu du droit au respect de la vie
privée
Il n'existe pas de définition légale du droit
à la vie privée. Ni les instruments internationaux ni les textes
nationaux n'en offrent. Le droit à la vie privée a donc
été défini empiriquement par la jurisprudence qui, au lieu
d'une définition formelle, a progressivement dégagé les
caractéristiques de la vie privée.
28 Rapport sur « La société de
l'information »
29 Exemple : le Mali n'a, en matière civile,
aucune disposition se rapportant à la vie privée ; cependant le
code pénal punit sévèrement les atteintes au secret de la
vie privée.
30 exemple : article 9 du code civil
français.
La doctrine propose plusieurs définitions, variantes
mais sans contradiction. Ainsi, pour Juliette LENFANT la vie privée est
« cette part de la vie de la personne qui doit rester à l'abri du
regard inquisitorial des autres personnes et de la puissance
publique32 ». Guy BRAIBANT indique que « les
éléments qui ont trait à l'individu et à sa vie
familiale entrent dans le cadre de la vie privée33 ». Il
oppose vie privée (protégée et défendue) et vie
professionnelle (non protégée).
D'après Juliette LENFANT, la vie privée s'entend
dans un triple sens : un premier sens territorial34 ; un second sens
de la protection des personnes35 et un troisième sens de vie
privée informationnelle, « l'information de caractère
personnel étant propre à l'intéressé qui est libre
de la communiquer ou de la taire36 » . Rendant compte de la
diversité des approches des auteurs, elle conclut que la loi entend
protéger d'une part la liberté de la vie privée et d'autre
part le secret de la vie privée et que cette seconde valeur est celle
qui est susceptible d'être affaiblie par les menaces de l'internet.
La vie privée paraît donc avoir des
frontières étendues et élastiques. Sur l'internet, les
menaces susceptibles de l'affecter sont nombreuses et la plupart des services
de ce réseau sont des menaces potentielles. Le web -- grace à ses
innombrables pages d'informations diverses -- ainsi que les forums et listes de
diffusion -- où des internautes viennent exprimer leur opinion -- sont
les services où, de façon active, la vie privée peut titre
violée. Par contre, le courrier électronique est une voie passive
de violation de la vie privée en ce sens que c'est son interception pour
diverses raisons et par divers procédés qui viole le secret de la
vie privée de son titulaire.
La vie privée ayant un contenu mouvant, les atteintes
qu'elle peut subir sur l'internet sont variées.
32 J. LENFANT : Le droit à la vie
privée s' étend-il à l'utilisation du courriel par un
employé dans le cadre de ses fonctions ? mai 2000, en ligne sur le
site
www.juriscom.net
33 Rapport sur « Les données personnelles
et la société de l'information » sous la direction de G.
BRAIBANT, 3 mars 1998, page 6
34 Le cadre territorial de la famille,
c'est-à-dire la demeure d'un individu délimite la sphère
de sa vie privée
35 Les personnes sont protégées contre
les immixtions des autres dans leur vie privée
36 K. BENYECKHNEF : La protection de la vie
privée dans les échanges internationaux d'information,,
édition Thémis, 1992, cité par J. LENFANT op. cit.
page 8
II. Les manifestations des atteintes à la vie
privée sur Internet
De la grande enveloppe de la vie privée, nous entendons
extraire les aspects relatifs aux données personnelles pour les
étudier à part. En effet, ces données ont effectivement
trait à la vie privée mais la notion de données
personnelles, plus large37, déborde celle de la vie
privée.
Pour l'essentiel, les atteintes portées à la vie
privée se cristallisent autour de la protection du droit à
l'image et du secret des correspondances.
A. La mise en cause du droit à l'image :
Le droit à l'image est un droit extrapatrimonial, une
composante du droit à la vie privée. Il doit donc être
respecté. Le non-respect en est sanctionné par l'allocation des
dommages et intérêts et dans certains cas par une sanction
pénale.
Il apparaît en filigrane des dispositions
internationales relatives à la protection de la vie privée. C'est
donc un droit fondamental.
Sur l'internet, ce droit peut être affecté par
une diffusion non autorisée sur les sites web. Le procédé
ressemble à celui de la presse ou de la télévision. Encore
une fois, la particularité du cas de l'internet tient à son
étendue et son accessibilité vraiment plus importantes que celles
de la presse ou de la télévision.
Les tribunaux ont eu à connaître de telles
affaires et ont estimé que la protection de la vie privée par
l'interdiction de publier les images des personnes sans leur permission
s'applique sur l'internet et reste soumise aux dispositions du droit commun
relatives à la responsabilité civile. Dans une affaire bien
connue sur l'internet, une juridiction a affirmé que « toute
personne a sur son image et l'utilisation qui en est faite un droit absolu qui
lui permet de s'opposer à sa fixation, sa reproduction et sa diffusion,
sans son autorisation expresse et ce indépendamment du support
utilisé38 ».
37 Voir Rapport Braibant, op. cit. page 6
38 TGI de Nanterre (France), jugement du 8 decembre
1998, Affaire Linda L. Dans cette affaire avaient ete publiees sur cinq sites
heberges par quatre fournisseurs differents des photographies representant la
nommee Linda L. entièrement ou partiellement dévitue, poses
qu'elle avait faites quelque dix ans auparavant pour un magazine
spécialisé alors qu'elle exerçait la profession de
mannequin. N'ayant pas autorisé les publications qui en ont ete faites
sur lesdits sites, elle agissait en reparation contre les hebergeurs des sites.
Le Tribunal retenait la responsabilite de ces derniers sur le fondement de
l'article 9 du code civil (siège du droit au respect de la vie
privée en droit français) et de l'article 1382 du mrme code
relatif à la responsabilité civile pour faute.
Certes, sur appel d'une des « societes hebergeurs »
de sites, l'arrIt du 8 juin 2000 de la Cour d'Appel de Versailles a exonere de
responsabilite cette societe mais na pas exclu le principe de la responsabilite
civile des
Dans une espèce semblable39, l'auteur de la
publication d'une photographie représentant une jeune femme en une
attitude lascive (rehaussée par des manipulations numériques)
s'est vu déclaré pénalement et civilement responsable.
B. La violation du secret des correspondances :
Le secret des correspondances est garanti au travers de la
protection de la vie privée comme étant un pendant
nécessaire du secret de cette vie. La plupart des législations
répriment sévèrement la violation du secret des
correspondances40.
Le réseau Internet, en vérité, ne pose
pas de questions nouvelles, sauf que sa nature amplifie un problème
déjà connu et lui attribue de nouvelles dimensions, plus grandes
que celles qu'il a dans le cadre de la Poste ou des
télécommunications classiques.
Le courrier électronique est le service du
réseau Internet qui a le plus d'implications dans le domaine du secret
des correspondances. C'est, avec le web, le service le plus connu41
et le plus utilisé. Il est utilisé comme moyen de transmission de
courrier entre deux personnes (comme à la Poste) mais il est
également sollicité par d'autres services Internet comme les
forums de discussion et les listes de diffusion.
Il est naturel que les principes de l'interdiction
d'accéder à un courrier adressé à autrui soient
applicables sur l'Internet. La mise en oeuvre de cette interdiction se
révèle cependant particulièrement malaisée. La
difficulté tient à la technologie même du réseau. En
effet, un message électronique (courrier électronique, e-mail ou
mél42) transite nécessairement par le serveur du
fournisseur d'accès gérant le service du courrier. Le
destinataire, pour prendre connaissance de son message, le
télécharge à partir du disque dur de l'ordinateur de ce
fournisseur. Celui-ci a tout loisir d'y accéder et d'en avoir toutes
utilisations, m8me à l'insu de l'émetteur et du destinataire. On
comprend aisément l'ampleur et la gravité de la question.
Evidemment, vu le nombre élevé des messages stockés, les
fournisseurs d'accès n'ont pas la possibilité matérielle
de les tous lire mais la possibilité technique demeure et peut
être
intermédiaires techniques, car il énonce
que ladite société n'est pas responsable pour n'avoir pas
commis de faute, ce qui laisse entendre que sa responsabilité serait
engagée dans le cas contraire.
39 En guise de vengeance contre sa petite amie, un
jeune homme avait publié sur le web une photographie suggestive de cette
dernière, agrémentée de quelques commentaires insidieux
sur ses moeurs. Il a été condamné à
l'emprisonnement avec sursis, à l'amende et à des dommages et
intér~ts,
Voir E. de MARCO : Le droit pénal applicable sur
Internet, mémoire, 1998, 100 pages, en ligne sur le site
www.juriscom.net
40 Article 37 du code pénal malien punit les
atteintes à la correspondance privée de deux ans
d'emprisonnement
41 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, Commerce
électronique et données personnelles, mémoire, page
21
42 Sur le site
www.foruminternet.org
l'expression consacrée pour désigner le message
électronique est celle de « mél a» recommandée
par l'Académie française (comme l'indiquent Ph. BISIAUX et F.
MONEGER op. cit. cit.) page 21)
utilisée à des fins
spécifiques43. Cette réalité a certes des
avantages (notamment en matière de recherche d'infractions44)
mais au plan de la protection des Droits de l'Homme elle conduirait à un
désastre si un usage malveillant devait en être fait.
En définitive, l'Internet pose, outre la question du
secret des correspondances, celle de leur sécurité et toutes les
deux questions ont des implications sur la protection des Droits de l'Homme.
Le secret des correspondances se pose en termes
particulièrement sensibles dans les relations de travail entre
employeurs et employés. La question est de concilier le respect de la
vie privée du travailleur et l'exercice par l'employeur de son droit de
propriété et de son pouvoir de direction. D'une part, le
travailleur a-t-il le droit d'utiliser à ses fins personnelles le
réseau Internet installé par son employeur pour l'utilité
de l'activité professionnelle de l'entreprise ? D'autre part,
l'employeur a-t-il le droit d'accéder aux messages personnels des
travailleurs sans violer leur droit au respect de leur vie privée ?
La jurisprudence française privilégie le respect
du droit à la vie privée du travailleur même sur les lieux
du travail et sur les installations techniques de l'employeur pendant que la
jurisprudence américaine ne reconnaît au travailleur aucune vie
privée sur son lieu de travail où prédomine le droit de
propriété de l'employeur. La jurisprudence canadienne
(québécoise plus exactement) défend le droit du
travailleur à « une expectative raisonnable de vie privée
»45 et admet, sous certaines limites, l'usage par lui de
l'Internet dans son entreprise à ses propres fins.
A l'analyse, la position française semble très
fortement protectrice du droit fondamental du travailleur à une vie
privée et ignore le droit tout aussi fondamental de l'employeur à
exercer son droit de propriété. Quant à la position
américaine, elle célèbre le droit de
propriété et sacrifie le droit du travailleur à une vie
privée. C'est l'approche canadienne qui semble titre la moins
déséquilibrée, car elle protège non seulement le
droit au respect de la vie privée du travailleur en lui reconnaissant le
droit de s'attendre à un minimum de vie privée sur son lieu
43 Ayant conscience de ces dangers les fournisseurs
d'accès membres de l'Association des Fournisseurs d'Accès
jà Internet et aux services en ligne sont convenus d'effacer les
messages aussitôt qu'ils ont été
téléchargés par le destinataire. Cependant, dans la
pratique les messages ne sont effacés qu'environ deux jours plus tard.
Voir Rapport du Conseil d'Etat sur Internet et les réseaux
numériques, page 20
44 Certains auteurs citent l'affaire dans laquelle le
premier responsable de The Microsoft corporation a été
démasqué grâce à ses e-mails. Voir,
45 J. LENFANT, op.. cit., pages 15-22
de travail mais aussi le droit de propriété de
l'employeur en lui permettant de licencier des travailleurs qui abuseraient de
l'usage de l'Internet au préjudice de son employeur46.
Le réseau Internet porte atteinte à d'autres
secrets tout aussi essentiels au respect de la vie privée que le secret
des correspondances et le droit à l'image. C'est notamment le cas de la
divulgation de secrets médicaux ou d'imputations diverses.
