2. Critère de choix de la variable
instrument
Il est question ici de définir tout d'abord ce que
c'est qu'un instrument de politique monétaire et ensuite nous mettons en
exergue quelques critères de sélection de la variable instrument.
Cette partie nous permet de comprendre pourquoi une banque centrale
préfère retenir telle instrument au lieu de telle autre.
a. Définition
Plusieurs auteurs ont défini ce qu'est une variable
instrument. Cependant nous nous limiterons à la définition de
McCallum (1997). Pour lui, les variables instruments sont des
éléments que les banques centrales manipulent plus ou moins
directement sur une base journalière ou hebdomadaire dans leur tentative
d'atteindre des cibles spécifiées.
Ainsi après avoir compris ce qu'est une variable
instrument, il est donc intéressant d'apporter quelques
précisions sur les critères de choix des instruments.
b. Critères de sélection de la variable
instrument
Trois critères de sélection peuvent être
avancés selon la littérature économique:
> La variable retenue doit être proche du champ d'action
directe des instruments de politique monétaire ;
> La fréquence de son observation,
c'est-à-dire la disponibilité de données fiables, doit
être supérieure à celle des objectifs finals ;
> Il faut qu'elle soit solidement reliée aux
objectifs finals de politique par des relations statistiques stables,
permettant aux autorités de connaître les répercussions
d'un changement de cible sur les objectifs finals.
Ces critères donnent lieu à des arbitrages. Par
exemple, des agrégats monétaires larges (M2, M3) ou des
agrégats de crédit satisfont mieux au troisième
critère, tandis que la masse monétaire (M1) au sens étroit
répond mieux aux deux premiers critères. Il convient alors de
sélectionner la variable qui peut au mieux stabiliser les variables
objectifs finals de politique, en filtrant efficacement l'impact des chocs
aléatoires qui affectent l'économie. Ainsi, par rapport à
un objectif de stabilisation du revenu réel, le contrôle de la
masse monétaire assure une meilleure protection face aux chocs d'origine
réelle. En revanche, le contrôle du taux d'intérêt
filtre plus efficacement les perturbations d'origine monétaire.
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Si les perturbations d'origine réelle sont
prédominantes, le contrôle de la masse monétaire
représente une solution efficace. Le taux d'intérêt devient
par contre une cible intermédiaire d'autant plus fiable que les chocs
monétaires sont importants. La conjoncture économique des
années 60 et 70 était caractérisée par des chocs
réels relativement plus importants que les chocs monétaires. Elle
était donc plus favorable à l'emploi de la masse monétaire
comme cible intermédiaire de politique. Cette situation semble,
cependant, avoir changé pendant les années 80 marquées par
des chocs monétaires beaucoup plus importants. Ces chocs sont
liés au processus de dérèglementation et d'innovations
financières qui ont, dans plusieurs pays, fondamentalement
altéré les comportements en matière de demande de
monnaie.
Bien qu'un certain nombre substantiel d'économistes
académiques ait favorisé l'utilisation de l'instrument base
monétaire ou un agrégat de réserve, presque toutes les
banques centrales actuelles utilisent un taux d'intérêt à
court terme (Black, Macklem, Rose, 1997 précise dans leur étude
que l'instrument d'intervention des autorités monétaires est un
taux d'intérêt à court terme. Ils considèrent que
ceci est conforme aux caractéristiques réelles de la politique
monétaire moderne. L'instrument privilégié par les banques
centrales des pays industrialisés est un taux d'intérêt
à court terme.). Cette idée va à l'encontre de celle de
Sargent et Wallace (1979) qui estiment que le niveau des prix de
l'économie serait indéterminé si la banque centrale devait
utiliser un taux d'intérêt comme instrument. D'ailleurs, pour eux,
il n'y a pas de règle s'appuyant sur un taux d'intérêt avec
un niveau des prix déterminé. Pour Poole (1970), la masse
monétaire est préférable en tant qu'instrument si la
demande de monnaie est relativement stable ou si les chocs sur la demande de
monnaie sont positivement corrélés avec ceux de la demande de
biens. Friedman (1975) lui considère cette comparaison comme
étant fauchée si l'on considère le taux
d'intérêt et la masse monétaire comme des instruments
directs de la politique monétaire.
A cette approbation de la masse monétaire comme
étant le meilleur instrument de la politique monétaire s'oppose
des auteurs comme Goodhart (1994) qui penche pour le taux
d'intérêt. Il affirme que si la banque centrale essaie d'avoir un
système de contrôle de la base monétaire, elle
échouera car cela lui est impossible. Aussi, l'emploi de la base
monétaire comme instrument entrainerait plus de variabilité du
taux d'intérêt à cout terme et les institutions
financières avec lesquelles travaillent les banques centrales n'aiment
pas cette variabilité du taux d'intérêt. Pour McCallum
(1997), deux raisons conduisent les banques centrales à retenir le taux
d'intérêt comme instrument de la politique monétaire.
Ainsi, la première raison est d'avoir des croyances concernant la
possible instabilité de l'instrument et la seconde raison est le
rôle de prêteur en dernier ressort que joue la banque centrale et
qui lui permet de prévenir des crises financières qui impliquent
une large hausse de la demande de base monétaire. Pour Creel et
Sterdyniak (1999), l'agrégat monétaire n'a plus de poids du fait
des innovations financières qui font perdre tout sens à un
objectif en termes d'agrégat monétaire. On note donc une
disparition de la transparence et de la contrôlabilité de la
politique monétaire (cas de l'Allemagne avec le contrôle de M3 par
la Bundesbank).
Nous pouvons donc conclure avec Taylor (1999) qu'utiliser une
règle s'appuyant sur un taux d'intérêt n'élimine pas
le concept d'offre et de demande de monnaie ; elle rend tout
simplement la monnaie endogène. Pour Taylor, la
connexion entre les règles d'offre de monnaies et des règles de
taux peut être utile. En période d'inflation très
élevée ou négative, les règles de taux
d'intérêt perdent de leur utilité parce que les
anticipations d'inflation changent et sont difficiles à mesurer.
Ces critères nous ont permis de comprendre pourquoi le
taux d'intérêt est un instrument privilégié des
banques centrales. Ainsi, nous allons par la suite présenter la fonction
de perte de la banque centrale.
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