Section 2 : CONTRAINTES QUI PESENT SUR LES REGLES
MONETAIRES
Par contraintes, nous entendons l'ensemble des conditions
requises pour qu'une règle monétaire puisse être
jugée apte (ou adéquate) à appréhender le
comportement d'une banque centrale en matière de conduite de la
politique monétaire. Raison pour laquelle après le consensus sur
l'utilisation de la règle par les banques centrales, plusieurs
économistes ont proposé différentes règles
monétaires. C'est ainsi qu'est né le débat règle
« activiste » contre règle « automatique » de
même que celui opposant les règles d'instrument aux règles
d'objectif. Après une présentation de ce débat, nous
donnons dans un second temps le cadre de mise en oeuvre d'une règle
monétaire.
A. La règle doit tenir compte du niveau de
l'activité économique
Le débat portant sur l'intégration du niveau de
l'activité comme facteur de prise de décision par les banques
centrales remonte à plusieurs décennies. Pour certains
économistes, une banque ne doit suivre qu'un objectif monétaire
(maintient de la stabilité des prix). Alors que pour d'autres, cette
stabilité des prix ne doit se faire sans prise en compte du niveau de
l'activité (par exemple le taux de chômage pour ce qui est de la
FED). Ce débat va donc ouvrir celui sur les règles
«activistes » et les règles automatiques ainsi que celui qui
oppose les règles d'instruments aux règles d'objectifs (1).
Après ce débat, nous statuons sur les caractéristiques
propres à la formulation d'une règle monétaire (2).
13
1. Règle automatique et règle
activiste
On dit d'une règle monétaire qu'elle est «
mécaniste9 » lorsqu'elle ne tient pas compte des
mouvements de l'économie et qu'elle s'intéresse uniquement
à l'évolution du taux d'inflation et des variables qui peuvent
influencer ce taux. La règle automatique qui a retenu beaucoup
d'attention est la règle de K-pourcent de Friedman (1960)10.
Simple règle de politique monétaire qui suppose que : « the
central bank maintain a constant rate of growth of the money supply.»
(Orphanides, 2007). Etant donné que Milton Friedman est un
monétariste (école de Chicago), il formule cette règle en
se basant sur l`équation des échanges, base de la théorie
quantitative de la monnaie. Ainsi, il obtient l'équation ci-après
:
Am + Av = g + Aq Où g E
Ap est le taux d'inflation ;
p, m, v et q sont (des logarithmes de),
respectivement, le niveau général des prix, le stock de monnaie
ou masse monétaire, la vitesse de circulation de la monnaie et la
production réelle. Sélectionnant le taux de croissance constant
de la monnaie, k, correspondant à la somme de l'objectif d'inflation
désirée g*, et du taux de croissance
potentiel de l'économie, Aq* , et ajustant
pour tout trend séculier de la vitesse de circulation de la monnaie,
Av* , suggère une simple règle qui
peut réaliser en moyenne l'objectif d'inflation désiré par
la banque central g* :
Am = g* + Aq* --
Av*.
Cette règle est donc indépendante de
l'état de l'économie et ce qui l'intéresse c'est le niveau
d'inflation. Orphanides (2007) affirme que davantage, si la vitesse de
circulation de la monnaie était parfaitement stable, cette règle
simple pourrait aussi produire un niveau élevé de la
stabilité économique. La condition qu'il pose lui-même sur
la vitesse de circulation de la monnaie nous permet de dire avec Drumetz et
Verdelhan (1997) que l'application aveugle de règles automatiques comme
celle de Friedman risque de conduire à une forte variabilité de
la production. Par conséquent, d'autres auteurs comme McCallum, Taylor
ont défini des règles non automatiques ou « activistes
» de politique monétaire.
Une règle « activiste » se définit
comme celle qui consiste à représenter et donc définir la
fonction de réaction de la banque centrale ou des autorités
monétaires qui, contrairement au cas des règles passives ou
mécanistes, prend en considération les « mouvements »
de l'économie. En fait, elle implique un réajustement continu des
instruments de politique monétaire en fonction de l'état de
l'économie. Elle comporte donc des éléments de feedback
(rétroaction).
Pour Martin, Durand et Payelle (1999), il existe trois types
de règles activistes. Ce qui les distingue est en fait la ou les cibles
choisies. Ainsi nous avons des règles en termes de PNB nominal, la
banque centrale intervenant en fonction de l'écart entre le PNB
nominal
9
Il est important de noter que les dénominations
règles automatiques et règles mécanistes sont des
synonymes dans la littérature économique.
10
Friedman (1960) est cité par Orphanides (2007)
14
constaté et le PNB nominal objectif. La seconde est une
règle directe d'inflation. Enfin, ils qualifient la troisième de
« règle mixte » dans la mesure où elle considère
à la fois l'écart d'inflation par rapport à l'objectif et
l'écart du revenu par rapport à sa cible.
Après cette analyse des règles automatiques et
activistes de politique monétaire, nous constatons que l'application
aveugle d'une règle automatique peut conduire à une forte
variabilité de la production et donc à une instabilité
pouvant entrainer l'économie dans un chaos général.
Surtout, les études menées par les économistes de
politique monétaire montrent que bien que les banques centrales aient
pour objectif statutaire le maintient du niveau général des prix
(excepté la FED qui précise clairement qu'elle a aussi un
objectif de réduction du chômage), elles tiennent aussi compte de
l'état de l'économie dans la conduite de leur politique Drumetz
et Verdelhan (1997) ; Tenou (2002) ; Kamgna et al (2009) ; etc.
A cause de cette prise en compte explicite ou implicite du
niveau de l'activité économique dans la conduite de la politique
monétaire, penser une règle automatique pour une banque centrale
serait ignoré certaines réalités pratiques dans la
formulation de règle de politique monétaire et donc ne plus
être en phase avec l'évolution des politiques monétaires
des banques centrales. Raison pour laquelle dans notre étude nous
considérons uniquement les règles activistes comme celle de
Taylor (1993) ou McCallum (1997) et non plus des règles «
automatiques » comme l'a pensé Friedman (1960).
Maintenant, il nous reste de faire la distinction entre les
règles d'objectif et les règles d'instrument.
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