C. La divulgation des secrets
Les informations relatives à l'état de
santé, au passé judiciaire, aux situations matrimoniale,
patrimoniale voire professionnelle gagneraient à demeurer
secrètes parce qu'elles se rattachent à la personnalité de
l'individu. La rapidité de la circulation de l'information sur le
réseau Internet devient fortement préjudiciable si volontairement
ou malencontreusement de telles informations étaient diffusées
sur le web. Une telle question a été posée à
l'occasion de la publication d'un livre sur la santé de l'ancien
Président de la République française feu François
MITTERAND. La vente du livre ayant été interdite, un internaute
l'a diffusé sur le web à partir de son site47
personnel. Un tel comportement est hautement attentatoire au droit au respect
de la vie privée et viole donc les Droits de l'Homme.
Les auteurs du Rapport BRAIBANT estiment que, sauf
malveillance ou manipulations frauduleuses, les informations relatives à
la vie professionnelle et la situation patrimoniale ne sont pas couvertes par
le secret et peuvent donc être publiées, qui plus est si elles
concernent une personnalité publique48. Ces informations sont
des données personnelles dont la question reste sensible en raison de
l'ampleur de leur collecte et de l'usage qui en est fait.
Paragraphe 2 : Les données personnelles
La protection des données personnelles est une exigence
de la sauvegarde de la liberté et du secret de la vie privée. Il
s'agit bien d'un Droit fondamental de l'Homme d'autant que les données
personnelles recouvrent en partie la vie privée et la portion qui
l'excède renvoie « à d'autres droits fondamentaux comme les
droits sociaux, ou à la protection d'informations spécifiques
(secret de santé, secret bancaire)49 ». La gestion des
données personnelles a donc des liens certains avec la protection et la
promotion des droits fondamentaux de
46 Voir J. LENFANT, op. cit, page 2
47 Ph. BISIAUX et F. MONEGER Commerce
électronique et données personnelles, 1998, mémoire,
en ligne sur le site
www.juriscom.net
48 Rapport Braibant sur Internet et les
données personnelles, op. cit.
49 Rapport BRAIBANT, op. cit., page 7
l'Homme. Il est dès lors important de les définir
et de mettre en relief les atteintes faites aux droits de l'Homme par leur
truchement.
I. La notion de données personnelles
L'expression de donnée personnelle ne figure dans
aucune convention internationale relative aux Droits de l'Homme mais les
dispositions relatives au droit à la vie privée les recouvrent en
grande partie d'autant que certaines d'entre elles y sont relatives
(informations médicales, religieuses, philosophiques, sociales,
patrimoniales, matrimoniales...). La plupart des législations nationales
ne les définissent pas non plus50 pendant qu'elles sont
solidement ancrées dans d'autres législations comme celle de la
France51.
A. Définition :
La première définition officielle des
données personnelles a été proposée par la loi
française du 6 janvier 1978 sur l'informatique, les fichiers et les
libertés. Cette loi énonce que les données personnelles
sont « toutes informations qui permettent sous quelque forme que ce soit,
directement ou non, l'identification des personnes physiques auxquelles elles
s'appliquent ». Recourant à des termes voisins, la Convention du
Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 sur la protection des personnes contre
le traitement automatisé des données à caractère
personnel dispose que « toute information concernant une personne physique
identifiée ou identifiable » est une donnée à
caractère personnel. Cette définition a été
intégralement reprise par la directive communautaire de 1995 en son
article 2a. Philippe BISIAUX et Frédéric MONEGER soulignent
à bon escient que « les deux définitions sont en
réalité très proches52 », car elles se
rapportent à la notion d'information et mettent l'accent sur
l'identification des personnes grace à ses informations.
L'expression de « données à
caractère personnel » des textes communautaires européens et
celle de « données nominatives » de la loi française
sur l'Informatique, les Fichiers et les Libertés recouvrent le
même contenu que celle de « données personnelles »
couramment usitée et renvoient à des figures de plus en plus
complexes dans le contexte du réseau Internet.
50 Au Mali, par exemple, la notion de
données personnelles en tant qu'entités à préserver
n'existe pas dans le droit positif. On ne peut recourir aux règles de
réparation de préjudice pour mettre en jeu la
responsabilité des manipulateurs malveillants de ces données. En
toute occurrence, aucune règle n'est édictée pour leur
collecte, leur diffusion, leur utilisation ou leur conservation.
51 La notion de données personnelles a son
siège dans la loi de 1976 relative aux fichiers et aux libertés
dont la mise en oeuvre est étroitement surveillée par la
Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (C.N.I.L),
organisme administratif créé par la loi elle-même.
52 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, op. cit., page 9,
mémoire disponible en ligne sur le site
www.juriscom.net
B. Enumération
Les données à caractère personnel sont
d'énumération exhaustive impossible. Michel VIVANT (Lamy du droit
de l'informatique et des réseaux53) les regroupe en
données manifestement nominatives, données indirectement
nominatives et données au caractère nominatif moins
affirmé.
Les données manifestement nominatives sont toutes
celles qui sont relatives à l'état de santé, aux
informations sur les clients, les fournisseurs, les sous-traitants et autres
intermédiaires, à la situation économique des personnes
physiques ou morales, aux informations sur les opinions religieuses,
l'appartenance politique ou syndicale, les origines sociales ou ethniques.
Les données indirectement nominatives sont celles dont
le caractère personnel n'apparaît que sous des conditions comme
l'importance de volume, la répétition de leur collecte ou l'usage
qui en est fait. Il s'agit par exemple du « fichier central des
dispositions de dernières volontés », des renseignements sur
l'état civil des femmes ayant subi l'interruption volontaire de
grossesse.
Enfin, les données dont le caractère nominatif
est moins affirmé sont celles qui ne sont considérées
telles qu'à la suite d'un étirement de la notion, comme en
matière d'écoute téléphonique des employés
au moyen d'un badge électronique.
Cette classification reste valable par rapport à
l'Internet meme si certaines manipulations y deviennent plus faciles et plus
dangereuses pour les Droits de l'Homme.
II. Les atteintes aux Droits de l'Homme par le
traitement des données personnelles : les dangers de la collecte des
données personnelles sur l'Internet
Le traitement des données personnelles est une
réalité ambivalente au regard des Droits de l'Homme, car d'une
part elles sont utiles à plusieurs titres et d'autre part elles sont de
nature à porter préjudice aux personnes concernées.
A. Le courrier électronique :
53 Lamy Droit de l'informatique et des réseaux,
op. cit., pages 315-316
C'est le premier service du réseau Internet par lequel
les informations sur les utilisateurs d'Internet sont constituées en
bases de données. En effet, à l'ouverture d'une boîte
électronique -- qu'elle soit payante ou gratuite --, l'impétrant
remplit un formulaire portant sur des renseignements relatifs à sa
personne et à sa vie privée (état civil, profession,
domicile, nationalité...). Ces informations sont stockées chez le
fournisseur de service pour constituer une base de données.
En outre, c'est par l'adresse e-mail que l'internaute est
identifié à l'occasion de tous ses échanges sur
l'Internet. Il est vrai que les internautes sont plutôt enclins à
fournir de faux renseignements sur eux-mêmes54, mais leur
adresse e-mail reste un identifiant suffisant, car elle est forcément
unique sur l'ensemble du réseau. L'adresse e-mail est donc
elle-même une donnée personnelle d'autant qu'elle permet
d'identifier les personnes. Or, il existe des logiciels qui permettent de
rechercher et de retrouver des adresses e-mail de tous internautes. Ainsi, des
messages publicitaires, des offres de transactions commerciales mais aussi des
propositions fantaisistes55 sont envoyés dans les
boîtes électroniques sans l'accord préalable de leurs
titulaires, les troublant ainsi dans leur quiétude.
B. Les navigations sur le web :
Elles donnent également lieu à constitution de
données personnelles à des fins diverses. La collecte de
certaines données sont automatiques et sont en principe
dégagées de tout risque pour les droits de l'utilisateur du
service Internet. C'est le cas des heures de connexion qui permettent au
fournisseur d'accès d'établir sa facture, encore qu'elles peuvent
titre utilisées à d'autres fins comme une enqutite judiciaire,
par exemple. D'autres manipulations sont plus inquiétantes. En effet,
sur certains sites commerciaux, les fournisseurs d'accès enregistrent
les préférences montrées par l'internaute : sites
visités, types de renseignements recherchés, achats
effectués, services demandés, modes et moyens de paiement
utilisés, fréquence de connexion. Ces informations,
fichées, épluchées et étudiées, sont
censées aider les sociétés commerciales à dresser
le profil du consommateur en vue de lui proposer des produits et des
54 Le rapport indique que 40% des internautes
fournissent de faux renseignements aux questions qui leur sont posées
sur leur situation personnelle ;
Voir également Ph. BISIAUX et F. MONEGER qui reconnaissent
que les internautes ne donnent pas des informations exactes sur
eux-mêmes
55 Des messages parviennent souvent dans les
boîtes électroniques et proposent au titulaire une « affaire
juteuse » : en réalité, ce sont des tentatives d'arnaque par
lesquelles d'individus peu scrupuleux, en affriolant par des propositions
mirobolantes, tentent de soutirer de l'argent à leur interlocuteur
contre une promesse savamment miroitée de gain au centuple.
services personnalisés en fonction de ses
préférences de qualité, de goût et de prix. Ainsi
sont nés les spams56 (publipostages non sollicités),
agressifs s'il en est.
S'il apparaît qu'une telle initiative peut contribuer au
développement du commerce électronique, il n'en est pas moins
qu'elle est susceptible de gravement porter atteinte aux droits fondamentaux de
l'internaute en tant que consommateur et personne humaine, d'autant qu'il est
épié dans ses mouvements et se voit proposés des produits,
services et marchés qu'il n'a pas sollicités.
Il est également possible, sur le web, de reconstituer les
traces d'un internaute pendant toute la durée et sur tous les
dédales de sa connexion57.
C. Le cookie :
Le cookie passionne beaucoup sans etre finalement aussi
pernicieux. Il s'agit, en effet,
d' « un petit fichier pesant guère plus d'une
dizaine d'octets qui est stocké sur le disque dur d'un ordinateur
client. Il est utilisé pour identifier l'ordinateur ou les
préférences de l'utilisateur vers un poste serveur, et peut
servir alors de marqueur pour suivre le cheminement de l'utilisateur sur un
site Web. Plus techniquement, il s'agit d'un enregistrement d'informations par
le serveur dans un fichier texte situé sur l'ordinateur client,
informations que ce même serveur (et lui seul) peut aller relire et
modifier ultérieurement. »58 C'est le cookie qui permet
la personnalisation des services telle que ci-dessus décrite. S'il n'est
en lui-même pas une donnée personnelle, il est évident
qu'il se rapporte à des données ayant ce caractère et elle
peut, par conséquent, influer sur l'exercice serein par l'internaute de
son droit à la sécurité. En effet, les données sont
recueillies sans son aval et les parades techniques au cookie ne font que
conforter cette vue, car elles consacrent indirectement le droit des
fournisseurs d'accès à éditer des cookies à leur
guise59.
En définitive, le traitement des données
personnelles sur l'internet comporte des périls sur la jouissance par
les citoyens de certains de leurs droits fondamentaux. Les droits les
plus couramment menacés sont le droit au respect de la vie
privée, le droit à l'image, le droit à la
56 Les spams sont des messages électroniques
parvenus dans une boîte électronique sans l'assentiment du
titulaire de la boîte. Ils sont souvent inoffensifs mais participent
quelquefois d'une tentative d'arnaque. Certains individus malveillants,
en effet, y recourent pour faire des propositions aguichantes mais trompeuses
à des titulaires de boîtes électroniques dont ils se
procurent les adresses e-mail sur le web grâce à des logiciels ou
sites spécialisés dans la recherche des adresses e-mail.
57 La CNIL, sur son site
www.cnil.fr, montre comment les
traces d'une connexion peuvent ~tre recueillies et reconstituées. Son
procédé fait ressortir : durée de la connexion, adresse
IP, sites visités successivementW
58 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, op. cit.
liberté de conscience et d'opinion et le droit à
la sécurité. Il est vrai que les études mettent en
lumière les nombreux avantages du traitement des données
personnelles sur Internet notamment, mais ces avantages ne sauraient justifier
les atteintes possibles et parfois avérées aux droits
fondamentaux de l'Homme. La dignité de l'Homme, sous-jacente à
tous les régimes de protection de ces droits, est mise à mal sur
l'internet. Plus que les atteintes au droit à la vie privée, il
est des infractions commises grâce à Internet ou par lui
facilitées qui menacent sévèrement la dignité de
l'Homme en violant son droit à la sécurité, à la
protection de ses moeurs et de son patrimoine.
Section II : Les menaces aux Droits de l'Homme par les
infractions commises sur Internet.
La palette des atteintes portées aux Droits de l'Homme
sur le réseau Internet est riche. La tendance s'amplifie au fur et
à mesure que se développe le réseau. Si certains
comportements malveillants ne sont possibles que sur Internet (paragraphe
1er), d'autres ne font que bénéficier des
facilités du réseau (paragraphe 2).
Paragraphe 1er : Les infractions propres au réseau
Internet
Les infractions propres au réseau se distribuent entre les
atteintes à son intégrité d'une part et les diverses
fraudes informatiques.
A. Les atteintes à l'intégrité du
réseau
Ces atteintes ne sont possibles que par et sur le
réseau lui-même. Elles sont si pernicieuses que les
législations nationales60 et les conventions
internationales61 se sont adaptées à leur
prévention, leur recherche et leur répression. La Convention sur
la cybercriminalité du Conseil de l'Europe, par exemple, définit
les atteintes à l'intégrité du réseau comme «
une entrave grave, intentionnelle et sans droit, au fonctionnement d'un
système informatique, par l'introduction, la transmission,
l'endommagement, l'effacement, la détérioration,
l'altération et la suppression de données informatiques »
induisant des dysfonctionnements ou l'arrêt du fonctionnement du
système sur tout le réseau ou sur un seul noeud voire un seul
terminal.
59 Il existe, en effet, des logiciels
développés notamment par le navigateur du Web Netscape
qui permettent à l'internaute de refuser de recevoir des cookies mais
alors il ne pourra pas accéder à toutes les informations
disponibles sur les sites visités
60 Par une loi du 27 août 2001 portant code
pénal, le Mali, pour la première fois, légiférait
en matière d'atteinte au système informatique
61 La convention sur la criminalité donne des
directives aux Etats membres en matière de répression des
infractions portant sur les réseaux informatiques, y compris
l'Internet.
Ne se souvient-on pas de l'affaire « I love you »
qui avait défrayé la chronique en 1999. Seule l'interconnexion
des réseaux permet à une telle malveillance de se ramifier et de
poser ses tentacules en de si nombreux et éloignés points du
globe. Diffuser des virus sur les terminaux interconnectés est, en
effet, une atteinte à la liberté des autres et surtout une
négation de leur droit de propriété.
B. Les fraudes informatiques :
Les fraudes informatiques sont diverses et concernent tous
réseaux informatiques. Le réseau Internet peut donc en
pâtir. Il s'agit par exemple, d'après certains codes
pénaux62, de :
- l'accès illicite à un système
automatisé de traitement de données, - l'entrave portée au
fonctionnement d'un tel système,
- l'introduction illicite de données dans un tel
système ou leur suppression sans droit. Paragraphe 2 :
Les infractions classiques commises sur Internet
Nombreuses sont les infractions pénales classiques qui
peuvent être commises sur Internet. Le réseau ne joue alors que le
rôle passif de fervent, de milieu favorable. Nous avons
déjà évoqué les atteintes sur le réseau
à la vie privée et aux données personnelles en violation
du droit au respect de la vie privée.
Toute une ribambelle d'autres infractions peuvent être
commises sur Internet, comme l'outrage aux moeurs, la pédophilie, les
discriminations diverses, la diffamation, l'injure, l'escroquerie, l'abus de
confiance, le faux, l'usage de faux, la provocation à la haine (raciale,
religieuse63, sociale, nationale), les infractions contre les
marques et les oeuvres de l'esprit (propriété intellectuelle). La
liste ne saurait se prétendre exhaustive.
Ces infractions portent atteinte à des droits
fondamentaux comme le droit à la propriété, le droit
à la liberté d'entreprise, le droit à la protection des
moeurs (spécialement défendu par la Charte africaine des droits
de l'Homme et des Peuples du 21 juin 1981 en son article 17 qui évoque
le « droit à l'éducation et à la protection de la
morale et des valeurs reconnues par la communauté »64 )
et, de façon générale, au droit à la
sécurité reconnu et garanti par les instruments internationaux.
Elles enfreignent également des principes fondamentaux
62 Exemple : articles 264 à 270 du code
pénal malien
63 Sur le site
www.censure.org sont
diffusées de virulentes opinions contre la religion musulmane, au nom de
la liberté d'opinion et d'expression
64 Voir K. MBAYE, op. cit., page 182
garantis comme l'interdiction des discriminations de toutes
formes, des provocations à la haine de toute nature et même celle
des traitements humiliants et dégradants dans les cas, par exemple, de
la diffusion d'images humiliantes.
Il apparaît ainsi que par les atteintes de nature civile
ou pénale, le réseau Internet est un vecteur puissant de
violation des Droits de l'Homme, tout autant d'ailleurs que, par ses nombreux
aspects positifs, il soutient ces Droits et leur assure effectivité et
en tout cas promotion et protection.
CHAPITRE II : L'INFLUENCE POSITIVE : LE RENFORCEMENT
DES DROITS DE
L'HOMME
L'influence du réseau Internet sur le Droit de
façon générale et les Droits de l'Homme en particulier a
d'abord été sentie sous un jour négatif. Les pratiques
contraires aux bonnes moeurs, en rupture avec la morale et les valeurs
sociales, ont lourdement pesé dans l'appréhension qui avait
été nourrie de prime abord. Les infractions pénales,
facilitées par la technologie et l'étendue du réseau, s'y
multiplient : pédophilie, proxénétisme, diffusion d'images
obscènes, atteintes à l'intégrité du réseau
marquent les esprits. De fait, ces inconvénients sont indéniables
mais la valeur positive du réseau - qui était évidente
dans des matières comme le commerce électronique, la circulation
de l'information et du savoir - apparaît nettement même par rapport
à la promotion, la protection, la diffusion et la mise en oeuvre des
Droits fondamentaux de l'Homme.
Le droit dont la promotion paraît la plus naturelle est
la liberté d'expression (section I) désormais facilitée et
soutenue par un vaste réseau s'étendant sur tous les continents
et disponible en continu jusque dans certains foyers. Pourtant, le
bénéfice de l'internet s'étend à d'autres droits
fondamentaux dont le moindre n'est pas le droit au développement
(section II) qui trouve là un terreau favorable à son expansion
et à sa concrétisation au moins partielle.
Section I : L'épanouissement de la
liberté d'expression
La liberté d'expression, dans la protection des Droits
de l'Homme, occupe une place importante même si elle n'est pas dans le
« noyau dur » des Droits fondamentaux. Il est donc d'un
intérêt certain et tout ce qui contribue à favoriser,
asseoir, renforcer et conforter son essor participe du progrès humain et
du renforcement de la démocratie. Les Etats, à travers les
instruments internationaux, y accordent une attention soutenue (paragraphe
1er). Le réseau Internet, par sa nature, contribue au
renforcement de cette liberté en facilitant l'accès à
l'information (paragraphe 2) et la défense des atteintes à la
liberté d'expression (paragraphe 3).
Paragraphe 1er : L'intérêt de la
liberté d'expression
La liberté d'expression est consacrée par tous
les textes fondateurs internationaux et régionaux des Droits de l'Homme
: article 1965 de la Déclaration universelle des Droits de
l'Homme, article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, article 13 de la Convention américaine des droits de
l'Homme, article 9 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des
Peuples.
Frédéric SUDRE rend compte de la
complexité de la texture de la liberté d'expression quand il
affirme que « la liberté d'expression est un droit hors du commun :
à la fois droit en soi et droit indispensable ou préjudiciable
à la réalisation d'autres droits (ainsi, la liberté
d'expression et d'information est nécessaire à la liberté
de réunion mais constitue une menace au droit au respect de la vie
privée) 66 ». La liberté d'expression est aux
confluents des autres droits fondamentaux : elle contribue à la
protection de certains d'entre eux et nuit à d'autres ; elle constitue
elle-m8me un Droit de l'Homme.
La démocratie -- fervent supposé ou réel
du développement -- et la pleine réalisation de la liberté
et de la dignité de l'homme exigent que celui-ci soit libre d'avoir une
opinion indépendante, de l'exprimer, de recevoir des informations de
toute nature et de les communiquer par le moyen qui lui convienne. Le
réseau Internet vient concrétiser ce droit. D'ailleurs, à
propos de moyen de communication, les auteurs de la Déclaration
universelle des droits de l'homme ont comme eu une singulière
prémonition en énonçant que la liberté d'expression
impliquait le droit de répandre les informations « sans
considération de frontières » et « par quelque moyen
d'expression que ce soit » : Internet, justement, ignore les
frontières et l'idée de sa conception n'avait pas encore
éclos en 1945.
La liberté d'expression renferme la liberté
d'opinion (induisant que nul ne puisse titre inquiété pour ses
opinions) et la liberté d'information (liberté de recevoir des
informations et de les transmettre)67 dont la réalisation se
trouve grandement facilitée sur le réseau Internet.
65 Article 19 de la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme : « Tout individu a droit à la
liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas
être inquiété pour ses opinions et celui de rechercher, de
recevoir et de répandre, sans considérations de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen
d'expression que ce soit »
66 F. SUDRE : Droit international et
européen des droits de l'homme, PUF, page 296
67 F. SUDRE, op. cit., pages 297-298
Paragraphe 2 : La facilitation de la circulation de
l'information
Le réseau Internet a une forte capacité de
stockage68 et sa structure est telle que toutes ses ressources sont
disponibles (éventuellement sous des conditions d'abonnement gratuit ou
payant) à tout moment et de tous les points du globe (pour peu que les
conditions techniques soient réunies). Le rapport BRAIBANT l'explicite
en des termes hautement expressifs, en relevant que l'internet «facilite
l'accès à l'information, tout en permettant une multiplication
exponentielle du volume et des sources des données
traitées69 ». Les informations sont donc disponibles
à tout moment. La relative faiblesse du coilt d'accès à
l'internet le met à la portée de nombreuses
personnes70
.
Les services du réseau Internet sont nombreux qui
contribuent à la circulation de l'information.
- Le courrier électronique est un moyen rapide de
communication d'informations d'une boite électronique à une
autre. La possibilité d'envoyer un même message à plusieurs
adresses est un atout sûr.
- Le web est un gigantesque stock de données de toute
nature accessibles à des conditions souvent aisées à
remplir. Certains sites sont gratuits et constituent de véritables mines
d'informations. D'autres sont payants, il est vrai, mais demeurent accessibles
et riches d'informations. Les bases de données, les
bibliothèques, les pages personnelles, les sites d'Universités ou
de centres de recherches, les moteurs de recherche71, les sites
commerciaux sont autant de lieux où les internautes ont loisir de se
rendre. Il est même remarquable qu'aujourd'hui, grace à
l'internet, les organes de presse et les particuliers puisent les informations
dans les mêmes sources disponibles en ligne.
68 Voir G. OBERTO, op. cit.
69 Rapport BRAIBANT, op. cit. page 3
70 En Afrique, en tout cas au Mali (pays
classé parmi les plus pauvres de la planète), l'internet est un
service courant (contrairement à ce qu'on pourrait penser ailleurs).
S'il est vrai que les entreprises, les services publics et les foyers
connectés ne sont pas nombreux, les cybercafés se multiplient de
manière croissante et ne désemplissent pas. Il est courant de
trouver des enfants agglutinés autour d'un écran d'ordinateur
dans un cybercafé pour simplement naviguer au gré de leur
inspiration. Le Mali a d'ailleurs en chantier la connexion des 703 Communes du
pays au réseau Internet et à cette fin a été
créée par un décret du 15 décembre 2000 une Mission
spéciale, qui est à pied d'oeuvre.
71 Giacomo OBERTO explique que les moteurs de
recherche « sont des sites spécialisés dans le catalogage
des millions de pages web qui se trouvent sur le réseau mondial. Il y a
d'abord des moteurs généralisés dont la
compétence s'étend sur tout le web, et puis d'autres
spécialisés par rapport à certaines réalités
nationales. » Voir O. GIACOMO, op. cit., page 58
Exemples de moteurs de recherche:
www.altavista.digital.com,
www.yahoo.fr,
www.lycos.de,
www.excite.com,
www.go.com
- Les forums de discussion et les listes de diffusion
également contribuent à la formation et à la circulation
de l'information.
L'internet, autant qu'il facilite la circulation de
l'information, permet aux défenseurs des Droits de l'Homme de
résister et de s'opposer à d'éventuelles atteintes
à la liberté d'expression.
Paragraphe 3 : La facilitation de la défense des
atteintes à la liberté d'expression
Les Etats sont les premiers débiteurs de l'exercice en
toute quiétude de la liberté d'expression72 et les
citoyens, individuellement et collectivement, en sont naturellement les
bénéficiaires. Grâce au réseau Internet, les
organisations internationales, les associations nationales et internationales
de défense des Droits de l'Homme, les juridictions veillant à
l'application des textes nationaux et internationaux des Droits de l'Homme
peuvent désormais être rapidement saisis des violations de la
liberté d'expression. L'Internet offre aux défenseurs des droits
de l'homme une tribune appropriée pour organiser la résistance et
imposer le respect de ce droit, en organisant par exemple des forums, en
créant des sites dédiés à des causes
déterminées, en portant l'information aux structures et
organismes habilités à défendre le respect des droits et
libertés. Le Rapport de Christian PAUL illustre avec justesse cette
force de l'internet en énonçant que « le
développement de l'internet fait donc apparaître d'importants
enjeux culturels et démocratiques. Il multiplie les capacités
d'expression et d'action des citoyens et de leurs associations. Les groupes de
discussion et le courrier électronique favorisent la mobilisation des
réseaux militants. Grace à l'internet, les mouvements de
contestation de l'Accord Multilatéral sur les Investissements ou de
l'Organisation Mondiale du Commerce ont pu se développer et la
guérilla zapatiste a pu mieux faire connaître ses
positions73 »
L'internet, en facilitant l'exercice de la liberté
d'expression, contribue au développement d'autant que la liberté
d'expression est reconnue comme étant nécessaire à la
démocratie, donc au développement. De fait, il améliore la
jouissance du droit au développement.
Section II : L'amélioration de la jouissance du
droit au développement
Paragraphe 1er : Notion de droit au
développement
Le droit au développement appartient à la
troisième génération des droits fondamentaux de l'Homme.
Il est de nature économique, culturelle et sociale. C'est un droit
à la fois individuel (bénéficiant à l'individu) et
collectif (profitant également aux peuples).
72 Voir F. SUDRE, op. cit., page
Le droit au développement est d'une définition
difficile. Kéba MBAYE le définit comme étant « la
prérogative reconnue à chaque peuple et à chaque homme de
pouvoir satisfaire ses besoins en accord avec ses aspirations dans toute la
mesure que permet la jouissance équitable des biens et services produits
par la communauté »74.
Quand bien même le fondement textuel premier du droit au
développement aurait été trouvé dans la Charte des
Nations Unies75, l'instrument le plus important demeure la
Déclaration du 4 décembre 1986 sur le droit au
développement. La Déclaration énonce que c'est « un
droit inaliénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et
tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un
développement économique, social, culturel et politique dans
lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales
puissent être pleinement réalisés, et
bénéficier de ce développement ». Il s'agit
assurément d'une définition équilibrée et
exhaustive qui s'est employée à prendre en compte tous les
aspects du droit au développement de manière à mettre fin
à des querelles idéologiques ou stratégiques.
La multitude des déclarations et résolutions de
l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations ou de
ses autres structures comme la Commission des Droits de l'Homme rendent compte
de l'intérêt des Etats et des Organisations internationales,
régionales ou sousrégionales pour l'effectivité du droit
au développement, qui reste un objectif à atteindre. Les
perspectives présentées par l'internet permettent de dire que le
droit au développement devrait devenir de plus en plus effectif ; si le
développement va demeurer un objectif fuyant, l'accès au droit au
développement au moins bénéficie des bienfaits
d'Internet.
Paragraphe 2 : Les contributions de l'Internet au
développement humain :
Le Rapport BRAIBANT égrène une ribambelle
d'apports de l'Internet au développement humain, sous le seul angle du
traitement automatisé des données nominatives. Il
s'étend76 sur les retombées positives de ce
réseau mondial sur la liberté d'entreprendre, la gestion des
services publics, la sécurité publique et la santé
publique. La synthèse réussie par ce rapport est impressionnante.
Or, il n'a abordé « les bénéfices du progrès
technique77 » que sous le seul rapport du traitement des
données personnelles, qui représente une faible portion des
73 op. cit., page 30
74 MBAYE, Kéba : Les droits de l'homme en
Afrique, Paris, éditions A. Pedone, 1992, p. 209
75 Voir J-P COT et A. PELLET: La Charte des
Nations Unies, economica et bruylant, 1985, 1553 pages
76 Rapport BRAIBANT, op. Cit., pages 3 à 5
potentialités, possibilités et fonctions de
l'Internet. De fait, l'internet est un puissant facteur de développement
: commerce électronique, circulation du savoir, accès à
l'instruction et à l'information, facilité de communication.
I. L'expansion du commerce électronique :
Le commerce électronique sur Internet est
véritablement une chance pour le développement par la
rapidité et la diversification des échanges. Philippe BISIAUX et
Frédéric MONEGER rapportent78 que l'OMC
prévoyait que les transactions commerciales électroniques sur
Internet devraient dépasser les 300 milliards de dollars en 2008,
chiffre que le département américain du commerce prévoit
pour 2002.
II. La circulation du savoir :
Le volume des pages stockées sur le web sont
véritablement impressionnantes, si l'on se rappelle par exemple que plus
de 3 milliards de pages sont disponibles sur le web et que cette masse de
connaissances est accessible à tout moment et en tout lieu. Tous les
secteurs du savoir profitent des immenses ressources de l'internet :
bibliothèques nationales ou universitaires, librairies de toutes
envergures, sites d'organisations internationales, pages personnelles,
associatives ou coopératives, moteurs de recherche.
La navigation sur le web, la participation à des
groupes de discussion et aux listes de diffusion, l'utilisation du courrier
électronique sont autant d'occasions d'accéder au savoir, de se
perfectionner et de participer utilement au développement de
l'Humanité. La formation en Droits fondamentaux de l'Homme de l'Agence
Universitaire de la Francophonie serait-elle possible, sous sa forme actuelle,
sans l'internet ? Or, cette formation, sans conteste, est un apport certain
à la promotion des Droits de l'Homme.
L'internet contribue donc au développement de l'Homme
et des peuples. Son apport est d'une diversité et d'une densité
inégalées par aucune autre invention parce que le réseau
est global et ses services sont d'une universalité consommée,
recouvrant tous les aspects et tous les domaines de la vie. Son étendue
est telle que potentiellement sur tous les continents, dans tous les pays, tous
les habitants, sans considération d'âge, de sexe et même de
niveau de vie, peuvent y accéder pour rechercher et réaliser
telle opération de leur convenance, en toute liberté. L'internet
ne connaît pas de frontières ; il ignore donc les races
77 idem, page 3
et les autres considérations subjectives (même si
malheureusement pour cause d'analphabétisme certains ne peuvent y
accéder). Le Rapport du 15 novembre 2002 de la CNUCED (Conférence
des Nations Unies pour le commerce et le développement sur « le
commerce électronique) révèle que nous serons « 655
millions d'utilisateurs d'internet dans le monde [à] la fin de
l'année 2002, contre 500 millions fin 2001 ; [...] le nombre
d'utilisateurs d'internet aura augmenté entre fin 2001 et fin 2002 de
44% en Asie, 43% en Afrique, 33% en Amérique latine, contre 10% en
Amérique du Nord et 32% en Europe »79. L'internet est
donc en voie de grande démocratisation. Son expansion en Afrique et, de
manière générale, dans les pays en voie de
développement est remarquable.
L'accès au droit au développement est une
priorité essentielle de la communauté des Nations80 et
Internet favorise largement l'effectivité de cet accès. Il
contribue mtime, au-delà du droit à l'accès au
développement, au développement lui-même.
L'accès à l'Internet est lui-mtime un droit de
l'Homme, une forme de jouissance du droit au développement, étant
donné que le développement recouvre le bien-être
économique, social et culturel mais aussi l'accès à
l'information et au savoir, c'est-à-dire le droit à
l'éducation et à l'instruction.
III. L'accès à Internet comme droit de
l'homme
Nombreux sont les textes internationaux qui prohibent toutes
formes de discrimination81. L'internet célèbre cette
interdiction et lui donne toute sa vitalité. Tant que les conditions
matérielles sont remplies, chacun, quelle que soit sa situation
personnelle, peut aujourd'hui accéder à Internet.
En outre, les dispositions relatives au droit au
développement imposent que tous les hommes, sur un pied
d'égalité, saisissent les chances de développement qui
s'offrent à eux. Or, Internet est aujourd'hui une chance de
développement pour l'Humanité tout entière. Il est donc
impérieux que tous y aient accès de la même manière
et à égalité de conditions : dans un mtime pays des
restrictions ne doivent pas titre imposées à certains au profit
d'autres.
78 ibidem page 1
79 Voir le site
www.internet.gouv.fr du
gouvernement français
80 Voir Déclaration sur le droit au
développement de 1986
81 Conventions sur l'interdiction de toutes les
formes de discrimination, à l'égard des femmes, à
l'égard des enfants, dans les rapports de travail~
CONCLUSION
L'internet est à la croisée des chemins de la
protection des droits humains. Son apport est plus significatif que ses
inconvénients qui restent importants et gagneraient à être
réduits au minimum. Ce ne pourra être que le résultat d'un
long processus qui est déjà en cours sous l'impulsion des
différents acteurs de l'internet. En effet, soucieux de préserver
les droits et libertés, les Etats, les Organisations des droits de
l'Homme et les acteurs de l'internet euxmêmes ont engagé de
multiples actions destinées à sauvegarder les droits humains
contre les menaces de l'internet.
DEUXIEME PARTIE : LES EFFORTS DE SAUVEGARDE DES DROITS
DE L'HOMME
Les Etats - seuls ou collectivement -, les organismes
internationaux de défense des droits humains, les Organisations
internationales, les associations de consommateurs des services de l'internet,
les sociétés de fourniture de service et d'accès à
l'internet, les particuliers, tous les utilisateurs et intervenants du
Réseau ont mis en oeuvre diverses actions pour atténuer les
impacts négatifs de l'internet. Les actions engagées, selon
qu'elles sont exercées par l'autorité publique, par les
intervenants de l'internet ou par un organisme réunissant l'une et les
autres, sont qualifiées de régulation, d'autorégulation ou
de corégulation , avec ce postulat que les textes de loi
préexistants sont applicables à l'internet mais que des efforts
d'adaptation sont nécessaires82. Il est également
admis qu'un organisme supranational à compétence universelle est
inapte à réguler l'internet et qu'en toute occurrence, les
utilisateurs doivent jouer un rôle prépondérant dans
l'oeuvre de régulation du Réseau83.
Il en est résulté une diversité dans la
réponse apportée par la communauté internationale aux
atteintes portées aux droits de l'Homme par l'internet (Chapitre
1er). Cependant, les solutions retenues ne sont pas
entièrement satisfaisantes (Chapitre 2). En effet, face à la
nouveauté des problèmes posés par l'internet, la recherche
de solutions efficaces est difficile.
82 Rapport du conseil d'Etat français sur
« Internet et les réseaux numériques », op. cit.
83 Rapport de Christian PAUL sur les « Droits et
libertés sur l'internet » op. cit.
CHAPITRE I : La diversité de la réponse
de la communauté internationale
Les problèmes de droit posés par l'internet sont
nouveaux. On hésite pourtant à leur chercher des solutions
nouvelles. Les idées qui voulaient que l'internet fUt un no man's
land juridique sont maintenant révolues. Toutefois, les solutions
classiques s'appliquent avec peine aux difficultés juridiques
soulevées par l'internet. D'ailleurs, le droit seul ne peut
résoudre les difficultés à caractère juridique
soulevées par l'internet. C'est pourquoi des solutions technologiques
ont été pensées parallèlement aux solutions
juridiques. Ainsi, les intervenants du Réseau cherchent à se
prémunir par des parades techniques susceptibles d'atténuer les
atteintes aux droits de l'Homme (section première) pendant que
activement sont également recherchées des solutions
institutionnelles (section 2).
Section I : La recherche de solutions techniques
Les utilisateurs (fournisseurs et consommateurs) sont
attentifs aux atteintes aux droits de l'homme. Ils s'emploient donc à
réglementer leurs propres comportements sur le fondement de
l'adhésion volontaire. Cette volonté de protection a donné
naissance à diverses initiatives d'autorégulation sous forme de
règles de déontologie (paragraphe premier) et de dispositifs
techniques (paragraphe 2).
Paragraphe 1er : L'instauration de règles
déontologiques
Des codes de conduite aux ententes sur certains usages des
possibilités de l'internet, les intervenants ont été
prolixes en initiatives.
I. Les codes de bonne conduite :
Le premier code de conduite est la « netiquette »,
ensemble de règles de conduite instaurées entre les premiers
utilisateurs de l'internet. La « netiquette » s'adressait à un
cercle restreint d'utilisateurs, à savoir les chercheurs et les
universitaires qui portaient le Réseau sur les fonts baptismaux. Les
règles qu'elle portait ont vite été
dépassées par l'ampleur acquise par le réseau en termes
d'étendue, de volume et de diversité d'acteurs et de contenus.
La « Charte internet confiance84 » du
groupe français Vivendi participe du même objectif, visant
à instituer chez ses adhérents le respect des données
personnelles, des enfants, de la propriété intellectuelle ou la
sécurité des transactions et échanges sur
l'internet85.
La « Charte de l'internet86 »,
proposée par la mission BAUSSANT et qui n'a eu guère de
succès, s'était assigné un objectif identique.
II. La labellisation
La labellisation consiste à « fournir à
l'internaute des informations sur le site consulté en étiquetant
les pages de façon à garantir le respect de règles
déontologiques, à identifier la nature du contenu proposé
ou encore à garantir l'identité du fournisseur d'un
site87 ». Il s'agit donc d'un procédé qui vise
à rassurer l'internaute sur la licéité du contenu du site
auquel il s'apprête à accéder. En effet, une
étiquette lui fournit des informations relatives au fournisseur,
notamment son respect de la déontologie de sa profession et des
garanties d'honnêteté qu'il offre.
La labellisation se concrétise dans l'apposition de
sceau sur les pages web et l'application d'une norme de qualité commune
reconnue internationalement, la « Platform for Internet Content Selection
» (PICS).
Différentes initiatives de labélisation ont
été prises, dont les plus connues sont «
Labelsite88 » proposé par le Conseil National du
Commerce, l'Institut International du Commerce Electronique et d'autres groupes
d'entreprises ; Webtrust89 instauré par des organisations
d'experts comptables du Canada et des Etats Unis d'Amérique ainsi qu'une
entreprise d'authentification90.
III. Les engagements contractuels
Certains utilisateurs sont allés plus loin en convenant
par contrat de ne porter, par le contenu qu'ils éditent ou diffusent,
aucune atteinte aux droits de l'Homme notamment le respect de la vie
privée, la protection des données personnelles. Les fournisseurs
d'accès assurent ainsi à
84 En ligne sur le site
www.vivendi.fr
85 Rapport de Christian PAUL, op. cit., page 52
86 Proposition de Charte de l'internet en ligne sur le
site
www.aui.fr.
87 Rapport Christian PAUL, op. cit., page 49
88 En ligne sur le site
www.labelsite.org
89 En ligne sur le site
www.webtrust.net
90 Voir Rapport Christian PAUL, op. cit. page 50
leurs clients de ne pas recevoir de publipostage intempestif
(spamming) ou leur font admettre qu'ils n'éditeraient pas de
contenus illicites, le tout sous condition résolutoire du contrat les
liant.
IV. L'intermédiation des associations
Les associations d'utilisateurs de l'internet jouent un
rôle important dans la protection des droits de l'homme. Ces associations
sont en effet l'expression des inquiétudes soulevées par
l'internet. Elles se sont assigné le but de limiter l'internet en ses
effets négatifs. Elles résultent de l'idée de
communauté assez forte pendant les premières décennies du
réseau. Elles jouent un rôle d'intermédiation entre les
utilisateurs et intervenants de l'internet en cas de conflit.
Les associations sont de deux catégories. Certaines
sont des associations spécialisées constituées de
personnes physiques ou morales jouant un rôle actif sur le réseau
en tant que fournisseurs d'hébergement ou d'accès et qui visent
à développer leur activité sans trop de heurts. D'autres
sont des associations de la société civile, constituées -
pour la plupart - d'internautes ou d'associations déjà actives
dans la protection des libertés et droits individuels ou publics des
citoyens.
Les associations spécialisées, justifiant
quelquefois d'une profonde connaissance de l'internet, exercent une
véritable expertise ; elles se livrent également à de la
médiation entre leurs membres pour éviter que des vétilles
n'aboutissent à des procédures judiciaires91.
Quant aux associations de la société civile,
elles s'intéressent plus spécifiquement aux violations des droits
de l'homme : liberté d'expression ; contenus illicites contraires
à l'interdiction de la discrimination raciale, religieuse ou sociale ;
protection des enfants et de leur éducation ; sécurité
juridique et commerciale des consommateurs.
Des dispositifs techniques ont parallèlement
été inventés au fur et à mesure de la progression
des moeurs sur l'internet pour contribuer à limiter ses méfaits,
notamment à l'égard des droits de l'Homme.
91 Le rapport de Christian PAUL cite au titre des
associations spécialisées faisant de la médiation,
l'Electronic Frontier Foundation (EFF, en ligne sur le site
www.eff.org) et l'association
IRIS (imaginons un réseau solidaire, en ligne sur le site
www.iris.sgdg.org).
Paragraphe 2 : Les dispositifs techniques
La persistance des atteintes avérées ou
potentielles aux droits humains par l'effet du fonctionnement de l'internet a
conduit les intermédiaires et concepteurs techniques à imaginer
différents procédés à même de garantir une
certaine confidentialité sur le web et les autres services de
l'internet. Ainsi est née la cryptographie, qui a été
suivie par d'autres initiatives comme les logiciels de protection (ou de
sécurité) et les nouveaux langages de communication,
compréhensibles uniquement par des machines équipées du
même protocole de communication.
I. La cryptographie :
Le cryptage des messages et des pages du web les rend
inaccessibles à quiconque ne dispose pas du code en permettant le
décodage. C'est un moyen plutôt sUr pour assurer la
confidentialité des communications. Ainsi, un message crypté
expédié à une adresse ne peut être lu que par le
destinataire. Une page web cryptée ne peut être
décryptée que par les détenteurs de la clé y
autorisant l'accès.
La cryptographie est une technique de conception de document
par chiffrement : le document se présente sous la forme d'une suite
incompréhensible de chiffres. Seul le rend intelligible le
décryptage, qui n'est possible qu'au moyen d'une clé. Et la
clé reste à la seule disposition de son propriétaire. Il
s'agit donc d'un « processus de transcription d'une information
intelligible en une information inintelligible par l'application de conventions
secrètes92 » à effets réversibles.
Il y a principalement deux techniques de chiffrement : la
méthode symétrique ou « à clé secrète
» et la méthode asymétrique ou « à clé
publique » (ou révélée). Dans la première
méthode, l'émetteur du message le rédige en utilisant une
clé93 connue de lui seul et communique cette clé au
destinataire pour lui permettre de décrypter son message. Quant à
la seconde méthode, elle est un tantinet plus compliquée et
recourt à deux clés. L'émetteur du message le crée
en se servant de la clé publique du destinataire (que celui-ci laisse
à la disposition de tous). A la réception, le destinataire
utilise sa clé secrète pour le décrypter, en sorte que nul
autre ne peut prendre connaissance du message, la clé secrète
étant détenue
92 J.-C. BURKEL, op. cit., page 40
93 La clé de cryptage est un code,
c'est-à-dire un texte en chiffres de quelques octets (entre 64 et 128
octets)
par le seul destinataire. C'est un bon moyen d'anéantir
toutes velléités d'interception. Parfois, la clé
secrète est confiée à un tiers de confiance, dont le
rôle est de conserver les clés94.
La cryptographie est d'un secours immense à la
protection des Droits de l'Homme. Elle réduit notamment les
possibilités d'intrusion dans la vie privée. Ainsi, en
matière de travail95, elle aide le travailleur à
soustraire ses e-mails personnels à la connaissance de son employeur.
Elle renforce la sécurité des transactions en ligne et annihile
les tentatives d'interception, d'utilisation ou de modification des messages
empruntant les réseaux internationaux. La protection des données
personnelles est donc facilitée.
II. L'expansion des logiciels de protection et de
filtrage
La diffusion de contenus illicites, notamment les images de
pornographie, de pédophilie, de violences raciales ou ethniques reste
préoccupante. Dans l'optique de permettre à qui n'en voudrait de
se prémunir contre ces contenus, des logiciels spécialisés
ont été conçus pour permettre à l'internaute de
filtrer son propre accès aux ressources du réseau.
Les logiciels de filtrage se présentent sous la forme
d' « utilitaires placés entre le logiciel de navigation et les
contenus de l'internet afin de filtrer l'accès aux sites web et à
d'autres services accessibles sur l'internet suivant des critères
prédéterminés96 ». La plupart des services
de l'internet peuvent ainsi etre soumis au filtrage : web, forum de discussion,
liste de diffusion, courrier électronique. D'utilité certaine,
les logiciels de filtrage sont en pleine propension, en termes de types et de
nombres distribués97.
Le filtrage est un moyen commode pour les parents d'interdire
l'accès à leurs enfants à certains sites ou pages
susceptibles de leur être nuisibles. Ainsi, il contribue à
renforcer le droit pour les parents d'inculquer à leurs enfants une
éducation conforme à leurs convictions 98 ou aux
valeurs reconnues par la communauté99.
94 Pour d'évidentes questions de
sécurité, le tiers de confiance a l'obligation de communiquer les
clés secrètes aux représentants de l'autorité
publique, en cas d'enquêtes judiciaires. Voir Ph. BISIAUX et F. MONEGER,
op. cit.
95 Voir J. LENFANT, op. cit., page 6
96 Rapport de Christian PAUL, op. cit., page 57
97 Voir le site
www.internet.gouv.fr qui
annonce que « Le marché mondial des logiciels de
sécurité devrait atteindre 4,3 milliards de dollars en 2002, soit
une progression de 18% sur 2001, selon le cabinet Gartner. D'après la
banque J-P Morgan, cette croissance pourrait même atteindre cette
année plus de 20%, principalement portée par la vente de pare-feu
de haute performance et celle d'outils assurant l'authentification des
utilisateurs, l'autorisation des transactions et l'administration de la
sécurité. La sécurité représente en 2002 le
premier poste de dépense des directeurs informatiques, devant la
connexion à Internet et l'intégration d'applications, toujours
selon JP Morgan ».
98 Article de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme)
99 article 18 de la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples
La recherche de solutions adaptées aux atteintes aux
Droits de l'Homme n'est pas demeurée associative, « communautaire
» ou technique. Elle n'est pas non plus limitée à un seul
Etat, engagé dans une action solitaire. Au contraire, elle reste une
préoccupation internationale mobilisant les ressources des Etats qui,
dans le cadre des différents regroupements régionaux, recherchent
des solutions institutionnelles.
Section II : La difficile quête de solutions
institutionnelles
Il est admis que les difficultés juridiques
soulevées par l'internet dépassent le plus souvent le cadre
territorial d'un Etat100 et qu'il convient de rechercher des
solutions à l'échelle internationale. Il est vrai que la
communauté internationale est réellement mobilisée autour
des innovations et adaptations juridiques commandées par le
développement de l'internet mais il semble que certains ensembles
géographiques politiques ou économiques sont plus actifs que
d'autres. Ainsi, sur le plan normatif, l'Europe fait montre d'un
véritable activisme en cette matière (paragraphe 1er)
pendant que les autres grandes régions paraissent bien
léthargiques (paragraphe 2).
Paragraphe 1er : L'activisme de l'Europe
L'Europe a été devancée par les
Etats-Unis d'Amérique dans le développement des nouvelles
technologies de l'information. La gouvernance technologique101 et
institutionnelle102 de l'internet reste dominée par ses
inventeurs américains. Les Européens s'emploient donc à
jouer un rôle -- à défaut d'occuper une place -- dans le
fonctionnement, la gestion voire la régulation de l'internet. Le
développement par un centre suisse du World Wide Web (devenu essentiel
au système de l'internet, il faut l'avouer) ne peut-il pas titre
considéré comme étant la résultante de ce combat ?
En toute occurrence, dans l'impossibilité d'influer significativement
sur les caractéristiques techniques de l'internet, les Européens
-- sans y renoncer du reste -- s'engagent à poser les jalons d'une
régulation de l'internet de manière à sauvegarder
l'équilibre entre le profit économique, culturel et social de
l'internet et ses retombées négatives sur les Droits de l'Homme.
Dans le cadre de la Communauté ou isolément, les Etats
européens prennent des mesures de régulation de l'internet.
Certaines
100 Voir le Rapport sur «Internet : enjeux juridiques »
de Isabelle FALQUE-PIERROTIN, Mission interministérielle du 16 mai au 16
juin 1996
101 Les standards techniques sont
développés par des sociétés américaines,
notamment
102 Actuellement, les noms de domaine, essentiels
à la structure de l'internet, sont attribués et
gérés par l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and
Numbers). Cette organisation, héritière de l'IANA (Internet
Assigned Names Authority) qui était un organisme public américain
sous contrat avec le projet ARPA, conserve une haute main sur les noms de
domaines nationaux (ccTLD) ou génériques (gTLD). Les
compétences de l'ICANN « incluent le contrôle du
système des noms de domaines, la distribution des adresses IP, le
de ses mesures, en réalité antérieures
à l'internet dans ses dimensions actuelles, se rapportent à la
question générale de l'informatique et ne concernent l'internet
que par extension. D'autres sont plus spécifiques au réseau
Internet. En toute occurrence, les initiatives européennes en
matière d'internet sont multiples même si elles sont
réfrénées dans leur efficacité.
Avant meme que l'internet ait ses dimensions et proportions
actuelles, l'Europe s'y est intéressée de près. Cependant
il faut avouer que les premières initiatives n'étaient pas
orientées spécifiquement vers l'internet. Il s'agit notamment du
projet TEDIS (Trade exchange data interchange system) qui, lancé en
1988, était très global et se rapportait à toute
l'activité économique internationale impliquant la
Communauté des Etats Européens. Ce n'est qu'en 1991 qu'il s'est
orienté vers les réseaux interconnectés (donc l'internet
aussi) et a mis en relief la nécessité de protéger les
données personnelles103. De fait, l'Europe se
préoccupe particulièrement des données personnelles, car
nombreuses sont les directives et recommandations qui s'y rapportent
directement.
La Convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981
relative à la protection des personnes contre le traitement
automatisé des données, qui a largement « contribué
à donner une orientation décisive au droit de la protection des
données104 », a été suivie, entre 1981 et
1991, de huit (08) recommandations consacrées toutes à la
protection des données personnelles dans le traitement automatisé
des données en réseau ou hors réseau (banques de
données médicales, données soumises à traitement
scientifique et statistique ou à marketing direct, données
utilisées à des fins de sécurité.).
La directive adoptée par le parlement et le Conseil de
l'Europe le 25 octobre 1995 sur « la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à
caractère personnel » s'est assigné la mission d'assurer
« une protection équivalente de haut niveau dans tous les pays de
la Communauté ». Cette directive a été
intégrée au droit interne de nombreux pays
européens105.
Il apparaît donc que l'Europe reste active sur la
question de la protection des droits de l'Homme au travers de celle des
données personnelles qui, comme nous l'avons déjà
indiqué, intègrent la vie privée.
développement de nouveaux standards de protocoles Internet
et l'organisation du système des serveurs de base de l'Internet »,
comme l'indique J-C BURKEL, op. cit., page 15
103 Voir J-C BURKEL, op. cit., page 10
104 Douzième Rapport d'activité de la CNIL, in Lamy
de l'informatique et des réseaux, 2000
105 Rapport Braibant, op. cit. qui jetait les bases de
la transposition des dispositions de la directive dans le droit interne
français
Au-delà de la vie privée, l'Europe s'est
également préoccupée du maintien de la
sécurité et de la paix sur l'internet. De cette volonté
participe l'adoption de la Convention européenne sur la
cybercriminalité du 23 novembre 2001. Cette Convention, se voulant
exhaustive, renferme toute la palette des infractions actuellement possibles
sur le réseau, celles qui affectent le réseau lui-même
comme les fraudes informatiques et celles qui sont par lui facilitées
comme les atteintes à l'honneur, à la dignité et à
la propriété intellectuelle.
Malgré tout, l'Europe n'a pas atteint le seuil
où elle pèserait de façon décisive sur le
fonctionnement du réseau et les dispositions normatives qu'elle a prises
paraissent par moment plus indicatives qu'impératives laissant une large
marge de manoeuvres aux Etats membres106. Il reste quand même
qu'elle fournit plus d'efforts que les autres régions ou regroupements
d'Etats pour s'approprier l'internet et surtout pour le réguler de sorte
à limiter les atteintes aux droits de l'Homme.
Paragraphe 2 : La léthargie des autres
régions
L'Afrique et l'Asie, constituées pour la grande
majorité de pays en voie de développement, ne participent pas
directement à la construction de l'internet, ni sur le plan des
structures ni sur celui de l'encadrement. Les pays en voie de
développement ont à parcourir un long chemin en matière de
nouvelles technologies de l'information, d'abord sur le plan technique ensuite
sur celui de la protection des Droits de l'Homme.
En toute occurrence, s'il est vrai que l'Europe est plus
active que les autres régions dans la recherche des voies de la
meilleure protection des droits fondamentaux sur le réseau, il reste
tout aussi vrai que le continent américain, berceau de l'internet, est
encore plus avancé que l'Afrique ou l'Asie en matière de
protection des droits humains.
I. La démarche hésitante des Etats-Unis
d'Amérique et du Canada
Respectueux de leur conception du libéralisme -
économique, politique et social -, les EtatsUnis d'Amérique n'ont
pas cru devoir imposer des règles aux acteurs de l'internet en
matière de respect des droits de l'Homme. Les acteurs ont
été laissés responsables de leurs initiatives. Il en
résulte que la priorité était à
l'autorégulation. L'autorité publique s'était très
tôt interdite - bien avant l'avènement de l'internet dans ses
dimensions actuelles - de porter atteinte à la vie privée des
citoyens par la collecte, le traitement, l'utilisation et la circulation des
données à caractère personnel. Il s'agissait donc d'une
obligation de non-violation de la
vie privée imposée à l'Etat
fédéral, aux Etats fédérés et aux
collectivités publiques. Tel est, en effet, le sens du Privacy
Act de janvier 1974 et du Computer Matching and Privacy Protection
Act de 1988 qui ont tous deux imposé de strictes obligations
à l'autorité publique au profit des particuliers en
matière de circulation de données personnelles. Ces deux textes
législatifs, même antérieurs à la plupart des
services de l'internet pouvant se révéler attentatoires aux
droits de l'homme, sont valables sur le Réseau. L'Etat américain
avait estimé judicieux de ne pas occuper le terrain de la
réglementation éthique de l'internet ; il avait misé sur
les vertus de l'autorégulation en matière de protection des
droits fondamentaux.
Les particuliers -- internautes, sociétés de
fourniture de produits, de services et d'accès à l'internet --
réglementaient eux-mêmes leur activité et posaient les
garde-fous appropriés à la protection des droits de l'Homme. Des
lobbies de la protection de la vie privée sur l'internet se sont ainsi
constitués107.
La limite de cette perception se révélait
rapidement, des excès ayant été commis par les
différents acteurs. Les pouvoirs publics décidèrent donc
d'intervenir plus directement pour imposer le respect de la vie privée
et la sécurité des transactions commerciales sur
l'internet108.
Le Canada aussi n'avait édicté des règles
qu'à l'encontre du fichage des données personnelles sur les
particuliers par les pouvoirs publics. Telle est, en tout cas, la substance de
la loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, la tendance
est également à l'intervention des pouvoirs publics pour, en
tandem avec les acteurs du Réseau, contribuer à la
régulation des pratiques de l'internet relativement à la
protection des droits de l'Homme.
Outre ces initiatives propres aux Etats-Unis d'Amérique
et au Canada, il n'existe pas de cadre juridique commun au continent
américain dans lequel s'organise la protection des Droits de l'Homme
contre les menaces de l'internet. La situation est encore moins avancée
en Afrique et en Asie.
106 Lamy de l'informatique et des réseaux :
les auteurs relèvent l'impossibilité de recevoir directement dans
le droit positif certaines dispositions de la convention de 1981 dont la
rédaction appelle la médiation des autorités nationales
pour qu'elles soient applicables devant les tribunaux, pages 318-319
107 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, op. cit.,
108 idem
II. Le silence des pays en voie de développement
: l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine
Les pays en voie de développement sont en
réalité bien plus présents sur l'internet que d'aucuns ne
le pensent. A titre d'exemple, rappelons que de 2001 à 2002 le nombre
des internautes a connu une progression de 44% en Asie, 43% en Afrique et 33%
en Amérique Latine109. Le tiers des internautes du monde se
trouve donc dans les pays en voie de développement. Pourtant ces pays
n'ont pas d'emprise sur le florissant marché du commerce
électronique international sur l'internet. Ils ne représentent,
en effet, que 6,7% du chiffre d'affaires du commerce en ligne.
N'ayant guère d'influence sur le commerce sur
l'internet a fortiori sur la définition et la gestion de ses
paramètres techniques, l'Afrique, l'Asie et l'Amérique Latine
semblent s'être résolues à ne pas s'impliquer dans la
protection des droits de l'Homme sur le Réseau. Pourtant, le
Réseau étant mondial, tous les problèmes qu'il pose sont
communs à tous les pays du monde.
Il n'existe ni en Amérique Latine ni en Asie ou en
Afrique d'initiative régionale ou sousrégionale (dans le cadre de
structures politiques ou économiques comme l'Union Africaine, la
Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest ou du Centre)
dédiée à la définition de règles
destinées à protéger les données personnelles,
à stimuler le commerce international sur l'internet et la
sécurité des transactions, à développer des
politiques de lutte contre la criminalité sur le réseau
interconnecté. Il est sUrement excessif de dire qu'il s'agit d'un
désintérêt. La vérité est que l'internet est
encore en voie d'intégration dans les moeurs et les pratiques de ces
pays, qui accusent un retard certain. La progression ci-dessus notée du
nombre d'internautes n'est que la manifestation d'un bond accompli par ces pays
pour combler leur retard.
Les pays en voie de développement ne restent cependant
pas en marge du combat mondial pour un internet plus démocratique et
accessible à la majorité des populations. Des initiatives comme
celles des Rencontres périodiques de Bamako (Mali) ou de Lagos (Nigeria)
participent de ce combat. Les déclarations adoptées à
l'issue des deux rencontres de Bamako en disent long sur la volonté des
pays africains de tirer le maximum de profit de l'internet. Toutefois, les
objectifs premiers restent cristallisés sur le développement
technique de l'internet en Afrique et le renforcement de son
accessibilité sur le continent africain. Ainsi, la Déclaration
issue de la rencontre de Bamako 2002 appelle à « une mobilisation
massive et coordonnée, dans le
109 Voir le site
www.internet.gouv.fr qui
publie se réfère au rapport 2002 de la Conférence des
Nations pour le Commerce et le Développement (CNUCED)
cadre du NEPAD [Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique], de tous les partenaires de l'Afrique
à travers la mise en place de financements assurant le service public et
l'accès universel et la création de contenus répondant aux
besoins essentiels de la population africaine110 ». C'est
véritablement en perspective que l'Afrique formule la
nécessité de préserver les droits fondamentaux sur
l'internet. En effet, la Déclaration de Bamako 2000, par exemple,
recourt à des formules générales en énonçant
que « afin de protéger la vie privée et la dignité de
la personne humaine, il importe de sécuriser les données
personnelles transmises par les réseaux de communication dans des
secteurs tels que la santé, l'administration, la fiscalité, etc.
Tous les continents doivent être intégrés à la
réflexion mondiale en cours sur les enjeux éthiques, juridiques
et sociaux des nouvelles réglementations relatives aux TIC.
L'étendue des comportements et des délits punissables doit
être définie et diffusée auprès du grand public afin
de prévenir les abus111. »
En toute occurrence, en appelant à intégrer tous
les continents à « la réflexion mondiale en cours sur les
enjeux éthiques, juridiques et sociaux » de l'internet, les pays
africains relèvent la nécessité d'une coopération
internationale pour définir le cadre juridique de la circulation des
données et informations sur l'internet. En effet, la complexité
des problèmes soulevés par l'internet commande une plus grande
implication de l'ensemble des Etats, des Organisations internationales, des
regroupements politiques ou économiques des Etats et des utilisateurs,
dans une vraie symbiose, à la recherche de solutions acceptables aux
difficultés soulevées par l'internet, surtout en matière
d'atteinte aux droits de l'Homme. Les solutions actuelles sont effet fort
limitées et ne jugulent pas suffisamment les difficultés.
Chapitre 2 : Les limites des solutions actuelles
Les solutions retenues restent parcellaires face à un
réseau dont le trait principal est sa globalité. Il convient
donc, dans une action commune à des regroupements étatiques,
d'entreprendre des actions plus larges recouvrant des pans entiers de
l'internet.
Section I : Le caractère parcellaire des
solutions actuelles
Le moins qu'on puisse dire de la protection des droits de
l'Homme contre les menaces que représente pour elle l'internet est qu'il
n'y a pas d'harmonie dans les actions déjà engagées. De
fait, la problématique même de la défense des droits de
l'homme contre les atteintes de l'internet est complexe et est encore en voie
de formation. Les enjeux sont en effet tout aussi
110 Déclaration de Bamako 2002, issue de la
Conférence Régionale Africaine préparatoire du Sommet
mondial sur la société de l'information, accessible sur le site
du réseau ANAIS
www.anais.org
nombreux et divers que contradictoires. La conciliation est,
en vérité, difficile et il est inévitable de se livrer,
par moments, à un jeu d'équilibriste pour tenter de trouver un
juste milieu (si tant est qu'il soit possible). Les concessions
réciproques sont également inéluctables. L'internet est un
défi véritable à la communauté juridique.
La chance que représente l'internet pour
l'humanité se révèle être une véritable
menace. En effet, les avantages de l'internet - que nous avons
déjà évoqués - sont multiples. Le
développement économique de toutes les nations par le commerce
électronique sur le réseau, la facilité de la circulation
de l'information et du savoir renforçant la liberté d'expression
et d'information, le renforcement du droit à l'éducation et
à l'instruction, en somme la promotion des Droits de l'Homme par une
action conjuguée sur la diffusion de ces droits et sur leur protection
sont autant d'atouts qui font de l'internet une invention utile. Pourtant,
vecteur puissant de la circulation de l'information et support technique d'un
usage en voie de diversification croissante, l'internet est susceptible de
représenter un danger à la protection des Droits de l'Homme. Il
facilite, en effet, les atteintes diverses à ces droits : violations du
secret de la vie privée, utilisation préjudiciable des
données personnelles recueillies sur le réseau, violation de la
propriété intellectuelle, diverses infractions pénales
mettant en péril la sécurité des individus et des
nations.
Il est donc aisé de comprendre qu'il soit difficile de
dégager un équilibre. Cet équilibre est pourtant
indispensable et c'est à cette gageure que se livre la communauté
internationale : Etats (individuellement ou collectivement), acteurs de
l'internet (sociétés commerciales de fourniture de technologie,
services et de produits, internautes), Organisations internationales et
associations de défense des Droits de l'Homme et des internautes. C'est
un objectif d'autant plus contradictoire que les actions menées
jusqu'à présent ne sont pas entièrement satisfaisantes
soit qu'elles manquent de précision ou qu'elles sont superficielles.
Ainsi, les solutions retenues restent parcellaires, face
à un réseau global et universel. Parcellaires, elles le sont au
double point de vue spatial (paragraphe 1er) et intrinsèque
(paragraphe 2).
Paragraphe 1er : Sur le plan territorial
Le caractère mondial et universel de l'internet est
ressassé par les auteurs : l'internet est accessible à tous
les habitants de tous les pays du monde ; il s'étend à tous les
aspects de la vie. Or, les solutions appliquées aux atteintes qu'il
porte aux droits de l'homme ne sont pour
111 Déclaration de Bamako 2000, disponible sur le CD-rom
« Internet : les passerelles du développement » et en ligne
sur le site
www.anais.org
le moment destinées qu'à des territoires
déterminés. Chaque pays s'emploie à dégager pour
son territoire les palliatifs compatibles avec sa législation et ses
engagements internationaux. C'est ainsi que la France réglemente - avec
minutie mais seulement pour les territoires relevant de la France - la
collecte, la conservation et l'utilisation des données nominatives en
instituant des organismes compétents exclusivement sur le territoire
national français. C'est ainsi également que l'Allemagne a pris
une loi de régulation de l'internet sur le territoire allemand. Cette
loi se veut globale pour l'encadrement de l'internet mais se limite
forcément au territoire allemand. Participe de la même
démarche, la conception québécoise de la protection de la
vie privée dans le cadre des relations de travail. Il s'agit là
d'ailleurs d'une parfaite illustration de la limite des réactions
territorialement définies. En effet, sur cette question de la protection
de la vie privée des travailleurs sur le lieu de travail, nous avons mis
en relief la divergence d'approche entre la France, le Canada et les Etats-Unis
d'Amérique112. Une telle divergence s'entend mal face
à la globalité et à l'universalité de l'internet et
illustre parfaitement les faiblesses des solutions territorialement
limitées quant à leur champ d'application et même leur
substance.
Paragraphe 2 : Sur le fond des solutions actuelles
Les palliatifs que nous avons plus haut analysés se
rapportent tous à des pans isolés de l'internet dans ses
répercussions négatives sur les droits de l'homme. Les
législations nationales de même que les rares conventions
internationales relatives à la garantie des droits humains face aux
ravages de l'internet s'appliquent à des aspects isolés comme la
cybercriminalité113, la lutte contre la pédophilie et
les images pornographiques, la protection de la vie privée, les
atteintes à la propriété intellectuelle ou la
sécurité des transactions commerciales sur le réseau. Il
n'existe pas de cadre global de résolution des problèmes induits
par l'internet du point de vue des droits humains, tout comme il n'existe pas
de centre nerveux central de l'internet au point de vue technique et
administratif. C'est une situation compréhensible si on le rapporte
à la nature même de l'internet qui reste profondément
décentralisé. Doit-on d'ailleurs regretter cette dispersion des
solutions ou s'en féliciter ? Fugace, décentralisé et
transfrontière, l'internet reste résolument international.
N'appelle-t-il donc pas des solutions internationales et non locales ?
112 Voir première partie
113 Cas de la convention européenne sur la
cybercriminalité du 23 novembre 2001
Section II : La nécessité de renforcer la
coopération internationale
Les auteurs et analystes sont nombreux qui appellent à
une coopération internationale accrue pour obvier judicieusement aux
menaces que comporte pour les Droits de l'Homme le fonctionnement de
l'internet114. La coopération internationale (faisant
intervenir les Etats, les organisations internationales et les internautes)
s'organise peu à peu. En témoignent la succession et la
multiplication des rencontres à l'échelle mondiale ou
régionale. Les rencontres bisannuelles de Bamako (Mali) et celles qui
ont lieu tous les quatre ans à Genève (Suisse) en sont les
manifestations. Elles offrent aux Etats et aux intervenants du réseau
Internet ainsi qu'aux organismes de défense des droits de l'Homme
l'opportunité d'identifier les difficultés posées par
l'internet et d'y proposer des solutions.
Cependant, l'action internationale gagnerait à
être réorganisée et recadrée. La nature
transfrontière de l'internet doit rester la référence. Les
efforts doivent donc être « transfrontières »,
c'est-à-dire que la communauté internationale devrait s'organiser
de manière à produire des standards internationaux en
matière de protection des Droits de l'Homme. En effet, autant l'internet
est transfrontière et international, autant les droits de l'homme sont
universels et immanents à la nature de chaque individu, sur quelque
territoire qu'il vive et de quelque situation sociale ou personnelle qu'il
soit. La similitude est donc évidente sur ce point. En outre, il est
avéré que les violations des droits de l'homme facilitées
par l'internet concernent tous les pays et s'y expriment de la même
manière. Les différences ne sont que de degré,
résultant des différences de culture ou de politique. En toute
occurrence, les règles en matière de droits de l'homme sont
universelles et s'appliquent partout où les instruments internationaux
sont ratifiés. Les solutions, au moins dans leur cadre
général, devraient donc être tout aussi globales.
Concrètement, il nous semble important qu'un minimum de
standards en matière de protection des droits de l'homme soit
déterminé dans le cadre d'une convention internationale,
négociée et signée de préférence sous
l'égide de l'Organisation des Nations Unies. Cette démarche aura
pour avantage de fixer le cadre général de la protection des
droits de l'homme sur l'internet. Ce cadre sera d'autant plus rapidement
accepté qu'elles émaneraient des Nations Unies elles-mêmes.
L'instrument ainsi adopté laissera tout loisir aux organisations
régionales (comme les Unions européenne ou Africaine) pour
préciser ou orienter ses dispositions en tenant compte des
réalités culturelles.
114 Voir : Rapport de Christian PAUL op. cit. ;
La convention internationale devra être globale et
recouvrir donc la protection de la vie privée, la prohibition des
contenus illicites, la protection contre l'utilisation préjudiciable des
données personnelles, la lutte contre les infractions pénales, la
sécurité des transactions commerciales et la défense de la
propriété intellectuelle.
Une telle approche peut paraître utopique sinon
illusoire. On peut facilement lui opposer que l'internet se
caractérisant par une forte décentralisation, il sera
contre-indiqué de lui chercher un cadre unique de réglementation.
En fait, dans notre vision, il ne s'agira pas de réglementation
détaillée mais plutôt de jalons principaux (comme des
régules au sens littéral) pour déterminer les lignes
directrices de la protection des droits de l'Homme contre les atteintes de
l'internet.
Les régules posées par la Convention onusienne
seront précisées pour chaque région géographique du
monde par des accords régionaux. Ces accords régionaux laisseront
à chaque pays, après avoir intégré dans son droit
positif les conventions internationales, la possibilité d'y apporter les
aménagements commandés par sa culture, son économie ou son
système démographique.
L'avantage premier sera que sur tous les territoires, les
règles générales de protection des droits de l'homme
seront semblables tout autant que sont semblables les effets des atteintes
portées aux droits de l'homme par ou sur l'internet.
Naturellement, cette démarche n'est pas exclusive de
l'oeuvre d'interprétation de la Jurisprudence de chaque Etat,
étant entendu que les juridictions nationales resteront seules
compétentes en tenant compte des spécifications
opérées par les instruments internationaux et nationaux. Il est
évident que les mécanismes classiques de garantie des droits
fondamentaux demeureront tant qu'il s'agit des atteintes classiques
favorisées par l'internet. Mais s'agissant d'atteintes plus
spécialisées il sera opportun d'en laisser la connaissance aux
juridictions nationales. Cependant, la priorité doit être
accordée à la médiation dans le cadre des structures
internationales de médiation qui existent déjà, à
l'image de la Commission d'arbitrage de la Chambre internationale de commerce
et d'industrie.
Il est important que, contrairement à certains
avis115, que participent à ce processus de conception de
standards internationaux de la protection des Droits de l'Homme tous les pays,
sans considération de la place qu'ils occupent dans le fonctionnement de
l'internet.
115 J.-C. BURKEL, op. cit., qui suggère que
de la négociation internationale soient écartés les pays
du sud parce qu'ils ne sont pas, pour le moment impliqués dans la
conception technique et l'utilisation courante de l'internet.
En définitive, nous proposons une réglementation
globale stratifiée. Globale en cela que la nouvelle
réglementation renfermera toutes les atteintes aux droits humains par
l'internet. Stratifiée parce que les standards internationaux seront
adaptés d'abord à chaque région et ensuite à chaque
pays si nécessaire. L'avantage premier est qu'un instrument
international à vocation mondiale sera la source d'inspiration de
l'ensemble du combat des libertés sur l'internet.
CONCLUSION GENERALE
L'internet est, sans conteste, une invention majeure du
vingtième siècle. Il a rendu moins sinistre la fin de ce
siècle et présente des perspectives resplendissantes pour les
siècles à venir. On n'a certainement pas fini de fantasmer sur
les potentialités du réseau interconnecté ; on continuera
de conjecturer sur le nombre d'internautes d'ici telle année, le nombre
et la valeur des transactions commerciales, les possibilités nouvelles
qu'il offrira de communiquer (télévision,
téléphonie, radiophonie, journaux en ligne, revues
électroniques), les services nouveaux (visioconférence, par
exemple), la diversité des terminaux (téléphones
portables, appareils électro-ménagers). On évoquera
également les atteintes à la vie privée, l'utilisation
dommageable des données personnelles, la diffusion des contenus
illicites, la commission d'infractions diverses.
L'internet sera à la mode. Mais sait-on le plus grand
service qu'il rendra aux droits de l'homme ?
L'on sait qu'il affecte positivement et négativement la
plupart des droits fondamentaux. Positivement, il renforce la liberté
d'expression et d'information, le droit à l'éducation et à
l'instruction, le droit à la santé, le droit au
développement. Négativement, il affaiblit le droit au secret de
la vie privée, la jouissance du droit de propriété, le
droit à l'inviolabilité de la personne humaine, le droit à
la sécurité. La problématique de la conciliation des
aspects négatifs et positifs de l'internet aura une vie longue.
Cependant, le bénéfice certain que l'homme et les peuples
tireront de l'internet, ce sera son immense contribution au droit au
développement, droit qui est au coeur des préoccupations -
légitimement d'ailleurs. La relative facilité d'accès de
l'internet fait qu'il renforce le droit au développement en permettant
à un nombre élevé de personnes d'accéder aux
sources de l'information et du savoir ainsi qu'à un gigantesque
marché de biens et services divers. Accéder à l'internet
est un droit, car il s'agit d'une source de développement. Il convient
donc dès à présent d'édicter toutes mesures
favorisant, au profit de tous les peuples du monde, la jouissance du droit au
développement par l'accès à l'internet.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
PREMIERE PARTIE : LA DUALITE DE L'INFLUENCE DU RESEAU
INTERNET SUR LES
DROITS DE L'HOMME 12
CHAPITRE I : L'INFLUENCE NEGATIVE : LES MENACES
13
Section I: Les atteintes de nature civile 14
Paragraphe 1er : Les atteintes à la vie
privée 14
I. La notion de vie privée : 14
A. Le fondement du droit au respect de la vie privée
14
B. Le contenu du droit au respect de la vie privée
14
II. Les manifestations des atteintes à la vie
privée sur Internet 16
A. La mise en cause du droit à l'image : 16
B. La violation du secret des correspondances : 17
C. La divulgation des secrets 19
Paragraphe 2 : Les données personnelles 19
I. La notion de données personnelles 20
A. Définition : 20
B. Enumération 21
II. Les atteintes aux Droits de l'Homme par le traitement
des données personnelles : les
dangers de la collecte des données personnelles sur
l'Internet 21
A. Le courrier électronique : 21
B. Les navigations sur le web : 22
C. Le cookie : 23 Section II : Les menaces aux Droits de
l'Homme par les infractions commises sur Internet. 24
Paragraphe 1er : Les infractions propres au
réseau Internet 24
A. Les atteintes à l'intégrité du
réseau 24
B. Les fraudes informatiques : 25
Paragraphe 2 : Les infractions classiques commises sur Internet
25
CHAPITRE II : L'INFLUENCE POSITIVE : LE RENFORCEMENT
DES DROITS DE
L'HOMME 27
Section I : L'épanouissement de la liberté
d'expression 27
Paragraphe 1er : L'intérêt de la
liberté d'expression 28
Paragraphe 2 : La facilitation de la circulation de l'information
29
Paragraphe 3 : La facilitation de la défense des atteintes
à la liberté d'expression 30
Section II : L'amélioration de la jouissance du droit au
développement 30
Paragraphe 1er : Notion de droit au
développement 30
Paragraphe 2 : Les contributions de l'Internet au
développement humain : 31
I. L'expansion du commerce électronique : 32
II. La circulation du savoir : 32
III. L'accès à Internet comme droit de l'homme
33
DEUXIEME PARTIE : LES EFFORTS DE SAUVEGARDE DES DROITS DE
L'HOMME 35
CHAPITRE I : LA DIVERSITE DE LA REPONSE DE LA
COMMUNAUTE
INTERNATIONALE 36
Section I : La recherche de solutions techniques 36
Paragraphe 1er : L'instauration de règles
déontologiques 36
I. Les codes de bonne conduite : 36
II. La labélisation 37
III. Les engagements contractuels 37
IV. L'intermédiation des associations 38
Paragraphe 2 : Les dispositifs techniques 39
I. La cryptographie : 39
II. L'expansion des logiciels de protection et de filtrage 40
Section II : La difficile quête de solutions
institutionnelles 41
Paragraphe 1er : L'activisme de l'Union
européenne 41
Paragraphe 2 : La léthargie des autres régions
43
I. La démarche hésitante des Etats-Unis
d'Amérique et du Canada 43
II. Le silence des pays en voie de développement :
l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine 45
CHAPITRE 2 : LES LIMITES DES SOLUTIONS ACTUELLES
46
Section I : Le caractère parcellaire des solutions
actuelles 46
Paragraphe 1er : Sur le plan territorial 47
Paragraphe 2 : Sur le fond des solutions actuelles 48
Section II : La nécessité de renforcer la
coopération internationale 49
CONCLUSION GENERALE 52
TABLE DES MATIERES 53
BIBLIOGRAPHIE 55
BIBLIOGRAPHIE
I. MANUELS ET TRAITES
1. M'BAYE, Kéba, Les Droits de l'Homme en
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2. LAQUIER, Walter et BARRY, Rubin : Anthologie des
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Nouveaux Horizons, 2e édition, 1998, 594 pages ;
3. SUDRE, Frédéric : Droit international et
européen des droits de l'homme, 5e édition mise
à jour, collection Droit fondamental, PUF, 2001, 536 pages ;
4. FEUER, GUY et CASSAN, Hervé : droit international
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;
5. COT, Jean-Pierre et PELLET, Alain : La Charte des Nations
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6. BERCIS, Pierre : Guide des droits de l'homme, Paris,
Hachette, 1995, 256 pages ;
7. ROBERT, Jacques (en collaboration avec Jean DUFFAR) :
Droits de l'homme et libertés fondamentales, Paris,
Monchrestien, 1993, 5e édition ;
8. VIVANT Michel, LE STANC Christian, RAPP Lucien, GUIBAL
Michel et BILON Jean-Louis (sous la responsabilité de Michel VIVANT et
de Christian LE STANC) : Lamy Droit de l'informatique et des
réseaux, LAMY S.A., Paris, 2001, 1940 pages.
9. BEAUD, Michel : L'art de la these, La
Découverte, Collection Repères, nouvelle édition mise
à jour, Paris, 2001, 201 pages.
II. MEMOIRES
1. LENFANT, Juliette : Le droit à la vie
privée s'étend-il à l'utilisation du courriel par un
employé dans le cadre de ses fonctions ? mai 2000, 35 pages ;
2. BURKEL, Jean-Christophe : Le vieux continent et la
révolution de l'information, 2002, 93 pages ;
3. DE ARCANGELIS Maurizio : La responsabilité des
fournisseurs de services d'hébergement sur Internet en Italie,
4. DESROCHERS, Stéphane : Lawrence LESSIG : Etude de
la paternité d'une théorie normative du cybersespace,
décembre 1999 ;
5. DE MARCO, Estelle :Le droit pénal applicable sur
Internet, 1998, 100 pages ;
6. BISIAUX, Philippe et MONEGER, Frédéric :
Commerce électronique et Données personnelles, 1998 ;
7. NAPPEY, Alexandre : Le contentieux judiciaire entre
marques et noms de domaine, 1999, 34 pages ;
8. GERBAUX, Thomas : Internet et le contentieux
international, 1998-99, 67 pages
III. Rapports
1. Du droit et des libertés sur
l'internet, Christian PAUL, mai 2000 ;
2. tISegIeSIeSINV
gINVINWIWWégWWs, Conseil d'Etat français, 1998 ;
M itlSegleS OVVIVI jVgiMIWWs, Conseil d'Etat
français, 1996 I
11 1Données personnelles et
société de l'information, Guy BRAIBANT, 1998 ;
. lLa cybersurveillance des employés dans
l'entreprise, Yves BOUCHET, 2001
IV. Revues et périodiques
1. Justice dans le monde, numéro 5, 2000, 63
pages ;
2. La protection des droits de l'homme et
l'évolution du droit international, Colloque de Strasbourg,
Société française pour le droit international, Paris,
éditions A. PEDONE, 1998, 341 pages.
V. Supports électroniques
1. Kit pédagogique, Formation de 3ème
cycle au Diplôme Universitaire de Droits Fondamentaux ;
2. CD-rom d'initiation à l'internet «
Découvrir Internet » de l'Agence de la Francophonie ;
3. CD-rom du Réseau ANAIS « internet : les
passerelles du développement » Notes :
1. Les mémoires cités ont été mis en
ligne sur le site
www.juriscom.net (de Lionel
THOUMYRE) ;
2. Nous avons mené nos recherches sur le web grâce,
principalement, aux moteurs de recherche :
-
www.yahoo.fr
-
www.google.fr
-
www.trouvez.com
qui nous ont permis d'accéder à d'autres sites
qu'il serait fastidieux de tous énumérer.
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